5814 resultados
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 17/05/2024, 22MA03017, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... et son assureur, la société d'assurance Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner la ville de Marseille à payer à Mme B... la somme de 12 510 euros, en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont elle a été victime le 11 décembre 2017 au sein de l'école où elle travaillait ; d'autre part, de condamner la ville de Marseille à payer à la MAIF la somme de 5 809,30 euros qu'elle a exposée pour le compte de Mme B... suite à l'accident dont celle-ci a été victime. Par un jugement no 2007812 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, par ses articles 1 et 2, condamné la ville de Marseille à verser respectivement à Mme B... et à la MAIF les sommes de 5 212 euros et de 5 809,30 euros, par son article 3, condamné la ville de Marseille à verser à l'Etat la somme de 41 802,42 euros, par son article 4, mis les frais d'expertise d'un montant de 900 euros à la charge définitive de la ville de Marseille, par son article 5, mis à la charge de la ville de Marseille une somme globale de 1 500 euros à verser à Mme B... et à la MAIF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par son article 6, condamné l'Etat à garantir la ville de Marseille à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre et, par son article 7, rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 décembre 2022 et 24 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour de réformer ce jugement du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a refusé de condamner la ville de Marseille à rembourser à l'Etat le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité dont Mme B... bénéficie en conséquence de son accident. Il soutient que : - il a concédé à Mme B... une allocation temporaire d'invalidité à compter du 1er février 2019 jusqu'au 31 janvier 2024 d'un montant de 6 888,45 euros, laquelle est susceptible d'être concédée à titre définitif pour un capital s'élevant à la somme de 39 600,32 euros ; - il est fondé à demander que cette prestation d'invalidité s'impute tant sur les postes de préjudice à caractère économique que sur celui afférent au déficit fonctionnel permanent ; l'article 8 ter du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 confirme que l'allocation temporaire d'invalidité indemnise l'invalidité permanente, comprise dans le poste du déficit fonctionnel permanent ; - le tribunal a à tort refusé d'imputer sa créance sur les postes de préjudice à caractère personnel et de condamner la ville de Marseille à lui rembourser le montant de sa créance. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 février 2023 et 13 juin 2023, Mme B... et la MAIF, représentées par Me Gasparri Lombard, concluent : 1°) à titre principal, au rejet de la requête et des conclusions présentées par la ville de Marseille ; 2°) à titre subsidiaire, à ce que l'indemnité réclamée par l'Etat soit répartie " au marc l'euro " entre la MAIF et l'Etat. Elles font valoir que : - le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, imputable à la ville de Marseille, est caractérisé ; - Mme B... n'a commis aucune faute d'imprudence ; - l'allocation temporaire d'invalidité est une prestation qui n'est définitive ni dans son quantum ni dans son principe et ne peut s'imputer sur l'indemnisation d'un poste de préjudice à caractère personnel tel que le déficit fonctionnel permanent ; - le Conseil d'Etat a confirmé la nature patrimoniale de cette prestation qui ne peut s'imputer que sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle ; Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, la ville de Marseille, représentée par Me Phelip, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille ; à titre subsidiaire, au rejet de l'ensemble des sommes réclamées par l'Etat et à ce que l'Etat soit condamné à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ; en tout état de cause, à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - sa responsabilité ne saurait être engagée en l'absence de défaut d'entretien normal de la rampe à l'origine de sa chute et de la faute d'imprudence commise par la victime ; - les sommes allouées par le tribunal en remboursement des frais exposés par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille sont injustifiées ; - la réalité de la créance exposée par le ministre de l'économie n'est pas justifiée ; - l'Etat doit être condamné à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre. Les parties ont été informées le 12 mars 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'offices, tirés de : - l'irrégularité du jugement en l'absence de mise en cause de la mutuelle générale de l'éducation nationale ; - l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de la ville de Marseille tendant à contester la condamnation prononcée par le tribunal à verser à l'Etat la somme de 41 802,42 euros, lesquelles soulèvent un litige distinct. Mme B... et la MAIF ont répondu à ces moyens d'ordre public par des mémoires enregistrés les 12 mars 2024 et 18 mars 2024. La procédure a été communiquée à la mutuelle générale de l'éducation nationale qui n'a pas produit d'observations. Par un courrier du 19 mars 2024, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a indiqué à la cour que seul le recteur de l'académie d'Aix-Marseille était compétent pour présenter devant la cour des observations au nom de l'Etat. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'éducation ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Lombard, pour Mme B... et la MAIF. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., professeur titulaire à l'école primaire Bois Lemaitre à Marseille, a été victime d'un accident le 11 décembre 2017, en raison d'une chute au niveau de la rampe d'accès reliant le préau à l'intérieur du bâtiment, qu'elle impute au revêtement du sol particulièrement glissant. Par un jugement du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la ville de Marseille à indemniser Mme B... des préjudices résultant de son accident et à rembourser à la société d'assurance Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), agissant en qualité d'assureur subrogé dans les droits de Mme B..., les sommes exposées pour le compte de cette dernière. Le tribunal a par ailleurs condamné la ville de Marseille à rembourser à l'Etat les traitements versés à son agent durant les arrêts de travail ayant résulté de son accident et les dépenses de santé engagées pour son compte. Il a revanche, d'une part, rejeté la demande du ministre de l'économie et des finances tendant à ce que la ville de Marseille soit condamnée à rembourser à l'Etat le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité dont Mme B... bénéficie en conséquence de son accident, d'autre part, condamné l'Etat à garantir la ville de Marseille à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre. 2. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a refusé de condamner la ville de Marseille à lui rembourser le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité. La ville de Marseille conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille. Mme B... et la MAIF concluent au rejet de la requête du ministre et des conclusions présentées par la ville de Marseille. Sur les conclusions présentées par la ville de Marseille : En ce qui concerne la responsabilité : 3. Aux termes de l'article L. 212-4 du code de l'éducation : " La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement. ". 4. Il appartient à l'usager victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. 5. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que l'accident dont a été victime Mme B... le 11 décembre 2017, ayant eu pour conséquence une déformation dorsale de l'avant-bras droit, une fracture diaphysaire inférieure du radius avec discrète bascule dorsale du fragment distal, et une fracture de la styloïde ulnaire, a pour seule cause le fait qu'elle a chuté au sein de l'école primaire Bois Lemaitre à Marseille, alors qu'elle empruntait avec ses élèves le plan incliné reliant l'intérieur du bâtiment au préau, lequel, bien que couvert, était rendu humide par la circulation des usagers en raison du temps pluvieux. Les attestations des témoins directs de l'accident révèlent que, quelles que soient les circonstances, le revêtement de ce passage incliné est particulièrement glissant et accidentogène, les pièces produites montrant que des élèves et une autre enseignante de l'école ont chuté au même endroit, lequel constitue en outre le seul passage reliant le préau aux salles de classe. Le signalement de cette défectuosité par la directrice de l'école le 13 décembre 2017 confirme que plusieurs chutes avaient déjà eu lieu à cet endroit, qualifié d'accidentogène, avant celle de Mme B.... Par ailleurs, les différents comptes-rendus de conseil d'école versés aux débats, en présence d'un représentant de la commune qui a reconnu la dangerosité du sol du préau, soulignent la nécessité de poser un revêtement " moins glissant en cas de pluie ; plusieurs accidents ayant déjà eu lieu ". Eu égard aux caractéristiques de cet ouvrage et à son usage au sein de l'école, la ville de Marseille, dont l'attention avait été appelée plusieurs fois sur sa dangerosité et qui se borne à faire état de la faible pente du passage, de la présence d'une rampe de maintien et à alléguer que le revêtement était conforme à la réglementation en vigueur, ne peut être regardée comme apportant la preuve d'un entretien normal de l'ouvrage. 6. La circonstance que Mme B..., qui travaille au sein de l'établissement scolaire, connaissait les lieux et ne pouvait ignorer le caractère glissant du revêtement, ne permet pas d'établir, compte tenu de la dangerosité avérée des lieux que l'enseignante empruntait avec ses élèves au moment de sa chute et de la destination du plan incliné, constituant le seul passage reliant le préau aux salles de classe, sans qu'il résulte par ailleurs de l'instruction qu'elle n'aurait pas pris toutes les précautions requises le jour de l'accident, une imprudence fautive de l'intéressée de nature à exonérer la commune de sa responsabilité. 7. Par suite, la ville de Marseille n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel provoqué, que sa responsabilité ne saurait être engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. En ce qui concerne la condamnation à payer la somme de 41 802,42 euros au titre des prestations versées par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille : 8. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille justifie avoir versé à Mme B..., professeur des écoles, d'une part, des traitements d'un montant total de 39 533,83 euros correspondant à la période d'indisponibilité de l'agent du 12 décembre 2017 au 7 juillet 2018, consécutive à son accident du 11 décembre 2017, d'autre part, des dépenses de santé en lien avec cet accident d'un montant de 2 268,59 euros. A cet égard, l'état liquidatif des traitements et la liste détaillée des prestations de santé, signée et émanant de la direction des services départementaux de l'éducation nationale des Bouches-du-Rhône, indiquent de manière suffisamment précise la nature et l'objet des prestations servies, dont le remboursement n'est pas subordonné au versement préalable de ces frais, et ne sont pas utilement remis en cause par la ville de Marseille, qui reproduit à l'identique son argumentation développée en première instance et se borne à faire état d'une erreur de date sur une des périodes de versement du traitement. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par la ville de Marseille tendant à demander l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il la condamne, à son article 3, à payer la somme de 41 802,42 euros au titre de la créance exposée par le recteur d'académie d'Aix-Marseille doivent être rejetées. En ce qui concerne l'appel en garantie : 9. En vertu de l'article R. 421-10 du code de l'éducation, il incombe au chef d'établissement en qualité de représentant de l'Etat de prendre toutes dispositions, en liaison avec les autorités compétentes, pour assurer notamment la sécurité des personnes et des biens. En vertu de ces dispositions, la ville de Marseille demande à la cour à être entièrement garantie par l'Etat des sommes mises à sa charge. Il résulte de l'instruction que la directrice de l'établissement n'a signalé la défectuosité du revêtement à la commune que le 13 décembre 2017, soit postérieurement à l'accident de Mme B..., alors que ce signalement faisait également état de sa propre chute et de celles impliquant des élèves et une autre enseignante, toutes étant antérieures à l'accident litigieux. Ainsi, celle-ci doit être regardée comme n'ayant pas pris les mesures de sécurité appropriées de nature à prévenir les accidents. Toutefois, il résulte des éléments exposés au point 5 que l'accident dont a été victime Mme B... a pour cause le caractère excessivement glissant du revêtement du préau concernant particulièrement le plan incliné reliant l'intérieur du bâtiment au préau, dont l'entretien incombe à la ville de Marseille. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de la responsabilité de la ville de Marseille en laissant à sa charge la moitié des condamnations prononcées à son encontre. Par suite, les conclusions de cette dernière, présentées par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la cour condamne l'Etat à la garantir de l'intégralité des sommes mises à sa charge doivent être rejetées. Sur la demande de remboursement de la créance de l'Etat au titre de l'allocation temporaire d'invalidité : 10. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable à la date de l'arrêté portant attribution à Mme B... de l'allocation temporaire d'invalidité : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement (...). Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (...) est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % (...). ". 11. Aux termes de l'article L. 825-1 du code général de la fonction publique : " L'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie d'un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l'agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu'ils ont supportées à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie ". 12. Il résulte de l'instruction que Mme B... bénéficie, suite à son accident de service du 11 décembre 2017, d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'une incapacité permanente partielle de 10 %, au titre de la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2024, par arrêté du 7 octobre 2019 et après avis favorable de la commission de réforme. 