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CAA de LYON, 3ème chambre, 12/07/2023, 21LY01551, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 2°) d'enjoindre au maire de Bourgoin-Jallieu de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) de condamner la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices découlant des fautes commises selon lui par la commune ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903182 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, M. C..., représenté par Me Clement, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) d'enjoindre au maire de Bourgoin-Jallieu de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 4°) de condamner la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre, qui est lié à ses conditions de travail ; - l'illégalité de la décision du 28 novembre 2018 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bourgoin-Jallieu ; - la responsabilité de cette commune est également engagée à raison de la faute liée à la désorganisation du service résultant du refus d'application des dispositions prévues par le guide communal relatif à l'organisation du temps de travail ; - il a subi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral qui peuvent être évalués à la somme de 3 000 euros ; - c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le lien de causalité ne serait pas établi. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, la commune de Bourgoin-Jallieu, représentée par la SELARL ADP Affaires Droit Public-Immobilier, agissant par Me Fyrgatian, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés. Par ordonnance du 5 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Metzger pour la commune de Bourgoin-Jallieu. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et à la condamnation de cette commune à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique. 3. Par suite, il y a lieu d'examiner la légalité du refus d'imputabilité au service qui a été opposé à M. C... au regard des seules dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, aux termes desquelles : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. M. C..., adjoint technique territorial en charge de l'entretien des installations sportives au sein du service des sports de la commune de Bourgoin-Jallieu, a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 17 mai 2018 et jusqu'au 31 juillet 2018, à raison d'un état dépressif. Pour soutenir, en dépit de l'avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie de la commission de réforme émis le 8 novembre 2018, que sa maladie a été suscitée par ses conditions de travail, le requérant fait état en particulier des difficultés rencontrées par les agents dans la gestion des plannings, lesquels ne seraient pas communiqués suffisamment à l'avance pour leur permettre d'organiser leur vie personnelle. Il se prévaut à cet égard du signalement d'un membre du CHSCT, faisant état d'une situation de danger grave et imminent, à raison de " multiples changements pouvant intervenir, y compris sur les jours de repos prévus et des appels sur le téléphone personnel des agents pour des changements de planning répétés ". Il ressort néanmoins du rapport de l'enquête administrative diligentée sur ce point que les agents sont globalement satisfaits de leur travail et de son organisation, que les difficultés proviennent essentiellement d'un manque de compréhension de l'annualisation du temps de travail, que M. C..., à l'inverse de ses collègues, n'échange pas avec son responsable, lequel est pourtant à leur écoute, qu'il ne subit pas plus de changements de planning qu'auparavant et qu'il peut bénéficier comme ses collègues d'au moins un week-end par mois. Si le requérant se plaint d'un épuisement professionnel, il ne fait pas état d'éléments factuels probants permettant de considérer que l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail auraient été susceptibles d'affecter son état psychique. M. C... se prévaut également des conclusions administratives du docteur B..., psychiatre, aux termes duquel sa " pathologie anxio-dépressive avec idées suicidaires évoquées est une pathologie qui relève de la maladie professionnelle au titre de l'épuisement professionnel. Il y a un lien de causalité direct et certain entre la pathologie présentée par l'agent et l'activité professionnelle. Donc les soins et arrêt de travail sont imputables au service ". Toutefois, ce rapport, rédigé à partir de ses propres déclarations, sans identifier aucune cause professionnelle susceptible d'expliquer l'état pathologique du patient, ne permet pas davantage de tenir pour établi l'existence d'un lien direct avec sa pathologie. Par ailleurs, ce médecin psychiatre, qui a examiné M. C... le 11 juillet 2018, a considéré qu'il " existe une prédisposition par une fragilité patente chez un Monsieur qui a peu de moyens affectifs ou socio relationnels de s'étayer ", de sorte que la pathologie dépressive du requérant a pu être favorisée par des éléments de sa personnalité. 6. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre M. C..., la commune de Bourgoin-Jallieu n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 25 août 2000 : " La possibilité de travailler selon un horaire variable peut être organisée, sous réserve des nécessités du service, après consultation du comité technique. / Cette organisation définit une période de référence, en principe une quinzaine ou un mois, au sein de laquelle chaque agent doit accomplir un nombre d'heures de travail correspondant à la durée réglementaire afférente à la période considérée. / Un dispositif dit de crédit-débit peut permettre le report d'un nombre limité d'heures de travail d'une période sur l'autre. Il précise le maximum d'heures pouvant être inscrit au débit ou au crédit de la situation des agents. Pour une période de référence portant sur la quinzaine ou le mois, ce plafond ne peut respectivement être fixé à plus de six heures et plus de douze heures. / L'organisation des horaires variables doit être déterminée en tenant compte des missions spécifiques des services ainsi que des heures d'affluence du public et comprendre soit une vacation minimale de travail ne pouvant être inférieure à quatre heures par jour, soit des plages fixes d'une durée au minimum équivalente, au cours desquelles la présence de la totalité du personnel est obligatoire, et des plages mobiles, à l'intérieur desquelles l'agent choisit quotidiennement ses heures d'arrivée et de départ. / Un décompte exact du temps de travail accompli chaque jour par chaque agent doit être opéré. Tout agent est tenu de se soumettre à ces modalités de contrôle. ". 8. En application de ces dispositions, la commune de Bourgoin-Jallieu a déterminé les modalités d'organisation du temps de travail, après avis du comité technique du 21 février 2012, au sein d'un guide relatif à l'organisation du temps de travail, lequel prévoit, en particulier, qu'une journée de travail ne peut être inférieure à 7 heures et supérieure à 10 heures. Si le requérant fait état de ce qu'il a parfois travaillé, en août 2018 et en septembre 2018, moins de 7 heures par jour, les préjudices invoqués par le requérant et qui résulteraient selon lui d'un épuisement professionnel, ne peuvent être regardés comme étant en lien direct et certain avec une telle illégalité. Comme l'ont relevé les premiers juges, la faute résultant de la méconnaissance de la règle susmentionnée ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices dont il est demandé la réparation. 9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. 10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la commune de Bourgoin-Jallieu présente au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bourgoin-Jallieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Bourgoin-Jallieu. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2023. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01551
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 5ème chambre, 17/07/2023, 22PA03329, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant l'instruction de son dossier de retraite pour invalidité, ainsi que l'arrêté du 12 août 2020 portant mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er septembre 2020, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie pour laquelle elle a été mise à la retraite pour invalidité et de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement n° 1912249, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet et 10 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Guitton, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1912249 du 11 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant instruction de son dossier de retraite pour invalidité, ainsi que l'arrêté du 12 août 2020 portant mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er septembre 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Guitton de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - aucune proposition de reclassement sur un autre emploi ne lui a été faite, en méconnaissance des dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 ; - le caractère définitif de son inaptitude à toute fonction n'est pas établi ; - son invalidité est imputable au service. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 2 mars 2023 à 12h00. Un mémoire a été présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer le 14 juin 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 11 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vrignon-Villalba, - les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique, - et les observations de Me Guitton, pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., agent administratif au sein de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, a été placée en congé exceptionnel, à plein traitement, du 31 janvier 2013 au 28 février 2018, puis en congé longue maladie à compter du 1er mars 2018. Le comité médical a, par avis du 29 janvier 2019, estimé que Mme B... était définitivement inapte à exercer toute fonction. Par des arrêtés du 12 février 2019, du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a maintenu l'intéressée en congé longue maladie dans l'attente de l'instruction de sa demande de retraite pour invalidité présentée le 18 février 2019. Par un arrêté du 12 août 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, après avis de la commission de réforme en date du 10 mars 2020, placé Mme B... en retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, à compter du 1er septembre 2020. Mme B... relève appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, qui l'a regardée comme demandant l'annulation des arrêtés des 22 octobre 2019, 10 juillet 2020 et 12 août 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis, a rejeté sa demande. En ce qui concerne les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 : 2. Mme B... ne soulève, en appel, aucun moyen à l'appui de ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant l'instruction de son dossier de retraite pour invalidité. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. En ce qui concerne l'arrêté du 12 août 2020 : 3. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application du 2° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application des 3° et 4° du même article 34. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension ". 4. D'autre part, selon l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite d'altération de son état de santé, inapte à l'exercice de ses fonctions, le poste de travail auquel il est affecté est adapté à son état de santé. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ce fonctionnaire peut être reclassé dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois en priorité dans son administration d'origine ou, à défaut, dans toute administration ou établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s'il a été déclaré en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) / Le fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions a droit, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat, à une période de préparation au reclassement, avec traitement d'une durée maximale d'un an. Cette période est assimilée à une période de service effectif (...) ". Et aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréées, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois public et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 mai 2019, le docteur C..., qui a examiné Mme B... à la demande du comité médical, a écrit au médecin traitant de l'intéressée pour lui indiquer qu'il préconisait, compte tenu de son état de santé, un congé longue maladie de six mois, renouvelable six mois, et qu'il avait évoqué avec Mme B... une mise à la retraite pour invalidité. Par un avis du 29 janvier 2019, le comité médical départemental a conclu à l'inaptitude totale et définitive à toutes fonctions de Mme B... et rendu un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité. Il ressort notamment des termes non contestés de la lettre du 22 octobre 2019 adressée par le chef du bureau des ressources humaines de la préfecture à Mme B... que celle-ci a sollicité, le 18 février 2019, sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2019. Par un avis du 10 mars 2020, la commission de réforme a également rendu un avis favorable à la mise en retraite pour invalidité de l'intéressée. 6. En premier lieu, les certificats et documents médicaux produits par Mme B..., à savoir la fiche de visite établie le 23 février 2017 par le médecin du service de prévention, qui indique qu'en raison de son état de santé, Mme B... " doit travailler avec une pression minimale, sans contact avec le public (même au téléphone), sans open space, en-dehors d'un milieu bruyant ", le certificat médical de son médecin traitant du 10 mars 2017 selon lequel " Afin de favoriser son retour au travail, il me semble nécessaire de tenir compte de son handicap et de ses difficultés psychologiques, notamment en lui évitant autant que possible un open-space et un stress trop important " et la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 27 avril 2017, qui accorde à l'intéressée la qualité de travailleur handicapé pour la période du 10 septembre 2017 au 9 septembre 2022, en précisant " maintien dans l'emploi avec le soutien de votre organisme de référence ", qui sont antérieurs à l'avis rendu par le comité médical, sont insuffisants pour infirmer le constat d'inaptitude définitive à toutes fonctions fait tant par le comité que par la commission de réforme. 