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CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 28/03/2023, 21MA02325, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par deux requêtes distinctes, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions implicites par lesquelles la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes a rejeté, d'une part, sa demande tendant au versement de diverses primes et indemnités et, d'autre part, sa demande d'indemnisation de préjudices résultant d'une maladie reconnue imputable au service à la suite de faits de harcèlement moral. Par un jugement n° 1902626, 1902631 du 23 avril 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de M. C.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021, M. B... C..., représenté par Me Callon, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1902626, 1902631 du 23 avril 2021 du tribunal administratif de Nice ainsi que les décisions implicites de rejet nées du silence conservé par la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes dans les deux mois suivant les demandes du 30 janvier 2019 réceptionnées le 5 février 2019 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 70 256,52 euros de dommages et intérêts au titre des primes qui auraient dues lui être versées de 2008 à 2012, la somme de 160 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent et de son préjudice moral, avec anatocisme, la somme de 120 000 euros en réparation d'un préjudice de refus d'avancement et de perte de retraite avec anatocisme, et une somme de 96 000 euros du fait des pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail de 2003 à 2011 avec anatocisme ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'absence de versement des primes et indemnités en cas de congé maladie imputable au service du fait du harcèlement moral subi pendant des années méconnait l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés ; cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; la reconnaissance tardive de l'imputabilité de sa maladie au service l'a empêché d'obtenir le paiement de toutes les primes qui lui étaient dues de 2008 à 2012 ; il est par suite fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 70 256,52 euros en réparation de son préjudice financier ; - l'Etat a commis une seconde faute en refusant de l'indemniser des préjudices résultant de sa dépression chronique développée à compter de 2002, du fait d'un harcèlement au travail, et reconnue comme maladie professionnelle imputable au service ; il est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 60 0000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent imputable à cette maladie, la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral, la somme de 120 000 euros en réparation d'un préjudice de refus d'avancement et de perte de retraite, et la somme de 96 000 euros du fait des pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail de 2003 à 2011. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué. Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance. Un courrier du 10 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 3 février 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Par un courrier du 7 mars 2023, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce qu'un agent public victime d'une maladie ou d'un accident professionnel peut obtenir, sur le terrain de la responsabilité sans faute, une indemnisation, complémentaire à la réparation forfaitaire, de préjudices ne revêtant pas un caractère patrimonial. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus, au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., inspecteur des finances publiques affecté à la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 7 janvier 2013. Précédemment, il avait été placé en congé longue maladie à compter du 7 janvier 2008, puis en congé de longue durée à compter du 7 janvier 2009. A la suite d'un jugement du 16 juin 2017, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 7 avril 2015 par laquelle la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes avait rejeté la demande de M. C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie dépressive, l'administration a, par décision du 11 décembre 2017, fait droit à la demande de l'intéressé en reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie survenue le 24 septembre 2002, et lui a versé un complément de rémunération n'incluant toutefois pas les primes et indemnités auparavant perçues au titre de l'exercice de ses fonctions. Par courriers du 30 janvier 2019, l'assureur de M. C... a saisi l'administration de deux demandes préalables, la première tendant au versement de ces primes pour la période courant de 2008 à 2012, et la seconde tendant à la réparation des préjudices extrapatrimoniaux résultant de la maladie reconnue comme imputable au service. Par la présente requête, M. C... demande à la Cour d'annuler le jugement du 23 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes d'annulation des décisions implicites de rejet nées du silence conservé par l'administration sur ses demandes et de condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis. Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de versement de primes et indemnités : 2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " A l'issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu'autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. / Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais ". Il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires de l'Etat placés en congé de longue maladie ou de longue durée n'ont pas droit au maintien des indemnités attachées à l'exercice des fonctions. 3. D'autre part, aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés, dans sa version applicable au litige : " 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé (...) ". Si ces dispositions ont pour objet d'étendre la règle du maintien du traitement prévu par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 aux primes et indemnités versées aux agents placés en situation de congés annuels, de congés de maladie ordinaire, et de congés de maternité, elles n'ont toutefois ni pour objet ni pour effet d'instaurer un tel droit au bénéfice des agents placés en position de congé de longue maladie ou de longue durée au titre des 3° et 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. 4. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 11 décembre 2017, l'administration a reconnu l'imputabilité au service de la maladie de M. C... survenue le 24 septembre 2002. Si cette décision fait référence aux dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au congé de maladie ordinaire, elle indique néanmoins expressément que le complément de rémunération qui doit être versé à l'intéressé du fait de cette reconnaissance d'imputabilité concerne les périodes au titre desquelles il était placé en congé de longue durée. Il en résulte qu'elle n'a emporté aucune modification quant à la position statutaire qui était celle de l'appelant entre le 7 janvier 2008 et le 7 janvier 2013, date de sa mise à la retraite pour invalidité, de sorte qu'il est demeuré placé en congé de longue maladie du 7 janvier 2008 au 6 janvier 2009 puis en congé de longue durée du 7 janvier 2009 au 6 janvier 2013. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 1er du décret du 26 août 2010 instaurant le principe du maintien des primes et indemnités versées aux agents placés dans certaines situations de congés n'étaient pas applicables à sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 30 janvier 2019 tendant au versement de primes et indemnités. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 70 256,52 euros au titre des années 2008 à 2012 ne peuvent qu'être rejetées, et ce, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en première instance par l'administration. Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'existence d'une situation de harcèlement moral : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...). ". 7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement et il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 8. Si, ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'administration a fait droit, par une décision du 11 décembre 2017, à la demande de M. C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie dépressive survenue à compter de la fin de l'année 2002, une telle circonstance ne saurait, par elle-même, impliquer nécessairement l'existence de faits de harcèlement moral, la décision dont il s'agit étant intervenue, au demeurant, à la suite d'un jugement du tribunal administratif de Nice annulant une précédente décision refusant de procéder à cette reconnaissance d'imputabilité non pas en raison d'une erreur d'appréciation, mais au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit. En outre, il résulte des pièces médicales produites au dossier, notamment du certificat du médecin du travail du 3 juillet 2006 ainsi que du rapport d'expertise médicale du 2 mai 2018, que si l'appelant présente un état dépressif d'évolution chronique résultant de sa situation professionnelle, aucun de ces certificats pas plus qu'aucune autre pièce du dossier ne permet pour autant d'établir l'existence d'agissements répétés susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Si, pour étayer l'affirmation selon laquelle il aurait néanmoins été victime d'un tel harcèlement, M. C... produit également deux attestations selon lesquelles il aurait subi des actions dégradantes de mise à l'écart pendant plusieurs années et aurait été victime d'une animosité palpable très répandue ainsi que d'une forme de marginalisation, notamment caractérisée par l'attribution d'un bureau isolé, sombre et situé derrière un pilier, celles-ci demeurent néanmoins insuffisantes pour faire présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral, l'administration faisant par ailleurs valoir, sans être contredite, que l'un des rédacteurs était fréquemment absent au moment des faits, de surcroît antérieurs de plus de vingt ans, en raison de ses obligations syndicales. De plus, tant la note circonstanciée rédigée par le supérieur hiérarchique de M. C... dans le cadre de son évaluation au titre de l'année 2002 que le rapport étayé du chef du département informatique du 6 avril 2011 démontrent que l'intéressé, qui n'a pas été privé d'attributions même si celles-ci ont dû évoluer pour tenir compte de l'activité à temps partiel qu'il a sollicitée à partir de l'année 1999, a par ailleurs bénéficié de conditions matérielles d'installation identiques à celles de ses collègues et compatibles avec le bon exercice de ses fonctions, au titre desquelles il n'a d'ailleurs pas toujours donné satisfaction, sans pour autant faire l'objet d'une baisse de sa notation. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments précis et concordants de nature à faire présumer de l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral perpétrés à son encontre par l'administration ou ses supérieurs hiérarchiques successifs, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 9. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, visée ci-dessus : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par :/ (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ". 10. Il résulte de l'instruction que, par décision du 24 août 2011, l'administration a refusé de faire droit à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de l'appelant. Il en résulte que le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivant celle de notification de cette décision. Toutefois, par une demande enregistrée le 9 novembre 2011 au greffe du tribunal administratif de Nice, M. C... a sollicité que soit prononcée l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision. Une telle démarche a interrompu, en application des dispositions citées au point précédent de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription, lequel a recommencé à courir à compter de la date de notification du jugement du 28 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 24 août 2011. Si, à la suite de ce jugement, l'administration a de nouveau rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité formulée par M. C... par une décision du 7 avril 2015, le délai de prescription a de nouveau été interrompu par le recours exercé contre cette décision par l'intéressé devant le tribunal administratif de Nice, pour ne recommencer à courir qu'à compter de la date de notification du jugement du 16 juin 2017, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Nice l'a annulée. Dans ces conditions, le délai de prescription quadriennale n'était pas expiré à la date à laquelle l'administration a été saisie d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices personnels subis par l'appelant. Il s'ensuit que l'exception de prescription quadriennale opposée en première instance par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne peut qu'être écartée. 11. En second lieu, compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 12. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que la maladie dépressive de M. C... a été reconnue imputable au service et que celui-ci bénéficie d'une rente viagère d'invalidité. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport d'expertise médicale du 2 mai 2018, mais également des écritures produites par l'administration en première instance, que cette maladie, intervenue en l'absence de toute pathologie préexistante, résulte de manière directe et certaine d'un climat de travail dégradé. L'intéressé est par conséquent en droit de prétendre, même en l'absence de faute commise par l'administration, à la réparation des préjudices personnels subis à raison de cette maladie. 13. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'âge de l'appelant à la date de consolidation de son état de santé, qui doit être fixée au 7 janvier 2013 selon le rapport d'expertise du 2 mai 2018, et à la circonstance que, selon ce même rapport, la maladie de l'intéressé, imputable au service, est à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 40 %, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices personnels de M. C..., comprenant son préjudice moral, en les fixant à la somme globale de 61 500 euros, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019, date de réception de la réclamation préalable, ces intérêts portant eux-mêmes intérêts un an après cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette même date. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à être indemnisé des préjudices extrapatrimoniaux résultant de sa maladie reconnue comme étant imputable au service. L'Etat doit être condamné à verser une somme de 61 500 euros à M. C..., laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019, date de réception de la réclamation préalable, ces intérêts portant eux-mêmes intérêts un an après cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette même date. Sur les frais d'instance : 15. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. C... une somme de 61 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019. Les intérêts échus au 5 février 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 avril 2021 est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus. Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. 2 No 21MA02325
