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CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 01/12/2020, 19MA04856, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 27 mars 2013 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation. Par un jugement n° 13/00084 du 24 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé cette décision et décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension au titre de l'aggravation de l'infirmité " séquelles de blessure par éclats de grenade " dont il a porté le taux à 50 %. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par la ministre des armées, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 21 mars 2019. Par ce recours et un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 22 septembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 24 janvier 2019. Elle soutient que : - le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure non contradictoire dès lors que le tribunal s'est fondé sur une pièce qui n'avait pas été communiquée aux parties ; - le jugement est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - il n'existe aucun signe clinique d'aggravation de l'infirmité pensionnée. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2020, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet du recours. Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés. Par ordonnance du 24 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2020 à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 juin 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 19 mai 1937, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée à titre définitif par arrêté du 7 mai 1965 à compter du 28 mars 1964, au taux de 40 %, pour " séquelles de blessure par éclats de grenade - région thoraco-abdominale gauche - longue cicatrice arciforme portant région mammaire droite à la région sous-ombilicale - cicatrice de très mauvaise qualité avec adhérence -exostoses et déhiscences musculaires - névralgies intercostales très accusées - gêne fonctionnelle de tous les mouvements du tronc ". Il en a demandé la révision pour aggravation le 4 août 2010. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 27 mars 2013 que l'intéressé a contesté devant le tribunal des pensions de Marseille. Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal a prescrit une expertise médicale. La ministre des armées fait appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision du 27 mars 2013 et décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension à compter du 4 août 2010 au titre de l'aggravation de l'infirmité pensionnée, dont il a porté le taux à 50 %. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ". 3. Par bordereau d'envoi du 17 mai 2018 reçu au greffe du tribunal des pensions de Marseille le 30 mai suivant, le directeur du service de l'ONACVG à Alger a adressé le rapport médical de l'expert, la prestation de serment ainsi que des " examens complémentaires ", à savoir le compte rendu de l'examen radiologique de M. B... et un certificat médical établi par le docteur Girault le 22 avril 2015. Par lettres du 6 juin 2018, les parties au litige ont été destinataires du rapport qui était joint à leur convocation à l'audience du 11 octobre suivant. Dans la mesure notamment où aucune des parties, dans leurs écritures déposées postérieurement à la communication de ce rapport, ne font référence aux deux pièces médicales précitées, en particulier au certificat rédigé par le docteur Girault, l'allégation de la ministre des armées selon laquelle ce certificat n'a pas été communiqué notamment à l'administration doit être regardée comme établie. En se fondant sur cette pièce sans l'avoir soumise au débat contradictoire, le tribunal des pensions de Marseille a entaché le jugement attaqué d'une irrégularité. Ce jugement doit donc être annulé. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions de Marseille. Sur les droits à pension de M. B... : 5. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". 6. Il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le tribunal des pensions a rapporté les plaintes de M. B... qui lui a fait part de douleurs thoraciques exacerbées lors des mouvements d'abaissement et de redressement du tronc pour ramasser un objet à terre. Il a constaté la présence de deux cicatrices d'intervention thoraco-abdominales dont l'une à gauche, longue de 12 cm, en bon état, et l'autre, à droite, longue de 32 cm mais " propre, stable, non évolutive, rétractile par endroits, adhérente au plan profond, par endroits, sans chéloïdes, sans aucun processus herniaire ". Il n'a pas retrouvé de troubles sensitifs ou de réelle gêne fonctionnelle, les mouvements étant relativement conservés. Il a noté que l'examen radiologique ne révélait pas de séquelles osseuses. Il ressort notamment du compte rendu de l'expertise effectuée au moment de l'instruction de la demande de pension initiale que ces deux cicatrices sont comprises dans l'infirmité déjà pensionnée. La fiche descriptive des infirmités accompagnant l'arrêté de concession mentionne depuis l'origine des névralgies intercostales très accusées et une gêne fonctionnelle de tous les mouvements du tronc. L'expertise réalisée le 23 novembre 1991, dans le cadre d'une précédente demande de révision qui a été rejetée, mentionnait la présence de névralgies importantes. Alors même que l'expert qui, le 4 avril 2011, a examiné M. B... dans le cadre de sa demande de révision de pension a constaté une limitation des mouvements de rotation thoracique et des douleurs à la palpation au niveau de la cicatrice droite avant de proposer de porter le taux de l'infirmité litigieuse à 50 %, et que le docteur Girault a fait état dans son certificat médical du 22 avril 2015 de névralgies intercostales douloureuses, qui entraînent une dyspnée et une gêne fonctionnelle et mentionne une " aggravation de l'état fonctionnel ", ces éléments ne démontrent pas précisément en quoi la gêne fonctionnelle résultant de l'infirmité en litige se serait aggravée par rapport à l'état antérieur, ayant donné lieu au taux de 40% et ne remettent pas sérieusement en cause les conclusions expertales du médecin conseil près le consulat de France à Alger, lequel a conclu, dans son rapport du 11 juin 2018, au maintien de ce taux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la ministre des armées a refusé de procéder à la révision de la pension concédée au requérant. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander la révision pour aggravation de la pension militaire d'invalidité qui lui est servie. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 24 janvier 2019 est annulé. Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal des pensions de Marseille est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient : M. Badie, président, M. D..., président assesseur, M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020. N° 19MA04856 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 4ème chambre, 20/11/2020, 19NT03425, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 janvier 2017 par laquelle le Premier ministre a refusé de lui accorder le bénéfice de l'aide financière instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 et de condamner l'Etat à lui verser la pension mensuelle due en vertu de ce décret. Par un jugement n° 1701269 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août et 25 septembre 2019, Mme C... B... épouse E..., représentée par Me D..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2019 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) de la déclarer fondée à obtenir la totalité des avantages matériels et moraux attachés à sa qualité de pupille de la Nation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement dénature les motifs de sa demande, dès lors que la demande adressée au Premier ministre par le courrier du 3 avril 2015 de l'association des pupilles de la Nation des Pays de Loire visait déjà la reconnaissance d'un droit et qu'elle ne comportait pas de demande à caractère financier au sens des dispositions de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration dont le tribunal a fait une application erronée ; - au regard du droit à réparation prévu pour tous les pupilles de la Nation par la loi du 27 juillet 1917, les décrets des 13 juillet 2000 et 27 juillet 2004 sont illégaux. Par un mémoire en intervention, enregistré le 25 septembre 2019, l'association des pupilles de la Nation des Pays-de-la-Loire, représentée par Me D..., conclut aux mêmes fins que la requête présentée par Mme E.... Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le Premier ministre conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 ; - le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Besse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... épouse E..., née le 6 juillet 1941, a été reconnue pupille de la Nation en vertu d'un jugement rendu le 21 mars 1945, à la suite du décès de son père déclaré Mort pour la France. Elle a sollicité le bénéfice de l'aide financière instituée par les décrets des 13 juillet 2000 et 27 juillet 2004 au profit respectivement des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Par une décision du 5 janvier 2017 le Premier ministre a refusé de lui attribuer l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004. Par un jugement du 7 juin 2019, dont Mme E... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser la pension mensuelle prévue par ce décret. L'association des Pupilles de la Nation des Pays-de-la-Loire, en la personne de son président M. E..., a présenté une intervention volontaire en demande. Sur l'intervention de l'association des Pupilles de la Nation des Pays-de-la-Loire : 2. L'association des Pupilles de la Nation des Pays-de-la-Loire a intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, le courrier contesté du Premier ministre du 5 janvier 2017 constitue la réponse apportée par l'Etat à la demande faite par Mme E..., par courriers des 15 avril et 22 juillet 2016 complétés par le renseignement d'un formulaire, tendant à bénéficier des aides financières prévues par les décrets du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. A l'appui de sa contestation de cette décision Mme E... s'est prévalue d'un droit acquis au versement de cette aide résultant du silence gardé par l'administration sur une précédente demande tendant à l'octroi de cette allocation qui aurait été présentée par le président de l'association des Pupilles de la Nation des Pays-de-la-Loire au Premier ministre par un courrier du 3 avril 2015. Cependant ledit courrier, qui n'a en aucun cas le contenu et la portée d'une demande personnelle présentée pour Mme E..., ne pouvait s'analyser comme une demande tendant à bénéficier de cette allocation, et ne cite d'ailleurs pas les dispositions règlementaires la régissant. Par suite, la requérante ne peut se prévaloir d'aucune décision implicite d'acceptation préexistante à ses demandes effectuées en 2016 et lui ouvrant un droit qui n'aurait pu être retiré. Au surplus, en admettant même que ce courrier du 3 avril 2015 puisse être lu comme sollicitant le versement d'une telle allocation, il revêtirait alors le caractère d'une demande à caractère financier insusceptible de faire naitre une décision implicite d'acceptation par application de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient interprété de manière erronée l'objet de sa demande. 4. En deuxième lieu, Mme E... soulève, par la voie de l'exception, l'illégalité des décrets susvisés des 13 juillet 2000 et 27 juillet 2004 au regard de la loi du 27 juillet 1917 relative aux pupilles de la Nation. D'une part, dès lors qu'elle n'est pas orpheline de parents victimes de persécutions antisémites, elle ne peut utilement soulever l'illégalité du décret du 13 juillet 2000, qui est sans lien avec la décision contestée du 5 janvier 2017 dont elle a demandé l'annulation. D'autre part, le seul constat du fait que le décret du 27 juillet 2004 ouvre des droits distincts de ceux dont bénéficient les pupilles de la Nation par application de la loi du 27 juillet 1917, n'est pas de nature à caractériser l'illégalité de ce décret dès lors que les personnes concernées par ces deux dispositifs sont placées dans des situations juridiques distinctes pour lesquels des droits différents peuvent être reconnus sans méconnaitre la loi du 27 juillet 1917. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté l'exception d'illégalité invoquée. 5. En dernier lieu, Mme E... peut être regardée comme soutenant une violation du principe d'égalité entre les orphelins entrant dans le champ d'application du décret du 27 juillet 2004 et sa propre situation de pupille de la Nation telle que régie par les articles L. 411-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Toutefois, l'objet de ce décret est d'accorder une mesure de réparation aux seuls orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la période de l'Occupation. Compte tenu de la nature des crimes commis à l'égard de ces victimes, la différence de traitement entre, d'une part, les orphelins des déportés résistants, des déportés politiques, des internés résistants et des internés politiques, bénéficiaires de la mesure de réparation prévue par ce décret et, d'autre part, les orphelins pupilles de la Nation exclus du bénéfice de cette mesure de réparation, n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation, compte tenu de l'objet de la mesure. Par suite, ce moyen doit être également écarté. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les frais d'instance : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Mme E.... D E C I D E : Article 1er : L'intervention de l'association des Pupilles de la Nation des Pays-de-la-Loire est admise. Article 2 : La requête de Mme E... est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au Premier ministre et à l'association des Pupilles de la Nation des Pays-de-la-Loire. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. A..., président assesseur, - M. Jouno, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020. Le rapporteur, C. A... Le président, L. Lainé La greffière, V. Desbouillons La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT03425
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANCY, 3ème chambre, 17/11/2020, 19NC03773-19NC03774, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... E..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel la maire de la commune de Loivre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie qu'elle a déclarée le 10 juin 2017 et a prononcé son placement en congé de maladie ordinaire à compter de cette date. Par un jugement n° 1800386 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 22 décembre 2017 et a enjoint à la maire de Loivre, dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D... le 10 juin 2017. Procédures devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019, sous le n° 19NC03773, la commune de Loivre, représentée par Me G..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019 ; 2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme D... ; 3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable ; - le jugement de première instance, qui se borne à évoquer un contexte conflictuel, sans en préciser les circonstances particulières, est insuffisamment motivé au regard de l'argumentation qu'elle a développée ; - en fondant leur décision sur l'existence d'un contexte conflictuel, sans étayer ce constat par des faits précis, les premiers juges n'ont pas vérifié la réalité du lien direct entre la pathologie et le service, alors même que la charge de la preuve à cet égard incombe à l'agent et non pas à la collectivité, ni examiné si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service ; - les troubles anxio-dépressifs de Mme D... ne sauraient être regardés comme imputables aux conditions d'exercice de ses fonctions, au contexte conflictuel qu'elle a contribué à installer dans le service ou encore à son altercation avec la maire survenue le 10 juin 2017 ; - le comportement de l'agent lors de l'altercation du 10 juin 2017 est constitutif d'une faute qui détache la pathologie du service. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, Mme F... E..., épouse D..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Loivre d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés. II. Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019, sous le numéro 19NC03774, la commune de Loivre, représentée par Me G..., demande à la cour de prononcer, à titre principal sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, à titre subsidiaire sur celui de l'article R. 811-17 du même code, le sursis à exécution du jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019. Elle soutient que : - au moins un des moyens qu'elle invoque paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par les premiers juges ; - en estimant que la pathologie déclarée par la requérante le 10 juin 2017 était imputable au service, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits de l'espèce et a commis, en outre, une erreur de droit en inversant la charge de la preuve de la réalité du lien direct entre cette pathologie et le service ; - l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour la commune en termes de bon fonctionnement du service et en termes financier. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, Mme F... E..., épouse D..., représentée par Me C..., conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à la condamnation de la commune de Loivre à lui verser la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, enfin, à la mise à la charge de la commune d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés et que, eu égard à la légèreté et à la mauvaise foi dont a fait preuve la commune en introduisant le présent recours, elle est fondée à réclamer 3 500 euros pour procédure abusive et injustifiée. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes n° 19NC03773 et 19NC03774, présentées pour la commune de Loivre, sont relatives à la situation d'un même fonctionnaire territorial. Elles soulèvent des questions analogues et on fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 2. Mme F... E..., épouse D... exerce, depuis le 1er octobre 2011, les fonctions de secrétaire de mairie au sein de la commune de Loivre. D'abord recrutée sur la base d'un contrat à durée déterminée de six mois, qui a été renouvelé à deux reprises pour une durée d'un an, les 1er avril 2012 et 1er avril 2013, elle a été titularisée le 1er avril 2015, à l'issue d'une période de stage d'un an, dans le grade d'ajointe administrative territoriale de deuxième classe. A la suite d'une altercation survenue le 10 juin 2017 entre l'intéressée et la maire de la commune, la requérante a été placée, à compter du même jour, en arrêt de travail pour " syndrome anxio-dépressif réactionnel ". Le 8 décembre 2017, Mme D... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Après avoir recueilli, le 23 novembre 2017, l'avis défavorable de la commission départementale de réforme de la Marne, la maire de Loivre a, par un arrêté du 22 décembre 2017, refusé de faire droit à sa demande et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 10 juin 2017. La requérante a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté municipal du 22 décembre 2017. La commune de Loivre relève appel du jugement n° 1800386 du 5 novembre 2019, qui annule cet arrêté et enjoint à la maire, dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D... le 10 juin 2017. Par une requête distincte, la commune sollicite également le sursis à l'exécution de ce même jugement. En ce qui concerne la requête n° 19NC03773 : Sur la régularité du jugement : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir constaté que l'altercation du 10 juin 2017 s'inscrivait " dans un cadre conflictuel préexistant à cette situation et dans un contexte général de dégradation des relations " entre les protagonistes, a considéré, au vu des éléments médicaux versés au dossier, que le syndrome anxio-dépressif réactionnel de Mme D... présentait " un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec ses conditions de travail ". Il a également pris soin de préciser que le comportement reproché à l'agent lors de l'incident du 10 juin 2017, " directement lié aux conditions d'exercice de l'activité professionnelle de la requérante et aux relations conflictuelles qu'elle entretenait avec le maire de la commune ", ne saurait constituer une faute personnelle ou une circonstance particulière susceptible de détacher du service la pathologie dont il souffre. Il en a conclu que l'arrêté municipal litigieux du 22 décembre 2017, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, a méconnu les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Par suite, eu égard à l'argumentation développée par la commune de Loivre en première instance et alors que les premiers juges ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments avancés devant eux par les parties, le moyen tiré de ce que le jugement contesté serait entaché d'irrégularité pour insuffisance de motivation doit être écarté. 4. En second lieu, si la commune requérante fait également valoir que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne aurait, à tort, inversé la charge de la preuve en faisant peser sur la collectivité l'obligation de démontrer l'absence de lien direct entre la pathologie de l'agent et l'exercice des fonctions ou les conditions de travail, cette circonstance, à la supposer établie, si elle est de nature affecter le bien-fondé du jugement de première instance, s'avère, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, ce moyen ne peut être accueilli. Sur le bien-fondé du jugement : 5. En premier lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (...) / IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". 6. En l'absence de dispositions contraires, les dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui sont suffisamment claires et précises, sont d'application immédiate. Elles ont donc vocation à régir les situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de sécurité juridique, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a totalisé en 2016 cent cinquante-trois jours d'arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel. Cette pathologie, pour le traitement de laquelle la requérante est suivie depuis le 16 juin 2016, a notamment été diagnostiquée, le 18 janvier 2016, par un médecin du service médical interprofessionnel de la région de Reims. Dans ces conditions, la situation de Mme D... doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions de l'article 51 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable. 8. En second lieu, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. En revanche, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 9. Il ressort des pièces du dossier que, si Mme D... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 10 juin 2017, elle a fait également valoir, devant les premiers juges, que sa pathologie était liée aux difficultés rencontrées dans le cadre de son activité professionnelle. Il n'est pas sérieusement contesté que l'intéressée entretient, depuis le mois d'octobre 2015, des relations conflictuelles avec la maire de Loivre et que, au cours de l'année 2016, elle totalisait cent cinquante-trois jours d'arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel consécutif, selon elle, à un " harcèlement au travail ". Selon le premier expert, qui a examiné Mme D... le 30 août 2017 à la demande de la collectivité, celle-ci " est suivie depuis le 16 juin 2016 avec plusieurs arrêts de travail en maladie pour le même motif que son accident de travail ". Dans ces conditions, la pathologie dont souffre l'intéressée doit être regardée comme la conséquence, non pas de l'accident du 10 juin 2010, mais de la situation conflictuelle préexistante à cette altercation. 10. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que, dans un courrier du 18 janvier 2016 adressé au médecin traitant de Mme D..., le médecin du service médical interprofessionnel de la région de Reims a estimé que le syndrome anxio-dépressif de l'agent était " vraisemblablement réactionnel à des situations professionnelles ". De même, le deuxième expert sollicité par la commune conclut, à l'issue de son examen du 18 octobre 2017, à l'existence d'un " lien direct, certain et exclusif " entre la symptomatologie anxio-dépressive réactionnelle de l'agent et l'accident de service déclaré le 10 juin 2017. Enfin, saisi par le comité médical départemental de la Marne le 24 janvier 2018 afin de savoir s'il y a lieu de placer l'intéressée en congé de longue maladie à compter du 10 juin 2017, un troisième expert affirme quant à lui : " Sans aucun antécédent psychiatrique personnel, Mme D... (...) présente un état anxieux grave avec un état dépressif de sévérité moyenne. Cet état paraît être réactionnel à une situation professionnelle compliquée et pathogène pour la patiente. ". Dans ces conditions, en l'absence d'éléments contraires et alors que l'avis défavorable de la commission départementale de réforme de la Marne du 23 novembre 2017 est uniquement motivé par " l'absence de fait accidentel (...) résultant d'une action soudaine et violente d'un événement extérieur ", la pathologie de Mme D... doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice des fonctions ou les conditions de travail. 11. Pour contester cette appréciation, la commune de Loivre ne saurait utilement soutenir qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. De même, elle ne peut sérieusement prétendre que la pathologie de Mme D... serait liée à la procédure disciplinaire engagée à son encontre le 31 mai 2017. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent, ainsi que l'affirme la collectivité, aurait contribué, par son seul comportement, à la survenance de son état anxio-dépressif. S'il est vrai que Mme D... a fait l'objet, le 20 juin 2017, d'un blâme, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1701629 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 mai 2018, pour avoir refusé d'accomplir certaines tâches demandées par l'autorité hiérarchique, il n'est pas contesté qu'une partie des fonctions de secrétaire de mairie ne relève pas de son grade et que cette situation a rendu nécessaire le recrutement d'une rédactrice territoriale le 7 mars 2017. Enfin, à supposer même que la manière de servir de Mme D... ne soit pas entièrement satisfaisante et qu'elle aurait adopté un comportement fautif lors de l'altercation du 10 juin 2017, en hurlant à la maire de Loivre qu'elle était une " menteuse et une harceleuse ", de tels éléments ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à détacher la pathologie du service. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté municipal du 22 décembre 2017 et a enjoint à la maire de Loivre de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D... le 10 juin 2017. Sur les frais de justice : 13. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Loivre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En ce qui concerne la requête n° 19NC03774 : Sur le sursis à l'exécution du jugement : 14. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019, les conclusions de la requérante tendant au sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet et il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer. 15. La présente requête ne présentant pas de caractère abusif et injustifié, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'indemnisation de Mme D..., ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusion à fin de sursis à l'exécution du jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019 de la requête n° 19NC03774. Article 2 : La requête n° 19NC03773 et le surplus des conclusions de la requête n° 19NC03774 sont rejetés. Article 3 : La commune de Loivre versera à Mme D... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions à fin d'indemnisation et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par Mme D... dans l'instance n° 19NC03774, sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Loivre et à Mme F... E..., épouse D.... N° 19NC03773 et 19NC03774 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 3ème chambre, 17/11/2020, 18NC03352, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... B..., née E..., et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, de condamner la commune de Dole à leur verser la somme totale de 1 023 920,02 euros, augmentée d'une indemnisation pour dépréciation monétaire et de la capitalisation des intérêts échus à compter du 11 août 2016, en réparation de divers préjudices en lien avec l'accident de service du 12 septembre 1995, dont a été victime Mme B..., d'autre part, de procéder à la revalorisation annuelle de la rente sollicitée en application des dispositions de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Par un jugement n° 1701384 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2018, et trois mémoires complémentaires, enregistrés respectivement les 17 septembre 2019, 5 février et 13 février 2020, Mme F... B..., née E..., et M. D... B..., représentés par Me H..