13. Il résulte de l'instruction que l'Etat verse, en sa qualité d'employeur, à Mme B..., une allocation temporaire d'invalidité depuis le 1er février 2019, accordée par arrêté du 7 octobre 2019, d'un montant annuel de 1 377,69 euros, soit une somme totale de 6 888,45 euros calculée sur la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2024. Eu égard aux dispositions de l'article L. 825-1 du code général de la fonction publique visées au point précédent, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique dispose de plein droit contre la ville de Marseille, en sa qualité de tiers responsable des dommages subis par Mme B..., d'une action en remboursement de la prestation d'invalidité versée à son agent, sans qu'ait d'incidence les circonstances que cette allocation n'a pour objet de réparer que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle et que Mme B... n'a été indemnisée que de ses seuls préjudices personnels. Toutefois, si le ministre demande que le paiement annuel de cette prestation soit converti en capital à hauteur d'une somme de 39 600,32 euros, il se borne à soutenir que celle-ci est " susceptible d'être concédée à titre définitif à l'issue de la période quinquennale " et ne justifie pas qu'une décision définitive d'attribution de l'allocation aurait été prise, alors que la pension d'invalidité est, par principe, toujours attribuée à titre temporaire, conformément aux dispositions citées au point 10. Il suit de là que l'Etat est seulement fondé à demander le remboursement de l'allocation temporaire d'invalidité versée sur la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2024, et ce dans la limite de la part de responsabilité incombant à la ville de Marseille, fixée à 50 %. Par suite, la ville de Marseille doit être condamnée à rembourser à l'Etat le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité versée à Mme B..., à hauteur de la somme de 3 444,22 euros. 14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par Mme B... et la MAIF, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir, dans la limite évoquée au point précédent, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande à ce titre. Sur les frais du litige : 15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la ville de Marseille présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La ville de Marseille est condamnée à payer à l'Etat la somme de 3 444,22 euros. Article 2 : Le jugement no 2007872 du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à Mme A... B..., à la société d'assurance Mutuelle assurance des instituteurs de France, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la commune de Marseille. Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille et à la mutuelle générale de l'éducation nationale. Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2024. N° 22MA03017
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 21/05/2024, 22BX02305, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 18 décembre 2019 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre, d'enjoindre à cette autorité de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour l'ensemble de ses arrêts de travail successifs et de procéder à la reconstitution de sa carrière, enfin de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices que l'illégalité de cette décision lui a causés. Par un jugement n° 2000581 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 août 2022 et un mémoire enregistré le 5 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Alibert, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 mai 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2019 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices que lui a causé l'illégalité de cette décision ; 4°) d'enjoindre à la préfète de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour l'ensemble de ses arrêts de travail successifs et de procéder à la reconstitution de sa carrière ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé au regard du moyen tiré de l'irrégulière composition de la commission de réforme ; - la décision de refus d'imputabilité litigieuse est insuffisamment motivée ; - il n'a pas été mis en mesure de prendre connaissance des rapports établis par sa hiérarchie à l'intention du comité médical ; - sa maladie est imputable au service. Par des mémoires enregistrés les 27 mars et 7 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute de liaison du contentieux, et que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties de la tenue de l'audience publique. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B... ; - les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique ; - et les observations de Me Ghettas, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a exercé les fonctions de brigadier-chef de police au sein de la circonscription de la sécurité publique de Pau à compter du 1er juillet 2013 avant d'être affecté à la circonscription de sécurité publique de Lourdes par une décision du 23 mars 2020. Le 10 décembre 2018, il a présenté une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie à l'origine des arrêts de travail qui lui ont été prescrits du 6 mars 2015 au 5 septembre 2016 puis du 12 au 31 octobre 2016. A l'issue de sa réunion du 10 décembre 2019, la commission de réforme du ministère de l'intérieur a émis un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Par une décision du 18 décembre 2019, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest a refusé de reconnaître cette imputabilité. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision du 18 décembre 2019, d'autre part à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices que l'illégalité de cette décision lui a causés et, enfin, à ce qu'il soit enjoint à la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service durant les périodes correspondant à ses arrêts de travail et de procéder à la reconstitution de sa carrière. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. A... soutient que le jugement attaqué a insuffisamment répondu au moyen relatif au vice de procédure concernant la composition de la commission de réforme, il ressort au contraire de ce jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont répondu de façon circonstanciée à ce moyen. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité de la décision du 18 décembre 2019 : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". L'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, en application de l'article L. 211-6 du même code : " (...) Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret. ". 4. En application des dispositions des articles R. 4127-4 et R. 4127-104 du code de la santé publique relatives au secret médical, la commission de réforme ne fournit à l'administration ou à l'organisme employeur qu'un avis qui ne comporte pas les raisons médicales qui le motive. 5. La décision litigieuse du 18 décembre 2019, qui vise les dispositions réglementaires et législatives applicables, et précise que " l'ensemble des pièces du dossier ne permet pas d'établir que la pathologie de M. A... est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions ", comporte ainsi l'énoncé des considérations de faits et de droits qui en constituent le fondement. Cette décision est dès lors suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. (...) ". 7. M. A... a été informé, par un courrier électronique du 2 décembre 2019, que sa demande d'imputabilité au service serait examinée par la commission de réforme lors de sa séance du 10 décembre 2019, et qu'il avait la possibilité de consulter personnellement les pièces administratives de son dossier et, par l'intermédiaire du médecin de son choix, la partie médicale du dossier transmis à la commission de réforme. En réponse, M. A... a sollicité le 4 décembre 2019 la transmission, par voie électronique, de ces pièces médicales ainsi que d'une version " scannée " de son dossier administratif. Par courrier électronique du 5 décembre suivant, l'administration a alors adressé à son médecin traitant l'ensemble des pièces médicales transmises à la commission de réforme. 8. M. A... fait valoir qu'il ressort de l'avis rendu par la commission de réforme que le dossier soumis à celle-ci par l'administration contenait deux rapports hiérarchiques relatifs à sa demande de reconnaissance d'imputabilité, datés des 27 décembre 2018 et 28 février 2019, et soutient que ceux-ci ne lui ont pas été adressés et n'ont pas davantage été envoyés à son médecin traitant. Il ressort toutefois de la lettre adressée par son conseil au président de la commission de réforme le 6 décembre 2019 pour demander le report de la réunion de cette commission que M. A... a consulté son dossier administratif le même jour et que ce dossier comportait notamment des " rapports de l'autorité hiérarchique " au sujet desquels il entendait faire des observations. En outre, M. A... a lui-même produit devant le tribunal administratif les deux rapports considérés. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu en prendre connaissance avant la réunion de la commission de réforme ni, par conséquent, qu'il n'a pas pu présenter d'observations sur ces mêmes rapports devant cette commission en méconnaissance du principe du contradictoire. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 11. M. A... a été placé en congé de longue maladie à compter du 27 mai 2010 en raison d'un état dépressif consécutif au suicide, dans des circonstances particulièrement dramatiques, d'un de ses collègues et ami. M. A... ne conteste pas en appel que la pathologie psychiatrique dont il souffre procède de cet épisode traumatique, ainsi que le relève le rapport établi le 14 avril 2019 par un psychiatre dans le cadre de la demande de reconnaissance d'imputabilité de sa maladie, mais il soutient que cette pathologie a été réactivée par ses conditions de travail à sa reprise du service au sein de la direction départementale de la sécurité publique de Pau, d'abord sur un poste de chef d'unité à compter à compter du 1er septembre 2013, puis au bureau des plaintes à compter du 1er septembre 2014. 12. D'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport établi par sa supérieure hiérarchique directe le 15 septembre 2014, dont entend se prévaloir M. A..., ainsi que des courriers de la commissaire de police chef du service de sécurité de proximité et du directeur départemental des 3 février et 23 mars 2015, que sa promotion en qualité de chef d'unité a été " mal accueillie " par les membres de cette unité, réputée par ailleurs indisciplinée. Toutefois, si l'appelant soutient qu'on lui aurait assigné pour mission de faire remonter à sa hiérarchie les écarts de comportement des agents placés sous son autorité et qu'il aurait fait en conséquence l'objet d'insultes et de menaces de ces derniers sans obtenir de soutien de sa hiérarchie, il ne l'établit pas. Il ressort, au contraire, du rapport susmentionné qu'il n'a établi aucun rapport écrit faisant état de ces insultes et de ces menaces et qu'il a bénéficié d'un soutien régulier de sa hiérarchie, laquelle a d'ailleurs procédé à la mutation de trois des membres de l'unité concernée dans le souci de l'aider à affirmer son autorité. Il ressort également de ce rapport que, pour diverses raisons, M. A... a été très souvent absent au cours de cette période et que " le fait d'être chef de brigade était alors ressenti par ce fonctionnaire comme une sanction l'empêchant d'accéder à ses demandes personnelles ". Il a d'ailleurs entrepris, dès le mois d'avril 2014 des démarches pour ne plus exercer ces responsabilités en indiquant " avoir échoué dans ses missions ". 13. C'est à sa demande que M. A... a ensuite été affecté au sein du service chargé de l'enregistrement des plaintes sur un poste d'adjoint ne comportant aucune fonction d'encadrement. S'il a été de nouveau mal accueilli par les agents en poste, il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports et lettres mentionnés au point 12, que la persistance des difficultés relationnelles de M. A... au sein de ce service était directement liée à sa faible implication et à sa très faible productivité. En outre, si M. A... attribue le malaise dont il a été victime le 6 mars 2015 aux brimades de ses collègues et de sa hiérarchie, laquelle lui a pourtant fourni une formation et un accompagnement personnalisé, il ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation. 14. D'autre part, M. A... se prévaut également de plusieurs rapports de visites médicales recommandant un changement d'affectation géographique pour éviter une nouvelle rechute de sa maladie. Toutefois, ces rapports sont postérieurs à la période de congé de maladie considérée, sont dépourvus de toute précision et n'imputent pas la réactivation de sa maladie à un contexte professionnel particulièrement éprouvant. En outre, il ressort de l'expertise du 14 avril 2019 que M. A... présentait un état antérieur de fragilité, ainsi qu'en atteste la durée de l'épisode dépressif qu'il a subi entre 2010 et 2012, et tenant notamment selon l'expert à ce qu'il présente une personnalité anankastique. 15. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir, dans le cadre de la présente instance, d'évènements postérieurs aux congés de maladie qu'il considère imputables au service, et en particulier à sa mise en cause injustifiée pour des faits de dénonciation calomnieuse en 2018 ou aux difficultés relationnelles et professionnelles auxquelles il a de nouveau été confronté après sa mutation à Lourdes en janvier 2020. 16. Il résulte de ce qui précède que la dégradation de l'état de santé de M. A... ayant conduit à ses arrêts de travail du 6 mars 2015 au 5 septembre 2016 puis du 12 au 31 octobre 2016 ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou des conditions de travail de nature à susciter le développement ou la réactivation de sa pathologie. Par suite, il n'établit pas que ces congés de maladie étaient imputables au service au sens et pour l'application des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2019 ainsi que ses demandes subséquentes. Par suit, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices que lui a causé cette décision, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient : M. Laurent Pouget, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024. Le rapporteur, Manuel B... Le président, Laurent PougetLa greffière, Chirine Michallet La République mande et ordonne ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22BX02305 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/05/2024, 23NC02015, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n° 2203476 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme B.