CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 18/03/2025, 23VE01750, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 18 mars 2025 |
Num | 23VE01750 |
Juridiction | Versailles |
Formation | 2ème chambre |
President | M. EVEN |
Rapporteur | Mme Barbara AVENTINO |
Commissaire | M. FREMONT |
Avocats | NURET |
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Sous le numéro 2101225, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre par la trésorerie d'Orléans municipale Sud Loire le 16 novembre 2016 d'un montant de 6 444,31 euros, ainsi que la saisie administrative à tiers détenteur notifiée par la trésorerie d'Orléans municipale et métropole le 4 février 2021 d'un montant de 375,55 euros, de prononcer la décharge de son obligation de payer la somme de 6 444,31 euros et de condamner la commune d'Olivet à lui rembourser la somme de 6 444,31 euros.
II. Sous le numéro 2102910, Mme A... a demandé au même tribunal de condamner la commune d'Olivet à lui verser une somme de 10 935,66 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité prétendue de la procédure de répétition d'indu entreprise par la commune et d'enjoindre à la commune d'Olivet de lui verser la somme précitée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la date du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2101225 et 2102910 du 11 mai 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de la requête n° 2101225 tendant à l'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur notifiée le 4 février 2021, ainsi que les conclusions de la requête n° 2102910 tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de la méconnaissance par la commune d'Olivet de l'interdiction des procédures d'exécution consécutivement à la recevabilité de sa demande en traitement de sa situation d'endettement par la voie du surendettement comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a condamné la commune d'Olivet à verser à Mme A... la somme de 2 500 euros et a rejeté le surplus de ces conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 juillet 2023 et le 1er février 2025, Mme A..., représentée par Me Nuret, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant au remboursement du trop-perçu de rémunération à titre de réparation d'un préjudice financier comme irrecevables ;
2°) de condamner la commune d'Olivet à lui verser la somme correspondant aux traitements nets récupérés et à verser à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales les cotisations y afférentes ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune d'Olivet de lui rembourser cette somme, sous astreinte de 100 euros par jour suivant la mise à disposition de l'arrêt ;
4°) et de mettre à la charge de la commune d'Olivet la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A... soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il déclare irrecevables ses conclusions tendant au remboursement du trop-perçu de rémunération à titre de réparation d'un préjudice financier ;
- son recours indemnitaire rejeté implicitement n'a pas la même portée que sa demande d'annulation du titre de recette du 16 novembre 2016, faisant ainsi échec à l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 9 mars 2018, communauté de communes du pays roussillonnais, n° 405355 ;
- le titre de recette du 16 novembre 2016 ne présente pas un caractère purement pécuniaire dès lors qu'il emporte également des effets juridiques sur sa situation statutaire.
Par un courrier du 15 décembre 2023, le président de la 6ème chambre de la cour a, sur la demande exprimée par Mme A... par un courrier enregistré le 22 novembre 2023, proposé au maire de la commune d'Olivet l'organisation d'une mission de médiation pour tenter de parvenir à un accord entre les parties.
Par une lettre enregistrée le 14 mars 2024, le maire de la commune d'Olivet a refusé cette proposition.
La requête a été communiquée à la commune d'Olivet qui n'a pas produit de défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... a été recrutée par la commune d'Olivet le 27 janvier 1999 en tant qu'adjointe administrative de deuxième classe titulaire. Elle a été placée en congé de maladie à compter de l'année 2011, puis en congé de longue durée. La commission de réforme a émis un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité le 3 septembre 2015. Le maire de la commune d'Olivet a, par un arrêté du 5 janvier 2016, placé Mme A... en retraite pour invalidité à compter du 4 septembre 2015. Elle s'est vu notifier un brevet de pension par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) le 6 juillet 2016, laquelle a été liquidée à compter du 4 septembre 2015. La trésorerie d'Orléans municipale Sud Loire a émis à l'encontre de Mme A... un titre exécutoire le 16 novembre 2016, d'un montant de 6 444,31 euros, correspondant à un indu de demi-traitements perçu entre le 4 septembre 2015 et le 6 juillet 2016. Mme A... a adressé à la commune d'Olivet, le 9 avril 2021, une réclamation indemnitaire tendant au versement d'une somme de 10 517,70 euros à titre d'indemnité fondée sur l'engagement de la responsabilité de la commune du fait de l'illégalité de la procédure de répétition d'indu entreprise. Le silence gardé par la commune d'Olivet pendant une durée de deux mois a fait naître une décision implicite de rejet de cette demande. Mme A... fait appel du jugement n° 2101225 et 2102910 du 11 mai 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation de son préjudice financier lié au remboursement illégal du trop-perçu de rémunération.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
3. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.
4. Pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... comme irrecevables, le tribunal administratif d'Orléans a retenu que l'intéressée n'était plus recevable à contester le titre exécutoire du 16 novembre 2016 dont elle s'était acquittée, d'abord au moyen d'un versement spontané remontant à janvier 2017, puis de retenues pratiquées en vertu d'une opposition à tiers détenteur du 26 janvier 2018, lequel avait un objet exclusivement pécuniaire. Contrairement à ce que soutient Mme A..., le titre exécutoire précité, par lequel un employeur décide de récupérer les traitements qu'il estime avoir indûment versés à un agent à la suite du versement rétroactif, pour la même période, d'une pension, n'emporte pas d'effet juridique sur sa situation individuelle statutaire et notamment sur la date à laquelle cet agent a été placé en situation de retraite. En outre, à supposer même que ce titre exécutoire puisse avoir des conséquences sur le montant de sa pension, en raison de l'absence de versement de charges patronales ou salariales, ces effets seraient, là-encore, exclusivement financiers, de sorte que ce titre doit être regardé comme ayant un objet purement pécuniaire.
5. Il en résulte qu'en rejetant comme irrecevables les conclusions de Mme A... tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette répétition d'indu de rémunération, au motif que le délai permettant d'introduire un recours en annulation contre le titre exécutoire prononçant cette répétition était expiré, le tribunal administratif d'Orléans n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il résulte de ces dernières dispositions, d'une part, que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle et, d'autre part, qu'une mention portée sur un titre exécutoire indiquant au débiteur d'une créance qu'il peut la contester devant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de cette créance ne peut faire courir les délais de recours.
7. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire émis le 16 novembre 2016 mentionne les délais de recours contentieux, toutefois, la seule mention " vous pouvez contester la somme mentionnée en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance ", qui ne précise pas quelle est la juridiction compétente, n'a pas pu faire courir le délai de recours contentieux. Toutefois, Mme A... a eu connaissance de ce titre, au plus tard le 18 janvier 2017, date d'émission de son courrier sollicitant le bénéfice de délais de grâce y faisant expressément référence et n'a exercé un recours juridictionnel à son encontre que par une requête enregistrée devant le tribunal administratif le 7 avril 2021, au-delà du délai de recours raisonnable mentionné au point 2 du présent arrêt. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 ci-dessus que les conclusions de Mme A... présentées devant le tribunal administratif d'Orléans le 9 août 2021, qui sont fondées sur l'illégalité de cette décision purement pécuniaire, ne sont pas recevables.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande indemnitaire tendant à la réparation de son préjudice financier lié au remboursement illégal du trop-perçu de rémunération. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et à la commune d'Olivet.
Délibéré après l'audience du 27 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.
La rapporteure,
B. AventinoLe président,
B. Even
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE01750