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Conseil d'État, 7ème chambre, 20/07/2023, 465594, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bordeaux d'annuler la décision du 3 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension présentée au motif de l'aggravation de ses infirmités et de la prise en compte de trois nouvelles infirmités. Par un jugement n° 1700030 du 6 juin 2019, le tribunal des pensions militaires de Bordeaux a, en premier lieu, annulé la décision du 3 juillet 2017 de la ministre des armées en tant qu'elle a refusé la révision de la pension de M. A... pour une " névralgie sciatique dans le territoire du L5 droit ", une " impuissance érectile totale ", un " reflux gastro-oesophagien " et une " névralgie cervico-brachiale sur une hernie cervicale C6-C7 ", en deuxième lieu, reconnu le droit de l'intéressé à la majoration prévue au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en troisième lieu, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt n° 19BX04045 du 13 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur l'appel de la ministre des armées, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a reconnu comme indemnisables les infirmités " impuissance érectile totale " et " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 ", d'autre part, rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux en ce qu'elle concerne ces infirmités ainsi que le surplus des conclusions des parties. Par un arrêt n° 21BX02813 du 5 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie par M. A... sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, a enjoint à la ministre des armées d'octroyer à M. A..., à titre définitif, l'allocation prévue au 2ème alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt, aux versements correspondants, et a assorti cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai. Procédure devant le Conseil d'Etat Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 5 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 5 mai 2022 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions de M. A... tendant à l'exécution de l'arrêt du 13 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., blessé par balle le 8 avril 1984 alors qu'il effectuait son service militaire, s'est vu concéder par arrêté du 4 novembre 2013 une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 95 %. Le 19 mars 2015, il a sollicité, d'une part, la révision de sa pension pour aggravation des infirmités pensionnées et prise en compte de nouvelles infirmités, d'autre part, le bénéfice de l'allocation pour tierce personne prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une décision du 3 juillet 2017, la ministre des armées a rejeté l'ensemble de ces demandes. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal des pensions militaires de Bordeaux a notamment reconnu le droit de M. A... à bénéficier de l'allocation pour tierce personne. Par un arrêt du 13 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a notamment confirmé le jugement sur ce point. Par un arrêt du 5 mai 2022, cette même cour, saisie par M. A... sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, a enjoint à la ministre des armées de lui octroyer, à titre définitif, l'allocation pour tierce personne et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt, aux versements correspondants, et a assorti cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai. Eu égard aux moyens qu'il invoque, le pourvoi du ministre des armées doit être regardé comme dirigé contre cet arrêt en tant seulement qu'il lui a enjoint de verser à M. A... une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". 3. En principe, il n'appartient pas au juge saisi d'une demande tendant à l'exécution d'une décision juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de l'interpréter. Toutefois, si cette décision est entachée d'une obscurité ou d'une ambiguïté qui, en rendant impossible la détermination de l'étendue des obligations qui incombent aux parties du fait de cette décision, font obstacle à son exécution, il lui revient alors de l'interpréter dans la mesure nécessaire pour en définir les mesures d'exécution. 4. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation, s'ils la réclament. En ce cas, les frais de cette hospitalisation sont prélevés sur la pension qui leur est concédée. / S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension (...) ". Aux termes de l'article R. 19-1 du même code, alors en vigueur : " Le droit à l'hospitalisation ou à la majoration de pension prévu à l'article L. 18 est constaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre au moment où il est statué sur le degré d'invalidité dont l'intéressé est atteint. / Il est révisable tous les trois ans, après examens médicaux, même lorsque la pension ne présente pas ou ne présente plus le caractère temporaire, si l'incapacité à se mouvoir, à se conduire ou à accomplir les actes essentiels à la vie n'a pas été reconnue définitive ". 