Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 13LY00545, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon : - de condamner l'Etat à leur verser une indemnité totale de 98 767 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande, en réparation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat au titre de sa responsabilité du fait des lois pour violation du droit communautaire ou européen et pour violation manifeste de ce même droit pas les juridictions nationales ; - à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005 avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale ; - de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 0906058 du 17 juillet 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une ordonnance du 21 février 2013 enregistrée au greffe de la Cour le 1er mars 2013, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Lyon le jugement de la requête du 10 octobre 2012 présentée pour M.C.... Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2012, 13 novembre 2014 et 18 février 2015, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ; 2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat et/ou la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), et/ou le groupe La Poste, et/ou France Télécom-Orange ou leurs services de pension, à lui verser une provision de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner les mêmes à lui verser une indemnité totale de 98 767 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande ; 4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - que le jugement aurait dû être rendu en formation collégiale dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux portant sur un montant supérieur à 10 000 euros et non d'un litige en matière de pensions ; - que c'est à tort que le premier juge a considéré que le présent litige aurait le même objet qu'un précédent recours en annulation et révision, alors qu'il tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une décision éventuellement légale ; - que la motivation du jugement est stéréotypée ; - que le Tribunal ne pouvait s'abstenir de poser une question préjudicielle sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ; - que les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et que la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - que l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ; - que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - qu'elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2014 et rectifié par mémoire enregistré le 29 décembre 2014, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir : - que la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfants, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ; - que les dispositions relatives à la bonification pour enfants et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ; - que le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfants est erroné, que le l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et que le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 5 juin 2015, le ministre de la décentralisation et de la fonction publique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les demandes du requérant ne sont pas fondées. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - le dispositif législatif et réglementaire contesté ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants et que, par suite, il ne peut être reproché à la juridiction administrative d'avoir méconnu le droit de l'Union européenne en ne faisant pas droit à l'argumentation fondée sur l'inconventionnalité du droit interne ; - le préjudice allégué n'est qu'éventuel. Par un nouveau mémoire, enregistré le 3 juin 2015, M. C...exprime sa défiance à l'égard de l'arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demande à la Cour : - de lui allouer le bénéfice de ses précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner l'Etat et, le cas échéant, la société Orange ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL à lui payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi, sauf conclusions indemnitaires plus élevées auxquelles il est expressément renvoyé ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ordonnance du 19 juin 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2015. Un nouveau mémoire, enregistré le 22 juin 2015, présenté par le ministre chargé des finances ainsi que des pièces complémentaires enregistrées le 3 juillet 2015, produites pour M. C..., n'ont pas donné lieu à communication en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - et les observations de MeB..., représentant M. C.... Une note en délibéré, présentée pour M.C..., a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M.C..., ancien fonctionnaire du ministère des finances, a demandé le 17 mars 2003 à son administration le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en qualité de père de trois enfants ; qu'après le rejet de sa demande par le service compétent, il a finalement été admis au bénéfice de la jouissance immédiate d'une pension de retraite à compter du 1er septembre 2004, sans bonification pour enfants ; que le jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon avait annulé l'arrêté ministériel du 23 août 2004 lui concédant sa pension de retraite en tant notamment qu'il ne prenait pas en compte de bonification d'ancienneté pour enfant a été annulé sur ce point par une décision de cassation du Conseil d'Etat du 6 août 2008 qui a rejeté les conclusions de la demande de M. C...devant le tribunal administratif concernant cette bonification ; que c'est dans ce contexte que M. C...a ensuite engagé une procédure tendant à l'indemnisation de préjudices qu'il impute à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. C...relève appel du jugement du 17 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire présentée sur ces fondements ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par un magistrat statuant seul ; que la demande indemnitaire présentée par M. C...devant le tribunal administratif n'a pas le caractère d'un litige en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et porte sur une somme supérieure à 10 000 euros ; qu'elle ne relève d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ; 4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... ; 5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (....) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant que M. C...soutient que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. "; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 9. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que le requérant n'est ainsi fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'il n'est en tout état de cause pas fondé à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que la demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ; 11. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. C...tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de la société La Poste et de la société France Télécom-Orange ou de leurs services de pension, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. C...demande au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; DECIDE : Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 13LY00545
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 12LY02603, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon : - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 45 705 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 52 413 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non-perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, en deniers et quittance, somme à parfaire et à actualiser, une somme de 12 300 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocat et pour mémoire au titre de l'impact des bonifications sur la majoration pour enfants de l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraites, soit une somme totale de 115 419 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite en méconnaissance des normes communautaires et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit communautaire ; - subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, et de ses éventuelles directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale. Par un jugement n° 0905601 du 17 juillet 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 octobre 2012, 13 novembre 2014 et 18 février 2015, M. et Mme B...et ChristineA..., représentés par MeC..