CAA de NANCY, Juge des référés, 11/03/2025, 25NC00171, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 mars 2025
Num25NC00171
JuridictionNancy
FormationJuge des référés
AvocatsRENOULT

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2023, M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une provision de 30 000 euros au titre de la réparation des préjudices personnels et patrimoniaux qui ont résulté de l'accident du travail dont il a été victime, sur le fondement des dispositions de l'article R.541-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2303023 du 16 janvier 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2025, M. B..., représenté par Me Renoult, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 janvier 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, à titre de provision, la somme de 30 000 euros;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :

-la créance n'est pas sérieusement contestable dès lors qu'il peut prétendre à la réparation de l'ensemble des préjudices personnels et patrimoniaux qui ont résulté de l'accident du travail dont il a été victime, exception faite des préjudices réparés forfaitairement par l'allocation temporaire d'invalidité sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'État ;
- son accident a été reconnu imputable au service ;
- son déficit fonctionnel temporaire est estimé à 13 630 euros ;
- ses souffrances endurées avant consolidation sont estimées à 50 000 euros ;
- son préjudice lié au recours à une tierce personne avant consolidation est estimé à 17 396 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent est estimé à 290 250 euros ;
- son préjudice esthétique est estimé à 4 000 euros ;
- son préjudice d'agrément est estimé à 30 000 euros ;
- son préjudice sexuel est estimé à 50 000 euros ;
- son préjudice lié au recours à une tierce personne après consolidation est estimé à 364 755,96 euros ;
- ses frais divers sont estimés à 2 000 euros.


Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2025, le ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de M. B....


Il soutient que :

- la créance dont se prévaut M. B... est sérieusement contestable.



Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.



Considérant ce qui suit :

1. Le 19 février 2020, M. A... B..., alors secrétaire administratif de classe supérieure à la direction départementale de la cohésion sociale de la Moselle, a été victime d'un arrêt cardio-respiratoire sur son lieu de travail. Par décision de la directrice départementale de la cohésion sociale du 6 mai 2020 cet accident a été reconnu comme imputable au service. Par arrêté du 6 septembre 2022, M. B... a été radié des cadres et admis en retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 22 octobre 2021. Par lettre du 31 mars 2023 M. B... a adressé auprès de la direction départementale du travail, de l'emploi et des solidarités de la Moselle une demande préalable tendant à la réparation des préjudices résultant de son accident de service. Cette demande a été rejetée. M. B... a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une provision de 30 000 euros. M. B... forme appel de l'ordonnance du 16 janvier 2025 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande de provision.

Sur la demande de provision :

2. Aux termes de l'article R541-1 du code de justice administrative :" Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il appartient au juge des référés, pour statuer sur le caractère non sérieusement contestable d'une obligation, de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

3. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services.

4. Les dispositions mentionnées au point précédent déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par cet accident de service ou cette maladie professionnelle, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne publique.
5. Il ressort du rapport d'expertise du 5 avril 2024, réalisé à la demande du tribunal administratif de Strasbourg, que M. B... présentait des troubles dégénératifs dont l'origine n'est pas professionnelle avant qu'il ne soit victime d'un arrêt cardiaque sur son lieu de travail le 19 février 2020.
6. De plus, par un arrêté ministériel du 6 septembre 2022 qu'il n'a pas contesté, M. B... a été radié des cadres et admis en retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 22 octobre 2021.

7. Il résulte de ces éléments que l'existence de la créance dont se prévaut M. B... ne présente pas le caractère non sérieusement contestable mentionné à l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de provision.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes sollicitées par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions formulées en ce sens doivent, en conséquence, être rejetées.

ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle et au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités Grand Est.
La présidente,
Signé : P. Rousselle
La République mande et ordonne au ministre en charge de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 25NC00171