5. Il ressort des énonciations de l'arrêt du 13 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, dont l'exécution était demandée, que la cour a jugé que M. A... devait être regardé comme étant obligé de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne et était, par suite, fondé à demander le bénéfice de l'allocation pour tierce personne mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il ne résulte pas des motifs de cet arrêt que la cour aurait reconnu le caractère définitif de l'incapacité de M. A... à se mouvoir, à se conduire ou à accomplir les actes essentiels de la vie, lequel ne saurait, eu égard aux dispositions du second alinéa de l'article R. 19-1 citées au point 4, se déduire du caractère définitif de la pension militaire d'invalidité accordée à M. A.... Il suit de là que la cour devait être regardée comme ayant prescrit, par son arrêt du 13 juillet 2021, l'attribution à M. A... d'une allocation pour tierce personne à compter du 19 mars 2015, date à laquelle il a sollicité la révision de sa pension, révisable au terme d'un délai de trois ans dans les conditions fixées par l'article R. 19-1. Par suite, le ministre des armées est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant que l'exécution de son arrêt du 13 juillet 2021 impliquait l'octroi à M. A..., à titre définitif, de l'allocation pour tierce personne. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le ministre des armées est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 5 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il lui a enjoint de verser à M. A... une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que, par son arrêt du 13 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a ordonné le versement à M. A... d'une allocation pour tierce personne à compter du 19 mars 2015, révisable au terme d'un délai de trois ans, et non à titre définitif. Par suite, la demande de M. A... tendant au versement de cette allocation pour la période postérieure au 18 mars 2018, qui soulève un litige distinct de celui qui a fait l'objet de l'arrêt du 13 juillet 2021, ne peut qu'être rejetée. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 5 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il a enjoint au ministre des armées de verser à M. A... une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018. Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de lui verser une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018 en exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 juillet 2021 sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des armées et à M. B... A....ECLI:FR:CECHS:2023:465594.20230720
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 6ème chambre, 18/07/2023, 21NT00998, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 15 novembre 2022, une expertise avant-dire-droit a été ordonnée afin notamment de déterminer l'origine des problèmes hépatiques actuels de M. A... et ses possibles relations tant avec l'hépatite virale qu'il a contractée en 1970 qu'avec le mélanome qu'il a développé au niveau de la cuisse en 2013. Le rapport d'expertise déposé le 7 mars 2023 a été communiqué aux parties qui ont été invitées à produire leurs observations. Par un mémoire enregistré le 26 avril 2023, M. A..., représenté par Me Fleck, sollicite un complément d'expertise auprès d'un dermatologue ou d'un oncologue. Par des mémoires enregistrés les 26 et 28 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que le complément d'expertise sollicité par M. A... ne présente pas d'utilité ; que les lésions hépatiques qu'il présente sont sans relation avec son hépatite virale ancienne et son mélanome, de sorte que le taux d'invalidité résultant de l'infirmité " séquelles de mélanome stade III de la cuisse gauche " ne peut ouvrir droit à un pension militaire d'invalidité. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier et notamment l'ordonnance du 10 juillet 2023 par laquelle le président de la cour a procédé à la taxation des frais d'expertise. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1948, s'est engagé dans l'armée de terre à compter du 1er octobre 1967. Il a poursuivi sa carrière militaire jusqu'en 1988. En 1981, une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % lui a été concédée au titre des séquelles qu'il a conservées d'une hépatite virale contractée au Tchad en 1970. Par ailleurs, en 2013, il a été opéré d'un mélanome à la cuisse gauche, qui a nécessité un curage ganglionnaire au mois de janvier 2014 et un traitement médicamenteux pendant deux ans. Le 7 septembre 2016, l'intéressé a sollicité le renouvellement de sa pension au titre de l'hépatite et l'attribution d'une nouvelle pension militaire d'invalidité au titre du mélanome. Par une décision du 26 septembre 2018, ses demandes ont été rejetées. M. A... a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'il