7. En deuxième lieu, dès lors que Mme B... était définitivement inapte à toutes fonctions, et alors au surplus qu'elle ne conteste pas avoir elle-même demandé à être placée à la retraite pour invalidité, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'administration n'était pas tenue de l'inviter à présenter une demande de reclassement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions, mentionnées au point 4, de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 doit être écarté. 8. En troisième lieu, il ressort des termes de l'avis rendu par la commission de réforme à l'issue de sa séance du 10 mars 2020 que celle-ci a considéré que l'état de santé de Mme B..., conduisant à sa mise à la retraite pour invalidité, n'était pas imputable au service. L'intéressée, qui ne conteste pas ne pas avoir sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie avant sa mise à la retraite, n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'avis de la commission de réforme et l'appréciation qui a été faite, sur la base de cet avis, par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme B... ne pouvait pas être mise à la retraite sur le fondement des dispositions, citées au point 3, de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, doit être écarté. 9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. Aggiouri, premier conseiller, - M. Perroy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023. L'assesseur le plus ancien K. AGGIOURILa présidente rapporteure C. VRIGNON-VILLALBA La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03329 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 6ème chambre, 18/07/2023, 22NT01176, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle la ministre des armées a décidé de présenter son dossier devant la commission de réforme des militaires et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie " liée aux évènements du 19 février 2018 ". Par une deuxième requête, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2018 par lequel la ministre des armées l'a radié des contrôles d'office à compter du 20 juin 2018 pour inaptitude physique ainsi que la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire. Par une troisième requête, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel la ministre des armées a expressément rejeté ses recours administratifs préalables obligatoires. Par un jugement n° 1802916, 1900040, 1901587 du 24 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces trois requêtes. Par un arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021, la cour a annulé ce jugement du tribunal administratif de Caen ainsi que la décision du 4 juin 2019 de la ministre des armées portant radiation des contrôles de M. A... pour inaptitude définitive. Par un article 2, il a été enjoint à la ministre des armées de prononcer, dans un délai d'un mois, la réintégration juridique de M. A... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des contrôles pour inaptitude jusqu'à ce que, après une nouvelle saisine de la commission de réforme, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision statuant sur son éventuelle inaptitude à l'exercice de toute fonction dans les armées. Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. A... a été rejeté et la somme de 1 800 euros a été mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Procédure en exécution devant la cour : Par une lettre, enregistrée le 10 février 2022, M. A... a présenté une demande tendant à obtenir l'exécution de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021. Par une ordonnance n° 22NT01176 du 21 avril 2022, le président de la cour a ouvert une phase juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt n° 20NT01535. Par un arrêt du 23 décembre 2022, la cour a enjoint, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, au ministre des armées de rétablir M. A... dans ses droits à pension de retraite dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Par un courrier du 1er mars 2023, le président de la cour a demandé au ministre des armées de justifier sous 15 jours de la nature et de la date des mesures prises pour l'exécution de l'arrêt mentionné ci-dessus ou lui faire connaître les raisons qui pourraient en retarder l'exécution. Par un mémoire enregistré le 5 mai 2023, le ministre des armées précise que : - la somme de 1 505,40 euros a été versée à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - le 25 novembre 2022, la direction du personnel militaire de la Marine a établi un nouvel état général des services prenant en compte la réintégration juridique de M. A... du 20 juin 2018 au 9 octobre 2018 ; - le 9 mars 2023 ce document a été transmis au service des retraites de l'Etat pour l'émission d'un nouveau titre de pension aux fins de liquidation des nouveaux droits à pension de l'intéressé, liés à sa réintégration juridique. Par un mémoire enregistré le 11 mai 2023, le ministre des armées a transmis à la cour le nouveau titre de pension émis le 11 avril 2023 régularisant M. A... dans ses droits à pension. Il considère que l'arrêt n° 22NT01176 est par suite entièrement exécuté. Par un mémoire enregistré le 22 mai 2023, M. A..., représenté par Me Maumont, soutient que : - la reconstitution de carrière opérée par le ministère ne tient pas compte de l'accident imputable au service du 19 février 2018 en méconnaissance du jugement du tribunal administratif de Caen du 24 mars 2020 (1901588) ; - la pièce communiquée par le ministre, qui ne mentionne pas cette pension au titre d'une invalidité imputable au service, est incomplète. Par un mémoire enregistré le 13 juin 2023, le ministre des armées précise que : - le jugement du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Caen a été entièrement exécuté ; - le nouveau titre de pension " au titre de l'invalidité " procède bien à la régularisation de M. A... dans ses droits à pension. Par un mémoire enregistré le 19 juin 2023, M. A..., représenté par son conseil, maintient ses précédentes écritures. Un mémoire présenté par le ministre des armées a été enregistré le 26 juin 2023. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a intégré la Marine nationale le 10 octobre 2016 en qualité de volontaire aspirant. Son contrat d'un an, prenant fin le 9 octobre 2017, a été renouvelé une fois. A compter du 18 janvier 2018, l'intéressé a été placé en arrêt de travail. Le 20 avril 2018, la ministre des armées a saisi la commission de réforme des militaires afin qu'elle se prononce sur l'aptitude de M. A.... L'avis de cette instance a été rendu le 18 mai 2018. Par un arrêté du 13 juin 2018, la ministre des armées a radié des contrôles M. A... avec effet au 20 juin 2018. Par un arrêté du 4 juin 2019, elle a rejeté les recours administratifs préalables obligatoires présentées par l'intéressé. Par un jugement n° 1802916, 1900040, 1901587 du 24 mars 2020 le tribunal administratif de Caen a rejeté les requêtes déposées par M. A... tendant à l'annulation de ces trois " décisions ". Ce jugement a été annulé par un arrêt de la cour n° 20NT01535 en date du 9 novembre 2021. Aux termes de l'article 1er de cet arrêt, la décision du 4 juin 2019 a été annulée. Aux termes de l'article 2, il a été enjoint à la ministre des armées de prononcer, dans un délai d'un mois, la réintégration juridique de M. A... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des contrôles pour inaptitude jusqu'à ce que, après une nouvelle saisine de la commission de réforme, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision statuant sur son éventuelle inaptitude à l'exercice de toute fonction dans les armées. L'article 3 de l'arrêt a rejeté le surplus de la requête et l'article 4 a mis la somme de 1 800 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 2. Le 10 février 2022, M. A... a présenté une demande d'exécution de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021. Par une ordonnance du 21 avril 2022, le président de la cour a ouvert la phase juridictionnelle de cette instance. 3. En premier lieu, M. A... rappelle que par un jugement n° 1900271, 1901588 du 24 mars 2020, devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 4 juin 2019 de la ministre des armées rejetant sa demande d'ouverture d'une déclaration d'affection présumée imputable au service (DAPIAS) et a enjoint à la ministre d'ouvrir une DAPIAS dans un délai de deux mois. Toutefois, ainsi qu'il a été jugé le 23 décembre 2022 au point 3 de l'arrêt n° 22NT01176, cette injonction ne présente pas le même objet que celle prononcée par la cour dans son arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021. Il n'appartient dès lors pas au juge de l'exécution d'en connaître dans le cadre de la présente affaire. En outre, dans le même arrêt n° 22NT01176, la cour a constaté que par une décision du 22 décembre 2021, prise au vu de l'avis de la commission de réforme du 4 février 2020, la ministre des armées avait réintégré juridiquement M. A... en position d'activité du 20 juin 2018 au 9 octobre 2018. Il a été jugé que la ministre devait être regardée comme ayant exécuté l'injonction qui lui était faite. 4. Par ailleurs, si, à la date du 22 décembre 2021, la cour a constaté que le ministre n'avait pas procédé à la reconstitution des droits à pension de retraite de M. A... pour la période du 20 juin 2018 au 9 octobre 2018, par un récent mémoire du 11 mai 2023 produisant la pièce justificative, le ministre des armées justifie de l'émission, le 11 avril 2023, par le service des retraites de l'Etat d'un titre de pension prenant en compte la réintégration juridique de M. A... pour cette période. Ce document atteste de l'exécution complète de l'article 2 de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021. 5. En dernier lieu, le ministre des armées justifie du versement à M. A... de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en exécution de l'article 4 de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021. Il justifie en outre du versement de la somme de 1 500 euros, assortie des intérêts, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en exécution de l'arrêt n° 22NT01176 du 23 décembre 2022. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt n° 20NT01535 de la cour du 9 novembre 2021 doit être regardé comme ayant été intégralement exécuté, les autres points évoqués par M. A... ne relevant pas de l'exécution de cet arrêt. Par suite, il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte de 30 euros par jour prononcée le 23 décembre 2022. Les conclusions à fin d'exécution présentées par M. A... sont devenues sans objet. Elles ne peuvent dès lors qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'exécution de l'arrêt n° 20NT01535 de la cour du 9 novembre 2021 présentées par M. A.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Une copie en sera adressée au ministère public près la Cour des comptes. Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2023. Le rapporteur, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01176
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 07/07/2023, 470588, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 janvier 2020 par laquelle le service des retraites de l'Etat lui a concédé une rente viagère d'invalidité en tant qu'elle fixe la date d'effet de celle-ci au 11 septembre 2018. Par un jugement n° 1925185 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 18 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2023, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droit et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., major de police, a été admis à la retraite à compter du 1er janvier 2012. Par un arrêté du 23 septembre 2019, le service des retraites de l'Etat lui a concédé une rente viagère d'invalidité à compter du 20 novembre 2018. M. B... a formé un recours gracieux tendant à ce que la date d'effet de sa rente soit fixée au 18 octobre 2016. Par une décision du 22 janvier 2020, le service des retraites de l'Etat n'a que partiellement fait droit à cette demande en fixant cette date au 11 septembre 2018. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2020. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 3. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article ". Et aux termes du premier alinéa de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services ". 4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors applicable : " Le droit à cette rente est également ouvert au fonctionnaire retraité qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article L. 31. Dans ce cas, la jouissance de la rente prend effet à la date du dépôt de la demande de l'intéressé, sans pouvoir être antérieure à la date de publication de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il en est également ainsi lorsque l'entrée en jouissance de la pension est différée en application de l'article L. 25 du présent code ". 5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. 6. En vertu des dispositions contestées du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraites, le fonctionnaire retraité, dont la maladie professionnelle a été reconnue imputable au service postérieurement à sa radiation des cadres, ne jouit de la rente viagère d'activité qu'à compter de la date de dépôt de sa demande d'attribution de cette rente et non, contrairement au fonctionnaire radié des cadres sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraites et dont la maladie professionnelle a été auparavant reconnue imputable au service, à la date de cette radiation. S'il en résulte une différence de traitement, celle-ci est justifiée par une différence objective de situation en rapport direct avec l'objet de la loi. 7. En deuxième lieu, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, (...) se trouve dans l'incapacité de travailler à le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ". En fixant la date de jouissance de la rente viagère d'activité, pour les fonctionnaires retraités, à la date de dépôt de la demande d'attribution de cette rente, le législateur n'a pas méconnu les exigences découlant de ces dispositions. 8. Il suit de là que la question de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Sur l'autre moyen : 9. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 10. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. B... soutient, en outre, que le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant qu'un fonctionnaire retraité ne peut bénéficier d'une rente viagère qu'à compter de la demande tendant au bénéfice d'une telle rente, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires que cette rente doit être versée à compter de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie professionnelle. 11. Ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.... Article 2 : Le pourvoi de M. B... n'est pas admis. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel. ECLI:FR:CECHR:2023:470588.20230707
