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CAA de NANCY, 5ème chambre, 28/01/2025, 21NC02179, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions des 1er avril 2019 et 10 janvier 2020, par lesquelles le maire de la commune de Charleville-Mézières a refusé de reconnaitre imputable au service la pathologie dont elle souffre. Par un jugement n° 2001753 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Mme C.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2021 et 21 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Lemonnier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 1er avril 2019 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à la commune de Charleville-Mézières de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard et d'enjoindre à la commune de prendre en charge ses arrêts de travail à compter du 2 novembre 2017 ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières le versement à Me Lemonnier d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a considéré qu'une décision implicite de rejet de sa demande est née le 19 octobre 2019 ; - il ne ressort pas des pièces du dossier que le rapport du médecin du service de médecine préventive a bien été remis à la commission de réforme ; - la décision du 1er avril 2019 est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne comportait pas en annexe l'avis de la commission de réforme alors qu'elle s'y réfère ; - sa maladie est imputable au service dès lors qu'elle a pris naissance le 15 juillet 2015 à l'occasion de gros travaux en période estivale, que la commission de réforme n'a pas remis en cause la désignation de la pathologie et les travaux à l'origine de celle-ci mais n'a pas recherché la date d'apparition de la pathologie et que le critère de délai de prise en charge de six mois ne lui était pas opposable. Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2023, la commune de Charleville-Mézières, représentée par Me Lafay, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriales et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique, - et les observations de Me Lemonnier pour Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C... est agent territorial spécialisé des écoles maternelles principal de 2ème classe de la commune de Charleville-Mézières. Le 16 janvier 2018, elle a déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle concernant une radiculalgie crural L4 gauche sur hernie discale L3-L4. Le 22 mars 2019, la commission de réforme a rendu un avis défavorable qui a été suivi par le maire de la commune, lequel a rejeté la demande de Mme C... par un arrêté du 1er avril 2019. Mme C... a présenté un recours gracieux le 29 mai 2019. La commission de réforme a réexaminé la demande de Mme C... le 19 juillet 2019 et a décidé de demander des précisions supplémentaires et de surseoir à statuer le 20 septembre 2019 avant de confirmer son avis initial le 10 janvier 2020. Mme C... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes du IV l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions (...) ". Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 3. En l'espèce, Mme C... a sollicité, le 16 janvier 2018, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle concernant une radiculalgie crural L4 gauche sur hernie discale L3-L4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié d'un arrêt de travail du 15 au 31 juillet 2015 en raison de " douleurs de la colonne vertébrale, épaule, avec importante altération de l'état général " ainsi que d'une cure médicale pour traiter son rachis lombaire. En conséquence, la pathologie a été diagnostiquée à une date antérieure à l'entrée en vigueur, des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Seules les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 citées au point 2 étaient applicables. 4. Il en résulte que les conditions posées par le tableau des maladies professionnelles n° 98 de l'annexe II du code de la sécurité sociale n'étaient pas opposables à la demande de Mme C... dès lors qu'à la date à laquelle sa maladie a été diagnostiquée, aucune disposition ne rendait applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale demandant le bénéfice de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau. Par suite, en considérant que la maladie n'était pas imputable au service au motif que le critère de délai de prise en charge n'était pas respecté, le maire de la commune de Charleville-Mézières, qui a méconnu le champ d'application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que l'administration procède à un nouvel examen de la situation de Mme C.... Il y a lieu d'enjoindre au maire de Charleville-Mézières d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais d'instance : 7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement à la commune de Charleville-Mézières d'une somme à ce titre. Mme C... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Lemonnier, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières le versement à ce titre à cette avocate de la somme de 1 080 euros. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé. Article 2 : L'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le maire de la commune de Charleville-Mézières a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C... et la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme C... sont annulés. Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Charleville-Mézières de réexaminer la demande d'imputabilité au service de la pathologie de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Charleville-Mézières versera à Me Lemonnier la somme de 1 080 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation de cette avocate à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la commune de Charleville-Mézières et à Me Odile Lemonnier. Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient : - M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre, - M. Axel Barlerin, premier conseiller, - Mme Nolwenn Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025. La rapporteure, Signé : N. B...Le président, Signé : A. Durup de Baleine Le greffier, Signé : A. Betti La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, A. Betti N° 21NC02179 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 07/02/2025, 24MA02513, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 000 euros en réparations de ses préjudices, assortie des intérêts de retard à compter du 26 février 2013. Par un jugement n° 2105892 du 30 juillet 2024, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à payer à M. A... la somme de 83 573 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2013, capitalisés à compter du 7 mars 2014 et à chaque échéance annuelle. Procédure devant la cour : I. Par une requête, enregistrée sous le n° 24MA02513 le 27 septembre 2024, le ministre des armées demande à la cour de réformer partiellement le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juillet 2024 en ce qu'il a condamné l'Etat à indemniser le déficit fonctionnel de M. A.... Il soutient que M. A... ne peut bénéficier que d'une indemnisation complémentaire en réparation des préjudices non réparés par la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie et que c'est donc à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à lui payer les sommes correspondant à son déficit fonctionnel temporaire et permanent. Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Cohen, demande à la cour : 1°) de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juillet 2024 ; 2°) de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions du ministre des armées ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'en retenant l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent indépendamment du taux retenu au titre de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit. Un mémoire, enregistré le 17 janvier 2025, a été présenté par le ministre des armées et n'a pas été communiqué. II. Par une requête, enregistrée sous le n° 24MA02530 le 2 octobre 2024, le ministre des armées demande à la cour de suspendre l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juillet 2024 en ce qu'il a condamné l'Etat à payer à M. A... la somme de 83 573 euros dont 75 203 euros au titre du déficit fonctionnel. Il soutient que : - la somme de 83 573 euros accordée par les premiers juges à M. A... est manifestement surévaluée, incluant, à tort, celle de 75 203 euros au titre du déficit fonctionnel, déjà réparé forfaitairement par la pension militaire d'invalidité ; - l'exécution du jugement attaqué expose le ministère des armées à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où la cour ferait droit à son appel au fond. La requête a été transmise à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense. Un mémoire, enregistré le 17 janvier 2025, a été présenté par le ministre des armées et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le ministre des armées relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juillet 2024 et demande de ramener la condamnation de l'Etat de la somme de 83 573 euros à celle de 8 370 euros. 2. Les requêtes n° 24MA02513 et n° 24MA02530 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt. Sur le bienfondé du jugement attaqué : 3. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne. 4. Si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. 5. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute de l'Etat, le militaire victime d'un accident de service ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de ses préjudices non réparés par la pension militaire d'invalidité qui indemnise forfaitairement les pertes de revenus, l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et les déficits fonctionnels temporaires et permanents. 6. M. A... ne conteste pas le fondement de responsabilité retenu par les premiers juges qui, par le jugement attaqué, ont, d'une part, écarté la responsabilité pour faute de l'Etat invoquée en première instance en raison de l'absence d'examen complémentaire réalisé lors de la visite médicale d'aptitude du 26 septembre 1993 et d'autre part engagé la responsabilité de l'Etat en raison du risque auquel M. A... a été exposé lors de traumatismes cérébraux itératifs auxquels il a été soumis à l'occasion des sauts en parachutes réalisés dans le cadre de ses fonctions, à raison de 30 %. 7. Il résulte de l'instruction que M. A... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 85 % à compter du 26 mars 1996. Il en résulte également qu'il a subi un déficit fonctionnel temporaire total entre le 1er janvier 1996 et le 25 mars 1996, soit avant l'octroi de la pension militaire d'invalidité, dont l'indemnisation doit être fixée, après application du taux de 30 % correspondant à la part de responsabilité de l'Etat, à 419,18 euros sur une base de 500 euros par mois pour un déficit fonctionnel temporaire total. 8. Dans ces conditions, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 74 783,82 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire et de son déficit fonctionnel permanent dès lors que celui-ci est réparé par la pension militaire d'invalidité, pour la période effectivement couverte par le versement de la pension. La somme de 83 573 euros que l'Etat a été condamné à payer à M. A... par le jugement attaqué doit ainsi être ramenée à celle de 8 789,18 euros. Sur la requête n° 24MA02530 : 9. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement sont donc devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer. Sur la déclaration d'arrêt commun : 10. La caisse nationale militaire de sécurité sociale, mise en cause, n'a pas produit de mémoire. Par suite, il y a lieu de lui déclarer commun le présent arrêt. Sur les frais liés aux deux instances : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. ORDONNE : Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 24MA02530 du ministre des armées. Article 2 : La somme de 83 573 euros que l'Etat a été condamné à payer à M. A... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juillet 2024 est ramenée à celle de 8 789,18 euros. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juillet 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées, à M. B... A... et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025 à laquelle siégeaient : - Mme C. Fedi, présidente de chambre, - Mme L. Rigaud, présidente-assesseure, - M. N. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2025. N° 24MA02513, 24MA025302
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 1ère chambre, 27/01/2025, 22NC00988, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy l'annulation de la décision du 4 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité et d'ordonner avant dire droit une expertise médicale. Par un jugement n° 1903236 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, M. A..., représenté par Me Dieudonné, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 février 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 4 juin 2018 de la ministre des armées ; 3°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer l'existence d'une aggravation en lien avec l'accident subi le 27 févier 1978 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en retenant l'expertise médicale du Dr. Kahn comme suffisante pour rejeter sa demande alors qu'elle n'est pas suffisamment étayée pour être considérée comme probante. Par un mémoire en défense, enregistré 2 octobre 2023, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Michel, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été incorporé dans l'armée de terre le 1er avril 1981, dans le cadre de son service national, et a été rayé des contrôles de l'armée le 5 février 1982. Une pension militaire d'invalidité lui a été délivrée à titre définitif au taux de 10 %, à compter du 4 décembre 1981, au titre de l'infirmité " séquelles subjectives et électroencéphalographique d'un traumatisme crânien, céphalées occipitales, rares sensations vertigineuses, troubles mnésiques intéressant la fixation, anxiété, irritabilité ". Par arrêté du 29 mars 2004, le ministre de la défense a fait droit à la demande de révision de M. A... pour aggravation de son infirmité et lui a accordé une pension pour invalidité au taux de 30 % pour " séquelles de traumatismes crânien, céphalées, vertiges, nervosité, troubles de la mémoire, impulsivité caractérielle ". Par une demande réceptionnée par l'administration le 20 août 2015, M. A... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation. Par une décision du 4 juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit ordonné avant dire droit la désignation d'un expert. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont indiqué précisément les motifs qui les ont conduits à écarter la demande de M. A.... Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. A... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. 5. Par une décision du 4 juin 2018, la ministre des armées a rejeté la demande de révision de pension de M. A... en raison de l'absence d'aggravation de son infimité " séquelles de traumatismes crâniens, céphalées, vertiges, nervosité, troubles de la mémoire, impulsivité caractérielle ". 6. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise judiciaire du Dr. Khan du 26 novembre 2017 que la sclérose en plaque de M. A..., diagnostiquée en 2014, qui pourrait être à l'origine des " petits trous de mémoire " et de troubles neurocognitifs, est dépourvue de lien avec l'accident de saut en parachute de l'intéressé survenu le 17 août 1981, pour lequel il est pensionné. Par ailleurs, selon le rapport de l'expert, les troubles polyalgiques de M. A..., sans lien avec sa sclérose en plaque, peuvent difficilement être rattachés aux conséquences de son traumatisme crânien initial en raison de leur non systématisation, de leur variabilité, de leur apparition progressive tardive et de leur durabilité. Ces éléments du rapport de l'expert, suffisamment précis et documentés, ne sont pas sérieusement remis en cause par les pièces versées à l'instance par M. A... qui ne justifie pas, par suite, d'une aggravation de son infirmité depuis le dépôt de sa demande. Dès lors, c'est sans erreur d'appréciation que par la décision en litige, la ministre des armées a rejeté la demande de révision de M. A... pour absence d'aggravation de l'infirmité pensionnée. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - M. Michel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2025. Le rapporteur, Signé : A. MichelLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : F. Dupuy La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, E. Delors 2 N° 22NC00988
