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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 11/04/2023, 21TL01017, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une somme de 16 200 euros au titre des préjudices subis au titre de la responsabilité pour faute, une somme de 15 200 euros au titre de la responsabilité sans faute, de condamner la commune de Montpellier à lui verser une somme 15 200 euros au titre de la responsabilité sans faute, et de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1902451 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser à M. A... la somme de 5 500 euros en réparation de ses préjudices ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2021 sous le n° 21MA01017 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL01017, et un mémoire enregistré le 21 décembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2021 ; 2°) de condamner à titre principal le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser la somme de 16 200 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime en raison des fautes commises, à titre subsidiaire de condamner la commune de Montpellier à lui verser la somme de 15 200 euros en réparation des préjudices subis, sur le fondement de la responsabilité sans faute ; 3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens. Il soutient que : - l'accident de service dont il a été victime est imputable à des fautes du centre communal d'action sociale en raison d'une défaillance d'un appareil lève-malade et de l'inertie dans la maintenance de ce matériel alors que le dysfonctionnement avait été signalé ; - il est fondé à solliciter, à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute, le versement d'une somme de 7 200 euros au titre de l'incapacité permanente partielle dont il reste atteint, d'une somme de 4 500 euros au titre du préjudice lié à son reclassement professionnel et à son préjudice de carrière, et d'une somme de 4 500 euros en réparation de son préjudice moral ; - à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute du centre communal d'action sociale est engagée ; - il est fondé à solliciter le versement d'une somme de 7 200 euros au titre de l'incapacité permanente partielle dont il reste atteint ; le tribunal n'a retenu que la somme de 5 500 euros sans justifier des raisons pour lesquelles il a écarté le barème Mornet ; une somme de 8 000 euros doit lui être accordée en réparation de ses préjudices liés aux déficits fonctionnels partiel temporaire, au pretium doloris et aux autres préjudices extra-patrimoniaux. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A.... Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 avril 2022 et 16 mai 2022, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, agissant par Me Constans, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête est irrecevable en l'absence de moyen propre à contester la régularité du jugement attaqué, se contentant de reproduire les moyens évoqués dans la requête devant le tribunal ; le requérant reprend ses conclusions dirigées contre la commune de Montpellier qui ont été rejetées comme irrecevables par le tribunal ; - il ne conteste pas le principe de la responsabilité sans faute retenue par le tribunal ; - il n'a commis aucune faute à l'origine de l'accident du travail de l'agent ; - la somme de 5 500 euros allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel permanent s'inscrit dans la ligne jurisprudentielle, alors que le référentiel Mornet n'a ni valeur législative ni règlementaire ; - le préjudice lié au reclassement de M. A... ne présente pas de caractère certain et ne saurait donc être indemnisé ; - M. A... n'apporte aucun élément justifiant de l'existence d'un préjudice moral ; il en est de même s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux. Par ordonnance du 26 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des communes ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., agent titulaire au sein du centre communal d'action sociale de Montpellier et exerçant alors les fonctions d'auxiliaire de soins, a été victime, le 15 février 2015, d'un accident reconnu imputable au service par décision du directeur général du centre communal d'action sociale de Montpellier en date du 21 décembre 2015. Par une réclamation préalable du 11 mars 2019, M. A... a demandé au centre communal d'action sociale de Montpellier de lui verser la somme de 11 500 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'accident reconnu imputable au service dont il a été victime. En l'absence de réponse à sa demande, M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, de condamner le centre communal d'action sociale à lui verser la somme de 16 200 euros sur le fondement de la responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Montpellier à lui verser la somme de 15 200 euros sur le fondement de la responsabilité sans faute. Par un jugement du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale à verser à M. A... la somme de 5 500 euros. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation qui lui a été accordée à la somme de 5 500 euros et réitère ses prétentions indemnitaires présentées devant le tribunal administratif de Montpellier. Toutefois, si l'appelant dirige ses conclusions présentées à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité sans faute à l'encontre de la commune de Montpellier, il doit être regardé comme ayant entendu demander la condamnation du centre communal d'action sociale de Montpellier au regard de l'ensemble de ses écritures. Sur la responsabilité : 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 remplacés, à compter du 1er janvier 2004, par les articles 36 et 37 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. En revanche, elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 3. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions citées au point précédent subordonnent l'obtention d'une rente ou de l'allocation temporaire d'invalidité, fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 4. M. A... soutient que l'accident de service dont il a été victime, le 15 février 2015, est directement imputable à des fautes commises par le centre communal d'action sociale de Montpellier, en raison de la défaillance d'un appareil lève-malade qui l'a contraint à déplacer lui-même un patient pesant 120 kilogrammes, et de l'inertie dans la maintenance de cet appareil dont le dysfonctionnement avait été signalé plusieurs jours avant l'accident. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment de la déclaration d'accident établie par M. A... le 16 février 2015, qu'après que l'appareil se soit bloqué en position haute lors du coucher d'un patient, la manipulation de celui-ci qui a été effectuée manuellement par l'appelant, et avec l'aide d'un autre agent, n'est pas à l'origine de l'accident. M. A... a en effet indiqué avoir ressenti une douleur au niveau de la hanche gauche en essayant de débloquer l'appareil, en tirant fortement sur un fil électrique qui le bloquait, après avoir effectué la manipulation du patient. S'il expose que l'une de ses collègues avait mentionné dans le cahier de suivi du patient, le 28 janvier 2015, que l'appareil était resté bloqué, il résulte cependant du même document que l'appareil a été déclaré comme fonctionnant normalement par deux autres collègues les 9 et 11 février suivant. Les deux attestations établies le 21 mars 2021 par deux autres collègues de M. A... faisant état de ce qu'un dysfonctionnement avait été signalé avant l'accident dont il a été victime, ne permettent pas à elles-seules d'établir qu'une faute dans la maintenance de l'appareil aurait été commise par le centre communal d'action sociale, qui a par ailleurs fait procéder au remplacement dudit appareil dès le 16 février 2015. Par suite, aucune faute du centre communal d'action sociale de Montpellier ne peut être retenue. 5. Toutefois, M. A..., dont l'accident a été reconnu imputable au service par décision du 21 décembre 2015, est fondé à rechercher la responsabilité sans faute du centre communal d'action sociale de Montpellier pour l'indemnisation des préjudices patrimoniaux d'une nature autre que la perte de revenus et l'incidence professionnelle ou des préjudices personnels qu'il a subis résultant de cet accident. Sur les préjudices : 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 5 janvier 2016 par un médecin agréé spécialiste en rééducation fonctionnelle commis par le centre communal d'action sociale, que M. A..., dont l'état a été déclaré consolidé le 30 novembre 2015, est atteint d'une incapacité permanente partielle au taux de 5% en rapport avec une coxarthrose débutante post traumatique. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 5 500 euros, qui lui a été allouée par les premiers juges, lesquels n'étaient pas tenus de faire application du barème Mornet. 7. En deuxième lieu, si M. A... sollicite l'indemnisation de son préjudice lié à son reclassement professionnel dans le cadre d'emplois des agents sociaux principaux à compter du 1er décembre 2017, il ne justifie cependant d'aucune perte de revenus ni d'aucun préjudice de carrière. Ainsi, en l'absence de la réalité de ce préjudice, sa demande ne peut être accueillie. 8. En troisième lieu, M. A... soutient qu'il a subi un préjudice moral particulièrement important dès lors qu'à la suite de la douleur causée par l'accident, il a été victime d'une profonde dépression et de douleurs persistantes. Toutefois, il ne produit aucun élément permettant d'attester de la réalité de ces allégations. Sa demande ne peut dès lors être accueillie. 9. En dernier lieu, M. A... demande l'indemnisation de ses préjudices liés aux déficits fonctionnels partiels temporaires, au pretium doloris et aux autres préjudices extra-patrimoniaux. Toutefois, l'appelant n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité de ces préjudices qu'il estime avoir subis. Par suite, sa demande présentée à ce titre doit également être rejetée. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité le montant de l'indemnisation qui lui est due en raison de l'accident de service dont il a été victime, à la somme de 5 500 euros. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... tendant à leur application. 12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par le centre communal d'action sociale de Montpellier et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Montpellier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de Montpellier. Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL01017 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANCY, 1ère chambre, 13/04/2023, 21NC00947, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le département des Vosges à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement n° 1900487 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Nancy a condamné le département des Vosges à verser à M. A... une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison de l'accident de service survenu le 24 septembre 2015. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 mars 2021, M. B... A..., représenté par Me Picoche, demande à la cour : 1°) d'annuler partiellement ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 février 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ; 2°) de condamner le département des Vosges à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral né de l'accident de service du 24 septembre 2015 et de la rechute de cet accident le 3 novembre 2018 ; 3°) de mettre à la charge du département des Vosges une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'accident de service du 24 septembre 2015 met en jeu la responsabilité pour faute et sans faute du département des Vosges en raison d'une méconnaissance des obligations de reclassement qui s'imposait à l'administration et en raison du préjudice moral causé par cet accident ; - il a subi le 3 novembre 2018 une rechute de l'accident de service du 24 septembre 2015 qui, sur la base des mêmes régimes juridiques, est de nature à engager la responsabilité du département des Vosges. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2022, le département des Vosges conclut : 1°) au rejet de la requête de M. A... ; 2°) par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 février 2021 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A... une somme de 2 000 euros ; 3°) au rejet des conclusions de première instance présentées par M. A... ; 4°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à indemniser M. A... car aucune faute n'est caractérisée et qu'aucun régime de responsabilité sans faute ne permet l'indemnisation de M. A... ; - M. A... n'a fait l'objet d'aucune discrimination ; - M. A... n'a pas établi le montant de son préjudice. Par une ordonnance du 8 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2022. M. A... a produit un mémoire le 22 février 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 2012-924 du 30 juillet 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., éducateur spécialisé affecté à la maison de l'enfance et de la famille de Golbey, a été titularisé le 1er novembre 1993. Après avoir été placé, à plusieurs reprises, en congé de longue durée puis de longue maladie entre le 23 novembre 2009 et le 7 janvier 2014, M. A... a été reclassé en qualité d'auxiliaire de lecture au service des archives départementales de la direction du développement culturel du département des Vosges, à compter du 8 janvier 2014. Sur demande de M. Bay, le président du conseil départemental des Vosges a détaché l'intéressé dans le cadre d'emploi d'adjoint territorial du patrimoine de première classe à compter du 1er juillet 2015. Ce détachement a été prolongé jusqu'au 20 septembre 2016. Le 24 septembre 2015, M. A... s'est rendu sur le toit du bâtiment des archives et a menacé de mettre fin à ses jours. M. A... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par un arrêté du 4 octobre 2016, le président du conseil départemental a refusé de faire droit à cette demande. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Nancy. Par un arrêté du 16 juillet 2018, le président du conseil départemental des Vosges a reconnu l'imputabilité au service de cet accident et a accordé à M. A... un congé pour accident de service du 24 septembre 2015 au 23 septembre 2016. M. A... a été détaché dans le cadre d'emploi des adjoints administratifs territoriaux sur le poste d'agent d'accueil au sein du pôle développement des solidarités à compter du 24 septembre 2016 jusqu'au 30 septembre 2017. Puis, par un arrêté du 17 octobre 2017, M. A... a été nommé dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux à compter du 1er octobre 2017 et affecté, à compter de cette même date, au poste de gestionnaire administratif et socio-éducatif de la prise en charge des mineurs non-accompagnés, par un arrêté en date du 12 février 2018. Par un jugement n° 1900487 du 9 février 2021 dont tant M. A... que le département des Vosges demandent l'annulation, le tribunal administratif de Nancy a condamné le département à verser à M. A... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral subi à raison de l'accident de service survenu le 24 septembre 2015. Sur le cadre juridique du litige : 2. Les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 36 et 37 du décret du 26 décembre 2003, instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Les dispositions instituant ces prestations doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. Sur la responsabilité du département des Vosges : En ce qui concerne la responsabilité du département des Vosges pour des faits antérieurs à l'accident de service du 24 septembre 2015 : 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que dans son avis du 24 avril 2014, le comité médical départemental a estimé que l'état de santé de M. A... est compatible avec l'emploi occupé depuis le 8 janvier 2014 d'auxiliaire de lecture. Le comité médical a également estimé que son état de santé est compatible avec la fonction de moniteur éducateur hospitalier exercée antérieurement mais que son état de santé justifie l'octroi d'un temps partiel thérapeutique de 50% pour une période de trois mois. Le comité médical indique que son avis devra être réévalué au terme de cette période. Par un courrier du 21 juillet 2014, M. A... a expressément demandé au président du conseil départemental des Vosges de maintenir son affectation au poste d'auxiliaire de lecture. Enfin, dans un nouvel avis du 16 octobre 2014, le comité médical a estimé non seulement que M. A... est inapte à reprendre le travail à temps complet sur un poste de moniteur éducateur hospitalier mais également qu'il doit être maintenu sur son poste actuel d'auxiliaire de lecture. Par suite, le département des Vosges qui a pris des décisions d'affectation en conformité avec l'avis du comité médical départemental, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le département des Vosges a commis une faute ayant contribué à la survenance de l'accident de service du 24 septembre 2015. 4. En second lieu, s'il est constant que M. A... a ressenti un mal-être au travail au cours de la période du 8 janvier 2014 au 24 septembre 2015, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que l'accident du 24 septembre 2015 ait, comme M. A... doit être vu le soutenant, été à l'origine lui-même d'un préjudice moral spécifique. 5. Par conséquent, il résulte de ce qui précède que le département des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que par son jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à indemniser M. A.... En ce qui concerne la responsabilité du département des Vosges pour des faits postérieurs à l'accident de service du 24 septembre 2015 : 6. En premier lieu, M. A... soutient que le département des Vosges a commis une faute en le détachant pendant un an, du 24 septembre 2016 au 30 septembre 2017, sur un poste d'agent d'accueil au sein du Pôle Développement des solidarités qui relève du cadre d'emploi de catégorie C des adjoints administratifs territoriaux. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des écritures de M. A... que ce dernier a accepté d'être affecté à ce poste. De surcroît, si M. A... soutient que des postes de catégorie B qui se sont libérés ne lui ont pas été proposés, il n'établit par la seule production d'un ses courriers, ni la réalité de ses affirmations ni que les postes dont s'agit aient été adaptés à son état de santé ou à ses compétences. 7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment d'un courriel de M. A... du 26 septembre 2017 adressé au département des Vosges, que l'intéressé a sollicité sa nomination dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux. Par conséquent, M. A... n'est pas fondé à se plaindre qu'une suite favorable ait été réservée à sa demande. 8. En troisième et dernier lieu, aux termes du I de l'article 3 du décret du 30 juillet 2012 susvisé : " Les rédacteurs territoriaux sont chargés de fonctions administratives d'application. Ils assurent en particulier des tâches de gestion administrative, budgétaire et comptable, et participent à la rédaction des actes juridiques. Ils contribuent à l'élaboration et à la réalisation des actions de communication, d'animation et de développement économique, social, culturel et sportif de la collectivité. / Les rédacteurs peuvent se voir confier des fonctions d'encadrement des agents d'exécution. / Ils peuvent être chargés des fonctions d'assistant de direction ainsi que de celles de secrétaire de mairie d'une commune de moins de 2 000 habitants ". 9. Les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en écartant, par des motifs qu'il convient d'adopter, le moyen tiré par M. A... de l'inadéquation des missions confiées à son grade. 10. Il résulte de ce qui a été exposé des points 6 à 9 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande. En ce qui concerne la rechute de l'accident du 24 septembre 2015 : 11. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, M. A..., qui se borne à soutenir que son état de santé s'est de nouveau dégradé, n'établit pas qu'il existerait un lien direct et certain entre l'accident initial survenu le 24 septembre 2015 et la dégradation de son état de santé. Sur les frais d'instance : 12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni à celles du département des Vosges présentées sur le même fondement. D E C I D E : Article 1 : Les articles 1er et 2 du jugement n°1900847 du 9 février 2021 sont annulés. Article 2 : Les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... sont rejetées. Article 3 : Les conclusions du département des Vosges présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département des Vosges. Copie en sera adressée au préfet des Vosges. Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. C... La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet des Vosges en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 21NC00947
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 1ère chambre, 13/04/2023, 20NC00610, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les titres de recette n° 132 à 135/2017 émis à son encontre par la commune de Stosswihr et de le décharger de l'obligation de payer les sommes réclamées. Par un jugement n° 1705266 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les titres de recettes n° 132 à 135/2017 émis le 2 août 2017 en ce qui concerne la répétition des demi-traitements dus jusqu'au 4 novembre 2016, déchargé M. A... du paiement de la somme correspondante et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête, un mémoire et une pièce respectivement enregistrés le 9 mars 2020, le 27 avril 2021 et le 4 mai 2021, la commune de Stosswihr représentée par Me Muller-Pistre demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 janvier 2020 en tant qu'il a annulé les titres de recette n° 132 à 135/2017 émis le 2 août 2017 jusqu'au 4 novembre 2016 et a déchargé M. A... des sommes correspondantes ; 2°) de rejeter les demandes de M. A... ; 3°) de mettre à la charge de M. A... le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la règle du service fait s'oppose à ce qu'un fonctionnaire perçoive sur la même période un demi-traitement sur le fondement de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 et ses arriérés de pension ; - cette situation créerait en outre une rupture d'égalité avec les fonctionnaires en service et conduirait la commune à verser une somme qu'elle ne doit pas. Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2020, M. C... A... représenté par Me Radius conclut à titre principal, au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, à ce que la prescription biennale soit appliquée aux sommes versées antérieurement au 2 août 2015 et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Stosswihr sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête d'appel est irrecevable en raison de l'absence d'autorisation du maire de la commune à ester en justice ; - les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ; - subsidiairement, les sommes versées antérieurement au 2 août 2015 ne pouvaient faire l'objet d'une répétition de l'indû. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; - le décret nº 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Barrois, première conseillère, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., agent technique principal de la commune de Stosswihr a été placé en congé de longue maladie du 13 novembre 2009 au 12 août 2011, prolongé jusqu'au 12 novembre 2012. Par un avis du 22 février 2012, le comité médical a constaté son inaptitude définitive à toute fonction, et recommandé sa mise à la retraite pour invalidité à compter du mois de mai 2012. La commission de réforme, réunie le 16 mai 2013, a rendu un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 13 novembre 2012. Le 22 septembre 2016, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a rendu un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité de M. A... à compter du 17 mai 2013. Le 4 novembre 2016, le maire de Stosswihr a pris un arrêté n° 67/2016 radiant M. A... des effectifs de la commune pour mise à la retraite pour invalidité à compter du 17 mai 2013. Le 2 août 2017, la commune a émis quatre titres de recettes pour la répétition de l'indû correspondant aux sommes versées à l'intéressé du 17 mai 2013 au 3 novembre 2016. Le 30 août 2017, M. A... a présenté un recours gracieux tendant à la décharge des sommes réclamées qui a été rejeté par la commune le 9 octobre 2017. Par la présente requête, la commune de Stosswihr fait appel du jugement du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé les titres de recettes n° 132 à 135/2017 émis le 2 août 2017 jusqu'au 4 novembre 2016 et a prononcé la décharge des sommes correspondantes. Sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par M. A... : 2. Il résulte de la délibération n° 2/2017 du conseil municipal du 31 mars 2017, produite en première instance et valable pour toute la durée du mandat que le maire, Michel Klinger, a délégation pour intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle pour toutes les procédures et devant l'ensemble des juridictions. Ainsi, à la date d'enregistrement de la requête en appel le 9 mars 2020, le maire avait délégation pour faire appel du jugement du 9 janvier 2020. En outre, à la suite des élections municipales du 15 mars 2020, le conseil municipal a donné délégation par une délibération n° 2/2020 du 25 mai 2020 dans les mêmes termes et pour la même durée, à son maire Daniel Thomen. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'autorisation accordée au maire pour ester en justice est écartée. Sur l'appel principal de la commune de Stosswihr : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...). ". L'article 7 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales dispose que : " Le droit à pension est acquis : / 1° Aux fonctionnaires après deux années accomplies de services civiles et militaires effectifs. / / 2° Sans condition de durée de services aux fonctionnaires rayés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions. ". Aux termes des dispositions de l'article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1245 du 5 octobre 2011 : "Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. / Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le poste qui lui est assigné peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ". Enfin, aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi (...), soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ". 