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 1701384 du tribunal administratif de Besançon du 17 mai 2018 ; 2°) de condamner respectivement la commune de Dole à leur verser la somme de 280 039,22 euros, à verser à Mme B... la somme de 1 204 761,93 euros et à verser à M. B... la somme de 135 668,25 euros ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'exception de prescription quadriennale, qui n'a pas été soulevée en première instance, ne peut plus leur être opposée en appel ; - les premiers juges ont omis de statuer sur les prétentions indemnitaires de M. B... ; - les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en fondant leur décision sur un jugement antérieur du tribunal administratif de Besançon, qui n'a pas été porté à la connaissance des parties, ni soumis au débat contentieux ; - les écritures en défense ne sont pas recevables, dès lors que le maire de Dole ne justifie pas de sa qualité pour agir en justice au nom de la commune ; - Mme B... a été victime d'un accident de service le 12 septembre 1995, qui résulte d'un dysfonctionnement fautif dans l'organisation du service imputable à la commune de Dole ; - le comportement de la collectivité, postérieurement à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident, est constitutif de diverses fautes qui engagent sa responsabilité ; - Mme B... est fondée à réclamer la somme de 72 830,84 euros, majorée de 3 351,39 euros pour tenir compte de l'érosion monétaire, au titre de son préjudice professionnel, la somme de 45 729,80 euros, majorée de 5 387,39 euros pour tenir compte de l'érosion monétaire, au titre des frais de déplacement, d'aide à domicile, de soins et de droits d'inscription au Centre national d'enseignement à distance restés à sa charge, la somme de 277 665,85 euros au titre de ses frais futurs en matière d'aide à domicile, de soins et d'adaptation de son logement, la somme de 54 970 euros au titre des indemnités de fonctions arbitrales au sein de la Fédération française de cyclisme, dont elle a été privée, la somme de 378 435 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, la somme de 70 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, enfin, la somme de 120 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ; - M. B... est fondé à réclamer les sommes respectives de 8 264,32 euros, majorée de 1 264,62 euros pour tenir compte de l'érosion monétaire, au titre de ses frais de déplacements et du temps consacré à son épouse malade, de 90 000 euros au titre de son préjudice moral et de 20 000 euros au titre de son préjudice sexuel. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 20 décembre 2019 et le 18 juin 2020, la commune de Dole, représentée par Me G..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête ou, subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une expertise médicale. Elle soutient que - les prétentions indemnitaires des requérants ne sont pas fondées ; - subsidiairement, ces prétentions indemnitaires doivent être ramenées à de plus justes proportions ; - alors que la dernière expertise de Mme B... remonte au 24 septembre 1999 et que son état de santé s'est aggravé en 2011, une expertise médicale permettrait d'établir le lien entre les préjudices allégués par les requérants et l'accident de service du 12 septembre 1995. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme F... B... était adjointe administrative au secrétariat général de la commune de Dole. Elle a été victime, le 12 septembre 1995, alors qu'elle effectuait des travaux de manutention, d'un accident reconnu imputable au service lui occasionnant un traumatisme abdominal. Ayant subi une intervention chirurgicale, le 26 mars 1996, l'intéressée a été placée en congé de maladie ordinaire à plein traitement, du 26 mars au 25 juin 1996, puis, à demi-traitement, du 26 juin 1996 au 19 mars 1997. A la suite de l'avis défavorable de la commission de réforme du 20 septembre 1996, le maire de Dole, par une décision du 21 octobre 1996, a refusé de prendre en charge les dépenses médicales et pharmaceutiques supportées par Mme B... depuis le 26 mars 1996. Par un jugement du 30 avril 1998, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision au motif que les dépenses en cause présentaient un lien direct avec l'accident de service du 12 septembre 1995 et a condamné l'employeur public à verser à l'agent une somme de 20 000 francs au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence. Par courriers des 28 octobre 2014 et 8 août 2016, M. et Mme B... ont adressé à la commune de Dole des demandes d'indemnisation complémentaires de divers préjudices qu'ils estiment également en lien direct avec l'accident de service du 12 septembre 1995. Ces demandes préalables ayant été rejetées le 13 janvier 2017, les requérants ont saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation de la collectivité à leur verser la somme totale de 1 023 920,02 euros, augmentée d'une indemnisation pour dépréciation monétaire et de la capitalisation des intérêts échus à compter du 11 août 2016, d'autre part, à la revalorisation annuelle de la rente sollicitée en application des dispositions de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Ils relèvent appel du jugement n° 1701384 du 17 mai 2018, qui rejette leur demande. Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune de Dole : 2. Il résulte de l'instruction que, par une délibération du 25 mai 2020, produite avant la clôture de l'instruction, le conseil municipal de Dole, en application des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, a donné tous pouvoirs à son maire, pendant la durée de son mandat, " pour intenter au nom de la commune les actions en justice pour obtenir réparation d'un préjudice subi directement ou indirectement par elle, pour défendre la commune dans les actions intentées contre elle, cette capacité étant applicable à l'ensemble du contentieux communal et toutes les étapes et pour tous les types de procédures civiles, administratives et pénales (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'irrecevabilité des écritures en défense de la collectivité doit être écarté. Sur la régularité du jugement : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus au nom du peuple français. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 10 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les jugements sont publics. (...) ". Contrairement aux allégations des requérants, les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle en fondant leur décision sur un jugement antérieur du tribunal administratif de Besançon, lequel jugement, rendu au nom du peuple français et public, n'avait pas à être porté à la connaissance des parties, ni soumis au débat contentieux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté. 4. D'autre part, il résulte de l'instruction que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. B.... Par suite, le jugement du tribunal administratif de Besançon doit être annulé comme irrégulier dans cette mesure. Il y a donc lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant les premiers juges. 5. Il est constant que M. B... sollicite, tant en première instance qu'en appel, l'indemnisation de son préjudice moral, de son préjudice sexuel et du préjudice résultant de ses frais de déplacement et du temps consacré à son épouse malade. Toutefois, l'intéressé n'établit pas la réalité de ces différents chefs de préjudices, ni, à plus forte raison, leur lien direct avec l'accident de service du 12 septembre 2015, dont a été victime Mme B.... Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. B... en première instance et en appel ne peuvent qu'être rejetées. Sur le bien-fondé du jugement : 6. Les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965, remplacés, à compter du 1er janvier 2004, par les articles 36 et 37 du décret du 26 décembre 2003, instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Les dispositions instituant ces prestations doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 7. Il n'est pas contesté que Mme B... a été victime, le 12 septembre 1995, alors qu'elle effectuait des travaux de manutention, d'un accident de service lui occasionnant un traumatisme abdominal. Contrairement aux allégations des requérants, il ne résulte pas de l'instruction que cet accident serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Dole. Si Mme B... fait valoir qu'elle avait déjà rencontré des difficultés pelviennes, sphinctériennes et abdominales ayant nécessité des interventions chirurgicales, il n'est pas établi que la commune avait connaissance de tels antécédents médicaux. De même, la circonstance que, postérieurement à l'accident du 12 septembre 1995, la collectivité ait été destinataire, le 19 octobre 1995, d'un avis de la médecine du travail concluant à une aptitude de la requérante à son poste dans un emploi de bureau, mais également à une inaptitude temporaire de l'intéressée au port de charges, eu égard à sa pathologie récente et à ses antécédents médicaux, ne permet pas de démontrer l'existence d'un comportement fautif de la part de l'employeur. Enfin, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des illégalités commises par la commune de Dole postérieurement à la reconnaissance, le 19 octobre 1995, de l'imputabilité au service de l'accident, ni d'un rapport de la chambre régionale des comptes de Franche-Comté critiquant les insuffisances de la commune en matière de gestion des ressources humaines entre 1993 et 2001. A défaut pour l'intéressée de démontrer que l'accident de service du 12 septembre 1995 serait la conséquence d'une faute imputable à la collectivité, Mme B... ne peut prétendre à être indemnisée d'un préjudice professionnel lié aux pertes de revenus, lequel est couvert par l'allocation temporaire d'invalidité ou par la rente viagère d'invalidité à laquelle elle a droit depuis son admission à la retraite au 1er juin 2001. 