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/03/2023, 21PA05313, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : I- Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la maire de Paris a implicitement rejeté sa demande du 20 février 2019 tendant au retrait des décisions par lesquelles elle a été placée et maintenue en congés de maladie ordinaire du 3 mai 2016 au 2 mai 2017. Par un jugement n° 1921557 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. II- Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler deux arrêtés de reversement du 4 mai 2018 par lesquels la maire de Paris lui a réclamé le remboursement de rémunérations versées à tort, d'une part, pour la période du 16 novembre 2016 au 30 novembre 2016, pour une somme de 422,87 euros et, d'autre part, au titre de la période du 15 janvier 2017 au 31 janvier 2017, pour une somme de 490,42 euros, ainsi que les avis de sommes à payer correspondant émis le 14 mai 2018 par la direction des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris. Par un jugement commun n°1902515, 1902531, 1907178 et 1907208 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté que l'étendue du litige se limitait à la somme de 456,64 euros à la suite d'une remise gracieuse accordée à hauteur de 456,65 euros, a annulé les avis de sommes à payer émis le 14 mai 2018 et a rejeté le surplus des demandes de Mme B.... Procédures devant la Cour : I- Par une requête n° 21PA05313, des pièces complémentaires et des mémoires, enregistrés les 4 octobre 2021, 20 mai 2022 et 7 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Vernon, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures : 1°) avant dire droit, de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance prise par le tribunal administratif de Paris sur la demande d'expertise sollicitée par une requête enregistrée sous le n° 2210389 le 6 mai 2022 ; 2°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale ; 3°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 mai 2021 ; 4°) d'enjoindre à la maire de Paris de la placer en congé de maladie ordinaire à plein traitement entre le 3 mai 2016 et le 2 mai 2017 et de rétablir ses droits à bénéficier d'un plein traitement au titre de cette période ; 5°) à titre subsidiaire, de rétablir ses droits à percevoir un congé de maladie à plein traitement pendant trois mois à compter du 3 mai 2016 ; 6°) d'enjoindre à la maire de Paris de réexaminer ses droits à congé de maladie ordinaire à plein traitement entre le 3 mai 2016 et le 2 mai 2017 et de ses droits à bénéficier d'un plein traitement au titre de cette période ; 7°) d'ordonner l'exécution de cette injonction dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 8°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros à verser à Me Vernon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Elle soutient que : - le moyen tiré de l'irrecevabilité de sa requête est lui-même irrecevable, faute d'avoir été soulevé en première instance ; - la décision par laquelle la maire de Paris a refusé implicitement le retrait des décisions la plaçant en congés de maladie ordinaire du 3 mai 2016 au 2 mai 2017, est entachée d'un défaut de motivation ; - en l'absence de décision de la commission de réforme fixant la date de consolidation de son état de santé, son placement en congé de maladie ordinaire a été décidé à la suite d'une procédure irrégulière ; - son placement en congé de maladie ordinaire à demi traitement du 3 mai 2016 au 2 mai 2017, est entaché d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation relevait du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et qu'en l'absence de consolidation de son état de santé, elle ne pouvait être privée du bénéfice d'un congé à plein traitement, y compris au cours de son congé de maladie ordinaire ; - la ville de Paris a manqué à son obligation de reclassement et d'adaptation de son poste de travail compatible avec son état de santé. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2022, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête de Mme B... qui est dirigée contre une décision purement confirmative d'une décision devenue définitive, est irrecevable en raison de sa tardiveté ; - les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du vice de procédure, en l'absence de détermination d'une date de consolidation de son état de santé, sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 août 2021. II- Par une requête n° 21PA05319, des pièces complémentaires et un mémoire, enregistrés les 5 octobre 2021 et 20 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Vernon, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures : 1°) avant dire droit, de demander au bureau d'aide juridictionnelle la communication de la lettre de notification à Mme B... de la décision d'aide juridictionnelle du 3 août 2021 ; 2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance prise par le tribunal administratif de Paris sur la demande d'expertise sollicitée par une requête enregistrée sous le n° 2210389 le 6 mai 2022 ; 3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale ; 4°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 mai 2021 en tant qu'il rejette ses demandes enregistrées sous les numéros 1902515 et 1902531 ; 5°) d'annuler les arrêtés de reversement de la maire de Paris du 4 mai 2018 ; 6°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros à verser à Me Vernon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; 7°) de mettre à la charge de de la ville de Paris la somme de 13 euros, au titre des droits de plaidoirie, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une inexactitude matérielle des faits et d'une erreur de droit ; - les décisions contestées ont été signées par une autorité dont la compétence n'est pas établie ; - elles sont entachées d'un défaut de motivation en droit et en fait ; - l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit, tirée de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision du 4 juillet 2016 qui l'a placée en congé maladie ordinaire à compter du 3 mai 2016 à l'issue de son congé initial à plein traitement en méconnaissance des dispositions du 2ème alinéa de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; elle était en droit de conserver l'intégralité de son traitement ; - l'arrêté attaqué est illégal dès lors que la ville n'a pas procédé à son reclassement et a manqué à son obligation de lui proposer un emploi adapté à son état physique. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 mars 2022 et 9 janvier 2023, ce second mémoire n'ayant pas été communiqué, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions en tant qu'elles portent sur la somme de 456,65 euros et au rejet du surplus ou subsidiairement au rejet de l'ensemble des conclusions. Elle fait valoir que : - la ville de Paris ayant accordé par une décision devenue définitive, une remise gracieuse à Mme B... à hauteur de 456,65 euros, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de reversement en tant qu'elle porte sur la somme totale de 913,29 euros ; - la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté, à défaut de justification de la date de notification de la décision d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée à Mme B... le 3 août 2021 ; - les moyens soulevés en appel par Mme B... dans les mêmes termes que ceux énoncés en première instance, ne sont pas susceptibles de remettre en cause le jugement attaqué ; - l'administration étant en situation de compétence liée pour procéder à la récupération d'un indu de rémunération versé à un agent public, les moyens soulevés sont inopérants ; - le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées est inopérant ; - les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris qui n'a pas produit d'observation. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 août 2021. Vu : - les autres pièces des dossiers. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code générale de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ; - le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - les observations de Me Vernon, représentant Mme B... et celles de Me Gorse, représentant la ville de Paris. Des notes en délibéré ont été présentées pour Mme B... les 22 et 23 février 2023 et n'ont pas été communiquées. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., recrutée par la ville de Paris en qualité d'agent d'accueil et de surveillance de 2ème classe stagiaire, a été affectée à la direction des espaces verts et de l'environnement à compter du 21 septembre 2015. Elle a été placée en congé de maladie pour accident de service entre le 1er janvier 2016 et le 2 mai 2016, puis en congés de maladie ordinaire du 3 mai 2016 au 2 mai 2017. Par un courrier du 18 février 2019, elle a sollicité le retrait des décisions la plaçant en congé de maladie ordinaire, cette demande ayant été rejetée implicitement. Par une première requête, Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris n° 1921557 du 7 mai 2021 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision et doit être regardée comme demandant également l'annulation de la décision en litige. Parallèlement, par deux arrêtés du 4 mai 2018, la maire de Paris a émis des arrêtés de reversement réclamant à Mme B... les sommes de 422,87 euros et de 490,42 euros indûment perçues au titre des périodes du 16 novembre 2016 au 30 novembre 2016 et du 15 janvier 2017 au 31 janvier 2017. Des avis des sommes à payer n° 0090238 et n° 0090240 ont en conséquence été émis par le comptable de la ville de Paris. Par une seconde requête, elle relève appel du jugement commun n° 1902515, 1902531, 1907178 et 1907208 du 7 mai 2021 en tant que le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté que l'étendue du litige se limitait à la somme de 456,64 euros à la suite d'une remise gracieuse accordée à hauteur de 456,65 euros et annulé les avis de sommes à payer émis le 14 mai 2018, a rejeté les demandes de Mme B... tendant à l'annulation des arrêtés de reversement. Sur la jonction : 2. Les requêtes susvisées de Mme B... sont relatives à la situation administrative d'un même agent, présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt. Sur la requête n° 21PA05313 : 3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs énoncés au point 2 du jugement attaqué et non critiqués par de nouveaux arguments, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. 4. En deuxième lieu, il est constant que la ville de Paris a reconnu comme étant imputable au service l'accident survenu à Mme B... le 19 décembre 2015 et pris en charge à ce titre le congé maladie qui lui a été prescrit entre le 1er janvier 2016 et le 2 mai 2016. Contrairement à ce qu'elle soutient, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait que la commission de réforme fixe une date de consolidation de son état de santé à l'issue de cette période d'arrêt de travail initiale de quatre mois, alors même que le médecin agréé du service de la médecine statutaire a constaté sa guérison à la date du 2 mai 2016 et qu'elle n'a pas contesté, avant le mois de février 2019, le placement en congé maladie ordinaire dont elle a bénéficié à compter du 3 mai 2016. Par suite, Mme B..., qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles 3 et 6 du décret n° 2005-442 et de l'article 25 de l'arrêté ministériel du 4 août 2004 qui se rapportent à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité, n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'un vice de procédure. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 6. Mme B... soutient qu'elle aurait dû être maintenue en congé au titre de la législation sur les accidents de service à compter du 3 mai 2016 et percevoir l'intégralité de sa rémunération jusqu'à sa réintégration en application des dispositions précitées du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. D'une part, aucune des pièces médicales produites au dossier ne permet de démontrer que son inaptitude alléguée à reprendre ses fonctions à compter du 3 mai 2016 trouve son origine dans l'accident survenu au mois de décembre 2015. Si les certificats médicaux présentés constatent que l'intéressée a présenté une fragilité psychologique postérieurement à l'accident de service survenu le 19 décembre 2015, Mme B... ne démontre ni que ses troubles aient été à l'origine de la prescription d'arrêt de travail au cours de la période du 3 mai 2016 au 2 mai 2017, ni qu'ils présentent un lien direct et certain avec son accident de service. D'autre part, dès lors qu'il est constant que Mme B... a été déclarée comme étant guérie avec retour à l'état antérieur, à la date du 2 mai 2016, son état de santé, à l'expiration du congé pour accident du travail, ne lui ouvrait pas droit au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 entre le 3 mai 2016 et le 2 mai 2017. Par suite, et alors même en outre qu'à raison de son état de guérison, elle n'a pas fait l'objet d'un examen complémentaire aux fins de constater sa consolidation, Mme B... ne pouvait prétendre au maintien de son plein traitement au cours de cette période. Si elle soutient n'avoir perçu qu'un demi-traitement dès le 3 mai 2016, elle ne conteste pas que la ville de Paris a régularisé sa situation financière au mois de juillet 2016 en lui versant l'intégralité de la rémunération qu'elle était en droit de percevoir sur une période de trois mois, déduction faite de sept jours rémunérés à plein traitement au titre d'un précédent congé de maladie ordinaire. Enfin, les arrêts de travail présentés par l'intéressée ayant donné lieu à une prise en charge au titre des congés de maladie ordinaire au cours de la période en litige, les dispositions de l'article 10 du décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 auxquelles elle se réfère sont en l'espèce inopérantes. Les moyens tirés de l'erreur de droit ou de l'erreur d'appréciation doivent ainsi être écartés. 7. En quatrième lieu, d'une part, si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général, ni les dispositions de la loi du 13 juillet 1983, ni celles de la loi du 26 janvier 1984 et du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985, ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation en cas d'inaptitude à l'exercice de leurs fonctions par suite d'altération de leur état physique. 8. D'autre part, le fonctionnaire territorial, y compris le fonctionnaire territorial stagiaire, qui, à la suite d'un accident de service ou d'une maladie contractée ou aggravée en service et en application du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, a bénéficié d'un congé de maladie et qui, au terme du délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. En l'espèce, Mme B... a été placée en congé maladie ordinaire entre le 3 mai 2016 et le 2 mai 2017. Aucune des pièces du dossier ne permet de retenir qu'elle aurait été dans l'impossibilité définitive et absolue de poursuivre ses fonctions au cours de cette période, son inaptitude définitive à ses fonctions et à toutes fonctions ayant été constatée par le comité médical le 15 avril 2019. Au demeurant, alors même qu'elle avait été placée en congé maladie ordinaire à compter du 3 mai 2016 et jusqu'au 2 mai 2017, des adaptations de son poste de travail ont été recommandées par le comité médical les 29 mai 2017 et 5 mars 2018, des propositions de changement de poste ayant par ailleurs été déclinées par l'intéressée. Par suite, aucune obligation d'adaptation de son poste de travail ou de reclassement ne s'imposait à la ville de Paris. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la recevabilité de la requête et de la demande de première instance, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer et d'ordonner une mesure d'expertise médicale, notamment dans l'attente de l'ordonnance prise par le tribunal administratif de Paris sur la demande d'expertise sollicitée par une requête enregistrée sous le n° 2210389 le 6 mai 2022, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais liés à l'instance et des droits de plaidoirie doivent également être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur la requête n° 21PA05319 : Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense : 10. Il résulte de l'instruction que postérieurement à l'introduction des demandes de première instance par Mme B..., la ville de Paris lui a accordé une remise gracieuse à hauteur de 456,65 euros par une délibération n° 2019 DRH des 12, 14 et 15 novembre 2019, ainsi que par un arrêté du 27 novembre 2019. Par suite, il n'y a plus lieu à statuer à hauteur de cette somme. Sur la régularité du jugement attaqué : 11. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé de la décision en litige. Par suite, Mme B... ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une inexactitude matérielle des faits ou d'une erreur de droit pour en obtenir l'annulation. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 12. Une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération, incluant un trop-perçu à raison d'un congé pour maladie, peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Dans les deux hypothèses mentionnées au deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 visée ci-dessus, la somme peut être répétée dans le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil. 13. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs énoncés aux points 3 et 6 du jugement attaqué et non critiqués par de nouveaux arguments, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des actes et de l'insuffisance de motivation. 14. En deuxième lieu, si Mme B... conteste, par voie d'exception, la légalité de son placement en congé maladie ordinaire à compter du 3 mai 2016 et soutient qu'elle aurait dû bénéficier des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 relatives aux accidents de service, ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 6 du présent arrêt. 15. En dernier lieu, le moyen tiré du manquement à l'obligation de reclassement et d'adaptation de son poste de travail doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 8. 16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la recevabilité de la requête et, notamment, de demander au bureau d'aide juridictionnelle de Paris communication de la lettre de notification de sa décision du 3 août 2021, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer et d'ordonner une mesure d'expertise médicale, notamment dans l'attente de l'ordonnance prise par le tribunal administratif de Paris sur la demande d'expertise sollicitée par une requête enregistrée sous le n° 2210389 le 6 mai 2022, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 4 mai 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance et des droits de plaidoirie doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme B... tendant au remboursement des sommes indument perçues à hauteur de 456,65 euros. Article 2 : Le surplus de la requête n° 21PA05319 et la requête n° 21PA05313 sont rejetés. Article 3 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'appui de la requête n° 21PA05313 sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la ville de Paris et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris. Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Soyez, président assesseur, - Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mars 2023. La rapporteure, C. A... Le président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 Nos 21PA05313, 21PA05319