4. Il résulte de ces dispositions que lorsque le fonctionnaire, à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions, celui-ci a droit au versement d'un demi-traitement pendant la durée de la procédure nécessitant l'avis du comité médical ou de la commission de réforme ou, le cas échéant, de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales pour ce qui concerne son admission à la retraite. La circonstance que la décision prononçant la reprise d'activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l'admission à la retraite rétroagisse à la date de fin des congés de maladie n'a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par les dispositions de l'article 37 du décret du 30 juillet 1987. Par suite, le demi-traitement versé au titre de cet article ne présente pas un caractère provisoire et reste acquis à l'agent alors même que celui-ci a, par la suite, été placé rétroactivement dans une position statutaire n'ouvrant pas par elle-même droit à ce versement. Il s'ensuit, plus particulièrement, que lorsque l'agent est admis rétroactivement à la retraite par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et qu'à ce titre, il bénéficie effectivement d'un versement d'arriérés de pension, son employeur n'est pas pour autant en droit de demander le reversement de ces demi-traitements qui restent acquis à l'agent. 5. Il résulte de l'instruction que M. A... a été placé en congé de longue maladie du 13 novembre 2009 au 12 août 2011, prolongé jusqu'au 12 novembre 2012, que par un avis du 22 février 2012, le comité médical a constaté son inaptitude définitive à toute fonction et que la commission de réforme, réunie le 16 mai 2013, a rendu un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 13 novembre 2012. Par un arrêté du 12 juin 2013, la commune de Stosswihr a maintenu le demi-traitement de M. A... jusqu'à l'avis de la CNRACL du 22 septembre 2016 favorable à sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 17 mai 2013. Par un arrêté du 4 novembre 2016, le maire de Stosswihr a admis M. A... à la retraite pour invalidité à compter du 17 mai 2013 et l'a radié de ses effectifs. Le 2 août 2017, la commune a émis quatre titres de recettes correspondant aux sommes versées à l'intéressé du 17 mai 2013 au 3 novembre 2016. Toutefois, même si une pension de retraite a été versée rétroactivement à l'agent à compter du 17 mai 2013, le demi-traitement qui lui avait été servi par la commune de Stosswihr à compter de cette même date, en application des dispositions précitées du décret du 30 juillet 1987, lui était définitivement acquis en application de ce qui a été dit au point 5. La commune de Stosswihr était donc redevable de cette somme dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne permet d'adapter la règle mentionnée au point 5 dans l'hypothèse où un fonctionnaire bénéficierait, sur une même période et de manière cumulative d'une pension de retraite, versée rétroactivement après avis favorable de la CNRACL et d'un demi-traitement servi par la collectivité sur le fondement de l'article 37 précité. 6. En second lieu, M. A... étant placé dans une situation différente de celle des fonctionnaires en position d'activité, ce cumul du demi-traitement et de la pension ne créée pas de rupture d'égalité entre les agents publics. De même, le comité médical ayant dans un avis du 22 février 2012 constaté son inaptitude définitive à toute fonction, la règle du service fait invoquée par la commune ne peut lui être utilement opposé. 7. Par suite, la commune de Stosswihr n'était pas fondée à émettre les avis de sommes à payer en litige à l'encontre de M. A... pour la période précédant son arrêté de mise à la retraite du 4 novembre 2016. 8. Il en résulte que la commune de Stosswihr n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les titres de recette n° 132, 133, et 134 du 2 août 2017 et le titre de recette n° 135 du 2 août 2017 pour la période postérieure au 3 novembre 2016 et a prononcé la décharge des sommes correspondantes. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Stosswihr le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. 10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Stosswihr présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Stosswihr est rejetée. Article 2 : La commune de Stosswihr versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Stosswihr et à M. C... A.... Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2023. La rapporteure, Signé : M. BarroisLe président, Signé : M. B... La greffière, Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 20NC00610
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 11/04/2023, 21VE01638, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de son recours adressé à la commission de recours des militaires le 12 juillet 2018, d'autre part, d'annuler la décision n° 8020 du 13 décembre 2018 de la ministre des armées rejetant son recours contre la décision du 16 mars 2018 de refus d'agrément en vue de son détachement sur un emploi de la fonction publique au titre de l'article L. 4139-2 du code de la défense. Par un jugement nos 1900275 et 1900483 du 15 avril 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Hervet, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué ; 2°) d'annuler la décision du 13 décembre 2028 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision contestée est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - la ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de procédure ; elle a pris à son encontre une sanction déguisée. Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 14 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2023 à 12 heures en application de l'article R.613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., militaire de l'armée de l'air sous contrat, affectée en dernier lieu à la base aérienne 705 de Tours au grade de caporale-cheffe, a demandé le 16 mars 2018 son agrément en vue de son détachement sur un emploi de la fonction publique au titre de l'article L. 4139-2 du code de la défense. La ministre des armées a, par une décision du 27 juin 2018, rejeté sa demande d'agrément du 1er janvier au 31 décembre 2019 et, par la décision contestée du 13 décembre 2018, rejeté le recours formé par Mme B... devant la commission de recours des militaires contre cette décision. Mme B... relève du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision. Sur la régularité du jugement : 2. Mme B... soutient qu'en relevant que la décision contestée était justifiée par le non-renouvellement de son contrat et sa future radiation des cadres, alors que la ministre avait seulement invoqué son pouvoir discrétionnaire, les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de motifs qui n'était demandée par aucune des parties et doit être regardée comme faisant valoir qu'ils ont, ainsi, entaché d'irrégularité leur jugement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée indique notamment la circonstance que l'administration a décidé de ne pas renouveler le contrat d'engagement de Mme B... et que la date de sa radiation des contrôles de l'armée de l'air a été fixée au 26 janvier 2019, et conclut qu'en refusant d'agréer sa candidature pour un recrutement au titre de l'article R. 139-2 du code de la défense, l'administration n'a pas commis d'illégalité dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Ainsi, le motif tiré de la situation de l'intéressée, notamment sa radiation des contrôles, figurait dans la décision contestée et ne peut être regardé comme ayant été substitué d'office par le tribunal. Sur le bien-fondé du jugement : 3. En premier lieu, aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent (...). La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) " 4. La décision par laquelle le ministre de la défense refuse de délivrer l'agrément nécessaire à l'intégration d'un militaire sur un emploi civil n'a pas à être motivée dès lors qu'elle ne refuse pas un avantage qui constitue un droit. Toutefois, la décision par laquelle le ministre chargé de la défense rejette le recours administratif préalable formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle doit être motivée en vertu des dispositions rappelées au point précédent. En l'espèce, la décision du 13 décembre 2018 de rejet du recours préalable formé par Mme B... devant la commission de recours des militaires rappelle les textes applicables et les éléments pertinents de la carrière de l'intéressée et rejette sa demande, ainsi qu'il a été dit au point 2, au motif que le contrat d'engagement de Mme B... n'étant pas renouvelé et la date de sa radiation des contrôles étant fixée, l'administration n'a pas commis d'illégalité dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Elle est ainsi suffisamment motivée. Il ressort de ces motifs qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation de Mme B.... 5. En second lieu, aux termes de L. 4139-2 du code de la défense : " I.- Le militaire, remplissant les conditions de grade et d'ancienneté peut, sur demande agréée, après un stage probatoire, être détaché, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, pour occuper des emplois vacants et correspondant à ses qualifications au sein des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière et des établissements publics à caractère administratif, nonobstant les règles de recrutement pour ces emplois. / Les contingents annuels de ces emplois sont fixés par voie réglementaire pour chaque administration de l'Etat et pour chaque catégorie de collectivité territoriale ou établissement public administratif, compte tenu des possibilités d'accueil. (...) " Aux termes de l'article D. 4139-12 du même code : " A la date de son détachement, le militaire doit se trouver à plus de trois ans : / 1° Pour les officiers sous contrat et les militaires engagés, de la date de fin de durée de service ; (...) ". L'article 12 de l'instruction n° 230428/DEF/SGA/DRH-MD/FM/1 du 28 juin 2007 relative à certaines positions statutaires des militaires prévoit que le militaire doit, au moment du détachement, être en position d'activité. En vertu de l'article L. 4138-11 du code de la défense, le congé pour convenances personnelles est une position de non activité. 6. Mme B..., en congé pour convenances personnelles depuis le 19 juin 2015 et à quelques semaines de sa radiation des contrôles de l'armée de l'air au 26 janvier 2019, ne remplissait pas les conditions de lien avec le service et de position statutaire d'activité pour bénéficier d'un détachement, ainsi que le fait valoir en défense le ministre. Le refus d'agrément en vue d'un détachement opposé à la requérante est dès lors fondé, alors même que la manière de servir de Mme B... a toujours donné satisfaction et qu'elle n'a pas fait l'objet de sanction. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la décision contestée constitue une sanction déguisée. Il s'ensuit que les moyens d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ou de procédure, doivent être écartés. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient : M. Beaujard, président de chambre, Mme Dorion, présidente-assesseure, M. Tar, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023. La rapporteure, O. A... Le président, P. BEAUJARD La greffière, S. LOUISERE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour exécution conforme, La greffière, N° 21VE01638 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 11/04/2023, 21VE01637, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision n° 2961 du 24 mai 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours contre la décision du 14 août 2018 rejetant sa demande d'agrément pour accéder aux emplois réservés au titre de l'article L. 4139-3 du code de la défense. Par un jugement n° 1902714 du 15 avril 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Hervet, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué ; 2°) d'annuler la décision contestée ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision contestée est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - la ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de procédure ; elle a pris à son encontre une sanction déguisée. Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 19 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2022 à 12 heures en application de l'article R.613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., militaire de l'armée de l'air sous contrat, affectée en dernier lieu à la base aérienne 705 de Tours au grade de caporale-cheffe, a demandé le 16 mars 2018 à être agréée pour accéder aux emplois réservés au titre de l'article L. 4139-3 du code de la défense. La ministre des armées a, par une décision du 14 août 2018, refusé d'agréer la candidature de Mme B... au titre des emplois réservés et, par la décision attaquée du 24 mai 2019, rejeté le recours formé par Mme B... devant la commission de recours des militaires contre cette décision. Mme B... relève du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision. 