concerne ses problèmes hépatiques et son mélanome. Par un arrêt du 15 novembre 2022, une expertise avant-dire-droit a été ordonnée afin notamment de déterminer l'origine des problèmes hépatiques actuels de M. A... et ses possibles relations tant avec l'hépatite virale qu'il a contractée en 1970 qu'avec le mélanome qu'il a développé au niveau de la cuisse en 2013. Le rapport d'expertise déposé le 7 mars 2023 a été communiqué aux parties qui ont été invitées à produire leurs observations. Sur les pathologies en litige : 2. M. A... soutient qu'il conserve des troubles et un nodule au niveau hépatique et que cette pathologie implique le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité. Il ressort de l'expertise médicale réalisée le 26 mars 2018, confirmée par le médecin chef chargé des pensions militaires d'invalidité le 23 mai 2018, que sa biologie hépatique est normale, que les sérologies anciennes vont dans le sens d'une guérison et que les anticorps anti-HBc n'évoquent pas un portage chronique mais plutôt une guérison ou une vaccination récente. Le premier expert indique cependant que les lésions rapportées sur l'imagerie hépatique ne lui paraissent " pas forcément avoir un lien évident avec l'hépatite virale " mais évoque cependant une possible relation avec le mélanome qu'il présente par ailleurs. Il précise que cette tumeur a été traitée notamment par interféron. L'expert militaire estime pour sa part que les troubles hépatiques de M. A... sont d'origine vasculaire et ne sont pas en relation avec le mélanome découvert en 2013. 3. S'agissant du mélanome, M. A..., qui ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité pour cette nouvelle pathologie, présente une cicatrice importante, des douleurs et des raideurs au niveau de la jambe qui l'empêchent de rester debout de façon prolongée. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été affecté durant ses années de service soit en Afrique, soit au Moyen-Orient, et qu'à l'époque il portait en service un short relativement court. Les experts reconnaissent que son mélanome se situe au-dessous de la ligne de short. Lors de l'examen du 26 mars 2018, l'expert a confirmé ces troubles impliquant notamment la nécessité pour l'intéressé de porter en permanence des contentions ainsi que l'accroissement d'un nodule hépatique. Il a estimé " probable " le lien entre cette pathologie et l'exposition prolongée au soleil en l'absence de protection de M. A... et évalué le taux de cette pathologie à 30 %. Le médecin chef chargé des pensions militaires d'invalidité évalue en revanche le taux d'invalidité de cette pathologie à moins de 10 % et écarte, ainsi qu'il a été dit, tout lien entre le nodule hépatique que présente M. A... et son mélanome. 4. Compte tenu du lien possible entre ces deux pathologies et des divergences de conclusions de ces deux experts, tant sur l'origine que sur le taux retenu, une expertise médicale a été ordonnée avant dire droit. Par un rapport du 7 mars 2023, le professeur émérite d'hépato-gastroentérologie à la faculté de médecine de Rennes désigné en qualité d'expert, après avoir examiné M. A... ainsi que son dossier médical, a conclu que l'intéressé ne présente aujourd'hui aucun stigmate hépatique, que l'hépatite virale A qu'il a contractée en 1970 est totalement guérie et que le mélanome opéré en 2013-2014 est considéré comme en rémission. Il précise que les quelques symptômes hépatiques qu'il présente, fréquents et bénins, sont sans lien avec l'hépatite A et la tumeur cutanée. En l'absence d'autres éléments médicaux suffisamment probants, les pathologies invoquées ci-dessus ne sont, par suite, pas de nature à justifier l'attribution d'une pension militaire d'invalidité. 5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner à nouveau un complément d'expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles d'hépatite virale " et " séquelles de mélanome stade III de la cuisse gauche, œdème chronique et cicatrice ". Sur les frais d'expertise : 6. Les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit par la cour par son arrêt du 15 novembre 2022, taxés et liquidés par l'ordonnance du président de la cour en date du 12 juillet 2023, sont mis à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont M. A... est bénéficiaire. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée. Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise liquidés à la somme de 810 euros sont mis à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT00998
