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CAA de MARSEILLE, , 14/12/2023, 23MA02788, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices consécutifs à la lombosciatique qu'il a contractée en 1985, alors qu'il était en service, en qualité de capitaine de vaisseau, en Nouvelle-Calédonie. Par une ordonnance n° 2302871 du 9 novembre 2023, il n'a pas été fait droit à sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Hasenfratz, demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 9 novembre 2023 ; 2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge du ministre de la défense la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) de condamner le ministre de la défense aux entiers dépens. Il soutient que l'élément déclencheur de son état était le choc lors d'une sortie en véhicule pendant sa mission en Nouvelle-Calédonie ; que, dès lors, la blessure, au sens du 1er alinéa de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, est directement rattachable au service ; que ce choc a entraîné une maladie professionnelle, au sens des 2ème et 3ème alinéas de cet article ; que le taux d'invalidité de 25 % retenu par l'expert désigné par l'administration puis par la commission de recours de l'invalidité à hauteur de 20 % est contestable ; qu'il a l'espoir que ce taux soit revu à la hausse à la hauteur de ses souffrances. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés. 2. A la suite de la décision du 11 mai 2023 de la commission de recours de l'invalidité rejetant sa demande tendant à la concession d'une pension militaire d'invalidité, M. B..., capitaine de vaisseau du 1er avril 1982 au 3 juin 1997, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices consécutifs à la lombosciatique qu'il soutient avoir contractée en 1985, alors qu'il était en service en Nouvelle-Calédonie, et notamment de voir établi qu'il présente un taux d'invalidité au moins égal à 30 %, seuil fixé par le 2° de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par l'ordonnance attaquée du 9 novembre 2023, le juge des référés a refusé de faire droit à sa demande, au motif que le prononcé d'une mesure d'expertise n'apparaît pas utile dès lors que le requérant " n'établit pas la vraisemblance d'une lésion soudaine (blessure) rattachable au service par présomption " et que son taux d'invalidité est " inférieur au minimum indemnisable de 30 % requis pour l'ouverture du droit à pension pour une maladie du temps de paix ". 3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui sont irrecevables (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514). 4. M. B... disposait, s'il entendait contester la légalité de la décision du 11 mai 2023 de la commission de recours de l'invalidité, d'un délai de deux mois à compter de sa date de notification, pour introduire un recours devant le tribunal administratif. Le requérant ne justifie pas avoir introduit un tel recours dans ce délai et il ne résulte pas de la consultation de l'application informatique du greffe du tribunal administratif de Toulon qu'un tel recours ait été enregistré. La demande qu'il a adressée le 7 septembre 2023 au juge des référés du tribunal administratif de Toulon aux fins que soit ordonnée une expertise n'a pas été de nature à interrompre ce délai du recours contentieux (cf. CE, 28.09.2020, n° 425630). Par suite, le prononcé d'une mesure d'expertise aux fins que soit déterminé le taux d'invalidité dont M. B... est atteint est dépourvu du caractère d'utilité requis par l'article R. 532-1 du code de justice administrative, dès lors qu'il ne peut plus, à ce jour, introduire, de façon recevable, un recours contre la décision du 11 mai 2023. 5. Si la mesure d'expertise que le requérant sollicite a également pour objet d'évaluer l'ensemble des préjudices consécutifs à la lombosciatique qu'il soutient avoir contractée en 1985, alors qu'il était en service, il est constant que l'imputabilité au service de cette pathologie n'a pas été reconnue par le ministre des armées. En conséquence, une éventuelle action en responsabilité à l'encontre de l'Etat en réparation des préjudices personnels voire patrimoniaux qui ne seraient pas réparés par l'attribution d'une pension militaire d'invalidité, est, en tout état de cause, à ce jour, dépourvue d'objet. Par suite, le prononcé de la mesure d'expertise ne présente pas davantage le caractère d'utilité requis par l'article R. 532-1 du code de justice administrative, sur les autres chefs de mission. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. O R D O N N E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B.... Copie en sera adressée, pour information, au ministre des armées. Fait à Marseille, le 14 décembre 2023 N° 23MA027882 LH
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/11/2023, 21TL22563, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. G... Diakoff a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) à lui verser une indemnité de 3 368 553 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison de sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018 et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. Diakoff comme tardive. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX02563 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL22563, et des mémoires, enregistrés les 6 octobre 2022, 14 novembre 2022 et 12 janvier 2023, M. Diakoff, représenté par Me Akpo, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler l'ordonnance du 22 mars 2021 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) de condamner l'Etat, pris en la personne de France AgriMer, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser une somme de 1 623 270,34 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête de première instance n'était pas tardive ; c'est donc à tort que, par l'ordonnance attaquée, elle a été rejetée pour irrecevabilité ; - la responsabilité pour faute de l'Etat, pris en la personne de France AgriMer, est engagée, en conséquence de l'aggravation de son accident de service et de sa tentative de suicide ; - la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée, eu égard à l'irrégularité de la procédure de mise à la retraite et l'arrêté du 30 août 2019 portant mise à la retraite est ainsi intervenu au terme d'une procédure irrégulière ; l'administration a omis de consulter la commission de réforme au titre de l'octroi de la tierce personne et la procédure simplifiée sans consultation préalable de cette commission, prévue par circulaire interministérielle, n'était, dans ce cas, pas applicable ; l'administration ne l'a pas informé des voies de recours contre l'avis du comité médical départemental ; il n'a pas été informé de la possibilité de prendre connaissance de son dossier et de faire entendre le médecin de son choix avant la séance du comité médical départemental ; l'arrêté du 30 août 2019 est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été précédé d'un avis du comité médical supérieur ; - ses préjudices patrimoniaux temporaires s'élèvent à 314 734,58 euros ; - au titre de la privation d'une rente d'invalidité, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 389 733,74 euros ; - au titre de l'allocation de majoration pour tierce personne, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 329 844,48 euros ; - au titre de l'incidence professionnelle, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 68 303,51 euros et une somme de 212 539,32 euros pour cette incidence au titre de la pension de retraite ; - au titre de l'allocation temporaire d'invalidité, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 120 017,16 euros ; - ses souffrances endurées et son préjudice esthétique temporaire s'élèvent chacun à une somme de 35 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2022, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer), représenté par la SELAS Seban et associés, agissant par Me Carrère, conclut au rejet de la requête de M. Diakoff et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête de première instance de M. Diakoff était irrecevable ; - les conclusions indemnitaires de ce dernier, qui se rapportent à l'engagement de la responsabilité de l'établissement à raison du refus d'imputabilité au service de son syndrome anxiodépressif et de sa tentative de suicide sont irrecevables car le contentieux n'est pas lié sur ces points ; - subsidiairement, sa requête est mal fondée, en l'absence de faute ; - ses prétentions, au titre de l'indemnisation des préjudices, ne pourront qu'être rejetées. Une mise en demeure du 22 mars 2022 a été adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Par une ordonnance du 13 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023. Un mémoire, enregistré le 21 février 2023 a été présenté pour M. Diakoff et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Akpo, représentant M. Diakoff et les observations de Me Hubert-Hugoud, représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer. Considérant ce qui suit : 1. M. Diakoff, secrétaire administratif des administrations de l'Etat, affecté dans les offices agricoles puis au sein de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer) depuis le 1er novembre 1979, a été victime d'une chute sur son lieu de travail le 21 juin 2011. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 2 juillet 2011 jusqu'au 2 avril 2013 puis en congé de longue durée à compter de cette dernière date. Arrivant à épuisement de ses droits à congé de longue durée au 1er avril 2018, il a demandé, le 1er octobre 2017, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. A la suite d'un avis du comité médical départemental de la Haute-Garonne réuni le 15 mai 2019, la directrice générale de France AgriMer, par un arrêté du 15 juillet 2019, l'a déclaré inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2018 et l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter de la même date. Par un arrêté du 30 août 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. Par une lettre du 13 octobre 2019, M. Diakoff a formé un recours préalable indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'arrêté du 15 juillet 2019, qui a été implicitement rejeté, puis, par une lettre du 13 mars 2020, il a réitéré sa demande qui a, de nouveau, été implicitement rejetée. M. Diakoff relève appel de l'ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire comme tardive. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article 7 de l'ordonnance susvisée du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicable notamment aux administrations de l'Etat et à ses établissements publics administratifs : " (...) les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. (...) ". L'article 1r de la même ordonnance dispose : " I. - Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ". 