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CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02310, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes, au besoin après avoir ordonné une expertise destinée à vérifier les données statistiques utilisées, d'annuler la décision du 30 novembre 2010 de la Communauté urbaine Brest métropole océane rejetant sa demande d'admission à la retraite anticipée et la décision du 5 janvier 2011 de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) rejetant sa demande d'admission à jouissance immédiate à la retraite en qualité de père de trois enfants, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande conformément aux textes en vigueur, de condamner " Orange ou le service de pension de France Telecom et La Poste et/ou l'État " à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire. Par un jugement n° 1100465 du 29 mai 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 juillet 2015 et 26 janvier 2016 M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2015 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) à titre principal, d'annuler ces décisions des 30 novembre 2010 et 5 janvier 2011 ; 3°) de condamner la Communauté urbaine Brest métropole océane à lui verser la somme de 154 394 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande, en remboursement d'un rappel de pension de retraite, en indemnisation de la perte de bonification et de son préjudice moral ; de condamner " Orange, l'État ou le service de pension de La Poste ou la CNRACL à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision ; 4°) à titre subsidiaire d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL la production des données statistiques exploitées et des méthodes utilisées pour affirmer que les écarts de pension entre hommes et femmes fonctionnaires varient de 9,8 % jusqu'à 23 % en fonction du nombre d'enfants, et de désigner un expert pour vérifier cette statistique ; 5°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; 6°) de mettre à la charge de l'État la somme des entiers dépens, dont les frais d'expertise, et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision n° 372426 E...du Conseil d'État 27 mars 2015 a été prise par une formation contentieuse dont la composition méconnaît le principe d'impartialité de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, certains membres de cette formation de jugement ayant pris part à des avis rendus antérieurement dans les sections administratives du Conseil sur les dispositions en litige ; - elle se fonde sur des données statistiques non vérifiables en méconnaissance du principe de l'égalité des armes ; ces données n'apparaissent dans aucune donnée publique accessible et leur utilisation constitue un procédé déloyal ; - la bonification pour enfant prévue par les dispositions de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et de l'article R. 37 de ce même code modifié par le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, accordée sous condition d'interruption d'activité n'est pas un critère étranger au sexe des travailleurs ; les juridictions civiles ont estimé que ce droit à jouissance immédiate à la retraite dans le cadre des régimes spéciaux, qui a pour effet d'accorder aux fonctionnaires féminins un avantage en fin de carrière, est indirectement discriminatoire ; la condition d'interruption d'activité est ouverte systématiquement aux femmes dans une proportion telle que les hommes ne peuvent de fait en bénéficier et qu'elle aggrave les inégalités ; - de nombreuses statistiques tendent, au contraire de ce qu'affirme le ministre, à démontrer que l'interruption d'activité a un faible impact sur le niveau de salaire et de pension dans la fonction publique ; c'est en revanche le caractère partiel ou complet qui a le plus fort impact sur le niveau de pension et ce temps partiel concerne les femmes à 80 % ; - les dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent une discrimination indirecte en violation du droit de l'Union européenne, et notamment des dispositions du paragraphe 4 de l'article 141/154 du TFUE, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Léone C-173/13 du 17 juillet 2014 ; - il y aura lieu pour la cour d'apprécier les droits du requérant selon les règles en vigueur à la date de sa demande ; - ces dispositions ainsi que la décision du Conseil d'Etat citée plus haut méconnaissent le principe de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. La requête a été communiquée le 11 septembre 2015 à la Communauté urbaine Brest métropole océane et à la caisse des dépôts et consignations qui n'ont pas produit de mémoire. Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. C...n'est fondé. Par une ordonnance du 20 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2017 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 15NT02310 QPC du 3 février 2016, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C...par mémoire du 26 janvier 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lemoine, - et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public. 1. Considérant que M. C..., né le 3 novembre 1955, fonctionnaire de la communauté urbaine Brest métropole océane et père de trois enfants, a saisi, le 16 octobre 2010, son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension à compter du 2 juin 2011 après avoir accompli quinze années de services effectifs, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que du bénéfice de la bonification pour enfants prévue par les dispositions de l'article L. 12 du même code ; que cette demande a été rejetée par une décision du 30 novembre 2010 du président de la communauté urbaine Brest métropole océane au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions ; que pour les mêmes motifs, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté, le 5 janvier 2011, la demande de M. C...du 14 novembre 2010 tendant à la liquidation de sa pension au titre de parent de trois enfants à compter du 1er juillet 2011 ; que M. C... relève appel du jugement du 29 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; Sur la légalité de la décision contestée : 2. Considérant que pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de M.C..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur les motifs énoncés aux points suivants : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'État, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 5. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de la décision n°372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, toujours selon la décision du 27 mars 2015, les données d'une étude statistique du service des retraites de l'État produite par le ministre des finances et des comptes publics indiquent que si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 6. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 7. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite : 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 du traité instituant la communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 9. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 4 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 10. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué, de rejeter les mêmes moyens exposés par M. C...dans sa requête ; Sur les autres moyens : 11. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la question de l'impartialité des membres de la formation de jugement ayant siégé dans l'instance qui a donné lieu à la décision M. E...n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État statuant au contentieux ; que les moyens tirés des vices propres qui seraient susceptibles d'avoir entachés cette décision, étrangère au présent litige, sont inopérants ; 12. Considérant, d'autre part, que s'il est de l'office du juge d'appel de faire application, dans les litiges qui lui sont soumis, des règles nationales et des règles communautaires éclairées le cas échéant par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il ne lui appartient pas de porter sa propre appréciation sur la question de savoir si, par sa décision n° 372426 du 27 mars 2015, le Conseil d'État a fait, en se prononçant en tant que juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, pour déterminer si et dans quelle mesure les dispositions litigieuses du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient justifiées par des facteurs objectifs, une application de l'arrêt précité C-173/13 de la Cour de justice européenne conforme aux indications données par cette juridiction ou a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; que, par suite, il n'y a pas davantage lieu pour lui de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de cette question ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de nouvelles questions préjudicielles, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à la Communauté urbaine Brest métropole océane, à la caisse des dépôts et consignations et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Lemoine, premier conseiller. Lu en audience publique le 24 mai 2017. Le rapporteur, F. Lemoine Le président, I. Perrot Le greffier, M. B... La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 15NT02310
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02309, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes, au besoin après avoir ordonné une expertise destinée à vérifier les données statistiques utilisées, d'annuler la décision du 18 janvier 2011 du recteur de l'académie de Rennes rejetant sa demande d'admission à la retraite anticipée, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande conformément aux textes en vigueur, de condamner " Orange ou le service de pension de France Telecom et La Poste et/ou l'État " à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire. Par un jugement n° 1101009 du 29 mai 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 juillet 2015 et 11 janvier 2017 M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2015 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) à titre principal, d'annuler cette décision du 18 janvier 2011 du ministre de l'intérieur : 3°) de condamner " Orange, l'État ou le service de pension de La Poste ou la CNRACL à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision ; 4°) à titre subsidiaire d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL la production des données statistiques exploitées et des méthodes utilisées pour affirmer que les écarts de pension entre hommes et femmes fonctionnaires varient de 9,8 % jusqu'à 23 % en fonction du nombre d'enfants, et de désigner un expert pour vérifier cette statistique ; 5°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; 6°) de mettre à la charge de l'État la somme des entiers dépens, dont les frais d'expertise, et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision n° 372426 E...du Conseil d'État 27 mars 2015 a été prise par une formation contentieuse dont la composition méconnaît le principe d'impartialité de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, certains membres de cette formation de jugement ayant pris part à des avis rendus antérieurement dans les sections administratives du Conseil sur les dispositions en litige ; - elle se fonde