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de TOULOUSE, , 21/08/2023, 23TL00192, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre de provision, une somme de 47 380 euros en réparation des préjudices résultant de la rechute de son accident de travail du 30 août 2019 reconnu imputable au service, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n°2206703 du 17 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 janvier 2023 et le 29 mars 2023, M. B... A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 17 janvier 2023 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 47 380 euros à titre de provision ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de provision au motif qu'aucun lien direct et certain ne serait établi entre le syndrome anxiodépressif dont il est atteint et l'accident du 30 août 2019 ; - la créance n'est pas sérieusement contestable dès lors que, victime le 30 mars 2021 d'une rechute de l'accident de service du 30 août 2019, son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 23% par l'expert mandaté par l'administration ; - eu égard à son âge au moment de la fixation du taux d'IPP, il est en droit de demander la somme de 47 380 euros en application du barème Mornet. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que l'ordonnance doit être confirmée et que les moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 19 avril 2023, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 10 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., surveillant pénitentiaire en fonction à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) a été victime, le 30 août 2019, d'une agression physique de la part d'un détenu, qui a été reconnue imputable au service par une décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse, le 24 septembre 2020. Le 30 mars 2021, M. A... a déclaré une rechute de son accident de service du 30 août 2019. Par un courrier du 20 octobre 2022, l'intéressé a formé auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, une réclamation préalable indemnitaire restée sans réponse. M. A... a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 47 380 euros en réparation des préjudices découlant de la rechute de son accident. M. A... relève appel de l'ordonnance du 17 janvier 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur la demande de provision : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. 3. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait. S'agissant de l'obligation non sérieusement contestable : 4. Il résulte du rapport d'expertise médicale établi le 14 octobre 2022 par le docteur C... et de l'avis du conseil médical départemental émis le 21 mars 2023 que M. A..., dont l'état a été consolidé au 14 octobre 2022, présente un syndrome anxiodépressif et un état de stress post-traumatique suite à la rechute le 30 mars 2021 d'un état antérieur lié à son accident de travail survenu le 30 août 2019. Il reste atteint, du fait de cette rechute imputable au service, d'une incapacité permanente partielle de 25% dont 2% proviennent d'un état antérieur. Ce déficit fonctionnel est en lien direct avec son accident et constitue, en lui-même un préjudice extrapatrimonial au nombre de ceux qui ouvrent droit à indemnisation, quel que soit le fondement sur lequel la responsabilité de l'administration est engagée. Dans ces conditions, le taux de déficit fonctionnel permanent relatif aux séquelles directes et certaines de la rechute de l'accident de service du 30 août 2019 dont M. A... reste atteint postérieurement à la date de consolidation, évalué à 23% par le médecin expert et qui possède un caractère non sérieusement contestable, est susceptible de faire l'objet d'une provision. Sur le montant de la provision : 5. Eu égard à la situation du requérant, âgé de 54 ans à la date de la consolidation, de son état de santé, au taux d'incapacité fixé à 23% par le médecin expert, et au caractère simplement indicatif du barème Mornet, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant sa réparation à hauteur de 39 279 euros. Il suit de là qu'en l'état de l'instruction la créance dont se prévaut M. A... à l'encontre de l'Etat présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 39 279 euros. Il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser une provision de ce montant. 6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. ORDONNE : Article 1er : L'ordonnance n°2206703 du 17 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... une provision de 39 279 euros. Article 3 : L'Etat versera à M. B... A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Fait à Toulouse, le 21 août 2023. La juge d'appel des référés, A. Geslan-Demaret La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 2 N°23TL00192
Cours administrative d'appel
Toulouse