2. En premier lieu, aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent (...). La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) " 3. La décision par laquelle le ministre de la défense refuse de délivrer l'agrément nécessaire à l'intégration d'un militaire sur un emploi civil n'a pas à être motivée dès lors qu'elle ne refuse pas un avantage qui constitue un droit. Toutefois, la décision par laquelle le ministre chargé de la défense rejette le recours administratif préalable formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle doit être motivé en vertu des dispositions rappelées au point précédent. En l'espèce, la décision du 24 mai 2019 de rejet du recours préalable formé par Mme B... devant la commission de recours des militaires rappelle les textes applicables et les éléments pertinents de la carrière de l'intéressée, précise qu'elle satisfait aux conditions requises pour prétendre à un recrutement au titre des emplois réservés et rejette sa demande au motif qu'elle n'a pas été retenue comme devant être prioritairement accompagnée. Elle est ainsi suffisamment motivée. Il ressort de ces motifs que la ministre a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B.... 4. En second lieu, aux termes de L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire (...) peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. (...) ". Aux termes de l'article L. 241-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : / 1° Aux militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 241-2 ; / 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 241-2, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils. " Aux termes de l'article R. 242-1 du même code : " La candidature aux emplois réservés mentionnés à l'article L 241-1 des militaires ou anciens militaires bénéficiaires des dispositions des articles L. 241-5 et L. 241-6 est subordonnée aux conditions suivantes : / 1° Remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; / 2° Avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 242-3. / L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans. " 5. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'accès des militaires à des emplois civils est subordonné non seulement à la réunion, par les militaires qui le demandent, de certaines conditions de grade et de durée de services, mais encore à l'agrément du ministre qui peut l'accorder ou le refuser après avoir procédé à un examen particulier de la demande et pour des motifs tirés notamment des besoins du service et de la gestion des effectifs. Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les motifs, tirés du besoin du service et de la gestion des effectifs, fondant un refus d'agrément opposé par le ministre des armées. 6. Pour refuser l'agrément sollicité par Mme B... en vue d'accéder aux emplois réservés, la ministre des armées s'est fondée sur des motifs, non contestés, tirés des besoins du service et de la gestion des effectifs. Le ministre précise en défense que Mme B... ne remplit pas la condition de durée de services effectifs prévue par la directive annuelle de gestion pour les militaires du rang. En se bornant à soutenir que sa manière de servir a toujours donné satisfaction et qu'elle n'a pas fait l'objet de sanction, Mme B... ne conteste pas utilement cette appréciation. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la décision contestée constitue une sanction déguisée. Il s'ensuit que les moyens d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ou de procédure, doivent être écartés. 7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient : M. Beaujard, président de chambre, Mme Dorion, présidente-assesseure, M. Tar, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023. La rapporteure, O. A... Le président, P. BEAUJARD La greffière, S. LOUISERE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour exécution conforme, La greffière, N° 21VE01637 2
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 7ème chambre, 07/04/2023, 463726, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prescrire avant-dire droit une expertise médicale à la charge de la commune de Nîmes, d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle le maire de Nîmes a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au maire de Nîmes de lui accorder le bénéfice de cette allocation et de mettre à la charge de la commune de Nîmes, au titre des dépens, les frais afférents à l'expertise réalisée le 19 décembre 2019 par un médecin agréé. Par un jugement n° 2003175 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mai et 20 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 29 janvier 2020, le maire de Nîmes a refusé de reconnaître à M. A..., adjoint technique territorial principal, un droit à l'allocation temporaire d'invalidité au titre de l'accident de service dont il a été victime le 18 août 2014. Par un jugement du 4 mars 2022, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux. 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité ". Le III de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur maintenait en vigueur et étendait à l'ensemble des agents concernés par cette loi les dispositions de l'article L. 417-8 du code des communes aux termes duquel : " Les communes et les établissements publics communaux et intercommunaux sont tenus d'allouer aux agents qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à un taux minimum déterminé par l'autorité supérieure ou d'une maladie professionnelle une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec le traitement, dans les mêmes conditions que pour les fonctionnaires de l'Etat ". Aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : / a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % ; (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à prendre en considération est apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire ". Aux termes de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret (...) ". Le barème visé par ces dispositions est annexé au décret du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28. Il précise, en son chapitre préliminaire I B, les conditions dans lesquelles il est tenu compte d'infirmités successives résultant d'événements différents imputables au service. Aux termes de l'article 10 du décret du 2 mai 2005 : " En cas de survenance d'un nouvel accident ouvrant droit à allocation et sous réserve qu'une demande ait été formulée dans les délais prescrits à l'article 3, il est procédé à un nouvel examen des droits du requérant compte tenu de l'ensemble des infirmités. Une nouvelle allocation est éventuellement accordée, en remplacement de la précédente, pour une durée de cinq ans (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse où un fonctionnaire territorial a subi successivement deux accidents de service qui, pris isolément, se traduisent chacun par un taux d'incapacité inférieur à 10 %, mais qui, cumulés, atteignent ce seuil, ce fonctionnaire peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité tenant compte de l'ensemble de ces infirmités. 4. D'une part, il résulte des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes a relevé que le taux d'incapacité permanente partielle consécutif à l'accident de service dont a été victime le requérant le 18 août 2014 doit être évalué à 6 %. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la commission de réforme a retenu, aux termes de son avis du 29 mai 2018, un taux global d'incapacité permanente partielle de 5 % à la suite d'un autre accident de service dont M. A... a été victime le 24 mars 2016, ainsi qu'il le faisait valoir dans ses écritures. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A... est fondé à soutenir qu'en relevant, pour juger qu'il ne remplit pas les conditions pour se voir accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité, qu'il n'établit ni même n'allègue que le taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'accident de service du 18 août 2014 est au moins égal à 10 % en application des dispositions citées au point 2, sans tenir compte du taux d'incapacité permanente partielle consécutif à l'accident de service du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 4 mars 2022 du tribunal administratif de Nîmes est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nîmes. Article 3 : La commune de Nîmes versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune de Nîmes. ECLI:FR:CECHS:2023:463726.20230407
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 06/04/2023, 21BX00467, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Pau à lui verser une indemnité d'un montant total de 16 739,47 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de diagnostic d'une fracture ostéochondrale déplacée du talus. Par un jugement n° 1801693 du 3 décembre 2020, le tribunal a condamné le centre hospitalier de Pau à lui verser une indemnité de 3 123 euros, a mis les frais d'expertise à la charge de cet établissement, et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 février 2021 et des mémoires enregistrés les 4 octobre et 8 novembre 2022, M. C..., représenté par la SCP Tucoo-Chala, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande relative aux pertes de gains professionnels et limité à 1 800 euros la somme allouée au titre des souffrances endurées ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Pau à lui verser les sommes de 9 195,72 euros au titre des pertes de gains professionnels et de 4 000 euros au titre des souffrances endurées ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pau une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à bon droit que le tribunal a retenu une erreur de diagnostic par le centre hospitalier de Pau, à l'origine d'un retard de prise en charge adéquate de la lésion ostéochondrale déplacée du dôme astragalien de la cheville gauche qu'il présentait le 4 juillet 2012 à la suite d'un accident de parachute ; - l'expert indique qu'une chirurgie réalisée le 4 ou le 5 juillet 2012 lui aurait permis de déambuler et d'être autonome très rapidement ; son arrêt de travail aurait alors été d'une durée moindre, il aurait pu reprendre son service plus tôt en qualité de parachutiste et aurait été seulement placé en congé de maladie ordinaire, et non en congé de longue maladie, lequel n'ouvre pas droit au versement de l'indemnité pour services aériens parachutistes ; il n'a pas pu retrouver son aptitude de parachutiste du fait de la faute commise par le centre hospitalier, de sorte que le lien entre cette faute et la perte de l'indemnité est établi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ; il est ainsi fondé à demander la somme de 9 195,72 euros correspondant à 12 mois de cette indemnité de juillet 2012 à juillet 2013 ; - la somme allouée au titre des souffrances endurées est insuffisante et doit être portée à 4 000 euros ; - l'appel incident du centre hospitalier de Pau est irrecevable, et en tout état de cause non fondé dès lors que la somme de 6 000 euros allouée dans le cadre du protocole transactionnel était en lien avec l'accident, et non avec la faute commise par l'hôpital. Par des mémoires en défense enregistrés les 9 juin, 3 novembre et 15 novembre 2022, le centre hospitalier de Pau, représenté par la SELARL Le Prado, Gilbert, conclut au rejet de la requête et des conclusions du ministre des armées, et demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à M. C... une somme de 1 800 euros au titre des souffrances endurées. Il fait valoir que : - la demande de M. C... tendant au versement de la somme de 9 195,72 euros doit être rejetée dès lors qu'il ressort des pièces produites par le ministre des armées que l'indemnité pour services aériens parachutistes a continué à lui être versée jusqu'en janvier 2013 ; - son appel incident est recevable sans condition de délai ; - M. C... n'avait pas informé les parties de la transaction conclue avec l'Etat, au titre de laquelle il a perçu 6 000 euros au titre des souffrances endurées de 4 sur 7, ce qui correspond aux souffrances initiales et à celles résultant du retard de diagnostic, que l'expert a évaluées à 2 sur 7 ; le centre hospitalier est ainsi fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné au versement d'une somme de 1 800 euros au titre de ce préjudice ; - la somme demandée par le ministre des armées au titre des indemnités journalières et des charges patronales ne tient pas compte des conséquences de l'accident indépendamment de celles du retard de diagnostic ; il n'est pas justifié du lien entre les débours de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et le retard de diagnostic, alors que la fracture aurait nécessité des soins de kinésithérapie, et qu'une somme de 14 983,12 euros correspond à des frais de taxi ; enfin, il résulte de l'expertise que la pension militaire d'invalidité est sans lien avec le retard de diagnostic. Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, le ministre des armées demande à la cour d'annuler le jugement et de condamner le centre hospitalier de Pau à lui rembourser la somme de 93 980,47 euros. Il soutient que : - le tribunal avait l'obligation de l'appeler en cause afin de permettre à l'Etat, employeur de M. C..., de faire valoir sa créance ; cette formalité étant d'ordre public, le jugement est irrégulier et doit être annulé ; - il est fondé à demander le remboursement de la solde, des indemnités et des charges patronales versées par l'Etat du 4 juillet 2012 au 30 juin 2013 pour un montant total de 38 592,89 euros ; - la somme de 23 089,79 euros correspondant aux prestations servies par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale au titre de l'accident de M. C... doit également être versée à l'Etat ; - M. C... est titulaire depuis le 13 décembre 2015 d'une pension militaire d'invalidité d'un montant annuel de 2 352 euros, dont les arrérages échus s'élèvent à 15 996,08 euros et le capital restant à 16 301,71 euros ; l'Etat est fondé à en demander le remboursement. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code général de la fonction publique ; - le code de la santé publique ; - l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ; - le décret n° 49-1655 du 28 décembre 1949 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 4 juillet 2012, M. C..., militaire de carrière, a été victime en service d'un accident de parachute et a présenté des traumatismes du poignet droit et de la cheville gauche. Il a été conduit en ambulance militaire au centre hospitalier de Pau, où la lésion de la cheville a été étiquetée comme une contusion avec hémarthrose, et a regagné son domicile le 7 juillet avec une immobilisation par une botte en résine. Le diagnostic n'a pas été modifié après un nouveau bilan radiographique réalisé le 18 juillet 2012, alors que le patient était revenu à l'hôpital en raison d'importantes douleurs. Le 23 juillet, le chirurgien orthopédiste du centre hospitalier de Pau, constatant une mauvaise évolution, a émis des doutes sur son diagnostic initial, et un scanner réalisé le 6 août a mis en évidence une fracture ostéochondrale déplacée du dôme astragalien, qui a été traitée chirurgicalement le 25 septembre 2012. 2. A la demande de M. C..., le juge des référés du tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise médicale, dont le rapport a conclu que compte tenu des radiographies, de l'état clinique de la cheville et de l'accident à haute énergie, le diagnostic de fracture ostéochondrale du dôme astragalien aurait dû être fait dès le 4 juillet 2012. Après avoir présenté une réclamation au centre hospitalier de Pau, M. C... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande de condamnation de cet établissement à lui verser une somme de 16 739,47 euros. Il relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal a limité à 3 123 euros l'indemnité allouée, et rejeté le surplus de sa demande. Par son appel incident, le centre hospitalier de Pau demande la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné au versement d'une somme de 1 800 euros au titre des souffrances endurées. Le ministre des armées, mis en cause par la cour, demande l'annulation du jugement et le remboursement des frais qu'il a exposés au bénéfice de son agent. Sur la régularité du jugement : 3. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, en vigueur à la date du jugement et désormais codifié à l'article L. 825-6 du code général de la fonction publique, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit. M. C... a fait connaître devant le tribunal sa qualité de militaire de carrière. Ainsi, le ministre des armées est fondé à soutenir qu'en ne lui communiquant pas la requête, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le jugement doit être annulé. 4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. C... et par le ministre des armées. Sur la responsabilité : 5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...). " 6. Le centre hospitalier de Pau ne conteste pas les conclusions de l'expert selon lesquelles le retard de diagnostic de la fracture ostéochondrale du dôme astragalien présente un caractère fautif. Sur la demande de M. C... : 7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4138-3 du code de la défense : " Les congés de maladie, d'une durée maximale de six mois pendant une période de douze mois consécutifs, sont attribués en cas d'affection dûment constatée mettant le militaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. " Aux termes de l'article L. 4138-13 du même code : " Le congé de longue maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie fixés à l'article L.4138-3, dans les cas autres que ceux prévus à l'article L.4138-12, lorsque l'affection constatée met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. / (...) Le militaire conserve, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération. / (...). " 8. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que le retard de diagnostic a conduit à un retard de prise en charge de la fracture de deux mois et trois semaines. M. C..., qui se prévaut d'une perte de revenus de 9 195,72 euros correspondant à 12 mois d'indemnité pour services aériens parachutistes de juillet 2012 à juillet 2013, fait valoir que le congé de longue maladie qui lui a été accordé n'ouvre pas droit au versement de cette indemnité, et que si la fracture avait été prise en charge sans retard, il aurait pu reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie ordinaire " pouvant aller jusqu'à 24 mois ". Toutefois, si l'expert a indiqué qu'une chirurgie de la cheville gauche le 4 ou le 5 juillet 2012 aurait permis à M. C... de déambuler très rapidement avec appui sur le membre inférieur gauche sous couvert d'une botte en résine, malgré l'immobilisation de son membre supérieur droit par un plâtre, il a souligné la gravité des lésions ostéochondrales du dôme astragalien, lesquelles entraînent fréquemment l'état séquellaire de raideur de la cheville et de douleurs constaté en l'espèce, et n'a pas retenu de déficit fonctionnel permanent imputable de façon directe et certaine au retard de diagnostic. Alors que les pièces produites par le ministre des armées font apparaître que l'indemnité pour services aériens parachutistes a été versée durant six mois de congé de maladie ordinaire à compter du 4 juillet 2012, et que M. C... a été replacé en position d'activité le 1er juillet 2013 en emploi sédentaire strict en raison de l'incompatibilité de l'état de sa cheville gauche avec le saut en parachute, l'existence d'un lien entre le retard de diagnostic de la fracture et la prolongation du congé de maladie par un congé de longue maladie ne peut être regardée comme établie. Par suite, la demande de condamnation du centre hospitalier de Pau à réparer une perte d'indemnité pour services aériens parachutistes ne peut être accueillie. 9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'assistance par une tierce personne a été nécessaire du 7 juillet au 25 septembre 2012, période au cours de laquelle l'appui sur le membre inférieur gauche était totalement impossible. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, cet appui aurait pu être retrouvé très rapidement si une chirurgie de la cheville gauche avait été réalisée le 4 ou le 5 juillet 2012. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir un besoin d'assistance en lien avec le retard de diagnostic du 14 juillet au 25 septembre 2012, et de fixer son indemnisation à 1 190 euros sur la base d'un taux horaire correspondant au salaire minimum majoré afin de tenir compte des charges sociales, des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés et des congés payés. 10. En troisième lieu, l'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire de 25 % du 7 juillet au 25 septembre 2012 (80 jours) en lien avec le retard de diagnostic, correspondant à la majoration de la durée d'utilisation d'un fauteuil roulant et de deux cannes anglaises. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son indemnisation à 400 euros sur la base de 20 euros par jour de déficit total. 11. En quatrième lieu, l'expert a coté à 2 sur 7 les souffrances endurées du fait du retard de diagnostic, correspondant à la majoration de la durée d'immobilisation de la cheville gauche et des douleurs durant cette période, ainsi qu'à la nécessité d'une réfection du plâtre. Ce préjudice peut être évalué à 2 000 euros. Toutefois, le ministre des armées produit le protocole transactionnel, signé le 12 novembre 2014, par lequel il a indemnisé M. C... à hauteur de 6 000 euros au titre des souffrances endurées de 4 sur 7 du fait de l'accident de service du 4 juillet 2012, ce qui doit être regardé comme ayant également réparé les souffrances endurées du fait du retard de diagnostic. Par suite, aucune somme supplémentaire ne saurait être mise à la charge du centre hospitalier de Pau au titre de ce préjudice. Sur le recours de l'Etat : 12. Aux termes de l'article L. 825-1 du code général de la fonction publique : " L'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie d'un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l'agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu'ils ont supportées à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. " Aux termes de l'article L. 825-2 du même code : " La personne publique est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur : / (...) / 2° Le remboursement des charges patronales afférentes à la rémunération maintenue ou versée au fonctionnaire pendant la période de son indisponibilité. " Aux termes de l'article L. 825-4 de ce code : " L'action subrogatoire concerne notamment : / 1° La rémunération brute pendant la période d'interruption du service ; / 2° Les frais médicaux et pharmaceutiques ; / 3° Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; / (...) / 7° Les charges patronales afférentes à la rémunération maintenue ou versée au fonctionnaire pendant la période de son indisponibilité. / Le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente. " 13. En premier lieu, l'Etat, qui demande le remboursement de la solde, des indemnités et des charges patronales exposées au bénéfice de M. C... du 4 juillet 2012 au 30 juin 2013, soit durant toute la période d'indisponibilité en lien avec l'accident de service, a seulement droit à ce remboursement pour une durée correspondant à la prolongation du congé de maladie du fait du retard de diagnostic, soit 80 jours de déficit fonctionnel temporaire supplémentaire, ainsi qu'il a été indiqué au point 10. Il y a lieu d'admettre, au titre des éléments de la rémunération maintenue, outre la solde, l'indemnité de résidence, le supplément familial de solde, l'indemnité pour charges militaires, la prime de qualification, la prime de service et l'indemnité exceptionnelle, et d'exclure l'indemnité pour services aériens parachutistes que l'Etat devait supporter durant six mois de congé de maladie ordinaire, dès lors qu'un tel congé, suivi d'une période de congé de longue maladie, était rendu nécessaire par les seules conséquences de l'accident. Eu égard au justificatif produit, le montant de la rémunération et des charges supportées par l'Etat durant la période de 80 jours imputable à la faute doit être fixé à 7 499,85 euros. 14. En deuxième lieu, l'état de frais établi par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale se rapporte à l'ensemble des débours exposés dans le cadre de l'accident de service du 4 juillet 2012, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que le retard de diagnostic a seulement généré des frais supplémentaires de consultations, de soins infirmiers et de frais pharmaceutiques. Eu égard au justificatif produit, il sera fait une juste appréciation des débours imputables à la faute du centre hospitalier de Pau en les évaluant à 1 000 euros. 15. En troisième lieu, la pension militaire d'invalidité au taux de 20 % concédée à M. C... par arrêté du 6 juin 2016 au titre de l'accident de service du 4 juillet 2012 se rapporte à des séquelles de fracture bimalléolaire de la cheville gauche, avec raideur douloureuse de la cheville et boiterie à la marche. Ainsi qu'il a été exposé au point 8, l'existence d'un lien de causalité entre ces séquelles et le retard de diagnostic de la fracture ne peut être regardé comme établi. Par suite, la demande de condamnation du centre hospitalier de Pau à rembourser les arrérages et le capital restant à échoir de cette pension ne peut qu'être rejetée. 16. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Pau doit seulement être condamné à verser les sommes de 1 590 euros à M. C... et de 8 499,85 euros à l'Etat. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 17. Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Pau, liquidés et taxés à la somme de 700 euros, doivent être mis à la charge définitive du centre hospitalier de Pau. 18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge du centre hospitalier de Pau au titre des frais exposés par M. C... à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1801693 est annulé. Article 2 : Le centre hospitalier de Pau est condamné à verser les sommes de 1 590 euros à M. C... et de 8 499,85 euros à l'Etat. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Pau, liquidés et taxés à la somme de 700 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Pau. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre des armées et au centre hospitalier de Pau. Une copie en sera adressée pour information au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX00467