sur des données statistiques non vérifiables en méconnaissance du principe de l'égalité des armes ; ces données n'apparaissent dans aucune donnée publique accessible et leur utilisation constitue un procédé déloyal ; - la bonification pour enfant prévue par les dispositions de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et de l'article R. 37 de ce même code modifié par le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, accordée sous condition d'interruption d'activité n'est pas un critère étranger au sexe des travailleurs ; les juridictions civiles ont estimé que ce droit à jouissance immédiate à la retraite dans le cadre des régimes spéciaux, qui a pour effet d'accorder aux fonctionnaires féminins un avantage en fin de carrière, est indirectement discriminatoire ; la condition d'interruption d'activité est ouverte systématiquement aux femmes dans une proportion telle que les hommes ne peuvent de fait en bénéficier et qu'elle aggrave les inégalités ; - de nombreuses statistiques tendent, au contraire de ce qu'affirme le ministre, à démontrer que l'interruption d'activité a un faible impact sur le niveau de salaire et de pension dans la fonction publique ; c'est en revanche le caractère partiel ou complet qui a le plus fort impact sur le niveau de pension et ce temps partiel concerne les femmes à 80 % ; - les dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent une discrimination indirecte en violation du droit de l'Union européenne, et notamment des dispositions du paragraphe 4 de l'article 141/154 du TFUE, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Léone C-173/13 du 17 juillet 2014 ; - il y aura lieu pour la cour d'apprécier les droits du requérant selon les règles en vigueur à la date de sa demande ; - ces dispositions ainsi que la décision du Conseil d'Etat citée plus haut méconnaissent le principe de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. La requête a été communiquée le 11 septembre 2015 au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui n'a pas produit de mémoire. Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. B...n'est fondé. Par une ordonnance du 20 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2017 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lemoine, - les conclusions de M. Giraud, rapporteur public, - et les observations de M.B.... 1. Considérant que M.B..., né le 8 mars 1960, fonctionnaire du ministère de l'éducation nationale depuis 1986 et père de trois enfants, a saisi, le 16 décembre 2010, son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension à compter du 20 juin 2011 après avoir accompli quinze années de services effectifs, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que du bénéfice de la bonification pour enfants prévue par les dispositions de l'article L. 12 du même code ; que cette demande a été rejetée par une décision du 18 janvier 2011 du recteur de l'académie de Rennes au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions ; que M. B...relève appel du jugement du 29 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; Sur la légalité de la décision contestée : 2. Considérant que pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de M.B..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur les motifs énoncés aux points suivants : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'État, les bonifications ci-après :(...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État (...) " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 5. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de la décision n°372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'Etat qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, toujours selon la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015, les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, indiquent que si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 6. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 7. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite : 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 du traité instituant la communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 9. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 4 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 10. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué, de rejeter les mêmes moyens exposés par M. B...dans sa requête ; Sur les autres moyens : 11. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la question de l'impartialité des membres de la formation de jugement ayant siégé dans l'instance qui a donné lieu à la décision M. E...n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État statuant au contentieux ; que les moyens tirés des vices propres qui seraient susceptibles d'avoir entachés cette décision, étrangère au présent litige, sont inopérants ; 12. Considérant, d'autre part, que s'il est de l'office du juge d'appel de faire application, dans les litiges qui lui sont soumis, des règles nationales et des règles communautaires éclairées le cas échéant par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il ne lui appartient pas de porter sa propre appréciation sur la question de savoir si, par sa décision n° 372426 du 27 mars 2015, le Conseil d'État a fait, en se prononçant en tant que juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, pour déterminer si et dans quelle mesure les dispositions litigieuses du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient justifiées par des facteurs objectifs, une application de l'arrêt précité C-173/13 de la Cour de justice européenne conforme aux indications données par cette juridiction ou a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; que, par suite, il n'y a pas davantage lieu pour lui de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de cette question ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de nouvelles questions préjudicielles, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Lemoine, premier conseiller. Lu en audience publique le 24 mai 2017. Le rapporteur, F. Lemoine Le président, I. Perrot Le greffier, M. C... La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 15NT02309
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02307, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes, au besoin après avoir ordonné une expertise destinée à vérifier les données statistiques utilisées, d'annuler la décision du 19 janvier 2011 du ministre de l'intérieur rejetant sa demande d'admission à la retraite anticipée, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande conformément aux textes en vigueur, de condamner " Orange ou le service de pension de France Telecom et La Poste et/ou l'État " à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire. Par un jugement n° 1101259 du 29 mai 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 27 juillet 2015 M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2015 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) à titre principal, d'annuler cette décision du 19 janvier 2011 du ministre de l'intérieur : 3°) de condamner " Orange, l'État ou le service de pension de La Poste ou la CNRACL à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL la production des données statistiques exploitées et des méthodes utilisées pour affirmer que les écarts de pension entre hommes et femmes fonctionnaires varient de 9,8 % jusqu'à 23 % en fonction du nombre d'enfants, et de désigner un expert pour vérifier cette statistique ; 5°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; 6°) de mettre à la charge de l'État la somme des entiers dépens, dont les frais d'expertise, et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision n° 372426 E...du Conseil d'État 27 mars 2015 a été prise par une formation contentieuse dont la composition méconnaît le principe d'impartialité de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, certains membres de cette formation de jugement ayant pris part à des avis rendus antérieurement dans les sections administratives du Conseil sur les dispositions en litige ; - elle se fonde sur des données statistiques non vérifiables en méconnaissance du principe de l'égalité des armes ; ces données n'apparaissent dans aucune donnée publique accessible et leur utilisation constitue un procédé déloyal ; - la bonification pour enfant prévue par les dispositions de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et de l'article R. 37 de ce même code modifié par le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, accordée sous condition d'interruption d'activité n'est pas un critère étranger au sexe des travailleurs ; les juridictions civiles ont estimé que ce droit à jouissance immédiate à la retraite dans le cadre des régimes spéciaux, qui a pour effet d'accorder aux fonctionnaires féminins un avantage en fin de carrière, est indirectement discriminatoire ; la condition d'interruption d'activité est ouverte systématiquement aux femmes dans une proportion telle que les hommes ne peuvent de fait en bénéficier et qu'elle aggrave les inégalités ; - de nombreuses statistiques tendent, au contraire de ce qu'affirme le ministre, à démontrer que l'interruption d'activité a un faible impact sur le niveau de salaire et de pension dans la fonction publique ; c'est en revanche le caractère partiel ou complet qui a le plus fort impact sur le niveau de pension et ce temps partiel concerne les femmes à 80 % ; - les dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent une discrimination indirecte en violation du droit de l'Union européenne, et notamment des dispositions du paragraphe 4 de l'article 141/154 du TFUE, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Léone C-173/13 du 17 juillet 2014 ; - il y aura lieu pour la cour d'apprécier les droits du requérant selon les règles en vigueur à la date de sa demande ; - ces dispositions ainsi que la décision du Conseil d'Etat citée plus haut méconnaissent le principe de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Par un mémoire enregistré le 14 octobre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. C...n'est fondé. Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2017 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête, se bornant à reprendre ses écritures de première instance sans présenter de moyens d'appel dirigé contre le jugement attaqué, n'est pas recevable ; - en se référant à ses écritures de première instance, aucun des moyens développés par M. C... n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lemoine, - et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public. 1. Considérant que M. C..., né le 10 juin 1961, fonctionnaire du ministère de l'intérieur depuis le 15 février 1985 et père de quatre enfants, a saisi, le 27 décembre 2010, son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension à compter du 27 juin 2011 après avoir accompli quinze années de services effectifs, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que du bénéfice de la bonification pour enfants prévue par les dispositions de l'article L. 12 du même code ; que cette demande a été rejetée par une décision du 19 janvier 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions ; que M. C... relève appel du jugement du 29 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; Sur la légalité de la décision contestée : 2. Considérant que pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de M.C..