CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 11/03/2025, 23MA02835, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 11 mars 2025 |
Num | 23MA02835 |
Juridiction | Marseille |
Formation | 4ème chambre |
President | M. MARCOVICI |
Rapporteur | M. Stéphen MARTIN |
Commissaire | Mme BALARESQUE |
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'enjoindre au ministre des armées de fixer le taux d'invalidité de son infirmité " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit " à 15 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 22 août 2019.
Par un jugement n° 2103561 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de M. B... A... en fixant le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Hydarthrose modérée. Amyotrophie quadricipitale. Limitation de la flexion à 100 degrés " à 15% à compter du 22 août 2019.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 novembre 2023, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2103561 du 27 septembre 2023 du tribunal administratif de Marseille.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, d'erreur d'appréciation, d'un défaut de base légale et d'un défaut de motivation ;
- ainsi et en premier lieu, il comporte une erreur en ce qu'il fait référence à un rapport du 11 août 2022 au lieu du 7 juillet 2020 ;
- en deuxième lieu, le tribunal s'est fondé à tort sur les dispositions de l'article
L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors qu'il aurait dû se fonder sur les dispositions combinées des articles L. 121-8, L. 125-1, L. 151-6 et
R. 121-4 de ce code, s'agissant d'une demande de renouvellement d'une pension concédée à titre temporaire ;
- en troisième lieu, le tribunal a méconnu les articles L. 125-1 et L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en reprenant le libellé de l'infirmité à la date de la première concession et donc en intégrant des pathologies ayant disparu ;
- enfin, le tribunal ne pouvait retenir un taux d'invalidité stable à 15 % en dépit d'une amélioration de la flexion du genou ; il en résulte que l'évaluation du taux de l'infirmité n'a pas été réalisée sur la base de la gêne fonctionnelle ainsi que le prévoit l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
La requête a été communiquée à M. B... A..., qui n'a pas produit d'observations.
Un courrier du 6 décembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., engagé dans la légion étrangère le 18 septembre 2001 et radié des contrôles le 16 février 2026, s'est vu concéder, par décision du 10 septembre 2018, une pension militaire d'invalidité à titre temporaire au taux de 15 % pour une durée de trois années à compter du 22 août 2016, au titre de l'infirmité " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Hydarthrose modérée. Amyotrophie quadricipitale. Limitation de la flexion à 100 degrés ". Le 2 janvier 2020, il a sollicité le renouvellement de sa pension au titre de cette infirmité et présenté une demande pour une infirmité nouvelle affectant son genou gauche. Par décision du 14 septembre 2020, le ministre de la défense a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur le renouvellement de pension au titre de la première infirmité, relative au genou droit, en raison d'un taux d'infirmité inférieur au minimum indemnisable de 10 %, conformément à l'avis émis le 5 août 2020 par le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité. Saisie d'un recours par M. B... A...,
la commission de recours de l'invalidité, par décision du 17 mars 2021, a partiellement fait droit à ses demandes, notamment en fixant, en son article 2, à 10 % le taux d'invalidité de l'infirmité pensionnée, désormais intitulée " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Pas d'hydarthrose. Pas d'amyotrophie quadricipitale droite. Limitation de la flexion à 130 degrés. Tiroir antérieur " à compter du 22 août 2019. Par un jugement du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille, saisi par M. B... A..., a décidé que le taux d'invalidité de cette infirmité, qu'il a intitulée " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Hydarthrose modérée. Amyotrophie quadricipitale. Limitation de la flexion à 100 degrés ", devait être fixée à 15 % à compter du 22 août 2019. Il s'agit du jugement dont la ministre des armées relève appel dans la présente instance.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension a un caractère définitif lorsque l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. A défaut, la pension est concédée pour trois ans et peut être convertie en pension définitive dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 121-3 dudit code : " La pension temporaire est concédée pour trois années à compter du point de départ défini à l'article L. 151-2. / Elle est convertible en pension définitive à l'issue d'une ou de plusieurs périodes de trois ans, après examens médicaux. ". Et aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " A l'issue du délai de trois ans, pour la ou les infirmités résultant uniquement de blessures, la situation du pensionné doit être définitivement fixée : / 1° Soit par la conversion de la pension temporaire en pension définitive à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif ; / 2° Soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au minimum indemnisable de 10 %, par la suppression de la pension. ".
3. D'autre part, selon l'article L. 151-6 dudit code : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 (...). / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ".