3. Pour regarder comme tardive la requête de M. Diakoff, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a estimé qu'une décision implicite de rejet était née du silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois sur la demande indemnitaire préalable de l'intéressé dont il avait été accusé réception le 16 mars 2020 et que son recours, introduit plus de deux mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, était donc tardif. Il résulte cependant des dispositions précitées de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 que le point de départ du délai à l'issue duquel était susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet du recours préalable de M. Diakoff, reçu le 16 mars 2020 par FranceAgriMer, a été reporté au 24 juin 2020. Par suite, la décision implicite de rejet dont s'agit n'étant née que le 24 août 2020, la demande de M. Diakoff, enregistrée au greffe du tribunal le 14 septembre 2020, n'était pas tardive. 4. Il résulte de ce qui précède que M. Diakoff est fondé à soutenir que c'est à tort que sa demande a été rejetée comme manifestement irrecevable et à demander l'annulation de l'ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 22 mars 2021. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité de l'administration au titre d'une rechute de l'accident de service et d'une tentative de suicide : 5. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " (...) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. /(...) ". 6. Les effets d'un accident de service peuvent être aggravés par l'existence d'un état pathologique antérieur. En revanche, la rechute d'un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure. 7. Il résulte de l'instruction que M. Diakoff a chuté sur son lieu de travail le 21 juin 2011. Il a alors ressenti des douleurs multiples au niveau des poignets, du dos, du bassin, du genou et de la jambe gauche. Après expertise du professeur A... du 25 octobre 2011 estimant l'ostéonécrose de hanche dont était affecté le requérant préexistante à la chute, l'administration a reconnu par une décision du 12 décembre 2011, l'imputabilité de l'accident au service uniquement en ce qui concerne la contusion des poignets, du genou gauche et les douleurs lombaires. Après une expertise du professeur F... du 13 mars 2012 indiquant que la chute avait été le facteur déclenchant de l'ostéonécrose par ailleurs latente et d'origine non traumatique, que la lésion du genou gauche était en rapport avec l'accident et que ce dernier ne pouvait être considéré comme consolidé, la commission de réforme, réunie le 24 septembre 2012, a toutefois émis l'avis que l'ostéonécrose de hanche n'était pas imputable au service et indiqué une date de consolidation de l'état de santé de l'agent au 1er juillet 2011. Par une décision du 19 octobre 2012, l'administration a confirmé la date du 1er juillet 2011 comme date de consolidation et refusé de reconnaître l'imputabilité des séquelles du genou gauche au service. Les recours de M. Diakoff contre cette dernière décision ont été rejetés par un jugement n°1300876-1303586 du tribunal administratif de Toulouse en date du 21 août 2016, devenu définitif. 8. Par une lettre du 22 août 2019 adressée à la directrice générale de l'établissement FranceAgriMer, M. Diakoff s'est plaint d'une aggravation de son état en invoquant un rapport d'expertise rendu en décembre 2012 par le docteur D..., favorable à l'attribution d'un congé de longue maladie à compter du 2 juillet 2011 du fait de la nécessité de mise en place d'une prothèse totale de hanche pour ostéonécrose, ainsi qu'un extrait du rapport du docteur B... du 11 août 2016 indiquant un état psychique enkysté, " mêlant sinistrose en relation à la procédure administrative d'accident de travail et réaction dépressive, sans aucune possibilité d'évolution ". Toutefois, d'une part, dès lors qu'il résulte de l'instruction et notamment des constats des professeurs C... et A..., que l'ostéonécrose de hanche découverte chez M. Diakoff à la suite de sa chute était préexistante à celle-ci, elle ne peut être regardée comme une récidive ou une aggravation subite et naturelle de l'affection initiale de M. Diakoff, directement liée à l'accident survenu en service le 21 juin 2011. D'autre part, le seul extrait du rapport du docteur B... ne permet pas, en lui-même, de regarder le syndrome dépressif de M. Diakoff comme une aggravation directement liée à l'accident de travail. En outre, il résulte de l'instruction que le rapport du médecin agréé E..., intervenu pour éclairer le comité médical départemental sur la mise en retraite pour invalidité de M. Diakoff fait mention de la teneur d'une expertise médicale du 26 octobre 2017 du docteur B... identifiant un état anxio-dépressif, dont la date de début est fixée au mois d'avril 2013, et estimé non imputable au service. Dès lors et nonobstant les termes du certificat médical du médecin psychiatre de l'agent en date du 5 septembre 2019, cet état ne peut être regardé comme une récidive ou une aggravation subite et naturelle de l'affection initiale de M. Diakoff, directement liée à l'accident. 9. Si M. Diakoff soutient, par ailleurs, que la responsabilité pour faute de l'administration est engagée du fait de sa tentative de suicide, il ne précise cependant pas la nature de la faute qui aurait été commise à son égard. A supposer qu'il reproche à l'administration un refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de cet acte, il ne conteste pas ne pas avoir effectué de demande sur ce point. Enfin, en se bornant à indiquer qu'il a fait d'une tentative de suicide, il ne démontre aucun lien de l'acte avec le service alors même qu'il se trouvait, lors de cette tentative, en arrêt maladie pour dépression. 10. Il résulte de ce qui précède que M. Diakoff n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'administration à raison d'une rechute de son accident ou d'une tentative de suicide. En ce qui concerne la régularité de la procédure de mise à la retraite pour invalidité non imputable au service : 11. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ;(...). ". Aux termes de l'article L. 31 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article 47 du décret susvisé du 14 mars 1986 dispose : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme./(...) " 12. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 9 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " Le comité médical supérieur, saisi par l'autorité administrative compétente, soit de son initiative, soit à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté. / (...) ". Il résulte de ce premier alinéa que, dans ce cas, l'autorité administrative ne peut prendre sa décision qu'après avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur. 13. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, arrivant à épuisement de ses droits à congé de longue durée au 1er avril 2018, M. Diakoff a demandé, le 1er octobre 2017, à être admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. La directrice générale de France AgriMer, par un arrêté du 15 juillet 2019, l'a déclaré inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2018 et a transmis son dossier aux services du ministre de l'agriculture et de l'alimentation qui, par un arrêté du 30 août 2019, l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. L'administration n'a cependant pas consulté la commission de réforme en méconnaissance des dispositions citées au point 11. Il est constant que seul le comité médical a été consulté en application d'une circulaire interministérielle du 27 juillet 1979 prévoyant que la mise à la retraite pour invalidité des agents souffrant d'invalidités non imputables à l'exercice des fonctions et réunissant plus de vingt-cinq années de services civils et militaires valables pour la retraite et non rémunérés par une pension ou une solde de réforme pourrait être prononcée sur simple avis médical et sans consultation de la commission de réforme. Toutefois, alors que le requérant a contesté l'avis du comité médical départemental, l'autorité administrative a pris sa décision sans avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur. Il en résulte que M. Diakoff est fondé à soutenir que l'arrêté contesté, pris sans consultation de la commission de réforme et du comité médical supérieur, est intervenu au terme d'une procédure irrégulière. 14. Si toute décision illégale est en principe fautive, cette illégalité fautive n'entraîne cependant pas une indemnisation de la victime lorsque la décision est justifiée au fond. 15. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le comité médical départemental a émis, après sa séance du 15 mai 2019, un avis favorable à une mise en retraite pour invalidité en estimant que l'état de santé de l'agent le rendait inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de toutes fonctions. L'arrêté contesté du 30 juillet 2019 vise cet avis comme " reconnaissant l'incapacité permanente de l'intéressé à continuer ses fonctions " et M. Diakoff ne conteste pas, dans ses écritures, cette incapacité. Pour critiquer la légalité interne de l'arrêté attaqué, il se borne à soutenir que son invalidité serait imputable au service. Toutefois, il a lui-même sollicité sa mise à la retraite en raison d'une invalidité non imputable à celui-ci. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que sa nécrose de la hanche est antérieure à l'accident de service dont il a été victime, et, par suite, non imputable au service et il n'établit pas, pour les motifs exposés au point 8, que son syndrome dépressif serait directement lié et imputable à l'accident de service du 21 juin 2011. Ainsi, l'arrêté du ministre n'étant pas entaché d'illégalité interne, le requérant ne justifie pas d'un lien direct entre l'illégalité fautive et les préjudices invoqués. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que les conclusions indemnitaires présentées par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse et, par voie de conséquence, celles tendant au paiement d'intérêts légaux et à leur capitalisation, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés aux litiges : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mise à la charge de l'Etat ou de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, qui ne sont pas parties perdantes, les sommes que demande M. Diakoff au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer sur ce même fondement. D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés. Article 3 : les conclusions présentées par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... Diakoff, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer). Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21TL22563
