CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02627, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité et de condamner l'Etat à lui verser cette somme.
Par ordonnance du 10 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Melun a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Paris.
Par jugement n° 1914709/5-3 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, M. B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1914709 du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité ;
3°) de condamner le ministre des armées à lui verser la somme de 21 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé le retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, somme assortie des intérêts légaux à compter de la date de sa demande préalable ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal s'est mépris sur ses conclusions dès lors qu'il n'a pas attaqué une décision implicite de rejet de la commission de recours des militaires mais une décision expresse de rejet du 18 mai 2017 prise par le président de cette commission ;
- dès lors que la décision attaquée du 18 mai 2017 ne mentionnait pas les voies et délais de recours, ces derniers ne lui étaient pas opposables de sorte que c'est à tort que le jugement attaqué lui a opposé une forclusion ;
- le président de la commission de recours des militaires a entaché son ordonnance rejetant son recours pour incompétence d'une erreur de droit dès lors que la commission était compétente pour se prononcer sur sa demande ;
- le retard mis par le ministre de la défense pour traiter sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité constitue une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- ce retard lui a causé un préjudice financier en raison des difficultés qu'il a rencontrées pour rembourser un crédit bancaire qu'il évalue à 1 000 euros ;
- il lui a causé un préjudice moral qu'il évalue à 20 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé de faire droit à sa demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, tendant au versement d'une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par jugement n° 1914709 du 18 mai 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable.
3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
4. Ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu'il saisit une juridiction incompétente, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration. Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction saisie s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente.
5. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires des Hauts-de-Seine le 7 juin 2017 d'une contestation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des armées sur sa demande d'indemnisation préalable, décision implicite à laquelle s'est postérieurement substituée la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre le refus implicite de réparer les préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel lui a été concédée sa pension militaire d'invalidité. Par jugement du 28 novembre 2017, ce tribunal s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Melun le 27 février 2018. Pour juger que sa requête était tardive, les premiers juges ont considéré que le tribunal avait été saisi plus de deux mois après la notification du jugement du tribunal des pensions des Hauts-de-Seine, intervenue selon eux le 28 novembre 2017. En se bornant à soutenir qu'en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision du 18 mai 2017 précitée, aucun délai de recours ne lui était opposable, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, en cas de saisine d'une juridiction incompétente, le justiciable dispose d'un délai de deux mois à la suite de la décision par laquelle le premier juge qu'il a saisi s'est déclaré incompétent pour connaître de ce recours pour former un recours contre une décision administrative non assortie de la mention des voies et délais de recours, M. B... ne conteste pas utilement la forclusion qui lui a été opposée par le tribunal administratif de Paris.
6. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023.
La rapporteure,
A. COLLET La présidente,
A. MENASSEYRE
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02627