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 2ème chambre, 07/02/2025, 492082, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel la ministre des armées lui a attribué une pension militaire d'invalidité, en tant qu'il a limité à 10 % le taux d'invalidité imputable au service, et de fixer ce taux à 30 %, après avoir constaté le caractère définitif de son droit à pension. Par un jugement n° 1905983 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21BX04554 du 21 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 février, 23 mai et 18 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1292 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat, - les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1- Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel la ministre des armées lui a attribué une pension militaire d'invalidité, en tant qu'il a limité à 10 % le taux d'invalidité imputable au service, et de fixer ce taux à 30 %, après avoir constaté le caractère définitif de son droit à pension. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel formé contre ce jugement. Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées et des anciens combattants : 2- Aux termes de l'article R. 821-1 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai de recours en cassation est de deux mois (...) ". Aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ". 3- Il ressort des pièces du dossier de procédure que l'arrêt du 21 décembre 2023 rejetant l'appel de M. B... lui a été notifié à son domicile réel le 29 décembre 2023. Par suite, le pourvoi en cassation qu'il a formé contre cet arrêt, enregistré le 23 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, a été présenté dans le délai de deux mois qui lui était imparti, sans qu'ait d'incidence la circonstance que l'arrêt avait été notifié à son mandataire avant cette date. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre des armées et des anciens combattants, tirée de la tardiveté du pourvoi, ne peut qu'être écartée. Sur l'arrêt attaqué : 4- L'article 51 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 a modifié l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui dispose désormais que " les recours contentieux contre les décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II sont précédés d'un recours administratif préalable (...) ". Pour son application, le décret du 29 décembre 2018 a institué auprès du ministre de la défense et du ministre chargé du budget une commission de recours de l'invalidité chargée d'examiner les recours administratifs formés à l'encontre de ces décisions individuelles. Le 7° de son article 1er remplace les dispositions réglementaires du livre VII de ce même code afin d'y insérer l'ensemble des dispositions relatives à la composition et au fonctionnement de la commission. Le nouvel article R. 711-1 du code dispose ainsi que l'exercice des recours administratifs doit obligatoirement précéder tout recours contentieux " à peine d'irrecevabilité ". 5- Le droit de former un recours contre une décision d'une juridiction administrative est définitivement fixé au jour où cette décision est rendue. Les voies selon lesquelles ce droit peut être exercé, ainsi que les délais qui sont impartis à cet effet aux intéressés, sont, à la différence des formes dans lesquelles le recours doit être introduit et jugé, des éléments constitutifs du droit dont s'agit. Par suite, en cas de modification des textes, les voies de recours, ainsi que les délais de leur exercice continuent, à moins qu'une disposition expresse y fasse obstacle, à être régis par les textes en vigueur à la date où la décision susceptible d'être attaquée est intervenue. 6- Il résulte de ce qui précède que l'obligation d'introduire un recours administratif préalable devant la commission de recours de l'invalidité pour contester les décisions individuelles entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui est entrée en vigueur le 1er novembre 2019 en vertu de l'article 6 du décret du 28 décembre 2018, n'est applicable qu'aux contestations de décisions intervenues après cette entrée en vigueur. Il s'ensuit qu'en jugeant que la demande de M. B... était irrecevable en l'absence de saisine de la commission de recours de l'invalidité alors que la décision litigieuse avait été prise le 20 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. 7- Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 8- Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 21 décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants.ECLI:FR:CECHS:2025:492082.20250207
Conseil d'Etat
CAA de PARIS, 9ème chambre, 20/12/2024, 23PA02724, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de police a refusé de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont il souffre et d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de reconnaître imputable au service cette pathologie ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande. Par un jugement n° 2115737 du 6 janvier 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, M. C..., représenté par Me Perriez, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 25 mai 2021 refusant de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont il souffre ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le tribunal a commis une erreur de droit en procédant d'office à une substitution de fondement à la décision attaquée ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas établi que le comité médical aurait été saisi et rendu un avis ; - la composition de la commission de réforme était irrégulière en l'absence d'un médecin spécialiste en médecine environnementale ; - la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation des faits au motif qu'il est manifeste que l'état des connaissances scientifiques ne permet pas d'exclure tout lien entre la maladie dont il souffre et ses conditions de travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé. La requête a été communiquée à la ville de Paris qui n'a produit aucune observation. Par une décision en date du 17 avril 2023 du tribunal judiciaire de Paris, l'aide juridictionnelle partielle à 55 % a été accordée à M. C.