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ; 2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat à leur verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner l'Etat à leur verser une indemnité totale de 158 847,56 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande ; 4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - c'est à tort que le premier juge a considéré que le présent litige aurait le même objet qu'un précédent recours en annulation et révision, alors qu'il tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une décision éventuellement légale ; - la motivation du jugement est stéréotypée ; - le Tribunal ne pouvait s'abstenir de poser une question préjudicielle sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ; - les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 janvier 2013, le 6 novembre 2014 et le 19 mai 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir : - que la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfant, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ; - que les dispositions relatives à la bonification pour enfant et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ; - que le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfant est erroné, que le l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et que le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite. Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, la société France Télécom (centre de service ressources humaines spécialisé de Lannion) s'associe aux observations présentées par le ministre de l'économie et des finances. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - le dispositif législatif et réglementaire en litige ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants ; - à supposer que le dispositif législatif et réglementaire en litige soit regardé comme méconnaissant l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, la responsabilité de l'Etat ne peut être recherchée en ce qu'il n'y a eu aucune violation manifeste du droit de l'Union par le Conseil d'Etat ; - en tout état de cause, le préjudice est éventuel. Par un nouveau mémoire, enregistré le 3 juin 2015, M. et Mme A...expriment leur défiance à l'égard de l'arrêté d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour : - de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner l'Etat et, le cas échéant, la société Orange ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL à leur payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi, sauf conclusions indemnitaires plus élevées auxquelles il est expressément renvoyé ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - et les observations de MeC..., représentant M. et MmeA.... Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A...a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M.A..., ancien agent de France Télécom, ayant accompli au moins quinze années de services effectifs et père de trois enfants, a demandé le 1er avril 2005 à son administration le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civils et militaires de retraites ; que sa demande a été rejetée par une décision du 28 avril 2005 du service des pensions de La Poste et de France Télécom ; que son recours contentieux dirigée contre de cette décision a été rejeté par un jugement du 7 septembre 2006 du tribunal administratif de Lyon ; que son pourvoi en cassation a fait l'objet d'une décision de non-admission du 28 novembre 2007 du Conseil d'Etat ; que M. A...a ensuite demandé au tribunal administratif de Lyon l'indemnisation de préjudices qu'il impute à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 17 juillet 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par un magistrat statuant seul ; que la demande indemnitaire présentée par M. A...devant le tribunal administratif n'a pas le caractère d'un litige en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et porte sur une somme supérieure à 10 000 euros ; qu'elle ne relève d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ; 4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M.A... ; 5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (....) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. "; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 9. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ; 11. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme A... tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de la société Orange ou du service de pension de La Poste, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme A...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; DECIDE : Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et ChristineA..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 12LY02603
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 12LY02600, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme A...et Annie B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon : - de condamner l'Etat à leur verser une indemnité totale de 89 381 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande, en réparation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat au titre de sa responsabilité du fait des lois pour violation du droit communautaire ou européen et pour violation manifeste de ce même droit pas les juridictions nationales ; - à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005 avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale ; - de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 0905610 du 17 juillet 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2012, 11 mars 2013 et 13 novembre 2014, M. et Mme A...et AnnieB..., représentés par Me C..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ; 2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat et/ou la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), et/ou le groupe La Poste, et/ou France Télécom-Orange ou leurs services de pension, à leur verser une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner les mêmes à leur verser une indemnité totale de 86 340 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande ; 4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent : - que le jugement aurait dû être rendu en formation collégiale dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux portant sur un montant supérieur à 10 000 euros et non d'un litige en matière de pensions ; - que c'est à tort que le premier juge a considéré que le présent litige aurait le même objet qu'un précédent recours en annulation et révision, alors qu'il tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une décision éventuellement légale ; - que la motivation du jugement est stéréotypée ; - que le Tribunal ne pouvait s'abstenir de poser une question préjudicielle sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ; - que les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et que la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - que l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ; - que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - qu'elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier 2013 et 6 novembre 2014, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir : - que la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfant, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ; - que les dispositions relatives à la bonification pour enfant et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ; - que le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfant est erroné, que le l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et que le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite. Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, la société France Télécom (centre de service ressources humaines spécialisé de Lannion) déclare s'associer aux observations du ministre chargé des finances. Un nouveau mémoire, enregistré le 18 février 2015, présenté pour M. et Mme B... n'a pas été communiqué, en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que le dispositif législatif et réglementaire contesté ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants et que, par suite, il ne peut être reproché à la juridiction administrative d'avoir méconnu le droit de l'Union européenne en ne faisant pas droit à l'argumentation fondée sur l'inconventionnalité du droit interne. Par un nouveau mémoire, enregistré le 11 juin 2015, M. et Mme B...expriment leur défiance à l'égard de l'arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour : - de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner l'Etat et, le cas échéant, la société Orange ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL à leur payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi, sauf conclusions indemnitaires plus élevées auxquelles il est expressément renvoyé ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire enregistré le 11 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête en faisant valoir que le Conseil d'Etat a confirmé la conventionnalité des dispositions contestées en matière de départ anticipé à la retraite et de bonifications pour enfant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - les observations de MeC..., représentant M. et MmeB.... Une note en délibéré présentée par M. et Mme B...a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M.B..., agent de France Télécom et père de quatre enfants, a demandé, en mars et avril 2005, le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit à pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites ; que sa demande a été rejetée par une décision du service des pensions de La Poste et de France Télécom du 20 avril 2005 ; que son recours contentieux contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 septembre 2006 et que son pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat a fait l'objet d'une décision de non admission du 6 juin 2007 ; que M. et Mme B...ont ensuite engagé une procédure tendant à l'indemnisation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 17 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire présentée sur ces fondements ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par un magistrat statuant seul ; que la demande indemnitaire présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif n'a pas le caractère d'un litige en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et porte sur une somme supérieure à 10 000 euros ; qu'elle ne relève d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ; 4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. et MmeB... ; 5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. " ; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 9. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que la demande de M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ; 11. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme B... tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de la société La Poste et de la société France Télécom-Orange ou de leurs services de pension, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme B...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; DECIDE : Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et AnnieB..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 12LY02600
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 13LY00548, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme A...et Martine B...ont présenté au tribunal administratif de Lyon deux demandes tendant : - à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité totale de 73 123 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande, en réparation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat au titre de sa responsabilité du fait des lois pour violation du droit communautaire ou européen et pour violation manifeste de ce même droit pas les juridictions nationales ; - à titre subsidiaire, à ce que la Cour de justice européenne soit saisie d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005 avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale ; - à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par deux jugements n° 0904558 et n° 1104017 du 17 juillet 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes. Procédure devant la Cour : Par une ordonnance du 21 février 2013 enregistrée au greffe de la Cour le 1er mars 2013, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête du 10 octobre 2012 présentée pour M. et Mme B.... Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2012, 13 novembre 2014 et 18 février 2015, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la Cour dans le dernier état de ces écritures : 1°) d'annuler ces jugements du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 ; 2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat et/ou la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), et/ou le groupe La Poste, et/ou France Télécom-Orange ou leurs services de pension, à leur verser une provision de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner les mêmes à leur verser une indemnité totale de 81 762 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande ; 4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent : - que le jugement aurait dû être rendu en formation collégiale dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux portant sur un montant supérieur à 10 000 euros et non d'un litige en matière de pensions ; - que c'est à tort que le premier juge a considéré que le présent litige aurait le même objet qu'un précédent recours en annulation et révision, alors qu'il tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une décision éventuellement légale ; - que la motivation du jugement est stéréotypée ; - que le Tribunal ne pouvait s'abstenir de poser une question préjudicielle sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ; - que les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et que la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - que l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ; - que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - qu'elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que le dispositif législatif et réglementaire contesté ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants et que, par suite, il ne peut être reproché à la juridiction administrative d'avoir méconnu le droit de l'Union européenne en ne faisant pas droit à l'argumentation fondée sur l'inconventionnalité du droit interne. Par un nouveau mémoire, enregistré le 23 avril 2015, M. et Mme B...expriment leur défiance à l'égard de l'arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour : - de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner la société Orange ou le service des pensions de France Télécom et La Poste et/ou l'Etat à leur payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Un nouveau mémoire, enregistré le 9 juin 2015, présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas donné lieu à communication en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par ordonnance du 19 juin 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2015. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - les observations de MeC..., représentant M. et MmeB.... Une note en délibéré présentée pour M. et Mme B...a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M. A...B..., ancien agent de la fonction publique territoriale, a demandé à son administration le 16 janvier 2004 le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en qualité de père de trois enfants ; que cette demande a été rejetée ; qu'il a obtenu par la suite le bénéfice d'une pension de retraite liquidée avec effet au 29 avril 2006, sans la bonification pour enfants du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que c'est dans ce contexte que M. et Mme B...ont ensuite engagé des procédures tendant à l'indemnisation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme B...relèvent appel des deux jugements n° 0904558 et n° 1104017 du 17 juillet 2012 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes indemnitaires présentées sur ces fondements ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 3. Considérant qu'il ressort des mentions des jugements attaqués qu'ils ont été rendus par un magistrat statuant seul ; que les demandes indemnitaires présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif n'avaient pas le caractère de litiges en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et portaient sur des sommes supérieures à 10 000 euros ; qu'elles ne relevaient d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les deux jugements n° 0904558 et n° 1104017 du 17 juillet 2012 ont été rendus par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'ils doivent être annulés ; 4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de M. et MmeB... ; 5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (....) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. "; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 9. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que les demandes de M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Lyon doivent être rejetées ; 11. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme B... tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de la société La Poste et de la société France Télécom-Orange ou de leurs services de pension, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme B...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; DECIDE : Article 1er : Les deux jugements n° 0904558 et n° 1104017 du 17 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon sont annulés. Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et MartineB..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 13LY00548