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/11/2023, 21TL24141, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie, et d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie à compter de la date de sa demande présentée le 28 mars 2019 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 1906403 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2021 sous le n° 21BX04141 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24141, M. A... B..., représenté par Me Francos, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie ; 3°) d'enjoindre à l'administration de lui accorder une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie à compter de la date de présentation de sa demande ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - le jugement est entaché d'irrégularité en ce que le point 6 est insuffisamment motivé, et est entaché d'erreur de droit en ce que les premiers juges ont refusé de procéder à un examen de proportionnalité ; - il est entaché d'erreur de droit en ce que le point 8 retient qu'il aurait pu solliciter une demande de pension en qualité de victime civile dès 2003 ; Sur l'illégalité de la décision : - elle est dépourvue de base légale en raison de la contrariété des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre avec les exigences conventionnelles résultant des dispositions combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son protocole additionnel n°1, en l'absence de justification réelle et objective à la différence de traitement discriminatoire instituée par la loi ; - ces dispositions méconnaissent le principe de sécurité juridique et notamment le principe de prévisibilité de la loi ; elles ont pour effet de remettre en cause les effets légitimement attendus de la décision QPC rendue par le Conseil constitutionnel le 8 février 2018. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2023. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 28 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 23 avril 1946 à Gouraya (Algérie), qui a recouvré la nationalité française par décret de réintégration du 6 mars 2003, a sollicité, le 28 mars 2019, le bénéfice d'une pension d'invalidité en qualité de victime civile en raison des dommages physiques subis lors de la guerre d'Algérie. Par une décision du 30 avril 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande au motif de son irrecevabilité conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision et, par un mémoire distinct, a présenté une question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une ordonnance n° 1906403 QPC du 30 juin 2020, le président de la 5ème chambre de ce tribunal a transmis la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat. Par une décision n° 441546 du 25 septembre 2020, le Conseil d'Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Par un jugement du 6 juillet 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée à l'encontre de la décision du 30 avril 2019 de la ministre des armées. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier que, dans le point 6 du jugement attaqué, les premiers juges ont considéré qu'eu égard aux circonstances propres à chaque guerre, les victimes civiles de la guerre d'Algérie doivent être regardées comme n'étant pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits. Les premiers juges, qui n'avaient pas à préciser en quoi lesdites victimes ne seraient pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits, ont ainsi suffisamment motivé leur jugement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement ne peut dès lors qu'être écarté. 3. M. B... soutient ensuite que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'erreur de droit, d'une part, en ne précisant pas en quoi les victimes civiles de la guerre d'Algérie ne seraient pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits et en refusant de procéder à un examen de proportionnalité ainsi qu'ils y étaient invités dans le respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, en estimant au point 8 du jugement qu'il pouvait présenter sa demande de pension dès la date à laquelle il a été réintégré dans la nationalité française par un décret du 6 mars 2003. Toutefois, de tels moyens, qui ne relèvent pas de l'office du juge d'appel, tendent en réalité à remettre en cause leur appréciation sur le fond du litige qui leur était soumis et ne peuvent être utilement soulevés à l'appui d'une contestation de la régularité du jugement. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés. Sur les droits à pension : 4. Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. ". Une distinction entre des personnes situées dans une situation analogue est, au sens de ces stipulations, discriminatoire si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne vise pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi. 5. Aux termes de l'article L.113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction issue du I de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre. / (...) / Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-2 du même code, à la date du dépôt de la demande, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 ont eu pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. 6. M. B... soutient que le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui a pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, crée une différence de traitement entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie et les victimes civiles d'autres conflits qui peuvent continuer à bénéficier du régime d'indemnisation des victimes civiles de guerre postérieurement à la publication de la loi du 13 juillet 2018. Toutefois, les victimes civiles de la guerre d'Algérie ne sont pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits, eu égard au contexte particulier des circonstances propres à chaque guerre. Le requérant soutient ensuite que ces dispositions créent une différence de traitement entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie selon la date de dépôt de leur demande de pension. Toutefois, les victimes civiles de la guerre d'Algérie qui ont déposé une demande de pension antérieurement à l'entrée en vigueur de la modification législative de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne se trouvent pas dans une situation analogue ou comparable à celles qui ont déposé leur demande de pension postérieurement à cette même date. En outre, si ces dispositions conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps. Au regard notamment de l'écoulement du temps entre l'institution du régime spécial d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par la loi de finances rectificative pour 1963 et la modification de celui-ci par la loi du 13 juillet 2018, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de but légitime de nature à justifier une différence de traitement, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre aurait pour effet d'instaurer une différence de traitement discriminatoire injustifiée et disproportionnée, en méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. 7. M. B... soutient ensuite que le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre méconnaît le principe de prévisibilité. Toutefois, alors que l'intéressé a été réintégré dans la nationalité française par un décret du 6 mars 2003, il disposait à tout le moins de la faculté de solliciter le bénéfice d'une pension civile en qualité de victime de la guerre d'Algérie après la publication de la décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré qu'au regard de l'objet de la loi ayant instauré le régime spécial d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, la différence de traitement selon que les victimes possédaient ou non la nationalité française à la date de la loi n'était justifiée ni par une différence de situation ni par l'objectif de solidarité nationale. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il n'était pas en mesure de prévoir à un degré raisonnable, en s'entourant au besoin de conseils éclairés, les conséquences pouvant résulter du dépôt d'une demande de pension de victime civile de la guerre d'Algérie postérieurement à l'entrée en vigueur du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre méconnaîtraient le principe de prévisibilité de la loi tel que garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 8. M. B... soutient enfin que le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre porte atteinte au principe de sécurité juridique et aux situations légalement acquises. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, ces dispositions ont mis un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie et n'ont aucune portée rétroactive. Ce faisant, le législateur n'a ni porté atteinte au principe de sécurité juridique ou à des situations légalement acquises, ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire de textes antérieurs. Au regard en particulier de l'écoulement du temps tel qu'invoqué au point 6 entre l'institution du régime spécial d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie et la modification de celui-ci par la loi du 13 juillet 2018, la circonstance que le législateur ait simultanément supprimé pour le passé, s'agissant des demandes de pension déposées à compter du 9 février 2018 et des instances en cours au 14 juillet 2018, la condition de nationalité qui figurait dans le texte antérieur, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 et mis un terme pour l'avenir à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, n'a pu avoir pour effet de porter atteinte au principe de sécurité juridique. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Francos et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL24141 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01764, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant au bénéfice d'une pension de victime civile en raison des dommages physiques causés par la guerre d'Algérie et, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière d'instruire son dossier, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard. Par un jugement n° 1909469 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, M. A..., représenté par Me Jennifer Cambla, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 21 janvier 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à celle-ci d'instruire son dossier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - d'une part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes sollicitant une pension au titre de leur état de victime civile de la guerre d'Algérie et toutes les autres personnes sollicitant une pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que seules les premières se voient appliquer une condition de délai ; - d'autre part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes ayant déposé la demande de pension avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2018 et celles qui l'ont déposée après ; - en outre, les différences de traitement ainsi instituées ne répondent à aucune justification objective et il n'existe aucune proportionnalité entre les buts poursuivis et les moyens employés ; - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent le principe de sécurité juridique, principe général du droit de l'Union européenne et principe reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme comme étant inhérent au système juridique qu'elle protège ; - en effet, par ces dispositions, la loi du 13 juillet 2018 remet en cause le droit à pension ouvert aux victimes civiles de la guerre d'Algérie ne détenant pas la nationalité française cinq mois à peine après la reconnaissance de ce droit par la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 ; une telle atteinte à cette situation légalement et nouvellement acquise ne repose sur aucun motif d'intérêt général ; le législateur a remis en cause les effets légitimement attendus de cette décision du Conseil constitutionnel et a méconnu son autorité de chose jugée. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le ministre des armés conclut au rejet de la requête d'appel. Il fait valoir que le Conseil d'Etat a jugé, dans un arrêt du 25 septembre 2020 sous le numéro 441546, que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018, ne méconnaissent pas le principe d'égalité et n'ont privé de garantie légale aucune exigence constitutionnelle, n'ont ni porté atteinte à des situations légalement acquises ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Par ordonnance du 5 septembre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du conseil constitutionnel ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 24 juillet 1946 et de nationalité algérienne, a sollicité, le 26 juillet 2018, l'octroi d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Par une décision du 21 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande comme irrecevable. M. A... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 susvisée, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose, dans son premier alinéa, que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre ". Ces dispositions ont supprimé la condition de nationalité française mise au bénéfice de ce régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions antérieures, issues de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, cette condition ayant été jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 avec effet à compter du 9 février 2018. 3. Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-2 du même code, à la date du dépôt de la demande, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 ont eu pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. 4. Pour contester ces dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au vu desquelles a été prise la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension comme irrecevable, M. A... soutient qu'elles méconnaissent, d'une part, le principe de non-discrimination découlant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention et, d'autre part, le principe de sécurité juridique qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne ainsi qu'un principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 5. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Et aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. (...) ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi. 6. Les victimes civiles de la guerre d'Algérie n'étant pas dans la même situation que les victimes d'autres conflits, la circonstance que, par les dispositions critiquées, le législateur ait mis un terme pour l'avenir au régime d'indemnisation dont elles pouvaient bénéficier ne traduit pas une violation du principe d'égalité et de non-discrimination. De plus, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 13 juillet 2018 que, pour adopter les dispositions contestées, le législateur a entendu tenir compte non seulement de la nature particulière du conflit en cause et du territoire concerné mais aussi de l'ancienneté de ce conflit, des relations actuelles de la France avec l'Algérie et de leurs perspectives d'avenir, de sorte que la distinction ainsi instituée entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie et les victimes civiles des autres conflits mentionnées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est assortie de justifications objectives et n'est pas disproportionnée au vu des buts poursuivis. En outre, si les dispositions critiquées conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps et n'est pas, par elle-même, contraire au principe de non-discrimination. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne présentent pas un caractère discriminatoire au regard des stipulations citées au point précédent et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits conventionnellement consacrés. 7. En second lieu, si les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont, ainsi qu'il a été dit au point 3, mis un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, elles sont en revanche dépourvues d'effet rétroactif et sont en particulier sans incidence sur les demandes déposées antérieurement à la publication de la loi non plus que sur les droits des personnes déjà admises au bénéfice d'une pension. En outre, compte tenu de l'ancienneté du conflit en cause et quand bien même la condition tenant à la détention de la nationalité française n'a été formellement censurée par le Conseil constitutionnel que le 8 février 2018, le législateur a pu, à la date à laquelle les dispositions contestées ont été adoptées, décider de mettre fin au régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie dès la date de publication de la loi du 13 juillet 2018 sans porter d'atteinte au principe de sécurité juridique. Enfin, dès lors que la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du Conseil constitutionnel se borne à censurer la condition de nationalité française qui était jusqu'alors mise à l'octroi d'une pension et ne s'oppose pas, par elle-même, à la suppression de ce régime d'indemnisation pour l'avenir, le législateur a pu adopter les dispositions litigieuses sans méconnaître l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel. Ce faisant, le législateur n'a ni porté atteinte à des situations légalement acquises, ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne portent pas atteinte au principe de sécurité juridique, reconnu comme principe général du droit de l'Union européenne et principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'a pas entaché d'illégalité sa décision du 21 janvier 2019 en se fondant sur les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent, dès lors, être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01764
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA02989, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis la requête au tribunal administratif de Marseille, d'annuler la décision du 13 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour ses troubles lombaires et d'enjoindre à la ministre des armées, à titre principal, de reconnaître sa pathologie " lombo cruralgie et sciatalgie droite " comme étant imputable au service, d'en fixer le taux à 50 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 novembre 2020, à titre subsidiaire, de fixer le taux d'invalidité de sa pathologie " atteinte du nerf sciatique " à 10 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 novembre 2020. Par un jugement n° 2003850 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2022, 14 août et 17 août 2023, M. B..., représenté par Me Belahouane, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 2003850 du 11 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille et, par voie de conséquence, d'annuler la décision du 13 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 2°) en conséquence, de faire droit à sa demande de révision et de fixer le taux d'invalidité pour l'infirmité " lombo cruralgie et sciatalgie droite " à 30 % à compter de la demande du 7 juin 2006 puis à 50 % à compter du 21 novembre 2017 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le tribunal a omis de statuer, s'agissant de l'autorité de la chose jugée, sur la jurisprudence Galmard versée dans l'instance ; en outre, une telle autorité ne saurait s'appliquer au jugement du 3 juillet 2014 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille ; - la pathologie au titre de laquelle il a demandé la révision de sa pension, à savoir une lombo-cruralgie et sciatalgie droite, est intégralement imputable à l'accident subi en service le 23 octobre 2000 et non à l'accident de ski survenu le 4 avril 2002 ; - le rejet de sa demande, à laquelle il ne peut être opposée l'autorité de la chose décidée, repose sur une erreur de diagnostic commise par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité dans son avis du 12 décembre 2018 ; - l'inexistence d'un lien de cause à effet entre son infirmité et l'accident de ski du 3 avril 2002 est établie ; - sa requête de première instance était recevable dès lors que le jugement du 3 juillet 2014 n'a pas autorité de la chose jugée et que l'erreur de diagnostic médical constitue un fait nouveau ; - les jugements du tribunal des pensions militaires du 3 juillet 2014 et du tribunal administratif de Marseille du 11 octobre 2022 sont entachés d'erreurs d'appréciation et d'une insuffisance de motivation. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête de M. B... est irrecevable dès lors que la décision attaquée est confirmative de la décision du 18 février 2008, devenue définitive, qui a fixé à 5 % la part de l'imputabilité en lien avec l'évènement du 23 octobre 2000 ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 28 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, enregistré le 21 septembre 2023, présenté par le ministre des armées après notification de l'ordonnance de clôture d'instruction, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 9 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - les observations de Me Belahouane, représentant M. B..., - et les observations de M. B... lui-même. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 4 janvier 1942, s'est engagé dans l'armée française le 1er octobre 1962 et a été radié des contrôles le 5 janvier 2001. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée en dernier lieu par arrêté du 3 juillet 2017 au taux global de 100 % + 19°, ainsi que de l'allocation au titre de la qualité de grand mutilé pour neuf infirmités, il a sollicité une révision de pension, par une demande déposée le 21 novembre 2017, pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'un double traumatisme lombaire : sciatiques invalidantes à répétition. Demande déjà adressée le 7 juin 2006 - rejet car inférieure à 10 % ". Par une décision du 13 juin 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. B... relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif de Marseille aurait omis de statuer sur les arguments qu'il a développés en réplique au mémoire en défense de l'administration, tirés de ce que l'autorité de la chose jugée ne saurait s'appliquer au jugement du 3 juillet 2014 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, dès lors que, pour rejeter sa demande, le tribunal administratif de Marseille ne s'est pas fondé sur une telle autorité. A supposer que M. B... ait entendu se prévaloir d'une insuffisante motivation du jugement contesté, en ce qui concerne les arguments qu'il a développés en réplique au moyen de défense de l'administration, tiré de ce que, par une précédente décision du 18 février 2008, ayant acquis autorité de chose décidée, une demande identique de l'intéressé avait été rejetée, il ressort toutefois des mentions dudit jugement que les premiers juges ont expressément considéré que la circonstance que le taux d'invalidité de l'infirmité au titre de laquelle M. B... a demandé la révision de sa pension se soit aggravée était sans incidence sur le taux d'imputabilité au service de 5 % qui avait été fixé par l'arrêté du 18 février 2008, lequel avait acquis un caractère définitif à la date de la demande. Ce faisant, le tribunal, qui n'était au demeurant pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par les parties, a implicitement mais nécessairement écarté l'argument de M. B... tiré ce que l'autorité de la chose décidée ne pouvait lui être opposée. 3. En second lieu, si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs d'appréciation ou d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir devant la Cour que le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 3 juillet 2014, lequel, en tout état de cause, ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité au service de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites, serait entaché d'erreur d'appréciation. 5. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Et aux termes de l'article L. 121-2-3 de ce code : " (...) la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'origine ou l'aggravation de son infirmité et une blessure reçue, un accident subi ou une maladie contractée par le fait du service. Cette preuve ne peut pas résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité ou encore des conditions générales du service. 6. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 18 février 2008, le ministre des armées a, notamment, rejeté une demande de majoration de pension militaire d'invalidité déposée par M. B... au titre de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites, au motif que cette invalidité, au taux global de 30 %, n'était imputable au service qu'à hauteur de 5 %. Se prévalant d'une aggravation de ses gênes fonctionnelles, M. B... a déposé, le 21 novembre 2017, une nouvelle demande de majoration de sa pension, laquelle a été rejetée par arrêté du 13 juin 2019. Il résulte de l'instruction que, pour prendre cette décision, l'administration s'est appuyée sur l'expertise médicale du 6 novembre 2018 et sur l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité du 12 décembre 2018, aux termes desquels, si les gênes fonctionnelles résultant de l'infirmité en cause se sont aggravées, de telle sorte que le taux global de celle-ci doit être porté de 30 % à 50 %, la part imputable au service, à raison d'un accident survenu le 23 octobre 2000, demeure de 5 % seulement, soit à un taux inférieur à celui de 10 % ouvrant droit à pension. D'une part, selon ces médecins, l'atteinte sensitivomotrice du nerf sciatique poplité externe est en lien non pas avec l'accident de service, mais avec les séquelles de la fracture du fémur subi par M. B... à l'occasion d'un accident de ski survenu le 3 avril 2002 hors service. D'autre part, ces mêmes médecins relèvent que, si la chute survenue en service le 23 octobre 2000, au titre de laquelle aucun bilan radiologique n'a été réalisé, a occasionné des lombalgies basses diffuses invalidantes avec irritation sciatique droite, cet épisode s'est amendé après un simple traitement antalgique et anti-inflammatoire sur une durée de trois semaines. Ils ajoutent en revanche que la violence du traumatisme subi lors de l'accident de ski du 3 avril 2002, qui a par ailleurs entraîné une fracture du fémur droit, pourrait expliquer à elle seule la survenue des épisodes lombo-sciatalgiques postérieurs. Ces constatations sont par ailleurs corroborées par les conclusions de l'expertise médicale diligentée par le tribunal des pensions militaires du Var le 24 mars 2011, selon lesquelles, à la suite de l'accident de service du 23 octobre 2000, le seul examen paraclinique concernant le rachis lombaire a été réalisé le 17 avril 2003 seulement, soit trente mois après l'accident, de sorte que la relation de cause à effet directe, certaine et exclusive entre cet accident et le tableau de lombosciatalgie droite ne peut être établie. La seule attestation produite par l'appelant, au demeurant assez peu circonstanciée et rédigée le 14 septembre 2019 par un neurochirurgien des hôpitaux des armées, selon laquelle tant le bilan radiologique du 17 avril 2003, sur le fondement duquel une erreur de diagnostic aurait été commise, que le discret trouble de la statique dorso-lombaire, ne permettraient pas d'établir un lien entre l'accident de ski du 3 avril 2002 et l'infirmité au titre de laquelle la demande a été déposée, ne saurait suffire à établir que celle-ci serait totalement ou partiellement, à un taux supérieur à 5 %, imputable à l'accident de service du 23 octobre 2000. Dans ces conditions, et alors que la charge de la preuve pèse sur l'appelant, celui-ci n'établit pas que le taux d'imputabilité de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites lui ouvrait un droit à pension à la date de sa demande. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 13 juin 2019 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait droit à sa demande de révision doivent être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais de l'instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Belahouane et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 22MA02989 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 5ème chambre, 23/11/2023, 21LY04244, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision de refus de reconnaissance d'une maladie comme contractée en service du 18 juin 2019 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Par un jugement n°1901564 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Portal, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ainsi que la décision du 18 juin 2019 susvisée ; 2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir examiné le moyen tiré du retrait illégal de la décision du 19 avril 2019 ; - le jugement est irrégulier pour avoir cité les dispositions de l'article L. 212-5 du code des relations entre le public et l'administration qui n'existent pas ; - la décision du 18 juin 2019 est insuffisamment motivée au sens de l'article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ; - elle retire une décision créatrice de droit qui n'était pas illégale ; - le refus d'imputabilité ne peut être justifié par l'exercice de son mandat syndical ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'imputabilité de sa maladie au service ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me Lantero, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Une ordonnance du 17 février 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 16 mars 2023. Par un courrier du 3 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour, dans l'hypothèse où elle retiendrait le moyen tiré de l'erreur de droit soulevé par la requérante, était susceptible d'enjoindre d'office au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ; - les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ; - et les observations de Me Ladou pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., infirmière au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, entièrement déchargée de service en raison d'un mandat syndical depuis 2015, a sollicité la reconnaissance de son " épuisement professionnel " comme maladie contractée en service. Par une décision du 19 avril 2019, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a procédé à cette reconnaissance. Par une seconde décision du 18 juin 2019, il a retiré la décision du 19 avril 2019 et refusé de reconnaître comme imputable au service la pathologie présentée par Mme B.... L'intéressée relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : Sur la légalité de la décision du 18 juin 2019 : 2. D'une part, aux termes de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires : " I.-Sous réserve des nécessités du service, le fonctionnaire en position d'activité ou de détachement qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, bénéficie d'une décharge d'activité de services ou est mis à la disposition d'une organisation syndicale, est réputé conserver sa position statutaire. (...) ". 3. Pour refuser la demande d'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme B..., le directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a, dans la décision du 18 juin 2019, relevé que " les activités syndicales exercées sur du temps de décharge d'activité de service à temps plein ne relèvent pas d'un droit de regard de l'employeur. De ce fait, la qualification de maladie contractée en service ne peut être vérifiée par l'employeur. " S'il est constant que Mme B... exerce un mandat syndical en étant déchargée à 100% de ses activités de service, elle est considérée comme étant en position d'activité en vertu des dispositions précitées. Par suite, en retenant que l'imputabilité au service de la pathologie présentée par l'intéressée ne pouvait pas être vérifiée en raison de ses activités syndicales, l'autorité compétente a entaché son motif d'une erreur de droit. 4. D'autre part, aux termes de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 susvisée : " (...) IV.-Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. (...) " 5. Si Mme B... se prévaut de la présomption d'imputabilité au service d'une maladie prévue par les dispositions citées au point 4, l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En conséquence, ces dispositions ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière. Ces dispositions n'étant pas applicables à la date de la survenance de la maladie qu'elle invoque et des décisions en litige, Mme B... ne saurait utilement s'en prévaloir. 6. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) " 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 8. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment du rapport d'expertise médical du docteur A... C... du 28 janvier 2019 et de l'avis de la commission de réforme du 11 avril 2019, que la pathologie présentée par Mme B... est en relation avec l'exercice de ses activités syndicales au sein du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et liée à une surcharge de travail. Il ne ressort d'aucune pièce et n'est pas soutenu en défense que cet état serait lié à un état antérieur présenté par l'intéressée et favorable à l'apparition de cette maladie. Si le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand fait valoir dans ses écritures en défense que Mme B... serait elle-même à l'origine de son épuisement professionnel, la circonstance qu'elle ait volontairement accepté une surcharge de travail en lien avec son mandat syndical ne saurait constituer une circonstance particulière de nature à détacher la survenance de la maladie du service. Par suite, si le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soulève à ce titre une substitution de motifs, le refus d'imputabilité au service opposé pour ce motif à Mme B... est entaché d'erreur d'appréciation. 9. Il résulte de ce qui précède que la décision du 18 juin 2019 retirant la décision du 19 avril 2019 et refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... doit être annulée. Sur l'injonction : 10. Lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation. Il en résulte que l'annulation de la décision du 18 juin 2019 retirant la décision du 19 avril 2019 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand reconnaissant comme imputable au service la maladie de Mme B..., laquelle constitue une décision créatrice de droits, n'implique aucune mesure d'injonction particulière. Sur les frais liés au litige : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n°1901564 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé. Article 2 : La décision du 18 juin 2019 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand retirant la décision du 19 avril 2019 et refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... est annulée. Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Bourrachot, président de chambre, Mme Dèche, présidente assesseure, Mme Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023. La rapporteure, V. Rémy-Néris Le président, F. Bourrachot La greffière, F. Prouteau La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°21LY04244 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 23/11/2023, 21BX04236, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 mars 2020 rejetant sa demande d'attribution de la carte du combattant. Par un jugement n° 2001828 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 novembre 2021 et le 31 mars 2022, M. A..., représenté par Me Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 septembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 12 mars 2020 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre a rejeté sa demande tendant à l'obtention de la carte du combattant ; 3°) d'enjoindre à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre de lui délivrer la carte du combattant ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation ; - il remplit les conditions pour se voir délivrer la carte du combattant sur le fondement de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre au vu de son affectation à l'ambassade de Kinshasa de 2009 à 2013 en qualité de secrétaire d'attaché de sécurité intérieure durant laquelle il a exercé une mission entrant dans le champ de plusieurs résolutions des Nations Unies et présentant des liens avec l'opération MONUSCO ; a minima, sa participation de mars à novembre 2011 en qualité de militaire à des opérations de sécurisation du processus électoral en République démocratique du Congo lui ouvre droit à la délivrance de cette carte au vu de l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le refus qui lui a été opposé est entaché d'erreurs de droit en tant, d'une part, qu'il ajoute au texte une condition qui n'y figure pas tirée de ce que le service ouvrant droit à la délivrance de la carte du combattant ne peut correspondre qu'à une opération extérieure et, d'autre part, que l'administration s'est à tort estimée en situation de compétence liée pour rejeter sa demande ; - l'administration a omis d'examiner sa demande sur le fondement de l'article L. 311-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; le refus qui lui a été opposé est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions compte tenu de la qualité de son parcours. Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2022, l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, représenté par la SCP Matuchansky Poupot Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Kolia Gallier, - les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public, - et les observations de Me Clavier, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., sous-officier de gendarmerie en retraite depuis le 1er juin 2019, a demandé, le 22 novembre 2017, la délivrance de la carte du combattant. Il relève appel du jugement du 16 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus que lui a opposé l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre le 12 mars 2020. Sur la régularité du jugement : 2. Il résulte des motifs du jugement que le tribunal administratif de Poitiers a expressément et suffisamment répondu aux moyens soulevés par M. A... dans ses écritures. La circonstance que les premiers juges auraient à tort écarté le moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse de l'Office national des combattants et des victimes de guerre n'est susceptible d'avoir d'incidence que sur le bien-fondé du jugement et ne saurait, à la supposer établie, l'entacher d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". 4. La décision en litige mentionne l'ensemble des textes législatifs et réglementaires régissant les conditions d'attribution de la carte du combattant et le motif pour lequel la directrice générale de l'Office national des combattants et des victimes de guerre estime que M. A... ne peut en bénéficier. Elle est, par suite, suffisamment motivée. 5. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " (...) La reconnaissance de la qualité de combattant dans les conditions prévues par le présent chapitre donne lieu à l'attribution de la carte du combattant. " L'article L. 311-2 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose : " Ont également vocation à la qualité de combattant les militaires des forces armées françaises qui ont participé à des actions de feu et de combat ainsi que les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France. / Une durée d'au moins quatre mois de service effectuée au titre des conflits, opérations ou missions mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat mentionnées à cet alinéa. / Un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du budget fixe notamment les périodes à prendre en considération pour chacun de ces conflits, opérations ou missions. Il fixe également les bonifications attachées le cas échéant à ces périodes. " L'arrêté du 12 janvier 1994 modifié, pris en application de l'article L. 311-2 précité et fixant la liste des opérations extérieures ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant mentionne notamment les interventions conduites dans le cadre de l'opération MONUSCO (Mission de l'organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo) sur le territoire de la République démocratique du Congo entre le 2 juin 2011 et le 1er juin 2015. 6. Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision litigieuse ne lui oppose pas que seul le service qualifié d'opération extérieure est susceptible d'ouvrir droit à la délivrance de la carte du combattant. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté. 7. La circonstance que l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ait indiqué, dans ses écritures en défense devant les premiers juges, que l'administration était tenue de refuser à l'intéressé la délivrance de la carte du combattant dont il ne remplissait pas les conditions ne révèle aucune situation de compétence liée, contrairement à ce que soutient le requérant. 8. M. A... se prévaut de son affectation à l'ambassade de France de la République démocratique du Congo à Kinshasa du 1er août 2009 au 31 juillet 2013 en qualité d'assistant de l'attaché de sécurité intérieure et soutient que cette affectation s'inscrit dans le cadre de l'opération MONUSCO, en particulier sa participation de mars à novembre 2011 en qualité de militaire à des opérations de sécurisation du processus électoral en République démocratique du Congo. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces au dossier, en particulier ni de son ordre de mutation du 12 mai 2009 ni de son certificat de position militaire du 17 avril 2013, que M. A... aurait été détaché auprès de l'ONU pour intervenir dans le cadre de l'opération MONUSCO en République démocratique du Congo. Si les éléments produits par le requérant établissent qu'il a pu participer, en collaboration avec les effectifs de cette mission, à la poursuite d'objectifs communs tel que la sécurisation du processus électoral en novembre 2011, il en ressort également que M. A... est intervenu dans le seul cadre des actions menées par le service de sécurité intérieure de l'ambassade de France pour la coopération bilatérale en matière de police entre la France et la République démocratique du Congo. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il est intervenu, au sens des dispositions précitées, dans le cadre de la MONUSCO. 