cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 04/06/2024, 22TL21214, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :
- sous le n° 2002381, de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à Sainte-Cécile-les-Vignes à lui rembourser la somme de 9 383,49 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 26 novembre 2016, de donner acte qu'elle accepte que la somme de 6 380 euros soit déduite de celle lui étant due à condition que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades justifie du paiement de cette somme à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- sous le n°2002383 de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à lui verser la somme de 98 196 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2020 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle a subis et de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2002381, 2002383 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes ainsi que les conclusions aux fins de non-lieu de l'établissement et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2022, complétée par des dépôts de pièces enregistrés les 15 mars et 2 avril 2024, Mme B... A..., représentée par Me Breuillot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002381, 2002383 du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à lui verser la somme de 98 196 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2020 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle a subis ;
3°) de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à lui rembourser la somme de 9 383,49 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 26 novembre 2016 ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son action n'est pas prescrite et est recevable ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
- l'établissement a méconnu ses obligations de sécurité et de prévention, ce qui a conduit à sa retraite pour inaptitude ; des conditions de travail trop intenses et des missions d'aide-soignante ne relevant pas de sa compétence lui ont été imposées d'octobre 2003 à janvier 2009 conduisant à son accident de service du 19 janvier 2009 ;
- elle n'a pas vu de médecin du travail avant un précédent accident de travail le 5 décembre 2006, ni au moment de sa reprise ; elle avait de surcroît déjà été victime d'un accident du travail dans l'établissement privé dans lequel elle exerçait précédemment à l'issue duquel le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste d'agent de service ; elle n'a pas passé de visite médicale lors de son engagement ou au moment de son affectation sur un poste de nuit alors qu'elle travaillait dans l'établissement depuis plus de 8 ans ; une surveillance médicale renforcée en raison du travail de nuit aurait dû être mise en place mais ce n'est qu'à compter de 2010, postérieurement à l'accident qu'elle a pu en bénéficier ; les préconisations du médecin du travail lors de sa visite du 9 décembre 2012, qui l'a déclarée apte avec restrictions en demandant d'éviter la manipulation de personnes dans l'attente d'un avis spécialisé, n'ont pas été suivies d'effets, ni les avis des 7 février et 23 mai 2013 demandant que ses horaires de travail soient limités à 4 heures par jour dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique ; les postes sur lesquels elle a été affectée impliquaient des ports de charge et de la manutention dont elle n'a pas été dispensée, ce qui explique la rechute de son accident du travail et la dégradation de son état de santé ;
- son employeur ne lui a pas proposé de solliciter un reclassement sur un autre emploi adapté à ses capacités physiques, ni n'a essayé d'aménager son poste, alors qu'elle était reconnue travailleur handicapé, ce qui laisse présumer une discrimination prohibée par l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- si elle n'avait pas été radiée des cadres à l'âge de 61 ans du fait de son invalidité, elle aurait pu travailler jusqu'à l'âge de 67 ans sans réduction de ses droits à pension ; le préjudice qui résulte de sa mise à la retraite forcée du fait de son inaptitude imputable au service résulte directement des manquements de l'administration à son obligation de prévention et de sécurité des agents peut être fixé à 98 186 euros pour perte de revenus ainsi qu'une indemnité au titre de ses souffrances physiques ou morales et ses préjudices esthétiques et d'agrément ;