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin 2023 et 3 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Miquet, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté du 21 octobre 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ou subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer son dossier sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Elle soutient que : S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour : - la décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ; - la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet de Meurthe-et-Moselle a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation concernant son état de santé ; - la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - la décision méconnaît le pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet pour l'admettre au séjour. S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est fondée sur une décision de refus de séjour qui est elle-même illégale ; - la décision est insuffisamment motivée. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Peton, première conseillère, - et les observations de Me Miquet pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 24 septembre 1975, déclare être entrée en France le 22 avril 2018. Après avoir obtenu deux autorisations provisoires de séjour, le 23 novembre 2021, Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour, fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Mme B... relève appel du jugement du 23 mars 2023, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité de l'arrêté du 21 octobre 2022 : 2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". 3. Mme B... soutient être entrée en France en 2018. Elle se prévaut de la présence en France de son père, lequel est en situation régulière et perçoit, en sa qualité d'ancien combattant, une pension militaire d'invalidité. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est hébergée chez ses parents et qu'elle entretient des liens réguliers avec son frère et sa sœur qui sont de nationalité française. Par ailleurs, l'état de santé de Mme B..., laquelle précise souffrir d'un syndrome de Hodgkin, nécessite un soutien qui lui est apporté par ses proches présents en France. Cette dernière n'ayant par ailleurs plus de liens familiaux au Maroc à la suite de son divorce. Enfin, Mme B... est accompagnée de ses deux enfants mineurs, nés en 2009 et 2014, tous les deux scolarisés en France. En conséquence, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. L'annulation de la décision portant refus de séjour emporte nécessairement l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 6. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Meurthe-et-Moselle délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à la délivrance de ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Miquet, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Miquet de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2203476 du tribunal administratif de Nancy est annulé. Article 2 : L'arrêté du 21 octobre 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Me Miquet, avocat de Mme B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Miquet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Miquet, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024. La rapporteure, Signé : N. PetonLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 23NC02015
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/05/2024, 21NC01988, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 110 425 euros au titre des préjudices résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 27 février 2017. Par un jugement n° 1902767 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 38 500 euros, mis à la charge de ce dernier les dépens pour un montant de 833,33 euros, ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 juillet 2021, le 21 juin 2022 et le 31 août 2022, Mme E... A..., représentée par Me Cherrier, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mai 2021, rectifié par une ordonnance du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juin 2021, en portant la somme de 38 500 euros qui lui a été allouée en réparation de ses préjudices à celle de 110 425 euros ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens pour un montant de 2 200 euros. Elle soutient que : - elle pouvait augmenter ses prétentions indemnitaires à la suite du rapport d'expertise constatant sa consolidation ; - le tribunal a insuffisamment motivé son jugement sur la limitation de ses préjudices à la somme globale de 38 500 euros ; - le principe de la responsabilité sans faute de l'Etat au titre des accidents de service doit être confirmé ; - le déficit fonctionnel temporaire est évalué à la somme de 33 825 euros ; - le déficit fonctionnel permanent, dont le taux doit être fixé à 30 % par référence au barème indicatif prévu par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est évalué à la somme de 51 600 euros ; - les souffrances endurées sont estimées à 15 00 euros ; - le préjudice sexuel est estimé à la somme de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistrés le 21 janvier 2022, le recteur de l'académie de Reims conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les demandes présentées devant le tribunal administratif au titre du déficit fonctionnel temporaire et au titre du déficit fonctionnel permanent, augmentées après l'expiration du délai de recours contentieux, sont dans cette mesure irrecevables ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance du 26 avril 2021 du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne taxant et liquidant les frais et honoraires de l'expertise confiée au docteur F... B... à la somme de 1 000 euros TTC ; - l'ordonnance du 26 avril 2021 du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne taxant et liquidant les frais et honoraires de l'expertise confiée au docteur C... D... à la somme de 1 200 euros TTC ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure certifiée, a été victime le 27 février 2017 d'un syndrome dépressif réactionnel que le directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Aube a reconnu comme un accident imputable au service par une décision du 2 mai 2018. Après avoir vainement sollicité de l'administration la réparation des préjudices consécutifs à cet accident, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'un recours indemnitaire. Par un jugement du 11 mai 2021, le tribunal a condamné l'Etat, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à verser à l'intéressée la somme globale de 38 500 euros. Mme A... demande à la cour de réformer ce jugement en portant cette somme à 110 425 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements doivent être motivés ". Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont, par une motivation suffisante, justifié le montant de l'indemnisation accordée à Mme A... au titre des différents chefs de préjudices. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 3. Il résulte de l'instruction que, dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif, Mme A... a sollicité une indemnité totale de 63 212 euros qu'elle a portée, en cours d'instance, à la somme de 110 425 euros, en réévaluant ses préjudices au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent. Si le tribunal a alloué à la requérante, au titre du déficit fonctionnel temporaire, une somme supérieure à celle qu'elle avait d'abord demandée pour ce chef de préjudice, comme le fait d'ailleurs la cour par le présent arrêt, l'indemnité globale fixée par le tribunal administratif, ainsi que par la cour, n'excède pas celle initialement demandée en première instance. Dès lors, le tribunal n'a, en tout état de cause, pas satisfait à une demande nouvelle contenue dans le mémoire complémentaire que Mme A... avait présenté devant lui. Sur l'évaluation des préjudices : 4. En premier lieu, il ressort du rapport d'expertise judiciaire du 8 mars 2021 que, durant la période du 27 février 2017 au 6 janvier 2021, date de consolidation, Mme A... a subi 1 038 jours de déficit fonctionnel temporaire total correspondant aux arrêts de travail et que, dans les intervalles entre ces arrêts, elle a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % durant 358 jours. Il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant, sur la base d'un taux journalier de 20 euros, la somme globale de 22 550 euros. 5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 8 mars 2021, que l'expert a évalué au taux de 20 % le déficit fonctionnel permanent dont Mme A... reste atteinte après consolidation, sur la base du barème indicatif des déficits séquellaires en droit commun. Contrairement à ce que soutient Mme A..., aucune disposition législative ni réglementaire n'impose de prendre en compte, pour l'évaluation de ce préjudice, le barème indicatif du décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28 (3ème alinéa) de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite, lequel a pour objet de déterminer le taux d'incapacité permettant de calculer la rente d'invalidité d'un fonctionnaire. Par ailleurs et alors que le barème utilisé par l'expert est seulement indicatif, à charge pour l'expert d'apprécier le taux, il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant le taux à 20 %, l'expert aurait sous-estimé le déficit fonctionnel permanent de la requérante. Eu égard à ce taux et à l'âge de 55 ans de Mme A... à la date de la consolidation de son état de santé, soit le 6 janvier 2021, il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'elle a subi à ce titre, qui inclut les souffrances subies après consolidation, en lui allouant la somme de 28 000 euros. 6. En troisième lieu, les souffrances endurées par Mme A... ont été évaluées à 3 sur une échelle de 7 par l'expert. Eu égard à la durée de ses souffrances jusqu'à la date de consolidation et en l'absence de tout autre élément, il n'y a pas lieu d'accorder à Mme A... une indemnisation supérieure à celle de 3 500 euros qui lui a été allouée par le tribunal. 7. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme A... subit, du fait du syndrome anxiodépressif chronique dont elle reste atteinte, un préjudice sexuel. Il y a lieu, par suite, d'indemniser ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 1 000 euros 8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'allouer à Mme A... une somme totale de 55 050 euros, qui est en tout état de cause inférieure à celle qu'elle avait sollicitée dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif. Dès lors, Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 38 500 euros laquelle doit être portée à 55 050 euros. Sur les dépens : 9. Il résulte des pièces du dossier de première instance que le jugement du 11 mai 2021, rectifié par ordonnance du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juin 2021, a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat pour un montant total de 1 833,33 euros. Toutefois, par des ordonnances du 26 avril 2021, le président de ce tribunal a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 200 euros TTC et ceux du sapiteur à celle de 1 000 euros TTC. Par suite, il y a lieu de porter, comme le demande la requérante, la somme de 1 833,33 euros à celle de 2 200 euros TTC. Sur les frais de l'instance : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La somme de 38 500 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme A... par le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mai 2021 est portée à 55 050 euros. Article 2 : Les frais d'expertise, mis à la charge définitive de l'Etat, sont portés à la somme de 2 200 euros. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUXLe président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 21NC01988 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21/05/2024, 21VE02253, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1903881 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 juillet 2021, 12 octobre 2021 et le 23 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Uzan-Kauffmann, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 26 octobre 2018 ; 3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer son taux d'infirmité et dire si l'hypoacousie bilatérale est imputable au service ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me Uzan-Kauffmann. Il soutient que : - il a réalisé un audiogramme le 30 octobre 2017 révélant une perte auditive de 66 dB à gauche et de 39 dB à droite ; - son hypoacousie n'a cessé de s'aggraver depuis son traumatisme de 1986 ; - l'audiogramme qu'il a réalisé en 2021 confirme sa perte d'audition ; - les dispositions invoquées par l'administration pour soutenir que l'hypoacousie d'origine post-traumatique ne peut s'aggraver ne sont pas applicables ; au contraire des professionnels de santé admettent le vieillissement accéléré des oreilles internes à la suite d'un traumatisme sonore. Par des mémoires en défense enregistrés le 17 septembre 2021, le 4 novembre 2021 et le 13 décembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - l'audiogramme réalisé par l'intéressé en 2017 l'a été à titre privé, et s'avère être une simple photocopie sans indication quant aux constatations médicales ; - concernant les acouphènes, le taux d'aggravation par rapport au taux d'invalidité de 10 % déjà admis n'est pas établi ; - une hypoacousie apparaît immédiatement après un traumatisme sonore. Par ordonnance du président de la 4ème chambre du 16 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 17 janvier 2022 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 41° à compter du 20 janvier 2012 en raison de plusieurs infirmités résultant essentiellement de l'explosion d'une mine radio commandée le 13 septembre 1986. Le 20 septembre 2017 et le 12 mars 2018, il a demandé que soit prise en compte l'aggravation de l'infirmité " acouphène " pensionnée au taux de 10 % et a demandé la prise en compte d'une nouvelle infirmité " hypoacousie bilatérale ". Après réalisation d'une expertise médicale réglementaire, la ministre des armées a rejeté sa demande par la décision contestée en date du 26 octobre 2018. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. 2. D'une part, aux termes l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...). ". D'autre part aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L.4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; (...). ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Sur l'aggravation de l'hypoacousie : 4. Pour rejeter la demande de révision de pension militaire du fait de cette infirmité, la ministre s'est fondée sur le taux d'invalidité inférieur au minimum indemnisable de 10 %. M. B... soutient que son hypoacousie bilatérale consécutive au choc traumatique sonore du 13 septembre 1986 s'est aggravée. Il produit un audiogramme réalisé par un médecin oto-rhino-laryngologiste le 30 octobre 2017 indiquant une perte de 66 dB à l'oreille gauche et de 39 dB à l'oreille droite. Si M. B... conteste les résultats de l'expertise médicale réalisée le 6 juin 2018 ordonnée par l'administration afin d'instruire sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et fixant le taux d'invalidité de cette infirmité à 7 %, en retenant une perte auditive de 22,5 dB à l'oreille droite et de 57,5 dB à l'oreille gauche, il ressort toutefois de cette expertise qu'elle explicite le calcul réalisé pour aboutir à ce résultat aussi précisément défini, en utilisant la formule de calcul indiquée dans le tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité. En revanche les audiogrammes réalisés à l'initiative de M. B... n'explicitent ni les données chiffrées ni la méthode de calcul utilisée, pour pouvoir comparer et contester les résultats de l'expertise. Par ailleurs, il ressort également de l'audiogramme réalisé le 23 juillet 2021 par le même médecin de M. B..., que les pertes de 40 dB à droite et de 69 dB à gauche sont qualifiées de " modérées ". Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que son hypoacousie bilatérale modérée aurait atteint un taux d'invalidité de 10 % permettant de lui concéder une pension militaire d'invalidité à ce titre. Sur les acouphènes : 5. S'agissant de l'évaluation des séquelles d'acouphènes, prises en compte au taux d'infirmité de 10 % pour la pension militaire d'invalidité de M. B..., la ministre des armées s'est fondée sur l'absence d'aggravation constatée. Le requérant ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation par l'administration du taux retenu de 10 % dans la décision attaquée. 6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, M. Ablard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024. La rapporteure, A-C. LE GARS Le président, S. BROTONS La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 21VE02253 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21/05/2024, 21VE02348, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 14 juin 2019 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 2001543 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 août 2021 et le 23 juin 2022, M. B..., représenté par Me Gauthier, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du ministre des armées du 14 juin 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la Selarl Concorde avocats sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son état de santé s'est aggravé de 90 %. Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - l'expert a retenu une aggravation pour le poignet droit de 5 % et aucune aggravation pour le genou droit et les troubles neuropathiques ; - les documents médicaux postérieurs ne rendent pas compte de l'état de santé du requérant à la date de sa demande de révision. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 85 % à titre définitif depuis le 19 septembre 2008, octroyée pour deux infirmités résultant de séquelles de blessure à la main droite et une infirmité résultant de séquelles de plaie transfixiante oblique du tiers inférieur de la cuisse et de la région sus-patellaire gauche. Le 30 juin 2017, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités. Après expertise médicale la ministre des armées a rejeté sa demande par décision du 14 juin 2019. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite (...) d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...). ". L'article L. 121-5 du même code dispose que : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ". Aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée (...). ". 3. Pour rejeter la demande de révision de la pension militaire d'invalidité présentée par M. B..., le ministre des armées a considéré que le taux d'aggravation de la première infirmité du poignet droit était inférieur à 10 % et ne pouvait donc être pris en compte, et qu'aucune aggravation n'avait été constatée pour les deux autres infirmités de la cuisse gauche et des troubles névritiques de la main droite. Pour contester cette appréciation, M. B... produit deux comptes rendus d'examens électromyographiques réalisés les 6 septembre 2019 concluant à une infirmité du canal carpien droit et à une compression du cubital droit et gauche au coude, et le 22 juillet 2021 concluant à une atteinte du médian et cubital droit, ainsi qu'une attestation médicale du 13 septembre 2019 selon laquelle " il est difficile de faire la part des choses entre les douleurs séquellaires et/ou une aggravation des lésions " et une autre du 23 juillet 2021, bien postérieure à la date de la demande de révision de pension. Toutefois, aucun de ces éléments ne permet de considérer que les infirmités dont souffre M. B... se seraient aggravées d'au moins 10 points à la date de la demande de révision de pension. Par ailleurs, l'administration produit en défense le résultat de l'expertise médicale réalisée le 30 octobre 2018 ordonnée en vue d'instruire la demande de révision de pension militaire d'invalidité, concluant à une aggravation de l'infirmité liée au poignet droit de 5 % et à l'absence d'aggravation des deux autres infirmités. Dans ces conditions, les éléments apportés par M. B... au soutien de sa requête ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le ministre des armées. 4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées aux fins d'injonction ainsi que celle tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, M. Ablard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024. La rapporteure, A-C. LE GARS Le président, S. BROTONS La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 21VE02348 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de LYON, 3ème chambre, 17/04/2024, 22LY02509, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure I- Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey, après avoir réexaminé sa situation sur injonction du tribunal, l'a placée en congé de maladie ordinaire du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, puis en disponibilité d'office pour raison de santé. II- Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) de condamner le Centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser la somme totale de 85 642 euros à parfaire en réparation des préjudices résultant pour elle des fautes commises à son égard par son employeur et des préjudices personnels liés à son accident de service, outre le préjudice résultant de la privation illégale d'une allocation temporaire d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité ; 2°) d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle ; 3°) d'enjoindre au Centre hospitalier du Haut-Bugey de s'acquitter de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée pour l'ensemble de la période en litige ou, à titre subsidiaire, de lui verser l'indemnité correspondante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1703427 du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a prescrit une expertise médicale contradictoire. Par un jugement nos 1703427 et 1803057 du 14 août 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017, mis à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise et, avant de statuer sur les conclusions de la demande indemnitaire, a prescrit une seconde expertise médicale contradictoire. Par un jugement n° 1803057 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande indemnitaire de Mme A... et mis à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey les frais et honoraires de la seconde expertise, liquidés à la somme de 576 euros. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 9 août 2022 et des mémoires complémentaires enregistrés le 3 octobre 2022, et les 23 janvier et 15 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Saumet (AARPI Alternatives Avocats), doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Lyon du 14 août 2020 et du 14 décembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 22 février 2017 ; 3°) de condamner le centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser d'une part, la somme de 96 522 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle et d'autre part, une indemnité en réparation du préjudice subi sur ses droits à pension du fait de l'illégalité commise à son encontre ayant consisté à ne pas adapter son poste et à ne pas la reclasser ; 4°) d'enjoindre au centre hospitalier du Haut-Bugey d'une part, de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation et ses droits sociaux, en s'acquittant notamment de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée pour l'ensemble de la période du 6 décembre 2011 au 30 novembre 2016, d'autre part, de procéder au calcul, à la liquidation et au versement de l'indemnité due en réparation du préjudice subi sur ses droits à pension, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme A... soutient que : - sa requête a été introduite dans le délai d'appel, en ce qu'elle concerne le jugement avant-dire droit du 14 août 2020, ce délai n'ayant commencé à courir qu'avec la notification du jugement du 14 décembre 2021 ; le délai d'appel a été interrompu par sa demande d'aide juridictionnelle ; - le jugement du 14 août 2020 est insuffisamment motivé et a omis de répondre à un moyen ; - le jugement du 14 décembre 2021 a rejeté à tort comme tardives les conclusions relatives à la faute résultant du retard mis par le centre hospitalier à la faire admettre à la retraite ; - ce même jugement est entaché de contradiction, en ce qu'il juge prescrite une créance pour l'appréciation de laquelle le jugement du 14 août 2020 avait jugé nécessaire une expertise ; - elle a contesté la décision du 22 février 2017 en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'elle l'a placée en congé de maladie ordinaire puis en disponibilité d'office ; le tribunal a jugé à tort inopérants les moyens tirés de l'absence de consultation du comité médical et de la commission de réforme, de l'absence d'information préalable du médecin du travail et de la violation de l'obligation de reclassement ; - le tribunal a jugé à tort que le centre hospitalier du Haut-Bugey n'avait pas manqué à ses obligations d'aménagement de son poste et de reclassement ; - le centre hospitalier a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en prenant plusieurs mesures illégales dont l'annulation a été prononcée par un jugement du 18 janvier 2017 et en ne la plaçant pas dans des positions administratives régulières pour les périodes du 6 décembre 2014 au 5 juin 2015 et du 6 juin 2016 au 30 novembre 2016 ; - sa créance ayant trait aux dommages que lui ont causé sa maladie imputable au service n'était pas prescrite, le délai de prescription ne commençant à tout le moins à courir que lorsqu'elle a eu connaissance de la date de sa consolidation, soit en 2013 ; elle a en outre engagé plusieurs actions ayant interrompu le délai de prescription ; - à tout le moins, la perte de chance d'obtenir un aménagement de poste ou un reclassement doit être chiffrée à 27 460 euros ; - le centre hospitalier doit acquitter les cotisations sociales sur ces rémunérations dont elle a été privée ; - le préjudice résultant d'une privation illégale de rémunération, conséquence de l'absence de reclassement, doit être chiffré à 39 229 euros ; elle a perçu durant cette période de privation de rémunération des revenus de remplacement de 2 182,02 euros, 3 723,45 euros et 4 141,52 euros ; - les fautes commises par le centre hospitalier lui ont causé un préjudice moral qui doit être chiffré à 20 000 euros ; - sa maladie professionnelle lui a causé des préjudices qui doivent être chiffrés à la somme globale de 30 880 euros ; - elle peut prétendre aux intérêts au taux légal sur les sommes allouées, et à la capitalisation de ces intérêts ; - elle maintient l'intégralité de ses moyens de première instance, auxquels elle entend se référer. Par des mémoires en défense enregistrés le 9 décembre 2023 et les 21 février, 6 et 20 mars 2024 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), le centre hospitalier du Haut-Bugey, représenté par la SELARL Brocheton Avocats, agissant par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation allouée au titre de la responsabilité sans faute soit calculée sur la base du barème de l'ONIAM, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les conclusions fondées sur la faute liée issue du défaut d'adaptation du poste de travail et de démarches de reclassement sont irrecevables, faute de liaison préalable du contentieux ; - aucun des moyens de la requête n'est fondé. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme A... par une décision du 25 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Saumet, représentant Mme A..., et celles de Me Brocheton, représentant le centre hospitalier du Haut-Bugey. Une note en délibéré, enregistrée le 26 mars 2024, a été présentée pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., aide-soignante employée par le centre hospitalier du Haut-Bugey, a été placée en arrêt de travail pour raison de santé à compter du 6 septembre 2011, jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité le 1er décembre 2016. Par un jugement rendu le 18 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 10 avril 2013 par lequel le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a placé Mme A... en congé de maladie ordinaire non imputable au service pour la période du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, et les arrêtés des 17 avril 2013 et 26 juin 2015 par lesquels cette même autorité a placé Mme A... en disponibilité d'office pour les périodes du 6 décembre 2012 au 5 décembre 2013 et du 6 juin au 5 décembre 2015. Le tribunal a en outre enjoint au centre hospitalier du Haut-Bugey de réexaminer la situation de Mme A.... Par une décision du 22 février 2017, le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a placé Mme A... en congé de maladie ordinaire du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, puis en disponibilité d'office pour raison de santé pour les périodes ultérieures. Mme A... relève appel des jugements du 14 août 2020 et du 14 décembre 2021 par lesquels le tribunal administratif de Lyon, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017 et prescrit une expertise médicale, et d'autre part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Haut-Bugey à l'indemniser des préjudices qu'elle estime lui avoir été causés par les fautes commises par celui-ci, et ceux en lien avec sa maladie reconnue imputable au service. Sur la régularité du jugement du 14 août 2020 : 2. En premier lieu, la décision du 22 février 2017, prise en vue de régulariser la position de Mme A... pour plusieurs périodes passées, est intervenue alors qu'elle avait déjà été définitivement admise à la retraite par une décision du directeur délégué du centre hospitalier du 15 novembre 2016 à effet au 1er décembre suivant. Dans ces circonstances, aucun reclassement ne pouvait plus intervenir. Tant le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas invité la requérante à présenter une demande de reclassement, que celui tiré de l'absence de recherche d'un reclassement, étaient inopérants. La circonstance que le tribunal administratif de Lyon n'a pas expressément répondu au premier de ces moyens, est par suite sans incidence sur la régularité du jugement du 14 août 2020. 