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif aux congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; - le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D... C..., adjoint administratif territorial en fonction à la préfecture de police, affecté au moment des faits à un service d'archives, souffre notamment d'un diabète de type 2 et d'une hypersensibilité chimique multiple (MCS). Il ressort des pièces du dossier que le diagnostic de son diabète a été posé en 2007. Il a été admis, par arrêté du 12 avril 2016, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 26 avril 2016. Par une décision du 20 août 2015, le préfet de police, en qualité de chef de l'administration parisienne, a refusé de reconnaître ces pathologies comme imputables au service. Par un jugement n° 1517317 du 6 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision pour méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C.... Par décision du 6 avril 2017, le préfet de police a reconnu l'imputabilité au service de l'hypersensibilité multiple aux produits chimiques (MCS) dont est atteint M. C... mais a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son diabète de type 2. Par un jugement avant dire droit n° 1621906, 1709246 en date du 19 avril 2018, le tribunal a ordonné une expertise médicale sur les causes de cette pathologie. Le médecin généraliste expert désigné a déposé son rapport au greffe du tribunal le 29 décembre 2018. Par un jugement au fond n° 1621906, 1709246 en date du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a, notamment, annulé la décision prise par le préfet de police le 6 avril 2017 en tant qu'elle ne reconnaissait pas imputable au service le diabète de type 2 dont était atteint M. C... pour défaut de motivation. Il a également enjoint au préfet de police de réexaminer une nouvelle fois sa situation. En exécution de ce jugement, le préfet de police a pris un nouvel arrêté le 25 mai 2021 par lequel il a refusé de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont souffre l'intéressé. Par un jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 dont M. C... interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2021 précité. 2. Dans ses écritures, M. C... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation des faits au motif qu'aucun des différents rapports communiqués n'exclut la possibilité de l'existence d'un lien entre la maladie dont il souffre et ses conditions de travail nonobstant l'absence d'unanimité des connaissances scientifiques étaient de nature à révéler la probabilité d'un lien entre cette maladie et le service. Il fait valoir que si d'autres facteurs ont éventuellement pu intervenir, il est impossible d'exclure que les conditions dans lesquelles il a travaillé pendant plusieurs années n'ont pas été de nature à susciter le développement de sa pathologie. 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct mais non nécessairement exclusif avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 4. M. C..., qui demande la reconnaissance de l'imputabilité au service du diabète de type 2 qui lui a été diagnostiqué en 2007, soutient que cette maladie résulte de son exposition à des produits d'entretien organochlorés dans les locaux des archives de la police nationale à Créteil à compter du mois d'avril 2003. 5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports d'expertise établis par un professeur et un médecin en date des 9 octobre 2013 et 7 mai 2014 (respectivement Professeur E... et Docteur B...), que M. C... est atteint d'un diabète de type 2 diagnostiqué en 2007 et qu'il ne présente aucun antécédent familial ou médical. En outre, il a exercé les fonctions d'archiviste à compter du mois d'avril 2003 dans un local non ventilé au cours desquelles il a été en contact avec des produits organochlorés, à savoir le 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et le 2-methyl-2H isothiazol-3-one, ce que reconnaît expressément le préfet de police dans ses écritures en défense, et il est constant que l'exposition à ces produits a provoqué chez lui dès 2004 une hypersensibilité aux produits chimiques multiples que l'administration a reconnue imputable au service, génératrice de pertes d'équilibre et de troubles cognitifs. Ces substances ont fait l'objet d'une interdiction de mise sur le marché par une décision 2008/809/CE du 14 octobre 2008 de la commission européenne et il était prévu un délai de 12 mois, soit jusqu'au 25 octobre 2009 pour l'écoulement des stocks et le retrait du marché des produits contenant de telles molécules. Or, il ressort de la fiche de visite du 13 mars 2013 établie par le service de médecine du travail, mentionnée dans le rapport du 9 octobre 2013 précité, que le nettoyage des sols y compris dans le local où travaillait M. C... a continué à être effectué avec un produit d'entretien à type de détergent du nom de " système ultra " réservé aux professionnels qui contenait entre autres ingrédients du 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et du 2-methyl-2H isothiazol-3-one. Or, en l'état des connaissances scientifiques actuelles, il apparaît que, dans une majorité de cas, le diabète de type 2 est une affection induite par des produits chimiques tels que PCB, dioxines, HAP (etc...) et par conséquent que l'exposition prolongée à des produits organochlorés, tels que le 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et le 2-methyl-2H isothiazol-3-one, accroît le risque de développer un diabète de type 2. En outre, il ressort du rapport d'expertise du Docteur A... en date du 24 décembre 2018 que M. C... a été admis, en raison de son diabète, en congé de longue maladie entre 2007 et 2010 et qu'il a repris le service, d'abord