8. Par ailleurs, si l'intéressée se prévaut de divers préjudices patrimoniaux ou personnels, dont elle sollicite la réparation au titre de la responsabilité sans faute de la commune, elle ne démontre pas en quoi ces préjudices présenteraient un lien direct avec l'accident de service du 12 septembre 1995, alors qu'il est constant que les problèmes pelviens, sphinctériens et abdominaux de l'intéressée sont antérieurs à son accident et que son état de santé s'est aggravé en 2011. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise médicale, les conclusions à fin d'indemnisation de Mme B... doivent être rejetées. Sur les frais de justice : 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Dole la somme demandée par M. et Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1701384 du tribunal administratif de Besançon du 17 mai 2018 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions à fin d'indemnisation de M. B.... Article 2 : Les conclusions à fin d'indemnisation présentées en première instance par M. B... sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et de Mme B... est rejeté. Article 4 : Les conclusions de la commune de Dole tendant à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une expertise médicale sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... née E..., à M. D... B... et à la commune de Dole. N° 18NC03352 2
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/11/2020, 431508
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'avis défavorable émis par la Caisse des dépôts et consignations le 3 août 2016 sur sa demande d'allocation temporaire d'invalidité et, d'autre part, la décision du 14 octobre 2016 par laquelle la Caisse des dépôts et consignations a rejeté son recours gracieux contre cet avis. Par un jugement n° 1603760 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 18DA02560 du 3 juin 2019, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi, enregistré le 17 décembre 2018 au greffe de la cour, présenté par Mme A.... Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 5 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ; 3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat, - les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de Mme A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., qui était élève-officier sous contrat du 23 septembre 2009 au 1er février 2010, date à laquelle elle a été radiée des contrôles, a été victime d'un premier accident de service le 6 décembre 2009. Par une décision du 14 mars 2013, le ministre de la défense a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité qu'elle avait présentée au titre des séquelles de cet accident. Recrutée par le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime comme rédacteur territorial stagiaire à compter du 20 février 2012, puis titulaire à compter du 6 mars 2013, elle a été victime d'un second accident de service le 10 décembre 2013. Le 27 janvier 2015, Mme A... a demandé à bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité au titre des séquelles de ces deux accidents. Par un arrêté du 17 février 2016, le président du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime a fait droit à sa demande, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse des dépôts et consignations. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'avis défavorable émis par la Caisse des dépôts et consignations et de la décision rejetant son recours gracieux contre cet avis. 2. D'une part, l'article L. 4123-2 du code de la défense, applicable en vertu de l'article L. 4111-2 du même code aux militaires servant en vertu d'un contrat, dispose que : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 2, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". Aux termes de l'article L. 4, alors applicable, du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les militaires, y compris sous contrat, qui, en raison d'un accident de service, ont subi une infirmité entraînant une incapacité égale ou supérieure à 10 %, peuvent bénéficier d'une pension militaire d'invalidité. 3. D'autre part, l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose que : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité ". Le III de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale maintient en vigueur et étend à l'ensemble des agents concernés par cette loi les dispositions de l'article L. 417-8 du code des communes aux termes duquel : " Les communes et les établissements publics communaux et intercommunaux sont tenus d'allouer aux agents qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à un taux minimum déterminé par l'autorité supérieure ou d'une maladie professionnelle une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec le traitement, dans les mêmes conditions que pour les fonctionnaires de l'Etat ". L'article 2 du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dispose que : " L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % ; b) Soit de l'une des maladies d'origine professionnelle énumérées par les tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; c) Soit d'une maladie reconnue d'origine professionnelle dans les conditions mentionnées aux alinéas 3 et 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions de l'article 6 du présent décret (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à prendre en considération est apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire ". Aux termes de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret (...) ". Le barème visé par ces dispositions est annexé au décret du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28. Il précise, en son chapitre préliminaire I B, les conditions dans lesquelles il est tenu compte d'infirmités successives résultant d'événements différents imputables au service. Aux termes de l'article 10 du décret du 2 mai 2005 : " En cas de survenance d'un nouvel accident ouvrant droit à allocation et sous réserve qu'une demande ait été formulée dans les délais prescrits à l'article 3, il est procédé à un nouvel examen des droits du requérant compte tenu de l'ensemble des infirmités. Une nouvelle allocation est éventuellement accordée, en remplacement de la précédente, pour une durée de cinq ans (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que, dans l'hypothèse où un fonctionnaire territorial a subi successivement deux accidents de service qui, pris isolément, se traduisent chacun par un taux d'incapacité inférieur à 10 %, mais qui, cumulés, atteignent ce seuil, ce fonctionnaire peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité tenant compte de l'ensemble de ces infirmités. 5. Il doit en aller de même, dès lors qu'en conséquence de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984, mentionné au point 3, l'allocation temporaire d'invalidité est allouée dans les mêmes conditions aux fonctionnaires territoriaux et aux fonctionnaires de l'Etat, dans le cas où le fonctionnaire appartenait à la fonction publique de l'Etat à la date du premier accident de service et était devenu fonctionnaire territorial à la date du second accident de service. 6. Les dispositions citées au point 3 doivent recevoir la même interprétation dans le cas où le fonctionnaire territorial avait, à la date du premier accident de service, la qualité de militaire, alors même que les conditions d'indemnisation forfaitaire des séquelles des accidents de service dont sont victimes les militaires et les fonctionnaires civils relèvent de régimes différents, dès lors qu'aucune différence de situation ne justifie, au regard du principe d'égalité, compte tenu de la nature et de l'objet de l'allocation temporaire d'invalidité, que l'incapacité résultant d'un premier accident de service subi en qualité de militaire ne soit pas prise en compte pour le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité alors qu'elle le serait si cet accident avait été subi en tant que fonctionnaire civil. A cet égard, le décret du 2 mai 2005, dont l'article 14 se borne à traiter le cas de l'agent titulaire déjà bénéficiaire d'une allocation temporaire d'invalidité qui passe d'une fonction publique à une autre, ne saurait être interprété comme excluant la prise en compte, pour l'attribution de cette allocation, de l'incapacité résultant d'un accident de service antérieurement subi par un agent alors qu'il avait la qualité de militaire. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme A... est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Rouen a commis une erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que les infirmités survenues lorsqu'elle était officier sous contrat relevaient d'un régime spécial prévu par le code des pensions civiles et militaires de retraite, qu'elles ne pouvaient être prises en compte pour le calcul du taux d'invalidité ouvrant droit à une allocation temporaire d'invalidité, en l'absence de dispositions prévoyant une telle possibilité. Mme A... est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 8. Il y a lieu de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rouen. Article 3 : La Caisse des dépôts et consignations versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Caisse des dépôts et consignations. ECLI:FR:CECHR:2020:431508.20201120