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 6ème chambre, 05/04/2023, 22PA02911, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 mars 2020 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a refusé de lui délivrer la carte de combattant et d'enjoindre à la directrice générale de l'ONACVG de réexaminer sa demande. Par un jugement n°2009358 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 22 juin 2022, et un mémoire, enregistré le 15 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Cayla-Destrem, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 12 mars 2020 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a refusé de lui délivrer la carte de combattant ; 3°) d'enjoindre à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de lui reconnaitre la qualité de combattant ; 4°) de mettre à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en ne lui communiquant pas la réponse de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à sa demande de communication de pièces, en méconnaissance du principe du contradictoire ; - le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ; - l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre n'a pas suffisamment motivé la décision attaquée et ne justifie donc pas qu'il a été procédé à un examen particulier de sa demande, alors surtout que ne sont pas produits l'avis du service départemental de l'ONAC ni celui de la commission nationale de la carte du combattant. En rejetant néanmoins la demande le tribunal a entaché son jugement d'erreur d'appréciation ; - le jugement est insuffisamment motivé, est entaché d'omission à statuer et a statué infra petita en ce qu'il rejette l'exception d'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 1994 sans rechercher si l'opération " Resolute support " remplissait les conditions pour figurer dans la liste fixée par cet arrêté ; - l'arrêté du 12 janvier 1994 limite à tort la période à prendre en considération pour les services en Afghanistan à la période antérieure au 2 octobre 2015, et l'opération " Resolute support ", postérieure à cette date, doit être regardée comme une action combattante au sens des dispositions des articles L. 311-2 et R. 311-14 du même code, ce qui justifiait l'octroi de la carte de combattant à ceux, comme le requérant, qui y ont participé pendant plus de six mois. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 février 2023 et 17 mars 2023, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, représenté par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelievre, demande à la Cour : 1°) de rejeter cette requête ; 2°) de mettre à la charge de M. A...B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Cayla-Destrem pour M. A...B... et de Me Amsallem-Aïdan pour l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Considérant ce qui suit : 1. M. A...B... a été affecté du 10 octobre 2016 au 18 avril 2017 en qualité de fonctionnaire civil international de l'agence d'information et de la communication de l'OTAN en Afghanistan, dans le cadre de l'opération " Resolute Support ". Il a ensuite sollicité le bénéfice de la carte de combattant au titre des services ainsi accomplis. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), qui a accusé réception de cette demande le 18 septembre 2019, lui a opposé un refus par une décision du 12 mars 2020 dont M. A...B... a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris. Toutefois ce tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 21 avril 2022, dont il relève appel. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier telerecours du 11 février 2022 reçu le jour même, le tribunal a demandé à la directrice de l'ONACVG d'indiquer dans un délai de cinq jours pourquoi l'arrêté du 12 janvier 1994 modifié, fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte de combattant et prévoyant que les opérations menées en Afghanistan entre le 3 octobre 2001 et le 2 octobre 2015 ouvraient droit au bénéfice de cette carte, ne mentionnait pas l'opération " Resolute support " à laquelle a participé le requérant. Par courrier en réponse du 16 février 2022, le représentant de l'ONACVG s'est borné à faire état de ce que, cet office n'étant chargé que de l'application des dispositions législatives et règlementaires, dont la modification relève de la seule compétence du ministre des armées, seul celui-ci pourrait répondre à la question posée. Dès lors, eu égard à son contenu, qui était insusceptible d'avoir une incidence sur le sens du jugement à intervenir, le tribunal pouvait, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, se dispenser de communiquer cette pièce au requérant. De plus, s'il a ensuite, par courrier du 17 février 2022 reçu le même jour, posé une question identique à la ministre des armées, celle-ci n'a pas apporté de réponse. Ainsi le requérant n'est à aucun titre fondé à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu. 3. M. A...B... soutient ensuite qu'il aurait soulevé en première instance un moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Toutefois, il indiquait expressément dans sa demande introductive d'instance que " le recours porte donc sur ces deux points qui affectent la légalité de la décision de l'ONACVG (acte attaqué) : -d'une part, l'erreur de fait : absence totale de prise en compte de la demande effective et spécifiquement de la participation réelle et justifiée du plaignant à une opération extérieure. D'autre part, l'erreur de droit, puisqu'on peut supposer que c'est la raison implicite bien que non expliquée du refus : mauvaise appréciation et interprétation trop restrictive de l'article L. 311.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (...) ". Ainsi s'il faisait état de ce que les motifs de la décision attaquée ne répondraient pas pleinement aux termes de sa demande, ce qui au demeurant ne suffit pas nécessairement à entacher une décision d'irrégularité dès lors qu'elle énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, ou seraient en partie implicites, il ressort de ses écritures qu'il n'a pas entendu soulever de moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en cause. 4. Il ressort des termes du jugement que les premiers juges ont relevé que la demande de M. B... avait été rejetée au motif que l'opération " Resolute support " à laquelle l'intéressé avait été affecté, du 10 octobre 2016 au 18 avril 2017, ne figurait pas sur la liste annexée à l'arrêté du 12 janvier 1994, pour en déduire qu'il n'était pas fondé à soutenir que sa demande n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier au regard de sa participation à cette opération. A supposer que le moyen tiré du défaut d'un tel examen particulier par l'ONACVG doive être regardé comme ayant été effectivement soulevé en première instance, le tribunal y a, par le motif qui vient d'être rappelé, suffisamment répondu. 5. Enfin, l'exception d'illégalité d'un acte sur le fondement duquel est prise la décision en litige n'a pas le caractère d'une conclusion mais d'un moyen présenté à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Dès lors, M. B... ne peut, en tout état de cause, soutenir utilement que le tribunal aurait statué infra petita du fait qu'il ne se serait pas prononcé assez précisément, selon lui, sur la légalité de l'arrêté du janvier 1994 modifié, dont il ne sollicitait pas l'annulation, et dont les premiers juges ont à juste titre considéré qu'il devait être regardé comme excipant de l'illégalité. Par ailleurs, il ressort du jugement que le tribunal a expressément écarté cette exception d'illégalité au motif que la seule circonstance que la France ait participé, en qualité de membre de l'OTAN, au processus décisionnel ayant conduit à la mise en œuvre de l'opération " Resolute support " n'était pas de nature à démontrer que le défaut de mention de cette opération dans la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte de combattant serait contraire aux dispositions de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur cette exception d'illégalité. Enfin, la motivation des décisions de justice devant être proportionnée à l'argumentation présentée devant eux, et l'appelant ayant principalement, devant le tribunal, contesté le défaut d'inscription de l'opération " Resolute support " dans la liste, établie dans l'arrêté du 12 janvier 1994, des opérations ouvrant droit à délivrance de la carte de combattant au motif que la France faisait partie du processus décisionnel dans le cadre de cette opération conduite par l'Otan, la réponse du tribunal était adaptée et proportionnée à l'argumentation présentée devant lui, et dès lors suffisamment motivée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 6. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ont vocation à la qualité de combattant les militaires des armées françaises qui ont participé à la guerre 1939-1945, aux guerres d'Indochine et de Corée, à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, ainsi que les Français ayant pris une part effective aux combats aux côtés de l'armée républicaine espagnole durant la guerre civile./ La reconnaissance de la qualité de combattant dans les conditions prévues par le présent chapitre donne lieu à l'attribution de la carte du combattant ". Aux termes de l'article L. 311-2 du même code : " Ont également vocation à la qualité de combattant les militaires des forces armées françaises qui ont participé à des actions de feu et de combat ainsi que les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France./ Une durée d'au moins quatre mois de service effectuée au titre des conflits, opérations ou missions mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat mentionnées à cet alinéa./ Un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du budget fixe notamment les périodes à prendre en considération pour chacun de ces conflits, opérations ou missions. Il fixe également les bonifications attachées le cas échéant à ces périodes ". Aux termes de l'article R. 311-14 du même code : " Pour les opérations ou missions, définies à l'article L. 311-2 et sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de cet article, sont considérés comme combattants les militaires des forces armées françaises ainsi que les personnes civiles qui :1° Soit ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ; pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations et missions mentionnées au présent article ;2° Soit ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ;3° Soit ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ;4° Soit ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante sans condition de durée de séjour dans cette unité ;5° Soit ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ;6° Soit ont été détenus par l'adversaire pendant quatre-vingt-dix jours au moins, sous réserve d'avoir appartenu antérieurement à leur capture ou postérieurement à leur détention, sans condition de durée de séjour, à une unité combattante pendant la période où celle-ci avait cette qualité ; toutefois, aucune condition de durée de captivité n'est opposable aux personnes détenues par l'adversaire et qui auraient été privées de la protection des conventions de Genève. " Enfin l'arrêté du 12 janvier 1994 modifié, pris en application de l'article L. 311-2 précité et fixant la liste des opérations extérieures ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant mentionne, pour l'Afghanistan, les opérations s'étant déroulées du 3 octobre 2001 au 2 octobre 2015. 7. En premier lieu, il ressort de la décision attaquée qu'elle vise le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et en particulier ses articles L. 311-1 et suivants, L. 612-8, R. 311-1 et suivants et R. 612-11, ainsi que le code de la défense nationale, et l'arrêté du 12 janvier 1994 modifié fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Elle vise ensuite les avis recueillis et retient que la qualité de combattant ne peut pas être reconnue au requérant en énumérant un à un les divers critères de nature à ouvrir droit à la reconnaissance de cette qualité, pour indiquer à chaque fois qu'il n'y satisfait pas. Ainsi, cette décision expose suffisamment les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, et est, dès lors, suffisamment motivée, alors même qu'elle ne se prononcerait pas explicitement sur tous les éléments avancés par le requérant dans sa demande. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, à supposer qu'il puisse être regardé comme relevant d'une cause juridique déjà soulevée en première instance, et donc comme étant recevable, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. 8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision attaquée vise expressément, outre la demande de l'intéressé, les divers avis recueillis dans le cadre de l'instruction de sa demande, puis expose précisément pourquoi il ne satisfait à aucun des critères permettant la reconnaissance du statut de combattant, qui sont tous rappelés. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée n'aurait pas été prise au terme d'un examen particulier de sa situation, et le moyen peut dès lors être écarté, compte tenu des termes mêmes de la décision attaquée, sans qu'il soit besoin par conséquent d'avoir connaissance du contenu de l'avis du service départemental de l'ODAC et de la commission nationale de la carte de combattant, pas plus que de la décision collective de la directrice générale de l'ONACVG, et sans qu'il soit non plus besoin de se prononcer sur la recevabilité de ce moyen. 