4. En application de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée et cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 151-6 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, pour fixer à 15 % le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Hydarthrose modérée. Amyotrophie quadricipitale. Limitation de la flexion à 100 degrés " pour une durée de trois ans à compter du 22 août 2016, la ministre des armées s'est appuyée sur le rapport d'expertise médicale du 3 avril 2018 faisant état, dans les suites de la ligamentoplastie du genou droit dont a bénéficié M. B... A..., de l'existence d'une hydarthrose modérée, d'un tiroir de 5 mm, d'une palpation douloureuse du ménisque interne, d'une amyotrophie quadricipitale de moins 2 cm par rapport au côté gauche, et d'une limitation de la flexion à 100 degrés. Si, dans le cadre de l'instruction de la demande de renouvellement de la pension militaire d'invalidité déposée par M. B... A... à l'expiration du délai de trois ans, le médecin expert mandaté par l'administration a proposé que le taux de l'infirmité pensionnée soit maintenu à 15 %, il a toutefois relevé que la marche de l'intéressé est réalisée normalement, sans boiterie, y compris sur la pointe des pieds et les talons. L'expert, qui relève certes la persistance d'un petit tiroir antérieur et d'une douleur à la palpation de l'interligne interne, constate néanmoins que la limitation de la flexion est passée de 100 degrés en 2016 à 130 degrés, l'extension étant par ailleurs normale à zéro degré et le patient stable en position debout. Par ailleurs, si l'expert évoque une amyotrophie persistante, il n'a toutefois pas comparé son évolution par rapport à la première expertise, mais a seulement procédé à un relevé de mensuration à 43 centimètres, soit un centimètre de plus qu'à gauche, et procédé à un test musculaire dont les résultats, cotés à 5 sur une échelle de 0 à 5, ont révélé une force musculaire normale. Enfin, le médecin, qui conclut sans équivoque à l'augmentation de la mobilité à droite par rapport à la précédente expertise, n'a pas objectivé la persistance de l'hydarthrose diagnostiquée le 3 avril 2018, pathologie qui se manifeste par un gonflement à l'effort du genou provoquant des douleurs, ni associé, au petit genu varum retrouvé sur le membre inférieur droit, une quelconque gêne fonctionnelle. Il en résulte qu'en dépit d'un appui unipodal précaire et d'un accroupissement qualifié de très difficile, au demeurant également imputable à l'infirmité affectant le genou gauche de l'intéressé, ainsi que de l'existence de douleurs persistantes sur l'articulation droite, l'état de santé de M. B... A... s'est amélioré par une diminution des gênes fonctionnelles observées en 2018. L'intimé, qui n'a pas produit en cause d'appel, n'établit pas, par les éléments médicaux produits en première instance, dont seuls ceux décrivant son état de santé à la date de sa demande de renouvellement de pension peuvent utilement être pris en compte, que sa pathologie aurait justifié que lui soit appliqué un taux supérieur à 10 %, compte tenu de la gêne fonctionnelle résultant de l'état de son genou droit à la date de cette demande.
6. De plus, alors que, par sa décision du 17 mars 2021, la commission de recours de l'invalidité a fixé à 10 % le taux de l'invalidité, désormais intitulée " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Pas d'hydarthrose. Pas d'amyotrophie quadricipitale droite. Limitation de la flexion à 130 degrés. Tiroir antérieur ", il résulte de ce qui a été exposé au point précédent qu'en raison de l'évolution de l'infirmité de M. B... A... entre la date à laquelle sa pension lui a été concédée à titre temporaire et celle à laquelle il en a sollicité le renouvellement, marquée notamment par la disparition de l'hydarthrose et l'amélioration de la flexion, qui est passée de 100 degrés à 130 degrés, le tribunal ne pouvait, ainsi que le soutient la ministre des armées, décider du renouvellement de la pension de l'intimé à compter du 22 août 2019 pour une infirmité au libellé inchangé, à savoir " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Hydarthrose modérée. Amyotrophie quadricipitale. Limitation de la flexion à 100 degrés ".
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a décidé que M. B... A... avait droit au renouvellement de sa pension militaire d'invalidité au titre d'une infirmité intitulée " séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit traité par ligamentoplastie. Hydarthrose modérée. Amyotrophie quadricipitale. Limitation de la flexion à 100 degrés " au taux de 15 %. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. B... A... présentée devant le tribunal administratif de Marseille.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2103561 du 27 septembre 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. C... B... A....
Délibéré après l'audience du 25 février 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 11 mars 205.
N° 23MA02835 2