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 3ème chambre, 17/11/2020, 18LY01230, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Le B... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui payer la somme de 32 400 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2014 et de la capitalisation de ceux-ci. Par un jugement n° 1501318 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à payer la somme de 32 400 euros au B... d'indemnisation des victimes de l'amiante avec intérêts et capitalisation. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 5 avril 2018, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me E..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 février 2018 en tant qu'il l'a condamné à payer au B... d'indemnisation des victimes de l'amiante une somme supérieure à 20 100 euros ; 2°) de mettre à la charge du B... d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - la motivation du jugement sur la surestimation du préjudice moral est insuffisante Sur le bien-fondé du jugement : - l'étendue de la subrogation du FIVA prévue par le VI de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 ne concerne que les sommes versées par ce dernier au titre de l'accord amiable avec le demandeur et ne s'étend pas aux sommes versées en application d'une action contentieuse de la victime ; la demande du FIVA est donc entachée d'une erreur de droit ; - dès lors qu'il s'agit d'engager sa responsabilité sans faute, il appartient au juge administratif d'évaluer par lui-même la réparation qui doit rester à sa charge étant donné par ailleurs qu'il ne conteste pas le montant initialement proposé par le FIVA sur la base de son barème indicatif ; - le montant du préjudice moral retenu par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est trop élevé. Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2018, le B... d'indemnisation des victimes de l'amiante, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 2 000 euros. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Par ordonnance du 29 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ; - le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au B... d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Sophie Corvellec, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. C..., maître ouvrier du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a saisi le B... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation en réparation du préjudice lié à la maladie professionnelle qu'il a contractée en raison de son exposition prolongée à l'amiante. Insatisfait de la proposition qui lui a été faite par le FIVA d'une indemnisation de 20 100 euros, M. C... a saisi la cour d'appel de Riom, qui, par un arrêt du 10 juin 2014, a condamné le FIVA à lui verser la somme de 32 400 euros. Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ayant rejeté la demande du FIVA, subrogé dans les droits de M. C..., de lui payer cette somme, l'organisme a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande de condamnation du centre hospitalier. Ce dernier relève appel du jugement rendu le 8 février 2018 par lequel ce tribunal l'a condamné à verser au FIVA la somme de 32 400 euros assortie des intérêts légaux et de la capitalisation y afférant. 2. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en relevant au point 5 de son jugement que M. C... souffrait de plaques pleurales, et que son état psychologique était très détérioré, a répondu de façon suffisamment motivée au moyen tiré de la surestimation du préjudice moral de M. C.... Le Centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand n'est ainsi pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier. 3. Aux termes de l'article 53 loi 23 décembre 2000 susvisée : " I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : 1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ; 2° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République française ; 3° Les ayants droit des personnes visées aux 1° et 2°. / II. - Il est créé, sous le nom de "B... d'indemnisation des victimes de l'amiante", un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. / Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis au I du présent article. (...) / V. - Le demandeur ne dispose du droit d'action en justice contre le B... d'indemnisation que si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du IV ou s'il n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. / Cette action est intentée devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur. VI. - Le B... est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. " Il résulte de ces dispositions, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, que le B... d'indemnisation des victimes de l'amiante est subrogé aux droits de la victime dans l'hypothèse où le montant de l'indemnisation allouée à la victime est fixée par la cour d'appel mentionnée au V. de ces dispositions. Par ailleurs, la circonstance que l'article 36 du décret du 23 octobre 2001 susvisé prévoit la subrogation dans le cas de l'acceptation de l'offre du FIVA par le demandeur, n'a pas pour effet d'exclure cette subrogation dans l'hypothèse d'une condamnation du FIVA par la cour d'appel mentionnée au V. des dispositions précitées. 4. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé à bon droit qu'il n'était pas tenu par le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Riom rendu le 10 juin 2014, ni par les motifs qui en constituent le soutien nécessaire dès lors que les parties au litige présenté devant cette juridiction ne sont pas les mêmes que celui soulevé devant les juges de première instance de la juridiction administrative. Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ne conteste ni l'origine ni le caractère professionnel de la maladie contractée par M. C..., mais seulement le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice moral de ce dernier. Compte tenu de la détérioration prolongée de l'état psychologique de M. C... lié à la découverte de cette maladie, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subit par M. C... en fixant le montant de sa réparation à 19 000 euros. Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ne contestant pas, par ailleurs, le montant de l'évaluation des autres préjudices subis par M. C... du fait de sa maladie, il n'est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser au FIVA une somme, que dans la mesure où celle-ci est supérieure à 21 400 euros. Cette somme doit être assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre de l'indemnité que le FIVA a lui-même versé à M. C... pour la réparation des préjudices moral, physique et d'agrément subis en raison de son exposition professionnelle à l'amiante. Il y a lieu, dans cette mesure, de réformer l'article 1er du jugement attaqué. Sur les frais d'instance : 5. Il n'y pas lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'une ou l'autre partie des frais non compris dans les dépens. Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et du B... d'indemnisation des victimes de l'amiante sur ce point doivent dès lors être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à payer la somme de 21 400 euros au B... d'indemnisation des victimes de l'amiante. Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 février 2018 est modifié dans cette mesure. Les autres dispositions de cet article restent inchangées. Article 3 : Le surplus des conclusions respectives du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et du B... d'indemnisation des victimes de l'amiante est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et au B... d'indemnisation des victimes de l'amiante. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient : Mme D... A..., présidente de chambre, M. Gilles Fedi, président-assesseur, M. Pierre Thierry, premier conseiller. Lu en audience publique, le 17 novembre 2020. No 18LY012302
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 17/11/2020, 19MA04742, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, M. A... C... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 26 décembre 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de majoration de pension militaire d'invalidité pour aide par tierce personne, au titre de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un jugement n° 18/00090 du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle rejetait la demande d'allocation au titre de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et lui en a accordé le bénéfice à compter du 11 octobre 2016. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2019 et le 28 octobre 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019. Elle soutient que les seules infirmités de M. C... lui ouvrant droit à pension ne le mettent pas dans l'obligation de recourir à l'aide constante d'une tierce personne pour accomplir tout au long de la journée les actes les plus nombreux de la vie. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2020, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par décision du 29 mai 2020, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 22 janvier 1975, a servi jusqu'au 31 mars 2012 dans un régiment des chasseurs parachutistes, au grade de caporal-chef. Il a bénéficié à compter du 15 janvier 2014 au 14 janvier 2017 d'une pension militaire d'invalidité temporaire au taux global de 65% pour les infirmités " séquelles de traumatisme rachis cervical avec hernie discale C5-C6 opérée sur uncarthrose globale débutante ; raideur complète du rachis ; contractures hyperalgiques du rachis cervical avec irradiation aux membres supérieurs ", " séquelles de traumatisme du poignet droit à type de raideur en position favorable " et " séquelles de fracture de D11-D12 ; limitation du déroulement du rachis dorsal en flexion ". Il a demandé le 11 octobre 2016 une majoration de sa pension pour aggravation de ses infirmités et le bénéfice de la majoration de sa pension pour assistance d'une tierce personne. Par arrêté du 26 décembre 2017, la ministre des armées lui a accordé le bénéfice d'une pension globale définitive au taux de 65% pour les infirmités déjà pensionnées et d'une pension temporaire du 7 mars 2017 au 6 mars 2020 pour une cinquième infirmité " syndrome anxio-dépressif réactionnel ", portant sa pension au taux global, pour cette période, de 80%. Elle a en revanche refusé d'accorder une majoration de pension pour aggravation des infirmités pensionnées, considéré que M. C... n'avait pas droit à pension pour deux infirmités nouvelles décelées lors de l'expertise du 7 mars 2017 à savoir, d'une part des " douleurs neuropathiques et hypoesthésie mal systématisée des membres inférieurs ; perte de force des membres inférieurs ; troubles au niveau de la queue de cheval ", infirmité évaluée au taux de 10% mais non reconnue comme imputable au service par défaut de preuve et de présomption de preuve et d'autre part, une " hypoesthésie premier et deuxième doigts droits chez un droitier ", au motif que le taux de cette invalidité était inférieur au minimum indemnisable de 10%. Enfin, la ministre a refusé à M. C... le bénéfice de l'allocation pour assistance par tierce personne. Saisi d'un recours de M. C... contre l'arrêté du 26 décembre 2017 en tant qu'il refusait de lui accorder le bénéfice de cette allocation, le tribunal des pensions de Marseille a annulé, dans cette mesure, l'arrêté contesté et a accordé à M. C... le bénéfice de l'allocation pour assistance par tierce personne à compter du 11 octobre 2016. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation s'ils la réclament (...). S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir de manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension ". 3. D'une part, si ces dispositions ne peuvent être interprétées comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes essentiels de la vie, elles imposent, toutefois, que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire pré-établi et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé. 4. D'autre part, les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé. 5. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport d'expertise du docteur Saint Germes en date du 7 mars 2017 que M. C... est dans l'incapacité d'accomplir seul les actes de la vie quotidienne que sont la possibilité de quitter son lit, de satisfaire seul ses besoins naturels, de faire sa toilette, de se vêtir et de se dévêtir totalement, et d'utiliser un moyen de transport individuel et collectif. Il est également décrit comme sujet à des accès d'hyperalgies morphiniques constituant un danger pour sa vie et impliquant une surveillance constante. D'une part, si le besoin d'assistance par une tierce personne quotidienne est évalué à deux heures quotidiennes, les actes qui nécessitent une telle assistance se répartissent tout au long de la journée et ne peuvent pas être toujours subordonnés à un horaire préétabli. D'autre part, il ressort du rapport d'expertise que si une partie des difficultés de M. C..., impliquant les membres inférieurs, peut être imputable à des infirmités non pensionnées, les crises hyperalgiques morphiniques nécessitant une surveillance constante, et la plupart des impossibilités dont il est affecté, sont dues aux infirmités résultant de l'accident de saut en parachute survenu le 10 octobre 2010 à l'origine des infirmités pensionnées. Dès lors, M. C... remplissait les conditions pour bénéficier de l'allocation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées du 26 décembre 2017 en tant qu'elle rejetait la demande d'allocation au titre de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et lui en a accordé le bénéfice à compter du 11 octobre 2016. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D É C I D E : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Me B... la somme de 2 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. A... C... et à Me B.... Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme D..., première conseillère. Lu en audience publique, le 17 novembre 2020. 2 N° 19MA04742
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 18/11/2020, 427325, Publié au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 411 438 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la maladie professionnelle dont il est atteint. Par un jugement n°s 1405635, 1409312 du 28 avril 2017, le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 89 000 euros au titre de ses préjudices personnels et des préjudices patrimoniaux non réparés forfaitairement par la rente viagère d'invalidité. Par un arrêt n° 17MA02779 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. C..., condamné solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à indemniser M. C..., et porté à 134 000 euros le montant de l'indemnité due à l'intéressé. Par un pourvoi, enregistré le 24 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il le condamne solidairement avec la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. C... en tant qu'il est dirigé contre l'Etat. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme A... D..., auditrice, - les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., enseignant au lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille, a contracté une silicose dont l'imputabilité au service a été reconnue. Admis à la retraite pour invalidité ainsi qu'au bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, M. C... a recherché la responsabilité solidaire de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur afin d'obtenir réparation de l'intégralité des préjudices subis. Par un jugement du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat, en sa qualité d'employeur, à verser à M. C... la somme de 89 000 euros en réparation des préjudices non réparés par la rente viagère d'invalidité. Par un arrêt du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. C..., condamné solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au paiement de l'indemnité complémentaire à verser à M. C... afin d'assurer la réparation intégrale du dommage subi par celui-ci et porté à 134 000 euros le montant de cette indemnité. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il le condamne solidairement avec la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par la voie du pourvoi incident, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur demande l'annulation de l'arrêt en tant qu'il la condamne solidairement avec l'Etat à indemniser M. C.... Sur le pourvoi du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse : 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 3. Lorsqu'un fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, impute les préjudices qu'il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l'emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public dont elle a la charge, et qu'il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu'elles soient solidairement condamnées à réparer l'intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d'une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles exposées au point précédent et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d'autre part, de mettre à la charge de l'autre collectivité publique, s'il n'a pas été mis à la charge de l'employeur et s'il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d'indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis. 4. Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu'une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées au point 2 doit être supportée par l'autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l'affirmative, pour quel montant. 5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi qu'il a été dit au point 1 et en condamnant solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à indemniser M. C..., la cour administrative d'appel de Marseille a méconnu son office et que son arrêt doit être annulé. Sur le pourvoi incident de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. 6. L'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille prononcée ci-dessus prive d'objet le pourvoi incident de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt n° 17MA02779 de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 novembre 2018 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Article 4 : Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à M. B... C....ECLI:FR:CECHR:2020:427325.20201118