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/07/2023, 22MA01547, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une première requête, enregistrée sous le n° 2003856, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 20 juin 2018 en tant que la ministre des armées y a fait figurer, au sujet de l'infirmité " discopathies lombaires ", la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", et lui a refusé la qualité de grand mutilé prévue à l'article L. 132-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de supprimer la mention de " discopathies dégénératives lombaires étagées " de sa décision du 20 juin 2018, de lui reconnaître la qualité de grand mutilé, et de procéder à la liquidation de ses droits à pension à compter du 17 septembre 2012. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2009825, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 18 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, ainsi que la décision du 30 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 18 novembre 2019, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux d'aggravation de l'infirmité " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles " à 30 % et celui de l'infirmité " Coxarthrose de hanche droite " à 30 %, de procéder à la liquidation de ses droits à pension et d'ouvrir ses nouveaux droits à pension pour une période triennale ou à titre définitif, et enfin, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit. Par deux jugements distincts n° 2003856 et n° 2009825 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. A.... Procédure devant la Cour : I - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22MA01547 les 28 mai 2022, 8 mars 2023 et 29 mars 2023, M. A... demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 2003856 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 20 juin 2018 en tant que la ministre des armées a inséré, au sujet de l'infirmité " discopathies lombaires ", la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", et lui a refusé la qualité de grand mutilé prévue à l'article L. 132-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 3°) de supprimer la mention de " discopathies dégénératives lombaires étagées " de la décision du 20 juin 2018, et de la remplacer par la mention " Infirmité n° 5 : Lombalgies : lombo cruralgies et sciatalgies gauche, discopathies lombaires étagées, taux 20 % dont 10 % non imputable - blessure aggravée par la maladie - Admise par décision judiciaire - hors guerre - En relation médicale certaine, directe, avec l'infirmité n° 4 " ; 4°) de lui accorder le bénéfice de l'allocation de grand mutilé à compter du 19 mars 2019. Il soutient que : - dans le cadre d'une procédure accélérée, son conseil en première instance a été contraint de répondre aux observations de l'administration sans en avoir pris connaissance ; pour les mêmes raisons, il n'a pas été en mesure de plaider comme il l'aurait souhaité ; - pour modifier le libellé de l'infirmité n° 5, il convient de s'en tenir exclusivement à l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence du 12 mars 2018 ; - en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de l'allocation de grand mutilé, la décision du 20 juin 2018 méconnaît l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors qu'il a formulé sa demande le 22 mars 2019, de sorte que l'entrée en jouissance doit se faire à cette date et non en 2012 ou en 2015 ; - cette décision méconnaît les articles L. 36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors qu'il est titulaire d'une carte d'ancien combattant délivrée le 1er octobre 2015 et qu'il est titulaire d'une pension d'invalidité au taux de 90 % et justifie de cinq infirmités dont les trois premières totalisent 90 % et dont trois résultent d'une même blessure et totalisent 60 % ; il n'était pas nécessaire que les blessures aient été contractées en unité combattante ou en temps de guerre. Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février et 22 mars 2023, le ministère des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 9 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Un mémoire, enregistré le 3 avril 2023, présenté par le ministre des armées, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 5 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. II - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22MA01590 les 4 juin 2022, 3 mars et 27 mars 2023, M. A... demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2009825 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'enjoindre au ministre des armées de dresser une nouvelle fiche descriptive des infirmités, d'une part en retenant un taux de 17 % d'aggravation pour l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles ", d'autre part en retenant l'imputabilité de la coxarthrose de la hanche droite comme étant en lien direct et certain avec l'infirmité n° 4 " séquelle de fracture du genou gauche " avec un taux d'invalidité de 30 %, et, enfin, de procéder à la liquidation de la pension militaire d'invalidité pour sa demande d'aggravation et de reconnaissance d'une infirmité nouvelle à compter de la date d'enregistrement de ses demandes ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale afin de déterminer si le taux d'invalidité de l'avant-bras, du poignet et de la main, justifie une aggravation de 17 %, et de vérifier si l'infirmité de coxarthrose de la hanche droite est bien imputable à l'infirmité n° 4 " séquelle de fracture du genou gauche " et justifie un taux de 30 %. Il soutient que : - sa requête est recevable ; - son conseil en première instance a été contraint de répondre aux observations de l'administration sans en avoir pris connaissance ; pour les mêmes raisons, il n'a pas été en mesure de plaider comme il l'aurait souhaité ; - en ce qui concerne l'aggravation pour l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles ", la décision attaquée a été prise sur le fondement d'une expertise bâclée et contredite par deux expertises médicales privées ; l'expertise a été rendue seize mois après la demande de révision et l'expert ne s'est pas placé à la date de cette demande pour se prononcer, en méconnaissance de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; cette expertise se caractérise par une absence de recherche, notamment en ce qui concerne la prise en compte de l'âge ; - les articles L. 152-1 et L. 151-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont été méconnus ; - il existe des contradictions entre les conclusions de l'expertise et l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité qui auraient dû justifier que ce dernier ne retienne pas également une aggravation de 5 % seulement ; - l'expertise privée qu'il a fait réaliser par un spécialiste de la main et expert judiciaire conclut à ce que l'ankylose du poignet justifie à elle seule un taux d'invalidité de 40 % ; cette ankylose n'avait pas été prise en compte lors des précédentes expertises ; - en ce qui concerne l'infirmité nouvelle " coxarthrose de hanche droite ", l'article L. 152-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre a été méconnu ; - depuis l'année 2017, il a été obligé d'utiliser sa jambe droite du fait des traumatismes sur son genou gauche et d'une sciatalgie chronique invalidante ; - c'est à l'administration de justifier la non imputabilité au service de la pathologie ; - il convient d'appliquer un taux de 30 % à cette invalidité. Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février, 22 mars et 27 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la demande de première instance était tardive et, par suite, irrecevable ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 9 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 5 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, enregistré le 5 avril 2023, présenté par le ministre des armées, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de M. A.... Une note en délibéré a été présentée par M. A..., dans les deux instances, le 28 juin 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., militaire de carrière entre 1965 et 1994, s'est vu concéder, par un arrêté du 30 octobre 2006, une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 70 % pour les infirmités " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles ", " acouphènes avec incidence sur le sommeil et le psychisme ", et " séquelles de traumatisme du genou gauche ". Le 17 septembre 2012, il a présenté une demande de révision de sa pension en se prévalant de l'aggravation de l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou gauche ", et de trois infirmités nouvelles, à savoir des " discopathies lombaires ", des " cervicalgies ", et une " coxarthrose gauche ". A la suite de l'arrêt rendu le 12 mars 2018 par la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence, la ministre des armées, par un arrêté du 4 juin 2018 et une décision du 20 juin 2018, a concédé à M. A... une pension militaire d'invalidité au taux global de 90 % décomposée comme suit : " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles " au taux de 35 % ; " acouphènes avec incidence sur le sommeil et le psychisme " au taux de 30 % + 5 ; " coxarthrose gauche " au taux de 30 % + 10 ; " séquelles de traumatisme du genou gauche " au taux de 20 % + 15 ; " discopathies lombaires - lombo-cruralgies gauche. Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées : " au taux de 10 % + 20 (taux global de 20 % dont 10 % non imputable). Par ce même arrêté, la ministre des armées a refusé de reconnaître à M. A... le bénéfice des dispositions des articles L. 36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par sa requête n° 22MA01547, M. A... relève appel du jugement n° 2003856 du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision en tant que la ministre des armées a retenu la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées " et lui a refusé la qualité de grand mutilé ou de grand invalide. 2. Par ailleurs, le 19 mars 2018, M. A... a demandé la révision de sa pension, en se prévalant de l'aggravation de l'infirmité " séquelles de fracture déplacée de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant-bras gauche de type Pouteau-Colles ". Et le 1er octobre 2018, l'intéressé a de nouveau sollicité une révision, en invoquant une infirmité nouvelle, une " Coxarthrose de hanche droite ". Par une décision du 18 novembre 2019, la ministre des armées a rejeté ces demandes, au motif, d'une part, que le taux d'aggravation pour la première infirmité était inférieur à 10 %, et, d'autre part, que l'imputabilité au service n'était pas établie concernant la seconde infirmité. M. A... a exercé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision devant la commission de recours de l'invalidité, qui a rejeté son recours par une décision du 30 septembre 2020. Par sa requête n° 22MA01590, M. A... relève appel du jugement n° 2009825 du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 18 novembre 2019 et 30 septembre 2020. 3. Les recours nos 22MA01547 et 22MA01590 concernent la pension d'un même militaire. Il y a lieu par suite d'y statuer par un seul et même arrêt. Sur la régularité des jugements attaqués : 4. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". 5. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal dans l'instance n° 2003856, que le premier mémoire en défense du ministère des armées a été enregistré par le greffe le 22 novembre 2021, qu'il a été mis à disposition du conseil du requérant le jour même, que celui-ci en a pris connaissance le 15 décembre 2021, et que la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat par ordonnance du 3 janvier 2022 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, dans l'instance n° 2009825, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que les mémoires en défense de l'administration enregistrés les 10 septembre 2021 et 13 janvier 2022 ont été communiqués les 10 septembre 2021 et 19 janvier 2022 au conseil du requérant, et que celui-ci en a pris connaissance les 13 septembre 2021 et 26 janvier 2022. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que dans chacune de ces instances, le tribunal aurait méconnu le caractère contradictoire de l'instruction, ni que son conseil n'aurait pas été mis à même de préparer au mieux sa plaidoirie lors de l'audience qui s'est tenue, dans les deux instances, le 22 mars 2022. Par suite, le moyen, à le supposer soulevé par M. A... à l'appui de ses deux requêtes d'appel, et tiré de ce que les jugements attaqués seraient intervenus à la suite d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé des jugements attaqués : En ce qui concerne l'infirmité n° 5 " discopathies lombaires - lombo-cruralgies gauche. Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées " : 6. S'agissant de l'infirmité n° 5 " discopathies lombaires ", M. A... sollicite à la fois l'annulation de la décision du 20 juin 2018 en tant que celle-ci comporte la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", et la modification du libellé de cette infirmité afin, principalement, de supprimer la mention du caractère " dégénératif " des discopathies lombaires, et d'insérer la mention " sciatalgies gauche ". 7. Toutefois, et d'une part, M. A..., qui admet lui-même le caractère dégénératif de sa pathologie, ne tire aucune conséquence d'une éventuelle suppression de la mention d'un tel caractère dans la décision en litige, tant sur le taux d'invalidité, qui a été fixé à 20 % dont 10 % non imputable en ce qui concerne l'infirmité n° 5, que sur ses droits à pension. 8. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de l'ensemble des pièces médicales versées au dossier, sur le fondement desquelles s'est d'ailleurs prononcée la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 12 mars 2018, que l'intervention chirurgicale que M. A... aurait subie, selon son affirmation, le 23 novembre 2021, afin de libérer le nerf sciatique et de stabiliser de façon définitive deux vertèbres L3-L4 et L4-L5, aurait eu pour objet de traiter une sciatalgie qui non seulement aurait été objectivée à la date de présentation de sa demande de révision de pension, mais également aurait trouvé son origine dans les discopathies lombaires retenues au titre de l'infirmité en cause. Au demeurant, alors qu'aucune sciatalgie n'est expressément documentée dans les certificats médicaux dont se prévaut M. A..., établis les 1er avril et 16 mars 2016, et qu'un tel symptôme n'est pas davantage mentionné dans l'arrêt précité de la cour régionale des pensions militaires, ni même d'ailleurs dans la demande de révision présenté par l'intéressé le 17 septembre 2012, il résulte au contraire du certificat établi le 27 juillet 2021 par le médecin assurant son suivi médical que ce n'est que depuis deux ans avant cette date qu'une sciatique chronique a été clairement diagnostiquée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 20 juin 2018 en tant que la ministre des armées y a fait figurer, au sujet de l'infirmité " discopathies lombaires ", la mention " Radiographie : discopathies dégénératives lombaires étagées ", ni à solliciter la modification du libellé de cette infirmité. En ce qui concerne le bénéfice des articles L. 36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : 9. D'une part, aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires et des victimes de la guerre, applicable au litige : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit se placer à la date de la demande de l'intéressé pour évaluer ses droits à révision de sa pension militaire d'invalidité. 10. D'autre part, aux termes de l'article L. 36 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la demande de M. A... enregistrée le 17 septembre 2012 : " Sont, au regard des dispositions du présent chapitre, qualifiés grands mutilés de guerre, les pensionnés titulaires de la carte du combattant qui, par suite de blessures de guerre ou de blessures en service commandé, sont amputés, aveugles, paraplégiques, blessés crâniens avec épilepsie, équivalents épileptiques ou aliénation mentale ou qui, par blessures de guerre ou blessures en service commandé, sont atteints : Soit d'une infirmité entraînant à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 85 % ; Soit d'infirmités multiples dont les deux premières entraînent globalement un degré d'invalidité d'au moins 85 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 % ; Soit d'infirmités multiples dont les trois premières entraînent globalement un degré d'invalidité d'au moins 90 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 % ; Soit d'infirmités multiples dont les quatre premières entraînent globalement un degré d'invalidité d'au moins 95 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 % ; Soit d'infirmités multiples dont les cinq premières entraînent globalement un degré d'invalidité de 100 %, mais dont l'une détermine à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 60 %. ". Et aux termes de l'article L. 37 de ce code : " Sont admis au bénéfice des majorations de pensions et des allocations spéciales prévues par les articles L. 17 et L. 38, les grands invalides : (...) b) Titulaires de la carte du combattant, pensionnés pour une infirmité entraînant à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 85 % ou pour infirmités multiples entraînant globalement un degré d'invalidité égal ou supérieur à 85 % calculé dans les conditions ci-dessus définies par l'article L. 36 et résultant ou bien de blessures reçues par le fait ou à l'occasion du service, ou bien de maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service, à charge par les intéressés de rapporter la preuve que celle-ci a été contractée dans une unité combattante (...) ". 11. En premier lieu, au nombre des conditions posées par les dispositions législatives citées au point précédent, pour que le militaire pensionné se voit reconnaître la qualité de grand mutilé de guerre ou de grand invalide, figure la détention d'une carte d'ancien combattant. Or, il résulte de l'instruction, et il n'est du reste pas contesté, que la carte d'ancien combattant dont se prévaut M. A... lui a été délivrée le 1er octobre 2015, soit postérieurement au 17 septembre 2012, date à laquelle l'administration était tenue de se placer, en application de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, pour apprécier l'étendue de son droit à pension, et, notamment, les conditions d'attribution des majorations de pension et allocations spéciales prévues aux articles L. 17 et L. 38 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par ailleurs, l'appelant ne peut utilement se prévaloir du bénéfice de ces dispositions pour les besoins de l'examen d'une demande qu'il aurait formulée le 19 mars 2019, c'est-à-dire postérieurement à la décision en litige, intervenue le 20 juin 2018. 12. Au surplus, et en second lieu, en vertu de l'article R. 33 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors applicable : " La qualité de grand mutilé de guerre est reconnue aux pensionnés au titre du présent code, titulaires de la carte du combattant, quand ils sont pensionnés pour les infirmités qui remplissent les conditions d'origine et de gravité définies par l'article L. 36, c'est-à-dire lorsque lesdites infirmités, résultant de blessures de guerre ou de blessures en service commandé reçues au cours des guerres 1914-1918, 1939-1945, ou d'expéditions déclarées campagnes de guerre par l'autorité compétente, figurent parmi les infirmités nommément désignées audit article ou lorsque leur total atteint les degrés d'invalidité prévus par celui-ci. / Les infirmités visées à l'alinéa b de l'article L. 37 ouvrent droit aux allocations spéciales lorsqu'elles ont été contractées au cours des périodes définies à l'alinéa 1er du présent article. (...) ". 13. Il résulte de l'article L. 36 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que du b) de l'article L. 37 de ce code, cités au point 8, et du rapprochement de ces dispositions avec les deux premiers alinéas de l'article R. 33 de ce même code cités au point précédent, que, pour le calcul du pourcentage total auquel est subordonné le droit aux allocations spéciales visées par ces articles, il ne saurait être tenu compte d'une blessure, même si elle a été reçue au cours de l'une des périodes définies à l'alinéa 1er de l'article R. 33, lorsque le pensionné n'a pas obtenu la carte du combattant au titre de ladite période. Par suite, en se bornant à soutenir que sa carte d'ancien combattant lui a été délivrée à raison de services effectués à Kinshasa au cours de l'année 1991, M. A... n'établit pas que les blessures au titre desquelles il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité seraient survenues au cours de cette période ni, à plus forte raison, au cours d'expéditions déclarées campagnes de guerre par l'autorité compétente. 14. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne remplit pas les conditions pour bénéficier, à la date de sa demande de révision, des majorations de pension et allocations spéciales prévues aux articles L. 17 et L. 38 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en faveur des grands mutilés de guerre et des grands invalides. En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles " : 15. En premier lieu, à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir d'une méconnaissance des articles L. 152-1 et L. 151-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre à l'appui de sa demande de révision, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. 16. En second lieu, aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. (...) ". Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 151-2 du même code, l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision. 17. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement tant des conclusions de l'expertise médicale du 2 août 2019 que des conclusions du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, que M. A... souffre d'une aggravation pour perte de force de serrage de la paume de la main gauche, qualifiée de modérée par l'expert et de significative par le médecin des pensions militaires d'invalidité, mais à l'origine, selon ces deux médecins, d'une aggravation modérée de 5 % seulement de l'infirmité. Pour parvenir à cette conclusion, dont il ne résulte pas des éléments de l'instance qu'elle serait fondée sur des éléments postérieurs à la demande de révision formulée le 19 mars 2018 par M. A..., et dont celui-ci ne démontre pas le manque de sérieux, l'expert a procédé, ainsi qu'il était tenu de le faire, à une analyse suffisamment précise de l'évolution de l'état de l'articulation de M. A... depuis 1998, année au cours de laquelle avait été réalisée l'expertise initiale ayant conclu à une invalidité pour cette infirmité au taux de 35 %. Pour contester cette analyse, M. A... soutient que l'expert, pas plus d'ailleurs que le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, n'aurait pris en compte l'ankylose nouvellement objectivée à compter d'un certificat médical du 9 février 2018 du médecin assurant son suivi, confirmé en cela par un certificat du 16 janvier 2020, ainsi que par une contre-expertise médicale du 21 mai 2022, selon laquelle cette ankylose, à elle seule, justifierait l'application d'un taux d'invalidité de 40 %. Toutefois il résulte clairement du rapport d'expertise du 12 octobre 1998 que cette ankylose, bien que non expressément citée par l'expert ni mentionnée par la fiche d'invalidité, a bien été prise en compte pour évaluer le taux d'invalidité à 35 %, cette expertise ayant notamment mis au jour, outre de fortes algies, une très grosse limitation fonctionnelle du carpe interdisant toute activité manuelle en force ou répétitive et prolongée, l'impossibilité de gestes de poussée et tractions ou port de charges même de faible poids, une absence de pro-supination active, ainsi que l'existence d'importants craquements du poignet et douleurs à toute mobilisation, même lente et passive. En outre, il ressort tout aussi clairement du compte rendu d'examen des membres supérieurs annexé au rapport d'expertise du 2 août 2019 qu'en exprimant, en degrés, la position pour les doigts et l'articulation touchée, l'expert a bien tenu compte de l'ankylose dont est atteint M. A.... Au demeurant, bien que la contre-expertise dont celui-ci se prévaut mentionne qu'il est possible d'estimer sa " fonction " lors de sa demande de révision déposée en 1998, les conclusions du praticien reposent néanmoins, pour l'essentiel, sur l'examen qu'il a réalisé plus de quatre ans après le dépôt de la demande de révision, au vu de " l'état actuel " du pensionné. Cette expertise ne décrit pas davantage, en tout état de cause, l'existence d'une gêne fonctionnelle supplémentaire, à la date de la demande de révision, qui n'aurait pas été prise en compte, que ce soit dans le cadre de l'expertise précitée du 2 août 2019 ou par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation de l'infirmité " séquelles fracture déplacée de l'extrémité de l'os de l'avant-bras de type Pouteau-Colles " de M. A... justifierait l'allocation d'un taux supérieur au taux de 5% retenu par l'administration pour rejeter sa demande de révision de pension, un tel taux étant inférieur au taux de 10 % susceptible d'ouvrir droit à une révision de pension. En ce qui concerne l'infirmité nouvelle " Coxarthrose de la hanche droite " : 18. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Et aux termes de l'article L. 121-2-3 de ce code : " (...) la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'origine ou l'aggravation de son infirmité et une blessure reçue, un accident subi ou une maladie contractée par le fait du service. Cette preuve ne peut pas résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité ou encore des conditions générales du service. 19. Pour demander la majoration de sa pension militaire d'invalidité en raison d'une infirmité nouvelle, une coxarthrose de la hanche droite, secondaire aux séquelles de traumatisme du genou gauche elles-mêmes imputables au service, M. A... se prévaut d'un certificat de son médecin établi le 26 septembre 2018 et faisant état d'une détérioration rapide de la hanche droite liée à l'appui constant sur ce membre inférieur pour éviter la douleur sur le côté gauche. Toutefois, alors qu'il résulte du certificat médical établi le 10 septembre 2018 par un chirurgien de l'assistance publique - hôpitaux de Marseille, versé au dossier de première instance, que l'intéressé a subi avec succès une arthroplastie de hanche gauche en 2014, et que cette intervention lui a permis de poursuivre ses activités de sport et de loisirs, le seul certificat dont il se prévaut et qui se borne à émettre une hypothèse médicale, ne permet pas d'établir l'existence d'une relation directe et certaine entre la coxarthrose droite apparue en 2017 et la blessure au genou gauche survenu au cours du service en 1993, soit près de 24 ans auparavant. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à réclamer une majoration de sa pension militaire au titre de cette infirmité nouvelle, ainsi d'ailleurs que l'a considéré le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, pour émettre son avis, l'expert désigné par l'administration se serait placé à la date de l'expertise et non à la date du dépôt de la demande de révision de la pension. 20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées à la demande dans l'instance n° 22MA01547, ni d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Par suite, ses deux requêtes d'appel doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d'injonction. D É C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. A... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2023. 2 N° 22MA01547, 22MA01590