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 13LY00738, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D...a demandé au tribunal administratif de Dijon de : - condamner l'Etat à lui verser une somme de 41 894 euros au titre des bonifications pour enfants sur pension de retraite capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 6 187 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non-perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocat et pour mémoire au titre de l'impact des bonifications sur la majoration pour enfants, soit une somme totale de 58 081 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite en méconnaissance des normes communautaires et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit communautaire ; - subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale. Par un jugement n° 0901710 du 8 décembre 2011, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une ordonnance du 15 mars 2013, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête du 25 janvier 2012 présentée pour M. et Mme A...et Marie-DésiréeB.... Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 janvier 2012, 27 juin 2012, 14 novembre 2012 et 13 novembre 2014, M. et Mme A...et Marie-DésiréeB..., représentés par MeC..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler ce jugement n° 0901710 du 8 décembre 2011 du tribunal administratif de Dijon ; 2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat et/ou la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), et/ou le groupe La Poste, et/ou France Télécom-Orange ou leurs services de pension, à leur verser une provision de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner les mêmes à leur verser une indemnité totale de 68 624,21 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande 4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la cour administrative d'appel est compétente dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux d'un montant supérieur à 10 000 euros et non d'un litige en matière de pensions ; - les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juin 2012 et 3 avril 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que le dispositif législatif et réglementaire contesté ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants et que, par suite, il ne peut être reproché à la juridiction administrative d'avoir méconnu le droit de l'Union européenne en ne faisant pas droit à l'argumentation fondée sur l'inconventionnalité du droit interne. Par des mémoires, enregistrés les 20 juin 2012 et 6 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfants, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ; - les dispositions relatives à la bonification pour enfants et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ; - le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfants est erroné, l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite. Un nouveau mémoire, enregistré le 18 février 2015, présenté pour M. et Mme B..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par un nouveau mémoire, enregistré le 11 juin 2015, M. et Mme B... expriment leur défiance à l'égard de l'arrêté d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour : - de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner l'Etat et, le cas échéant, la société Orange ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL à leur payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi, sauf conclusions indemnitaires plus élevées auxquelles il est expressément renvoyé ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Un nouveau mémoire, enregistré le 22 juin 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - et les observations de MeC..., représentant M. et MmeB.... Une note en délibéré présentée pour M. et Mme B...a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M. A...B..., ancien agent de France Télécom, ayant accompli au moins quinze années de services effectifs et père de trois enfants, a demandé le 10 mars 2004 à son administration le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que cette demande a été rejetée par une décision du 6 avril 2004 du service des pensions de son administration ; qu'ultérieurement, il s'est vu délivrer un titre de pension, sans bonification pour enfants, à effet du 1er janvier 2005 ; que son recours contentieux dirigée contre la liquidation de sa pension sans bonification a été rejetée par un jugement du 31 janvier 2006 du tribunal administratif de Dijon ; que son pourvoi en cassation a fait l'objet d'une décision de non-admission du 28 novembre 2007 du Conseil d'Etat ; que M. B...a ensuite demandé au tribunal administratif de Dijon l'indemnisation de préjudices qu'il impute à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme A...et Marie-Désirée B...relèvent appel du jugement du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande ; 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 4. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. " ; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 6. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M.B... ; 8. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme B...tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de la société Orange ou du service des pension de La Poste, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme B...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; DECIDE : Article 1er La requête de M. et Mme B...est rejetée. Article 2 Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et Marie-DésiréeB..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 13LY00738 id
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 12LY01973, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon : - d'annuler la décision du 30 décembre 2008 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon lui a refusé le bénéfice d'une mise à la retraite anticipée avec pension à jouissance immédiate, d'enjoindre au recteur de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de condamner l'Etat ou qui mieux le devra à lui verser une pension de retraite majorée d'une bonification, assortie des intérêts à compter de sa radiation des cadres et capitalisation de ces intérêts à compter de sa première demande ; - à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, sur le fondement de la responsabilité du fait des lois, à lui verser une somme de 90 576 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008 ainsi qu'une somme forfaitaire de 5 000 euros au titre de ses frais de défense, soit un total de 95 576 euros avec les intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la première demande ; - à titre très subsidiaire, de surseoir à statuer afin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ; - de mettre à la charge de l'Etat ou qui il appartiendra une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Par un jugement n° 0808669 du 19 mai 2011, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une ordonnance du 17 juillet 2012, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juillet 2012, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête de M. C...dirigée contre ce jugement du 19 mai 2011 ; Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État respectivement le 16 novembre 2011 et le 14 février 2012, et des mémoires, enregistrés au greffe de la Cour les 11 mars 2013, 15 octobre 2014, 13 novembre 2014 et 18 février 2015, M.C..., représenté par MeE..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures récapitulé ci-dessous : 1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 19 mai 2011 ; 2°) d'"abroger" la décision du recteur de l'académie de Lyon du 30 décembre 2008 portant rejet de sa demande d'admission anticipée à la retraite en tant que parent de trois enfants et d'ordonner le réexamen de sa demande par le service des pensions dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, pour un premier versement de pension fixé le cas échéant rétroactivement à une date comprise entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2014, ladite pension devant être liquidée avec la bonification pour enfants de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite selon le droit applicable au jour de la demande et sur la base des droits acquis en cours de procédure à la date effective de la radiation des cadres ; 3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 19 200 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant pour lui du retard mis à l'admettre au bénéfice d'une pension de retraite ; 4°) à défaut et avant-dire-droit, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une nouvelle question préjudicielle, d'ordonner son admission à la retraite avec jouissance immédiate dans les mêmes conditions que ci-dessus et de condamner l'Etat à lui verser une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ; 5°) de mettre à la charge du service de pension ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le présent litige est un litige indemnitaire fondé sur la responsabilité du fait des lois ; - l'arrêt Léone de la CJUE doit s'appliquer aux demandes antérieures au décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; les articles L. 24 et R. 37, L. 12 et R. 13 dans leur version en vigueur au jour de sa demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, ont entraîné une discrimination indirecte contraire au principe d'égalité de traitement ; le décret du 30 septembre 2010 est inopposable à sa demande initiale, qui lui était antérieure ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et de 2004, voire de ceux de 2010. Par des mémoires en défense, enregistrés, le 22 octobre 2012, 13 novembre 2014 et le 29 décembre 2014, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête est irrecevable en ce qu'elle est hors délai ; - le jugement n'est pas irrégulier ; - les autres moyens ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - il n'existe aucune discrimination constatée concernant le départ anticipé au titre de la législation relative aux parents de trois enfants non plus qu'en ce qui concerne la bonification pour enfant ; - le préjudice moral invoqué n'est pas établi. Par un mémoire, enregistré le 23 avril 2015, M. C...conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et demande, en outre : - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une nouvelle question préjudicielle ; - à titre subsidiaire et avant-dire-droit, de condamner la société Orange ou le service des pensions de France Télécom et La Poste et/ou l'Etat à lui payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision n° 372426 a été rendue le 27 mars 2015 par l'assemblée du Conseil d'Etat statuant au contentieux en méconnaissance du principe du procès équitable conduit devant un tribunal impartial prévu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - cette décision méconnaît les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - la Cour de justice de l'Union européenne doit être saisie de la question de savoir si le Conseil d'Etat, par sa décision précitée, a dénaturé le sens et la portée des indications données par l'arrêt Epoux B...A...