CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00844, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 octobre 2023
Num22NT00844
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. GASPON
RapporteurMme Valérie GELARD
CommissaireMme BOUGRINE
AvocatsCAILLERE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Rennes d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles de traumatismes du genou gauche ". Cette requête a été transférée au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi.

Par un jugement n° 1905862 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 mars, 27 octobre 2022 et 22 juin 2023, M. B..., représenté par Me Caillere, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 janvier 2022 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

3°) d'annuler la décision du 19 octobre 2018 ;


4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros, et à tout le moins une somme correspondant au montant de l'aide juridictionnelle majorée de 50 %, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- l'expert médical mandaté par le ministre des armées a évalué son invalidité à 10 %, or ce taux ouvre droit à une pension militaire d'invalidité ;
- ce taux de 10 % est d'ailleurs sous-évalué au regard des séquelles qu'il conserve de ses accidents de service ; les rapports postérieurs à sa demande attestent d'une aggravation de son infirmité ;
- ces trois accidents sont imputables au service dans la mesure où les deux premiers ont été subis dans le cadre d'une mission en Guyane et que le troisième est survenu alors qu'il revenait d'un rendez-vous médical directement lié aux précédents accidents.

Par des mémoires, enregistrés les 29 septembre, 8 novembre 2022 et 25 juillet 2023 -non communiqué-, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., militaire de carrière pensionné au taux de 40 % pour un stress post-traumatique consécutif à une opération extérieure au Mali, a été blessé à trois reprises au genou gauche, les 10 octobre 2013 et 14 janvier 2014 alors qu'il était en mission en Guyane et le 1er septembre 2014 en France, en revenant d'une séance de kinésithérapie. Le 20 juillet 2015, l'intéressé a sollicité une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles qu'il conserve de ces traumatismes du genou gauche. Par une décision du 19 octobre 2018, le ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité résultant de cette infirmité était inférieur à 10 %. M. B... relève appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ".

3. Il ressort du rapport d'expertise du 19 septembre 2017, qu'à cette date, M. B..., qui a subi plusieurs interventions chirurgicales du genou gauche à la suite de ses trois accidents, avait pu reprendre son service actif et ses activités sportives de manière intensive à l'exception des sports en pivot. Il ne prenait plus de médicament et poursuivait des séances de kinésithérapie " d'entretien ". A l'examen médical, l'expert rhumatologue a constaté que l'intéressé marchait sans boiterie, que ses appuis bipodal et unipodal étaient normaux et qu'il pouvait s'accroupir et se relever sans problème. Si le bilan radiologique dont il disposait confirmait que ce militaire souffrait d'une arthrose du genou, il ne mettait pas en évidence de limitation de ses amplitudes articulaires. Il ne révélait pas davantage l'existence d'une amyotrophie, d'un syndrome rotulien, ou d'une instabilité du genou gauche. En dépit de ces constats, l'expert évaluait le taux d'invalidité de cette infirmité à 10 %. Toutefois, selon le guide barème, seule l'hydarthrose chronique à poussées récidivantes, avec amyotrophie marquée, ouvre droit à un taux compris entre 10 et 30 %, ce qui ne correspond pas à la pathologie de M. B.... Dans son avis du 1er février 2018, le médecin des pensions militaires d'invalidité a d'ailleurs proposé de retenir un taux inférieur à 10 % en l'absence de syndrome rotulien, alors que l'intéressé bien que souffrant d'arthrose du genou avait recouvré une mobilité normale et stable. Lors de sa séance du 17 octobre 2018, la commission de réforme a estimé, pour les mêmes motifs, que le taux d'invalidité de cette infirmité restait inférieur à 10 % et n'ouvrait dès lors pas droit à une pension militaire d'invalidité. La circonstance, à la supposée établie, que les séquelles que conserve M. B... de ces accidents se seraient aggravées ces dernières années, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, laquelle doit tenir compte de son état de santé à la date de sa demande de pension militaire d'invalidité présentée le 20 juillet 2015. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'imputabilité au service des trois accidents dont le requérant a été victime, le moyen tiré de ce que le ministre des armées aurait entaché sa décision d'illégalité ne peut qu'être écarté.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise pour les motifs indiqués au point précédent, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON


La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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N° 22NT00844