9. Aux termes de l'article L. 311-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " A titre exceptionnel, les personnes qui ne remplissent pas les conditions d'attribution de la qualité de combattant peuvent obtenir celle-ci sur décision motivée du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ". L'article R. 311-18 du même code prévoit : " La décision sur les demandes présentées au titre de l'article L. 311-4 est prise par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, après instruction et avis des services départementaux ou territoriaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. " 10. Il résulte des dispositions précitées, ainsi que le fait valoir l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre en défense, que l'administration n'est tenue d'examiner la possibilité d'attribuer la qualité de combattant à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qu'en cas de demande présentée en ce sens. Or, il ne ressort pas des termes de la demande adressée par M. A... aux services de l'Office national des combattants et des victimes de guerre qu'il aurait souhaité voir sa situation examinée sur ce fondement. En tout état de cause, en dépit des qualités professionnelles avérées de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus opposé sur ce fondement serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, par suite, qu'être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros à verser à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : M. A... versera à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 2 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Jean-Claude Pauziès, président, Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure, Mme Kolia Gallier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023. La rapporteure, Kolia GallierLe président, Jean-Claude Pauziès La greffière, Marion Azam Marche La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21BX04236 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA00401, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Bastia, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 4 février 2019 par laquelle la ministre des armées n'a que partiellement fait droit à sa demande de révision de pension pour aggravation des infirmités dont il est atteint, et de fixer le taux d'invalidité, à compter du 27 février 2017, à 40 % s'agissant de l'infirmité de vertiges et à 35 % s'agissant de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale. Par un jugement n° 1901535 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation des infirmités de vertiges et de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, d'autre part, reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 % s'agissant de l'infirmité liée à des vertiges et un taux de 35 % s'agissant de l'infirmité liée à des séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche et, enfin, rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 1er février 2022, le ministre des armées demande à la Cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021. Le ministre soutient que : - au titre de l'infirmité liée aux vertiges, il n'existe aucune aggravation entre 2010 et 2018, l'hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques étant déjà présente en 2010 et en jugeant le contraire, le tribunal a dénaturé les éléments du dossier et commis une erreur d'appréciation ; - c'est à tort que le tribunal s'est prononcé sur les conclusions de l'intéressé contestant la décision en litige en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité dite " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche ", présentées au-delà du délai posé par l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et constitutives d'une demande nouvelle par rapport à celle enregistrée au greffe du tribunal le 3 juin 2019. Le recours du ministre des armées a été communiqué à M. A... qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 21 août 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité, au taux de 85 %, du chef des infirmités dénommées " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche ", " bourdonnements ", " vertiges ", " déviation de la cloison nasale " et " sinusite maxillaire bilatérale ", en a demandé la révision le 27 février 2017, pour aggravation des trois premières infirmités. Par une décision du 12 février 2019, prise après avis de la commission de réforme des pensions du 23 janvier 2019, la ministre des armées a fait droit à cette demande en ce qu'elle concerne l'aggravation de l'infirmité " bourdonnements " en attribuant à ce titre un taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, et a rejeté le surplus de la demande. Par un jugement du 7 décembre 2021, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation des infirmités de vertiges et de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et a reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 % s'agissant de la première de ces infirmités et un taux de 35 % s'agissant de la seconde. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les droits à pension de M. A... au titre de l'infirmité dite " vertiges " : 2. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de révision de pension de M. A... : " La pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. ". Par ailleurs, l'article L. 151-4 du même code, alors en vigueur, dispose que : " Le demandeur a la faculté de provoquer l'examen de sa demande par une commission de réforme (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ". 3. L'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée, la pension étant révisée lorsque le degré d'invalidité de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Cette disposition qui exige une aggravation réelle des blessures ou maladies, ne permet pas de remettre en cause, en l'absence d'aggravation effective, les bases de la liquidation initiale notamment en ce qui concerne le libellé des infirmités pensionnées. 4. Il résulte de l'instruction que pour décider le 7 juin 2013, de réviser la pension d'invalidité de M. A..., notamment pour aggravation de son infirmité liée aux vertiges dont il souffre depuis le 5 janvier 1973, et revaloriser en conséquence le taux d'invalidité correspondant à hauteur de 30 %, le ministre chargé de la défense s'était fondé sur l'expertise réalisée le 20 mai 2010 par un oto-rhino-laryngologiste qui avait recueilli les doléances de l'intéressé portant sur une aggravation des sensations de déséquilibre et une augmentation du nombre de crises vertigineuses, lesquelles présentaient alors une durée d'une semaine, à raison de deux fois par mois, sur fond de sensations de déséquilibre permanent, et constaté, au terme d'examens oto-rhino-laryngologiques, une instabilité à l'épreuve dite de Romberg, une marche aveugle ébrieuse et une hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques. Le même expert médical, appelé à se prononcer sur la demande de révision de pension pour aggravation de cette infirmité rejetée par la décision en litige, a constaté, le 6 juillet 2018, une aggravation à raison d'un degré supplémentaire d'invalidité de 10 %, en relevant que les crises de vertiges rotatoires vrais dont se plaint M. A... surviennent deux à trois fois par semaine, durant douze heures environ, sur fond de sensations permanentes de déséquilibre, et que l'examen oto-rhino-laryngologique révèle une instabilité à l'épreuve de Romberg, une marche aveugle ébrieuse, ainsi qu'une légère hypo-réflexie labyrinthique bilatérale plus ou moins symétrique aux épreuves caloriques, sans nystagmus spontané ni " DDI ". Si la comparaison de ces deux examens médicaux ne fait pas apparaître, à partir des doléances de M. A..., d'aggravation du nombre de crises de vertiges dont il souffre, ainsi que l'ont indiqué l'avis de la commission consultative médicale du 8 janvier 2019 et l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 11 septembre 2018, ces documents montrent en revanche, contrairement à ce que soutient le ministre, que l'intéressé présente en 2018, non plus une hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques, mais une hypo-réflexie labyrinthique bilatérale à ces mêmes épreuves. En se bornant ainsi à relever une amélioration du nombre de crises de vertiges dont se plaint M. A..., mais dont la fréquence n'a pas diminué, sans remettre en cause l'existence d'une hypo-réflexie labyrinthique bilatérale ni son importance sur son état de santé, alors que le médecin expert a conclu à une aggravation de ses vertiges à hauteur de 10 % d'invalidité supplémentaire, le ministre ne conteste pas efficacement le caractère réel et effectif de cette aggravation. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision du 12 février 2019 refusant de réviser la pension militaire d'invalidité de M. A... pour aggravation de cette infirmité et a reconnu à ce titre au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 %. En ce qui concerne les droits à pension de M. A... au titre de l'infirmité dite " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche " : 5. Aux termes de l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. ". 6. Le délai de recours contre une décision individuelle prise sur une demande de pension militaire d'invalidité commence, en principe, à courir à compter de la notification complète et régulière de cette décision. Toutefois, à défaut, dans le cas où un requérant a saisi le juge des pensions d'un recours tendant à l'annulation d'une décision refusant de réviser une pension militaire d'invalidité en tant qu'elle est relative seulement à certaines des infirmités visées par sa demande de pension, le délai de recours contre cette décision en tant qu'elle concerne la ou les autres infirmités court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne ce requérant, de l'introduction de son recours initial. 7. Il résulte des pièces de la procédure devant le tribunal que M. A... a saisi le tribunal des pensions de Bastia le 3 juin 2019 de conclusions contestant la décision en litige, produite au soutien de ses prétentions, en tant seulement qu'elle refuse de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation de l'infirmité dite " vertiges ". En application des dispositions réglementaires citées au point 5 et au plus tard à compter du 3 juin 2019, date à laquelle il avait connaissance de la décision litigieuse, M. A... disposait d'un délai de six mois pour demander l'annulation de celle-ci en tant qu'elle rejette sa demande de révision de pension au titre des autres infirmités, dont les séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche. Or, ce n'est que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Bastia le 13 janvier 2021, soit après l'expiration de ce délai de six mois, que M. A... a présenté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2019 en tant qu'elle refuse la révision de sa pension pour l'aggravation de cette infirmité. De telles conclusions étant ainsi tardives, c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir opposée en ce sens par le ministre des armées et a accueilli ces prétentions. Le ministre des armées est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision du 12 février 2019 en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et a reconnu à ce titre au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 35 %. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement dans cette mesure et, en évoquant l'affaire dans cette même mesure, de rejeter comme irrecevables les conclusions de M. A... aux fins d'annulation de la décision du 12 février 2019 et d'octroi d'une pension au titre de l'aggravation de cette infirmité. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1901535 rendu le 7 décembre 2021 par le tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a annulé la décision de la ministre des armées du 12 février 2019 rejetant la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et en tant qu'il a reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 35 % s'agissant de cette infirmité. Article 2 : Les conclusions de M. A... devant le tribunal administratif de Bastia tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2019 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche et à l'octroi d'un taux d'invalidité de 35 % sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre des armées est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 22MA004012