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 3ème chambre, 16/03/2023, 22NT00811, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le rejet implicite du directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen de sa demande tendant à la modification de l'arrêté du 6 février 2020 et au versement d'une somme de 14 589,28 euros au titre du remboursement de frais paramédicaux et en réparation de divers préjudices, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable du 2 juin 2020. Par un jugement n° 2001871 du 19 février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Cavelier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 19 février 2022 en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; 2°) de condamner le CHU de Caen à lui verser une somme de 13 210 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable ; 3°) de mettre à la charge du CHU de Caen une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le délai anormalement excessif de près de deux ans dans lequel le CHU de Caen a statué sur sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident est fautif, et de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier à son égard ; ce retard fautif lui a causé un préjudice moral qu'elle évalue à la somme de 4 000 euros ; - les agissements répétés à son égard depuis 2014 du cadre de santé, qui ont largement excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et dont elle a été la cible quasi-exclusive, sont de nature à caractériser un harcèlement moral et permettaient à tout le moins de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; ce harcèlement moral lui a causé un préjudice moral qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 5 000 euros ; - elle a droit au remboursement des frais qu'elle a engagés à raison de son état de santé imputable à son accident de service, à savoir, une somme de 4 015 euros en remboursement des séances chez sa psychologue clinicienne, une somme de 75 euros en remboursement d'une consultation chez une sophrologue, une somme de 120 euros en remboursement de trois séances de diététique ; - l'absence de faute de la part du CHU de Caen ne remet pas en cause son droit à indemnisation au titre du harcèlement moral, en vertu de la jurisprudence, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'Etat dans la décision n° 415863. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2022, le CHU de Caen conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que soit mis à la charge de la requérante le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les pièces du dossier. . Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-436 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de M. Berthon , rapporteur public, - et les observations de Me Lacroix, représentant le CHU de Caen. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., infirmière diplômée d'État relevant des cadres du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen depuis 1993, est en arrêt de travail depuis le 4 octobre 2016. Par décision du 6 février 2020, le directeur général du CHU de Caen a reconnu l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... à compter du 4 octobre 2016 et a pris en charge les arrêts de travail de l'intéressée à compter de cette même date au titre de l'accident de service du 4 octobre 2016. Par courrier du 2 juin 2020, Mme A... a sollicité, d'une part, la modification de cette décision afin d'être placée en congé de longue durée pour accident de service à compter du 4 octobre 2016 puis, à compter de janvier 2017, en congé pour invalidité temporaire imputable au service, et d'autre part, l'indemnisation des préjudices résultant de diverses fautes qu'elle impute au CHU de Caen. Cette demande a été implicitement rejetée. Par jugement du 19 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 2 juin 2020 et à l'indemnisation des préjudices qu'elle impute à l'accident dont elle a été victime le 4 octobre 2016. Mme A... relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il rejette ses conclusions indemnitaires. 2. Mme A... demande, d'une part, le remboursement de divers frais restés à sa charge qu'elle estime directement imputables à l'accident de service du 4 octobre 2016, d'autre part, à être indemnisée du délai excessif de traitement de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail depuis le 4 octobre 2016, et enfin à être indemnisée du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime de la part de son cadre de santé. Sur le droit de Mme A... au remboursement des frais paramédicaux restés à sa charge : 3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 demeurée applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 mai 2020 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". 4. Mme A... demande le remboursement des frais de consultation d'une psychologue clinicienne qui la suit régulièrement depuis l'entretien reconnu comme accident de service du 4 octobre 2016. Il résulte de l'instruction que ces frais, correspondant aux séances de psychothérapie suivies entre novembre 2016 et juin 2020, présentent un caractère d'utilité directe pour parer aux conséquences du syndrome dépressif présenté par Mme A... à l'origine de ses arrêts de travail depuis le 4 octobre 2016, dont l'imputabilité au service a été reconnue par le centre hospitalier. Il résulte par ailleurs de l'instruction, en particulier des expertises réalisées par les psychiatres agréés que depuis ses arrêts de travail, Mme A... a pris 20 kg et que cette prise de poids présente un lien direct avec l'inactivité inhérente à ces arrêts. La requérante est par suite fondée à demander le remboursement de ces frais paramédicaux qui s'élèvent à la somme globale de 4 135 euros. En revanche, si elle produit une note d'honoraire d'une sophrologue consultée le 2 mai 2019, Mme A... n'apporte pas d'éléments pour établir que les frais ainsi exposés présentent un lien direct avec les arrêts de travail reconnus imputables au service. Sur le retard fautif dans la gestion de sa demande d'accident de service: 5. Aux termes de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 applicable au présent litige : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité. " 6. Il résulte de l'instruction que Mme A... a sollicité pour la première fois, par courrier du 15 février 2018, la reconnaissance comme accident de service de l'entretien du 4 octobre 2016 et l'imputabilité au service de la pathologie justifiant ses arrêts de travail depuis cette date, qu'elle a déposé un dossier complet le 5 mai suivant et qu'elle a effectué sa déclaration d'accident de service le 26 juillet 2018. Le CHU de Caen a diligenté une expertise auprès d'un psychiatre agréé, réalisée en novembre 2018. L'établissement de santé a demandé le 6 février 2019 à l'expert de transmettre son rapport à la commission de réforme de la direction départementale de la cohésion sociale du Calvados, ce qu'il a fait le 7 février 2019 ; la commission de réforme départementale a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 4 octobre 2016, lors de ses séances du 25 juin 2019 puis du 25 septembre 2019. Ce n'est que par une décision du 6 février 2020 que le CHU de Caen a fait droit à sa demande et a reconnu l'imputabilité de ses arrêts de travail à compter du 4 octobre 2016 à l'accident de service du même jour. Dans un tel contexte, et alors que l'administration n'apporte pas d'élément pour expliquer ce qui l'a conduite à attendre quatre mois pour demander à l'expert de transmettre son rapport à la commission de réforme et plus de sept mois après l'avis favorable de cette commission du 25 juin 2019 pour reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A..., qui était placée en disponibilité d'office pour raisons de santé, le délai dans lequel la demande de la requérante a été instruite est excessif et révèle, dans les circonstances de l'espèce, un retard fautif dans le traitement de son dossier de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier à l'égard de l'intéressée. 7. Il résulte de l'instruction que ce retard fautif a causé à Mme A..., atteinte d'un syndrome anxio-dépressif sévère, un préjudice moral dont il sera fait une équitable appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros. Sur l'existence d'un harcèlement moral : 8. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". 9. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 10. La requérante, placée à compter du 4 octobre 2016 en congé de maladie en raison d'un syndrome anxio-dépressif sévère reconnu imputable au service, dénonce avoir été victime de harcèlement moral de la part du cadre de santé du centre de prélèvement du CHU de Caen dans lequel elle était affectée, et plus particulièrement de brimades et injures régulières de la part de ce dernier qui ont atteint leur paroxysme au cours d'un entretien du 4 octobre 2016 reconnu comme accident de service par l'administration. Les éléments ainsi avancés par la requérante sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que le fait valoir le CHU de Caen, que pour étayer les brimades et injures régulières dont elle affirme avoir été l'objet, Mme A... produit l'attestation d'une seule de ses collègues de travail faisant état d'une " pression morale " régnant au sein du centre de prélèvement du CHU de Caen et relatant la réunion de service du 4 octobre 2016 au cours de laquelle elle-même et Mme A... auraient été menacées de sanctions administratives pour refus d'obtempérer à l'injonction de leurs supérieurs d'accepter le dédoublement de leur poste. Ainsi que le relève le centre hospitalier, le fait pour le cadre de santé d'avoir rappelé aux intéressés, au cours de l'entretien du 4 octobre 2016, que le refus d'exécuter un ordre hiérarchique les exposait à une sanction disciplinaire n'excède pas, en soi, l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Si la requérante produit également une attestation circonstanciée de la psychologue qui la suit régulièrement depuis son accident de service du 4 octobre 2016 ainsi que les expertises réalisées par des psychiatres agréés, ces rapports se bornent à relayer les déclarations de l'intéressée qui ne sont concrètement étayées, outre par l'attestation peu circonstanciée de sa collègue déjà évoquée, que par un unique signalement réalisé par l'intéressée le 13 décembre 2015 auprès de la médecine du travail dans lequel elle dénonce le fait que le cadre de santé ait " hurlé " sur elle et sa collègue en présence de patients au motif qu'aucune d'elles n'était au poste d'accueil laissé vacant. Au regard de ces seuls éléments, et malgré la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... depuis le 4 octobre 2016, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait fait l'objet de faits répétés constitutifs de harcèlement moral de la part de son cadre de santé. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du retard fautif dans le traitement de son dossier d'accident de service et des frais correspondant aux consultations d'une psychologue clinicienne et d'une diététicienne dont elle justifie. Il y a lieu de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué, et de condamner le CHU de Caen à verser à Mme A... une somme de 5 135 euros à ce titre. Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2020, date de réception par le CHU de Caen de sa réclamation indemnitaire préalable. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme que le CHU de Caen demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CHU de Caen une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Caen est condamné à verser à Mme A... une somme de 5 135 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2020. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er ci-dessus. Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Caen versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Caen sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier universitaire de Caen. Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient : - M. Salvi, président, - Mme Lellouch, première conseillère, - M Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023. La rapporteure, J. B... Le président, D. Salvi Le greffier, R. Mageau La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00811
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21/03/2023, 20VE02445, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une première demande, enregistrée sous le numéro 1708544, Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de faire droit à sa demande de régularisation de sa situation, formée le 16 mai 2017, et, d'autre part, d'enjoindre à l'AP-HP de reconstituer sa carrière compte tenu de son placement en congé pour maladie professionnelle du 9 avril 2008 jusqu'à la date de sa mise à la retraite, et de tirer toutes les conséquences, notamment financières, de ce congé pour maladie professionnelle. Par une seconde demande, enregistrée sous le numéro 1807041, Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel le directeur général de l'AP-HP " l'a placée en congé de maladie ordinaire ", d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le directeur général de l'AP-HP a prononcé son admission à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 3 décembre 2017, d'enjoindre à l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail prescrit du 19 octobre 2017 jusqu'au 3 décembre 2017, date de son admission à la retraite et de prononcer son admission à la retraite pour invalidité imputable au service. Par un jugement n° 1708544, 1807041 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir annulé l'arrêté du 5 janvier 2018 du directeur général de l'AP-HP et enjoint à cette autorité de prendre une nouvelle décision portant admission de Mme C... à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité et radiation des cadres, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a rejeté les conclusions de la demande n° 1708544 ainsi que le surplus des conclusions de la demande n° 1807041. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2020, Mme A... C..., représentée par Me Laplante, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de faire droit à sa demande de régularisation formée le 16 mai 2017 ; 3°) d'annuler les arrêtés des 22 décembre 2017 et 5 janvier 2018 ; 4°) d'enjoindre au directeur général de l'AP-HP de reconstituer sa carrière, et de tirer toutes les conséquences, notamment financières, de son placement en congé pour maladie professionnelle à compter du 9 avril 2008 et jusqu'à sa mise à la retraite ; 5°) d'enjoindre à la même autorité de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail à compter du 19 octobre 2017 et jusqu'à son admission à la retraite le 3 décembre 2017 ; 6°) d'enjoindre également au même directeur de prononcer son admission à la retraite pour invalidité imputable au service ; 7°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier ; d'une part, il ne tire pas toutes les conséquences des pièces produites devant le tribunal administratif ; d'autre part, les premiers juges ont dénaturé ses écritures en considérant qu'elle demandait l'annulation de la décision la plaçant en disponibilité d'office ; enfin, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de fait en jugeant que l'arrêté du 22 décembre 2017 n'a pas placé Mme C... en congé de maladie ordinaire ; - la décision par laquelle l'AP-HP a refusé de régulariser sa situation est irrégulière dès lors qu'elle était placée en congé de maladie professionnelle à compter du 9 avril 2008 et jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service ; - les arrêtés des 22 décembre 2017 et 5 janvier 2018 sont entachés d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dans la mesure où elle avait droit à la prolongation de son arrêt de maladie imputable au service au-delà du 19 octobre 2017 puis à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service ; - elle est fondée à demander le remboursement des sommes indûment retenues sur ses salaires. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2021, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me Lacroix, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme C... soit condamnée à lui verser une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - en exécution du jugement, elle a pris un nouvel arrêté le 31 juillet 2020 radiant des cadres Mme C... à compter du 3 décembre 2017, avec maintien de rémunération jusqu'au 31 du même mois ; - les moyens relatifs à la régularité du jugement ont trait en réalité à son bien-fondé ; - les autres moyens soulevés ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2018 du directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique, - et les observations de Me Neven pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., infirmière titulaire au sein de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), affectée à l'hôpital Louis Mourier de Colombes, a été victime d'un accident, le 9 avril 2008, lequel a été reconnu imputable au service par une décision du 14 janvier 2010. Le 23 mars 2010, elle a déclaré souffrir depuis cet accident de service d'une nouvelle pathologie, à savoir des lombalgies. En exécution du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 décembre 2015, prononçant l'annulation de la décision de refus de reconnaissance du caractère professionnel de cette pathologie, l'AP-HP a, par une décision du 19 janvier 2016, reconnu l'imputabilité au service des lombalgies à compter du 9 avril 2008. En outre, par des décisions des 13 et 14 juillet 2017, l'AP-HP a admis la prise en charge, au titre de la législation sur les accidents de service et les maladies d'origine professionnelle, des soins médicalement justifiés par une pathologie déclarée le 16 juin 2017 et reçus entre le 30 novembre 2016 et le 30 octobre 2017. En revanche, par une décision du 22 décembre 2017, l'AP-HP a refusé la prise en charge au titre de la législation sur les accidents de service et les maladies d'origine professionnelle, des soins dispensés du 19 octobre 2017 au 30 avril 2018. 2. Par ailleurs, Mme C... a été placée en congé de longue durée du 2 mai 2011 au 4 octobre 2012 et du 7 mai 2013 au 3 octobre 2016, puis, par un arrêté du 22 juillet 2016, en disponibilité d'office du 4 octobre 2016 jusqu'à la date effective de sa mise à la retraite pour invalidité, laquelle a été prononcée à compter du 3 décembre 2017 par un arrêté du 5 janvier 2018. Par un courrier présenté le 16 mai 2017, Mme C... a demandé à l'AP-HP l'arrêt de retenues opérées sur son traitement et le remboursement des sommes prélevées depuis le mois de mai 2016 et que " soient tirées toutes les conséquences du jugement rendu le 3 décembre 2015 par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de la décision (...) prise le 19 janvier 2016 par lesquels [elle] a été rétroactivement placée en congé pour maladie professionnelle à compter du 9 avril 2008 ". Mme C... fait appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir annulé, pour défaut de signature, l'arrêté du 5 janvier 2018 du directeur général de l'AP-HP portant mise à la retraite pour invalidité de Mme C... à compter du 3 décembre 2017, et enjoint à la même autorité de prendre une nouvelle décision portant admission de Mme C... à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité et radiation des cadres, dans un délai de deux mois, a rejeté les conclusions de la demande enregistrée sous le numéro 1708544 ainsi que le surplus des conclusions de la demande enregistrée sous le numéro 1807041. Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2018 : 3. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 5 janvier 2018 du directeur général de l'AP-HP. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cet arrêté sont privées d'objet et, pour ce motif, irrecevables. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la décision implicite rejetant la demande formée le 16 mai 2017 : 4. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 16 mai 2017, Mme C... a demandé l'arrêt des retenues opérées sur son traitement, le remboursement des sommes prélevées depuis le mois de mai 2016 et que " soient tirées toutes les conséquences du jugement rendu le 3 décembre 2015 par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de la décision (...) prise le 19 janvier 2016 par lesquels [elle] a été rétroactivement placée en congé pour maladie professionnelle à compter du 9 avril 2008 ". Toutefois, par son jugement du 3 décembre 2015, confirmé en appel par la cour le 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé le refus de reconnaître l'origine professionnelle des lombalgies déclarées le 23 mars 2010, date à compter de laquelle il a enjoint de reconnaitre l'imputabilité au service de ces maux. En revanche, il a rejeté le surplus des conclusions tendant notamment à la prise en charge des soins prescrits à compter du 28 décembre 2009 ainsi que l'imputabilité au service d'une périarthrite scapulo-humérale bilatérale, également déclarée le 23 mars 2010. En exécution de ce jugement, l'arrêté du 19 janvier 2016 a reconnu comme maladie professionnelle à compter du 9 avril 2008, les lombalgies déclarées par Mme C... et précisé que " les soins et arrêts de travail prescrits à compter du 9 avril 2008 et reconnus comme étant en lien direct avec cette maladie d'origine professionnelle seront pris en charge par le site au titre de la législation sur les maladies d'origine professionnelle. ". 6. En outre, s'agissant des arrêtés des 13 et 14 juillet 2017, le premier impute au service les maux déclarés le 16 juin 2017 et admet la prise en charge au titre de la législation sur les accidents de service et les maladies d'origine professionnelle des soins dispensés du 30 novembre 2016 au 30 juin 2017, tout en précisant que les soins et arrêts ultérieurs seront soumis à avis médical quant à leur éventuelle prise en charge, et le second arrêté étend la période de prise en charge du 1er juillet 2017 au 30 octobre suivant. Toutefois, d'une part, seul le courrier de l'AP-HP du 10 novembre 2016 peut permettre de retenir l'existence d'un arrêt de travail du 9 juin au 16 juillet 2010 en lien avec les lombalgies reconnues imputables au service. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble des arrêts de travail émis à compter du 7 avril 2011, et qui ont donné lieu à un placement en congé de longue durée du 2 mai 2011 au 4 octobre 2012 et du 7 mai 2013 au 3 octobre 2016, puis à un arrêté de placement en disponibilité d'office après épuisement des droits à congés de maladie, auraient été motivés par une autre pathologie que le syndrome anxio-dépressif dont a également souffert l'intéressée. Au contraire, aucun des nombreux certificats médicaux et arrêts de travail établis par le médecin traitant de Mme C... tout au long de sa prise en charge attestent, en dépit des termes ambigus de celui établi le 11 mai 2017 par le même médecin, lequel est cependant contredit par l'ensemble des autres justificatifs médicaux produits, n'évoque une imputabilité au service de ce syndrome anxio-dépressif. Ainsi, le certificat établi par le médecin de Mme C... en vue de la mise à la retraite pour invalidité de cette dernière, ne porte aucunement sur les lombalgies, seul mal reconnu comme maladie professionnelle. De même la demande déposée par la requérante le 16 juin 2016 ne vise l'obtention que d'une retraite anticipée pour invalidité, sans mention d'une imputabilité au service. Sur ce point, le rapport médical dressé le 12 juin 2017 à la demande de l'employeur et l'avis de la commission de réforme du 20 juin 2017, s'ils confirment l'inaptitude définitive de Mme C... à exercer toute fonction à compter du 4 octobre 2016, ne retiennent un taux d'invalidité imputable au service que de 8 % en raison de la seule lombosciatique gauche, toutes les autres affections justifiant le placement en retraite pour invalidité étant confirmées comme non-imputables au service. Dans ces conditions, Mme C..., qui n'apporte aucun élément supplémentaire par rapport à ceux qu'elle a produits en première instance, n'est pas fondée à soutenir que les arrêtés des 19 janvier 2016 et 13 et 14 juillet 2017 ont eu pour effet de la placer de manière rétroactive en congés de maladie imputable au service. 7. Il résulte de ce qui précède que c'est conformément aux dispositions du 4° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 que Mme C... a été placée en congé de longue durée du 2 mai 2011 au 4 octobre 2012 et du 7 mai 2013 au 3 octobre 2016. Dès lors, il n'est pas sérieusement contesté que la requérante devait percevoir seulement un demi-traitement du 4 octobre 2014 au 3 octobre 2016, puis être placée en disponibilité d'office à compter du 4 octobre 2016, par suite d'épuisement de ses droits à congé maladie statutaires. Par conséquent, l'AP-HP était fondée à récupérer les versements de plein traitement effectués par erreur entre les mois d'octobre 2014 et juin 2015 et le moyen tiré de l'irrégularité de la décision implicite rejetant la demande de régularisation formée le 16 mai 2017 par Mme C... doit être écarté. En ce qui concerne l'arrêté du 22 décembre 2017 : 8. Il ressort de l'arrêté en litige que l'AP-HP refuse de reconnaitre l'imputabilité au service de maux déclarés le 16 juin 2017 et, par suite, de les prendre en charge au titre de la législation sur les accidents de service et les maladies d'origine professionnelle. Il précise également que les soins dispensés du 19 octobre 2017 au 30 avril 2018 seront pris en charge au titre d'un congé de maladie ordinaire. Ainsi qu'il a été dit au point 6, et en l'absence de production à la fois de la déclaration effectuée le 16 juin 2017 et du certificat médical de prolongation du 19 octobre 2017 visé par cet arrêté, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait dû faire l'objet d'un arrêt de maladie en raison de sa pathologie imputable au service au-delà de la date du 19 octobre 2017, alors, et en tout état de cause, qu'elle a été déclarée guérie de l'accident de service du 9 avril 2008 à compter du 28 décembre 2009. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation entachant l'arrêté en litige doivent être écartés. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions aux fins d'injonction ne peut qu'être rejeté. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros à verser à l'AP-HP sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Mme C... versera à l'AP-HP la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, Mme Bonfils, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023. La rapporteure M-G. B...Le président, S. BROTONSLa greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 20VE02445 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 28/03/2023, 21MA04499, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de la ministre des armées du 30 septembre 2019 en tant que, par celle-ci, la ministre a fixé le taux d'invalidité à 20 % au titre de l'infirmité " séquelles de fracture des lombaires L2 ", d'enjoindre à la ministre des armées de fixer pour cette infirmité le taux d'invalidité à 50 % et d'ouvrir ses nouveaux droits à pension à compter du 11 juillet 2016 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit. Par un jugement n° 1911515 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2021 et le 29 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Cohen, demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2021 ; 2°) d'annuler la fiche descriptive des infirmités du 3 octobre 2019 ainsi que le titre de pension du 30 septembre 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées, d'une part, d'établir un nouveau titre de pension, au taux d'invalidité globale de 55 %, correspondant à 30 % au titre de l'infirmité " séquelles de fracture des lombaires L2 ", 10 % + 5 au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme de la région pectorale droite ", et 10 % + 10 au titre de l'infirmité " séquelle de fracture du scaphoïde droit " et d'autre part, d'ouvrir ses droits à pension à compter de l'enregistrement de chaque demande ; 4°) subsidiairement, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ; 5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en portant sur sa demande de pension une appréciation contraire à celle de son médecin expert, le ministre des armées a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ; - au titre de la première infirmité, qui cause une gêne douloureuse invalidante, c'est à tort que le ministre a tenu compte de l'absence d'ankylose et de douleurs irradiantes, lesquelles ne sont pas exigées à ce titre par le guide -barème ; - au titre de la deuxième infirmité, le ministre a omis de prendre en compte la pseudarthrose qui laisse un reliquat algique chronique ; - au titre de la dernière infirmité, la blessure dans la région pectorale est, autant que celle au bras droit, imputable à la traction exécutée en service. Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 septembre et 14 décembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 17 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2022, à 12 heures, puis a été reportée au 15 décembre 2022, puis enfin au 20 décembre 2022, à 12 heures, par ordonnances des 30 novembre et 14 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Cohen, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., adjudant de la légion étrangère, radié des contrôles le 20 juin 2020, a présenté, le 17 novembre 2016, le 23 août 2017 et le 18 janvier 2018, trois demandes de pension militaire d'invalidité, au titre, d'abord, de séquelles d'une fracture des lombaires L2, ensuite, de séquelles d'une fracture du scaphoïde droit, et enfin, d'un traumatisme de l'épaule et de la région pectorale droite. Par une décision du 3 octobre 2019, la ministre des armées a fait droit à la première demande de pension de M. C... en lui attribuant à ce titre un taux d'invalidité de 20 %, mais a rejeté ses deux autres demandes. Par un arrêté du 30 septembre 2019 une pension a été concédée à ce taux à M. C.... Par un jugement du 21 septembre 2021, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Marseille, auquel a été transmis le recours de l'intéressé par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté de concession de pension, en tant que par celui-ci, la ministre des armées a fixé un taux de 20 % pour lui accorder une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité dite " séquelles de fracture des lombaires L2 ", et en tant qu'elle a rejeté ses deux autres demandes de pension. Sur le taux d'invalidité au titre des séquelles de fracture des lombaires L2 : 2. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction en vigueur au jour de la demande de pension de M. C... au titre des séquelles de fracture des lombaires L2 : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ". L'article L. 9 de ce code renvoie à un décret le soin de fixer " les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité ". Aux termes de l'article L.10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". Aux termes de l'article L. 26 de ce code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". 3. Il résulte de l'instruction que le 28 mars 2016, M. C... a été victime d'un accident de parachutisme lui ayant causé une facture des lombaires L2, traitée par corporectomie de L2 par voie antérieure et par arthrodèse transpédiculaire L2 L4. L'examen réalisé le 17 avril 2019 par le médecin expert, spécialiste en orthopédie, a révélé que l'intéressé, dont la fracture a été correctement traitée sur un plan chirurgical, souffrait néanmoins, à la date de sa demande de pension, de séquelles de cette fracture, consistant en d'importants blocage et raideur sur la colonne vertébrale au niveau du rachis, lequel est douloureux avec une nette cyphose dorsale. Ainsi, M. C..., qui ne peut utilement se prévaloir des constatations opérées par son médecin le 19 novembre 2022, nécessairement postérieures à sa demande de pension, ne peut prétendre, en l'absence d'irradiation ou d'ankylose, que l'infirmité pour laquelle il sollicite des droits à pension consisterait, au sens du guide-barème, dont les recommandations ne sont pas impératives dans cette mesure, en une lésion latente de la colonne vertébrale, éligible en vertu de ce barème à un taux d'invalidité compris entre 10 et 30 %, et non une déviation cyphotique douloureuse, susceptible de se voir attribuer un taux compris entre 10 et 20 %. S'il résulte du guide-barème, ainsi que le soutient l'intéressé, que les fractures de la colonne vertébrale ouvrent droit à un taux d'invalidité de 10 à 30 % même quand elles génèrent des douleurs ou des paralysies, cette recommandation ne vaut que si ces douleurs sont initiales et passagères, celles dont se plaint celui-ci ne revêtant pas de tels caractères. Par ailleurs, l'affirmation de l'appelant selon laquelle la raideur du rachis dont il souffre s'apparente à une quasi-ankylose n'est corroborée par aucun élément médical contemporain de sa demande de pension. Compte tenu de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à cette infirmité, à la gêne fonctionnelle en résultant, et des indications du guide-barème, c'est à bon droit que la ministre, s'appuyant sur l'avis du médecin chargé des pensions du 18 juin 2019, a accordé, de ce chef, à M. C... une pension d'invalidité au taux de 20 %. Sur le taux d'invalidité au titre des séquelles de fracture du poignet droit : 4. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au jour de la demande de pension relative aux séquelles de fracture du poignet droit : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". L'article L. 151-6 du même code précise que : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ou, lorsque la pension est attribuée par présomption, le droit de l'intéressé à cette présomption. / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ". 5. Par ailleurs, l'article L. 121-4 de ce code dispose que : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3./ Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". L'article L. 121-5 du code ajoute que : " La pension est concédée :1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ". 6. Il résulte de l'instruction que lors d'une course à pied, en service, à Djibouti, le 23 mars 2002, M. C... a fait une chute lui ayant causé une fracture du scaphoïde droit qui n'a pas été traitée par un acte de chirurgie, mais sur un plan orthopédique. L'avis du médecin expert du 17 avril 2019, corroboré dans cette mesure par l'avis du médecin chargé des pensions du 18 juin 2019 et celui du médecin conseil du requérant du 19 novembre 2022, montre que les séquelles de cette fracture dont souffre celui-ci à la date de sa demande de pension consistent en une douleur à la tabatière, une légère limitation des amplitudes de mouvement ainsi qu'une perte de force. S'il est constant que, neuf mois après le fait précis de service auquel est imputable cette infirmité, et au jour de la demande de pension, le poignet droit de M. C... a présenté une pseudarthrose, l'avis du médecin expert du 17 avril 2019 précise que celle-ci est peu symptomatique. Il ne résulte ni de ce document, ni d'aucune autre pièce du dossier, pas même de l'avis du médecin conseil de l'appelant, qu'à la date de sa demande de pension, la pseudarthrose du scaphoïde droit lui procurait une gêne fonctionnelle susceptible de justifier, avec les autres séquelles de la fracture, l'attribution d'un taux d'invalidité supérieur au taux de 8 % retenu par la ministre pour statuer sur cette demande, au vu de l'avis du médecin en charge des pensions et des indications du guide-barème. M. C... n'est donc pas fondé à prétendre à l'allocation d'une pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. Sur l'imputabilité au service des séquelles de traumatisme de la région pectorale droite : 7. En l'absence de présomption légale, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et un fait précis de service ou des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 8. S'il ressort du registre des constatations des blessures, des infirmités et des maladies, renseigné le 1er juin 2009 par le supérieur hiérarchique de M. C..., ainsi que du livret médical de celui-ci, que le 31 mai 2009, à 7 heures, lors d'un exercice de remontée de traction, l'intéressé s'est blessé au bras droit et a soudainement interrompu tout effort, et que le médecin militaire alors consulté a émis l'hypothèse d'une possible déchirure partielle au biceps droit, ni ces documents, ni aucune autre pièce contemporaine de ces faits n'évoquent une blessure à la région pectorale droite. Il est en outre constant que depuis ce fait de service, auquel le requérant attribue cette dernière blessure, et la première constatation médicale de cette affection, le 9 octobre 2017 à l'occasion d'un examen échographique, l'intéressé n'a reçu aucun soin en lien avec cette affection. Dans ces conditions, alors que le médecin expert ne s'est pas prononcé expressément sur l'imputabilité au service de cette blessure, la seule circonstance que l'avis du médecin conseil de M. C... du 19 novembre 2022 conclut, à partir d'une analyse anatomique et d'une littérature relative aux lésions du faisceau sternal de la région pectorale droite, à l'existence d'une erreur de diagnostic commise en 2009 et d'un lien entre l'accident du 31 mai 2009 et les séquelles de traumatisme de cette région musculaire, qui ne vaut qu'hypothèse médicale, ne saurait suffire à établir une relation certaine et directe de cause à effet entre ces troubles et cet accident. Par suite, c'est à bon droit que la ministre des armées, conformément à l'avis du médecin chargé des pensions, a refusé d'accorder à M. C... une pension au titre de cette infirmité. 9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. N° 21MA044992
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 28/03/2023, 21MA04862, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre des infirmités dites " blépharite athrophique bilatérale " et " névrose symptomatique phobo-obsessionnelle avec syndrome anxio-dépressif chronique", et d'autre part de condamner l'Etat à lui verser la somme de 313 200 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 1911510 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Carbonnier, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 5 décembre 2018 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 313 200 euros, augmentée des intérêts de retard et de leur capitalisation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que la copie qui lui a été notifiée ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement et du greffier, qu'il n'est pas justifié de la personne qui a versé les pièces visées ni de la teneur de celles-ci dont le requérant n'a pas été mis à même par le tribunal de prendre connaissance en violation des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de motivation, en cela qu'il a appliqué l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur au jour de la demande de pension, et non de la constatation de l'infirmité ; - le taux d'invalidité attribué au titre de la blépharite atrophique bilatérale, qui présente un caractère incurable et qui justifie l'octroi d'une pension non pas temporaire mais définitive, aurait dû être supérieur à 10%, puisque cette infirmité a été aggravée par l'exposition aux produits toxiques en 1966-1967 ; - sa névrose symptomatique phobo-obsessionnelle avec syndrome anxio-dépressif chronique est imputable par présomption, conformément à l'article L. 3 du code, car en relation avec l'exposition aux produits toxiques ; - c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions indemnitaires sur le fondement des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative, inapplicables à la saisine du tribunal des pensions militaires. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 novembre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 16 décembre 2022, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a obtenu par un jugement du tribunal des pensions militaires d'Aix-en-Provence du 7 février 2005, une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %, concédée à titre provisoire, pour la période du 20 avril 1988 au 19 avril 2001 par un arrêté du 7 juin 2005, au titre d'une conjonctivite chronique bilatérale qu'il a contractée à l'issue de son service militaire le 1er mai 1967. Par deux demandes du 8 août 2014 et du 31 mai 2016, M. B... a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de deux nouvelles infirmités, l'une dénommée " blépharite athrophique bilatérale " et l'autre " névrose symptomatique phobo-obsessionnelle avec syndrome anxio-dépressif chronique ". Par une décision du 5 décembre 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à ces demandes, au motif que le taux d'invalidité susceptible d'être attribué au titre de la première affection, constitutive d'une maladie, est inférieur à 30 %, et que l'autre infirmité n'est pas imputable au service. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B... tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 313 200 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. D'une part, contrairement à ce que soutient M. B... qui s'appuie pour ce faire sur la seule expédition du jugement attaqué, la minute de cette décision comporte l'ensemble des signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier faute de comporter ces signatures doit être écarté. 3. D'autre part, le fait que, après avoir analysé les moyens soulevés dans les mémoires produits par les parties, les visas du jugement attaqué mentionnent " les autres pièces du dossier ", sans détailler le contenu de ces pièces, ni identifier la partie qui les a versées au dossier, n'est pas constitutif d'une irrégularité et ne contrevient ni au principe des droits de la défense, ni aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. Enfin il ne ressort pas du dossier soumis aux premiers juges que, contrairement à ce que soutient sans précision M. B..., celui-ci n'aurait pas eu connaissance de l'ensemble des pièces sur lesquelles ceux-ci se sont fondés pour rendre leur jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions de M. B... tendant au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité : S'agissant de ses droits à pension au titre de l'infirmité dite " blépharite athrophique bilatérale " : 5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction en vigueur à la date des demandes de pension de M. B..., la seule à prendre en compte pour déterminer les droits à pension hors régime de présomption : " Ouvrent droit à pension : (...) / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Enfin l'article L. 26 de ce code précise que : " Toute décision (...) relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". 6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du médecin expert désigné par le service des pensions du 25 mai 2016, que M. B... présente une blépharite atrophique bilatérale, ainsi qu'un remaniement du bord ciliaire, auxquels cet expert a proposé d'attribuer le taux d'invalidité de 10 %. Si pour contester ce taux, M. B... affirme souffrir d'un lourd handicap visuel présentant un caractère incurable, et justifiant selon lui l'octroi à titre définitif et non pas temporaire de la pension d'invalidité au titre de la conjonctivite chronique bilatérale, et que son état s'est aggravé par son exposition aux produits toxiques lorsqu'il exerçait ses fonctions à la direction régionale de l'industrie de la recherche et de l'environnement de Martigues de 1991 à 2005, de telles circonstances, qui ne sont confortées par aucune pièce de nature médicale, ne sont pas de nature à démontrer que la gêne fonctionnelle, liée à la blépharite atrophique, dont l'intéressé ne conteste pas qu'elle est distincte de la conjonctivite chronique et dont il n'allègue pas qu'elle aurait une filiation médicale avec celle-ci, justifierait un taux d'invalidité supérieur à 10 %. L'infirmité au titre de laquelle M. B... sollicite une pension constituant une maladie et n'entraînant donc pas une invalidité égale ou supérieure à 30%, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses prétentions à ce titre. S'agissant de ses droits à pension au titre de l'infirmité dite " névrose symptomatique phobo-obsessionnelle avec syndrome anxio-dépressif chronique " : 7. En outre, l'article L. 3 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : [...] 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". En application de ces dispositions, la présomption d'imputabilité peut bénéficier à l'intéressé à condition que la preuve d'une filiation médicale soit apportée. Cette filiation médicale, qui suppose une identité de nature entre l'infirmité pensionnée et l'infirmité invoquée, peut être établie soit par la preuve de la réalité des soins reçus de façon continue pour l'affection pensionnée soit par l'étiologie même de l'infirmité en cause. 8. D'une part, si M. B... entend rattacher sa névrose symptomatique phobo-obsessionnelle avec syndrome anxio-dépressif chronique, à la conjonctivite bilatérale chronique dont il souffre depuis la fin de son service militaire du fait de l'exposition à des poussières, il résulte de l'instruction qu'aucun trouble de nature psychologique ou psychiatrique n'a été décelé dans les mois suivant l'apparition de cette affection oculaire. Il est en outre constant que l'intéressé, qui n'a évoqué les premières manifestations de ces troubles qu'à compter de 1996, n'a formé une demande de pension pour cette affection que le 31 mai 2016, soit plus de cinquante ans après les faits invoqués comme étant à leur origine. Ainsi, M. B..., qui n'apporte aucun élément médical de nature à démontrer que, comme il l'allègue, son état anxio-dépressif serait dû à son exposition à des produits toxiques pendant son service militaire, ne saurait être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l'imputabilité au service des troubles psychologiques dont il souffre. 9. D'autre part, il n'est pas moins constant qu'aucun constat officiel d'infirmité, contemporain de son affection pensionnée et dans les délais légaux, n'a été dressé au sujet de ces troubles. Si un rapport du médecin expert, spécialiste en ophtalmologie, du 10 juillet 1998, ainsi qu'un certificat d'un chef de clinique du 21 décembre 2016, indiquent que la conjonctivite bilatérale chronique de M. B... provoque un retentissement psychologique important et que les manifestations neuropsychiatriques sont en relation avec cette affection oculaire, le rapport du médecin expert psychiatre, du 15 janvier 2018, qui constate l'absence de motivation de ces deux précédents avis quant à la causalité étiologique entre la maladie pensionnée et les troubles en cause, dénie tout lien direct et certain entre ces deux affections, qu'il s'agisse pour la seconde du trouble phobo-obsessionnelle, ou qu'il s'agisse du syndrome anxio-dépressif, alors que ni le jugement du tribunal des pensions du 7 février 2005, ni l'arrêté de concession du 7 mai 2005, n'ont tenu compte de troubles de cette nature pour accorder à M. B... un droit à pension. Ainsi M. B..., qui ne soutient pas avoir bénéficié de soins psychologiques ou psychiatriques continus depuis l'apparition de sa maladie oculaire, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe pour prétendre au bénéfice des dispositions de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 3 en l'absence de tout constat officiel, d'une filiation médicale entre l'infirmité pensionnée et celle qu'il revendique au soutien de sa demande de pension. Il ne peut donc se prévaloir du bénéfice du régime de la présomption d'origine prévu par l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de pension. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de M. B... : 11. Pour rejeter les conclusions de M. B... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 313 200 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis dans le déroulement de sa carrière et dans sa vie privée du fait de sa maladie oculaire, le tribunal s'est fondé sur le double motif tiré de l'irrecevabilité de ces prétentions indemnitaires, au regard de l'exigence de décision préalable posée par l'article R. 421-1 du code de justice administrative et de ce que l'intéressé n'établit pas que l'aggravation de sa conjonctivite bilatérale serait liée à son service dans l'armée. En se bornant à soutenir que la règle posée par l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'est pas applicable devant la juridiction des pensions, initialement saisie de ses conclusions indemnitaires, M. B... ne conteste pas le motif retenu par le tribunal pour les rejeter comme mal fondées. 12. En outre, dès lors que M. B..., dont les conclusions tendant au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité sont rejetées, n'assortit pas ses prétentions indemnitaires d'une argumentation propre, il y a lieu de rejeter celles-ci par voie de conséquence. 13. Il doit enfin en aller de même de ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. N° 21MA048622
