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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 11/01/2024, 22BX03192, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 14 décembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par une ordonnance n° 2202271 du 29 novembre 2022, le président de la 6e chambre du tribunal administratif de Bordeaux a donné acte d'office de son désistement. Procédure devant la cour administrative d'appel : Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2022, et régularisée le 2 juin 2023, M. A..., représenté par Me Taormina, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'évoquer, d'annuler la décision de la commission de recours en tant qu'elle lui refuse une pension pour l'infirmité 1, et d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension au taux de 10 % pour son infirmité à l'épaule gauche. Il soutient que : - l'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux est irrégulière car les circonstances de l'affaire ne justifiaient pas d'adresser au requérant un courrier de demande de confirmation de sa requête au risque d'un désistement d'office comme prévu par l'article R.612-5-1 du code de justice administrative ; il n'est au demeurant pas établi que M. A... ait reçu ce courrier ; - la décision ne comportant aucune justification de la composition de la commission, il n'est pas établi que quatre membres sur sept auraient été présents comme l'exige l'article R .711-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ce qui l'a privé d'une garantie ; - un premier médecin expert a fixé le taux d'invalidité lié aux restrictions de mouvements à l'épaule gauche à 10 %, et si un second expert a estimé que le lien ne pouvait être établi avec une blessure reçue en service en 1954, il produit un certificat médical imputant cette infirmité à des " séquelles d'éclats de mortier rapportés dans son dossier individuel ". Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés, et produit le procès-verbal de la commission de recours. Par une décision du 21 février 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui a servi dans l'armée française en qualité d'engagé volontaire de 1952 à 1956, a sollicité le 29 mars 2012, puis le 1er octobre 2019, une pension militaire au titre notamment de séquelles de blessures par éclats de mortier reçues à l'épaule gauche le 13 avril 1954 en Indochine. Une première expertise avait conclu à un taux d'invalidité inférieur à 10 % sur ce point, ce qui avait conduit au rejet de sa demande de pension à ce titre, confirmé le 29 mars 2018 par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bordeaux. Sa demande en nouvelle instance ayant été rejetée le 23 juin 2021, M. A... a saisi la commission de recours de l'invalidité, laquelle a rejeté sa demande le 14 décembre 2021. Il a déféré cette décision au tribunal administratif de Bordeaux, et relève appel de l'ordonnance du 29 novembre 2022 qui a donné acte d'office de son désistement. Sur la régularité de l'ordonnance : 2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ". 3. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile, et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que si la requête de M. A..., enregistrée le 21 avril 2022, était particulièrement sommaire, elle comportait la décision attaquée et demandait expressément que lui soit accordée une aide juridictionnelle. Dans ces conditions, en adressant au requérant, sans transmettre cette demande au bureau d'aide juridictionnelle ou constater une caducité de cette demande, un courrier du 23 septembre 2022 lui demandant, en application des dispositions de l'article R. 612-5-1 précitées du code de justice administrative, de confirmer sa requête dans un délai d'un mois sauf à être regardé comme s'en désistant, le premier juge n'a pas fait une juste application de ces dispositions. 5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A.... Sur le droit à pension pour l'infirmité de l'épaule gauche : 6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Selon l'article L.151-6 du même code, l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. 7. M. A... a été examiné par un médecin de l'Office National des Anciens Combattants (ONAC) au Maroc le 30 mars 2021. Celui-ci a conclu, au titre de l'infirmité " séquelles de blessures à l'épaule gauche par éclats de mortier ", que les douleurs à la mobilisation de cette épaule, l'élévation et l'abduction limitées justifiaient un taux d'invalidité de 10 %, et a écarté comme " sans retentissement fonctionnel " les séquelles de blessures au dos résultant de simples cicatrices. La commission consultative médicale réunie le 7 juin 2021 a cependant estimé que la part imputable à la blessure de 1954 de l'infirmité concernant l'épaule était inférieure à 10 %, dès lors qu'il existait une aggravation par rapport aux constatations antérieures, laquelle résultait du vieillissement physiologique chez un requérant âgé de 87 ans. 8. Il résulte de l'ensemble des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et notamment de celles de l'article L. 151-2, qui conduisent à apprécier les taux d'invalidité, non à la date à laquelle la blessure a été reçue ou la maladie contractée, mais à celle, qui peut être largement postérieure, du dépôt de la demande, que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension ou l'admission d'un droit à pension pour les infirmités précédemment au-dessous du seuil de 10 % ouvrant droit à pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 9. Il ne ressort ni du certificat du médecin de l'ONAC ni de l'avis de la commission consultative que l'aggravation de l'impotence fonctionnelle de l'épaule gauche de M. A... due au vieillissement serait en lien avec une autre cause ou maladie que les éclats de mortier reçus en 1954. Dans ces conditions, cette aggravation ne pouvait conduire à réduire le taux d'invalidité imputable à la blessure au-dessous du seuil de 10 % ouvrant droit à pension. 10. Si le ministre reprend enfin devant la cour l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité (PMI) selon lequel " l'expert ne pose pas le diagnostic permettant de relier les troubles initiaux aux séquelles actuelles et en l'absence de filiation de soin de 1954 à nos jours l'imputabilité au service ne peut être retenue ", la circonstance qu'une " filiation de soin " n'ait pu être établie depuis cette époque ne saurait priver le requérant du constat, médicalement affirmé, de l'imputabilité de ses séquelles à la blessure en service dûment constatée dans son livret militaire. 11. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne conteste en rien le rejet de sa demande pour des séquelles au dos n'entraînant pas d'invalidité, est fondé à soutenir que c'est à tort que la commission de recours de l'invalidité a refusé de lui reconnaître un droit à pension de 10 % pour la restriction de mobilité de l'épaule gauche. Il y a donc lieu d'enjoindre au ministre de lui reconnaître ce droit à pension, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance du 29 novembre 2022 est annulée. Article 2 : La décision du 14 décembre 2021 est annulée. Il est enjoint au ministre des armées de reconnaître à M. A... un droit à pension au taux de 10 % au titre des séquelles de blessure par éclats de mortiers à l'épaule gauche dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2024. La présidente-assesseure Anne Meyer La présidente, rapporteure Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22BX03192 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 29/12/2023, 21NC01548, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé le 28 juillet 2017 au tribunal des pensions de Strasbourg d'annuler la décision du 16 décembre 2016 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 et par un courrier, enregistré le 23 janvier 2020 au tribunal administratif de Strasbourg, le tribunal des pensions de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A.... Par un jugement n° 2001680 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 mai 2021 et le 6 août 2021, M. A..., représenté par Me Dal Molin, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2016 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité et de fixer le taux d'aggravation des infirmités à 11 %. Il soutient que : - l'expert judiciaire, dans son rapport du 19 octobre 2020, a sous-évalué l'aggravation de ses infirmités en fixant un taux de 8 % alors que le certificat médical du médecin, spécialiste des os et articulations, du 16 juin 2021, atteste de leur nette aggravation au niveau de la hanche gauche à un taux supérieur à 10 % ; - son infimité s'est aggravée avec l'âge. Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le certificat du 16 juin 2021 doit être écarté des débats car il n'est pas contemporain de la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... et ne constitue pas une expertise au sens des dispositions de l'article R. 11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - en application des dispositions de l'article L. 29 du même code, seul un taux d'aggravation de 10 % peut donner lieu à révision de pension, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1937, a été blessé le 20 novembre 1960 pendant la guerre d'Algérie. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité depuis le 11 août 1997 au taux global de 60 % dont 50 % au titre des séquelles de fractures de Dupuytren droit et 10 % au titre de lombalgies. Par une demande du 27 avril 2015, il a sollicité la révision de sa pension pour la première infirmité pensionnée " séquelles de fractures de Dupuytren droite : prothèse totale de hanche gauche, boiterie, douleurs chroniques, raideur hanche dans tous les axes ; arthrose évoluée tibio-tarsienne et astragalo-calcanéenne " qui a été rejetée par une décision de la ministre des armées du 16 décembre 2016. M. A... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension du requérant, devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire du 19 octobre 2020 que si la première infirmité pour laquelle M. A... a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité le 27 avril 2015 s'est aggravée au regard de la diminution de la capacité globale de la cheville droite et de la hanche gauche, l'expert a conclu à une aggravation de 8 %. Il relève l'absence d'aggravation sur le plan fonctionnel et iconographique de la coxarthrose de la prothèse gauche. Par ailleurs, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité a conclu également, dans son rapport du 21 septembre 2016, à l'absence d'aggravation de cette infimité en relevant notamment l'absence de descellement de la prothèse gauche. 5. Si le requérant fait valoir que ses infirmités se sont aggravées et produit un certificat médical du 16 juin 2021, il résulte de l'instruction que ce certificat mentionne que le praticien a évalué les séquelles de l'infirmité en se plaçant au 16 juin 2021 en s'appuyant notamment sur un bilan radiographique réalisé le 27 mai 2021. Par suite, et alors que ce certificat médical et cette radiographie ne sont pas contemporains à la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... du 27 avril 2015, ils ne peuvent être pris en compte, conformément aux dispositions de l'article L. 6 précité, pour déterminer si une aggravation de l'infimité a été constatée le 27 avril 2015, date de sa demande de révision. 6. Dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité une aggravation supérieure ou égale au taux de 10 %, ouvrant droit à révision selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre précité a été constatée pour l'infimité pensionnée, la ministre des armées a pu légalement refuser de réviser la pension militaire d'invalidité de M. A.... 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de révision de sa pension militaire d'invalidité. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Samson-Dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023. La rapporteure, Signé :S. RoussauxLa présidente, Signé :V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé :M. C... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M. C... 2 N° 21NC01548
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 08/12/2023, 22MA01959, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, par une requête, enregistrée sous le n° 1901643, d'annuler la décision du 25 juin 2019 par laquelle le maire de Prunelli-di-Fiumorbo a refusé sa demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service et la décision rejetant implicitement son recours gracieux. Mme A... a également demandé au tribunal administratif de Bastia, par une requête enregistrée sous le n° 2001189, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2020 par lequel le maire de Prunelli-di-Fiumorbo a refusé de reconnaître l'imputabilité de son congé maladie à un accident de service et d'enjoindre au maire de la rétablir dans ses droits. Par un jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses requêtes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Muscatelli, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Bastia ; 2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2020 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ; 3°) d'annuler la décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux ; 4°) d'enjoindre à la commune de lui octroyer un congé pour invalidité temporaire imputable au service et de la rétablir dans ses droits dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la légalité de la décision du 25 juin 2019 : - elle est entachée d'incompétence négative, le maire n'ayant fait que reprendre l'avis de la commission de réforme de 2018 ; - elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que si la commission de réforme a rendu un avis en avril 2018, elle ne s'est pas prononcée sur l'accident de service et devait être saisie une nouvelle fois ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'une erreur de droit ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2020 : - les délais de traitement de son dossier ont été anormalement longs ; - il est entaché d'une incompétence négative, le maire ayant uniquement repris les termes de la commission ; - il est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'un vice de procédure, en raison du caractère incomplet du dossier médical qui lui a été communiqué et qui, en tout état de cause, était différent de celui transmis à la commission de réforme ; - il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Le 16 mars 2023, la commune de Prunelli-di-Fiumorbo a été mise en demeure de produire des observations en défense dans un délai d'un mois, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative. Un mémoire présenté pour Mme A... par Me Michel a été enregistré le 7 novembre 2023, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chenal-Peter, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., attachée territoriale, exerçait depuis le 1er juillet 2016 les fonctions de secrétaire générale de mairie au sein de la commune de Prunelli-di-Fiumorbo. A la suite d'une altercation avec le maire ayant eu lieu le 11 mai 2017, elle a été placée en congé de maladie puis a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet incident du 11 mai 2017 qui a été refusée une première fois par un arrêté du maire de cette commune en date du 11 septembre 2018. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1801272, 1801274 du 7 juillet 2020, qui a également enjoint au maire de Prunelli-di-Fiumorbo de réexaminer la demande de Mme A.... Par un second arrêté, en date du 1er septembre 2020, le maire a rejeté une nouvelle fois sa demande. Par un courrier du 19 avril 2019, l'intéressée avait également sollicité l'octroi d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service, qui lui a été refusé par une décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo à l'encontre de laquelle la requérante a formé un recours gracieux le 9 août 2019 qui a été implicitement rejeté. Mme A... relève appel du jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois dernières décisions. 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. Selon l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...) VI. -Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue, par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 13 avril 2019. 5. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme A..., dont l'état dépressif a été diagnostiqué le 1er mai 2017, soit avant le 13 avril 2019 et dont la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée le 3 août 2017, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. Par ailleurs, l'existence d'un état antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. 7. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 19 janvier 2022, la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Bastia a déclaré le maire de Prunelli-di-Fiumorbo coupable des faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme A..., pour une période allant du 1er septembre 2016 au 3 juillet 2017 et condamné le maire à une peine de détention à domicile sous surveillance électronique pendant trois mois à titre de peine principale. La cour de cassation, dans un arrêt du 15 novembre 2022, a confirmé la culpabilité du maire. Il ressort de la constatation matérielle des faits mentionnés dans l'arrêt de la cour d'appel, que dès le mois d'octobre 2016, Mme A... n'a plus disposé de l'accès au bureau du maire, ni à ceux de la comptabilité et des ressources humaines, que des missions lui ont été retirées, ainsi que, progressivement, ses outils de travail. En outre, le 11 mai 2017, un mouvement d'arrêt de travail généralisé de l'ensemble des agents de la commune avait été organisé, avec l'accord du maire, et de l'avocat de la commune, dans le but de démontrer à Mme A... qu'il existait un grand nombre de difficultés, dans l'ensemble des services, depuis qu'elle occupait les fonctions de directrice générale des services, qui seraient liées à un manque de disponibilité de sa part. Il n'est pas contesté que Mme A... a été reçue ce même jour dans le bureau du maire, qui lui a indiqué que les agents ne voulaient plus travailler avec elle. Des pièces médicales attestent que ce jour-là, l'intéressée a présenté un état anxio-dépressif, avec tremblement et tachycardie, et qu'elle souffre désormais d'un syndrome dépressif récurrent avec de fortes charges anxieuses et une importante souffrance psychique, en lien avec le harcèlement professionnel dont elle a fait l'objet. Par ailleurs, l'ensemble de ces faits sont corroborés par les certificats médicaux concordants de deux médecins psychiatres, en date des 27 avril 2018 et 17 avril 2019, qui affirment que l'intéressée a subi un choc psychologique, une humeur dépressive avec des idées suicidaires à la suite de deux évènements marquants, qui se sont déroulés le 11 mai et 3 juillet 2017. Dans ces conditions, il ressort de l'ensemble de ces considérations que le 11 mai 2017, le maire de Prunelli-di-Fiumorbo a eu un comportement excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par suite, cet entretien doit être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, au sens des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, alors même que l'intéressée aurait souffert d'un état anxio-dépressif préexistant. Par conséquent, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, le maire de la commune de Prunelli-di-Fiumorbo a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Prunelli-di-Fiumorbo du 1er septembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de son congé maladie à un accident de service, ainsi que de la décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo et du rejet implicite de son recours gracieux. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". 10. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au maire de Prunelli-di-Fiumorbo de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 11 mai 2017 dont Mme A... a été victime, et de reconstituer ses droits en tenant compte de la nouvelle situation juridique dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification de cet arrêt. Sur les frais liés au litige : 11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 12. Dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Prunelli-di-Fiumorbo la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Bastia est annulé. Article 2 : L'arrêté du 1er septembre 2020 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo refusant de reconnaître l'imputabilité du congé maladie de Mme A... à un accident de service, la décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo et la décision rejetant implicitement son recours gracieux sont annulés. Article 3 : Il est enjoint au maire de Prunelli-di-Fiumorbo de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident de service dont a été victime Mme A... le 11 mai 2017, et de reconstituer ses droits en tenant compte de la nouvelle situation juridique, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Prunelli-di-Fiumorbo versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Prunelli-di-Fiumorbo. Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2023. N° 22MA01959 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 08/12/2023, 22MA01545, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a, par une première requête enregistrée sous le n° 2003193, demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle la société Orange aurait rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle en date du 6 novembre 2019 et de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par une seconde requête enregistrée sous le n° 2101073, d'annuler la décision du 15 décembre 2020 par laquelle la société Orange a explicitement rejeté sa demande, d'enjoindre à la société Orange de prendre en charge ses arrêts de travail depuis le 12 avril 2018 au titre de la maladie imputable au service et de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003193, 2101073 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 mai 2022 et 2 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Heulin, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 15 décembre 2020 par laquelle Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; 3°) d'enjoindre à la société Orange de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge à ce titre ses arrêts de travail depuis le 12 avril 2018 ; 4°) de mettre à la charge de la société Orange le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été victime d'un harcèlement moral ; - le lien entre l'exercice de l'activité professionnelle et sa maladie est établi par plusieurs certificats médicaux. Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2023, la société Orange, représentée par Me Aversano, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête de Mme B... ; 2°) de mettre à la charge de Mme B... le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Dutard substituant Me Heulin pour Mme B... et de Me Aversano pour la société Orange. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée par France Telecom, devenue la société Orange, à compter du 4 octobre 1983. Placée en congé de maladie depuis le 12 avril 2018, elle a présenté, le 6 novembre 2019, une demande tendant à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service. La commission de réforme a émis, le 10 décembre 2020, un avis défavorable à sa demande. Par une décision du 15 décembre 2020, la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par Mme B.... Par un jugement n° 2003193, 2101073 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de Mme B... tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision implicite de rejet qui serait née sur sa demande et, d'autre part, à l'annulation de la décision explicite du 15 décembre 2020. Mme B... doit être regardée comme interjetant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 15 décembre 2020. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les dispositions applicables : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; ". 3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017, et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / IV. -Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat./ (...) VI. -Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret susvisé du 21 février 2019. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 5. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B..., dont l'état dépressif a été diagnostiqué le 12 avril 2018, soit avant le 24 février 2019, est régie par les conditions de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En ce qui concerne l'appréciation du caractère imputable au service : 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Mme B... fait valoir que sa maladie a été causée par le harcèlement moral dont elle estime avoir été victime, lequel se serait manifesté par un retrait de nombreuses affaires en cours, un refus de formation, une absence de réponse à des courriers électroniques, un retrait d'une demi-journée de congé, des pressions hiérarchiques récurrentes, le rejet de sa candidature à un poste de chargée d'études en juillet 2016, le fait que son bureau était situé dans un open space, qu'elle n'a pas bénéficié d'un ordinateur portable, que lui été infligée une sanction disciplinaire injustifiée, qu'elle a été victime de pressions pour reprendre son travail à temps plein et qu'elle a été mutée le 24 octobre 2017 sans aucun accompagnement sur son nouveau poste. 8. Mme B... n'apporte, en premier lieu, aucun élément permettant de présumer la véracité de ses allégations afférentes à une absence de réponse aux courriers électroniques, un retrait d'une demi-journée de congé ainsi que des pressions hiérarchiques récurrentes. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si, en effet, un certain nombre d'affaires lui ont été retirées en 2016, cette circonstance se justifiait par la volonté d'alléger sa charge de travail à la suite d'un congé de maladie. En troisième lieu, s'il est constant que la formation " Fibre D2 " a été refusée à l'intéressée au motif, légitime, tiré de ce qu'il était préférable qu'elle approfondisse son domaine de compétence " cuivre de bout en bout " avant d'entreprendre une formation dans un nouveau domaine, il est constant que quatre autres formations, relatives au demeurant au bien-être au travail, ont été acceptées par son employeur. En quatrième lieu, s'il est constant que sa candidature au poste de chargée d'études déploiement et vie de réseau a été refusée en juillet 2016, il ne ressort nullement des pièces du dossier que ce refus aurait été motivé par d'autres raisons que celles tenant à l'intérêt du service et au mérite respectif des valeurs professionnelles des différents candidats à ce poste. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que si Mme B... n'a, alors qu'elle en avait fait la demande en janvier 2017, pas bénéficié immédiatement d'un ordinateur portable, cette circonstance s'explique par une rupture de stock du matériel. En sixième lieu, si Mme B... fait valoir que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de 15 jours avec sursis qui lui a été infligée le 25 septembre 2018 était infondée, la Cour a, par une ordonnance n° 20MA03251 en date du 4 mars 2021, devenue définitive, jugé que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée, à savoir le fait d'avoir prononcé des propos injurieux à l'égard d'un collègue, était établie. En septième lieu, les décisions prises par la société Orange, à la suite des avis favorables à une reprise à temps plein du comité médical en date des 14 mars 2019 et 4 juillet 2019, ne peuvent être regardées comme étant constitutives d'une pression exercée sur Mme B.... En huitième lieu, s'il est constant que Mme B... a été mutée le 24 octobre 2017 sur un poste de chargée d'affaires dépose environnementale, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a, dans le cadre de cette mutation, qui était justifiée par l'intérêt du service, bénéficié d'un accompagnement. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que la localisation dans un open space était commune à de nombreux agents et que l'intéressée ne s'en est jamais plainte auparavant. Au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme B... n'établit pas que le contexte professionnel dans lequel elle exerçait ses fonctions était pathogène. Si la requérante produit également à cet égard des certificats médicaux établis par son médecin généraliste et par son médecin psychiatre les 21 mai 2019 et 4 novembre 2019 qui relatent une situation de stress professionnel, lesdits certificats ont été établis sur la base des dires de l'intéressée. Par ailleurs, le médecin du travail, qui a établi deux fiches d'aptitude au travail les 11 août 2016 et 4 octobre 2016, n'a pas fait état d'un lien entre le contexte professionnel de l'intéressée et sa maladie mais a simplement préconisé la mise en place par la société Orange de conditions favorables à la reprise d'activité. Enfin, ainsi qu'il a été dit précédemment, la commission de réforme a, par un avis en date du 10 décembre 2020, estimé que la pathologie ne présentait pas de lien direct avec l'activité professionnelle. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'établit pas que sa maladie présenterait un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de celle-ci. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 15 décembre 2020 ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction. Sur les frais d'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orange, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Orange en application desdites dispositions. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la société Orange. Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2023. N° 22MA01545 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 05/12/2023, 22PA00724, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris par une requête transmise au tribunal administratif de Melun par une ordonnance n° 1901802 du 1er février 2019, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande du 21 février 2018 tendant au versement de la solde de captivité, de la prime de démobilisation et du pécule qui n'ont pas été versés à son père, M. C... B..., de son vivant, et d'enjoindre à la ministre des armées de lui verser la somme de 30 000 euros. Par un jugement n° 1901002 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 février 2022, 18 mars 2022, 31 mai 2022 et 24 mai 2023, M. B..., représenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable du 21 février 2018 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de la solde de captivité, de la prime de démobilisation, et du pécule, dont son père décédé a été privé ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement n'a pas été signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - la créance dont il se prévaut n'est pas prescrite ; - le point de départ de la prescription doit être fixé au 30 novembre 2014, date à laquelle le Président de la République a reconnu que les arriérés de solde et d'indemnités n'avaient pas été versés ; - le cours de la prescription a en tout état de cause été interrompu par les demandes que son père avait présentées en 1953 et en 1954, qui ont également eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux ; - les règles de prescription appliquées par le tribunal administratif méconnaissent les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le droit à un recours effectif ; - les règles de prescription appliquées ne respectent pas les principes constitutionnels d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; - l'Etat aurait dû diligenter, en application de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une enquête avant d'opposer la prescription quadriennale ; - la déclaration du Président de la République du 30 novembre 2014 a fait naître une obligation naturelle, qui s'est transformée en obligation civile. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 4 mai et 27 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Par une ordonnance du 04 octobre 2023, l'instruction a été rouverte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ; - la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; - le code civil ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi du 29 janvier 1831 modifiée par le décret du 30 octobre 1935 et la loi n° 45-0195 du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général (services civils) pour l'exercice 1946 ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la circulaire du ministre de la Guerre du 4 décembre 1944 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... est le fils de M. C... B..., né en 1920 au Sénégal et aujourd'hui décédé. Ce dernier, engagé au 7ème, puis au 27ème régiment de tirailleur sénégalais à partir de 1938, a servi la France pendant la seconde guerre mondiale et a été fait prisonnier et retenu au Fronstalag de Rennes jusqu'à la Libération. Il a fait partie du contingent embarqué à Morlaix, à bord du " Circassia ", le 5 novembre 1944, et arrivé à Dakar le 21 novembre suivant. N'ayant pas perçu à son arrivée au Sénégal sa solde de captivité et sa prime de démobilisation, M. C... B... a refusé de rejoindre son foyer et s'est rendu dans le camp de Thiaroye. Il a survécu aux évènements qui se sont produits dans ce camp, le 1er décembre 1944. M. A... B..., en sa qualité d'ayant-droit, a, par une lettre du 21 février 2018 adressée à la ministre des armées, sollicité le bénéfice de la solde de captivité, de la prime de démobilisation et du pécule que son père aurait selon lui dû percevoir, pour un montant total qu'il a par la suite chiffré à 30 000 euros. Il ne lui a pas été expressément répondu. Par un jugement du 16 décembre 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Melun, saisi dans les mêmes termes que la lettre du 21 février 2018, a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément à ces dispositions. Le moyen doit donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue de l'article 148 de la loi du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général (services civils) pour l'exercice 1946, applicable à la créance : " Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics, sans préjudice des déchéances prononcées par des lois antérieures ou consenties par des marchés et conventions, toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice pour les créanciers domiciliés en Europe et de cinq années pour les créanciers domiciliés hors du territoire européen ". Aux termes de l'article 10 de la même loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue du décret-loi du 30 octobre 1935, la prescription n'est pas applicable " aux créances dont l'ordonnancement et le paiement n'auraient pu être effectués dans les délais déterminés par le fait de l'administration ou par suite de recours devant une juridiction ". 4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831 avait institué un régime de déchéance quadriennale dans le cadre duquel la prescription de créances détenues sur l'administration était acquise à l'issue d'un délai de quatre ans qui courait à compter de l'exercice auquel elles se rattachaient. En revanche, aucune des dispositions de ce texte ne prévoyait que la prescription ne courrait pas contre le créancier qui pouvait être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. 5. Il résulte de l'instruction, notamment de la circulaire n° 6350 du 4 décembre 1944 adressée par le ministre de la guerre aux troupes coloniales, qu'une solde de captivité et une prime de démobilisation devaient être versées aux militaires originaires de l'Empire, ex-prisonniers de guerre. Ces créances étaient donc rattachables à l'exercice budgétaire correspondant à l'année 1944. Par conséquent, leur prescription était acquise, au plus tard le 31 décembre 1948, à l'issue du délai de cinq ans courant à compter de l'ouverture de l'exercice correspondant à l'année 1944, le créancier étant domicilié hors du territoire européen. La circonstance que le père de M. B... a sollicité le versement de sa solde de captivité le 14 avril 1953, puis le 24 novembre 1954, après l'expiration du délai de prescription, est sans incidence. Ainsi, M. B..., qui sollicite le versement de la solde de captivité et de la prime de démobilisation dues à son père, toutes deux prescrites du vivant de ce dernier, et non la réparation d'un préjudice qui lui serait propre, n'est pas fondé à soutenir que la prescription n'aurait couru qu'à compter du 30 novembre 2014, date à laquelle le Président de la République a reconnu que les arriérés de solde et d'indemnités n'avaient pas été versés, et que sa créance n'était pas atteinte par la prescription le 21 février 2018, lorsqu'il en a sollicité le paiement. 6. En deuxième lieu, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle... ". 7. Les dispositions, citées au point 3, ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions dirigées contre elles, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais qu'elles fixent. Celles-ci ne peuvent donc pas être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, garanti par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. 8. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à invoquer les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont découlent les principes d'égalité des armes, de prévisibilité et d'intelligibilité de la loi, et de sécurité juridique. Le moyen doit donc être écarté. 9. En troisième lieu, dès lors que le délai de cinq ans, à partir de l'ouverture de l'exercice de rattachement de la créance, institué à peine de prescription par les dispositions citées au point 3, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. C... B... la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être accueilli. 10. En quatrième lieu, M. B... ne saurait invoquer utilement les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de toute personne à la vie, ni se plaindre de l'absence d'enquête sur les évènements de Thiaroye, pour contester la prescription de la créance correspondant à la solde de captivité et à la prime de démobilisation dues à son père. 11. En cinquième lieu, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer en dehors d'une question prioritaire de constitutionnalité, sur la conformité d'une disposition législative à une norme de valeur constitutionnelle. Le moyen que M. B... tire de la non-conformité de l'article 9 de la loi du 19 janvier 1831 à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, doit donc être écarté. 12. En sixième lieu, M. B... ne saurait en tout état de cause invoquer utilement l'obligation naturelle qui résulterait de la déclaration du Président de la République du 30 novembre 2014 concernant les évènements qui se sont produits le 1er décembre 1944 dans le camp de Thiaroye, pour contester la prescription de la créance correspondant à la solde de captivité et à la prime de démobilisation dues à son père. 13. En dernier lieu, si le requérant fait état de l'existence d'une créance au titre du pécule qui n'aurait pas non plus été versé à son père, il n'apporte à cet égard aucun élément permettant à la Cour d'apprécier le bien-fondé de la demande. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Niollet, président-assesseur, - M. Pages, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président, J-C. NIOLLET La greffière, Z. SAADAOUI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00724