3. En deuxième lieu, le tribunal, après avoir écarté les moyens invoqués par Mme A... contre la décision du 22 août 2020, a exposé, aux points 11 et 12 du jugement du 14 août 2020, que la requérante n'était pas fondée à se prévaloir de l'illégalité fautive entachant selon elle le refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2011 et son placement en disponibilité d'office pour raison de santé. Il a ensuite estimé, pour écarter la faute tirée de la privation illégale d'un complément de rente viagère d'invalidité à raison d'une estimation insuffisante de ce taux d'invalidité, qu'elle n'apportait aucun élément médical ni argument circonstancié permettant d'apprécier le bien-fondé de cette demande. Le point 13 expose enfin que si Mme A... soutient que le conflit avec son employeur pour faire reconnaître ses droits lui a causé un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment à ce qui a été développé aux points précédents, que la résistance qu'elle prête sans autre précision à son employeur s'agissant de répondre favorablement à ses demandes revêtirait un caractère fautif. Les premiers juges ont ainsi rejeté, par une motivation suffisante, les conclusions de la requérante fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier. Sur la régularité du jugement du 14 décembre 2021 : 4. Mme A... soutient que le tribunal, qui par son jugement du 14 août 2020 avait prescrit une nouvelle expertise médicale avant de statuer sur sa demande indemnitaire fondée sur la responsabilité sans faute, ne pouvait sans contradiction accueillir par son jugement du 14 décembre 2021 l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier du Haut-Bugey à cette demande. Toutefois, la contradiction alléguée, qui relève de la critique du bien-fondé du jugement en litige, est en tout état de cause sans incidence sur sa régularité. Sur la légalité de la décision du 22 février 2017 : 5. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 visé ci-dessus, relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : (...) 6. La mise en disponibilité d'office pour raisons de santé, son renouvellement et l'aménagement des conditions de travail après la fin de la mise en disponibilité (...) ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Le médecin du travail attaché à l'établissement auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales prévue par le décret du 9 septembre 1965 susvisé est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 21, 23 et 32. (...) ". 6. Mme A... soutient que, préalablement à la décision du 22 février 2017 intervenue après l'injonction de réexamen décidée par le tribunal le 18 janvier 2017, le centre hospitalier du Haut-Bugey n'a pas consulté un médecin expert agréé, ni la commission de réforme ou le comité médical. Toutefois, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier du Haut-Bugey avait recueilli l'avis de deux médecins experts en décembre 2011 et en janvier 2013 concernant l'imputabilité au service de la pathologie dont était affectée Mme A.... Par ailleurs, la commission de réforme et le comité médical avaient été consultés respectivement le 5 avril 2013, et les 12 avril 2013 et 16 juin 2015. La requérante ne soutient pas, alors que les arrêtés des 10 et 17 avril 2013 et du 26 juin 2015 ont été annulés pour erreur de droit par le jugement du 18 janvier 2017 précité, que ces consultations auraient été entachées d'irrégularité. Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure ayant précédé l'édiction de la décision du 22 février 2017 ne peuvent dès lors être accueillis. 7. En deuxième lieu, la décision attaquée vise les dispositions pertinentes des lois du 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986, rappelle succinctement le parcours administratif de Mme A... et le jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon le 18 janvier 2017, expose que les médecins ayant examiné l'intéressée dans le passé ont été consultés, que l'un a répondu ne plus réaliser ce type de mission, et que l'autre a indiqué que les arrêts de travail litigieux étaient liés à une pathologie dégénérative au moins jusqu'au 24 janvier 2013. La décision attaquée expose ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le centre hospitalier a entendu se fonder. Le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit par suite être écarté. 8. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision attaquée est intervenue pour régulariser la situation passée de Mme A..., alors que cette dernière avait déjà été admise à la retraite pour invalidité par une décision qu'elle n'a pas contestée. Dans ces circonstances particulières, le centre hospitalier n'était pas tenu de l'inviter à solliciter un reclassement et de procéder à la recherche d'un poste en vue d'un reclassement. Le moyen tiré de ce que le centre hospitalier ne justifie pas avoir invité la requérante à solliciter un reclassement doit dès lors être écarté comme inopérant. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version applicable à la date à laquelle la maladie professionnelle de la requérante a été diagnostiquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. En l'espèce, contrairement à ce que soutient Mme A..., il résulte de l'instruction, et notamment des questions qu'il a adressées le 1er février 2017 aux médecins experts agréés qui avaient examiné l'intéressée en 2011 et 2013, que le centre hospitalier a apprécié l'existence d'un lien direct entre les arrêts de travail en litige et la maladie professionnelle de la requérante. Les moyens tirés de ce que la décision attaquée du 22 février 2017 serait entachée d'une erreur de droit et méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 18 janvier 2017, doivent dès lors être écartés. 11. En cinquième lieu, le 5 avril 2013, la commission de réforme a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de la prise en charge des arrêts de travail litigieux au titre de la maladie professionnelle, au motif qu'il ressortait de l'expertise pratiquée par un médecin agréé le 24 janvier 2013 que ces arrêts de travail étaient causés par une " pathologie dégénérative qui doit être prise en charge au titre de la maladie ordinaire ". Par ailleurs, il ressort du rapport de l'expertise médicale prescrite par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 avril 2019 que la pathologie dont Mme A... souffrait relevait d'une lombosciatique gauche consécutive à une hernie discale débutante depuis 2003, et qu'une seconde pathologie chronique douloureuse évocatrice d'une fibromyalgie est apparue en septembre 2011. Les congés de maladie postérieurs au 6 décembre 2011 étaient ainsi imputables à plusieurs facteurs, sans lien direct avec la pathologie professionnelle. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité de ces arrêts de travail au service, le centre hospitalier n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. 12. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du décret du 19 avril 1988 : " Lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 41 (3° et 4°) de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 24 ci-dessous ". 13. Il ressort du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 29 avril 2019 que les arrêts de travails prescrits à Mme A... pendant la période en litige étaient justifiés par une lombosciatique gauche, et que certains mentionnaient également des contractures musculaires, une tendinopathie de l'épaule droite et des dorsalgies. En l'absence de toute mention de la pathologie mentale dont était par ailleurs affectée la requérante, cette dernière n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'en ne provoquant pas son examen médical en vue de son placement en congé de longue maladie, le centre hospitalier aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. 14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 14 août 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017. Sur les conclusions fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier : 15. En premier lieu, il résulte des points 5 à 14 que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 22 février 2017 était entachée d'une illégalité fautive. Par ailleurs, si les arrêtés des 10 et 17 avril 2013 et du 26 juin 2015 étaient entachés d'erreur de droit, il n'existe en revanche pas de lien de causalité entre les illégalités fautives affectant ces arrêtés et les préjudices invoqués par la requérante dès lors que les arrêts de travails postérieurs au 6 décembre 2011 n'étaient, ainsi que cela a été exposé ci-dessus, pas directement imputables à la maladie professionnelle de la requérante. 16. En deuxième lieu, si Mme A... invoque la faute ayant consisté selon elle en une estimation insuffisante du taux d'invalidité fixé au titre des séquelles de sa hernie discale imputable au service, et qui l'aurait privée d'un complément de rente viagère d'invalidité, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 12 de son jugement du 14 août 2020. 17. En troisième lieu, si Mme A... invoque la faute du centre hospitalier du Haut-Bugey à ne pas l'avoir placée dans une position régulière pour certaines périodes, le contentieux n'est pas lié sur ce point faute pour elle d'avoir invoqué ce fait générateur de responsabilité dans sa demande indemnitaire préalable. Ses conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice doivent être à cet égard rejetées comme irrecevables. 18. En quatrième lieu, Mme A... soutient que le centre hospitalier aurait manqué à ses obligations en matière d'aménagement de poste et de reclassement, antérieurement à la période pour laquelle elle a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé. Toutefois, il résulte de l'instruction que par une lettre du 30 août 2010, le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a indiqué à Mme A... que s'il ne lui était pas possible de reprendre ses fonctions en qualité d'aide-soignante, elle pouvait s'orienter vers un autre métier, et l'a invitée à prendre contact avec un agent de la cellule de reclassement. Il l'a également invitée à déposer un dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), afin de bénéficier d'une aide à une éventuelle reconversion. Par une lettre du 28 octobre 2010, Mme A... a informé le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey qu'elle avait été reçue par le médecin du travail, lequel lui avait précisé qu'elle devait renoncer à son métier d'aide-soignante, réfléchir à un nouveau métier et suivre une formation. Par une fiche de liaison avec la MDPH rédigée le 18 novembre 2011, le médecin du travail a conforté sa position précédemment exprimée, selon laquelle la requérante n'était plus apte au métier d'aide-soignante, et que la reconnaissance du statut de travailleuse handicapée lui donnerait accès à des formations en vue d'accéder à des fonctions n'emportant pas de manutentions de patients qu'elle ne pouvait plus assumer. Le compte rendu de la réunion de la cellule de reclassement du 28 octobre 2010 fait toutefois état de ce que Mme A... refusait alors catégoriquement un reclassement professionnel. Le compte rendu de l'entretien de la requérante avec la directrice des soins le 25 août 2011 relate également que, pourtant déclarée inapte à ses fonctions par le médecin du travail, la requérante a souhaité conserver ses fonctions d'aide-soignante tout en envisageant de devenir auxiliaire de puériculture. Bien qu'invitée à solliciter un bilan de compétences et une aide à la reconversion après la reconnaissance de son handicap par la MDPH, la requérante ne s'est pas conformée à ce conseil, ainsi qu'il résulte des comptes rendus des réunions de la cellule de reclassement les 13 octobre 2011 et 16 février 2012. Reçue par la cellule de reclassement le 5 mai 2014, elle a persisté dans son refus de cette démarche auprès de la MDPH, et a envisagé un poste d'accueil ou une reconversion vers le métier de diététicienne. Il ressort également d'un courrier adressé à l'intéressée le 17 avril 2015 par le directeur des ressources humaines de l'établissement, que lors d'un nouvel entretien avec un agent de la cellule de reclassement en présence de la directrice des soins, Mme A... a une nouvelle fois déclaré devoir réfléchir à une reconversion, sans y être décidée. Ainsi, il résulte de ces divers éléments d'une part, que l'état de santé de la requérante n'était pas compatible avec un simple aménagement de son poste d'aide-soignante, et d'autre part, qu'elle a été invitée par la cellule de reclassement à envisager un reclassement, mais n'a formulé aucune demande à ce titre ni même aucune demande de reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée qui aurait permis qu'elle bénéficie d'aides à cette fin. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier aurait manqué à ses obligations en matière d'aménagement de ses conditions de travail, et ne l'aurait pas invitée formellement à présenter une demande de reclassement. 19. En cinquième lieu, Mme A... reprend en appel le grief tiré du retard avec lequel elle aurait été admise à la retraite pour invalidité, en se bornant à renvoyer sur ce point à ses écritures de première instance et sans apporter d'éléments nouveaux. Il y a lieu de rejeter les conclusions relatives à la réparation de ce chef de préjudice par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 8 de son jugement du 14 décembre 2021, et qui ne sont pas utilement critiqués en appel. 20. En sixième et dernier lieu, les décisions du centre hospitalier relatives au placement de Mme A... en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé n'étant entachées d'aucune illégalité, et celui-ci n'ayant par ailleurs pas commis de faute, la requérante n'est pas fondée à faire valoir que les difficultés qu'elle a rencontrées dans la gestion de sa situation lui auraient causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence. Sur les conclusions fondées sur la responsabilité sans faute du centre hospitalier : 21. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 visée ci-dessus, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) ". 22. En vertu de ces dispositions, le point de départ du délai de prescription d'une créance relative à un dommage corporel est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents. En l'espèce, il ressort du rapport du médecin agréé du 27 décembre 2011 et du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 14 août 2020, que la consolidation de la maladie professionnelle de Mme A... est intervenue le 4 décembre 2011, et que le cours de la prescription a ainsi débuté le 1er janvier 2012. Toutefois, les demandes dont Mme A... a saisi le tribunal administratif de Lyon en 2013 et 2015, tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au mois de décembre 2011, en lien avec sa maladie professionnelle dont elle discutait la date de consolidation, doivent être regardées comme ayant trait au fait générateur de la créance détenue par elle sur l'établissement hospitalier. Ces demandes ont ainsi interrompu le cours du délai de prescription, qui n'avait pas expiré à la date de réception de sa demande indemnitaire par le centre hospitalier, le 22 décembre 2017. L'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier doit dès lors être écartée. 23. En deuxième lieu, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 24. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 14 août 2020, qu'en conséquence de sa maladie professionnelle, dont le centre hospitalier a reconnu l'imputabilité au service, Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 30 % de mars 2010 à janvier 2011, puis de 20 % jusque début décembre 2011, et subit depuis un déficit fonctionnel permanent de 10 %. Les souffrances qu'elle a endurées peuvent être cotées à 2,5/7. En revanche, l'expert n'a pas retenu de préjudice d'agrément, les douleurs gênantes dont la requérante continue de souffrir ne contre-indiquant pas les activités de loisir dont elle a fait état. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par la requérante en condamnant le centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser une indemnité de 18 600 euros. 25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir d'une part que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires, et d'autre part que le centre hospitalier du Haut-Bugey doit être condamné à lui verser la somme précitée en réparation de ses préjudices. Sur les conclusions à fin d'injonction : 26. D'une part, le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction au centre hospitalier du Haut-Bugey de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation et ses droits sociaux, en s'acquittant notamment de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée doivent être rejetées. 27. D'autre part, le présent arrêt rejette également les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction à l'administration de lui verser une somme en réparation du préjudice allégué ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 28. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 18 600 euros à compter du 22 décembre 2017, date de réception de sa demande indemnitaire par le centre hospitalier. 29. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par la requête n° 1803057, enregistrée devant le tribunal administratif de Lyon le 22 avril 2018. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 décembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil. Sur les frais liés au litige : 30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier du Haut-Bugey. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le paiement de la somme 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1803057 du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A.... Article 2 : Le centre hospitalier du Haut-Bugey est condamné à verser à Mme A... la somme de 18 600 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017. Les intérêts dus à la date du 22 décembre 2018 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle. Article 3 : Le centre hospitalier du Haut-Bugey versera à Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions présentées par le centre hospitalier du Haut-Bugey sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier du Haut-Bugey. Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, M. Joël Arnould, premier conseiller, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2024. Le rapporteur, Joël ArnouldLa présidente, Emilie FelmyLa greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02509
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 09/04/2024, 23NT00193, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions des 24 juillet 2000 en tant qu'elle lui refuse les allocations " grands mutilés ", 3 décembre 2013 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité et la décision du 22 septembre 2021 de la commission des recours des militaires rejetant son recours dirigé contre la décision du 3 février 2021 du ministre des armées rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 2106010 du 28 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 22 septembre 2021 en tant qu'elle rejette sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " prolapsus muco-hémorroïdaire interne et externe très invalidant. Volumineuses hémorroïdes stade III avec anite très congestive. Rectorragies fréquentes ", a fixé le taux de cette infirmité à 60 % à compter du 15 juillet 2019 et porté le taux global de sa pension militaire d'invalidité à 95 % Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Le Dantec, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 novembre 2022 ; 2°) d'annuler les décisions des 24 juillet 2000, 3 décembre 2013 et 22 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de réviser ses droits à pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux de 95 % avec effet au 24 juillet 2000, et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande et de lui verser les sommes dues ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont statué ultra petita en se prononçant, aux points 3 et 4, sur l'infirmité " Ulcus duodénal " ; - les premiers juges ont omis de se prononcer sur le taux de pension attribué pour l'infirmité " Séquelles amibiases intestinales " alors qu'il sollicitait le bénéfice d'un statut légal générateur de droits plus avantageux et subsidiairement la prise en compte de l'aggravation de son état de santé ; - dès lors qu'il revendique le bénéfice d'un statut légal générateur de droits prévu à l'article L. 12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il est en droit de revendiquer le barème d'invalidité le plus avantageux, par infirmité, pour obtenir la révision de sa pension ; - pour l'infirmité liée aux " hémorroïdes " le barème de 1887 donne un taux de 65 % pour une infirmité de 5ème classe et de 60 % pour une infirmité de 6ème classe ; la commission des recours des militaires s'est bornée à affirmer que son infirmité ne correspondait pas au libellé du guide-barème sans détailler sa position ; - pour les séquelles d'amibiases, le barème prévoit un taux de 30 à 100 % en présence d'un retentissement sur l'état général ; la commission des recours des militaires ne justifie pas pourquoi le barème de 1915 ne pourrait pas s'appliquer et la décision du 24 juillet 2000 retient un seulement " mauvais état général " ; - il est fondé à solliciter la révision de sa pension militaire d'invalidité sur la base du taux d'invalidité calculé selon le barème de 1887 pour l'infirmité n° 2 et sur celui de 1915 pour l'infirmité n° 3 ; le taux de 95 % ainsi calculé lui ouvrant droit au statut de Grand Mutilé ; - le taux d'invalidité de chaque infirmité étant augmenté de 10 %, il peut prétendre, sur la base des rapports d'expertise de 2013 et de 2021, à la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité n° 3 en raison de son aggravation. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, le ministre des armées, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire en défense présentée le 22 février 2024 pour M. A... n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui est né en 1926, s'est vu attribuer le 2 avril 1996, une pension militaire d'invalidité au taux de 85 % pour des infirmités contractées pendant la deuxième guerre mondiale et la guerre d'Indochine. Par un arrêté du 24 juillet 2000, prenant effet au 2 juin 1998, ce taux a été porté à 90 %. Depuis cette date, le taux d'invalidité attribué à l'intéressé au titre de l'infirmité 1 " Ulcus duodénal chronique, ayant entrainé plusieurs interventions " est de 65 %, celui de l'infirmité 2 " Prolapsus muco-hémorroïdaires interne et externe très invalidant. Volumineuses hémorroïdes stade III avec anite très congestive. Rectorragies fréquentes " est de 50 % et celui de l'infirmité 3 " Séquelles amibiases intestinales. Alternance de constipation opiniâtre et de diarrhée avec selles très liquides. Douleurs abdominales fréquentes. Mauvais état général. Troubles neurovégétatifs " est de 20 %. Sa demande de révision pour aggravation, présentée le 16 janvier 2013, a été rejetée par une décision du 3 décembre 2013. Le 15 juillet 2019, M. A... a de nouveau sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité. Cette demande a été rejetée par la ministre des armées par une décision du 3 février 2021. Par un courrier du 30 août 2021, l'intéressé a saisi la commission des recours des militaires en sollicitant l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 95 % calculé sur la base des barèmes de 1887 pour les infirmités 1 et 2 et du barème de 1915 pour l'infirmité 3. Par une décision du 22 septembre 2021, qui s'est substituée à celle du 3 février 2021, la commission a rejeté sa demande en indiquant " au surplus " que le guide-barème de 1887 ne pouvait lui être appliqué. Par une requête enregistrée le 23 novembre 2021, M. A... a contesté les décisions des 24 juillet 2000, 3 décembre 2013 et 22 septembre 2021 devant le tribunal administratif de Rennes. Il demandait en outre, aux premiers juges de réviser ses droits à pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux d'invalidité de 95 % à compter du 24 juillet 2000 et, à titre subsidiaire, de réexaminer ses droits. Par un jugement du 28 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 22 septembre 2021 en tant qu'elle rejette la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... pour l'infirmité 2, a fixé le taux de cette infirmité à 60 % à compter du 15 juillet 2019, en ajoutant que sa pension était portée " en conséquence au taux global de 95 % ". Il a rejeté le surplus de la requête présentée par M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement. Il demande à la cour d'annuler les décisions des 24 juillet 2000, 3 décembre 2013 et 22 septembre 2021 et d'enjoindre au ministre des armées de réviser ses droits à pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux de 95 % avec effet au 24 juillet 2000, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui verser les sommes dues. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, dans son courrier du 30 août 2021, M. A... a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 95 % calculé sur la base des barèmes de 1887 pour les infirmités 1 et 2 et du barème de 1915 pour l'infirmité 3. La décision du 22 septembre 2021 a rejeté son recours en indiquant " au surplus " que le guide-barème de 1887 ne pouvait lui être appliqué. Devant le tribunal administratif, M. A... a contesté les décisions des 24 juillet 2000, 3 décembre 2013 et 22 septembre 2021 et demandé au tribunal de réviser ses droits à pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux d'invalidité global de 95 % à compter du 24 juillet 2000 et de réexaminer ses droits. Dans sa requête introductive d'instance, il concluait à la révision de sa pension militaire d'invalidité sur la base de taux d'invalidité calculés " selon le barème de 1887 pour les affections n° 2 et 3 " et sollicitait, à titre subsidiaire, la révision de sa pension " pour aggravation ". Dans son mémoire en réplique du 2 novembre 2022, il rappelait que la discussion ne portait que sur les infirmités 2 et 3 et invoquait, pour cette dernière, le taux de 30 à 100 % prévu par le barème de 1915. 3. En premier lieu, il suit de ce qui vient d'être dit, que M. A... n'a pas entendu contester le taux d'invalidité dont il bénéficie pour l'infirmité 1. Par suite, en se prononçant dans les motifs du jugement attaqué sur cette infirmité et en rejetant, dans son dispositif, le surplus de sa requête, les premiers juges ont statué ultra petita. M. A... est par suite fondé à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il concerne cette infirmité, est entaché d'irrégularité. 4. A défaut de conclusions se rapportant à l'infirmité 1, il n'y a pas lieu de statuer par la voie de l'évocation sur ce point. 5. En deuxième lieu, il ressort du jugement attaqué, que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur l'infirmité 3 dont est affecté M. A.... Par suite, l'intéressé est fondé à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il concerne cette infirmité, est entaché d'irrégularité. 6. En troisième lieu, si le requérant entend contester le jugement attaqué en tant qu'il ne se serait pas prononcé sur la révision de sa pension militaire d'invalidité par application des barèmes plus favorables de 1887 et 1915 pour les infirmités 2 et 3, une telle question relève du fond du litige et non de la régularité du jugement. 7. Il résulte de ce qui vient d'être dit, qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... en tant qu'elles sont relatives à l'infirmité 3 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Rennes en ce qui concerne l'infirmité 2. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 8. D'une part, aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. ". Aux termes de l'article L. 125-3 de ce code : " Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5. Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité. (...) ". Aux termes de l'article L. 125-5 du même code : " Lorsqu'il s'agit d'amputations ou d'exérèses d'organe, les pourcentages d'invalidité figurant aux barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 sont impératifs. / Dans les autres cas, ils ne sont qu'indicatifs. ". Aux termes de l'article L. 125-6 dudit code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsque l'évaluation donnée pour une infirmité par l'un des barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 est inférieure à celle dont bénéficiait cette même infirmité d'après les lois et règlements antérieurs, l'estimation résultant de ces lois et règlements est appliquée et sert de base à la fixation de la pension. ". Aux termes de l'article L.125-8 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 125-9, dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, le taux d'invalidité est calculé ainsi qu'il suit : 1° Les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité ; 2° L'infirmité la plus grave est prise en considération pour l'intégralité du taux qui lui est applicable ; 3° Le taux de chacune des infirmités supplémentaires est pris en considération proportionnellement à la validité restante ; 4° Quand l'infirmité principale entraîne une invalidité d'au moins 20 %, le taux d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires est majoré de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. ". 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. 10. Il n'est pas contesté que la décision du 24 juillet 2000, attribuant à M. A... les taux d'invalidité de 65 %, 50 % et 20 % pour les infirmités 1, 2 et 3 dont il souffre et servant au calcul de la pension militaire d'invalidité à compter du 2 juin 1998, ainsi que la décision du 3 décembre 2013 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité calculée sur cette base, sont devenues définitives. Par suite, M. A... n'est fondé ni à en solliciter l'annulation, ni à remettre en cause les taux d'invalidité qui lui ont alors été accordés. En revanche, l'intéressé est fondé, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, à solliciter la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité, laquelle ne peut prendre effet qu'à la date de cette demande. En ce qui concerne l'infirmité 2 : 11. Le guide-barème des pensions militaires d'invalidité, dans sa version de 1915, prévoit que l'infirmité " hémorroïdes volumineuses et permanentes " justifie un taux d'invalidité de 20 % lorsqu'elle est " sans retentissement sur l'état général " et de 50 % si elle entraîne un " affaiblissement de la constitution " du patient. Ce taux peut être porté à 60 % en application du barème de 1887, dès lors que " l'affaiblissement de la constitution " est constaté. 12. Le 8 juillet 2013, le docteur B..., désigné en qualité d'expert, a constaté que M. A... présentait une aggravation de sa symptomatologie de colopathie amibienne et de son prolapsus rectal. S'il proposait de porter le taux de l'infirmité 2 de 50 à 65 %, il imputait cette aggravation à la colopathie amibienne, laquelle constitue une infirmité distincte. En revanche, dans son rapport du 10 juillet 2020, le docteur D... a constaté une aggravation de l'infirmité 2 du fait de l'altération de l'état général de M. A.... Il a alors proposé de porter le taux d'invalidité de cette infirmité à 60 %. Si dans sa décision du 22 septembre 2021, la commission des recours des militaires a suivi l'avis contraire émis le 26 janvier 2021 par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité proposant de maintenir le taux d'invalidité de cette infirmité à 50 %, aucun justificatif médical motivé ne permet de contredire les conclusions du dernier expert. Dans ces conditions, le taux de l'infirmité 2 " hémorroïdes volumineuses et permanentes " qui désormais entraine un " affaiblissement de la constitution " du patient, doit, en application du guide barème de 1887, le plus favorable, être porté de 50 à 60 % à la date de la demande de révision présentée le 15 juillet 2019 par M. A.... En revanche, aucune disposition ne permet de majorer ce taux au-delà de 60 %. En ce qui concerne l'infirmité 3 : 13. Selon le guide-barème des pensions militaires d'invalidité, l'infirmité " séquelles de l'amibiase " justifie un taux d'invalidité de 10 à 25 % lorsqu'elle entraîne des " diarrhée chronique, intermittente, sans retentissement sur l'état général " et de 30 à 100 % en cas de " diarrhée chronique intermittente, avec ou sans complications hépatiques et retentissement sur l'état général. Toutes complications et localisations comprises ". 14. Lors de l'expertise réalisée le 8 juillet 2013, le docteur B... a proposé de porter le taux de l'infirmité litigieuse à 30 % en précisant que l'aggravation de l'état de santé de M. A... était en lien avec la fragilité induite par sa colopathie amibienne. Dans son rapport du 10 juillet 2020, le docteur D... a souligné la stabilité des séquelles de l'amibiase intestinale présentées par M. A... tout en proposant le maintien de son taux d'invalidité de 20 %. La fiche des infirmités se rapportant à la pension militaire d'invalidité concédée à l'intéressé par l'arrêté du 24 juillet 2000 indique toutefois, pour cette troisième infirmité, que M. A... présente un " mauvais état général " et des " troubles neuro-végétatifs ". La décision du 3 décembre 2013 rejetant la demande de révision pour aggravation reprend les mêmes termes. Il s'ensuit que M. A... est fondé à demander que le taux d'invalidité de l'infirmité 3 dont il souffre soit porté de 20 à 30 % à la date du 15 juillet 2019, sur le fondement du barème le plus favorable. 15. Il résulte de tout ce qui précède, que, d'une part, M. A... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fixé le taux d'invalidité de l'infirmité 2 dont il souffre à 60 % avec effet au 15 juillet 2019. M. A... est, d'autre part, fondé à soutenir que le taux d'invalidité de son infirmité 3 doit être porté à 30 % à la même date. Le surplus de ses conclusions doit être rejeté. Sur les conclusions aux fins d'injonctions : 16. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la pension militaire d'invalidité concédée à M. A... soit calculée sur la base des taux de 60 % et 30 % pour les infirmités 2 et 3 à compter du 15 juillet 2019. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder au calcul de la pension militaire d'invalidité de l'intéressé sur cette base ainsi qu'à la liquidation des sommes qui lui sont dues en exécution de cet arrêt. Sur les frais liés au litige : 17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2106010 du 28 novembre 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il concerne les infirmités 1et 3. Article 2 : Le taux d'invalidité de l'infirmité 2 attribué à M. A... est porté à 60 % au 15 juillet 2019. Article 3 : Le taux d'invalidité de l'infirmité 3 attribué à M. A... est porté à 30 % au 15 juillet 2019. Article 4 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder au calcul de la pension militaire d'invalidité concédée à M. A... sur la base des taux mentionnés aux articles 2 et 3 du présent arrêt et à la liquidation des sommes qui lui sont dues en exécution de cet arrêt. Article 5 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT00193
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/04/2024, 23NT00554, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " lombalgies aigües et chroniques ". Par un jugement n° 2000555 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 février et 9 novembre 2023 ainsi que le 3 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Mattler, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 janvier 2023 ; 2°) d'annuler la décision du 11 juillet 2018 ; 3°) de dire qu'il conservait à la date du 3 juin 2016 une invalidité de 15 % pour l'infirmité lombalgies chroniques et invalidantes ; 4°) d'ordonner, le cas échéant, une expertise médicale, aux frais avancés de l'Etat ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens. Il soutient que : - il a sollicité une pension pour l'infirmité " lombalgies aigües et chroniques " et non pour l'infirmité " anomalies constitutionnelles de spondylolisthésis de grade I, de L5 sur S1 " ; - le taux de 10 % retenu au titre d'un état antérieur, qui serait lié à une maladie étrangère au service, ne résulte d'aucune décision qui lui aurait été notifiée ; - il n'est pas établi que les avis de la commission consultative médicale rendus les 17 avril 1989 et 9 avril 2018 seraient réguliers ; l'avis de la commission de réforme du 10 juillet 2018 est insuffisamment motivé ; ces avis, pas plus que celui du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité ne lui sont opposables ; - son taux d'invalidité de 15 % est entièrement imputable au service ; - il appartient au ministre d'établir que l'expert qui l'a examiné le 22 février 2018 a été régulièrement désigné et que lui-même a été informé de son droit de produire tout certificat médical ou d'être assister par son médecin traitant ; - la circonstance qu'il n'aurait subi aucun nouveau traumatisme est sans incidence dès lors qu'il demande la prise en compte de l'évolution d'une infirmité déjà pensionnée et donc imputable au service ; - les sauts en parachute entraînent nécessairement des traumatismes dorsaux dont les conséquences se révèlent parfois après la fin du service ; - il ne soulève aucun moyen de légalité externe en appel. Par des mémoires, enregistrés les 12 octobre et 15 décembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens de légalité externe dirigés contre la décision contestée sont tardifs et par suite irrecevables ; - les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le mémoire présenté le 15 janvier 2024 par le ministre des armées n'a pas été communiqué. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né en 1947, a servi dans l'armée de terre du 1er novembre 1965 au 2 octobre 1987. Il a été victime de deux accidents de service, survenus lors de sauts en parachute, les 1er octobre 1983 et 7 mars 1985. A compter du 20 mars 1987, une pension militaire d'invalidité au taux global de 50 % lui a été allouée pour les infirmités suivantes : 1 - " hypoacousie bilatérale " dont le taux d'invalidité a été fixé à 25 %, 2 - " séquelles d'un traumatisme cervical " au taux de 10 %, et 3 " séquelles de contusion vertébrale " au taux de 10 %. Ce taux de 50 % a été réduit à 40 % à compter du 20 mai 1990 sur la base des seules infirmités 1 et 2. Par une décision du 3 mai 1990, il a en effet été considéré que l'infirmité 3 n'ouvrait plus droit à pension en raison de son taux d'invalidité inférieur au minimum indemnisable fixé à 10 %. Par un courrier reçu le 6 juin 2016, M. B... a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation concernant l'infirmité " lombalgies aigües et chroniques ". Sa demande a été rejetée par une décision du 11 juillet 2018 de la ministre des armées. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2023, par lequel le tribunal administratif de Nantes, devenu compétent par détermination de la loi, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision. Il demande à la cour de fixer le taux d'invalidité correspondant à l'infirmité 3 à 15 %. Sur le bien-fondé de la décision contestée : 2. Par un courrier du 3 juin 2016, M. B... a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " lombalgies aigües et chroniques ". Il soutient qu'en se référant à l'infirmité " lombalgies chroniques invalidantes. Anomalies constitutionnelles de spondylolisthésis de grade I de L5 sur S1 ", la décision contestée ne correspond pas à sa demande. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette infirmité était déjà pensionnée, à titre temporaire, pour la période allant du 20 mars 1987 au 19 mars 1990 et que son intitulé exact était alors, selon l'intercalaire descriptif des infirmités ayant donné lieu à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité, se référant à l'arrêté du 23 mai 1989 non produit : " Séquelles de contusion vertébrale - douleur lombaire mécanique, avec raideur, douleurs au changement de temps, épisodes de blocage aigu avec sciatalgie droite ou gauche incomplète. Limitation modérée en fin de mouvement. Distance doigts - sol 10 cm. Inflexion subnormale. Extension en décubitus retrouve une flexion. Rotation, inflexion lombaire normale. Radio : séquelles dorsales de maladie de Scheuermann antélisthésis L5, atypie transitionnelle. ". Par ailleurs la décision du 3 mai 1990, qui fait référence à ce même arrêté du 23 mai 1989, précise que cette infirmité ne peut être prise en compte pour le calcul de sa pension en raison de " son taux devenu inférieur au taux minimum indemnisable fixé à 10 % ". Le ministre produit les accusés de réception de ces deux décisions. Par ailleurs, il est constant que l'intéressé a perçu les pensions correspondant aux taux de 50 % puis de 40 % durant les périodes concernées. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir, d'une part, que ces décisions ne lui seraient pas opposables à défaut de lui avoir été régulièrement notifiées et, d'autre part, que la ministre se serait méprise sur l'objet de sa demande. 3. Aux termes de l'article R. 11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les visites auxquelles sont soumis les militaires (...) en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un seul médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre de la demande. / Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet. L'agrément des médecins civils est délivré, pour une durée d'un an tacitement renouvelable, par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. ". L'article R. 12 du même code précise que : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert doit être mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un certificat qui est revêtu de sa signature. / L'intéressé a la faculté de produire au médecin expert tout certificat médical ou document qu'il juge utile et dont il peut demander l'annexion au dossier. Il peut également à chacune des visites auxquelles il est procédé, se faire assister par son médecin traitant : ce médecin présente, s'il le juge utile, des observations écrites, qui sont jointes au procès-verbal. ". 4. M. B... soutient qu'il n'a pas été invité à se rendre à l'expertise confiée au docteur C..., muni de tous les documents médicaux en sa possession et qu'en outre, il ne lui a pas été précisé qu'il avait la possibilité de se faire accompagner à ses frais par un médecin. Le ministre a indiqué ne pas être en mesure de produire la convocation adressée à M. B.... Par suite, ce dernier est fondé à soutenir qu'il a été privé d'une garantie à l'occasion de la procédure d'expertise et qu'en conséquence la décision contestée, qui est notamment fondée sur les conclusions de cet expert, est entachée d'irrégularité. Il s'ensuit que cette décision doit être annulée. Sur les droits à pension de M. B... au titre de l'infirmité 3 : 5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ". Aux termes de l'article L. 4 : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. ". Selon l'article L. 5 du même code : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Enfin, l'article L. 6 de ce code dispose que : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Lorsque l'instruction médicale est achevée, le dossier est soumis pour avis à la commission consultative médicale dans les cas où cet avis est obligatoire ou lorsque l'un ou l'autre des services chargés de l'instruction ou de la liquidation de la pension l'estime utile. Le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre procède au constat provisoire des droits à pension et en notifie le résultat à l'intéressé ". L'article 15 dispose que " l'intéressé peut demander l'examen de son dossier par la commission de réforme ". Aux termes de l'article R. 17 du même code : " La commission de réforme ne délibère valablement que si son président ou son suppléant et un autre membre sont présents. ". 