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 24/11/2023, 22MA00148, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'ordonner la désignation d'un expert, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident de service survenu le 13 août 2010 et de l'aggravation de son état de santé, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903698 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. A.... Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 22 000 euros, sous réserve du déficit fonctionnel permanent, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'il est fondé, sur le terrain de la responsabilité sans faute, à solliciter l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique permanent et du préjudice d'agrément subis du fait de l'accident de service dont il a été victime le 13 août 2010 et de l'aggravation postérieure de son état de santé. La requête a été communiquée à la ministre des armées qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., quartier maître de 2ème classe, a été victime, le 13 août 2010, tandis qu'il était en service sur un navire en escale à la Réunion, d'une chute sur le barreau d'une échappée verticale à l'origine d'une entorse du ligament latéral externe de la cheville gauche. Cet accident a été reconnu comme étant imputable au service. Par une lettre en date du 28 décembre 2017, M. A... a demandé à son administration, sur le fondement de la responsabilité sans faute, une indemnisation au titre de différents préjudices consécutifs à l'accident du 13 août 2010 et à l'aggravation de son état, non couverts par la pension militaire d'invalidité. Par une décision du 27 décembre 2018, sa demande a été rejetée comme étant prescrite. M. A... a alors exercé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires. La ministre des armées a, par une décision du 22 juillet 2019, estimé que la prescription n'était pas acquise mais a rejeté au fond la demande de l'intéressé. M. A... interjette appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices précités. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 2. Aux termes de l'article L.121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 3. Eu égard à la finalité qui lui est assignée et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 133-1 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne. 4. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. En outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. S'agissant du lien de causalité : 5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi par le Dr B..., médecin en chef des armées, que la consolidation de l'accident de service du 13 août 2010 doit être fixée au 9 février 2011, date à laquelle le médecin de bord ayant examiné le requérant, a pu constater l'absence de séquelles de la blessure, l'intéressé ayant, au demeurant, repris normalement son activité professionnelle ainsi que ses activités sportives et couru, le 21 janvier 2011, le marathon de Dubaï. Si M. A... se plaint de l'aggravation postérieure de son état de santé et notamment de douleurs invalidantes, d'une boiterie et d'un état dépressif, le lien direct et certain entre l'accident du 13 août 2010 et l'aggravation de son état de santé n'est pas établi par les pièces versées au dossier. Si M. A... se prévaut notamment d'un rapport établi par le Dr C..., chirurgien orthopédique, celui-ci ne permet pas, et alors que le rapport précité du Dr B... exclut formellement tout lien entre l'accident initial et l'aggravation de l'état de l'intéressé, de caractériser ledit lien. Il suit de là, M. A... n'établissant pas ni même d'ailleurs n'alléguant qu'il aurait été victime d'un deuxième accident de service qui se serait produit le 5 septembre ou le 5 décembre 2011, que l'appelant est seulement fondé à prétendre à l'indemnisation des préjudices directement consécutifs à l'accident du 13 août 2010. S'agissant des préjudices : 6. Il résulte de l'expertise du Dr B..., que M. A... a, du fait de l'accident du 13 août 2010, enduré des souffrances avant consolidation évaluées à 0,5/7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme de 500 euros. 7. En revanche, le préjudice esthétique permanent dont est victime le requérant du fait d'une boiterie, le préjudice d'agrément lié à la diminution de ses activités sportives ainsi qu'en tout état de cause, le déficit fonctionnel permanent de l'intéressé, lequel a vocation à être réparé par la pension militaire d'invalidité, ne présentent pas de lien direct et certain avec l'accident du 13 août 2010 et ne peuvent, dès lors, donner lieu à indemnisation. 8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulon a rejeté l'intégralité de ses prétentions indemnitaires. Il y a lieu, dès lors d'annuler ledit jugement et de condamner l'Etat à verser à M. A... la somme de 500 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception, par l'administration, de la demande indemnitaire adressée le 28 décembre 2017. Sur les frais d'instance : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903698 du tribunal administratif de Toulon du 9 novembre 2021 est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident de service survenu le 13 août 2010. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande indemnitaire adressée le 28 décembre 2017 par M. A.... Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel et de première instance de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2023. N° 22MA00148 2 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02627, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par ordonnance du 10 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Melun a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Paris. Par jugement n° 1914709/5-3 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, M. B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1914709 du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de condamner le ministre des armées à lui verser la somme de 21 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé le retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, somme assortie des intérêts légaux à compter de la date de sa demande préalable ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal s'est mépris sur ses conclusions dès lors qu'il n'a pas attaqué une décision implicite de rejet de la commission de recours des militaires mais une décision expresse de rejet du 18 mai 2017 prise par le président de cette commission ; - dès lors que la décision attaquée du 18 mai 2017 ne mentionnait pas les voies et délais de recours, ces derniers ne lui étaient pas opposables de sorte que c'est à tort que le jugement attaqué lui a opposé une forclusion ; - le président de la commission de recours des militaires a entaché son ordonnance rejetant son recours pour incompétence d'une erreur de droit dès lors que la commission était compétente pour se prononcer sur sa demande ; - le retard mis par le ministre de la défense pour traiter sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité constitue une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - ce retard lui a causé un préjudice financier en raison des difficultés qu'il a rencontrées pour rembourser un crédit bancaire qu'il évalue à 1 000 euros ; - il lui a causé un préjudice moral qu'il évalue à 20 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé de faire droit à sa demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, tendant au versement d'une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par jugement n° 1914709 du 18 mai 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable. 3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 4. Ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu'il saisit une juridiction incompétente, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration. Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction saisie s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente. 5. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires des Hauts-de-Seine le 7 juin 2017 d'une contestation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des armées sur sa demande d'indemnisation préalable, décision implicite à laquelle s'est postérieurement substituée la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre le refus implicite de réparer les préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel lui a été concédée sa pension militaire d'invalidité. Par jugement du 28 novembre 2017, ce tribunal s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Melun le 27 février 2018. Pour juger que sa requête était tardive, les premiers juges ont considéré que le tribunal avait été saisi plus de deux mois après la notification du jugement du tribunal des pensions des Hauts-de-Seine, intervenue selon eux le 28 novembre 2017. En se bornant à soutenir qu'en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision du 18 mai 2017 précitée, aucun délai de recours ne lui était opposable, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, en cas de saisine d'une juridiction incompétente, le justiciable dispose d'un délai de deux mois à la suite de la décision par laquelle le premier juge qu'il a saisi s'est déclaré incompétent pour connaître de ce recours pour former un recours contre une décision administrative non assortie de la mention des voies et délais de recours, M. B... ne conteste pas utilement la forclusion qui lui a été opposée par le tribunal administratif de Paris. 6. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02627
Cours administrative d'appel
Paris