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANCY, 4ème chambre, 19/12/2023, 21NC00089, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Besançon, d'annuler la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Besançon la demande de M. B.... Par un jugement n° 1901798 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 janvier 2021 et le 20 juin 2022, M. B..., représenté par Me Niango, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges se sont fondés sur des données inexactes ; - son état de santé s'est aggravé avant le 13 janvier 2015, date de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; c'est donc à tort que l'administration lui a refusé la révision de sa pension militaire d'invalidité alors que le taux de ses infirmités pensionnées s'est aggravé de 15,25 % : . l'administration a fondé son refus sur une simple information orale du patient à son médecin, selon laquelle il aurait décrit une aggravation de ses infirmités à compter de 2016 ; . l'expert judiciaire, dans son rapport du 31 janvier 2019, a sous-évalué l'importance de l'aggravation de ses infirmités en retenant uniquement une aggravation à hauteur de 5 % chacune, soit un taux d'invalidité de 45 % pour son épaule droite et de 30 % pour son épaule gauche alors qu'elles se sont aggravées à hauteur de 15 % chacune ; il y a lieu de retenir un taux d'invalidité de 55 % pour son épaule droite et un taux de 40 % pour son épaule gauche, soit une invalidité de 75,25 % après application de la règle de Balthazard et donc une aggravation de 15,25 % par rapport au taux pensionné par l'arrêté du 24 février 2014. Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2021, le 26 juillet 2022, le 8 août 2022 et le 25 août 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - l'administration doit se placer à la date de la demande de révision de la pension, soit le 13 janvier 2015 en l'espèce, pour évaluer le degré d'invalidité des infirmités invoquées, conformément à l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; or, les infirmités pour lesquelles l'intéressé est pensionné se sont aggravées seulement à compter de 2016, soit postérieurement à la date de la demande de révision de pension enregistrée le 13 janvier 2015 ; - en tout état de cause, même si les aggravations constatées par l'expert judiciaire étaient antérieures à 2016, il conviendrait de les rejeter en application de l'article L. 29 du même code car elles sont inférieures au taux de 10 % ; - les certificats des 13 novembre 2017 et 4 septembre 2017 doivent être écartés des débats car ils ne sont pas contemporains à la demande de révision de pension du 13 janvier 2015 et celui du 24 novembre 2020, dont le requérant se prévaut, n'a jamais été produit à l'instance ; - les données de l'examen clinique relevées le 4 novembre 2016 ne sont pas contemporaines à la demande de révision du 13 janvier 2015 et le médecin n'a pas motivé son rapport, se contentant d'indiquer les doléances de M. B... ; - seule l'expertise réalisée le 9 juillet 2015 est contemporaine à la demande de révision de la pension du requérant et cette dernière conclut à un taux d'infirmité de 25 % pour l'épaule droite et de 25 % pour l'épaule gauche ; - le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 30 octobre 2015 a constaté une amélioration de l'épaule droite et de l'épaule gauche mais ces infirmités étant indemnisées à titre définitif, les taux acquis de 40 % et de 25 % ne peuvent qu'être maintenus ; - le requérant ne saurait se prévaloir d'un certificat médical établi pour une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées car les critères d'attribution différent entre ces deux législations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Niango, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été blessé, en 1981, à l'occasion de l'exercice de son service militaire. Par un arrêté du 19 mars 1985, une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 40 % lui a été concédée pour une infirmité relative aux " séquelles de compression sus-claviculaire droite ". Par un arrêté du 24 février 2014, sa pension a été révisée au taux de 60 % en intégrant une seconde infirmité relative à des " séquelles de réfection de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche avec acromioplastie compliquée d'un syndrome algodystrophique post-chirurgical ". Le 13 janvier 2015, l'intéressé a présenté une nouvelle demande de révision de sa pension au motif que ses infirmités se sont aggravées. Par un jugement avant dire droit du 13 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Besançon a nommé un expert judiciaire qui a rendu son rapport le 31 janvier 2019. Par une décision du 21 septembre 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande de révision de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Aux termes de l'article L. 14, alors en vigueur, de ce même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Il résulte enfin de l'article L. 9, alors en vigueur, de ce même code que : " (...) Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Enfin, quand le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite la révision de celle-ci du fait de l'apparition de nouvelles infirmités ou de l'aggravation de ses infirmités n'entrainant pas une invalidité absolue, le calcul de sa pension révisée doit s'effectuer sur la base du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités déjà pensionnées et du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités supplémentaires avec une exactitude arithmétique, sans qu'il soit possible d'arrondir à l'unité supérieure les chiffres fractionnaires intermédiaires. La règle de l'arrondi énoncée à l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne s'applique, le cas échéant, qu'une fois obtenu le degré global d'invalidité pour déterminer le taux de pension correspondant. 4. En l'espèce, l'arrêté du 24 février 2014 du ministre des armées portant concession à titre définitif d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 60 % à M. B... et pour lequel ce dernier sollicite une révision, indemnise la première infirmité " séquelles de compressions sus-claviculaires droites-Antépulsion et abduction limitée à 40°. Rétropulsion à 30°. Importante amyotrophie du deltoïde. Paralysie sensitive motrice du circonflexe droit chez un sujet droitier " au taux de 40 % et la seconde infirmité " séquelles de réfection de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche avec acromioplastie compliquée d'un syndrome algodystrophique post-chirurgical. Abduction à 20° antépulsion à 20° et limitation sévère des mouvements de rotation " au taux de 25 % avec un correctif de 5 %. 5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire du 31 janvier 2019 que si les deux infirmités de M. B... se sont aggravées, à hauteur de 5 % chacune, soit un taux d'invalidité de 45 % pour son épaule droite et de 30 % pour son épaule gauche, ces aggravations ont été constatées à compter de 2016, soit postérieurement au 13 janvier 2015, date de la demande de révision de sa pension, alors qu'une évolution stable de ses infirmités avait été remarquée depuis 2012. 6. Si le requérant fait valoir que ses infirmités se sont aggravées avant sa demande de révision, il résulte de l'expertise du 9 juillet 2015 du médecin généraliste, désigné dans le cadre de l'instruction de la demande de révision de M. B..., que les deux infirmités se sont améliorées par rapport à 2014 au regard des amplitudes articulaires des épaules droite et gauche, l'expert évaluant le taux de ses infirmités respectivement à 25 % (épaule droite) et 25 % (épaule gauche). Il résulte également de l'avis émis le 30 octobre 2015 par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commissions de réforme sur le droit à pension d'invalidité, qu'une amélioration des amplitudes articulaires des deux épaules a été constatée, les abductions étant désormais à 90°. Enfin, les certificats produits par le requérant des 30 septembre et 4 novembre 2016 et des 4 septembre et 13 novembre 2017, ne sont pas contemporains à la date de la demande de révision de M. B... et ne sont, au surplus, pas de nature à démontrer que le taux des infirmités se serait aggravé de 10 %. 7. Dans la mesure où à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité aucune aggravation supérieure au taux de 10 %, ouvrant droit à révision selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'a été constatée pour les deux infimités pensionnées, le ministre de la défense a pu légalement refuser de réviser la pension militaire d'invalidité de M. B.... 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus du 21 septembre 2016 du ministre de la défense de réviser sa pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. A... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M.A... 2 N° 21NC00089