9. M. B... excipe enfin de l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 1994, pris pour l'application de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en ce qu'il ne mentionne pas, dans les " conflits armés " et " opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France ", au sens de cet article, l'opération " Resolute support " à laquelle l'intéressé a participé, et n'accorde cette qualification, parmi les opérations s'étant tenues en Afghanistan, qu'à celles s'étant déroulées pendant la période du 3 octobre 2001 au 2 octobre 2015, soit jusqu'au départ des dernières unités françaises. Il est vrai que, contrairement à ce que soutient l'ONACVG, la décision, postérieure à l'engagement d'une opération à l'étranger, et totalement détachable de celle-ci, de la faire figurer ou non dans la liste, fixée par arrêté, des conflits ou opérations ouvrant droit à la reconnaissance de la qualité de combattant en application de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne saurait, eu égard à ses effets, être constitutive d'un acte de gouvernement, et n'est dès lors pas insusceptible de recours par voie d'action ou d'exception. 10. En revanche, si le requérant fait valoir que des " opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France " visées par l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pourraient ouvrir droit à la reconnaissance de la qualité de combattant et à la délivrance de la carte de combattant même lorsque les opérations en cause ne revêtiraient pas de caractère combattant, dès lors que cette condition ne serait pas mentionnée à l'article L. 311-2 précité, les dispositions de cet article doivent être interprétées à la lumière de l'objectif, poursuivi par le législateur, de reconnaître la qualité de combattant aux personnes, même civiles, qui ont participé à des opérations ou missions les exposant à des risques particuliers, assimilables à ceux de conflits armés. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération Resolute Support présentait de tels risques. Ainsi il ressort d'un extrait du site officiel " représentation permanente de la France auprès de l'OTAN " cité par l'ONACVG que l'opération Resolute Support est définie comme " une nouvelle mission de l'OTAN, non combattante, (...) mise en place à partir de 2015 (...) les personnels de Resolute support fournissent assistance, conseil et formation aux institutions de sécurité afghanes ". De même, il ressort d'un extrait du site officiel de l'OTAN, également produit par l'ONACVG, que " la mission Resolute support (RSM) dirigée par l'OTAN en Afghanistan a été lancée le 1er janvier 2015 après l'achèvement de la mission de la force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) dans le but de poursuivre les activités de formation, de conseil et d'assistance au profit des forces et institutions de sécurité afghanes ". Il en résulte que l'arrêté du 14 janvier 1994 modifié a pu sans illégalité ne pas inclure cette mission, ainsi définie, compte tenu notamment de son absence de tout caractère combattant, dans la liste de celles qui ouvrent droit à la reconnaissance de la qualité de combattant. 11. Enfin, outre que cette opération a ainsi pu légalement ne pas figurer dans la liste de celles ouvrant droit à reconnaissance de la qualité de combattant, le requérant ne satisfaisait à aucune des conditions posées par l'article R. 311-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour se voir reconnaitre cette qualité sur le fondement de l'article L. 311-2 du même code. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre sur le même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient : - M. Célérier, président de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - Mme Labetoulle, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2023. La rapporteure, M-I. D...Le président, T. CELERIER La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02911
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 06/04/2023, 22DA01275, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Loos n° 2015/1246 du 18 novembre 2015 la plaçant en congé maladie ordinaire ainsi que les arrêtés n° 2015/1252 du 18 novembre 2015 et n° 2015/1302 du 8 décembre 2015 réduisant ses primes et indemnités liées à 1'exercice effectif de ses fonctions pour les mois de novembre et décembre 2015 et, d'autre part, de condamner la commune de Loos à l'indemniser des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis. Par un jugement n° 1601003, 1601004, 1601005 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa requête à fin d'annulation des arrêtés des 18 novembre et 8 décembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions. Par un arrêt n° 19DA00282 du 25 juin 2020, la cour a annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille rejetant le surplus des conclusions des parties et, statuant par la voie de l'évocation, a rejeté la demande présentée par Mme A... tendant à l'indemnisation de ses préjudices ainsi que le surplus des conclusions de la requête d'appel. Par une décision n° 443367 du 16 juin 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mme A..., a annulé l'arrêt du 25 juin 2020 de la cour en tant qu'il a omis de se prononcer sur l'indemnisation des préjudices allégués par Mme A..., tenant aux souffrances physiques et morales liées à sa pathologie, au titre de la responsabilité sans faute de la commune de Loos. Par le même arrêt il a renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour. Procédure devant la cour : Par une requête et, des mémoires complémentaires initialement enregistrés sous le n° 19DA00282, les 5 février et 2 août 2019, puis après cassation et renvoi, par des mémoires enregistrés sous le n° 22DA01275, les 17 août et 25 novembre 2022 et le 9 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Wabant, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de condamner la commune de Loos au versement, d'une part, d'une somme de 8 000 euros au titre de la perte de chance d'évolution de carrière et de poursuite d'activité et, d'autre part, d'une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ; 2°) de condamner la commune de Loos au versement d'une somme de 13 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts ; 3°) d'ordonner une expertise ayant pour objet de fixer le pretium doloris, le préjudice d'agrément et le taux d'ITP ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Loos une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été victime d'un harcèlement moral, visant à l'écarter progressivement de ses fonctions, à mettre en cause ses compétences et à la fragiliser professionnellement et psychologiquement ; - l'imputabilité au service de sa pathologie est établie, la commune n'ayant pris aucune mesure malgré ses alertes, les documents médicaux et l'avis du médecin de prévention préconisant un soutien psychologique ; la commune a ainsi manqué à ses obligations de protection de sa santé et d'organisation du service ; - le refus de prendre des mesures, l'absence de prise en charge de la protection fonctionnelle, les arrêtés qui ont conduit à une diminution de ses revenus, l'absence de remise en cause des actes de son supérieur hiérarchique sont à l'origine de sa pathologie ; - elle est fondée à rechercher la responsabilité pour faute et sans faute de la commune au titre de ces agissements ; - l'état de stress professionnel a par ailleurs contribué à déclencher sa maladie de l'audition ; - outre un préjudice financier lié à la diminution de ses revenus et à l'absence d'évolution de sa rémunération, elle subit un préjudice distinct, lié à l'absence de toute évolution de carrière ; il en est également résulté un préjudice de retraite ; ce préjudice doit être réparé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros ; - elle a subi un préjudice moral consécutivement à la dégradation de son état de santé qui doit être réparé à hauteur de 5 000 euros ; - les préjudices physiques et le préjudice d'agrément dont elle souffre également justifient l'allocation d'une provision de 13 000 euros, dans l'attente de la détermination de leur étendue par une expertise médicale ; - l'expertise médicale est nécessaire pour évaluer le pretium doloris, le préjudice d'agrément et le taux d'IPP. Par des mémoires enregistrés le 3 juillet 2019, les 30 septembre et 16 décembre 2022, la commune de Loos, représentée par Me Delgorgue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés, en faisant notamment valoir que : - après cassation, l'arrêt de la cour du 25 juin 2020 est devenu définitif en ce qui concerne le rejet des préjudices dont Mme A... demande la réparation sur le fondement de la responsabilité pour faute ; - le litige ne porte plus que sur la demande de réparation des préjudices résultant des souffrances physiques et morales liées à la pathologie dont souffre Mme A..., sur le fondement de la responsabilité sans faute ; - le préjudice pour perte de chance d'évolution de carrière ne peut plus être invoqué dans la mesure où l'arrêt du 25 juin 2020 a déjà statué sur ce poste et qu'il s'agit d'un préjudice réparé forfaitairement ; - Mme A... ayant contribué au développement de son syndrome dépressif par son comportement professionnel, cette circonstance exonère la commune de sa responsabilité ; - les préjudices physiques et moraux dont Mme A... demande réparation ne sont pas établis et ne peuvent dès lors être indemnisés ; - l'expertise médicale demandée ne présente aucune utilité ; - en l'absence de caractère certain et non contestable de la créance, la demande de versement d'une provision de 13 000 euros est irrecevable et doit être rejetée. Par une ordonnance du 19 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 janvier 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Potier pour la commune de Loos. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., assistante territoriale d'enseignement artistique employée par la commune de Loos, qui intervient comme professeur de musique au sein du conservatoire à rayonnement communal et des écoles de la commune de Loos, a sollicité du maire de la commune, par un courrier du 14 janvier 2016, le retrait de trois arrêtés du 18 novembre et du 8 décembre 2015 ayant pour effet de la placer en congé maladie ordinaire du 14 novembre au 14 décembre 2015 et de suspendre le versement à son profit de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves pour les mois de novembre et de décembre 2015, son placement en congé en longue maladie imputable au service ainsi que l'indemnisation de préjudices matériels et moraux qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa requête à fin d'annulation des arrêtés des 18 novembre et 8 décembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions. Par un arrêt n° 19DA00282 du 25 juin 2020, la cour a rejeté la demande présentée par Mme A... tendant à l'indemnisation de ses préjudices. Par une décision n° 443367 du 16 juin 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 25 juin 2020 de la cour en tant qu'il a omis de se prononcer sur l'indemnisation des préjudices allégués par Mme A..., tenant aux souffrances physiques et morales liées à sa pathologie, au titre de la responsabilité sans faute de la commune de Loos. Par la même décision il a renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour. Sur l'étendue du litige après cassation : 2. Par sa décision n° 443367 du 26 janvier 2021, le Conseil d'Etat n'a admis les conclusions du pourvoi de Mme A... qu'en tant que par son arrêt en date du 25 juin 2020, la cour a omis de se prononcer sur l'indemnisation des préjudices subis tenant aux souffrances physiques et morales liées à la pathologie dépressive, au titre de la responsabilité sans faute. Il en résulte qu'il n'y a plus lieu, pour la cour, de statuer sur les demandes de Mme A... au titre de la responsabilité pour faute de la commune de Loos, auxquelles il a été répondu définitivement le 25 juin 2020. Il y a lieu en revanche, par la voie de l'évocation, de statuer sur les conclusions indemnitaires au titre de la responsabilité sans faute. Sur les conclusions indemnitaires au titre de la responsabilité sans faute de la commune de Loos : 3. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 4. Il résulte du point précédent, que la responsabilité de la commune de Loos peut être engagée à l'égard de Mme A..., même en l'absence de faute, dans l'hypothèse où celle-ci démontrerait avoir subi, du fait de la pathologie d'origine professionnelle dont elle souffre, des préjudices personnels ou des préjudices patrimoniaux d'une autre nature, pour ces derniers, que ceux réparés forfaitairement par l'allocation d'une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite ou d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Sur les préjudices à caractère patrimonial : 5. Mme A... sollicite la réparation du préjudice financier lié, d'une part, à l'absence d'évolution de sa carrière, qui l'aurait privée, depuis plus de trois ans, de toute progression de sa rémunération et de son régime indemnitaire, d'autre part, à la minoration de sa retraite. Toutefois, ces préjudices allégués ne relèvent pas d'une nature patrimoniale autre que ceux indemnisés par les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que celles du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Sur les préjudices personnels : 6. Il résulte de l'instruction que les arrêts de travail déclarés depuis le 31 août 2015 par Mme A... ont été reconnus imputables au service à compter de cette date, par un arrêté du 17 janvier 2018 du maire de la commune de Loos. Il ressort d'une première expertise médicale d'un psychiatre agréé du 7 juillet 2017, de l'avis de la commission de réforme du 24 novembre 2017 ainsi que d'une seconde expertise médicale réalisée le 15 novembre 2022 par un autre psychiatre agréé, que la pathologie dont est atteinte Mme A... consiste en une décompensation anxio-dépressive dans un contexte professionnel. Le médecin expert ayant examiné l'intéressée le 15 novembre 2022 a constaté, à cette date, " la persistance d'une symptomatologie marquée par une thymie instable mais globalement basse, des épisodes anxieux, des troubles du sommeil et une tendance au repli ". Il a par ailleurs relevé, sur le plan thérapeutique, la poursuite d'un suivi psychiatrique auprès d'un médecin psychiatre et la prise régulière d'un traitement médicamenteux. Il n'est pas contesté que depuis la déclaration de sa maladie, Mme A... n'a pas repris son activité. Dans ces conditions, les souffrances physiques, psychiques et morales qu'elle a endurées depuis cette période et qui persistent actuellement sont en lien direct avec sa maladie professionnelle. Par suite, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et morales subies par Mme A..., en lui allouant une somme globale de 3 000 euros à ce titre, sans que la commune puisse invoquer un fait exonératoire de l'intéressée, en l'absence de tout élément permettant d'imputer la survenance de la pathologie à un manquement ou comportement personnel de l'agent. 