6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 2, l'infirmité 3 dont souffre M. B... concerne des " séquelles de contusion vertébrale ". Elles entraînent des douleurs lombaires mécaniques, une raideur et des épisodes de blocage aigu avec sciatalgie et une limitation modérée de ces mouvements. L'intéressé présente en outre des séquelles dorsales consécutives à une maladie de Scheuermann contractée avant son engagement dans l'armée et un glissement de vertèbre L5 S1 dit " antélisthésis ". Si le ministre des armées fait valoir que le taux de 10 % non imputable au service mentionné dans l'arrêté du 23 mai 1989 au sujet de cette infirmité a acquis un caractère définitif, il résulte de l'instruction que, sur les 20 % retenus par l'expert puis la commission consultative médicale lors de sa séance du 17 avril 1989, cette décision a néanmoins admis un taux d'invalidité de 10 % imputable au service en raison de très nombreux sauts en parachute pratiqués par M. B... durant sa carrière militaire. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministre, la décision du 3 mai 1990 ne remet pas en cause le principe d'une part imputable au service de cette infirmité mais constate qu'elle est désormais inférieure au taux minimum indemnisable de 10 %. Dans le cadre de son expertise réalisée le 22 février 2018, le docteur C... s'est borné à indiquer qu'il était impossible de ventiler le taux d'invalidité qu'il proposait de retenir pour cette infirmité entre la part imputable au service et celle qui ne l'est pas, sans écarter tout lien avec le service. Dans ces conditions, l'infirmité n°3 dont est affectée M. B... présente au moins partiellement un caractère imputable au service. En revanche, les pièces du dossier ne permettent pas d'évaluer la part imputable au service de cette infirmité. En conséquence, il y a lieu d'ordonner avant dire-droit, ainsi que le demande le requérant, une nouvelle expertise médicale dans les conditions mentionnées ci-dessous. DÉCIDE : Article 1er : La décision du 11 juillet 2018 est annulée. Article 2 : L'infirmité n°3 " Séquelles de contusion vertébrale - douleur lombaire mécanique, avec raideur, douleurs au changement de temps, épisodes de blocage aigu avec sciatalgie droite ou gauche incomplète. Limitation modérée en fin de mouvement. Distance doigts - sol 10 cm. Inflexion subnormale. Extension en décubitus retrouve une flexion. Rotation, inflexion lombaire normale. Radio : séquelles dorsales de maladie de Scheuermann antélisthésis L5, atypie transitionnelle. " dont reste atteint M. B... est partiellement imputable au service. Article 3 : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire entre les parties. Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il pourra solliciter la désignation d'un sapiteur et accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 5 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. B..., en ce qui concerne l'infirmité 3 mentionnée à l'article 2 du présent arrêt, se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ; - examiner l'intéressé, décrire son état de santé actuel ; - déterminer l'origine des symptômes se rattachant à cette infirmité, en précisant clairement la part non imputable au service résultant d'une pathologie ou anomalie constitutionnelle, et la part imputable au service présentant un lien direct notamment avec les nombreux sauts en parachute effectués par M. B... dans le cadre de ses fonctions militaires ; - dire si les symptômes résultant de sa pathologie ou anomalie constitutionnelle ont été aggravés par ses fonctions militaires et évaluer le taux de cette aggravation imputable au service ; - de façon générale, donner tous autres éléments d'information nécessaires. Article 6 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties. Article 7 : L'expert appréciera l'utilité de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport. Article 8 : Les frais et honoraires d'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 9 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 avril 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT00554
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 12/04/2024, 23MA00081, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner La Poste à lui verser la somme de 23 048,20 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 2104710 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, condamné La Poste à verser à M. D... la somme de 4 800 euros au titre des préjudices résultant de l'accident de service du 9 janvier 2017, aux articles 2 et 3, mis à la charge de La Poste les frais d'expertises taxés et liquidés à la somme de 1 680 euros ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à l'article 4, rejeté la demande de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 précité. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2023, sous le n° 23MA00081, La Poste SA, représentée par Me Andreani, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2022 ; 2°) de rejeter la demande de M. D... ; 3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la faute commise par M. D... lors de l'accident de nature à l'exonérer entièrement ; - elle n'a commis aucune faute dans le cadre de l'intervention du véhicule de dépannage ; - le comportement de M. D... est fautif dès lors qu'il n'entrait pas dans le cadre de ses attributions d'intervenir dans l'opération de dépannage et est en contradiction avec les formations qu'il a suivies ; - dans le cadre de la responsabilité sans faute, son intervention constitue une faute de nature à exonérer entièrement la responsabilité. La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Marseille a omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône dont relevait M. D... en méconnaissance des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observation. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Tosi, représentant La Poste. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., fonctionnaire de La Poste occupant le poste de responsable d'équipe, s'est blessé le 9 janvier 2017 en aidant un remorqueur à charger un véhicule de service immobilisé sur une dépanneuse et a eu la troisième phalange de l'index gauche sectionnée. Cet accident a été reconnu imputable au service le 13 janvier 2017. Il a adressé une demande préalable indemnitaire à la Poste le 15 décembre 2020, à laquelle il n'a pas été répondu. La Poste relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. D... la somme de 4 800 euros au titre des préjudices résultant de l'accident de service du 9 janvier 2017 et a mis à sa charge les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 680 euros ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du jugement : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". 3. Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige. En ayant omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône en vue de l'exercice par celle-ci de l'action susmentionnée alors que M. D... soulevait la responsabilité pour faute de son employeur, le tribunal administratif de Marseille a méconnu la portée des dispositions précitées. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2022. 4. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre cause d'irrégularité soulevée par la requérante tirée de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur le moyen tiré de la faute de la victime, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Marseille. Sur la responsabilité pour faute : 5. En l'espèce, le 9 janvier 2017, M. D... fonctionnaire de la Poste occupant le poste de responsable d'équipe, s'est rendu à Lambesc pour intervenir sur un véhicule de type Staby en panne. Afin de faire remorquer ce véhicule, il a sollicité l'assistance d'un véhicule de dépannage, dans le cadre de son service. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le véhicule missionné aurait été inadapté, ni que La Poste aurait commis une faute en missionnant le véhicule de dépannage. Sur la responsabilité sans faute : 6. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 7. Il résulte de l'instruction que l'accident de M. D... survenu le 9 janvier 2017 a été reconnu imputable au service le 13 janvier 2017 à un taux d'IPP fixé à 5 %. Il ne bénéficie ni d'une allocation temporaire ni d'une rente d'invalidité. Par suite, s'il ne peut prétendre, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant ses pertes de revenus ou une incidence professionnelle, il peut prétendre à la réparation de préjudices d'une autre nature, même en l'absence de faute de son employeur. En ce qui concerne le partage de responsabilité : 8. La responsabilité sans faute de l'autorité administrative peut être atténuée ou supprimée dans le cas où l'accident est imputable à une faute de la victime. Il résulte de l'instruction que M. D..., employé par La Poste depuis plus de 36 ans, occupait le poste d'encadrant courrier distribution. Le 9 janvier 2017, il s'est rendu à Lambesc pour intervenir sur un véhicule de type Staby en panne. Afin de faire remorquer ce véhicule, il a sollicité l'assistance d'un véhicule de dépannage, dans le cadre de son service. M. D... a pris, seul, l'initiative d'intervenir pour aider le prestataire à charger le véhicule. Il a ainsi saisi la roue arrière gauche par l'un de ses bâtons, mais la roue à pivoté d'un quart de tour sur son axe, causant l'écrasement et la section de son index gauche entre la partie arrière de la roue et le moteur électrique. M. D... ne conteste pas le fait que cette intervention ne faisait pas partie de ses fonctions et qu'il n'avait reçu aucune formation en la matière. Dans ces conditions, l'accident de service survenu le 9 janvier 2017 étant en partie imputable à la faute de M. D..., il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité lui incombant en la fixant à 50 % des conséquences dommageables résultant de cet accident. En ce qui concerne les préjudices subis : 9. L'expert désigné par le tribunal administratif de Marseille a établi son rapport le 25 janvier 2021 et a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. D... au 23 août 2017. S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires : Quant au préjudice esthétique temporaire : 10. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 25 janvier 2021, que M. D... a souffert d'un préjudice esthétique temporaire du 9 janvier 2017 au 23 août 2017, évalué à 1 sur 7. Il y a lieu d'en faire une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 300 euros. Quant au déficit fonctionnel temporaire : 11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 25 janvier 2021 que l'expert a estimé que le déficit fonctionnel temporaire était total le 9 janvier 2017, partiel du 10 janvier 2017 au 19 juin 2017 avec un taux de 7% et partiel du 20 juin 2017 au 23 août 2017 avec un taux de 5%. Par suite, il y a lieu d'évaluer ce préjudice à la somme de 200 euros. Quant aux souffrances endurées : 12. Il résulte du rapport d'expertise que M. D... a enduré des souffrances qu'il convient d'évaluer à 3 sur 7. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, en ce incluses les souffrances morales, en le fixant à la somme de 3 500 euros. S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents : Quant au préjudice esthétique permanent : 13. Il y a lieu d'évaluer le préjudice esthétique permanent lié à l'amputation à 1 sur 7, ainsi que l'expert le préconise. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 1 000 euros. Quant au déficit fonctionnel permanent : 14. Selon l'expert, ce préjudice est évalué à 5 %. Par suite, M. D... étant âgé de 56 ans au jour de la consolidation, il y a lieu d'évaluer son déficit fonctionnel permanent à la somme de 5 400 euros. Quant au préjudice d'agrément : 15. M. D... n'établit pas avoir subi une gêne dans les activités de loisirs pratiquées, alors que l'expertise mentionne que la perte de la pince index pouce de sa main gauche peut être remplacée aussi efficacement par la pince majeur pouce. 16. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 10 à 15, il y a lieu d'évaluer à la somme totale de 10 400 euros la réparation des préjudices subis par M. D.... Cependant, eu égard au partage de responsabilité mentionné au point 8, La Poste doit être condamnée à lui verser la somme de 5 200 euros. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 5 200 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de service survenu le 9 janvier 2017. Sur les frais d'expertise : 18. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagée entre les parties (...) ". 19. Il y a lieu de mettre à la charge de la Poste, partie perdante les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 1 680 euros par les ordonnances de la présidente du tribunal le 9 mars 2021. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D... qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par La Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... en première instance et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2022 est annulé. Article 2 : La poste est condamnée à verser à M. D... la somme de 5 200 euros. Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 680 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de La Poste. Article 4 : La Poste versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre des frais de première instance, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste SA, à M. A... D... et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée au docteur B... C..., expert près la Cour d'appel de Nîmes. Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, où siégeaient : - Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - Mme Marchessaux, première conseillère, - Mme Poullain, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2024. N° 23MA00081 2 bb
Cours administrative d'appel
Marseille