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur les motifs énoncés aux points suivants : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'État, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 5. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de la décision n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'Etat qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, toujours selon la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015, les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, indiquent que si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 6. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 7. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite : 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 du traité instituant la communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 9. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 4 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 10. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué, de rejeter les mêmes moyens exposés par M. C...dans sa requête ; Sur les autres moyens : 11. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la question de l'impartialité des membres de la formation de jugement ayant siégé dans l'instance qui a donné lieu à la décision M. E...n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État statuant au contentieux ; que les moyens tirés des vices propres qui seraient susceptibles d'avoir entachés cette décision, étrangère au présent litige, sont inopérants ; 12. Considérant, d'autre part, que s'il est de l'office du juge d'appel de faire application, dans les litiges qui lui sont soumis, des règles nationales et des règles communautaires éclairées le cas échéant par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il ne lui appartient pas de porter sa propre appréciation sur la question de savoir si, par sa décision n° 372426 du 27 mars 2015, le Conseil d'État a fait, en se prononçant en tant que juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, pour déterminer si et dans quelle mesure les dispositions litigieuses du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient justifiées par des facteurs objectifs, une application de l'arrêt précité C-173/13 de la Cour de justice européenne conforme aux indications données par cette juridiction ou a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; que, par suite, il n'y a pas davantage lieu pour lui de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de cette question ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de nouvelles questions préjudicielles, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Lemoine, premier conseiller. Lu en audience publique le 24 mai 2017. Le rapporteur, F. Lemoine Le président, I. Perrot Le greffier, M. B... La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 15NT02307
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 06/06/2017, 15MA00559, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête, enregistrée le 16 mai 2012, M. A... F...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la société France Télécom à lui verser la somme de 140 000 euros en réparation des préjudices de toutes natures résultant des conséquences dommageables de l'accident de service survenu le 17 juin 2002, assortie des intérêts légaux capitalisés. Par un jugement n° 1201298 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a condamné la société France Télécom à verser à M. F... la somme de 5 000 euros assortie des intérêts légaux à compter du 16 mai 2012, capitalisés au 16 mai 2013. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 12 février 2015, M. F..., représenté par Me B..., demande à la Cour : 1°) de condamner la société France Télécom à lui verser la somme de 111 200 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident de service du 17 juin 2002 ; 2°) de mettre à la charge de la société France Télécom le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens en application de l'article R. 761-1 du même code ; 3°) de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas été fait droit à l'intégralité de ses conclusions. Il soutient que : - la société France Télécom a commis une faute ; - même en l'absence de faute, il est fondé à demander réparation de préjudices tels que les souffrances physiques et morales endurées, ses préjudices esthétique et d'agrément, au-delà de la réparation forfaitaire déterminée par les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; - les souffrances endurées et le préjudice moral s'élèvent à 20 000 euros ; - le préjudice financier s'élève à 30 000 euros ; - le taux de 30% d'I.P.P. qui lui a été attribué implique une indemnisation à hauteur de 61 200 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2015, la société anonyme Orange venant aux droits de la société France Télécom, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coutel, - et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public. 1. Considérant que M. F..., fonctionnaire de la société France Télécom, qui exerçait les fonctions de conseiller vendeur à l'agence du centre commercial Mayol à Toulon, a été frappé au visage le 17 juin 2002 par un client, M. E... ; que l'auteur de cette agression été condamné à réparer les préjudices subis par le requérant par décision du tribunal de grande instance de Toulon, confirmée par arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 12 décembre 2007 ; que les héritiers de M. E..., décédé le 17 mai 2009, ont renoncé à sa succession ; que M. F... a bénéficié d'arrêts de travail du 18 juin 2002 au 15 avril 2005 qui ont été reconnus comme ayant, à compter du 11 juin 2006, un lien direct avec l'accident de service du 17 juin 2002, et qui se sont prolongés jusqu'à ce qu'il soit déclaré inapte définitif à toute fonction par décision du 29 août 2012 ; que l'intéressé a été admis à la retraite pour inaptitude totale et définitive à compter du 1er mars 2013 et perçoit désormais une rente viagère d'invalidité depuis cette date ; 2. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas soutenu que M. F... aurait été indemnisé en exécution des décisions du juge judiciaire statuant sur l'action civile ; que, par un courrier du 23 janvier 2012, reçu le 25 janvier 2012, M. F... a sollicité de la société France Télécom la réparation de l'ensemble des préjudices résultant des conséquences de l'accident de service dont il a été victime ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon, écartant toute faute de la part de la personne publique dans la survenance de l'accident en cause, a limité l'indemnisation de M. F... à la somme de 5 000 euros ; Sur les conclusions à fin de condamnation : 3. Considérant que les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle ; que les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; que ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ; 4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'agression subie par M. F... n'a été que la conséquence du comportement particulièrement violent et inhabituel d'un client ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle agression aurait présenté un caractère prévisible et que, par suite, la personne publique n'aurait pas mis en oeuvre les diligences nécessaires à la protection de ces agents vis-à-vis de tels risques ; qu'il s'ensuit que la faute de la personne publique doit être écartée ; 5. Considérant que la responsabilité de la société France Télécom est cependant susceptible d'être engagée, même en l'absence de faute, pour la réparation des souffrances physiques et morales endurées par M. F... du fait de cet accident de service, ainsi que pour la réparation de préjudices patrimoniaux tels que les dépenses de santé directement liées à cet accident ; 6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé a présenté à la suite de l'agression dont il a été victime un oedème important au niveau de la lèvre supérieure avec saignement et une plaie de la gencive supérieure avec traumatisme dentaire ; que l'intéressé a souffert également d'une raideur cervicale ayant entraîné au cours de l'année 2004 le port d'une minerve ; que l'agression subie est également à l'origine d'un choc psychologique qui s'est traduit chez l'intéressé par un syndrome anxio-dépressif sévère tout au long des années 2003 et 2004, nécessitant un suivi psychothérapeutique ; que la consolidation de l'état de santé de M. F... résultant de l'accident de service du 17 juin 2002 n'a été constatée que le 9 juillet 2011, l'intéressé conservant un taux d'incapacité permanente partielle à hauteur de 30% ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et morales endurées par M. F... et des troubles qu'il a subis dans ses conditions d'existence en portant l'indemnité que le tribunal lui a allouée à ce titre à la somme de 7 000 euros ; 7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des mentions du certificat médical circonstancié, rédigé le jour même de l'agression, que M. F... a souffert de douleurs de la face et présenté un traumatisme dentaire affectant l'intégrité tissulaire et la vitalité des incisives et des canines ; qu'au vu des pièces produites au dossier, il sera fait une juste appréciation des frais dentaires occasionnés par l'accident de service en cause en fixant l'indemnité due à ce titre à la somme de 1 000 euros ; Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 8. Considérant que M. F... a droit au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 8 000 euros à compter du 25 janvier 2012, date de réception de sa demande d'indemnisation préalable ; que ces intérêts seront capitalisés à compter du 25 janvier 2013, date à laquelle était due pour la première fois une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ; Sur les conclusions tendant à l'application des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Considérant, en premier lieu, que la présente instance n'a occasionné aucun dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. F... doivent ainsi être rejetées ; 10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du même code : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; 11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange le versement à M. F... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; D É C I D E : Article 1er : L'indemnité mise à la charge de la société Orange par le tribunal administratif de Toulon en réparation du préjudice subi par M. F... est portée à la somme de 8 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2012. Lesdits intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 25 janvier 2013, puis à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : La société Orange versera à M. F... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à la société Orange et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, où siégeaient : - M. Gonzales, président, - Mme D..., première conseillère, - M. Coutel, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 juin 2017. N° 15MA00559 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 3ème chambre, 09/06/2017, 15NT03743, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des conséquences de l'accident de service dont elle a été victime le 8 janvier 2006. Par un jugement n° 1401002 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU à lui verser la somme de 5 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 décembre 2015 Mme C...B..., représentée par MeA..., demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif de Caen ; 2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme totale de 60 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et capitalisation des intérêts ; 3°) à défaut, d'ordonner une expertise et de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de provision ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité pour faute du CHU est engagée dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un aménagement de son poste de travail, en méconnaissance des restrictions médicales émises par le médecin du travail, et qu'elle a été contrainte de démissionner ; - la responsabilité sans faute du CHU est engagée pour la réparation de ses dommages ne présentant pas un caractère patrimonial ; - elle a subi un préjudice financier, des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances physiques et morales ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice d'agrément. Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2016 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le contentieux n'est pas lié à hauteur de la somme demandée de 60 000 euros ; - les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 mars 2017 la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2017 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gauthier, - et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public. 1. Considérant que MmeB..., aide-soignante au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen depuis le 10 avril 2000 a, le 8 janvier 2006, ressenti une douleur brutale et aiguë de l'épaule gauche en mobilisant un patient ; que cet accident a été reconnu imputable au service ainsi que les rechutes survenues entre le 19 avril 2006 et le 26 novembre 2008 ; que, du 15 avril 2008 au 21 octobre 2010, Mme B...a exercé ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; que le 6 janvier 2010, elle a ressenti de nouvelles douleurs aiguës et a été placée en arrêt de travail jusqu'au 21 octobre 2010 ; que son état de santé est consolidé à la date du 22 octobre 2010 ; que Mme B...a demandé la condamnation de son employeur à réparer les préjudices non déjà indemnisés au titre de l'accident de service ; qu'elle relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a limité à 5 000 euros la somme que le CHU a été condamné à lui verser ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de MmeB... ; Sur la responsabilité : 2. Considérant que les dispositions légales et réglementaires instituant un régime forfaitaire de réparation des accidents de service et des maladies professionnelles au profit des fonctionnaires concernés, et qui ont pour objet la réparation des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par l'accident ou la maladie professionnelle, ne font pas obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés forfaitairement ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ; 3. Considérant que Mme B...soutient que la responsabilité pour faute du CHU de Caen est engagée dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un aménagement de son poste de travail en méconnaissance des restrictions médicales émises par le médecin du travail ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si les avis médicaux et fiches d'aptitude émis indiquaient que l'intéressée devait éviter le port de charges lourdes et ne pas travailler plus de deux nuits consécutives, Mme B...n'établit pas que l'établissement n'aurait pas respecté ces restrictions médicales, alors au contraire que les pièces fournies par l'établissement hospitalier, et en particulier la lettre du 16 mai 2014 du cadre de santé responsable de l'intéressée de décembre 2006 à décembre 2010, attestent que les affectations de l'intéressée tenaient compte de ces contraintes ; qu'il résulte également des états annuels de service de Mme B...que celle-ci n'a travaillé plus de deux nuits consécutives qu'à quatre reprises, aux mois de juillet 2007, septembre 2007, novembre 2007 et juin 2008, et que cette situation ne s'est pas reproduite en 2009 ; qu'ainsi aucune faute ne peut être reprochée au CHU de Caen à ce titre ; 4. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction que c'est à la demande de l'intéressée, formulée le 28 septembre 2010, que le bénéfice de la cessation anticipée d'activité a été accordé à Mme B...et que sa démission a été acceptée ; qu'aucun des éléments produits ne permet d'établir que, ainsi qu'elle le soutient, l'intéressée aurait été contrainte de démissionner ; qu'ainsi Mme B...n'établit pas que l'établissement aurait ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à son égard ; 5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante est seulement fondée à obtenir une réparation complémentaire des préjudices qu'elle soutient avoir subis sur le fondement de la responsabilité sans faute du CHU ; Sur les préjudices : 6. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, la cessation anticipée d'activité résulte de la seule volonté de l'agent de démissionner ; qu'ainsi, Mme B...ne peut prétendre à la réparation du préjudice financier qui résulterait de sa radiation des cadres ; 7. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme B...invoque l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire, ni la circonstance que l'agent a ressenti ponctuellement des douleurs aiguës, ni les attestations produites, peu circonstanciées et rédigées près de huit ans après les faits relatés, ne permettent d'établir la réalité d'un tel préjudice ; 8. Considérant, en troisième lieu, que la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle; 9. Considérant que si Mme B...demande, pour la première fois en appel, une somme de 20 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de telles prétentions excèdent le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, alors qu'il ne s'agit pas d'un élément nouveau apparu postérieurement au jugement ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à la condamnation du CHU à lui verser une somme au titre du déficit fonctionnel permanent ne peuvent qu'être rejetées ; 10. Considérant, en quatrième lieu, qu'en ce qui concerne ses souffrances physiques et morales et les troubles dans ses conditions d'existence Mme B...se borne à rappeler les différents examens médicaux et arrêts de travail subis ; que ces préjudices ont été justement appréciés par le tribunal en lui accordant la somme de 5 000 euros ; 11. Considérant, enfin, que le préjudice d'agrément, qui ne saurait résulter des difficultés à accomplir certaines tâches ménagères, n'est pas établi ; 12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 5 000 euros la somme que le CHU de Caen a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B...le versement au CHU de Caen de la somme que celui-ci demande au titre des mêmes frais ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Caen présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au centre hospitalier universitaire de Caen. Délibéré après l'audience du 24 mai 2017, à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Gauthier, premier conseiller, - Mme Le Bris, premier conseiller. Lu en audience publique, le 9 juin 2017. Le rapporteur, E. GauthierLe président, I. Perrot Le greffier, M. Le Réour La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 15NT03743
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02803, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D...F...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 avril 2013 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004. Par un jugement n° 1301690 du 13 juillet 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 septembre 2015 et 13 mars 2017 Mme D...F..., représentée par Me Berthault, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2015 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 3 avril 2013 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ; 3°) d'enjoindre au Premier ministre de lui verser une rente viagère d'un montant de 543,64 euros à compter du 8 juin 2005, subsidiairement d'enjoindre à l'office national des anciens combattants de lui verser cette rente à compter du 24 août 2012 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 284 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision contestée est entachée d'erreur de droit ; le décret du 27 juillet 2004 ne vise pas uniquement les victimes de la barbarie nazie mais toutes les victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ; - la décision contestée est entachée d'erreur de fait ; son père n'est pas mort " au cours d'opérations de guerre " ; - elle remplit les conditions pour obtenir la mesure de réparation sollicitée ; la décision contestée méconnaît par suite les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Une mise en demeure a été adressée le 2 mai 2016 à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre qui n'a pas produit de mémoire. Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2016, le Premier ministre conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme F...ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 28 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2017 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gauthier, - les conclusions de M. Giraud, rapporteur public, - et les observations de MeB..., substituant Me Berthault, représentant Mme F.... 1. Considérant que MmeF..., née le 12 juillet 1938, a perdu son père M. A... C..., quartier-maître chauffeur à bord du cuirassé " Dunkerque ", décédé le 3 juillet 1940 à la suite de l'attaque menée par les forces anglaises contre la flotte française stationnée à Mers-El-Kébir ; qu'elle a sollicité le bénéfice des dispositions du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ; qu'elle relève appel du jugement du 13 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2013 du Premier ministre rejetant sa demande tendant au bénéfice de la réparation prévue par ce texte ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ. " ; qu'aux termes de l'article L. 290 du même code : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur-le-champ. " ; 3. Considérant que les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, auxquelles renvoient les dispositions du décret du 27 juillet 2004, visent expressément les personnes qui ont été victimes de l'ennemi ; qu'en l'espèce, M. A... C...est décédé le 3 juillet 1940 à la suite de l'attaque menée contre la flotte française stationnée à Mers El-Kébir par les forces anglaises lesquelles, quelles que fussent les circonstances dramatiques de cette opération militaire, ne constituaient pas des forces ennemies ; qu'ainsi le décès du père de la requérante n'est pas imputable aux forces d'occupation ennemies au sens des dispositions citées au point 2 ; que, par suite, la décision du 3 avril 2013 du Premier ministre n'est pas entachée d'erreur de droit ; 4. Considérant, au surplus, que le père de Mme F...est mort du fait de blessures reçues au cours d'opérations militaires conduites par une armée alliée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, M. A... C...n'a pas été exécuté à la suite d'une arrestation par les forces ennemies mais est décédé au cours d'une opération de guerre ; que la décision contestée n'est, par suite, pas davantage entachée d'erreur de fait ; 5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la requérante ne remplit pas les conditions pour obtenir la mesure de réparation sollicitée ; que, par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...F..., au Premier ministre et à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre. Délibéré après l'audience du 11 mai 2017, à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Gauthier, premier conseiller, - Mme Le Bris, premier conseiller. Lu en audience publique, le 24 mai 2017. Le rapporteur, E. GauthierLe président, I. Perrot Le greffier, M. Laurent La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 15NT02803