- elle n'a pas été indemnisée de l'intégralité de son préjudice résultant de l'accident de service de 2009 sur le fondement de la responsabilité pour faute ou à défaut de la responsabilité sans faute et doit être remboursée de certains soins correspondants ;
En ce qui concerne la responsabilité fondée sur l'illégalité de la décision de radiation des cadres pour inaptitude :
- la décision de radiation des cadres du 23 mai 2016 ne pouvait prendre un effet rétroactif au 26 novembre 2015, l'administration devait la maintenir en congé de maladie à plein traitement en raison de son arrêt de travail pour accident de service jusqu'à sa mise à la retraite ;
- à supposer même qu'elle appartiendrait à la catégorie active au moment de son arrêt de travail pour accident de service et avait atteint 60 ans le 29 janvier 2015, elle n'a pas été mise à la retraite en raison de l'atteinte d'une limite d'âge mais parce que la commission de réforme la considérait définitivement inapte à reprendre ses fonctions et estimait qu'aucune mesure de reclassement n'était envisageable ; la limite d'âge prévue par l'article 1er de la loi du 18 août 1936 pour les personnels actifs de l'Etat, fixée à 60 ans pour le 4ème échelon, n'est pas applicable aux agents de la fonction publique hospitalière ; la seule limite d'âge qui puisse être appliquée aux agents de catégorie B de la fonction publique hospitalière est celle prévue pour le premier échelon de la catégorie B des agents de l'Etat ; les dispositions transitoires des articles 28 et 31 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, ainsi que de l'article 8 du décret du 30 décembre 2011 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat, ne lui sont pas applicables ;
- elle aurait pu d'ailleurs bénéficier d'un reclassement à la suite en particulier d'une formation professionnelle ;
- rien ne permet d'établir qu'elle était inapte à toutes fonctions.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades, représenté par le cabinet d'avocats Le Prado et Gilbert, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la demande indemnitaire de Mme A... fondée sur l'illégalité du titre exécutoire du 23 mai 2016 est irrecevable ; l'intéressée a eu connaissance du titre exécutoire émis à son encontre au plus tard le 19 janvier 2016, date à laquelle elle a à la fois formé un recours gracieux et adressé à l'établissement un chèque de 3 000 euros à titre de règlement partiel ; ce titre était devenu définitif lorsqu'elle a introduit le 13 août 2020 un recours indemnitaire fondé sur son illégalité ;
- rien ne s'oppose en toute hypothèse à ce qu'une décision d'admission à la retraite ait un effet rétroactif si cela est nécessaire pour tirer les conséquences de la limite d'âge ; or Mme A... avait atteint la limite d'âge le 26 novembre 2015 ; le décret du 3 août 2007 portant statut particulier des aides-soignants ne prévoit aucune limite d'âge ; il résulte de l'arrêté du 12 novembre 1969 que les aides-soignants relèvent de la catégorie B ; les dispositions de l'article 31 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ne modifient pas la limite d'âge fixée à 60 ans pour les agents nés avant le 1er janvier 1956 ;
- Mme A... n'avait aucun droit à être maintenue en activité au-delà de 60 ans de sorte que la non perception des revenus jusqu'à l'âge de 67 ans est sans lien avec la faute qu'elle invoque ;
- l'établissement n'a pas manqué à ses obligations d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de ses agents ; le statut de Mme A... au moment où elle a commencé à exercer ses fonctions d'aide-soignante n'a joué aucun rôle dans la survenue de l'accident de service ; au moment de l'accident au mois de janvier 2009 elle était aide-soignante en voie de titularisation ; elle n'a jamais été soumise à un rythme de travail supérieur aux maxima prévus par la réglementation ; aucun lien ne peut être établi entre les congés repoussés et son accident de service ; elle a bénéficié d'un suivi étroit à compter de septembre 2007 et d'une visite médicale en 2008 ; il ne ressort pas des pièces du dossier que ses horaires n'auraient pas été respectés lors de son retour à mi-temps ;
- aucune indemnisation supérieure à 34 881,56 euros, correspondant à une différence de revenus de 4 983,08 euros par an durant sept ans ne pourrait en tout état de cause être accordée.
