CAA de NANCY, 5ème chambre, 18/03/2025, 22NC00896, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 18 mars 2025 |
Num | 22NC00896 |
Juridiction | Nancy |
Formation | 5ème chambre |
President | M. DURUP DE BALEINE |
Rapporteur | Mme Nolwenn PETON |
Commissaire | Mme BOURGUET |
Avocats | SELARL RICHARD ET LEHMANN |
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle le président de la métropole du Grand Nancy a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et, d'autre part, d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le président de la métropole du Grand Nancy a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ou, subsidiairement, de désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec notamment pour mission de dire si sa pathologie est imputable au service, de fixer la date de consolidation, de dire si elle doit reprendre sur un poste adapté et de fixer le taux d'incapacité permanente partielle.
Par un jugement n° 2000126, 2002822 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2022, et un mémoire enregistré le 14 février 2025 et non communiqué, Mme A..., représentée par Me Richard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec notamment pour mission de dire si sa pathologie est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions et de dire si sa pathologie entraine une incapacité permanente partielle de 25 % ;
3°) de mettre à la charge de la métropole du Grand Nancy une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que sa pathologie est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions et entraine une incapacité permanente de 25 %.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2022, la métropole du Grand Nancy, représentée par Me Luisin, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête n'est pas recevable et que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Luisin pour la métropole du Grand Nancy.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., professeure d'enseignement artistique territoriale hors classe titulaire, a été recrutée en qualité de directrice adjointe du conservatoire régional de la métropole du Grand Nancy en 2006. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 13 mars 2019 en raison d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Mme A... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie le 5 juin 2019. Par un arrêté du 20 novembre 2019, le président de la métropole du Grand Nancy a refusé de faire droit à cette demande. Cette décision a été confirmée par un arrêté du 20 octobre 2020. Mme A... relève appel du jugement du 23 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
2. La requête présentée par Mme A... contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge d'appel. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que, faute de satisfaire aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, cette requête est irrecevable, ne peut qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ". Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017.
4. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.
5. En l'espèce, Mme A... a sollicité le 5 juin 2019 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié d'un arrêt de travail de prolongation à compter du 20 mars 2019 en raison d'une dépression réactionnelle à des problèmes professionnels. En conséquence, la pathologie a été diagnostiquée à une date antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Par suite, seules les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 citées au point 3 étaient applicables.
6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.
7. En l'espèce, un premier psychiatre agréé a rendu un rapport le 21 mai 2019 indiquant que Mme A... présente une décompensation anxiodépressive avec idéations suicidaires évoluant dans le cadre du travail et concluant que " le trouble devrait être reconnu en tant que maladie professionnelle ". Un second rapport d'expertise, réalisé le 28 janvier 2020 à la demande de la commission administrative paritaire dans le cadre de la demande de réexamen présentée par Mme A..., estime que " la pathologie présentée par Mme A... doit être reconnue comme maladie professionnelle hors tableau ". La commission de réforme a alors émis un avis favorable le 14 mai 2020. Enfin, un dernier rapport rendu à la demande de la métropole du Grand Nancy le 5 septembre 2020 précise que " La pathologie présentée par Mme A... doit être considérée comme entrant dans le cadre d'une maladie professionnelle hors tableau ". En conséquence, il est établi que la pathologie dont souffre Mme A... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Par suite, en considérant que la maladie n'était pas imputable au service, le président de la métropole du Grand Nancy a entaché ses décisions des 20 novembre 2019 et 20 octobre 2020 d'une erreur d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole du Grand Nancy, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000126, 2002822 du tribunal administratif de Nancy du 23 février 2022 est annulé.
Article 2 : Les décisions des 20 novembre 2019 et 20 octobre 2020 par lesquelles le président de la métropole du Grand Nancy a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... sont annulées.
Article 3 : La métropole du Grand Nancy versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la métropole du Grand Nancy.
Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne à la préfète de Meurthe-et-Moselle en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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