-173/13 de la Cour de justice de l'Union européenne et vidé de sa substance le principe d'égalité de traitement prévu par l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - et les observations de MeE..., représentant M.C.... Une note en délibéré présentée par M. C...a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M.C..., fonctionnaire de l'éducation nationale, a demandé le 20 novembre 2008 à son administration le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites, en sa qualité de père de trois enfants ; que, par décision du 30 décembre 2008, le recteur de l'académie de Lyon a rejeté cette demande ; que M. C...relève appel du jugement du 19 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée, à titre principal, contre cette décision et tendant, à titre subsidiaire, à l'indemnisation de divers préjudices ; Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 3. Considérant que la demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lyon portait sur un litige en matière de pensions au sens des dispositions du 3° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative ; que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, statuant seul, était dès lors compétent pour statuer sur cette demande, alors même qu'elle contenait des conclusions indemnitaires pour un montant excédant le plafond fixé à l'article R. 222-14 ; que le moyen selon lequel le jugement attaqué aurait été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée doit, dès lors, être écarté ; Sur les conclusions dirigées contre la décision du recteur de l'académie de Lyon du 30 décembre 2008 portant refus d'admettre M. C...à la retraite par anticipation avec jouissance immédiate de la pension : 4. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle M. C... a présenté sa demande : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction alors applicable, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 5. Considérant que, pour contester le refus qui lui a été opposé de l'admettre à la retraite au titre des dispositions législatives et réglementaires précitées, M. C...fait valoir que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. " ; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 7. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que, par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme instituant une discrimination au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni comme méconnaissant ces stipulations ; 8. Considérant que, pour les mêmes motifs, les dispositions contestées du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent être regardées comme méconnaissant les stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui imposent que la jouissance des droits et libertés qu'elle reconnaît soit assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; 9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une nouvelle question préjudicielle, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du recteur de l'académie de Lyon du 30 décembre 2008 lui refusant l'admission à la retraite par anticipation avec jouissance immédiate de la pension ; que, par voie de conséquence, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration, sous astreinte, de réexaminer sa demande et de lui verser une pension de retraite majorée de bonifications, assortie des intérêts, ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions indemnitaires présentées à titre subsidiaire : 10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points 4 à 9 que M. C... n'est pas fondé à invoquer la responsabilité de l'Etat du fait de lois ou règlements pris en méconnaissance des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, ni du fait d'un retard fautif à lui accorder le bénéfice d'un mise à la retraite par anticipation avec jouissance immédiate de la pension ; que ses conclusions indemnitaires et celles tendant à l'allocation d'une provision doivent, dès lors, être rejetées ; Sur les frais non compris dans les dépens : 11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. C...demande au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; 12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, que la requête de M. C...doit être rejetée ; DECIDE : Article 1er : La requête de M. C...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 12LY01973
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 3ème chambre, 29/10/2015, 14NT02443, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Dinan à lui verser la somme de 49 084,56 euros en réparation des fautes commises par lui dans la gestion de sa situation administrative. Par un jugement n° 1201507 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 septembre 2014 et 22 septembre 2015, Mme A...B..., représentée par Me Bourges-Bonnat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 juillet 2014 ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Dinan à lui verser la somme de 49 084,56 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dinan le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le centre hospitalier de Dinan a commis une faute en la plaçant en congé de maladie ordinaire à compter du 21 janvier 2005 alors que son état de santé n'était pas consolidé à cette date ; conformément à l'alinéa 4 de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, elle aurait dû être maintenue en congé de maladie professionnelle à plein traitement jusqu'à qu'elle " soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite " ; - le centre hospitalier a également commis une faute dans la mise en oeuvre de la procédure qui a conduit à la placer tardivement en retraite pour invalidité en 2009 avec un effet rétroactif au 1er juillet 2006 ; on peut lui reprocher un défaut d'information ou d'accompagnement concernant le déroulement de la procédure de retraite pour invalidité ; - l'établissement hospitalier a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en sollicitant le remboursement intégral des sommes qu'elle avait perçues durant sa période de disponibilité dans l'attente de l'avis du comité médical ; en procédant ainsi il a en effet illégalement retiré d'une décision créatrice de droit ; - elle a subi des préjudices financier et moral qui doivent être indemnisés. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 mai et 2 octobre 2015, le centre hospitalier de Dinan, représenté par Me Assouline, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués par Mme B...ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - les conclusions de M. Giraud, rapporteur public. - et les observations de Me Bourges-Bonnat, avocat de Mme B...et de MeC..., substituant Me Assouline, avocat du centre hospitalier de Dinan. 1. Considérant que MmeB..., agent des services hospitaliers affectée au centre hospitalier de Dinan, a été victime le 26 août 2004 d'un accident de service ayant occasionné un lumbago et une sciatique hyperalgique ; qu'elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail qui lui ont été prescrits à compter du 27 août 2004 ; que la commission de réforme réunie le 9 juin 2005 a, au vu du rapport dressé le 5 janvier 2005 par le docteur Flori-Le Fur, émis un avis favorable à l'imputabilité au service de ces arrêts de travail pour la période comprise entre le 27 août 2004 et le 20 janvier 2005, avis qui a été confirmé après une nouvelle expertise réalisée en 2007 ; que, Mme B...n'ayant pas repris ses fonctions, le centre hospitalier de Dinan l'a placée en congé de maladie ordinaire pendant une année à compter du 21 janvier 2005, puis, par une décision du 19 septembre 2007 prise après avis du comité département médical, il a placé cet agent en disponibilité d'office à compter du 21 janvier 2006, avec rémunération à demi-traitement ; qu'une procédure de placement à la retraite pour invalidité a parallèlement été engagée par l'hôpital, qui a abouti, par une décision du 12 février 2009 prise après avis favorable de la caisse de retraite des agents des collectivités locales, à une mise à la retraite pour invalidité prononcée à compter du 1er juillet 2006 ; que Mme B...a perçu à ce titre un rappel de pension de 12 000 euros ; que, par un courrier daté du 13 février 2009, le centre