Par une ordonnance du 11 mars 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2024 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code du travail ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-831 du 13 septembre 1984 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., agent des services hospitaliers de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à Sainte-Cécile-les-Vignes (Vaucluse), a été victime, le 19 janvier 2009, d'un accident reconnu imputable au service par une décision du 30 janvier 2013 puis, le 6 novembre 2013, d'une rechute, reconnue en lien avec cet accident. Mme A..., entretemps titularisée d'abord sous le même statut, puis le 17 juillet 2010, en qualité d'aide-soignante, a alors subi une intervention chirurgicale et bénéficié d'arrêts de travail jusqu'au 23 mai 2016. Après qu'une inaptitude totale à toutes fonctions ait été constatée, la commission de réforme a rendu, le 25 mars 2015, un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité. Par une décision du 23 mai 2016 prise après avis favorable de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades a placé Mme A... à la retraite pour invalidité et l'a radiée des cadres à compter du 26 novembre 2015. Un titre exécutoire d'un montant de 9 383,49 euros a été émis le 23 mai 2016 à l'encontre de l'intéressée au motif de salaires indûment perçus du 26 novembre 2015 au 31 mai 2016. Mme A... a sollicité, le 22 juillet 2016, la remise gracieuse de cette somme, demande rejetée par décision du 22 juillet 2016. L'intéressée a demandé, le 26 novembre 2019, le remboursement de cette somme puis, par réclamation du 21 février 2020, a sollicité l'indemnisation de divers préjudices à raison des manquements aux obligations de sécurité et de prévention des risques professionnels qu'elle impute à son employeur, demande implicitement rejetée. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à réparer ses préjudices chiffrés à hauteur de 98 196 euros et à lui rembourser la somme de 9 383,49 euros. Par un jugement n° 2002381, 2002383 du 24 mars 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
2. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable à l'espèce : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article L. 4111-1 du code du travail : " (...) les dispositions de la (...) partie [relatives à la santé et à la sécurité au travail] sont applicables (...) 3° Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ". Aux termes de l'article L. 4121-1 de ce code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail 2° Des actions d'information et de formation 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités 3° Combattre les risques à la source/ 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. ".
3. Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet. A ce titre, il leur incombe notamment de prendre en compte, dans les conditions prévues par les dispositions ci-dessus rappelées, les propositions d'aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents, que les médecins du travail sont seuls habilités à émettre.
4. Mme A... soutient qu'elle a travaillé durant de nombreuses années sur des périodes de sept nuits consécutives de 20 heures à 6 heures du matin, qu'elle a également été amenée à travailler trois nuits consécutives entre le 30 décembre 2008 et le 1er janvier 2009, puis entre le 9 janvier 2009 et le 11 janvier 2009, puis de nouveau les 14 et 15 janvier 2009 juste avant l'accident du 19 janvier 2009, que son rythme biologique aurait été bouleversé par des horaires de nuit une ou deux fois par mois et qu'elle ne pouvait se reposer durant les 4 heures de pauses méridiennes dont elle bénéficiait au regard de l'éloignement de son domicile de son lieu de travail. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le médecin du travail ait alors porté de contre-indications au travail de nuit ou de restrictions spécifiques en raison des difficultés rencontrées par l'intéressée pour prendre du repos durant ses 4 heures de pause méridienne, ni que l'établissement ait méconnu la réglementation sur le temps de travail applicable à sa situation ou qu'il ait été alerté, avant son accident, d'une situation de surmenage de nature à altérer sa sécurité ou son état de santé. A supposer par ailleurs que l'établissement ait commis des fautes en n'ayant pas organisé le suivi médical de Mme A... depuis son recrutement en qualité d'agent contractuel en 1999 alors qu'elle avait été licenciée d'un précédent emploi dans une autre maison de retraite à la suite de son inaptitude physique consécutive à un accident de travail, en n'organisant pas de visite médicale lors de sa reprise du travail en 2006 après un précédent accident du travail, il est constant qu'un suivi médical a été mis en place le 18 septembre 2007 lors du recrutement de l'intéressée en qualité d'agent des services hospitaliers stagiaire au cours duquel Mme A... a pu faire connaître ses antécédents médicaux et son