dans le cadre d'un service à mi-temps thérapeutique puis à temps plein, entre 2010 et 2013, dans les mêmes conditions de travail et notamment d'exposition aux produits chimiques mentionnés, son diabète restant non stabilisé. Si le préfet insiste sur l'état de santé antérieur et relève notamment qu'à la date d'apparition des symptômes l'intéressé avait un important surpoids et de l'hypertension, il convient de relever que selon une étude de CHEM Trust intitulé " Panorama scientifique des liens entre exposition chimique et risque d'obésité et diabète " accessible tant au juge qu'aux partie à l'adresse internet suivante https://www.chemtrust.org/wp-content/uploads/French-DO-Summary-1.pdf, " de nouvelles données scientifiques suggèrent que l'exposition à certaines substances chimiques de synthèse présentes dans notre environnement peut jouer un rôle important dans le développement de l'obésité. Alors que l'obésité est un facteur de risque reconnu du diabète, les preuves de l'implication des substances chimiques dans l'épidémie de diabète s'accumulent. Les données épidémiologiques sont même plus probantes que pour le lien entre substances chimiques et obésité (...) Il est également admis qu'une exposition à de faibles doses de certaines substances chimiques entraîne une prise de poids ". Les auteurs insistent sur l'action délétère des perturbateurs endocriniens qui aux stades les plus vulnérables du développement peuvent programmer irréversiblement l'organisme humain au diabète. Ce constat a été également mis en avant dans le rapport ECOD publié par le Réseau Environnement Santé disponible à l'adresse internet suivante https://www.env-health.org/IMG/pdf/DP_ECOD_VF.pdf, ou dans l'article de M. Jaffiol, président honoraire de l'académie nationale de médecine intitulé " perturbateurs endocriniens et diabète : mythe et réalité " en date du 12 décembre 2022 disponible à l'adresse internet suivante https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/JAFFIOL-2022.pdf, dans lequel il précise que " le National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) a conclu qu'il existe de nombreuses données suggérant le rôle de plusieurs perturbateurs endocriniens dans la progression actuelle de l'obésité et du diabète. L'analyse de la littérature apporte effectivement une série de données expérimentales et humaines en faveur de cette hypothèse. (...) ". Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. C... souffrait d'hypertension artérielle dès 1998, et de tachycardie, il ressort du rapport du Professeur E... en date du 9 octobre 2013, mentionné ci-dessus, que son état de santé était bon lors de son entrée dans le service en 2003. 6. Eu égard aux causes complexes et multifactorielles du diabète de type 2, l'ensemble des éléments précités font apparaître une probabilité suffisante d'un lien direct entre la pathologie de M. C... et le service, sans qu'y fassent obstacle ni l'absence de bilan approfondi du diabète non insulino dépendant de M. C..., ni le rapport d'expertise judiciaire en date du 24 décembre 2018 sur lequel le jugement s'est notamment fondé et qui conclut que " le diabète de type 2 de M. C... ne trouve pas, en l'état actuel de la science, son origine directement dans une exposition aux produits organochlorés " et à l'absence de lien direct, certain et unique. Ainsi le préfet de police a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette affection. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et des autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision en litige et du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". 9. Eu égard au motif qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement que la préfecture de police reconnaisse la pathologie de l'intéressé comme imputable au service. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfecture de police de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie développée par M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 55 %. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros hors taxe à Me Perriez dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.Article 2 : L'arrêté du préfet de police en date du 25 mai 2021 refusant de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont souffre M. C... est annulé.Article 3 : Il est enjoint à la préfecture de police de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie développée par M. C... à compter de l'année 2007 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.Article 4 : L'Etat versera à Me Perriez une somme de 1 500 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.Copie en sera adressée au préfet de police.Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 décembre 2024.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA02724 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01998, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 2000618 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01998, M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. B.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. B... représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 12 février 1988 au 5 janvier 2004. Par une réclamation préalable du 12 juillet 2019, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 9 décembre 2010 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. B..., maître principal, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 12 février 1988 au 25 décembre 1991, du 9 juin 1992 au 13 février 1995, du 28 mai 1996 au 21 novembre 1996, du 29 septembre 1997 au 8 janvier 1998, du 12 janvier 1998 au 4 février 2002, du 16 février 2002 au 8 mars 2002, du 14 mars 2002 au 21 mars 2002, du 2 juin 2002 au 15 juin 2002, du 24 septembre 2002 au 26 octobre 2002, du 4 novembre 2002 au 9 décembre 2002, du 10 mars 2003 au 20 mars 2003, du 1er avril 2003 au 25 avril 2003, du 1er août 2003 au 8 août 2003 et du 25 août 2003 au 5 janvier 2004 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. B.