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 3ème chambre, 15/03/2023, 20LY03485, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) d'annuler la décision du 6 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, ensemble le rejet de son recours gracieux par décision du 5 juillet 2018, au besoin en diligentant une expertise ; 2°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) de condamner le centre hospitalier Lucien Hussel à lui verser la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1805677 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, Mme B..., représentée par la SELARL CDMF Avocats, agissant par Me Medina, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 septembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 6 mars 2018 et celle du 5 juillet 2018, rejetant son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 4°) de condamner ledit centre à lui verser la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice ; 5°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 6°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise. Elle soutient que : - la requête est recevable ; - le centre hospitalier Lucien Hussel s'est cru à tort lié par l'avis de la commission de réforme ; - la décision attaquée est insuffisamment motivée ; - la pathologie dont elle souffre est en lien direct avec le service ; rien ne permet de retenir qu'elle souffre d'arthrose à l'épaule droite depuis 1989 et 1994 ; elle ne souffre aucunement d'une quelconque maladie inflammatoire, et encore moins d'une maladie inflammatoire touchant ses articulations ; - sa situation est injuste et dure depuis de nombreux mois, de sorte qu'elle doit être indemnisée de son préjudice à hauteur de 5 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2021, le centre hospitalier Lucien Hussel, représenté par la société d'Avocats BCV, agissant par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les dispositions de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 sont seules applicables ; - le lien de causalité n'est pas établi entre la maladie et les fonctions ; un état antérieur à type de pathologie dégénérative constitue une circonstance particulière qui détache la maladie du service ; - l'appréciation des premiers juges rejetant les conclusions indemnitaires de la requérante n'est pas discutée ; ces conclusions sont irrecevables, faute de demande indemnitaire préalable ; aucun préjudice indemnisable n'est établi ; la décision du 6 mars 2018 n'est entachée d'aucune illégalité fautive ; - l'appréciation des premiers juges rejetant les conclusions à fin d'expertise n'est pas discutée ; cette demande est dépourvue d'utilité. Par ordonnance du 3 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 février 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - et les observations de Me Brocheton pour le centre hospitalier Lucien Hussel. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., adjointe administratif principale, exerce depuis 2002 les fonctions de vaguemestre au centre hospitalier Lucien Hussel. Souffrant des épaules, elle a formulé, le 21 février 2017, une demande de reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service. Par une décision du 6 mars 2018, après avis de la commission de réforme émis le 9 janvier 2018, le directeur du centre hospitalier a rejeté sa demande. Mme B... a formé un recours gracieux le 19 avril 2018. La commission de réforme a formulé un nouvel avis le 28 juin 2018. Le centre hospitalier Lucien Hussel a communiqué cet avis à l'intéressée le 5 juillet 2018. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision du 6 mars 2018 et de la prétendue décision du 5 juillet 2018. Par le jugement du 29 septembre 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir opposé l'irrecevabilité des conclusions de la demande de Mme B... contre le courrier du 5 juillet 2018, a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre la décision du 6 mars 2018. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, Mme B... ne conteste pas l'irrecevabilité opposée par les premiers juges des conclusions de sa demande contre le courrier du 5 juillet 2018, lequel se contente de lui communiquer l'avis qui a été rendu par la commission de réforme le 28 juin 2018. Si, comme le soutient la requérante, le silence gardé par le centre hospitalier Lucien Hussel sur son recours gracieux a fait naître une décision implicite de rejet, son recours contentieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. 3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision en litige, qui est suffisamment motivée, que le directeur du centre hospitalier se serait, à tort, estimé lié par l'avis, consultatif, de la commission de réforme, qu'il a pu sans erreur de droit ni méconnaissance de sa compétence, s'approprier pour statuer sur la demande Mme B.... 4. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 5. Il s'ensuit que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont applicables au présent litige, comme le soutient du reste le défendeur. 6. Aux termes de ce texte : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 8. Mme B... soutient que ses fonctions de vaguemestre impliquent des mouvements répétitifs, bras levés, en particulier pour le tri du courrier dans des casiers dont la hauteur peut atteindre 1,75 mètre. Il résulte toutefois des conclusions de l'expertise que les imageries médicales du mois de janvier 2017 ont révélé que Mme B... souffre d'une arthropathie dégénérative du côté gauche au niveau acromio-claviculaire avec un aspect globalement symétrique du côté droit. L'expertise médicale précise également avoir retrouvé sur des clichés fournis par l'intéressée et remontant respectivement au mois d'avril 1989 et au mois de mars 1994, des images de " calcification de la coiffe des rotateurs confirmant à l'évidence la présence d'une périarthrite scapulo-humérale calcifiante d'origine dégénérative " pour conclure à une " maladie dégénérative ancienne touchant les deux épaules et sans lien avec l'activité professionnelle ". Si Mme B... a produit au dossier de première instance un certificat médical daté du 28 mars 2018, selon lequel l'arthrose serait discrète et n'expliquerait pas la symptomatologie présentée aux deux épaules, " qui est beaucoup plus périarticulaire (tendon-tendinopathie) que articulaire (arthrose-articulation) ", ce seul certificat émanant de son médecin généraliste ne suffit pas à contredire sérieusement les conclusions de l'expertise, comme l'a retenu la commission de réforme qui a émis en considération de ce document un deuxième avis défavorable. Il existe donc, en l'espèce, un état de santé antérieur préexistant conduisant à détacher la survenance de la maladie du service. 9. Mme B... réitère en appel ses conclusions indemnitaires, sans critiquer le jugement attaqué, qui a retenu la fin de non-recevoir opposée par le défendeur, et tirée du défaut de liaison du contentieux. Les conclusions indemnitaires de Mme B... ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier Lucien Hussel. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Lucien Hussel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier Lucien Hussel. Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient : M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère, Mme Sophie Corvellec, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2023. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Gilles Fédi La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY03485
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/03/2023, 21PA06570, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a fixé la date de sa guérison avec retour à l'état antérieur au 12 novembre 2015 et de condamner l'Etat à lui verser une rente mensuelle de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son accident du 18 décembre 2014. Par un jugement n° 1906227 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2021 et le 18 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Varin, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 octobre 2021 ; 2°) avant dire droit d'ordonner une expertise médicale ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué qui ne se prononce pas sur le défaut de motivation de la décision du 5 mars 2019, est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision du 5 mars 2019 est insuffisamment motivée ; - c'est à tort que les juges de première instance ont rejeté sa demande, alors même que son état de santé n'était pas consolidé à la date du 12 novembre 2015 retenue par l'administration, qu'elle remplissait les conditions fixées à l'article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour bénéficier d'une admission anticipée à la retraite pour invalidité que le ministère des armées s'est abstenu de lui proposer, et pouvait prétendre à une rente viagère d'invalidité en application de l'article 28 du même code. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre des armées, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 5 mars 2019, fondé sur une cause juridique distincte de celle soulevée en première instance, est nouveau en appel et par suite irrecevable ; - le moyen tiré de l'erreur d'appréciation n'est pas fondé ; - il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sollicitée dépourvue d'utilité au cas d'espèce. Des pièces, enregistrées le 19 janvier 2023, ont été produites par le ministre des armées en réponse à une mesure d'instruction adressée par la Cour, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative le 10 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., adjointe administrative de 2ème classe affectée au service des ressources humaines du ministère des armées, a été victime d'un accident de trajet le 17 février 2000 qui a été pris en charge au titre de la législation sur les accidents de service. Consécutivement à cet accident, Mme C... dont l'état de santé a été déclaré consolidé au 25 octobre 2000 et le taux d'invalidité fixé à 18 %, a perçu une allocation temporaire d'invalidité sans limitation de durée à compter du 6 novembre 2005, compte tenu des séquelles conservées. A la suite d'une rechute survenue au mois de février 2011, elle a été placée en congé de longue maladie pendant trois ans et a été reconnue travailleuse handicapée. Après avoir repris ses fonctions au mois de juin 2014, elle a été victime d'un nouvel accident le 18 décembre 2014 et a sollicité le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. A compter du 1er janvier 2017, Mme C... a fait valoir ses droits à la retraite. Par une décision du 20 mars 2017, l'accident du 18 décembre 2014 a également été reconnu imputable au service. Par une décision du 5 mars 2019, la date de sa guérison a été fixée rétroactivement au 12 novembre 2015. Mme C... relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation et doit être regardée comme demandant également l'annulation de la décision du 5 mars 2019. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, si Mme C... soutient que le tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 5 mars 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance, et notamment de la requête et des mémoires produits, qu'elle aurait soulevé un tel moyen, contrairement à ce qu'elle soutient. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation, en raison d'un défaut d'examen de ce moyen par les premiers juges doit être écarté. 3. En second lieu, hormis dans le cas où il se prononce sur la régularité du jugement, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision attaquée dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'insuffisance de motivation, à raison d'un défaut de reconnaissance de son état de santé antérieur, dont serait entaché le jugement entrepris, ne peuvent être utilement soulevés et doivent être écartés comme inopérants. Sur le bien-fondé du jugement : 4. En premier lieu, Mme C... a soulevé en première instance des moyens portant exclusivement sur la légalité interne de la décision du 5 mars 2019. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, invoqué pour la première fois en appel, qui n'est pas d'ordre public et relève de la légalité externe de la décision, repose sur une cause juridique distincte et revêt le caractère d'une demande nouvelle en appel, qui est par suite, irrecevable. 5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la déclaration d'accident de service établie le 22 décembre 2014, que Mme C... a été heurtée le 18 décembre 2014 par un chariot qui l'a blessée à la jambe gauche et plus précisément à la cheville. La date de guérison de son état de santé, consécutivement à cet accident, a été fixée au 12 novembre 2015 par le médecin agrée auprès du ministère de la défense après expertise réalisée par un médecin rhumatologue. Le rapport d'expertise relève que l'intéressée a présenté une contusion sans conséquence pérenne au niveau de la cheville gauche et sans influence sur les séquelles majeures préexistantes, conséquences de l'accident survenu en 2000, qu'aucune séquelle de la contusion subie en décembre 2014 ne peut être constatée, que le tableau clinique répond à des conséquences de l'accident antérieur et que les soins prescrits le 19 avril 2017 sont sans lien avec l'accident de 2014 qui a de longue date épuisé ses effets dynamiques. Une contre-expertise réalisée le 5 octobre 2018 constate une guérison à la même date avec retour à un état antérieur évoluant pour son propre compte, sans rechute et sans lésion imputable à l'accident du 18 décembre 2014. 6. Pour contester cette guérison, Mme C... se prévaut de la décision du 20 mars 2017 par laquelle l'administration a reconnu l'imputabilité au service de son accident survenu au mois de décembre 2014 et l'invitant à présenter les pièces justificatives de sa prise en charge médicale à ce titre. Toutefois, la prise en charge éventuelle des frais engagés consécutivement à cet accident et postérieurement au départ à la retraite de l'intéressée, est sans incidence sur la détermination de la date de guérison qui a été arrêtée au 12 novembre 2015, ces deux évènements étant indépendants l'un de l'autre et ne présentant, contrairement à ce qu'elle soutient, aucune contradiction. Mme C... produit deux certificats médicaux de son médecin traitant attestant, d'une part, de consultations régulières entre le 18 décembre 2014 et le 31 décembre 2016 et, d'autre part, qu'à la date du 24 juillet 2017, elle était " toujours en soins pour des fractures de cheville gauche ". Elle présente également des prescriptions médicales et résultats d'examens médicaux établis entre le 31 mars 2016 et le 25 octobre 2022 qui justifient d'une prise en charge médicale dans le cadre d'une arthropathie à la cheville gauche, l'intéressée ayant été opérée en 2012 d'une " arthrodèse tibio talienne " de type Crawford Adams à cette cheville. Aucune de ces pièces ne permet cependant de contredire les constatations médicales citées au point 5 du présent arrêt et qui concluent à l'absence de séquelle consécutive à l'accident de service du 18 décembre 2014. Si l'intéressée soutient avoir également présenté une pathologie anxio-dépressive postérieurement à cet accident, elle ne présente aucune pièce médicale susceptible d'en justifier. Enfin, si Mme C... soutient que la fixation de la date de guérison en litige ne tient pas compte d'une rechute d'un état antérieur, aucun élément versé au dossier ne permet d'établir une aggravation de l'état de santé de l'intéressée résultant du précédent accident dont elle a été victime au mois de février 2000, au demeurant consolidé et entièrement réparé par la reconnaissance d'un taux d'invalidité fixé initialement à 18 %. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige du 5 mars 2019 serait entachée d'une erreur d'appréciation. Ce moyen doit par suite être écarté. 7. En dernier lieu, la circonstance que Mme C... aurait pu bénéficier d'une mise à la retraite par anticipation ou prétendre à une rente d'invalidité est sans incidence sur la date de guérison retenue par l'administration. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, et sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Soyez, président assesseur, - Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mars 2023. La rapporteure, C. A... Le président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA06570