état de santé. Elle a ensuite bénéficié le 28 octobre 2008 d'une visite de suivi du médecin du travail, quelques mois avant son accident du 19 janvier 2009. Le suivi médical renforcé préconisé par le médecin du travail à compter du mois de novembre 2010 a été mis en place et Mme A... a bénéficié d'une visite médicale le 4 novembre 2011, les 29 février et 9 novembre 2012, et les 7 février et 23 mai 2013. Il ne résulte pas par ailleurs de l'instruction que Mme A... n'ait pas bénéficié de l'ensemble des congés annuels auxquels elle pouvait prétendre. Dans ces conditions, il n'est pas établi que de tels manquements seraient en lien direct et certain avec l'accident de service du 19 janvier 2009. Il n'est pas non plus établi que Mme A... ait été obligée de réaliser des journées de travail supérieures aux horaires imposés lors de sa reprise à temps partiel thérapeutique au mois de janvier 2013 jusqu'au mois de mars 2013 où elle a été déclarée apte à la reprise à plein temps par le médecin du travail, ni que les restrictions médicales du mois de novembre 2012 tenant à une aide à la manipulation pour les personnes à mobilité réduite et celle du 26 mai 2013 tenant à éviter dans la mesure du possible les manipulations pénibles, n'auraient pas été respectées. L'intéressée ne donne par ailleurs aucune indication sur les conséquences qu'aurait eues sur sa santé ou sa sécurité, l'exercice des fonctions d'aide-soignante, statut qu'elle n'a obtenu que le 17 juillet 2010, plutôt que celles d'agent des services hospitaliers qualifié dont elle détenait le statut au moment de son accident de travail au mois de janvier 2009.
5. Mme A... soutient également que son employeur a méconnu son obligation de reclassement alors qu'elle a été reconnue travailleur handicapé au mois d'avril 2013 et qu'elle ne disposait pas du nombre de trimestres requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Toutefois, l'intéressée, en arrêt de travail jusqu'au 4 février 2013, avait été déclarée apte à ses fonctions avec une reprise à mi-temps thérapeutique et aide pour la manipulation des personnes à mobilité réduite par avis du 7 février 2013 du médecin du travail, puis le 23 mai 2013, apte à la reprise à temps plein en évitant dans la mesure du possible les manutentions pénibles. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'est pas établi que ces aménagements n'auraient pas été respectés. Elle a de nouveau été en arrêt de travail en raison de la rechute de son accident de service à compter du 6 novembre 2013 et reconnue inapte définitivement à ses fonctions et à toutes fonctions par l'avis de la commission de réforme du 25 mars 2015 et l'expertise du 18 février 2015, de sorte qu'elle ne pouvait effectivement bénéficier d'un reclassement ou d'un aménagement de poste. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'établissement aurait méconnu son obligation de reclassement, ni au demeurant qu'elle aurait fait l'objet d'une discrimination prohibée par l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades a méconnu ses obligations de sécurité et de prévention, conduisant à sa mise à la retraite pour inaptitude. Par suite, la demande de Mme A... sollicitant l'indemnisation des préjudices résultant d'un manquement à ces obligations ne peut qu'être rejetée.
En ce qui concerne la mise à la retraite :
7. Aux termes du I de l'article 31 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " I. ' Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d'âge est inférieure à soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l'entrée en vigueur de la présente loi, la limite d'âge est fixée : / 1° A cinquante-sept ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-cinq ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1965 ; / 2° A cinquante-neuf ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-sept ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963 ; / 3° A soixante ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-huit ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962 ; / 4° A soixante et un ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-neuf ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1961 ; / 5° A soixante-deux ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à soixante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1960 ; / 6° A soixante-quatre ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à soixante-deux ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1958 ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires dont elles sont issues, que le législateur a entendu régir l'ensemble des fonctionnaires de la catégorie B, dite " active ", par les dispositions de l'article 31. Il résulte également des mêmes travaux préparatoires que, s'agissant des agents de la fonction publique hospitalière, le législateur a entendu fixer la nouvelle limite d'âge maximale applicable aux agents occupant un emploi de catégorie B, dite " active ", à soixante-deux ans.