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. B... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 9 décembre 2010, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2010. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. B... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2011, cette créance était prescrite à la date du 12 juillet 2019 de sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. B... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01998 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01974, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903347 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01974, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 19 janvier 1970 au 1er juin 1985. Par une réclamation préalable du 5 juillet 2016 reçue le 7 juillet 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 12 mars 2009 du directeur du personnel militaire de la marine établie à la demande de M. A... du 1er mars 2009 comme le précise le courrier d'accompagnement transmettant cette attestation que le requérant, premier maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 19 janvier 1970 au 7 avril 1971, du 8 avril 1971 au 28 novembre 1972, du 14 février 1973 au 18 mars 1974, du 10 juin 1976 au 4 septembre 1978, du 23 avril 1979 au 29 août 1982 et du 30 août 1982 au 1er juin 1985. Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 12 mars 2009, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2009. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2010, cette créance était prescrite à la date du 7 juillet 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01974 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01993, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 2000248 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01993, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 19 décembre 1973 au 10 août 2004. Par une réclamation préalable du 16 juillet 2018 reçue le 18 juillet 2018, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 13 mai 2013 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., maître principal, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 19 décembre 1973 au 25 août 1974, du 17 mars 1975 au 30 août 1977, du 23 novembre 1977 au 19 octobre 1981, du 18 juin 1984 au 2 décembre 1984, du 9 juin 1987 au 3 août 1989, du 19 octobre 1989 au 9 septembre 1990, du 27 juillet 2002 au 1er août 2003, du 20 septembre 2003 au 10 août 2004 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 13 mai 2013, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2013. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2014, cette créance était prescrite à la date du 18 juillet 2018, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01993 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA02014, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903355 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, sous le n° 24MA02014, M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. B.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 7 août 1967 au 19 juin 1980. Par une réclamation préalable du 2 novembre 2016 reçue le 3 novembre 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement du 20 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 10 février 2006 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. B..., maître honoraire, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 7 août 1967 au 9 novembre 1967, du 10 janvier 1968 au 1er août 1969, du 14 novembre 1969 au 7 septembre 1970, du 15 février 1971 au 24 avril 1972, du 13 novembre 1972 au 11 octobre 1976, du 29 novembre 1976 au 9 décembre 1976 et du 4 décembre 1978 au 19 juin 1980 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. B.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. B... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 10 février 2006, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2006. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. B... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2007, cette créance était prescrite à la date du 3 novembre 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. B... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce à que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA02014 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA02012, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903311 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, sous le n° 24MA02012, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 4 février 1985 au 19 octobre 1997. Par une réclamation préalable du 12 décembre 2017 reçue le 15 décembre 2017, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 20 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 13 février 2007 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., premier maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 4 février 1985 au 3 mars 1985, du 19 août 1985 au 18 août 1986, du 4 octobre 1986 au 19 juin 1989, du 19 février 1990 au 21 octobre 1991, du 8 février 1993 au 19 octobre 1997 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 13 février 2007, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2007. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2008, cette créance était prescrite à la date du 15 décembre 2017, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA02012 fa
Cours administrative d'appel
Marseille