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/03/2023, 21BX00504, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Fort-de-France d'annuler la décision du 20 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a fixé sa pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 10 ° à titre définitif à compter du 20 septembre 2013, en ce qu'elle a rejeté sa demande relative à l'infirmité d'hypoacousie bilatérale, d'enjoindre à la ministre de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité ou à défaut de réexaminer sa demande, et à titre subsidiaire d'ordonner une expertise avant dire droit. L'affaire a été transmise au tribunal administratif de la Martinique en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018. Par un jugement n° 2000142 du 22 décembre 2020, ce tribunal a rejeté la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 11 février 2021 et des mémoires enregistrés les 21 janvier, 23 février et 11 avril 2022, M. B..., représenté par Me Uzan Kaufmann, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 20 juin 2018 en ce qu'elle a rejeté sa demande relative à l'infirmité d'hypoacousie bilatérale ; 3°) d'ordonner si besoin une nouvelle expertise avant dire droit ; 4°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension au taux de 10 % pour cette infirmité, ou à titre subsidiaire de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'hypoacousie bilatérale retenue par l'expert correspond à la " dureté des deux oreilles " du guide barème de 1915, dont il est fondé à demander l'application en vertu des dispositions de l'article L. 125-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; c'est à tort que le tribunal a refusé d'appliquer le guide barème de 1915 au motif que le diagnostic de dureté des deux oreilles ne ressortait pas du dossier ; - l'expert a conclu que l'infirmité d'hypoacousie ne s'était pas améliorée ; compte tenu des mauvaises conditions dans lesquelles l'audiogramme a été réalisé, il a retenu un taux de 10 % malgré une perte d'acuité auditive de 33,75 dB à droite et 38,75 dB à gauche correspondant à un taux de 5 % ; le " 11 " novembre 2017, la commission de réforme a réalisé un nouvel audiogramme montrant une perte de 56,25 dB à droite et 53,75 dB à gauche et a conclu à un taux d'invalidité de 15 % au constat que l'infirmité ne s'était pas améliorée ; cette absence d'amélioration est confirmée par l'audiogramme du 17 octobre 2016 objectivant une perte de 36,25 dB à droite et 40 dB à gauche, réalisé au centre médical interarmées dans le cadre de son engagement dans la réserve opérationnelle ; il est d'ailleurs appareillé de façon bilatérale depuis 2012, et le refus de reconnaître l'hypoacousie au taux de 10 % le prive de la prise en charge de l'appareillage par la CNMSS ; - contrairement à ce qu'affirme l'administration, il est médicalement établi qu'une hypoacousie d'origine post-traumatique peut s'aggraver avec le temps ; - à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas convaincue, il conviendrait d'ordonner une expertise compte tenu des résultats discordants des audiogrammes des 24 juin 2016 et " 11 " novembre 2017. Par des mémoires en défense enregistrés le 28 décembre 2021 et les 11 février et 25 mars 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - l'infirmité " hypoacousie bilatérale - perte auditive moyenne oreille droite : 35 dB - perte auditive moyenne oreille gauche : 40 dB " a été pensionnée au taux de 10 % pour une première période allant du 20 septembre 2010 au 19 septembre 2013 ; comme l'ont relevé l'avis du médecin chargé des pensions militaires du 29 juillet 2016 et l'avis de la commission consultative médicale du 19 avril 2018, les pertes auditives de 33,75 dB à droite et 38,75 dB à gauche correspondent à un taux de 5 % au guide barème, et non de 10 % comme l'a retenu l'expert, ce qui caractérise une amélioration par rapport au taux antérieur de 10 % ainsi que l'a retenu la commission dans son avis du 31 mai 2018 ; - le barème de 1915 dont se prévaut M. B... a été établi au regard d'évaluations empiriques avant l'existence de l'audiométrie, de sorte que comme l'a retenu le tribunal, l'infirmités de " dureté des deux oreilles " qu'il prévoit ne correspond pas exactement à celle d'" hypoacousie bilatérale " ; - les audiogrammes réalisés après le 20 septembre 2013 ont révélé des pertes auditives moyennes de 33,75 dB à droite et 38,75 dB à gauche le 22 juin 2016, de 36,25 dB à droite et de 40 dB à gauche le 17 octobre 2016, et de 56,25 dB à droite et 53,75 dB à gauche le 11 novembre 2017 ; alors que l'audiogramme du 22 juin 2016 montrait sans contestation possible que l'hypoacousie n'était plus indemnisable, l'aggravation ultérieure, survenue alors que l'intéressé n'a pas été exposé à un nouveau traumatisme sonore, n'est pas imputable au service. Par ordonnance du 24 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 avril 2022. Un mémoire présenté par le ministre des armées a été enregistré le 19 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. B..., militaire de carrière radié des cadres le 31 août 2014, était titulaire à compter du 20 septembre 2010 d'une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 13 ° pour plusieurs infirmités résultant de blessures par l'explosion d'un obus de mortier lors d'une opération extérieure en Afghanistan le 18 septembre 2010, dont un " blast " auriculaire bilatéral. Le 16 avril 2015, il a sollicité le renouvellement de cette pension en ce qu'elle était provisoire pour les infirmités d'acouphènes bilatéraux et d'hypoacousie bilatérale. Par une décision du 20 juin 2018, la ministre des armées lui a concédé une pension au taux de 100 % + 10 ° à titre définitif à compter du 20 septembre 2013 en incluant l'infirmité d'acouphènes au taux de 10 %, mais en rejetant la demande relative à l'hypoacousie. M. B..., qui est appareillé de façon bilatérale depuis 2012, a contesté ce rejet partiel devant le tribunal des pensions militaires de Fort-de-France, et la procédure a été transmise au tribunal administratif de la Martinique en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. M. B... relève appel du jugement du 22 décembre 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...). " Aux termes de l'article L. 8 de ce code : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. / Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article L. 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension. / (...). " 3. Il ressort des pièces du dossier que l'expertise réalisée le 22 juin 2016 dans le cadre de l'instruction de la demande a conclu à une perte auditive moyenne de 33,75 dB à droite et 38,75 dB à gauche, ce qui correspond à un taux de 5 % au guide barème, sur la base d'un audiogramme réalisé dans de mauvaises conditions de nature à mettre en cause la fiabilité de ses résultats. Dans le cadre de son engagement à servir dans la réserve opérationnelle, M. B... a bénéficié quelques mois plus tard, le 17 octobre 2016, d'un nouvel audiogramme qui a fait apparaître des pertes auditives de 36,25 dB à droite et 40 dB à gauche, justifiant un taux de 10 % au guide barème. Par lettre du 27 octobre 2016, il a sollicité une contre-expertise, et le 10 novembre 2017, après avoir réalisé le même jour un audiogramme montrant des pertes auditives de 56,25 dB à droite et 53,75 dB à gauche, la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité a émis un avis non conforme à la proposition de l'administration de retenir une hypoacousie non indemnisable au taux de 5 %. Dans ces circonstances, et alors qu'une hypoacousie provoquée par un traumatisme peut s'aggraver sans traumatisme ultérieur par l'effet du vieillissement, la ministre des armées ne pouvait déduire des résultats du seul audiogramme du 22 juin 2016, en contradiction avec l'aggravation progressive de l'hypoacousie mise en évidence par tous les autres examens réalisés depuis l'accident du 18 septembre 2010, que l'infirmité pensionnée au taux de 10 % s'était améliorée pour devenir inférieure à ce taux. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision du 20 juin 2018 doit être annulée en tant qu'elle a rejeté la demande relative à l'infirmité d'hypoacousie bilatérale, et qu'il doit être enjoint au ministre des armées de concéder à M. B... un droit à pension définitif au taux de 10 % à compter du 20 septembre 2013 pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale - perte auditive moyenne oreille droite : 36,25 dB - perte auditive moyenne oreille gauche : 40 dB ". 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La décision de la ministre des armées du 20 juin 2018 en tant qu'elle a rejeté la demande de M. B... relative à l'infirmité d'hypoacousie bilatérale et le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 2000142 du 22 décembre 2020 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. B... un droit à pension définitif au taux de 10 % à compter du 20 septembre 2013 pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale - perte auditive moyenne oreille droite : 36,25 dB - perte auditive moyenne oreille gauche : 40 dB ". Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 février 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLe greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX00504
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 07/02/2023, 20BX00110, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner Bordeaux Métropole à l'indemniser de la totalité des préjudices ayant résulté de l'accident de service dont il a été victime le 8 février 2016. E... un jugement n° 1704659 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné Bordeaux Métropole et son assureur, la compagnie Allianz IARD SA, à verser à M. C... une somme de 84 835 euros et a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 200 euros à la charge de Bordeaux Métropole. Procédure devant la cour : E... une requête et un mémoire, enregistrés les 6 janvier 2020 et 28 octobre 2021, M. C..., représentée E... la société d'avocats Chambolle et associés, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire ; 2°) de condamner Bordeaux Métropole à lui verser une indemnité d'un montant total de 221 848,83 euros ; 3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole les dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son accident de service est imputable à une faute de Bordeaux Métropole tenant à l'absence de protection contre les chutes en bord de mezzanine et à l'absence de démarcation entre le plancher de cette mezzanine et le faux-plafond ; - il n'a commis aucune faute d'imprudence et n'a pas davantage méconnu une consigne ; les désordres affectant la mezzanine n'étant pas signalés, il ne peut lui être reproché d'y être monté aux fins de reconnaître la zone d'intervention ; le rapport d'enquête du CHST n'a relevé aucune faute de la victime ; - s'agissant des frais de santé à sa charge, il a dû s'acquitter d'une consultation d'ostéopathie d'un montant de 50 euros et d'une consultation d'acupuncture d'un montant de 45 euros ; ces dépenses de santé étaient en lien avec son accident ; il a en outre dû acheter un appareil d'assistance d'écoute pour un montant total de 308,80 euros ; il résulte du justificatif des débours de santé de Bordeaux Métropole que cette collectivité n'a pas pris en charge la dépense relative à cet appareil auditif ; - le jugement doit être confirmé s'agissant des frais d'expertise, mis à la charge de Bordeaux Métropole ; - il est fondé à solliciter une somme de 8 900 euros correspondant au surcoût d'achat d'un véhicule doté d'une boîte de vitesse automatique ; il a acheté un véhicule équivalent au sien et il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir acheté d'occasion un véhicule identique au précédent ; - dans son premier rapport, l'expert avait envisagé l'aide E... une tierce personne ; les éléments médicaux versés au dossier démontrent la nécessité d'une telle aide ; il convient de retenir, avant la consolidation, un besoin d'aide d'une heure trente E... jours, et de se baser sur 412 jours E... an afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés et sur un taux horaire de 22 euros correspondant aux tarifs pratiqués E... les associations prestataires ; avant consolation, le préjudice peut ainsi être évalué à 35 573 euros ; - sa perte de gains professionnels doit être évaluée sur la base d'un revenu net mensuel de 2 309 euros et de la déduction des sommes qui lui ont été versées E... Bordeaux Métropole ; avant consolation, le préjudice subi s'élève à 10 143, 23 euros ; - l'indemnisation doit lui être allouée sous forme d'un capital basé sur le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2018 à compter de la date de consolidation ; - un capital de 1 204,87 euros doit lui être alloué au titre de l'appareillage auditif Octave, en se basant sur un renouvellement tous les 5 ans ; - il doit aussi être indemnisé au titre de l'appareillage Cros, plus adapté à son état que l'appareillage initial dont il avait obtenu le remboursement ; en se basant sur un renouvellement tous les 5 ans une somme de 12 797,85 euros doit lui être allouée à ce titre ; - une somme de 10 505,39 euros doit lui être alloué au titre de frais de renouvellement de véhicule, en se basant sur un renouvellement tous les 5 ans ; - sa perte de gains professionnels s'élève, pour la période comprise entre sa consolidation et sa mise à la retraite, à 546,79 euros ; pour la période comprise entre son départ anticipé à la retraite et la date à laquelle il serait parti à la retraite une fois atteint l'âge de 65 ans, il convient de se baser sur le salaire actualisé auquel il aurait pu prétendre, soit 2 380, 35 euros, de sorte que son préjudice est de 23 234,94 euros ; - ayant été contraint d'abandonner la profession de plombier, sans possibilité de reconversion professionnelle compte tenu de son âge à la date de la consolidation, il a subi un préjudice d'incidence professionnelle en réparation duquel une somme de 5 000 euros doit lui être allouée ; il a en outre subi, du fait de son départ anticipé à la retraite, une perte de retraite ; il n'est pas titulaire d'une pension d'invalidité ; - la somme allouée E... le tribunal en réparation de son déficit fonctionnel temporaire doit être portée à 12 365,60 euros ; - la somme allouée E... le tribunal en réparation des souffrances endurées doit être portée à 30 000 euros ; - une somme de 50 500 euros doit lui être allouée en réparation de son déficit fonctionnel permanent afin de prendre en compte tant l'atteinte aux fonctions physiologiques que la douleur permanente ressentie ; - l'indemnisation de son préjudice esthétique permanent doit être portée à 2 000 euros ; - il a été contraint de cesser ses activités de danse et de gymnastique ; son préjudice d'agrément doit être évalué à 15 000 euros ; - la somme allouée E... le tribunal en réparation de son préjudice sexuel doit être portée à 10 000 euros. E... des mémoires en défense, enregistrés les 8 mai 2020 et 25 novembre 2021, Bordeaux Métropole et la société Allianz Iard concluent au rejet de la requête et demandent à la cour, E... la voie de l'appel incident, de réformer le même jugement en tant qu'il les a condamnées à verser à M. C... une indemnité de 84 835 euros. Elles soutiennent que : - l'accident de service est imputable à une faute du requérant ; compte tenu des fonctions occupées, il connaissait les bâtiments et en particulier le lieu de son accident, mezzanine faisant office de stockage des matériels utilisés E... le personnel ; il est probable qu'il ait participé à l'opération de pose du faux-plafond sur lequel il a basculé ; il n'en ignorait ni l'existence ni la dangerosité ; en sa qualité de professionnel du bâtiment, il aurait dû faire preuve de prudence et était en mesure de distinguer le plancher en bois du faux-plafond en laine de verre, dont l'existence ne l'a d'ailleurs pas surpris ; il a ainsi commis une faute d'imprudence en se penchant alors qu'il se trouvait en bordure de mezzanine ; s'il avait analysé les risques présentés E... cet espace de stockage, il n'aurait pas chuté ; en outre, le réseau d'air comprimé sur lequel il intervenait était situé en-dessous de la mezzanine et il n'était pas nécessaire de monter sur cette mezzanine, au-dessus du futur point d'air comprimé, pour réaliser la mission ; cette faute de la victime l'exonère de sa responsabilité, au moins à hauteur de 75 % ; - s'agissant des dépenses de santé actuelles et futures, le requérant ne démontre ni que les séances d'ostéopathie et d'acupuncture seraient en lien avec son accident, ni qu'il n'aurait pas bénéficié d'une prise en charge E... sa mutuelle des frais d'achat d'un appareil d'assistance auditive ; la demande relative aux écouteurs déportés n'est pas justifiée et fait double emploi avec le matériel déjà remboursé à ce titre ; - s'agissant du surcoût d'achat d'un véhicule doté d'une boîte de vitesse automatique, la somme demandée est excessive compte tenu de la cote argus 2016 d'un véhicule avec boîte automatique de même marque que celui que possédait le requérant ; les demandes du requérant relatives aux frais échus et à échoir lors du renouvellement du véhicule sont E... conséquent excessives ; il n'y a pas lieu de renouveler tous les 7 ans une boîte automatique ; - le préjudice d'assistance E... tierce personne n'est pas appuyé de pièces justificatives et le requérant ne précise pas de quelle nature aurait été l'aide ; en admettant même l'existence de cette aide, la somme demandée est excessive ; il a perçu des revenus équivalents en 2016 et 2017 ; - le requérant ayant continué à percevoir l'ensemble de ses traitements et primes, il n'a pas subi de préjudice de perte de salaire ; - la rente viagère d'invalidité perçue E... le requérant a vocation à réparer ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle ; le document dont se prévaut le requérant ne permet pas d'établir qu'il ne percevrait pas une pension d'invalidité ; si tel n'était pas le cas, sa demande indemnitaire est en tout état de cause excessive ; pour la période démarrant à compter du départ anticipé à la retraite, il convient de se référer au revenu fiscal de référence de 2019, soit 2 248, 24 euros ; - le préjudice d'incidence professionnelle doit être limité à la perte de retraite, de 162 euros E... mois ; - l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de M. C... ne saurait excéder 7 018 euros ; - l'indemnisation des souffrances endurées E... M. C... ne saurait excéder 7 018 euros ; - le tribunal s'est livré à une juste appréciation du déficit fonctionnel permanent du requérant en lui allouant une somme de 50 000 euros ; - l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. C... ne saurait excéder 2 500 euros ; - l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. C... ne saurait excéder 2 500 euros ; - l'indemnisation du préjudice esthétique de M. C... ne saurait excéder 811 euros ; - l'indemnisation du préjudice sexuel de M. C... ne saurait excéder 1 000 euros. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-11 du 16 janvier 1984 : - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D... A..., - les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique, - et les observations de Me Bouchard, représentant M C..., et de Me Masson, représentant Bordeaux Métropole. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., alors agent de maîtrise territorial principal en poste à la direction des bâtiments de Bordeaux Métropole, a été victime le 8 février 2016, dans l'exercice de ses fonctions, d'une chute depuis la bordure de la mezzanine d'un atelier. Cet accident, qui a été reconnu comme accident de service E... décision du 25 février 2016, lui a occasionné un traumatisme crânien avec contusions frontales associées et hémorragie méningée, un traumatisme du thorax et plusieurs fractures au niveau de l'os occipital droit, des côtes et des vertèbres lombaires. M. C... a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter de cet accident, puis admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 2 décembre 2019. 2. Imputant la survenance de l'accident du 8 février 2016 à une faute commise E... Bordeaux Métropole, M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner cette collectivité à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices consécutifs à cet accident. Après avoir ordonné avant-dire droit une expertise médicale, dont les rapports ont été rendus les 8 septembre 2018 et 16 avril 2019, le tribunal a, E... un jugement du 29 octobre 2019, condamné Bordeaux Métropole et son assureur, la société Allianz Iard, à verser à M. C... une indemnité de 84 835 euros et mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 200 euros, à la charge de Bordeaux Métropole. M. C... demande à la cour de porter l'indemnité allouée E... les premiers juges à la somme totale de 221 848,83 euros. E... la voie de l'appel incident, Bordeaux Métropole et la société Allianz Iard relèvent appel du même jugement en tant qu'il les a condamnées à indemniser M. C.... Sur la responsabilité de Bordeaux Métropole : 3. Il résulte de l'instruction, en particulier du compte-rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Bordeaux Métropole du 18 mars 2016, que dans le cadre de l'exercice de sa mission d'entretien et de maintenance des bâtiments, M. C... est intervenu le 8 février 2016 sur le site du centre atelier de Pessac pour y réaliser des travaux d'installation d'un point d'air comprimé. Cet atelier est doté d'une mezzanine, dédiée au stockage de matériel, dans le prolongement de laquelle existe un faux-plafond en laine de roche. M. C... est monté sur cette mezzanine pour reconnaître la zone d'intervention des travaux à réaliser. Positionné en bordure de mezzanine, il s'est penché pour indiquer à son collègue le point de branchement sur le réseau d'air comprimé. Il a perdu l'équilibre et posé un pied sur le faux-plafond qui a immédiatement cédé sous son poids. Il a alors fait une chute d'environ 3 mètres de hauteur. 4. En premier lieu, malgré la dangerosité des lieux liée à la présence, dans le prolongement du plancher en bois de la mezzanine, d'un faux-plafond en laine de roche, cette mezzanine ne comportait aucun dispositif de démarcation entre le plancher et le faux-plafond. L'absence d'un tel dispositif de prévention du risque de chute est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de Bordeaux Métropole. 5. En second lieu, si Bordeaux Métropole fait valoir que les travaux de branchement d'un point d'air comprimé pouvaient être réalisés sans monter sur la mezzanine, l'accès à cette mezzanine ne faisait cependant l'objet d'aucune interdiction particulière. Il résulte au demeurant des clichés photographiques que la zone de branchement était située en hauteur, au-dessus du faux-plafond. Le requérant n'a dès lors commis aucune faute en montant sur la mezzanine aux fins de repérer la zone des travaux. En revanche, il n'est pas contesté que M. C... avait connaissance des lieux. De plus, en sa qualité de professionnel du bâtiment, il ne pouvait ignorer la fragilité d'un faux-plafond en laine de roche. Dans ces conditions, en se penchant alors qu'il était déjà positionné sur la bordure du plancher de la mezzanine, M. C... a manqué de vigilance. Dans les circonstances de l'espèce, la faute d'imprudence ainsi commise E... M. C... est de nature à exonérer Bordeaux Métropole de sa responsabilité à hauteur des deux tiers des conséquences dommageables de l'accident. Sur l'évaluation des préjudices : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant des dépenses de santé restées à la charge de M. C... : 6. Il résulte de l'instruction que M. C... a exposé des frais de santé d'un montant total de 95 euros correspondant à des consultations d'ostéopathie et d'acupuncture réalisées les 12 septembre et 10 novembre 2017. Dans son rapport établi le 8 septembre 2018, soit avant la consolidation de M. C..., l'expert a admis le lien entre ces séances et l'accident. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ces séances, qui ne sont pas remboursées E... l'assurance maladie, auraient été prises en charge E... une mutuelle. Le requérant est ainsi fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces frais de santé, réglés E... ses soins ainsi que le mentionnent les factures correspondantes, sont restés à sa charge à hauteur de 95 euros. S'agissant de l'assistance E... tierce personne : 7. M. C... fait valoir qu'avant la consolidation de son état de santé, il avait besoin d'une aide E... une tierce personne de l'ordre d'une heure trente E... jour. Cependant, d'une part, l'expert n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas retenu l'existence d'un tel préjudice dans ses rapports établis les 8 septembre 2018 et 16 avril 2019. D'autre part, le requérant fait valoir que son état de santé, marqué E... une fatigabilité ainsi que des douleurs et parésies persistantes réduisant son périmètre de marche et l'empêchant de conduire, justifiait l'assistance E... une tierce personne. Toutefois, il ne fournit aucune précision sur les modalités selon lesquelles une telle aide lui aurait été apportée, fût-ce E... un membre de sa famille, ni même sur la nature des actes de la vie quotidienne qu'il n'aurait pas été en mesure de réaliser sans aide. Il n'établit ainsi pas la réalité des frais qu'il aurait dû exposer pour bénéficier d'une telle assistance. S'agissant des frais divers : 8. Il résulte de l'instruction que M. C... conserve un trouble statique du rachis lombaire en raison duquel l'expert a retenu la nécessité d'une adaptation du véhicule consistant en une boîte de vitesses automatique. Le requérant établit avoir, en juin 2018, cédé le véhicule dont il était alors propriétaire, doté d'une boite manuelle, pour un montant de 7 000 euros, et acquis un véhicule d'occasion avec boite automatique dont le coût s'élevait à 15 900 euros. Le nouveau véhicule ainsi acquis était d'un modèle comparable au précédent, et cette acquisition s'étant faite dans le cadre d'une reprise de l'ancien véhicule E... un concessionnaire automobile, Bordeaux Métropole ne saurait opposer au requérant que le prix de vente du nouveau véhicule aurait été supérieur au montant de l'argus d'un véhicule du même modèle que son ancien véhicule avec boîte automatique. Dans ces conditions, et comme l'ont considéré les premiers juges, le requérant a subi, en raison de son accident, un préjudice financier lié à la nécessité de changer de véhicule qui s'élève à 8 900 euros. 9. Il résulte ensuite des éléments versés E... M. C... relatifs aux coûts d'un même véhicule avec boîte manuelle et avec boîte automatique que le surcoût lié à cet aménagement, que le requérant sera amené à supporter lors des changements de véhicule, est de l'ordre de 600 euros. Il est ainsi fondé à solliciter en outre l'indemnisation du préjudice futur lié à ces frais d'adaptation du véhicule, et il y a lieu de lui accorder la prise en charge du renouvellement tous les sept ans de ces frais. Compte tenu du surcoût lié à un tel aménagement, de 600 euros TTC, il sera fait une juste appréciation du préjudice futur lié au renouvellement des frais d'aménagement du véhicule tous les sept ans, en tenant compte du barème publié à la Gazette du Palais en 2020 fixant le prix de l'euro de rente viagère à 18,759 euros pour un homme âgé de 65 ans à la date du présent arrêt, en l'évaluant à la somme de 1 607 euros. 10. E... ailleurs, M. C... conserve une surdité de 30 % et des acouphènes justifiant un appareillage auditif. A ce titre, il établit avoir acquis, en 2016, un appareil d'assistance d'écoute au prix de 308,80 euros, puis en 2017, des écouteurs déportés au prix de 2 090 euros. S'il résulte du relevé des débours de santé exposés E... Bordeaux Métropole au profit de l'intéressé que ce dernier a obtenu le remboursement des écouteurs déportés, il ne résulte ni de ce document ni d'autre élément de l'instruction que l'appareil d'assistance d'écoute ne serait pas resté à sa charge. De plus, le requérant produit un courriel du 11 juillet 2019 d'un audioprothésiste indiquant qu'en raison de l'évolution de l'audition de M. C..., les écouteurs initialement acquis doivent être remplacés E... un modèle d'écouteurs doté d'un système " CROS ", mieux adapté à son handicap auditif ; il produit en outre un devis pour un montant restant à sa charge de 2 975 euros. Dans ces conditions, les frais d'appareillage auditif à la charge du requérant doivent être évalués à 3 283,80 euros. Il sera fait une juste appréciation du préjudice futur lié au renouvellement tous les 5 ans de cet appareillage, en tenant compte du barème publié à la Gazette du Palais en 2020 fixant le prix de l'euro de rente viagère à 18,759 euros pour un homme âgé de 65 ans à la date du présent arrêt, en l'évaluant à la somme de 12 320 euros. S'agissant de la perte de gains professionnels : 11. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés E... la maladie ou l'accident (...) ". 12. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, l'accident subi le 8 février 2016 E... M. C... a été reconnu comme accident de service E... Bordeaux Métropole. Ainsi que Bordeaux Métroopole le soutient, le requérant a, en application des dispositions citées au point précédent, continué à percevoir l'intégralité de son traitement jusqu'à sa mise à la retraite, soit le 2 décembre 2019. Jusqu'à cette date, il n'établit ainsi pas avoir subi une perte de gains professionnels. 13. En second lieu, il résulte du décompte provisoire de pension établi E... la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales que M. C..., éligible à une retraite anticipée au taux plein pour carrière longue, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 2 décembre 2019. Il soutient qu'en l'absence d'accident, il n'aurait pas pris sa retraite de manière anticipée mais serait resté en activité jusqu'à l'âge de 65 ans, de sorte qu'il aurait pris sa retraite le 1er avril 2022 et aurait continué à percevoir, jusqu'à cette date, des revenus professionnels. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'intéressé, qui n'était pas inapte à l'exercice de toutes fonctions et aurait pu bénéficier d'un reclassement sur un poste aménagé, a opté pour une retraite anticipée. La perte de revenus dont il sollicite la réparation au titre de la période allant du 2 décembre 2019 au 1er avril 2022 est ainsi imputable, non pas à l'accident survenu le 8 février 2016, mais à son choix propre de prendre sa retraite à compter du 2 décembre 2019. Sur ce point, ses conclusions indemnitaires ne peuvent donc être accueillies. S'agissant de la perte de retraite : 14. M. C... fait valoir que sa retraite, de 1 758 euros bruts E... mois, se serait élevée à 1 920 euros bruts E... mois s'il avait fait valoir ses droits à la retraite, non pas de manière anticipée mais à l'âge de 65 ans. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 12, le préjudice de perte de retraite invoqué ne trouve pas son origine dans l'accident de service en cause. S'agissant du préjudice d'incidence professionnelle ; 15. Le requérant, qui fait valoir qu'il a été contraint, du fait de son accident, de cesser sa profession de plombier, sans réelle perspective professionnelle compte tenu de son âge et de sa qualification, établit avoir subi un préjudice d'incidence professionnelle dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 15 000 euros. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux : S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 16. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que M. C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 8 février 2016 au 23 février 2016 et du 14 février au 8 mars 2017, correspondant aux périodes d'hospitalisation. Il a E... ailleurs subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 50 % pour la période allant jusqu'au 8 juin 2018 puis, compte tenu de l'amélioration de la symptomatologie, évalué à 35 % du 9 juin 2018 à la date de consolidation, fixée au 28 février 2019. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 9 000 euros. S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 17. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. C..., âgé de 62 ans à la date de sa consolidation, conserve un déficit fonctionnel permanent estimé à 35 % du fait d'une perte d'audition avec acouphènes, une anosmie et un trouble statique du rachis lombaire. Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 50 000 euros. S'agissant des souffrances endurées : 18. Le tribunal s'est livré à une juste appréciation des souffrances physiques et morales endurées E... M. C..., estimées E... l'expert à 4 sur 7, en les évaluant à 8 000 euros. S'agissant du préjudice esthétique : 19. En évaluant le préjudice esthétique que conserve M. C..., estimé E... l'expert à 1 sur 7, à 1 000 euros, le tribunal s'est livré à une appréciation qui n'est ni insuffisante ni excessive. S'agissant du préjudice d'agrément : 20. Il résulte de l'instruction que M. C... pratiquait régulièrement, avant son accident, la danse et la gymnastique. L'expert indique que, si l'intéressé peut poursuivre ce type d'activité, la raideur lombaire qu'il conserve fait obstacle à la réalisation de certains mouvements. L'intéressé, qui a ainsi dû réduire la pratique de ses activités de loisirs, a subi un préjudice d'agrément que le tribunal a évalué sans erreur à 3 000 euros. S'agissant du préjudice sexuel : 21. Le tribunal s'est livré à une juste appréciation du préjudice sexuel subi E... M. C... en l'évaluant à 2 000 euros. 22. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices de M. C... s'élèvent à la somme totale 114 205, 20 euros. Après application du partage de responsabilité décidé au point 5 du présent arrêt, Bordeaux Métropole doit être condamnée lui verser une somme de 38 068,40 euros en réparation de ses préjudices. E... suite, d'une part, l'appel principal de M. C... doit être rejeté, d'autre part, Bordeaux métropole et la société Allianz Iard sont seulement fondées à demander, E... la voie de l'appel incident, que l'indemnité de 84 835 euros qui a été allouée à M. C... E... le tribunal soit ramenée à 38 068,40 euros. 23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées E... les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La somme que Bordeaux Métropole et la société Allianz Iard ont été condamnées à verser à M. C... en réparation de ses préjudices est ramenée à 38 068,40 euros. Article 2 : Le jugement n° 1704659 du 29 octobre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à Bordeaux Métropole et à la société Allianz Iard. Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient : M. Didier Artus, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller. Rendu public E... mise à disposition au greffe, le 7 février 2023. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve A... Le président, Didier Artus La greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 20BX00110
Cours administrative d'appel
Bordeaux