Conseil d'État, 6ème chambre, 11/08/2023, 451212, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler l'arrêté interministériel du 3 décembre 2018 réduisant le montant de sa pension militaire d'invalidité à un taux global de 85 %. Par un jugement n° 18/00163 du 30 août 2019, le tribunal des pensions a annulé cet arrêté et enjoint à l'administration de procéder à la liquidation de la pension de M. B... au taux global de 90 %. Par un arrêt n° 19MA04751 du 26 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la ministre des armées, réformé ce jugement en ce qu'il a porté le taux de l'infirmité " hypoacousie bilatérale " à 40 %, dont 22 % imputables au service. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 29 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en ce qu'il ne fait que partiellement droit à son appel ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur le bénéfice de la majoration de 10 % au titre d'une perte de sélectivité. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;Considérant ce qui suit : 1. En exécution d'un jugement du tribunal des pensions de Marseille du 13 avril 2017, confirmé par un arrêt de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence du 14 mai 2018, M. B..., né le 22 juillet 1948, militaire de carrière radié des cadres le 30 octobre 1991, alors titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 40 %, s'est vu reconnaître, par arrêté interministériel du 16 juillet 2018, le droit à la révision de cette pension, dont le taux global a été porté à 90 %, du fait de deux infirmités nouvelles, dont une hypoacousie bilatérale. Le taux de cette infirmité, arrêté à titre temporaire pour la période du 29 octobre 2014 au 28 octobre 2017, était alors évalué à 30 %, dont 12 % imputables au service, avec majoration de 10 % pour perte de sélectivité, soit un taux indemnisable de 22 %. Par un arrêté interministériel du 3 décembre 2018 statuant sur le droit au renouvellement de la pension versée au titre de ces infirmités nouvelles à compter du 29 octobre 2017, le taux global de la pension attribuée à M. B... a été ramené à 85 %, par suite de l'amélioration constatée de l'hypoacousie bilatérale, dont le taux d'invalidité a été limité à 12 % sans droit à la majoration de 10 % pour perte de sélectivité, tandis qu'une nouvelle baisse auditive bilatérale non imputable au service a été identifiée, dont le taux a été évalué à 28 %. Par un jugement du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a jugé que M. B... avait droit au renouvellement à titre définitif de la pension versée au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", dont il a fixé le taux à 40 %, dont 22 % imputable au service, avec majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Sur appel de la ministre des armées, la cour administrative d'appel de Marseille a, dans un arrêt du 26 janvier 2021, réformé ce jugement en ce qu'il a porté le taux de l'infirmité " hypoacousie bilatérale " à 40 % dont 22 % imputable au service, en jugeant que M. B... ne pouvait prétendre qu'à un taux de 12 % imputable au service, avec une majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Le pourvoi de la ministre des armées, qui se borne à contester le bien-fondé de cette majoration, doit être regardé comme tendant à l'annulation de cet arrêt en tant seulement qu'il statue sur la majoration de 10 % pour perte de sélectivité. 2. Aux termes de l'article L. 8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 121-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. / Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension. (...) ". 3. Par ailleurs, le guide barème des invalidités, qui constitue l'annexe 2 au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicable au présent litige, précise, en ce qui concerne les diminutions d'acuité auditive : " Pour tenir compte des pertes de sélectivité importantes qui peuvent être la conséquence d'une atteinte post-traumatique ou toxique, ces taux seront majorés de 10 lorsque, pour la meilleure oreille (celle dont la PA est la moins accentuée), la différence des seuils d'audition sur les fréquences 4 000 et 1 000 Hz (4 000 - 1 000) est égale ou supérieure à 50 dB, à la condition toutefois que la perte auditive moyenne en dB (PA) de la meilleure oreille soit inférieure à 60 dB, car la gêne fonctionnelle qui résulte d'une perte de sensibilité supérieure n'est que fort peu aggravée par la perte de sélectivité ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque les conditions qu'elles prévoient sont réunies, la perte de sélectivité ne peut être retenue que sous la forme d'une majoration du taux de l'hypoacousie, et non d'une infirmité distincte. 4. Il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a constaté qu'il résultait du compte-rendu audiométrique que les nouveaux seuils d'audition sur la meilleure oreille avaient été mesurés à 80 dB sur la fréquence 4 000 Hz et à 40 dB sur la fréquence 1 000 Hz, soit une différence inférieure à 50 dB, de sorte que les conditions, énoncées au point 3, nécessaires à la reconnaissance d'une perte de sélectivité, n'étaient pas réunies. Dès lors, en jugeant que M. B... avait droit au maintien du bénéfice de la majoration pour perte de sélectivité, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de droit et la ministre des armées est fondée à en demander, dans cette mesure, l'annulation. 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées sur ce fondement par M. B... ne peuvent donc qu'être rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 janvier 2021 est annulé en tant qu'il statue sur la majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 11 août 2023. La présidente : Signé : Mme Isabelle de Silva Le rapporteur : Signé : M. Bruno Bachini La secrétaire : Signé : Mme Laïla KouasECLI:FR:CECHS:2023:451212.20230811