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 17/11/2020, 19MA05149, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal des pensions de Bastia d'annuler la décision du 17 août 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de réviser pour aggravation sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1700024 du 19 novembre 2018, le tribunal des pensions de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée au greffe de la cour régionale des pensions de Bastia le 18 décembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Bastia du 19 novembre 2018. Il soutient que les premiers juges ont omis de répondre à sa demande d'expertise présentée à titre subsidiaire alors que l'expert administratif avait retenu une aggravation de son état. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 4 juin 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - le taux d'invalidité propre à l'infirmité " troubles de la personnalité " doit être maintenu à 60 % dès lors que ce taux est le maximum prévu par le décret du 17 mai 1974 et que le symptôme dépressif avait déjà été constaté en 2001 ; - le taux d'invalidité propre à l'infirmité " syndrome déficitaire " ne peut davantage être augmenté en l'absence d'aggravation notable par rapport à l'état de l'intéressé constaté en 2014 et du fait de la disparition des troubles phasiques. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 décembre 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 3° concédée par un arrêté du 21 juin 2010 au titre de cinq infirmités résultant de blessures reçues à l'occasion du service au cours des opérations en Afrique du Nord en 1958, M. C..., rayé des contrôles le 15 mai 1959, en a demandé, le 6 juillet 2015, la révision pour aggravation des infirmités " troubles de la personnalité " et " syndrome déficitaire ". Il fait appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le tribunal des pensions de Bastia a refusé de lui accorder le bénéfice de cette demande. Sur la régularité du jugement : 2. Si le tribunal des pensions de Bastia n'a pas répondu expressément à la demande présentée à titre subsidiaire par le requérant, dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 14 septembre 2018, il ressort des motifs du jugement attaqué qu'il a entendu écarter cette demande comme frustratoire. Ainsi, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point. Sur les conclusions à fin de révision : 3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que, à l'appui de sa demande de révision de pension, M. C... a présenté un certificat médical daté du 16 juin 2015 mentionnant une dégradation de son état psychologique, marquée par l'apparition de symptômes dépressifs importants avec anhédonie et ralentissement psychomoteur, associés à une importante souffrance morale et à des idées morbides intrusives. L'expert chargé par l'administration d'examiner le requérant a constaté le 13 avril 2017, d'une part, un état dépressif sévère à symptomatologie mélancolique, ruminations mentales et anxiété avec irritabilité sensitive, d'autre part, d'importants troubles cognitifs avec difficultés attentionnelles majeures générant un dysfonctionnement de concentration et d'encodage mnésique. Il a proposé de porter le taux des infirmités " troubles de la personnalité " et " syndrome déficitaire ", respectivement, à 80 % et à 70 %. D'une part, toutefois, il ressort des motifs du jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 22 octobre 2009, qui a reconnu à l'intéressé, à compter du 28 mars 2003, le droit à la révision de sa pension du fait de l'aggravation de l'infirmité " troubles de la personnalité " et en a porté le taux de 30 % à 60 %, que M. C... était déjà à cette date du 28 mars 2003 atteint d'un syndrome anxio-dépressif sévère chronicisé depuis plusieurs mois. Si la fiche descriptive des infirmités accompagnant l'arrêté de concession du 21 juin 2010, pris en exécution de ce jugement, ne mentionnait pas la présence d'un état dépressif pour décrire l'infirmité " troubles de la personnalité ", le même expert avait déjà constaté le 14 avril 2004 un état de cette nature. D'autre part, les troubles cognitifs caractérisant l'infirmité " syndrome déficitaire " ne peuvent être regardés comme ayant été majorés par rapport au diagnostic établi dès 2004, date à laquelle l'expert avait constaté des troubles phasiques qu'il n'a pas retrouvés en 2017, pas davantage que des troubles praxiques. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la ministre des armées a refusé de procéder à la révision de la pension concédée au requérant. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Bastia a rejeté sa demande. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. D..., président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Lu en audience publique, le 17 novembre 2020. N° 19MA05149 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 9ème chambre, 20/11/2020, 426665, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, la décision du 13 mai 2016 par laquelle le directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté sa demande d'imputabilité au service de son affection à l'épaule droite et, d'autre part, la décision du 25 septembre 2015 par laquelle le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations lui a concédé une allocation temporaire d'invalidité au taux de 14 % à compter du 10 mai 2015. Par un jugement n° 1605592 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 18VE03912 du 26 décembre 2018, enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 27 décembre 2018, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 23 novembre 2018 au greffe de cette cour, présenté par M. B... A..., en tant qu'il porte sur le litige relatif au taux de l'allocation temporaire d'invalidité. Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 mars 2019, M. B... A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B... A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... B... A..., alors adjoint technique territorial de 2ème classe de la commune de Montgeron, a été victime, le 15 juin 2005, d'un premier accident du travail ayant entraîné une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche puis, le 25 février 2010, d'un deuxième accident du travail ayant entraîné une lésion du ménisque du genou gauche. Ces deux accidents ont été reconnus imputables au service et ont donné lieu à l'attribution à M. B... A... d'une allocation temporaire d'invalidité correspondant à un taux d'incapacité permanente partielle de 19 %, porté à 21 % à compter du 10 mai 2010. Par une décision du 25 septembre 2015, la Caisse des dépôts et consignations a indiqué à M. B... A... qu'une nouvelle allocation temporaire d'invalidité lui serait versée à compter du 10 mai 2015, correspondant à un taux d'incapacité permanente partielle de 14 %. Par une décision du 13 mai 2016, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a refusé de prendre en compte dans le calcul du taux de l'allocation temporaire d'invalidité de M. B... A... l'affection à l'épaule droite que ce dernier estime avoir subie en raison d'un troisième accident du travail survenu le 29 novembre 2012 et lui a refusé le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. B... A... tendant à l'annulation de ces deux décisions. Par une ordonnance du 26 décembre 2018, prise sur le fondement de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a renvoyé au Conseil d'Etat le pourvoi formé par M. B... A... contre ce jugement en tant qu'il porte sur le taux de son allocation temporaire d'invalidité. 2. Contrairement à ce que soutient la Caisse des dépôts et consignations, les conclusions du pourvoi de M. B... A... tendant à l'annulation du jugement du 24 septembre 2018 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il porte sur le taux de son allocation temporaire d'invalidité sont recevables, alors même que ses moyens portent sur l'imputabilité au service de la pathologie de son épaule droite, qui a également une incidence sur les conclusions que le président de la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas renvoyées au Conseil d'Etat. 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A... a versé aux débats un questionnaire d'expertise du 11 février 2014 signé du docteur Chanéac pour le compte de la commune de Montgeron qui indiquait que l'accident du travail dont il a été victime le 29 novembre 2012 avait entraîné des douleurs au niveau de ses deux épaules, un rapport d'expertise du 19 septembre 2014 mentionnant une affection à l'épaule droite en lien avec cet accident, un rapport médical du 19 décembre 2014 du même docteur Chanéac expliquant que la douleur à l'épaule droite était apparue en 2013, quelques semaines après l'accident, un protocole pour soins après consolidation du 4 mai 2015 signé du docteur Balat soulignant que l'accident du travail du 29 novembre 2012 avait eu pour conséquence la rupture de la coiffe des deux épaules de M. B... A... et enfin un procès-verbal de la séance du 2 avril 2015 de la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales mentionnant une rupture de coiffe de l'épaule droite entraînant un taux d'invalidité de 15 % imputable au service. Par suite, en jugeant que M. B... A... n'apportait aucun élément relatif à la cause de son infirmité à l'épaule droite et qu'il n'établissait pas que cette infirmité serait imputable à un accident de service, le tribunal administratif de Versailles a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il se prononce sur le taux d'incapacité permanente partielle servant de base à son allocation temporaire d'invalidité. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 000 euros à verser à M. B... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 24 septembre 2018 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il porte sur le taux d'incapacité permanente partielle servant de base à l'allocation temporaire d'invalidité accordée à M. B... A.... Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée au tribunal administratif de Versailles. Article 3 : La Caisse des dépôts et consignations versera à M. B... A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... A... et à la Caisse des dépôts et consignations. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance. ECLI:FR:CECHS:2020:426665.20201120
Conseil d'Etat