hospitalier lui a demandé de rembourser en contrepartie les rémunérations à demi-traitement qui lui avaient été versées durant la période de disponibilité d'office courant du 1er juillet 2006 au 12 février 2009, soit la somme de 20 957,78 euros ; que Mme B...estimant avoir subi un préjudice du fait des fautes commises par son employeur dans la gestion de sa situation administrative, a adressé le 23 décembre 2011 au centre hospitalier une demande indemnitaire qui a été rejetée le 13 février 2012 ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Dinan à réparer les préjudices qu'elle estimait avoir subis ; qu'elle relève appel du jugement du 15 juillet 2014 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ; 2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. " ; 3. Considérant que Mme B...soutient qu'elle aurait dû être maintenue en arrêt de travail pour accident de service après le 20 janvier 2005 dès lors que deux médecins ont fixé au 31 mars 2006 seulement sa date de consolidation ; qu'il résulte cependant de l'instruction que tant le docteur Flori-Le Fur , en janvier 2005, que le docteur Tyrel, en octobre de la même année, tous deux médecins experts agréés mandatés par la commission de réforme, ont estimé que l'intéressée était guérie à compter du 21 janvier 2005 et que les prolongations de ses arrêts de travail à compter de cette date n'étaient plus en rapport avec l'accident de service survenu le 26 août 2004 mais étaient imputables à un état antérieur ; qu'il s'ensuit que le centre hospitalier n'a commis aucune faute en plaçant la requérante en congé de maladie ordinaire à compter du 21 janvier 2005, et que Mme B...n'est pas fondée à invoquer le préjudice qui résulterait pour elle de la privation du bénéfice de l'intégralité de son traitement, telle que prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, qui ne lui étaient pas applicables ; 4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 dans sa version alors en vigueur : " Lorsque le fonctionnaire est dans l'incapacité de reprendre son service à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical. / Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales ", et qu'aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / Lorsque l'admission à la retraite pour invalidité intervient après que les conditions d'ouverture du droit à une pension de droit commun sont remplies par ailleurs, la liquidation des droits s'effectue selon la réglementation la plus favorable pour le fonctionnaire. / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 et 1er-2 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée " ; 5. Considérant que MmeB..., qui a été maintenue en disponibilité avec demi-traitement du 21 janvier 2006 au 12 février 2009, soutient que l'attitude du centre hospitalier de Dinan qui n'a prononcé sa mise à la retraite que le 12 février 2009, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2006 qui lui a été préjudiciable, est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, alors surtout que le comité médical départemental et la commission de réforme hospitalière avaient émis dès 2006 des observations favorables à sa mise à la retraite pour invalidité ; qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le placement de l'intéressée en disponibilité d'office était conforme aux dispositions précitées de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 en raison de l'obligation pesant sur le centre hospitalier de placer dans une position statutaire régulière son agent qui avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, dans l'attente de l'avis du comité médical sur son placement en retraite pour invalidité, d'autre part, que les dispositions du dernier alinéa de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 faisaient obligation à cet établissement de retenir, ainsi que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) le lui avait indiqué, une date de radiation des cadres de cet agent correspondant à sa limite d'âge, soit le 1er juillet 2006 qui correspond à son soixantième anniversaire ; que par suite, et alors au surplus que le long délai écoulé entre le début de l'instruction du dossier d'admission à la retraite et la décision de mise à la retraite est imputable pour une grande part à la requérante qui n'a fait aucune diligence pour fournir à la CNRACL les documents qui lui étaient demandés, c'est sans commettre d'illégalité que le centre hospitalier de Dinan a prononcé le 12 février 2009 la mise à la retraite pour invalidité de MmeB... à compter du 1er juillet 2006 ; que si Mme B...reproche également au centre hospitalier un défaut d'information ou d'accompagnement concernant le déroulement de sa procédure de mise à la retraite, il est constant, en tout état de cause, que de nombreux échanges de courriers ont eu lieu entre les parties et qu'aucun texte ne prévoit à la charge de l'employeur public une obligation d'assistance envers ses agents dans ce domaine ; 6. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...soutient que le centre hospitalier de Dinan a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en sollicitant le remboursement intégral des sommes qu'elle avait perçues durant sa période de disponibilité dans l'attente de l'avis du comité médical, dès lors qu'en agissant ainsi l'établissement a procédé à un retrait illégal d'une décision créatrice de droits, ce retrait étant intervenu tardivement ; que, toutefois, dès lors que l'intéressée ne conteste pas avoir, conformément aux dispositions rappelées ci-dessus, été régulièrement placée en retraite pour invalidité avec effet rétroactif au 1er juillet 2006, elle ne peut prétendre être en droit de cumuler les rémunérations à demi-traitement qu'elle a perçues, pour un montant total de 20 957,78 euros, du 1er juillet 2006 au 12 février 2009 dans l'attente de la réunion de la commission de réforme devant examiner son dossier avec les arrérages de pension de retraite s'élevant à 12 000 euros qui ont été rappelés à son profit pour la même période ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier était fondé à réclamer à Mme B...le remboursement du montant de 20 957,78 euros correspondant aux rémunérations versées pendant la période litigieuse en sus des pensions de retraite auxquelles elle était en définitive seulement en droit de prétendre ; qu'il s'ensuit qu'en procédant ainsi le centre hospitalier de Dinan n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; 7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Dinan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement au centre hospitalier de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Dinan tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au centre hospitalier de Dinan. Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015 à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Specht, premier conseiller, Lu en audience publique le 29 octobre 2015. Le rapporteur, O. COIFFET Le président, I. PERROT Le greffier, A. MAUGENDRE La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. '' '' '' '' 2 N° 14NT02443
Cours administrative d'appel
Nantes
Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 12MA03797, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier, en principal, de condamner l'État à lui verser, une somme de 46 469 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 5 947 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, une somme forfaitaire au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de dépense engagés en vain dont ceux d'avocat, soit une somme totale de 62 416 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit de l'union européenne, enfin, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur la compatibilité du régime des articles L. 12 et L. 24 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par un jugement n° 0904098 du 3 juillet 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 août 2012, 16 avril 2013, 22 juillet 2014, 4 novembre 2014 et 11 juin 2015, M. A..., représenté par MeD..