7. En revanche, si Mme A... sollicite la réparation d'un préjudice d'agrément, elle n'apporte aucune précision quant à la nature de ce dernier et notamment, elle ne précise pas la nature des activités sportives, culturelles ou de loisirs qu'elle exerçait avant sa maladie et dont elle serait désormais totalement privée ou dans l'impossibilité de les pratiquer pleinement à raison de sa pathologie psychique, seule pathologie reconnue comme imputable au service. 8. En outre, si Mme A... soutient qu'un état de stress professionnel a contribué à déclencher sa maladie de l'audition, accentuée dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de professeur de musique conduisant à l'impossibilité actuelle de jouer de son instrument, il ne résulte pas de l'instruction l'existence d'un tel lien. A cet égard, les deux correspondances que le médecin de la spécialité ORL a adressées au médecin traitant de Mme A... ne font état d'aucun lien éventuel entre ses problèmes d'audition qui lui interdisent de jouer de la clarinette et son syndrome dépressif. 9. En dernier lieu, Mme A... sollicite la réparation d'un préjudice qui serait lié à une incapacité de travail temporaire, d'une part, et à une incapacité de travail permanente, d'autre part. Toutefois, aucun élément du dossier, et notamment pas l'arrêté reconnaissant imputable au service la pathologie de Mme A..., ne fait état d'un éventuel déficit temporaire ou permanent à raison du syndrome anxio-dépressif dont elle est atteinte, de sorte que ces chefs de préjudice ne peuvent qu'être rejetés. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que la commune de Loos doit être condamnée à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros, en réparation des souffrances physiques et morales liées à sa pathologie. Sur les conclusions tendant au versement d'une provision : 11. La Cour statuant sur l'indemnisation due à Mme A..., il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant au versement d'une provision. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par la commune de Loos et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Loos, une somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La commune de Loos est condamnée à verser une indemnité de 3 000 euros à Mme A.... Article 2 : La commune de Loos versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Loos au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Loos. Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023. Le rapporteur, Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier N° 22DA01275 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 4ème chambre, 31/03/2023, 22PA00119, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 février 2019 par laquelle la maire de Paris a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Par un jugement n° 1915346/2-3 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 janvier 2022, le 24 mai 2022 et le 13 février 2023, M. E..., représenté par Me de Castelbajac, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1915346/2-3 du 12 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 21 février 2019 rejetant sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ; 3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de reconnaître sa maladie comme imputable au service dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux en conséquence, ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai ; 4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - il n'a pas été régulièrement averti de la date de la tenue de l'audience ; - il n'a pas eu connaissance des conclusions du rapporteur public avant la tenue de l'audience ; - la minute du jugement n'est pas signée ; - les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisante motivation de l'acte contesté ; - les premiers juges ont méconnu leur office en s'estimant liés par l'avis de la commission de réforme ; Sur le bien-fondé du jugement : - la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ; - la décision contestée est insuffisamment motivée ; - la maire de Paris s'est sentie en situation de compétence liée pour prendre la décision contestée ; - la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, la maire de Paris conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par un courrier du 7 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré de ce que le moyen tiré des vices entachant la procédure devant la commission de réforme n'est pas recevable car reposant sur une cause juridique distincte de celle fondant les moyens de première instance présentés dans le délai de recours contentieux. Par un mémoire enregistré le 12 mars 2023, M. E..., représenté par Me de Castelbajac, a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, - le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, première conseillère, - les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique, - les observations de Me de Castelbajac, représentant M. E... et de Me Moscardini, représentant la Ville de Paris. Une note en délibéré enregistrée le 18 mars 2023 a été présentée pour M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., éboueur de la Ville de Paris depuis le 23 avril 1990, souffre d'une discopathie étagée à type de protrusions discales, laquelle a été constatée le 22 septembre 2016. Ayant été déclaré inapte à l'exercice de son emploi d'éboueur, M. E... a sollicité le 14 mars 2017 la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle. Le 7 juin 2018, le médecin de contrôle de la médecine statutaire de la Ville de Paris a émis un avis défavorable à la reconnaissance d'une maladie contractée en service. Le 24 janvier 2019, la commission de réforme s'est prononcée dans le même sens. Par une décision du 21 février 2019, la maire de Paris a refusé de faire droit à la demande de M. E... aux fins de reconnaissance d'imputabilité au travail de sa pathologie. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2019. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience ". M. E... fait valoir que, en méconnaissance de ces dispositions, il n'a pas été averti de la tenue de l'audience. Toutefois, il ressort des visas du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire laquelle n'est pas apportée en l'espèce, que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ". M. E... fait valoir que, en méconnaissance de ces dispositions, il n'a pas eu connaissance avant l'audience du sens des conclusions du rapporteur public. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, il n'est pas utilement contesté que l'intéressé a été régulièrement convoqué. Or, l'avis d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties peuvent prendre connaissance du sens de ces conclusions. Le moyen doit, donc, être écarté. 4. En troisième lieu, l'article R. 741-7 du code de justice administrative dispose que : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement que celle-ci a été dûment signée. Le moyen doit être écarté. 5. En quatrième lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de son insuffisante motivation n'ayant pas été soulevés en première instance, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier pour avoir omis d'y répondre doit être écarté. 6. En cinquième lieu, M. E... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne soulevant pas d'office le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Toutefois, le juge n'est tenu de soulever d'office un moyen d'ordre public que lorsque celui-ci ressort clairement des pièces du dossier, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Le moyen doit, par suite, être écarté. 7. En sixième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas exercé leur office en se sentant liés par l'avis défavorable de la commission de réforme relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité et ne peut en conséquence qu'être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 8. En premier lieu, la demande présentée devant le tribunal administratif ne contenant aucun moyen de légalité externe, le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de l'insuffisante motivation de l'acte contesté soulevé pour la première fois en appel est pour ce motif irrecevable et doit être écarté. 9. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte étant d'ordre public, M. E... est fondé à le soulever pour la première fois en appel, quand bien même aucun moyen de légalité externe n'a été présenté devant les premiers juges. Toutefois, par un arrêté du 5 février 2019 publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 12 février 2019, la maire de Paris a donné délégation à Mme B... C..., cheffe du pôle aptitudes, maladies, accidents, à l'effet de signer les actes et documents de nature administrative relevant de ce bureau, et notamment les décisions concernant les arrêtés de travail et maladies contractées en service des fonctionnaires. Par conséquent, le moyen manque en fait et doit, pour ce motif, être écarté. 10. En troisième lieu, le fait que la maire de Paris se soit appropriée le motif de l'avis défavorable de la commission de réforme ne suffit pas, en l'absence d'autre élément, pour considérer qu'elle serait sentie en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. E.... Le moyen doit donc être écarté. 11. En quatrième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 12. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 13. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) ". 14. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue, par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 15. En l'espèce, la pathologie de M. E... ayant été diagnostiquée en septembre 2016, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, aucune disposition ne permettait, à la date de la décision attaquée, de rendre applicable le régime de présomption d'imputabilité qu'elles prévoient aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale. Les premiers juges ont d'ailleurs substitué à bon droit à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, sur le fondement duquel la Ville de Paris avait fondé à tort sa décision, les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Par suite, il appartenait à M. E... d'établir que sa pathologie résultait directement des fonctions exercées. Or, les certificats médicaux, les trois conclusions médicales de la médecine préventive émises entre janvier et septembre 2016, les deux premières demandant des aménagements de poste, la troisième déclarant M. E... inapte à l'exercice de ses fonctions, ainsi que l'avis du 24 février 2017 du médecin de prévention de la Ville de Paris se contentant de décrire la pathologie dont M. E... est atteint et les risques professionnels encourus, produits par l'appelant, ne suffisent pas à remettre en cause les avis du médecin de contrôle de la médecine statutaire de la Ville de Paris et de la commission de réforme, tous deux défavorables à une reconnaissance de maladie contractée en service. Etant ajouté qu'il ressort de la fiche de présentation devant la commission départementale de réforme produite au dossier que l'intéressé souffre d'une pathologie dégénérative. Par suite, le moyen tiré de ce que la maire de Paris aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre l'intéressé doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais de l'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande au titre des frais de l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que la Ville de Paris demande au titre des frais de l'instance sur le fondement de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la Ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la Ville de Paris. Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Claudine Briançon, présidente, - Mme D... d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Marguerite Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEU La présidente, C. BRIANÇON La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00119
Cours administrative d'appel
Paris