8. Aux termes du premier alinéa de l'article 1-3 de la loi susvisée du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public alors en vigueur : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique. (...) ".
9. Le II de l'article 31 précité de la loi du 9 novembre 2010, dans sa version résultant des modifications apportées par la loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011, et l'article 8 du décret susvisé du 30 décembre 2011 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat, prévoient une application progressive du relèvement de la limite d'âge de 60 à 62 ans, pour les agents nés avant le 1er janvier 1960. Dès lors qu'en vertu de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, applicable aux agents titulaires de la fonction publique hospitalière, l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite était fixé, pour les agents de la catégorie active, à 55 ans avant l'intervention de la loi du 9 novembre 2010, cette limite d'âge reste fixée à 60 ans pour les agents nés avant le 1er juillet 1956, est fixée à 60 ans et 4 mois pour les agents nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1956 qui ont atteint l'âge de 55 ans entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011, à 60 ans et 9 mois pour les agents nés en 1957 qui ont atteint l'âge de 55 ans en 2012 et à 61 ans et deux mois pour les agents nés en 1958 qui ont atteint l'âge de 55 ans en 2013.
10. Mme A... occupait un emploi relevant de la catégorie B dite " active ", de sorte que seules les dispositions de l'article 31 de la loi du 9 novembre 2010 citées ci-dessus, lesquelles doivent être regardées comme ayant fixé à soixante-deux ans la plus haute limite d'âge applicable aux agents de la fonction publique hospitalière occupant un emploi de cette catégorie, lui étaient applicables. Compte tenu des dispositions transitoires précitées, la limite d'âge applicable à Mme A..., née le 29 janvier 1955, était ainsi de soixante ans.
11. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.
12. Mme A... soutient qu'étant couverte par un congé de maladie ordinaire jusqu'au 23 mai 2016 en raison de son accident de service, l'établissement avait l'obligation de la maintenir dans cette position jusqu'à l'épuisement de ce congé et ne pouvait prononcer sa mise à la retraite rétroactive. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 10, l'intéressée était atteinte par la limite d'âge dès le 29 janvier 2015 et reconnue inapte définitivement à toutes fonctions à la suite de l'avis de la commission de réforme du 25 mars 2015 et l'expertise du 18 février 2015. Elle ne pouvait dès lors se prévaloir des dispositions de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 lesquelles conditionnent une prolongation de l'activité à l'intérêt du service et à l'aptitude physique. Mme A... n'apporte par ailleurs aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles elle n'était pas en réalité inapte à toutes fonctions. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, le moyen tiré de ce qu'elle aurait pu bénéficier d'un reclassement doit être écarté. La circonstance que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ne se serait pas fondée sur le motif de la limite d'âge atteinte mais sur son inaptitude est sans incidence sur l'absence de caractère fautif de la décision du 23 mai 2016. Par suite, le moyen tiré de la rétroactivité illégale de la décision du 23 mai 2016 portant mise à la retraite à compter du 26 novembre 2015 doit être écarté. L'intéressée n'est donc pas fondée, en tout état de cause, à solliciter le remboursement, pour ce motif, de la somme de 9 383,49 euros correspondant aux salaires indûment perçus du 26 novembre 2015 au 31 mai 2016.
En ce qui concerne l'indemnisation intégrale de l'accident de service de 2009 :
13. Mme A... persiste en appel, sans critique du jugement sur ce point, à solliciter l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice résultant de l'accident de service de 2009. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal administratif de Nîmes aux points 20 et 21 de son jugement.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à Sainte-Cécile-les-Vignes, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande Mme A... sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions au bénéfice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à Sainte-Cécile-les-Vignes.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à Sainte-Cécile-les-Vignes présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Arcades à Sainte-Cécile-les-Vignes.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
La rapporteure,
C. Arquié
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21214