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 2012 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser avant-dire droit la somme provisionnelle de 35 000 euros ; 3°) à titre subsidiaire : - de condamner l'État à lui verser les sommes de : - 46 469 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, - 5 947 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, en deniers et quittances, somme à parfaire et à actualiser, - 5 000 euros forfaitaires au titre de son préjudice moral, - 5 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocat. - de procéder avant-dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 4°) à titre plus subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'ensemble des règles communautaires et sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par ladite Cour le 17 juillet 2014 ; 5°) dans le dernier état de ses écritures, M. A...demande également que l'État, ou le cas échéant, Orange, ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL lui versent 12 000 euros en réparations de son préjudice matériel et moral, et la mise à la charge de l'État ou de qui il appartiendra, des entiers dépens, dont les frais d'expertise, outre la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... soutient que : - le régime institué par la combinaison des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite engendre une discrimination indirecte dans la rémunération des travailleurs contraire à l'article 141 du traité instituant la communauté européenne, ainsi qu'à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, associé à l'article 1er du premier protocole additionnel ; en outre, en appliquant ce régime sans exercer de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, les juridictions nationales ont commis une violation des traités européens susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; - l'attitude de l'administration dans le traitement de sa demande de départ anticipé avec bonification méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégés par le droit de l'Union européenne ; - le Conseil d'Etat a méconnu l'article 257 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne saisissant pas la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la validité de la législation relative aux pensions au regard de l'interdiction des discriminations ; - le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 rendu par une formation de jugement ne présentant pas les garanties requises d'impartialité, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 17 juillet 2014 ; Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 16 janvier 2013, le ministre du budget, des contrats publics et de la réforme de l'État précise qu'il n'est pas habilité à intervenir dans le cadre de litiges concernant les pensionnés du régime des retraites des agents des collectivités territoriales et qu'il ne formulera aucune observation. Par un mémoire, enregistré au greffe de la Cour par télécopie le 28 juin 2013 et régularisé par courrier le 9 juillet 2013, la caisse des dépôts et consignations, représentée par MeE..., conclut à sa mise hors de cause. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ; - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n° 14 sur la politique sociale ; - la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Péna, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me D...représentant M. A... et de MeB..., substituant MeE..., représentant la caisse des dépôts et consignations. 1. Considérant que M. A..., technicien de laboratoire au centre hospitalier régional de Metz, depuis 1970 et père de trois enfants, a sollicité, le 22 février 2005, de son administration sa mise à la retraite anticipée avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que le 25 avril 2005 la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales lui a opposé une décision de refus; que M. A... a finalement obtenu, le 7 juillet 2005, le bénéfice de la retraite anticipée, sans bonification ; qu'ayant épuisé les voies de recours pour contester son refus de bonification de pension, M. A... exerce un recours devant le Conseil d'État, renvoyé au tribunal administratif de Montpellier, en responsabilité de l'État du fait du fait des lois et de ses juridictions ; que, par un jugement du 3 juillet 2012, le tribunal administratif de Montpellier rejette la requête de l'intéressé ; que M. A... fait alors appel de ce jugement devant la Cour ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce concerne le départ anticipé à la retraite : 7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Sur la rétroactivité de la loi : 9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. A...a présenté, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant, il ne pouvait avoir engagé, à la date de publication de la loi, une action contentieuse en vue de contester la légalité de la décision lui refusant le bénéfice de la bonification, dès lors qu'à cette date sa pension n'avait pas été liquidée et qu'une telle décision n'était susceptible d'intervenir qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 11. Considérant, d'une part, que M. A...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 12. Considérant, d'autre part, que M. A...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ; 13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de M. A...tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la caisse des dépôts et consignations et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président assesseur, - Mme Péna, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 octobre 2015. '' '' '' '' N° 12MA037972
Cours administrative d'appel
Marseille
Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 11MA03423, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 février 2005 ensemble la décision du 23 mars 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de condamner l'État à lui verser rétroactivement une pension au taux de 70%, avant majoration, avec les intérêts à taux légaux à compter de sa demande préalable, subsidiairement de condamner l'État à lui verser une somme égale à la différence annuelle des arrérages de sa pension depuis la date de son admission à la retraite, d'un montant de 2 883,75 euros à parfaire, avec cumul à la date de la décision à intervenir et capitalisation pour l'avenir à concurrence de 57 675 euros et, enfin, de mettre à la charge de l'État, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Par un jugement n° 0601836 du 9 juin 2011, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : La Cour a été saisie par une requête, enregistrée le 24 août 2011, sous le n° 11MA03423, ainsi que des mémoires enregistrés les 15 novembre 2011, 11 mars 2013, 17 avril 2013, 19 juin 2014, M. B..., représenté par MeC..., puis par mémoire enregistré le 4 novembre 2014 informant la Cour du décès de M. B...et la reprise de la procédure par son épouse, Mme A...B..., et complété par un mémoire enregistré le 15 juin 2015. Dans le dernier état de ses écritures, Mme B...demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2011 du tribunal administratif de Nice ; 2°) à titre principal et avant-dire droit : -de condamner l'Etat à payer les sommes prévisionnelles de : - 2 883,75 euros au titre des arrérages de pensions, somme à parfaire et actualiser à la date de l'arrêt à intervenir, augmentée des intérêts de droit au taux légal, - 57 675 euros au titre des bonifications capitalisées, somme à parfaire et actualiser, augmentée des intérêts de droit à taux légal, - 5 000 euros au titre de ses frais de défense n'incluant pas les frais irrépétibles accordés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, - 5 000 euros au titre du préjudice moral pour retard d'admission, contentieux anormal et spécial et insécurité juridique, - 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - de procéder avant-dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 3°) à titre plus subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'ensemble des règles communautaires et sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par ladite Cour le 17 juillet 2014 ; 4°) Mme B...demande également que l'État, ou le cas échéant, Orange, ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL lui versent 12 000 euros en réparations de son préjudice matériel et moral, et la mise à la charge de l'État ou de qui il appartiendra, des entiers dépens, dont les frais d'expertise, outre la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 3 octobre 2011, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État conclut au rejet de la requête comme non fondée. Par des mémoires en défense, enregistrés au greffe de la Cour les 31 octobre 2014 et 8 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'elle est irrecevable, que le principe de la responsabilité de l'Etat doit être écarté et que les préjudices ne sont en tout état de cause pas justifiés. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 24 novembre 2011, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative déclare s'associer aux observations et conclusions du mémoire en défense produit par le service des retraites de l'Etat. Par lettre du 11 mai 2015, le président de la 8ème chambre de la Cour a informé les parties que la décision à intervenir serait susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen relatif à la responsabilité de l'Etat du fait de la violation par les juridictions administratives de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et des dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen reposant sur une cause juridique nouvelle en appel. Par mémoire enregistré au greffe de la Cour le 20 mai 2015, Mme B...précise que le moyen mentionné par la lettre de la Cour du 11 mai 2015 ne lui paraissait pas susceptible d'être soulevé d'office. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ; - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n° 14 sur la politique sociale ; - la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Péna, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C...représentant Mme B.... 1. Considérant que M. B..., professeur certifié de l'éducation nationale, père de trois enfants, a sollicité, le 2 juin 2003, de son administration sa mise à la retraite anticipée avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que le silence de son administration a fait naître une décision implicite de rejet ; que M. B... a finalement obtenu, le 28 février 2005, le bénéfice de la retraite anticipée, sans bonification, à compter du 1er avril 2005 ; que M. B... a sollicité le 10 février 2006 la bonification pour enfants prévue l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et à défaut, une indemnisation correspondant au préjudice subi évalué annuellement à hauteur de 2 589,48 euros, outre une contrepartie en capital à hauteur de 51 789,52 euros ; que par décision du 23 mars 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté ladite demande ; que devant le tribunal administratif de Nice, M. B... a demandé, d'une part, l'annulation des décisions attaquées susmentionnées du 28 février 2005 et 23 mars 2006, d'autre part, la condamnation de l'État à lui servir rétroactivement une pension au taux de 70% avant majoration, subsidiairement, à lui verser une indemnité évaluée annuellement à hauteur de 2 883,75 euros, outre une contrepartie en capital à hauteur de 57 675 euros ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce concerne le départ anticipé à la retraite : 7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Sur la rétroactivité de la loi : 9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. B...a présenté, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant, il ne pouvait avoir engagé, à la date de publication de la loi, une action contentieuse en vue de contester la légalité de la décision lui refusant le bénéfice de la bonification, dès lors qu'à cette date sa pension n'avait pas été liquidée et qu'une telle décision n'était susceptible d'intervenir qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 11. Considérant, d'une part, que Mme B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 12. Considérant, d'autre part, que Mme B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ; 13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de Mme B...tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président assesseur, - Mme Péna, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 octobre 2015. '' '' '' '' N° 11MA034232
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 13MA00607, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à lui verser, une somme de 41 302 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 6 762 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non perçues à compter de la radiation des cadres de M. A...effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, une somme forfaitaire de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain, dont ceux d'avocat et pour mémoire au titre de l'impact des bonifications sur la majoration pour enfants, soit une somme totale de 58 064 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation du préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des dispositions des articles L. 12 et/ou L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite combinées avec celles des articles R. 13 et/ou R. 37 du même code et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit communautaire ou, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité des nouveaux textes avec les stipulations de l'article 141 du Traité sur l'Union européenne et de ses éventuelles directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale. Par un jugement n° 0901963 du 20 décembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 février 2013, 4 novembre 2014 et le 11 juin 2015, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme prévisionnelle de 41 302 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, 6 792 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, en deniers et quittances, somme à parfaire et à actualiser, 5 000 euros au titre du préjudice moral, 7 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocats, 4 806 euros au titre de l'impact des bonifications sur la majoration pour enfants de l'article L. 18 du même code ; 3°) à titre subsidiaire, de procéder avant dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 4°) à titre plus subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'ensemble des règles communautaires et sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par ladite Cour le 17 juillet 2014 ; 5°) de condamner l'Etat à lui verser dans le dernier état de ses écritures la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... soutient que : - le régime institué par la combinaison des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite engendre une discrimination indirecte dans la rémunération des travailleurs contraire à l'article 141 du traité instituant la communauté européenne, ainsi qu'à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, associé à l'article 1er du premier protocole additionnel ; en outre, en appliquant ce régime sans exercer de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, les juridictions nationales ont commis une violation des traités européens susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; - l'attitude de l'administration dans le traitement de sa demande de départ anticipé avec bonification méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégés par le droit de l'Union européenne ; - le Conseil d'Etat a méconnu l'article 257 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne saisissant pas la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la validité de la législation relative aux pensions au regard de l'interdiction des discriminations ; - l'application rétroactive de la loi du 31 août 2003, prévue par la loi constitue une ingérence du pouvoir législatif dans l'action juridictionnelle contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; - le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 rendu par une formation de jugement ne présentant pas les garanties requises d'impartialité, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 17 juillet 2014 ; Par des mémoires en défense, enregistrés au greffe de la Cour le 29 avril 2013, 31 octobre 2014 et le 8 juin 2015, le ministre de l'économie et des finances publiques conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'elle est irrecevable, que le principe de la responsabilité de l'Etat doit être écarté et que les préjudices ne sont en tout état de cause pas justifiés. Par un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 3 avril 2015, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole, - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n°14 sur la politique sociale, - la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978, - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003, - le code des pensions civiles et militaires de retraite, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ; Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Renouf, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de MeC..., représentant M.A.... 1. Considérant que M.A..., fonctionnaire employé par France Télécom et père de trois enfants, a sollicité, le 29 mars 2003, de son administration sa mise à la retraite anticipée avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que le 9 juillet 2004 il a finalement obtenu le bénéfice de la retraite anticipée, sans bonification ; qu'ayant épuisé les voies de recours pour contester son refus de bonification de pension, M. A...exerce un recours devant le Conseil d'Etat, renvoyé au tribunal administratif de Nîmes, en responsabilité de l'Etat du fait du fait des lois et de ses juridictions ; que, par un jugement du 20 décembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes rejette la requête de l'intéressé ; que M. A...fait appel de ce jugement devant la Cour ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce concerne le départ anticipé à la retraite : 7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Sur la rétroactivité de la loi : 9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. A... a présenté, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant, il ne pouvait avoir engagé, à la date de publication de la loi, une action contentieuse en vue de contester la légalité de la décision lui refusant le bénéfice de la bonification, dès lors qu'à cette date sa pension n'avait pas été liquidée et qu'une telle décision n'était susceptible d'intervenir qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 11. Considérant, d'une part, que M. A... soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 12. Considérant, d'autre part, que M. A... soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ; 13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au Garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président-assesseur, - Mme Péna, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 octobre 2015. Le rapporteur, P. RENOUFLe président, S. GONZALES Le greffier, C. LAUDIGEOIS La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, '' '' '' '' 2 N° 13MA00607
Cours administrative d'appel
Marseille