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 5ème chambre, 30/06/2023, 22PA02753, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation des décisions du 13 juillet 2020 par lesquelles la maire de Paris a rejeté sa demande de reconnaissance des maladies professionnelles inscrites aux tableaux n° 42, n° 97 et n° 98, ensemble les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par la Ville de Paris sur ses recours gracieux du 16 septembre 2020. Par un jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Paris, ayant joint les requêtes, a annulé les décisions du 13 juillet 2020 de la maire de Paris, a enjoint à la Ville de Paris de procéder au réexamen des demandes de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la Ville de Paris le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les surplus des conclusions des requêtes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 14 juin 2022, la Ville de Paris, représentée par la SELARL Bazin et associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter les demandes de M. B... devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a estimé que les décisions étaient entachées d'un vice de procédure tiré de l'absence d'un médecin spécialiste au sein de la commission de réforme ; - aucun des autres moyens soulevés en première instance par M. B... n'est fondé. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, M. B..., représenté par la société civile professionnelle (SCP) d'avocats Cherrier Bodineau, demande à la Cour : 1°) de confirmer le jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les décisions sont entachées d'un vice de procédure eu égard à la composition de la commission de réforme où étaient absents un médecin spécialiste et un des deux représentants du personnel ; - les décisions sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que, à titre principal, il remplit les conditions prévues aux tableaux n° 42, 97 et 98 des maladies professionnelles et, à titre subsidiaire, que les pathologies sont liées à l'exercice de ses fonctions et entraînent une incapacité permanente prévisible d'au moins 25 % ; - la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la surdité est entachée d'une erreur de droit tirée de la méconnaissance par la commission de réforme de l'étendue de sa compétence, dans la mesure où il lui appartenait de se prononcer sur l'existence d'un lien direct entre les maladies et les fonctions exercées dès lors qu'elle a estimé qu'il ne remplissait pas les conditions posées par les tableaux. Par une lettre du 30 mai 2023, la cour a informé les parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de la méconnaissance du champ d'application de la loi, en raison de l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à un fonctionnaire dont la pathologie a été diagnostiquée et les droits en matière d'imputabilité au service constitués avant le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019, en vigueur depuis le 12 avril 2019. Par un mémoire enregistré le 2 juin 2023, la Ville de Paris a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public. Par des mémoires enregistrés les 5 et 6 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique, - et les observations de Me de Soto, pour la ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., éboueur principal de première classe, qui exerce les fonctions d'agent de la propreté et de conducteur d'engins à la direction de la propreté et de l'eau de la ville de Paris depuis le 20 juillet 1987, a été titularisé dans ces fonctions le 24 juillet 1988. Il a souffert successivement d'une hypoacousie bilatérale de perception déclarée le 20 février 2015, puis d'une lombosciatalgie bilatérale déclarée le 23 juin 2017, pathologies pour lesquelles il a sollicité la reconnaissance de leur caractère professionnel. Saisie dans le cadre de ces demandes, la commission de réforme, réunie en séance le 24 juin 2020, a émis des avis défavorables au motif que M. B... ne remplissait pas les critères prévus respectivement aux tableaux n° 42, n° 97 et n° 98. Par trois décisions du 13 juillet 2020, la maire de Paris a rejeté les demandes de reconnaissance de maladie professionnelle de M. B.... Par un jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions, ensemble les décisions implicites de rejet nées du silence gardé sur ses recours gracieux en date du 16 septembre 2020, a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois et a mis à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La Ville de Paris relève appel de ce jugement. Sur les conclusions à fin d'annulation : Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : / 1. Donne son avis, dans les conditions fixées par le titre II du présent arrêté, sur la mise à la retraite pour invalidité des agents affiliés à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; / 2. Exerce, à l'égard des agents des collectivités locales relevant de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les attributions prévues respectivement à l'article 57 et aux articles 41 et 41-1 desdites lois ; / 3. Intervient, dans les conditions fixées par le décret du 11 janvier 1960 susvisé, pour apprécier l'invalidité temporaire des agents relevant du régime de sécurité sociale prévu par ce décret ; / 4. Intervient dans l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article L. 417-8 du code des communes, au III de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et à l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 susvisés ; / 5. Est consultée chaque fois que des dispositions législatives et réglementaires le prévoient expressément ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : / 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; / 2. Deux représentants de l'administration ; / 3. Deux représentants du personnel. / Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". Aux termes de l'article 17 : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance (...) ". Enfin, aux termes de l'article 26 de cet arrêté : " Les dispositions des titres Ier, II et III du présent arrêté sont applicables aux personnels des administrations parisiennes sous réserve des dispositions dérogatoires du présent titre ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 3. Il ressort des pièces du dossier que si, lors de sa séance du 24 juin 2020, la commission de réforme ne s'est pas adjoint de médecins spécialisés dans les pathologies déclarées par M. B..., elle disposait de nombreuses informations sur l'état de santé de celui-ci, notamment, s'agissant de l'hypoacousie bilatérale de perception irréversible, d'un rapport médico-légal d'examen ORL d'un médecin ORL agréé, de plusieurs certificats médicaux et des avis motivés du médecin de la médecine professionnelle et préventive et, s'agissant de la lombosciatalgie bilatérale, de certificats de rhumatologues agréés, de certificats médicaux, de plusieurs IRM et des avis motivés du médecin de la médecine professionnelle et préventive. Dans ces conditions, l'absence au sein de la commission de réforme de médecins spécialisés dans les maladies déclarées par M. B... n'a pas été de nature à priver l'intéressé d'une garantie et ainsi susceptible d'entacher la procédure suivie devant la commission de réforme d'irrégularité. Par suite, la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler ses décisions du 13 juillet 2020. 4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme pour annuler les décisions de la maire de Paris. 5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif. En ce qui concerne la base légale de la décision contestée : 6. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issu de l'ordonnance du 19 juillet 2017, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, et abrogé par l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 8. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. 9. Enfin, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 10. Pour rejeter les demandes de M. B..., la maire de Paris s'est fondé sur ce que les critères définis aux tableaux n° 42, n° 97 et n° 98 n'étaient pas remplis. Si les décisions attaquées ne sont pas motivées en droit, il ressort des pièces du dossier que la maire de Paris a ce faisant appliqué les dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que M. B... l'a soutenu devant les premiers juges sans être contredit en défense et que la Ville de Paris l'indique expressément dans sa requête devant la Cour. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les maladies qui ont justifiées les demandes de M. B... ont été diagnostiquées au plus tard le 20 février 2015 pour l'hypoacousie bilatérale de perception irréversible et le 23 juin 2017 pour la lombosciatalgie, soit avant l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019. Par suite, ses demandes étaient entièrement régies par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 énoncées au point 6 du présent arrêt. En conséquence, en faisant application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la maire de Paris a méconnu le champ d'application de la loi. En tout état de cause, à supposer même que la ville de Paris ait entendu appliquer les dispositions citées au point 5 de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ce que l'absence de motivation en droit des décisions attaquées ne permet pas de confirmer, elle aurait, ce faisant, commis une erreur de droit, ainsi que le soutient M. B..., dès lors qu'aucune disposition ne rend applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau, et qu'elle ne pouvait dès lors pas légalement se fonder, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service des pathologies dont M. B... est atteint, sur la seule circonstance que les critères fixés par les tableaux n° 42, n° 97 et n° 98 des maladies professionnelles n'étaient pas réunis. 11. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. 12. Il ressort des pièces du dossier que, dans ses décisions du 13 juillet 2020, la Ville de Paris s'est exclusivement fondée, pour rejeter les demandes d'imputabilité au service des pathologies déclarées par M. B..., sur les avis de la commission de réforme qui s'est bornée à constater l'absence de réunion des critères fixés par le tableau n° 42, n° 97 et n° 98 des maladies professionnelles. Ainsi, d'une part, l'autorité administrative, qui n'a pas recherché l'existence d'un lien entre la maladie et le service a, en l'espèce, fait usage d'un pouvoir d'appréciation différent de celui dont elle disposait sur le fondement de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. D'autre part, dès lors que la commission de réforme ne s'est pas non plus prononcée sur ce lien, M. B... a été privé d'une garantie. Dès lors, il n'y a pas lieu de procéder à une substitution de base légale. 13. Par suite, la Ville de Paris n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions litigieuses. Sur les conclusions à fin d'injonction : 14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". 15. Par des conclusions incidentes, M. B... demande à la cour d'ordonner à la Ville de Paris une nouvelle décision sur ses demandes, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Toutefois, par le jugement attaqué, le tribunal a déjà ordonné cette mesure. Dès lors, il n'y a pas lieu de renouveler une telle injonction. Sur les frais relatifs à l'instance : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la Ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. 17. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Ville de Paris, par application des mêmes dispositions, à verser à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée. Article 2 : La Ville de Paris versera une somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Vinot, présidente de chambre, Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure, M. Perroy, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023. La rapporteure, C. C... La présidente, H. VINOTLa greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA0275302