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de PARIS, 8ème chambre, 11/12/2023, 22PA05528, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) a refusé de lui verser l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Par jugement n°s 2124373/5-3 et 2215496/5-3 du 26 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 décembre 2022 et 26 avril 2023, M. A..., représenté par Me Bautes, demande à la cour : 1°) avant dire droit d'ordonner une expertise ayant notamment pour objet de l'examiner, de décrire son état physique et les lésions dont il souffre, ainsi que son état de santé psychologique, d'établir si l'infirmité dont il souffre est imputable au service, d'évaluer ses préjudices et de les chiffrer ; 2°) d'annuler le jugement n°s 2124373/5-3 et 2215496/5-3 du 26 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 3°) d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'EPFP a refusé de lui verser l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge ; 4°) à titre principal, d'enjoindre à l'EPFP de le relever de la prescription quadriennale et de lui accorder le bénéfice de l'allocation sollicitée ; 5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'EPFP de réexaminer sa situation ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision attaquée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 4123-5 et D. 4123-6 du code de la défense et de l'article 6 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2023, l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) représenté par son directeur conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête d'appel et, à titre subsidiaire, à son rejet et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la requête est irrecevable en l'absence de moyen dirigé contre le jugement et que les moyens soulevés par M. A... concernant l'insuffisance de motivation, la prescription quadriennale et son relevé ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Abecassis, avocat de l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., lieutenant-colonel de l'armée de terre à la retraite, a été blessé en service au genou droit en 1990 et à la main droite en 1994 lors d'un maniement d'explosifs. Ces deux infirmités lui ont ouvert droit au bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 75 %. Il a été placé en congé de longue durée pour état dépressif de 2006 à 2011 avant d'être finalement radié des contrôles le 28 juin 2011. Par une demande reçue le 25 mai 2011, il a sollicité le bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Par décision du 21 septembre 2021, le directeur général de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) lui a refusé l'octroi de cette allocation et de son complément. Par un jugement du 26 octobre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la légalité de la décision du 21 septembre 2021 du directeur général de l'EPFP : 2. En premier lieu, M. A... invoque les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen complet de sa situation. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ces derniers. 3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. (...) ". Aux termes de l'article D. 4123-2 du même code : " Les militaires (...) sont affiliés au fonds de prévoyance militaire destiné à verser (...) des allocations en cas de blessure, d'infirmité ou de décès imputable au service dans le cas où la blessure, l'infirmité ou le décès n'ouvre pas droit aux allocations du fonds de prévoyance de l'aéronautique. " Enfin, aux termes de l'article D. 4123-6 du même code : " Lorsque l'infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l'intéressé : / 1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : (...) / 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à celui fixé au 2° de l'article D. 4123-4. / Les allocations visées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'intéressé. / Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. / La même décision peut être prise en faveur des créanciers (...) des établissements publics, par délibérations prises respectivement par (...) les conseils ou organes chargés des établissements publics. Ces délibérations doivent être motivées et être approuvées par l'autorité compétente pour approuver le budget de la collectivité intéressée ". 5. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 26 février 2011, M. A... a été radié des contrôles d'office pour réforme définitive de l'armée active et admis à faire valoir ses droits à pension de retraite à compter du 28 juin 2011. Or, en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, il disposait d'un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle ses droits à pension de retraite ont été acquis soit à compter du 1er janvier 2012 pour demander le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Il s'ensuit que le 25 mai 2021, date de sa demande, le délai de quatre années lui permettant de solliciter le versement de cette allocation et de ce complément était prescrit. Dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe ne faisait obligation à l'administration d'informer M. A..., à l'occasion de sa radiation des contrôles, de l'existence de l'allocation de prévoyance et du complément d'allocation, il ne peut être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968. De même, si M. A... soutient que, du fait de son syndrome dépressif, il n'était pas en mesure d'effectuer des démarches administratives jusqu'en août 2019, il n'apporte, au soutien de cette affirmation, aucune précision ni aucune pièce qui serait de nature à établir qu'il se serait effectivement trouvé dans l'incapacité d'agir, soit par lui-même soit par l'intermédiaire de son représentant légal. Enfin, si en application de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968, l'autorité administrative peut procéder au relèvement de la prescription quadriennale, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières et notamment la situation de M. A..., qui ne saurait demander au juge administratif de prononcer lui-même un tel relèvement, auraient justifié un tel relèvement par l'organe compétent de l'établissement public. Par suite, c'est à bon droit que l'EPFP a opposé à M. A... la prescription de sa créance. 6. Au surplus, et en toute hypothèse, si M. A... a sollicité le bénéfice du complément de l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge en se prévalant de la blessure à la main dont il a été victime le 2 juin 1994, laquelle a été reconnue comme étant imputable au service, cette dernière n'est pas à l'origine de sa radiation des contrôles laquelle est consécutive à l'expiration de ses droits à congé de longue durée pour " symptomatologie dépressive " telle qu'elle ressort du certificat médical du 5 mai 2008. Ainsi, en tout état de cause, il ne remplissait pas les conditions lui ouvrant droit au bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire et à son complément dès lors que l'infirmité ayant conduit à sa radiation des contrôles n'a pas été reconnue comme imputable au service. 7. Il s'ensuit que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l'EPFP et d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'EPFP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que l'EPFP demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'EPFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au directeur général de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE La greffière, N. COUTY La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA05528
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/12/2023, 22MA02800, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, et de fixer à 15 %, à compter du 16 juin 2015, le taux d'invalidité au titre de l'infirmité de séquelles de fracture de la cheville gauche. Par un jugement n° 1901511 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Eon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 11 juillet 2018 ; 3°) de juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 16 juin 2015 au titre de l'infirmité de séquelles de fracture de la cheville gauche ; 4°) de juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %, à compter de la même date, pour gonalgies droites ; 5°) de juger qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'imputabilité au service de l'infirmité de coxalgies droites compte tenu du taux d'invalidité attribué à celle-ci ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens. Il soutient que : - il rapporte la preuve de l'existence d'un fait précis de service, survenu le 30 juillet 1987, à l'origine directe des infirmités en cause, par la production de trois attestations convergentes d'officiers corroborées par les mentions de son livret médical et un certificat de visite ; - sont donc imputables au service les séquelles de fracture de la cheville gauche, au taux d'invalidité de 15 % et par voie de conséquence, les gonalgies droites. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 3 octobre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2023, à 12 heures, puis par une ordonnance du 23 octobre 2023, a été reportée au 14 novembre 2023, à 12 heures. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans l'armée de terre le 1er mars 1964 et radié des contrôles le 23 novembre 1999, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, au taux global de 65 %, dont il a demandé les 18 juin et 16 novembre 2015 la révision pour trois infirmités nouvelles : séquelles d'une fracture de la cheville gauche, raideurs articulaires du genou droit, et raideurs articulaires de la hanche droite. Par une décision du 11 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Compte tenu de son argumentation présentée devant la Cour, M. B... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension au titre des infirmités liées aux séquelles de fracture de la cheville gauche et aux raideurs du genou droit. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour séquelles de fracture de la cheville gauche : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date des demandes de révision de pension de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". 3. En outre, aux termes de l'article L. 2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 de ce code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5. Les principes exposés au point précédent n'interdisent pas au juge des pensions de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former sa conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité au service doit, par dérogation à ces principes, être regardée comme établie. 6. Pour solliciter la révision de sa pension militaire d'invalidité, M. B... affirme avoir été victime, le 30 juillet 1987, alors qu'il était affecté à la 11ème compagnie du 3ème régiment militaire de marine (RIMA), au camp d'entraînement de Meucon, et qu'il effectuait avec son unité un exercice programmé de parcours naturel, d'une chute lui ayant causé une fracture du péroné gauche et une entorse de la cheville du même membre. S'il est constant que, malgré les recherches engagées à la demande de M. B... en 2015 et en 2021 par la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives du ministère des armées, un tel incident n'a donné lieu ni à un rapport circonstancié, ni à une inscription, contemporaine de cette circonstance, sur le registre des constatations et des blessures, le livret médical militaire de l'intéressé porte quant à lui la mention, confirmée par le certificat de visite du même jour, d'une fracture du péroné gauche le 30 juillet 1987, des arrêts de travail qui lui ont été consécutifs, et du retour au service du militaire à compter du 23 septembre 1987. Il résulte en outre de trois attestations concordantes et assorties de précisions suffisamment circonstanciées, établies le 21 mai 2018 par le général de brigade, ayant commandé le 3ème RIMA de 1985 à 1987, le 24 avril 2018 par le colonel ayant commandé à cette époque la 11ème compagnie, et le 26 avril 2015 par un adjudant-chef affecté dans la même unité que M. B..., que celui-ci, dont les déclarations sont de la sorte corroborées, a fait une chute lors d'une course pédestre le 30 juillet 1987 lui ayant causé une fracture du péroné gauche et ayant justifié son admission en infirmerie. Compte tenu de l'ensemble des pièces ainsi versées au dossier par M. B..., et bien que les attestations produites, dont le contenu est confirmé par les mentions du livret médical militaire de l'intéressé datées des mois de décembre 1998 et d'octobre 1999, soient nettement postérieures par rapport à l'incident auquel il impute l'infirmité à pensionner, celui-ci doit être regardé comme rapportant la preuve de l'existence d'un fait précis de service à l'origine d'une fracture du péroné gauche avec entorse de la cheville gauche, constitutive d'une blessure. 7. Néanmoins, s'il ressort d'une prescription médicale du 26 mai 1988 que M. B... a bénéficié à cette date d'une quinzaine de séances de rééducation et des mentions de son livret médical qu'il a souffert en décembre 1998 de douleurs persistantes au péroné gauche, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait reçu des soins continus, en lien avec sa fracture survenue en 1987, jusqu'à la date à laquelle il a fait état, pour la première fois, de séquelles de cette fracture pour solliciter la révision de sa pension les 18 juin et 16 novembre 2015. Par ailleurs, ni le rapport du médecin généraliste expert du 4 juillet 2017, ni le certificat du médecin traitant de M. B... ne se prononcent précisément sur la filiation médicale qui existerait entre cet incident et son syndrome douloureux avec gêne fonctionnelle, consistant en un léger handicap à la marche et une diminution à la flexion. Ainsi M. B... ne rapporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe en l'absence de présomption légale, de l'existence d'un lien, direct, certain et exclusif entre le fait précis de service du 30 juillet 1987 et l'affection qu'il invoque. Il n'est donc pas fondé à solliciter à ce titre la révision de sa pension. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour raideurs du genou droit : 8. Dans la mesure où M. B... prétend que les raideurs du genou droit dont il souffre sont la conséquence directe des séquelles de la fracture du péroné gauche avec entorse de la cheville, et où il ne prouve pas l'imputabilité au service de cette seconde infirmité ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'est pas fondé à soutenir que la première serait elle-même imputable au service. En tout état de cause, ni le certificat de son médecin traitant du 18 mai 2015, ni le rapport du médecin généraliste expert du 4 juillet 2017 ne précisent la nature et les causes de la filiation médicale qui existerait entre ces deux affections. 9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise judiciaire, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Eon et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. N° 22MA028002
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/12/2023, 23NT01523, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la présidente de l'université de Bretagne Sud a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie et a procédé au retrait de l'arrêté du 25 novembre 2019 le plaçant en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. Par un jugement n°2005327 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. D..., représenté par Me Matel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2020 de la présidente de l'université de Bretagne Sud refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) de mettre à la charge de l'université de Bretagne Sud une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le jugement attaqué a retenu une circonstance particulière de nature à détacher sa pathologie du service : * il n'y a aucune simultanéité entre ses premiers arrêts de travail et l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, sa maladie résulte d'une surcharge de travail et de la dégradation de ses relations avec son supérieur hiérarchique ; * plusieurs médecins ont estimé que sa pathologie présentait un lien direct et exclusif avec le service et aucun état pathologique antérieur n'a été constaté. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, la présidente de l'université de Bretagne Sud conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. D... sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique ; - et les observations de Me Matel pour M. D... et de Me Allaire pour l'université de Bretagne Sud. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., enseignant à l'institut universitaire technologique (IUT) de Vannes, composante de l'université de Bretagne Sud, a été placé en congé de maladie ordinaire du 3 au 20 avril 2018. Il a été de nouveau placé en congé de maladie ordinaire du 14 au 30 juin 2018, puis, à compter du 6 août 2018, en raison d'un état anxio-dépressif. Le 12 juillet 2018, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Parallèlement à cette demande, il a été placé en congé de longue maladie du 6 août 2018 au 5 août 2019, puis en congé de longue durée. Après avis de la commission départementale de réforme, le président de l'université de Bretagne Sud a, par un arrêté du 25 novembre 2019, placé M. D... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. Par une décision du 18 novembre 2020, la présidente de l'université de Bretagne Sud a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressé et a procédé au retrait de l'arrêté du 25 novembre 2019 le plaçant en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. Le requérant relève appel du jugement du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 de la présidente de l'université de Bretagne Sud. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande d'expertise sollicitée par l'administration, le Dr F..., psychiatre, a estimé dans son rapport du 12 septembre 2018 que " M. D... ne présentait pas d'antécédent susceptible de constituer un état pathologique antérieur et que le lien entre la symptomatologie de syndrome anxio-dépressif majeur présentée et le contexte professionnel était direct et certain ". La contre-expertise demandée par la commission de réforme conduite par le Dr A... a conclu que : " l'état pathologique n'est pas antérieur à la maladie professionnelle et il n'y a donc pas lieu dans ce cas d'établir un taux d'incapacité permanente partielle. ". La commission de réforme, lors de sa séance du 17 octobre 2019, a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de M. D... à compter du 30 juin 2017 en précisant qu'il n'existait " pas d'état antérieur au vu des deux expertises ". Rien ne permet de remettre en cause les avis concordants rendus par les différents praticiens ayant eu à connaître du cas de M. D..., sa maladie doit donc être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. 5. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. D... a été convoqué, le 29 mars 2018, à un entretien avec le directeur de l'IUT pour un comportement inadapté à l'égard de plusieurs collègues de sexe féminin. Réunie le 26 novembre 2018, la commission disciplinaire lui a infligé une interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche à l'université de Bretagne Sud pendant une durée d'un an, avec privation de la moitié de son traitement. M. D... a fait appel de cette sanction devant le conseil national de l'enseignement supérieur. Si les premiers troubles du syndrome anxio-dépressif du requérant sont apparus dès juin 2017, ainsi que l'attestent les certificats médicaux des 20 août et 6 novembre 2018 des Dr B..., médecin traitant de M. D..., et du Dr C..., psychiatre, le premier arrêt maladie de M. D... est intervenu le 3 avril 2018, soit juste après sa convocation à un entretien avec le directeur de l'IUT, qui devait se tenir le 5 avril 2018 et a été reporté au 26 avril suivant. La demande initiale de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie de M. D... est intervenue le 12 juillet 2018, soit près de 4 mois après la découverte des faits fautifs portés à la connaissance de l'agent. Comme le relève le Dr C... le 6 novembre 2018, une nette aggravation des troubles voire une décompensation aigüe a été constatée à compter d'avril 2018, à la suite de l'engagement de la procédure disciplinaire à l'encontre de M. D..., qui a constitué l'élément déclencheur de son placement en arrêt de travail et un facteur déterminant dans la décompensation dépressive de l'intéressé. Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que les faits à l'origine de la sanction auraient été favorisés par les conditions d'exercice des fonctions de l'intéressé. Par ailleurs, il est constant que l'administration disposait de plusieurs témoignages précis et circonstanciés de personnes sans lien entre elles, justifiant l'engagement d'une procédure disciplinaire dont il n'est ni allégué ni établi qu'elle se serait déroulée dans des conditions irrégulières. Aucun élément ne permet davantage de révéler, de la part de l'employeur, une volonté délibérée de porter atteinte aux droits, à la dignité, ou d'altérer la santé de M. D.... Dans les circonstances de l'espèce, l'engagement de la procédure disciplinaire, concomitante aux premiers arrêts de travail du requérant, constitue une circonstance particulière de nature à détacher la pathologie du service. C'est donc sans commettre d'erreur d'appréciation que l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de M. D.... 6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Bretagne Sud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme réclamée par la commune de Pleyben au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'université de Bretagne Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à l'université de Bretagne Sud. Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gelard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. Le rapporteur F. PONS Le Président O. COIFFET La greffière I. PETTON La République mande et ordonne la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01523
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/12/2023, 22MA01484, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le ministre des années a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la révision de la pension qui lui a été concédée pour un syndrome subjectif post-commotionnel et de fixer son taux d'invalidité afférent à 80 %, et, d'autre part, de reconnaître de nouvelles infirmités tenant à une hypoacousie bilatérale et à une baisse bilatérale de l'acuité visuelle, et de fixer ses taux d'invalidité afférents, respectivement à 20 et 45 % et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale. Par un jugement n° 1901505 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 22 mai 2022, M. B..., représenté par Me Eon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 juillet 2021 ; 2°) d'annuler cette décision du ministre des armées du 16 juillet 2018 ; 3°) dire et juger qu'il a droit à pension, à compter du 27 juillet 2016, pour : . un syndrome subjectif post-commotionnel, au taux de 80 % ; . une hypoacousie bilatérale, au taux de 20 % ; . et une baisse bilatérale de l'acuité visuelle, au taux de 45 % ; 4°) subsidiairement, d'ordonner des expertises médicales pour déterminer le taux de la " première infirmité ", au 27 juillet 2016, et le lien médical entre celle-ci et les troubles auditifs et visuels ; 5°) de laisser les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que : - l'analyse des premiers juges, qui ont fait une inexacte appréciation des pièces du dossier, apparaît erronée ; - le ministre des armées a dénaturé les éléments de ce dossier et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia du 13 juillet 2021. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 31 mars 2023, a été reportée au 2 mai 2023, à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 24 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Né le 13 avril 1941, M. B... a été appelé à l'activité militaire légale le 8 mars 1961. Il a servi en Algérie jusqu'au 5 décembre 1962 et a été rayé des contrôles le 9 décembre suivant. Durant cette période, et plus précisément, dans la nuit du 13 septembre 1961, M. B... est tombé de son lit superposable et sa chute lui a causé un traumatisme crânien, sans lésion osseuse mais avec perte de connaissance ainsi qu'une plaie à l'arcade sourcilière gauche. M. B... a été initialement titulaire d'une pension d'invalidité au taux de 55 %, concédée par un arrêté du 25 mai 1999, pour syndrome subjectif post-commotionnel, avec céphalées, vertiges, malaises, insomnies, troubles du caractère, du comportement et de l'humeur, et avec anxiété et crises d'angoisse, ayant pour origine cette chute dont il a été victime le 13 septembre 1961. Mais, eu égard à une aggravation de cette pathologie et en exécution d'un arrêt rendu par la cour régionale des pensions militaires de la Corse le 21 janvier 2008, M. B... s'est vu concéder, par un arrêté du 29 septembre 2008, avec entrée en jouissance à compter du 31 juillet 2002, une pension militaire d'invalidité au taux porté à 70 % pour cette même pathologie. Par un courrier reçu par l'administration le 27 juillet 2016, M. B... a sollicité la révision de cette pension militaire d'invalidité alléguant une nouvelle aggravation de cette pathologie et demandant la reconnaissance de deux autres infirmités : des troubles de la vue et de l'audition. Par une décision du 16 juillet 2018, le ministre des armées a refusé de faire droit à ces demandes. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité pensionnée : 2. Selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Ces dispositions ne sont applicables, d'une part, qu'en cas d'aggravation de l'une des infirmités au titre desquelles la pension a été concédée, d'autre part, que si l'aggravation constatée est elle-même imputable au service. 3. A l'appui de sa demande de révision de sa pension d'invalidité, et s'agissant du syndrome subjectif post-commotionnel, M. B... se prévaut principalement devant la Cour, comme il le faisait au demeurant devant le tribunal administratif de Bastia, du rapport d'expertise établi le 16 juin 2017 par le docteur F... G..., psychiatre, lequel y préconise de porter son taux d'invalidité à 80 %. Il ressort toutefois de la lecture de ce bref rapport que le docteur G... parvient à cette conclusion après une simple description des maux dont souffre M. B... et du traitement qui lui est administré, sans opérer de comparaison avec son état antérieur et le protocole médicamenteux qu'il suivait jusqu'alors. Or, il résulte de l'instruction que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges au point 6 de leur jugement attaqué du 13 juillet 2021, les maux dont souffre l'appelant sont les mêmes que ceux dont il se plaignait précédemment, y compris ses troubles de mémoire qui, contrairement à ce qu'il soutient, étaient déjà relatés dans un rapport d'expertise dressé le 13 avril 2005 et il n'apparaît pas que son traitement médicamenteux psychotropique aurait évolué. Il s'ensuit qu'il n'est pas démontré, à la date de la demande de révision de sa pension présentée par M. B..., une aggravation de son infirmité relative au syndrome subjectif post-commotionnel. En ce qui concerne les infirmités nouvelles : 4. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur, que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle. 5. Alors que comme l'ont, là encore, relevé à juste titre au point 8 de leur jugement attaqué, les premiers juges, M. B... n'a sollicité, pour la première fois, la prise en compte au titre de ses droits à pension des troubles visuels et auditifs dont il se plaint qu'à l'occasion de sa demande de révision de 2016, et que, ainsi que l'a observé la commission consultative médicale, dans son avis du 14 juin 2018, ces troubles peuvent être liés à son âge, il ne résulte pas de l'instruction et des pièces versées aux débats, y compris des rapports du docteur A... E..., ophtalmologiste, et du docteur C... D..., oto-rhino-laryngologiste, qui ne sont pas suffisamment étayés sur ce point, que ces troubles seraient en relation médicale non seulement directe et certaine mais déterminante avec l'infirmité déjà pensionnée au titre du " syndrome subjectif post-commotionnel ". Dans ces conditions, M. B..., qui n'apporte dès lors pas la preuve du lien de causalité qui lui incombe, n'est pas fondé à soutenir qu'il souffrirait de nouvelles infirmités de nature à lui ouvrir droit à une concession de pension. 6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sur les dépens : 7. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. B... tendant à ce que les entiers dépens soient laissés à la charge de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023. 2 No 22MA01484
Cours administrative d'appel
Marseille