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANCY, 2ème chambre - formation à 3, 01/06/2017, 15NC01907, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 1401183 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 3 septembre 2015, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1401183 du tribunal administratif de Besançon du 9 juillet 2015 ; 2°) de prononcer la réduction de l'imposition en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle est fondée à demander l'application d'une demi-part supplémentaire à son quotient familial en qualité de veuve de son défunt époux, qui était titulaire de la carte de combattant, dès lors que les dispositions de l'article 195 du code général des impôts ne conditionnent pas le bénéfice de cette demi-part à l'obtention, par le conjoint décédé, de la demi-part au titre d'une année d'imposition au moins ; - l'administration a restreint de manière unilatérale, sur le fondement de sa propre doctrine, le champ d'application du 1.f de l'article 195 du code général des impôts en ajoutant une condition supplémentaire pour prétendre au bénéfice de cette demi-part, non prévue par la loi ; - elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine en vigueur avant le 25 mars 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - dès lors que l'époux de la requérante, titulaire d'une carte d'ancien combattant, décédé avant l'âge de soixante-quinze ans, n'a pu bénéficier de la demi-part supplémentaire de quotient familial, son épouse ne peut bénéficier de cette demi-part supplémentaire sur le fondement de l'article 195 du code général des impôts ; - la doctrine a toujours exigé que la condition d'âge soit remplie par les deux membres du couple. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 mai 2017 : - le rapport de M. Di Candia, - et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public. 1. Considérant que MmeB..., âgée de plus de soixante-quinze ans, a demandé, en qualité de veuve d'une personne titulaire d'une carte de combattant décédée à l'âge de soixante-et-onze ans, à bénéficier d'une demi-part supplémentaire au titre de l'année 2012 et à ce que la cotisation d'impôt sur le revenu qu'elle avait acquittée soit réduite en conséquence ; que l'intéressée relève appel du jugement du 9 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la réduction de ladite cotisation d'impôt sur le revenu ; 2. Considérant que par dérogation aux dispositions du I de l'article 194 du code général des impôts attribuant aux contribuables veufs sans enfant à charge une part de quotient familial supplémentaire, l'article 195 du même code dispose que : " 1. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables : (... ) f. Sont âgés de plus de 75 ans et titulaires de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; cette disposition est également applicable aux veuves, âgées de plus de 75 ans, des personnes mentionnées ci dessus ; (...) " ; qu'en vertu du 6 du même article les contribuables mariés titulaires de la carte de combattant et qui remplissent les mêmes conditions d'âge bénéficient d'une demi-part supplémentaire ; 3. Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi du 30 décembre 1981 portant loi de finances pour 1982, dont le IV de l'article 12 a été codifié au f du 1 de l'article 195 du code général des impôts, que le législateur a entendu attribuer une demi-part supplémentaire aux anciens combattants remplissant certaines conditions, dont une condition d'âge, initialement fixée à 75 ans, puis à leurs veuves lorsqu'elles atteignaient le même âge ; qu'il résulte des travaux parlementaires de la loi du 30 décembre 1987 portant loi de finances pour 1988 que le 6 du même article a été introduit par cette dernière afin que, alors que la codification de l'amendement parlementaire issu de la loi du 30 décembre 1981 laissait subsister une ambiguïté sur ce point, les contribuables qui remplissaient les deux conditions prévues au f du 1 de l'article 195 puissent bénéficier de cette demi-part alors même qu'ils étaient mariés ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que sont incluses, parmi les veuves visées au f du 1 de l'article 195 du code général des impôts, celles qui relevaient, avant le décès de leur mari, du 6 de ce même article ; que la condition d'âge ainsi posée au f du 1 de l'article 195 du code s'apprécie, dans ce cadre, par référence à l'âge du mari au jour de son décès ; que, dès lors, le bénéfice de la demi-part supplémentaire de quotient familial est seulement attribué aux veuves de plus de soixante-quinze ans dont le mari était lui-même âgé de plus de soixante-quinze ans au jour de son décès ; que, par suite, Mme B...n'est fondée à soutenir ni que l'administration fiscale aurait ajouté une condition supplémentaire à la loi fiscale, ni qu'en rejetant sa réclamation, elle aurait méconnu les dispositions précitées ; 5. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme B...se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du § 170 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-LIQ-10-20-20-20-20120912, selon lequel il paraît possible " d'accorder le bénéfice de la demi-part supplémentaire de quotient familial aux veuves d'anciens combattants qui seraient en possession d'une attestation, délivrée par les services départementaux de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre de leur résidence, établissant que leur époux remplissait les conditions requises pour se voir reconnaître la qualité de combattant ", ce même paragraphe précise que cette disposition " implique que le défunt ait bénéficié, au moins au titre d'une année d'imposition, de la demi-part supplémentaire " ; que tel n'était pas le cas du défunt mari de la requérante ; que dès lors MmeB..., qui ne justifie au demeurant pas être en possession d'une telle attestation, n'entre pas dans les prévisions de cette instruction ; 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ; D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'économie. 2 15NC01907
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02311, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes, au besoin après avoir ordonné une expertise destinée à vérifier les données statistiques utilisées, d'annuler la décision du 4 janvier 2011 du ministre de la défense rejetant sa demande d'admission à la retraite anticipée, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande conformément aux textes en vigueur, de condamner " Orange ou le service de pension de France Telecom et La Poste et/ou l'État " à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire. Par un jugement n° 1100391 du 29 mai 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 juillet 2015 et 7 janvier 2016 M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2015 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) à titre principal, d'annuler cette décision du 19 janvier 2011 du ministre de l'intérieur : 3°) de condamner " Orange, l'État ou le service de pension de La Poste ou la CNRACL à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision ; 4°) à titre subsidiaire d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL la production des données statistiques exploitées et des méthodes utilisées pour affirmer que les écarts de pension entre hommes et femmes fonctionnaires varient de 9,8 % jusqu'à 23 % en fonction du nombre d'enfants, et de désigner un expert pour vérifier cette statistique ; 5°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; 6°) de mettre à la charge de l'État la somme des entiers dépens, dont les frais d'expertise, et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision n° 372426 E...du Conseil d'État 27 mars 2015 a été prise par une formation contentieuse dont la composition méconnaît le principe d'impartialité de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, certains membres de cette formation de jugement ayant pris part à des avis rendus antérieurement dans les sections administratives du Conseil sur les dispositions en litige ; - elle se fonde sur des données statistiques non vérifiables en méconnaissance du principe de l'égalité des armes ; ces données n'apparaissent dans aucune donnée publique accessible et leur utilisation constitue un procédé déloyal ; - la bonification pour enfant prévue par les dispositions de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et de l'article R. 37 de ce même code modifié par le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, accordée sous condition d'interruption d'activité n'est pas un critère étranger au sexe des travailleurs ; les juridictions civiles ont estimé que ce droit à jouissance immédiate à la retraite dans le cadre des régimes spéciaux, qui a pour effet d'accorder aux fonctionnaires féminins un avantage en fin de carrière, est indirectement discriminatoire ; la condition d'interruption d'activité est ouverte systématiquement aux femmes dans une proportion telle que les hommes ne peuvent de fait en bénéficier et qu'elle aggrave les inégalités ; - de nombreuses statistiques tendent, au contraire de ce qu'affirme le ministre, à démontrer que l'interruption d'activité a un faible impact sur le niveau de salaire et de pension dans la fonction publique ; c'est en revanche le caractère partiel ou complet qui a le plus fort impact sur le niveau de pension et ce temps partiel concerne les femmes à 80 % ; - les dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent une discrimination indirecte en violation du droit de l'Union européenne, et notamment des dispositions du paragraphe 4 de l'article 141/154 du TFUE, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Léone C-173/13 du 17 juillet 2014 ; - il y aura lieu pour la cour d'apprécier les droits du requérant selon les règles en vigueur à la date de sa demande ; - ces dispositions ainsi que la décision du Conseil d'Etat citée plus haut méconnaissent le principe de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. La requête a été communiquée le 11 septembre 2015 au ministre de la défense et à la direction des constructions navales qui n'ont pas produit de mémoire. Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. B...n'est fondé. Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2015 la Caisse des dépôts et consignations conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - n'ayant été saisie d'aucune demande ou proposition de pension, la requête de M. B...n'est pas recevable, la caisse n'ayant pris elle-même aucune décision sur cette pension ; - la requête dirigée contre le Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) n'est pas recevable faute de décision prise par ce fonds vis-à-vis de M. B...qui ne lui adressé aucune demande ; - la demande indemnitaire de M.B..., adressée à " l'État, Orange, le service de pension de La Poste ou la CNRACL " n'est pas recevable faute de liaison préalable du contentieux à l'égard de la CNRACL dès lors qu'il ne relève pas du régime de retraite géré par cette caisse, ou du FSPOEIE ; - aucun des moyens développés par M. B... n'est fondé. Par une ordonnance du 20 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2017 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 15NT02311 QPC du 26 janvier 2016, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...par mémoire du 7 janvier 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lemoine, - et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public. 1. Considérant que M. B..., né le 9 septembre 1963, fonctionnaire du ministère de la défense détaché au sein de la société DCNS et père de trois enfants, a saisi, le 9 décembre 2010, son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension à compter du 30 juin 2011 après avoir accompli quinze années de services effectifs, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que du bénéfice de la bonification pour enfants prévue par les dispositions de l'article L. 12 du même code ; que cette demande a été rejetée par une décision du 4 janvier 2011 de la société DCNS au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions ; que M. B... relève appel du jugement du 29 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; Sur la légalité de la décision contestée : 2. Considérant que pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de M.B..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur les motifs énoncés aux points suivants : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 5. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de la décision n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'Etat qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, toujours selon la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015, les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics indiquent que si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 6. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 7. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite : 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 du traité instituant la communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 9. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 4 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 10. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué, de rejeter les mêmes moyens exposés par M. B...dans sa requête ; Sur les autres moyens : 11. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la question de l'impartialité des membres de la formation de jugement ayant siégé dans l'instance qui a donné lieu à la décision M. E...n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État statuant au contentieux ; que les moyens tirés des vices propres qui seraient susceptibles d'avoir entachés cette décision, étrangère au présent litige, sont inopérants ; 12. Considérant, d'autre part, que s'il est de l'office du juge d'appel de faire application, dans les litiges qui lui sont soumis, des règles nationales et des règles communautaires éclairées le cas échéant par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il ne lui appartient pas de porter sa propre appréciation sur la question de savoir si, par sa décision n° 372426 du 27 mars 2015, le Conseil d'État a fait, en se prononçant en tant que juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, pour déterminer si et dans quelle mesure les dispositions litigieuses du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient justifiées par des facteurs objectifs, une application de l'arrêt précité C-173/13 de la Cour de justice européenne conforme aux indications données par cette juridiction ou a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; que, par suite, il n'y a pas davantage lieu pour lui de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de cette question ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de nouvelles questions préjudicielles, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., au ministre de la défense, à la direction des constructions navales, à la Caisse des dépôts et consignations, au Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Lemoine, premier conseiller. Lu en audience publique le 24 mai 2017. Le rapporteur, F. Lemoine Le président, I. Perrot Le greffier, M. A... La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 15NT02311
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02308, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes, au besoin après avoir ordonné une expertise destinée à vérifier les données statistiques utilisées, d'annuler la décision implicite du ministre de l'économie et des finances opposée à sa demande formée le 12 juillet 2010, confirmée par la décision du secrétaire général de l'INSEE du 13 janvier 2011 rejetant sa demande d'admission à la retraite anticipée, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa demande conformément aux textes en vigueur, dans un délai de quinze jours, et de condamner " Orange ou le service de pension de France Telecom et La Poste et/ou l'État " à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire. Par un jugement n° 1004930 du 29 mai 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 27 juillet 2015 M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2015 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) à titre principal, d'annuler cette décision du 13 janvier 2011 ; 3°) de condamner " Orange, l'État ou le service de pension de La Poste ou la CNRACL à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette décision ; 4°) à titre subsidiaire d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL la production des données statistiques exploitées et des méthodes utilisées pour affirmer que les écarts de pension entre hommes et femmes fonctionnaires varient de 9,8 % jusqu'à 23 % en fonction du nombre d'enfants, et de désigner un expert pour vérifier cette statistique ; 5°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'État ayant statué dans la décision n° 372426 E...du 27 mars 2015 au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et à la question de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; 6°) de mettre à la charge de l'État la somme des entiers dépens, dont les frais d'expertise, et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision n° 372426 E...du Conseil d'État 27 mars 2015 a été prise par une formation contentieuse dont la composition méconnaît le principe d'impartialité de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; certains membres de cette formation de jugement ayant pris part à des avis rendus antérieurement dans les sections administratives du Conseil sur les dispositions en litige ; - elle se fonde sur des données statistiques non vérifiables en méconnaissance du principe de l'égalité des armes ; ces données n'apparaissent dans aucune donnée publique accessible et leur utilisation constitue un procédé déloyal ; - la bonification pour enfant prévue par les dispositions de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et de l'article R. 37 de ce même code modifié par le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, accordée sous condition d'interruption d'activité n'est pas un critère étranger au sexe des travailleurs ; les juridictions civiles ont estimé que ce droit à jouissance immédiate à la retraite dans le cadre des régimes spéciaux, qui a pour effet d'accorder aux fonctionnaires féminins un avantage en fin de carrière, est indirectement discriminatoire ; la condition d'interruption d'activité est ouverte systématiquement aux femmes dans une proportion telle que les hommes ne peuvent de fait en bénéficier et qu'elle aggrave les inégalités ; - de nombreuses statistiques tendent, au contraire de ce qu'affirme le ministre, à démontrer que l'interruption d'activité a un faible impact sur le niveau de salaire et de pension dans la fonction publique ; c'est en revanche le caractère partiel ou complet qui a le plus fort impact sur le niveau de pension et ce temps partiel concerne les femmes à 80 % ; - les dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent une discrimination indirecte en violation du droit de l'Union européenne, et notamment des dispositions du paragraphe 4 de l'article 141/154 du TFUE, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Léone C-173/13 du 17 juillet 2014 ; - il y aura lieu pour la cour d'apprécier les droits du requérant selon les règles en vigueur à la date de sa demande ; - ces dispositions ainsi que la décision du Conseil d'État citée plus haut méconnaissent le principe de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. C...n'est fondé. Par une ordonnance du 20 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2017 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lemoine, - et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public. 1. Considérant que M.C..., né le 19 novembre 1958, fonctionnaire de l'INSEE et père de trois enfants, a saisi, le 12 juillet 2010, son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension " le plus tôt possible ", après avoir accompli quinze années de services effectifs, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que du bénéfice de la bonification pour enfants prévue par les dispositions de l'article L. 12 du même code ; que cette demande a été rejetée par une décision du 13 janvier 2011 du secrétaire général de l'INSEE au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions ; que M. C...relève appel du jugement du 29 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; Sur la légalité de la décision contestée : 2. Considérant que pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de M.C..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur les motifs énoncés aux points suivants : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi du 21 août 2013 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'État, les bonifications ci-après : (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 13 du même code dans sa version applicable en l'espèce : " Le bénéfice des dispositions du b de l'article L. 12 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, prévus par les articles 34 (5°), 54 et 40 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et les articles L. 4138-4, L. 4138-7 et L. 4138-14 du code de la défense, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans prévue par l'article 47 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions " ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 5. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de la décision n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, toujours selon la décision du Conseil d'État du 27 mars 2015, les données d'une étude statistique du service des retraites de l'État produite par le ministre des finances et des comptes publics indiquent que si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 6. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 7. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite : 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article(...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour paternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 9. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 4 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 10. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué, de rejeter les mêmes moyens exposés par M. C...dans sa requête ; Sur les autres moyens : 11. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la question de l'impartialité des membres de la formation de jugement ayant siégé dans l'instance qui a donné lieu à la décision M. E...n° 372426 du 27 mars 2015 du Conseil d'État statuant au contentieux ; que les moyens tirés des vices propres qui seraient susceptibles d'avoir entachés cette décision, étrangère au présent litige, sont inopérants ; 12. Considérant, d'autre part, que s'il est de l'office du juge d'appel de faire application, dans les litiges qui lui sont soumis, des règles nationales et des règles communautaires éclairées le cas échéant par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il ne lui appartient pas de porter sa propre appréciation sur la question de savoir si, par sa décision n° 372426 du 27 mars 2015, le Conseil d'État a fait, en se prononçant en tant que juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, pour déterminer si et dans quelle mesure les dispositions litigieuses du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient justifiées par des facteurs objectifs, une application de l'arrêt précité C-173/13 de la Cour de justice européenne conforme aux indications données par cette juridiction ou a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; que, par suite, il n'y a pas davantage lieu pour lui de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de cette question ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de nouvelles questions préjudicielles, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au secrétaire général de l'INSEE et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Lemoine, premier conseiller. Lu en audience publique le 24 mai 2017. Le rapporteur, F. Lemoine Le président, I. Perrot Le greffier, M. B... La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 15NT02308
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 09/05/2017, 15BX01426, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 1 763 904 euros au titre de ses préjudices économique et moral et de ceux de ses trois enfants à la suite de l'accident mortel dont a été victime leur conjoint et père, le lieutenantD.... Par un jugement n° 1302979 du 11 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à Mme C...ainsi qu'à ses filles la somme globale de 122 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sous réserve de la déduction de la provision de 85 000 euros qui leur a déjà été versée. Procédures devant la cour : I) Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015 sous le n° 15BX01426, le ministre de la défense demande à la cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2015 en ce qu'il a retenu une indemnisation excessive au regard du préjudice subi. Il soutient que : - c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; - cependant, les sommes auxquelles a été condamné l'Etat en réparation du préjudice moral subi par Mme C...et ses filles ont été excessivement appréciées par rapport aux sommes généralement accordées par la jurisprudence pour un chef de préjudice similaire ; en outre, celles-ci ont déjà bénéficié d'une exécution provisoire à hauteur de 85 000 euros, ordonnée par le juge des référés ; - le ministère de la défense indemnise à l'amiable les familles de militaires morts pour le service de la nation en leur allouant les sommes généralement accordées par le juge administratif ; en l'espèce, la nécessaire égalité de traitement entre les militaires est méconnue du fait de l'importance des sommes allouées par le tribunal. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2015, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa fille mineure, et Mmes A...et F...D..., concluent, par la voie de l'appel incident : 1°) à titre principal, à la réformation du jugement, en ce qu'il ne les a pas suffisamment indemnisées de leurs préjudices, en demandant 50 000 euros pour chacune des deux enfants mineures en réparation de leur préjudice moral, 191 988 euros en réparation du préjudice économique de Charlotte, 198 145 euros en réparation du préjudice économique d'Oriane, 150 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme C...et 891 796 euros en réparation de son préjudice économique, 50 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme A...D...et 181 975 euros en réparation de son préjudice économique, déduction faite de la provision déjà accordée, toutes sommes à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ; 2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à verser à Mme C...et à ses trois filles la somme de 271 105,82 euros au titre de leurs seuls préjudices moraux, déduction faite de la provision déjà accordée, somme à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ; 3°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet de la requête ; 4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - l'offre d'indemnisation du préjudice économique faite par le ministère de la défense le 25 mai 2009 n'a pas été suffisamment analysée par les premiers juges ; - l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, car il a confié au lieutenant D...un avion défaillant, atteint d'une panne de propulseur en plein vol ; la panne moteur est établie ; le lieutenant D...était un pilote très expérimenté et rigoureux ; des défaillances avérées du contrôle aérien ont également conduit à l'accident ; - la responsabilité de l'Etat est également engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; - leurs préjudices moraux ont été insuffisamment indemnisés ; le décès de leur époux et père les a plongées dans une très grande détresse morale. II) Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015 sous le n° 15BX01543, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa fille mineure, et Mmes A...et F...D..., représentées par MeG..., demandent à la cour : 1°) à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2015, en condamnant l'Etat à verser 50 000 euros à chacune des deux enfants mineures en réparation de leur préjudice moral, 191 988 euros en réparation du préjudice économique de Charlotte, 198 145 euros en réparation du préjudice économique d'Oriane, 150 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme C...et 891 796 euros en réparation de son préjudice économique, 50 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme A...D...et 181 975 euros en réparation de son préjudice économique, déduction faite de la provision déjà accordée, toutes sommes à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ; 2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en condamnant l'Etat à verser à Mme C... et à ses trois filles la somme de 271 105,82 euros au titre de leurs seuls préjudices moraux, déduction faite de la provision déjà accordée, somme à assortir des intérêts à taux légal et de leur capitalisation ; 3°) à titre infiniment subsidiaire, à la confirmation du jugement ; 4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - l'offre d'indemnisation du préjudice économique faite par le ministère de la défense le 25 mai 2009 n'a pas été suffisamment analysée par les premiers juges ; elle équivaut bel et bien à une reconnaissance de sa responsabilité par l'Etat ; en vertu du principe de l'estoppel, même s'il n'est pas reconnu par la jurisprudence administrative française, l'Etat ne peut revenir sur son offre antérieure ; cette offre, qui était bien une décision, valait reconnaissance explicite et sans réserve de responsabilité ; - l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, car il a confié au lieutenant D...un avion défaillant, atteint d'une panne de propulseur en plein vol ; la panne moteur est établie ; l'avion était techniquement défectueux ; le lieutenant D...était un pilote très expérimenté et rigoureux ; des défaillances avérées du contrôle aérien ont également conduit à l'accident ; - la responsabilité de l'Etat est également engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; en perdant leur époux et père, elles ont subi un préjudice anormal, grave et spécial ; dans ces conditions, on ne saurait, de surcroît à leur préjudice moral, exiger d'elles qu'elles apportent la preuve d'une faute de l'Etat pour demander réparation de leur préjudice économique ; en effet, la victime innocente est placée dans une situation différente selon l'existence ou non d'une faute de la puissance publique ; - leurs préjudices moraux ont été insuffisamment indemnisés ; le décès de leur époux et père les a plongées dans une très grande détresse morale. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; en tout état de cause, le droit à indemnisation des consortsD..., en tant qu'ayants droit d'un militaire de carrière victime d'un accident de service est soumis au régime des pensions militaire d'invalidité et à la règle forfaitaire d'indemnisation qui en découle, ce qui ne fait cependant pas obstacle à une indemnisation du préjudice subi évalué en droit commun et du préjudice moral subi par les ayants droit ; - cependant, les sommes auxquelles a été condamné l'Etat en réparation du préjudice moral subi par Mme C...et ses filles ont été excessivement appréciées par rapport aux sommes généralement accordées par la jurisprudence pour un chef de préjudice similaire ; en outre, celles-ci ont déjà bénéficié d'une exécution provisoire à hauteur de 85 000 euros, ordonnée par le juge des référés ; - le ministère de la défense indemnise à l'amiable les familles de militaires morts pour le service de la nation en leur allouant les sommes généralement accordées par le juge administratif ; en l'espèce, la nécessaire égalité de traitement entre les militaires est méconnue du fait de l'importance des sommes allouées par le tribunal ; - une erreur matérielle s'est glissée dans le jugement, la date de la demande préalable retenue par le juge étant le 21 mars 2008, et non le 21 mars 2006. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code civil ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, - les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public, - et les observations de MeB..., représentant Mme C...et ses filles. Considérant ce qui suit : 1. Le 23 mars 2004, à la fin d'une mission d'instruction élémentaire, dite de " pilotage d'accoutumance " de retour vers la base de Cognac, un aéronef militaire de modèle Epsilon TB30 s'est écrasé au sol, entraînant le décès de ses deux occupants, le pilote moniteur, le lieutenantD..., et l'élève officier qui l'accompagnait. Mme C...veuve D...a introduit un contentieux indemnitaire devant le tribunal administratif, en son nom et celui de ses trois filles alors mineures, en réclamant la condamnation de l'Etat à hauteur de 1 763 904 euros en réparation de leurs préjudices économique et moral. Par un jugement du 11 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à leur verser, en réparation de leur seul préjudice moral, la somme globale de 122 000 euros, sous réserve de la déduction de la provision de 85 000 euros qui leur a déjà été accordée par une ordonnance du 19 juillet 2012 du juge des référés de ce même tribunal. Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX01426, le ministre de la défense fait appel de ce jugement, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa dernière fille encore mineure, et Mmes A...et F...D..., ses filles devenues majeures, demandant, par la voie de l'appel incident, la réévaluation de cette condamnation. Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX01543, MmeC..., agissant en son nom et en celui de sa dernière fille, et Mmes A...et F...D..., font appel du même jugement, en réitérant leur demande de condamnation de l'Etat à réparer leurs préjudices à la fois économique et moral pour la somme de 1 763 904 euros. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt. Sur la responsabilité : 2. Les dispositions des articles L. 38 à L. 46 du code des pensions civiles et militaires de retraite, applicables aux ayants cause des militaires en vertu de l'article L. 47 dudit code, comme celles de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les ayants cause d'un militaire décédé lors d'un accident de service peuvent prétendre. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée par les ayants cause contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de celui-ci ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait, dès lors que la réparation forfaitaire qui leur est légalement allouée, en application des dispositions précitées, ne répare pas l'intégralité de ce dommage. Elles ne font pas non plus obstacle à ce que les ayants cause du militaire décédé, ainsi que ses autres ayants droit éventuels, obtiennent de l'Etat, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant, de manière distincte, leur préjudice moral et personnel. En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 3. En application du principe énoncé au point précédent, la réparation du préjudice économique subi du fait d'un accident de service par les ayants droit d'un militaire décédé, au-delà des droits à réparation forfaitaire reconnus, pension de réversion ou capital-décès, ne peut être obtenue que dans le cas où cet accident est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de la personne publique. 4. Mmes C...et D...font valoir que l'aéronef que pilotait le lieutenantD..., pilote pourtant très expérimenté, était techniquement défaillant, qu'il a présenté une panne de propulseur en plein vol, que d'ailleurs les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête pénale font état de ce que, dans les derniers instants de vol, le moteur aurait eu des ratés, que ce modèle d'appareil, déjà ancien, était connu pour ses problèmes mécaniques en vol et avait déjà été source d'incidents souvent graves. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment du rapport public d'enquête technique établi par le Bureau enquête accidents de la défense (BEAD) en mars 2005, au demeurant seul rapport d'expertise figurant au dossier, que si l'examen des pales de l'hélice montre " le peu de puissance délivrée par le moteur au moment du crash ", il conclut à l'absence de défaut de maintenance ou de dysfonctionnement technique, dès lors que " tous les endommagements sont la conséquence du crash de l'appareil ", que " toutes les causes de dysfonctionnement connues sur les moteurs (...) ont été analysées et sont définitivement écartées " et qu'ainsi " aucun élément ni aucune hypothèse ne peut être émise concernant un quelconque dysfonctionnement du GMP [groupe motopropulseur]. Celui-ci était en bon état et devait être capable de fonctionner normalement s'il était correctement alimenté électriquement en air et carburant ". Si ce rapport relève que des difficultés de pilotage pouvaient être provoquées par l'ergonomie des commandes de l'appareil, il ne s'est ainsi livré qu'à une hypothèse, parmi l'ensemble de celles qui ont dû être analysées, hypothèse qui a été clairement écartée des causes possibles de l'accident. Si Mmes C...et D...se prévalent du compte-rendu d'un accident intervenu en août 2003 sur le même type d'appareil, relevant que l'Epsilon TB30 est considéré comme peu fiable, il ressort de ce même document, d'une part, que l'aéronef en cause lors de cet accident comportait de nombreux défauts d'entretien, d'autre part, qu'un programme de maintenance de l'ensemble de la flotte a été entrepris à compter du mois de décembre 2003 ce qui a nécessairement inclus l'appareil piloté par le lieutenantD.... Enfin, si Mme C...et Mme D...font valoir que, nonobstant l'absence de dysfonctionnement du GMP établie par le BEAD, il n'est pas établi que l'alimentation en électricité et en carburant aurait été correcte dès lors que certains éléments de l'aéronef, trop endommagés, n'ont pu être analysés et que les témoignages produits mentionnent des bruits irréguliers de ce moteur avant l'accident, ces circonstances n'établissent pas que le groupe motopropulseur de l'aéronef piloté par le lieutenant D...aurait été dépourvu des conditions requises précitées pour fonctionner normalement. 5. Mmes C...et D...se prévalent également d'un courrier en date du 25 mai 2009, par lequel le ministre de la défense, affirmant qu'il ne conteste pas la responsabilité de l'Etat dans cette affaire, a proposé à Mme C...une indemnisation détaillée des préjudices subis par elle-même et ses filles, à la fois économiques et moraux, pour un montant total de 271 105,82 euros. Cependant, il est constant que Mme C...n'a pas souhaité donné suite à ce qui, assorti d'actes de désistement aux noms de Mme C...et de sa fille majeure, doit être analysé comme une offre transactionnelle. Par suite, ce courrier ne saurait être regardé comme constituant, vis-à-vis de Mme C...un engagement ferme ou une promesse qui n'auraient pas été tenus. Dans ces conditions, alors en tout état de cause qu'il résulte des principes d'indemnisation exposés ci-dessus que l'Etat ne peut être condamné à payer une somme qu'il ne doit pas, la responsabilité de la puissance publique ne peut être mise en oeuvre en l'absence de promesse valant engagement. Par suite, Mmes C...et D...ne sont pas fondées à invoquer une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ou encore de loyauté contractuelle. 6. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. En l'absence de faute de l'Etat, Mmes C...et D...ne sont, dès lors, pas fondées à rechercher la réparation intégrale de leur préjudice économique. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 7. En premier lieu, Mmes C...et D...se prévalent d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors que le décès accidentel en service de leur époux et père leur aurait créée un préjudice anormal, grave et spécial. Cependant en faisant valoir qu'une victime ne peut être placée dans une situation différente selon le chef de préjudice subi, moral ou économique, ni subir des règles distinctes de réparation de ses préjudices selon l'ordre de juridiction saisi, elles ne démontrent, pas plus en appel qu'en première instance, l'existence de la rupture d'égalité qu'elles invoquent, donc d'une responsabilité sans faute de l'Etat, pour solliciter la réparation intégrale de leur préjudice économique. 8. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les ayants droit de la victime, militaire, sont en droit de solliciter la réparation par l'Etat de leur préjudice moral résultant du décès de leur conjoint et père survenu dans l'exercice de ses fonctions, même en l'absence de faute. 9. Les premiers juges ont considéré que Mme C...était fondée à demander la réparation du préjudice moral subi par elle-même ainsi que par ses filles, sans qu'une faute de la victime soit susceptible de justifier une atténuation de la responsabilité de l'Etat, absence de faute que ne conteste pas le ministre de la défense. Si ce dernier estime par ailleurs que le tribunal administratif a excessivement indemnisé ce préjudice, et Mmes C...et D...insuffisamment, il y a cependant lieu de considérer que le décès du lieutenantD..., alors âgé seulement de trente ans, a causé à son épouse, qui s'est retrouvée seule avec trois enfants en bas âge, ainsi qu'à ses filles, privées de leur père dès leur plus jeune âge, un important préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en portant l'indemnisation des intéressées à la somme de 60 000 euros pour l'épouse de la victime et 30 000 euros pour chacune de ses trois filles, soit une somme totale de 150 000 euros, sous déduction de la provision de 85 000 euros déjà versée en réparation de ce préjudice, mais augmentée des intérêts et de leur capitalisation. 10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter l'appel principal formé par le ministre de la défense, et de considérer que Mmes C...et D...sont fondées à demander, tant par la voile de l'appel principal que de l'appel incident, la réformation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2015 dans la mesure exposée au point précédent. Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros chacune, que demandent Mme C...et Mmes D...sur ce fondement. DECIDE : Article 1er : La requête n° 15BX01426 présentée par le ministre de la défense est rejetée. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mmes C...ainsi qu'à ses filles la somme globale de 150 000 euros, en réparation de leur préjudice moral. Article 3 : La somme mentionnée à l'article 2 sera majorée des intérêts à compter de la date de réception de la demande préalable du 21 mars 2008 en tenant compte de la provision de 85 000 euros déjà versée. Les intérêts échus le 30 décembre 2013 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, puis à l'échéance annuelle du 30 décembre 2014. Article 4 : Le jugement n° 1302979 du 11 mars 2015 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 ci-dessus. Article 5 : L'Etat versera à MmeC..., à Mme A...D...et à Mme F...D...la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Les surplus des conclusions de l'appel principal comme de l'appel incident formés par Mmes C...et D...sont rejetés. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense, à Mme E...C..., à Mme A...D...et à Mme F...D.... Délibéré après l'audience du 10 avril 2017 à laquelle siégeaient : M. Pierre Larroumec, président, M. Axel Basset premier conseiller, Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller, Lu en audience publique, le 9 mai 2017. Le rapporteur, Florence Rey-GabriacLe président, Pierre Larroumec Le greffier, Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de la défense, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme. Le greffier, Cindy Virin 2 N°s15BX01426, 15BX01543
Cours administrative d'appel
Bordeaux