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 04/07/2023, 21TL02878, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier : 1°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 104 488,60 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité pour faute ; 2°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 75 600 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité sans faute ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903828 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 47 000 euros, sous déduction de la provision d'un montant de 47 000 euros accordée par le juge des référés de ce tribunal sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative par ordonnance n°1903768 du 9 septembre 2019, ainsi que la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021 sous le n° 21MA02878 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02878, Mme C... A..., représentée par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 10 juin 2021 ; 2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 104 488,60 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité pour faute, à titre subsidiaire de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 600 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité sans faute ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée en ce qu'il a méconnu son obligation de protection de la santé de son agent posée par l'article 23 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et par l'article 2-1 du décret n°85-603 du 10 juin 1985 et en ce qu'elle a subi des faits graves de harcèlement moral, en méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; - elle est fondée à solliciter, sur le fondement de la responsabilité pour faute, le versement d'une somme de 28 888,60 euros en réparation de son préjudice financier en raison de la perte du bénéfice de ses primes depuis la date de son placement en congé de maladie, ainsi qu'une somme de 60 600 euros en réparation du préjudice correspondant au taux d'incapacité permanente partielle de 30 % qui lui a été reconnu et une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ; - à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée : elle est fondée à solliciter le versement d'une somme de 60 600 euros en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux résultant de l'incapacité permanente partielle dont elle reste atteinte. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, la rectrice de région académique Occitanie conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - aucune faute ne peut être reprochée à l'Etat sur le fondement du décret n°85-603 du 10 juin 1985 qui est inapplicable aux agents de la fonction publique d'Etat ; l'existence d'une faute relative au manquement à l'obligation de garantir la santé et la sécurité de l'agent n'est pas démontrée ; - aucune faute ne peut davantage être reprochée à l'Etat s'agissant du harcèlement dont la requérante soutient avoir été victime, en l'absence d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement ; - la requérante a commis une faute de nature à exonérer l'Etat de toute responsabilité en ce que les problèmes professionnels rencontrés de manière continue de 2006 à 2019 au sein de différents services et qui sont à l'origine des troubles psychiatriques dont elle souffre, résultent de son seul fait ; elle n'a par ailleurs pas alerté sa hiérarchie des difficultés rencontrées en temps utile et a refusé toutes les aides qui lui ont été proposées ; aucune indemnisation ne peut dès lors lui être allouée. Par ordonnance du 14 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ingénieure de recherche de deuxième classe en informatique, a été affectée dans l'académie de Montpellier à compter de janvier 2013 dans le cadre d'une convention de mise à disposition signée avec l'académie de Versailles, sa précédente affectation. A compter du 1er juillet 2013, elle a été définitivement affectée dans l'académie de Montpellier sur un poste ministériel délégué au sein des services du rectorat. Elle a été placée en congé de longue durée à compter du 29 mars 2016 jusqu'au 30 novembre 2019. Par une décision du 21 mai 2019, la rectrice de l'académie de Montpellier a reconnu que la pathologie dont souffre Mme A... est imputable au service à compter du 29 mars 2016, et qu'elle est atteinte d'une incapacité permanente partielle au taux de 30 %. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 104 488,60 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 75 600 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité sans faute. Par un jugement du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 47 000 euros, sous déduction de la provision du même montant versée en application de l'ordonnance du juge des référés du 9 septembre 2019. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation qui lui a été accordée à la somme de 47 000 euros, et demande de porter l'indemnisation qui lui est due à la somme de 104 488,60 euros sur le fondement de la responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire à la somme de 60 600 euros sur le fondement de la responsabilité sans faute. Sur la responsabilité : 2. D'une part, les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci. 3. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 23 de la même loi : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Aux termes de l'article 2-1 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". 4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 5. Mme A... soutient que la pathologie psychiatrique dont elle souffre est directement imputable à des fautes commises par son employeur en raison, d'une part, de manquements à l'obligation de garantir la santé et la sécurité au travail et, d'autre part, de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime au sein de l'académie de Montpellier. 6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de difficultés rencontrées au sein de l'académie de Versailles, Mme A... a été affectée à compter du 1er janvier 2013 sur un poste ministériel délégué au sein du rectorat de Montpellier, d'abord par le biais d'une convention de mise à disposition pendant une durée de six mois. Jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité définitive le 1er décembre 2019, Mme A... a effectué 80 % de ses missions pour le compte du ministère et 20 % pour celui de l'académie. Elle a ainsi exercé ses fonctions sous l'autorité hiérarchique de la directrice académique ..., Mme B..., et du chef de bureau d'exploitation du ministère, ..., M. D..., qui était son directeur fonctionnel. 7. Mme A... se plaint d'une importante charge de travail qui aurait participé à la dégradation de son état de santé. Elle soutient ainsi que, contrairement aux préconisations du ministère à la direction académique ..., les missions inscrites dans sa fiche de poste ont été doublées et qu'elle s'est vu attribuer plusieurs fonctions supplémentaires concernant notamment l'application des tableaux de bord des équipes nationales, l'organisation de toutes les réunions du centre national des services et la mise en place de l'annuaire du centre national des services. Toutefois, les échanges de courriels produits ne permettent pas d'établir que les fonctions qui lui ont été attribuées ne correspondaient pas à son grade d'ingénieur de recherche de deuxième classe, ou qu'une charge de travail disproportionnée lui aurait été attribuée. Par ailleurs, si Mme A... soutient que des missions supplémentaires lui ont été assignées ainsi qu'il ressort de sa nouvelle fiche de poste par comparaison avec celles décrites dans sa fiche de poste initiale, elle n'établit pas la réalité de ses allégations en produisant la fiche de poste en date du 18 avril 2008 relative à ses anciennes fonctions de chef de projet informatique lorsqu'elle travaillait à Paris qui a été publiée pour pourvoir à son remplacement durant son congé de longue durée. Si Mme A... soutient ensuite que les missions qui lui ont été assignées n'entraient pas dans son domaine de compétence, le courriel émanant de l'adjoint de la directrice de la direction académique ... se borne à émettre des simples propositions de missions pour la première période de six mois de mise à disposition de l'intéressée au sein des services du rectorat, alors qu'il n'est pas établi que ces attributions ne correspondaient pas au grade détenu par l'intéressée. Elle produit également un courriel du 19 février 2013 du ... indiquant à la directrice académique ... que, dans le cadre de la mission de Mme A... portant à 90 % sur l'accompagnement de la direction des ... dans la mise en place du catalogue de services académiques : " C... doit rester en appui de tes équipes et ne pas endosser de responsabilités locales qui, de surcroît, dépassent ses compétences, comme par exemple l'étude comparative de différentes suites ITIL répondant aux attentes de ta DSL. ". S'il ressort de ce courriel que Mme A... a pu être initialement chargée de certaines tâches excédant son domaine de compétence quant à la partie locale de ses fonctions, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'une telle situation se soit présentée à nouveau depuis l'envoi de ce courriel. Dès lors, aucun élément susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral au titre de la charge de travail disproportionnée qui aurait été attribuée à Mme A... ne peut dès lors être retenu. 8. Si Mme A... soutient qu'elle effectuait régulièrement jusqu'à six déplacements professionnels par semaine dans des villes très éloignées, elle se borne à produire un planning pour les seuls mois de septembre et d'octobre 2014 couvrant ainsi une courte période. En tout état de cause, la rectrice fait valoir sans être sérieusement contestée que ces déplacements étaient rendus nécessaires par le fait que l'intéressée exerçait des missions à la fois ministérielles et académiques, ajoutant que Mme A... sollicitait elle-même régulièrement de pouvoir se déplacer à destination de Paris où résidait sa fille. 9. La requérante soutient ensuite que les heures supplémentaires qu'elle a effectuées n'ont pas été indemnisées et que certains de ses frais de déplacement ne lui ont pas été remboursés. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration lui a refusé la récupération d'horaires variables et d'heures supplémentaires en se fondant sur les règles posées par la note académique du 12 novembre 2012 relative aux horaires et congés annuels applicables dans les services du rectorat, sans traiter la situation de l'intéressée de manière différente à celle des autres agents. Par ailleurs, la rectrice de l'académie de Montpellier fait valoir sans être contredite que les remboursements des frais de déplacement évoqués par Mme A... dans ses écritures n'ont pu être effectués dès lors, d'une part, qu'aucun ordre de mission concernant la facture d'hôtel pour la nuit du 13 au 14 mai 2014 n'a été produit et, d'autre part, qu'aucune facture d'hébergement concernant la mission du 19 janvier 2015 au 23 janvier 2015 n'a été fournie à l'administration. 10. Mme A... soutient enfin qu'elle a signalé à sa direction dès le mois de juin 2015 qu'en raison de sa charge de travail, son état de santé se dégradait au point qu'elle a été conduite à l'hôpital par les pompiers en raison d'un malaise le 30 juin 2015 et qu'elle envisageait à nouveau de faire une tentative de suicide. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne résulte pas de l'instruction que la charge de travail affectée à la requérante aurait été disproportionnée. Les pièces produites au dossier par la rectrice de l'académie de Montpellier démontrent au contraire que ses supérieurs hiérarchiques ont pris en compte la situation de détresse dans laquelle se trouvait la requérante, en contactant régulièrement l'intéressée ainsi que le médecin de prévention, et ont alerté leur propre hiérarchie. Ils ont par ailleurs indiqué avoir été particulièrement vigilants concernant l'équilibre entre missions nationales et académiques confiées à l'intéressée et avoir pris de nouvelles mesures quant à la limitation de ses déplacements. En outre, les conditions de travail de Mme A... ont fait l'objet de différentes adaptations en tenant compte de sa situation particulière, dès lors qu'elle n'encadrait aucun agent, qu'aucune date stricte de fin de réalisation d'objectif ne lui a été imposée, qu'elle a été autorisée, à titre exceptionnel, à commencer son service à 9h15 en lieu et place de 9h comme imposé à l'ensemble des autres agents et qu'elle a été ponctuellement autorisée à télétravailler alors que cette pratique n'était, à ce moment-là, pas répandue. 11. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun manquement à l'obligation de garantir la santé et la sécurité au travail de Mme A... ne peut être retenu et qu'aucun agissement de harcèlement moral subi par la requérante n'est davantage caractérisé en l'espèce. La requérante n'est dès lors pas fondée à invoquer une faute de l'Etat commise à son encontre, qui serait à l'origine de la pathologie dont elle souffre. 12.En revanche, Mme A..., dont la pathologie a été reconnue imputable au service par décision du 21 mai 2019, est fondée à rechercher la responsabilité sans faute de l'Etat pour l'indemnisation des préjudices patrimoniaux d'une nature autre que la perte de revenus et l'incidence professionnelle ou des préjudices personnels qu'elle a subis résultant de cette pathologie. 13. La rectrice de l'académie de Montpellier invoque la faute de la victime pour s'exonérer de toute responsabilité, au regard des difficultés professionnelles récurrentes rencontrées par Mme A... dans ses différents postes de travail au sein de plusieurs académies, et au regard des circonstances qu'elle a attendu le 30 juin 2015 pour alerter sa hiérarchie des difficultés rencontrées sur son dernier poste qu'elle occupait depuis plus de trois ans et qu'elle n'a pas donné suite aux aides qui lui auraient été proposées. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le développement de la pathologie psychiatrique de l'intéressée lui serait imputable alors même que des mesures spécifiques et exceptionnelles auraient été prises par l'administration afin de prendre en considération ses difficultés rencontrées sur ses précédents postes ayant donné lieu à un premier congé de longue durée et que la requérante n'aurait pas donné suite aux aides proposées par sa hiérarchie et le médecin de prévention. Sur les préjudices : 14. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 1er mars 2019 par un médecin psychiatre, que Mme A..., dont l'état a été déclaré consolidé le 1er mars 2019, est atteinte d'une incapacité permanente partielle au taux de 30% en rapport avec la pathologie psychiatrique dont elle est atteinte. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 47 000 euros qui lui a été allouée par les premiers juges, lesquels n'étaient pas tenus de faire application du barème Mornet. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité le montant de l'indemnisation qui lui est due à la somme de 47 000 euros. Sur les frais liés au litige : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... tendant à leur application. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie en sera adressée à la rectrice de région académique Occitanie. Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL02878 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 04/07/2023, 21TL23289, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société La Poste à lui verser, à titre principal, la somme de 98 390 euros, à titre subsidiaire celle de 48 390 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 février 2019, en réparation des préjudices subis à raison de sa maladie à caractère professionnel et de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 750 euros au titre des dépens résultant des frais d'expertise et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1902056 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021 sous le n° 21BX03289 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23289, et un mémoire enregistré le 10 mars 2023, Mme F... A... née C..., représentée par Me Dalbin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2021 ; 2°) à titre principal, de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 98 390 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité pour faute, à titre subsidiaire de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 48 390 euros en réparation des préjudices subis au titre de la responsabilité sans faute, et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2019 et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 750 euros au titre des frais d'expertise ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité pour faute de la société La Poste est engagée en ce qu'elle a méconnu son obligation en matière d'évaluation des risques professionnels de son agent et qu'un poste adapté en raison de son état de santé aurait dû lui être proposé ; - la responsabilité sans faute de la société La Poste est également engagée : contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le lien de causalité entre la pathologie imputable au service et les préjudices subis présente un caractère direct et certain au regard de l'expertise et alors que la décision du 23 mai 2016 reconnaissant le caractère professionnel de sa pathologie est définitive ; - elle a droit à l'indemnisation des préjudices concernant la maladie à caractère professionnel du 8 mars 2016, soit une somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et de la privation de ses cotisations retraite depuis le 30 mai 2018, une somme de 1 100 euros au titre du déficit temporaire total, une somme de 7 290 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, une somme de 15 000 euros au titre du pretium doloris, une somme de 20 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle au taux de 10% et une somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; - à titre subsidiaire, une somme de 48 390 euros devrait lui être allouée sur le fondement de la responsabilité sans faute. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2023, la société La Poste, représentée par la SELARL Arcanthe agissant par Me Moretto, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - aucune faute pouvant lui être imputée n'est démontrée ; - la requérante ne justifie pas de l'existence d'une incidence professionnelle et de son lien avec sa maladie à caractère professionnelle, alors que les périodes de disponibilité d'office ont été reprises au titre de la maladie professionnelle ; - sa maladie ne faisant pas partie des maladies présentes au tableau des maladies professionnelles, aucune indemnisation ne peut lui être allouée ; - à titre subsidiaire, les sommes réclamées au titre des préjudices extra-patrimoniaux devront être limitées à hauteur de 858,70 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, de 5 690 euros au titre du déficit temporaire partiel, de 4 500 euros au titre du pretium doloris et de 11 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, aucune somme ne devant être allouée au titre du préjudice d'agrément. Par ordonnance du 13 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le décret 82-453 du 28 mai 1982 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Moretto, représentant la société La Poste. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., fonctionnaire titulaire de La Poste relevant du grade d'agent professionnel qualifié de second niveau, qui exerçait les fonctions de factrice en automobile à ... (Aveyron), s'est vu reconnaître le caractère professionnel de sa maladie rachidienne par décision du 23 mai 2016 prenant effet le 8 mars 2016. Par une décision du 21 juin 2017, la date de consolidation de sa maladie a été fixée au 29 mai 2017 et le taux d'incapacité permanente partielle dont elle reste atteinte a été fixé à 8%. Par décision du 10 novembre 2017, la reconnaissance de l'imputabilité au service de la rechute de sa pathologie lombaire à compter du 10 juillet 2017 a été refusée et ses arrêts de travail ont été pris en compte au titre des congés ordinaires de maladie à compter du 30 mai 2017. Par une décision du 11 décembre 2017, Mme A... s'est vu accorder le bénéfice d'une mise en retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 30 mai 2018. Par une décision du 24 mai 2018, Mme A... a été placée en disponibilité d'office pour raisons de santé pour une période de six mois du 30 mai 2018 au 29 novembre 2018. Par un jugement n°1800364, 1802778 du 10 février 2020 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions du 11 décembre 2017 et du 24 mai 2018. Par des décisions du 29 octobre 2018 et du 26 avril 2019, la mise en disponibilité d'office de Mme A... a été prolongée du 30 novembre 2018 au 29 mai 2019, puis du 30 mai 2019 au 29 novembre 2019. Ces deux décisions ont également été respectivement annulées par un jugement du tribunal administratif de Toulouse n°1903574,1903575 du 20 octobre 2020 devenu définitif. Par une ordonnance n°1800366, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné la conduite par le docteur E... d'une expertise aux fins de décrire, notamment, la nature et l'importance des séquelles consécutives à sa maladie à caractère professionnel. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société La Poste à l'indemniser des préjudices subis à raison du caractère professionnel de sa maladie. Par un jugement du 8 juin 2021 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur la responsabilité : 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci. 3. Mme A... soutient à titre principal que la société La Poste a méconnu son obligation en matière d'évaluation des risques professionnels à son encontre et qu'un poste adapté en raison de son état de santé aurait dû lui être proposé, alors que son état de santé était connu de son employeur depuis 2013. Il résulte toutefois de l'instruction que, si les 7 février 2013 et 25 février 2014, l'intéressée a fait inscrire dans son projet d'évolution professionnelle joint à ses dossiers d'appréciation annuelle qu'elle souhaiterait, pour des raisons de santé et sans autres précisions utiles, évoluer d'une tournée de factrice en automobile à une tournée piétonne, elle n'a jamais adressé à son employeur de demande d'aménagement de poste ou d'affectation sur un poste adapté en raison de son état de santé. Par suite, cette seule circonstance ne saurait suffire à établir que la société La Poste aurait commis une faute en ne prenant pas de mesures d'adaptation de ses conditions de travail à son état de santé. Si Mme A... invoque pour la première fois en appel la méconnaissance par la société La Poste de son obligation de réaliser le document unique d'évaluation des risques professionnels entre 2013 et 2017 tel que prescrit par l'article L. 4121-3 du code du travail, le défaut d'établissement de ce document, à le supposer avéré, ne révèle aucune faute à l'encontre de la requérante alors qu'ainsi qu'il a été exposé, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait présenté une demande d'aménagement de son poste de travail. Enfin, Mme A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions prévues à l'article 2 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, selon lequel les locaux et équipements doivent être installés et tenus de manière à garantir la sécurité des agents ainsi que dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé des personnes, dès lors que ce texte n'est pas applicable au personnel de La Poste. 4. Il résulte de ce qui précède qu'aucun manquement à l'obligation de garantir la santé et de prévenir les risques professionnels de Mme A... ne peut être retenu. La requérante n'est dès lors pas fondée à invoquer une faute de la société La Poste commise à son encontre, qui serait à l'origine de la pathologie dont elle est atteinte. 5. Mme A..., dont la pathologie rachidienne a été reconnue imputable au service par décision du 23 mai 2016, invoque ensuite la responsabilité sans faute de La Poste pour l'indemnisation des préjudices d'une nature autre que l'incidence professionnelle qu'elle a subis résultant de cette pathologie. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise mandatée par le tribunal administratif de Toulouse et conduite par le docteur E..., expert rhumatologue, en date du 21 décembre 2018, que la pathologie lombaire de Mme A... est imputable à un état antérieur très important résultant de discopathies lombaires multi-étagées, d'arthrose articulaire postérieure, de spondylolisthésis dégénératif et d'hernies intraspongieuses qui constitueraient des séquelles, dont l'apparence serait très caractéristique de la maladie de Scheuermann, pathologie dégénérative de l'adolescent entraînant des déformations localisées des corps vertébraux. Alors que cet expert a relevé que la pathologie dont est atteinte la requérante a été reconnue comme ayant un caractère professionnel sans expertise médicale ni dossier médical et que le tableau présenté par l'agent ne correspond pas à celui définissant la maladie professionnelle du tableau 98, à savoir " sciatique par hernie discale de topographie concordante ", la société La Poste avait estimé, dans sa décision du 10 novembre 2017, suivant les conclusions du rapport d'expertise établi le 17 juillet 2017 par le docteur B..., médecin agréé, et de l'expertise complémentaire établie le 13 septembre 2017 par le docteur D..., que la maladie lombaire de Mme A... n'était plus imputable au service mais à un état dégénératif évoluant pour son propre compte. L'expert judiciaire affirme que l'état antérieur très important de Mme A... a déjà été symptomatique et n'est aucunement imputable à l'exercice de ses fonctions. En outre, le rapport du docteur B... relevait déjà que la requérante souffrait de ses douleurs lombaires depuis 2013 et estimait que l'évolution de sa pathologie après le 29 mai 2017 résultait d'une maladie dégénérative, dans un contexte de discopathies dégénératives diffuses préexistantes. Dans ces conditions, alors même que la société La Poste a reconnu le caractère professionnel de la pathologie rachidienne de l'intéressée au titre de la période allant du 8 mai 2016 au 29 mai 2017, le caractère direct et certain du lien de causalité entre la pathologie dont est atteinte Mme A... et les préjudices dont elle demande réparation, ne peut être regardé comme établi. Il s'ensuit que la responsabilité sans faute de l'administration ne saurait davantage être engagée. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur les frais d'expertise : 7. Il y a lieu de laisser à la charge définitive de Mme A... les frais de l'expertise, taxés et liquidés à hauteur de 750 euros par une ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Toulouse du 25 février 2019, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... tendant à leur application. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... née C... et à la société La Poste. Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL23289 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 06/07/2023, 21BX02930, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 20 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui octroyer une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905577 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Dirou, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juin 2021 ; 2°) d'ordonner une expertise et d'annuler la décision ministérielle du 20 décembre 2018 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les " entiers dépens ". Il soutient que : - les huit infirmités pour lesquelles il demande un droit à pension engendrent une gêne fonctionnelle supérieure à 10 % et sont en lien avec ses dix-sept années au sein de l'armée de l'air ; la désignation d'un expert médical est nécessaire pour confirmer que ces infirmités sont dues au service et justifient un droit à pension ; - ses infirmités auditives sont dues aux cinq cent plongées qu'il réalisait chaque année et il s'est d'ailleurs plaint de douleurs lorsqu'il était en service ; - ses infirmités aux genoux ont été révélées pendant le service ; - bien qu'apparue en 2017, après sa radiation des cadres, son infirmité de la main gauche est liée au service ; - sa tendinopathie a été signalée à plusieurs reprises durant son service ; - les séquelles d'une chirurgie au poignet droit sont liées à un accident de sport en opération en 1976 ; - la lombalgie sur discopathie provient du port de charges lourdes et des hélitreuillages quotidiens ; - c'est à tort que le tribunal a refusé l'expertise alors que cette demande est fondée sur une raison légitime. Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la perte auditive de 26 décibels n'est pas suffisante pour reconnaître un taux d'infirmité justifiant une pension ; l'otite barotraumatique droite, survenue quinze ans après la radiation des cadres, est dépourvue de lien avec le service ; au demeurant, la fréquence et la profondeur des plongées, qui relèvent des conditions générales de service, ne peuvent permettre de caractériser un lien entre les problèmes auditifs de M. B... et le service ; - la pathologie du genou droit est la suite d'un accident du travail survenu en 2009, dans la vie civile ; l'expert a par ailleurs relevé qu'aucune doléance n'était formulée pour le genou gauche ; - la cellulite infectieuse de la main gauche, survenue en raison d'une plaie faite le 25 avril 2017, dans la vie civile, est dépourvue de lien avec le service ; - l'invalidité occasionnée par la tendinopathie est inférieure à 10 % ; par suite, la circonstance que cette pathologie soit imputable au service est indifférente ; au demeurant, le certificat médical posant une restriction à l'activité sportive n'est pas de nature à remettre en cause le taux d'invalidité retenu par l'expert ; - si l'invalidité résultant des séquelles d'une chirurgie du poignet droit a été évaluée à 10 %, elle est pour moitié due à une opération du canal carpien et à la maladie de Dupuytren, sans lien avec le service ; cette part non imputable a acquis un caractère définitif en raison du fait d'une précédente décision de rejet du 11 janvier 2010, notifiée le 29 janvier 2010 ; - une pension militaire d'invalidité ne peut être attribuée au seul motif des conditions générales de service ; or, les séances d'hélitreuillage sont communes à l'ensemble des personnels exerçant la spécialité de plongeur ; en outre, l'expert a estimé que l'état lombalgique était à l'origine d'une invalidité de 10 %, due pour moitié à des affections dégénératives autonomes ; - il n'y a pas lieu pour la juridiction d'ordonner une expertise médicale lorsqu'elle s'estime suffisamment éclairée sur les circonstances du litige. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Alors âgé de 59 ans, M. B..., ancien adjudant de l'armée de l'air qui a exercé une activité de plongeur avant sa radiation des cadres le 5 avril 1993, a sollicité, le 14 décembre 2016, l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de huit infirmités. Par une décision du 20 décembre 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de lui reconnaître un droit à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse ; / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". 3. En premier lieu, M. B... souffre d'acouphènes à l'oreille droite et d'une perte auditive qui a été évaluée par le médecin l'ayant examiné le 30 juillet 2018, à 26 décibels à droite et 23,7 décibels à gauche. Cette hypoacousie n'est toutefois pas suffisamment importante pour justifier un degré d'invalidité ouvrant droit à pension au regard du guide-barème. En outre, il n'est pas établi que les acouphènes du côté droit soient en lien avec le service et son activité de plongeur, dès lors, d'une part, que les affections auditives constatées en 1988 alors qu'il était en service, concernaient seulement l'oreille gauche et, d'autre part, que M. B... a déclaré avoir été victime, dans le cadre d'une activité sportive, d'un accident ayant occasionné une otite barotraumatique droite, le 12 juillet 2008, soit quinze ans après sa radiation des cadres. 4. En deuxième lieu, si M. B... invoque des gonalgies des deux côtés, il ressort de l'expertise du 11 juin 2018 qu'aucune doléance n'a été formulée pour le genou gauche, dont l'examen physique s'est révélé normal, et que la pathologie du genou droit est une séquelle d'une régularisation méniscale interne et d'une chondropathie patellaire, en lien avec un accident du travail survenu en avril 2009, soit seize ans après la radiation des cadres de M. B.... Dans ces conditions, et alors que M. B..., contrairement à ce qu'il allègue, n'établit pas que cette pathologie se serait révélée durant le service, l'imputabilité de cette infirmité au service ne peut être reconnue. 5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la cellulite infectieuse de la main gauche qui s'est compliquée d'un sepsis sévère du bras gauche s'est développée à la suite d'une plaie dont M. B... a été victime le 25 avril 2017, donc également postérieurement à sa radiation des cadres. Dans ces conditions, les conséquences de cette infection, consistant notamment en des douleurs de la main, une diminution de la force de serrage et une amyotrophie de l'éminence thénar, sont sans lien avec le service. 6. En quatrième lieu, si la tendinopathie achilléenne au pied droit est survenue en 1991 alors que M. B... était en service, et qu'elle a évolué vers une chronicisation depuis lors, ainsi qu'il a été constaté lors d'une imagerie par résonance magnétique en octobre 2006, il résulte de l'expertise, qui n'est pas sérieusement contredite par un certificat médical faisant état de restrictions à la pratique sportive, que l'invalidité qui en résulte est inférieure à 10 %. Elle ne peut, pour cette raison, ouvrir un droit à pension. 7. En cinquième lieu, M. B... souffre des séquelles d'une chirurgie au poignet droit ayant consisté en une greffe osseuse, qui fait suite à une blessure survenue lors d'une épreuve sportive le 7 octobre 1975, alors qu'il était en service. Si le taux de cette infirmité a été évalué à 10 % par l'expert, ce dernier a précisé qu'un tel taux était pour moitié imputable à un syndrome du canal carpien et à une maladie de Dupuytren, deux affections dégénératives autonomes pour lesquelles M. B... a subi une intervention chirurgicale en 2005. Ce constat avait déjà été réalisé lors d'une précédente expertise faite le 9 juin 2009 en raison d'une première demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité. M. B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce partage d'imputabilité, ni le taux retenu, inférieur, dans ces conditions, au degré d'invalidité permettant d'ouvrir droit à une pension. 8. En dernier lieu, il résulte de l'expertise que les lombalgies dont se plaint M. B... entraînent une invalidité évaluée à 10 %, dont la moitié est due aux affections dégénératives autonomes. L'allégation de M. B... selon laquelle cette pathologie est due aux charges des bouteilles de plongée et aux nombreux hélitreuillages, comme en attesterait la douleur au dos qu'il a ressentie le 14 juin 1991 après un tel exercice, ne permet pas à elle seule de douter du bien-fondé du taux reconnu imputable au service pour cette affection. 9. Dans ces conditions, il n'apparaît pas utile de procéder à une expertise médicale, et la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... doit être rejetée pour l'ensemble des infirmités, soit en raison d'un taux d'invalidité manifestement insuffisant, soit pour défaut de lien avec le service, sans que l'attribution, par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 9 février 2018, de l'allocation aux adultes handicapés pour une incapacité évaluée entre 50 et 80 %, n'ait d'incidence. 10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault Le greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02930
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/07/2023, 23MA01308, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, d'enjoindre à l'État de lui attribuer une pension dans un délai de deux mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 1909393 du 21 mars 2023, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de la requête de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai et 16 juin 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 23 juin 2023 à 18h 58, et non communiqué, Mme B... épouse A..., représentée en dernier lieu par Me Candon, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler cette ordonnance du 21 mars 2023 ; 2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Marseille ; 3°) de désigner tel expert pour accomplir la mission définie par le tribunal des pensions militaires le 30 août 2019 ; 4°) d'ordonner toute mesure propre à établir ses droits ; 5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Candon, la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve du renoncement par celui-ci de la part contributive de l'Etat. Elle soutient que : - en considérant que le délai d'un mois pour confirmer sa requête courait à compter du 10 février 2023, alors que son conseil n'en a eu connaissance que le 13 février, date de mise à disposition sur l'application Télérecours, et sans tenir compte du mémoire du 11 mars, malgré le caractère franc du délai d'un mois, le premier juge a méconnu les articles R. 612-5-1 et R. 611-8-6 du code de justice administrative, au terme d'une mauvaise computation du délai d'un mois prévu par le premier texte ; - en tout état de cause, les dispositions du second texte, en ce qu'elles fixent à deux jours le délai au terme duquel une consultation de courrier via Télérecours est réputée accomplie, sont contraires aux stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - l'état du dossier ne permettait pas au premier juge de s'interroger sur l'intérêt qu'il conservait pour la requérante qui, comme le ministre des armées, était dans l'attente des opérations d'expertise ordonnées par le tribunal des pensions militaires, avait sollicité la désignation d'un nouvel expert et, pour cette raison, le report de la clôture de l'instruction. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... épouse A..., a présenté le 30 juin 2017 une demande de pension de victime civile de guerre au titre des infirmités dénommées " éviscération de l'œil droit ", " déficits auditifs " et " traumatisme crânien " et qu'elle impute à une explosion survenue en 1957 pendant la guerre d'Algérie, que la ministre des armées a rejetée par une première décision du 24 octobre 2017. Saisi du recours de Mme B... épouse A... contre cette décision, le tribunal des pensions militaires de Marseille a, par jugement rendu avant dire droit le 30 août 2019, sursis à statuer sur sa demande et ordonné une expertise médicale aux fins de décrire les infirmités dont elle souffre, et de déterminer le taux d'aggravation imputable au service et le caractère curable ou non de ces affections. Après nouvel examen de la demande de pension de Mme B... épouse A..., et au vu des nouveaux éléments produits par celle-ci, la ministre des armées a pris une deuxième décision de refus le 9 avril 2019. Par une ordonnance du 21 mars 2023, dont Mme B... épouse A... relève régulièrement appel, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille lui a donné acte du désistement de sa requête tendant à l'annulation de cette décision de refus et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui accorder le bénéfice d'une pension. Sur l'admission de Mme B... épouse A... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président.(...) / L'aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d'aide juridictionnelle établit l'insuffisance des ressources ". 3. Eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de Mme B... épouse A..., et alors qu'en vertu de l'article L. 711-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'aide juridictionnelle est accordée de plein droit notamment aux auteurs de recours formés contre les décisions rendues en matière de pensions de victimes civiles de guerre, il y a lieu, ainsi d'ailleurs qu'elle le demande, de prononcer l'admission provisoire de l'intéressée au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur le bien-fondé de l'appel de Mme B... épouse A... : 4. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ". A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé en application des dispositions qui viennent d'être citées, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par ces dispositions, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. 5. Il ressort des pièces soumises au tribunal que tant la demande de Mme B... épouse A... du 7 novembre 2019 contre la décision du 9 avril 2019 refusant une deuxième fois de lui accorder une pension militaire d'invalidité, telle que complétée le 6 mai 2020, que les écritures en défense produites par le ministre des armées les 6 avril et 26 juin 2020, étaient présentées comme conditionnées aux opérations d'expertise ordonnées avant dire droit par le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 30 août 2019 et sollicitaient d'ailleurs la jonction de l'instance avec celle ayant donné lieu à ce jugement. Certes, au jour où le président de la troisième chambre du tribunal a invité la requérante à confirmer le maintien de sa demande, celle-ci n'avait pas produit de nouvelles écritures depuis presque trois années. Mais il est constant, d'une part, que l'intéressée a saisi l'expert désigné par le tribunal des pensions de Marseille de cinq demandes tendant à l'organisation d'une réunion d'expertise, la dernière datant du 22 octobre 2020, d'autre part qu'elle a demandé en conséquence au tribunal administratif, le 1er octobre 2020, le report de la clôture d'instruction, dont la date indicative avait été communiquée en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative le 11 juin 2020, ainsi que le cas échéant la désignation d'un nouvel expert, et enfin que l'expert judiciaire a informé la juridiction, par courrier du 2 janvier 2023, qu'il ne souhaitait plus accomplir sa mission, faute d'avoir reçu la somme de 2 300 euros qu'il réclamait à titre provisionnel pour lui et son sapiteur, sans que le tribunal, qui était tenu d'assurer le suivi de la mesure d'instruction, procède à la désignation d'un nouvel expert. 6. Compte tenu de l'ensemble des circonstances énoncées au point précédent, qui ne permettaient pas de s'interroger sur l'intérêt que la requête de Mme B... épouse A... conservait pour elle, et alors au demeurant que celle-ci a présenté le 11 mars 2023 un mémoire confirmant expressément et formellement le maintien de sa demande, soit dans le délai d'un mois imparti par le courrier du 10 février 2023, qui est un délai franc, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, en regardant l'absence de réponse de l'intéressée à son courrier du 8 février 2023 comme traduisant une renonciation de sa part à l'instance introduite. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de l'appel, l'ordonnance donnant acte de son désistement doit être annulée. Dès lors qu'aucune des parties à l'instance n'a saisi la Cour de conclusions au fond, l'affaire doit être renvoyée au tribunal. Sur les frais liés au litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... épouse A... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Mme B... épouse A... est admise au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle. Article 2 : L'ordonnance n° 1909393 rendue le 21 mars 2023 par le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée. Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... épouse A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., à Me Candon et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023. N° 23MA013082
Cours administrative d'appel
Marseille