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème chambre, 31/07/2023, 468914, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 1er décembre 2017 du ministre de l'éducation nationale prise sur sa demande d'allocation temporaire d'invalidité et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité globale de 520 031,11 euros à titre principal et de 434 271 euros à titre subsidiaire en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement nos 1801068, 1901070 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 21BX03434 du 8 novembre 2022, enregistrée le 15 du même mois au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi et la requête, enregistrés au greffe de cette cour le 18 août 2021, formé par M. A... contre ce jugement. Par ce pourvoi et cette requête ainsi que par un mémoire complémentaire enregistré le 6 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : Sur la requête dirigée contre le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la demande n° 1901070 : 1. Il ressort des pièces du dossier que, sous le numéro 1901070, M. A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser une indemnité globale de 520 031,11 euros, à titre principal, et de 434 271 euros, à titre subsidiaire, en réparation de préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'il imputait à ses conditions de travail, à l'absence de suivi médical au travail, à l'absence de proposition de reclassement et à des faits de discrimination en raison de son état de santé. De telles demandes ne relèvent d'aucune des catégories de litiges sur lesquelles le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort en application de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, le recours de M. A..., en tant qu'il est dirigé contre le jugement attaqué en tant que ce dernier statue sur la demande n° 1901070, a le caractère d'un appel qui ne ressortit pas à la compétence du Conseil d'Etat, juge de cassation, mais à celle de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Il y a lieu dans cette mesure d'en attribuer le jugement à cette cour. Sur le pourvoi dirigé contre le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la demande n° 1801068 : 2. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 3. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. A... soutient que le tribunal administratif de La Réunion l'a insuffisamment motivé et a commis une erreur de droit en rejetant sa demande d'allocation temporaire d'invalidité sans rechercher si la maladie dont il souffrait était au nombre des malades d'origine professionnelle qui figurent dans les tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale. 4. Ces moyens sont de nature à permettre l'admission du pourvoi dirigé contre le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la demande n° 1801068. D E C I D E : -------------- Article 1er: Le jugement des conclusions de la requête de M. A... qui sont dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il rejette ses demandes indemnitaires présentées au tribunal administratif de La Réunion sous le numéro 1901070 est attribué à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Article 2 : Le pourvoi de M. A... dirigé contre le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la demande n° 1801068 est admis. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A.... Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 31 juillet 2023. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Lionel Ferreira La secrétaire : Signé : Mme Katia Nunes La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2023:468914.20230731
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 13/07/2023, 21MA04810, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui payer la somme de 50 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée le 4 novembre 2011 à l'hôpital d'instruction des armées Sainte Anne de Toulon. Avant de statuer sur cette demande, le tribunal administratif de Toulon a, par un jugement avant dire droit du 20 juillet 2020, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer si cette opération a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale, si les séquelles subies proviennent d'une faute commise dans l'accomplissement de l'opération ou s'il s'agit d'un aléa thérapeutique, si Mme D... a bénéficié des informations prévues à l'article L. 111-2 du code de la santé publique, de déterminer le taux de perte de chance d'éviter les séquelles de l'intervention et de décrire les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subies par la requérante. Le rapport d'expertise, établi par le docteur G... B..., a été déposé au greffe du tribunal le 11 janvier 2021. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le docteur A... à lui payer la somme de 111 085 euros, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 103 085 euros. Par un jugement n° 1802875 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme D... et mis les frais d'expertise à sa charge. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2021 et le 22 septembre 2022, Mme D..., représentée par Me Dragone, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Toulon ; 2°) à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le docteur A... à lui payer la somme totale de 111 085 euros et de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ; 3°) à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 103 085 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - le tribunal a omis de statuer sur sa demande tendant à la réparation du préjudice d'impréparation ; - l'hôpital ne fournit pas la preuve de ce qu'elle aurait signé un formulaire attestant de son consentement à l'intervention réalisée, pour laquelle elle n'avait en outre pas été informée des risques neurologiques ; - en choisissant de réaliser une intervention sous-cutanée et en ôtant le drain alors qu'étaient présents un œdème ou un hématome, l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne a commis des fautes lors de l'opération réalisée le 4 novembre 2011 ; - en application de la jurisprudence du conseil d'Etat dite Brugnot, elle a également le droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer la part de ses préjudices non couverte par la pension militaire, en raison d'une pathologie imputable au service ; - elle a droit à réparation au titre de la solidarité nationale dès lors que le dommage qu'elle a subi est grave et anormal ; - elle a droit à réparation de ses préjudices aux montants suivants : * au titre du préjudice d'impréparation : 8 000 euros ; * au titre de la perte de chance d'éviter une seconde intervention chirurgicale : 8 000 euros ; * au titre du déficit temporaire : 2 646 euros ; * au titre des souffrances endurées : 10 000 euros ; * au titre du préjudice esthétique temporaire : 4 000 euros ; * au titre du préjudice esthétique permanent : 4 000 euros ; * au titre du déficit fonctionnel permanent : 13 000 euros ; * au titre des pertes de gains futurs : 30 985 euros ; * au titre de l'incidence professionnelle : 30 000 euros ; * au titre des frais de médecin conseil : 450 euros. Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2022, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les seuils de gravité nécessaires à son intervention au titre de la solidarité nationale ne sont pas atteints. La clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2022, par une ordonnance du même jour. Le ministre des armées a produit un mémoire, enregistré le 4 novembre 2022, qui n'a pas été communiqué. La procédure a été communiquée à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui n'a pas produit de mémoire. Par lettre du 25 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions de Mme D... dirigées contre le docteur F... A... doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, dès lors que la victime d'un dommage causé par un agent public dans l'exercice de ses fonctions a la possibilité d'engager une action en réparation en recherchant, en cas de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions, la responsabilité de l'agent concerné devant le juge judiciaire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Recrutée sous contrat au sein du 54ème régiment d'artillerie d'Hyères à compter du mois de décembre 2010, Mme D..., souffrant presque immédiatement de douleurs aux deux jambes, particulièrement à l'effort, s'est vu diagnostiquer un syndrome des loges chronique bilatéral. Le 4 novembre 2011, elle a subi à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Sainte-Anne de Toulon une aponévrotomie des quatre loges. Estimant avoir subi des dommages du fait de cette intervention, elle a sollicité auprès du ministre des armées une indemnisation que celui-ci lui a refusé. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Toulon qui a d'abord désigné le docteur B... en qualité d'expert puis rejeté sa demande d'indemnisation par un jugement du 21 octobre 2021. Mme D... relève appel de ce jugement et demande à la cour, à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le docteur A... à réparer les préjudices subis, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM la réparation desdits préjudices. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le préjudice d'impréparation que la requérante soutenait devant eux avoir subi. Il doit, par conséquent, être annulé dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce point et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur le surplus des conclusions de la requête. Sur les conclusions dirigées contre le docteur A... : 3. La victime d'un dommage causé par un agent public dans l'exercice de ses fonctions a la possibilité d'engager une action en réparation en recherchant soit la responsabilité de l'administration pour faute de service devant le juge administratif, soit, en cas de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions, la responsabilité de l'agent concerné devant le juge judiciaire. Par suite, les conclusions de Mme D... dirigées contre le docteur A... doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : En ce qui concerne les obligations d'information et de consentement de la patiente : 4. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ". 5. D'une part, il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. 6. D'autre part, en cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question. 7. Enfin, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée. 8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme D... a présenté dans les suites immédiates de l'intervention réalisée le 4 novembre 2011 une atteinte du nerf plantaire, en particulier du nerf plantaire médial, qui a entraîné une perte de sensibilité de la plante du pied et une paralysie de l'adduction du gros orteil et des trois premiers interosseux. 9. Le rapport d'expertise du docteur B..., se fondant sur un courrier daté du 4 juillet 2011 qui n'est pas versé aux débats par le ministre et dont il est constant qu'il n'a pas été débattu au cours des opérations d'expertise, indique que les risques neurologiques présentés par l'intervention en cause ont été expliqués à Mme D... par le Dr C.... Ces éléments sont toutefois insuffisants pour justifier que l'intéressée a été informée des risques présentés par l'intervention chirurgicale à laquelle elle allait se soumettre alors que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que, le 12 juillet 2011, le docteur C... l'a confiée au docteur A..., praticien hospitalier exerçant à l'HIA Sainte Anne à Toulon qui, le 22 août 2011, l'a reçue en consultation et a programmé l'intervention pour aponévrotomie des quatre loges bilatérales et qu'il n'est pas contesté par le ministre qu'aucune information sur les risques n'a été délivrée à l'intéressée à cette occasion. 10. Dans ces conditions, Mme D... est en droit d'obtenir réparation des troubles qu'elle a subis dans la mesure où elle n'a pas pu se préparer psychologiquement aux risques liés à la paralysie dont elle a été victime et qui se sont produits. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qui en a découlé en condamnant l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros. 11. En revanche, elle ne saurait obtenir réparation d'une perte de chance d'éviter la seconde intervention chirurgicale, réalisée le 25 mars 2013, qui est sans lien avec le fondement de responsabilité invoqué, celle-ci ayant d'ailleurs pour objet de remédier non pas aux conséquences des complications issues de l'intervention du 4 novembre 2011, mais à l'échec thérapeutique de celle-ci, s'agissant de la seule guérison du syndrome des loges chroniques dont l'intéressée était atteinte. En ce qui concerne la réalisation des actes de prévention, de diagnostic et de soins : 12. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". 13. Il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu d'hospitalisation auquel elle a donné lieu, que lors de l'intervention pratiquée le 4 novembre 2011, il a été procédé à quatre incisions de part et d'autre de la jambe gauche et trois à la jambe droite, puis à la libération des aponévroses aux longs ciseaux de Metzenbaum puis à l'observation de la libération des loges, à la mise en place de deux redons et, enfin, à la fermeture. L'expert désigné par le tribunal estime que la décompression chirurgicale par aponévrotomie sous-cutanée qui a été pratiquée était le seul moyen de réduire la pression à l'intérieur d'une loge et de préserver la viabilité des tissus et demeure la méthode la plus couramment pratiquée. Il explique que les séquelles neurologiques présentées par Mme D... sont dues à une compression du nerf plantaire médial au niveau de la partie interne du talon par l'œdème postopératoire, qui est apparu rapidement. 14. La requérante se prévaut d'un rapport d'expertise rédigé de manière non contradictoire par un expert près le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, qui indique qu'il " fallait refuser le geste sous-cutané ", qu'il aurait fallu intervenir par les voies longitudinales antéro-externes et postéro-internes et " s'interdire de procéder à la fermeture cutanée ". Ce rapport n'explique toutefois pas les raisons pour lesquelles les modalités réalisées lors de l'intervention litigieuses auraient été fautives. De plus, il indique lui-même que son indication est " peut-être excessive " et qu'elle ne se justifie qu'au regard des séquelles présentées par la patiente. Cette analyse rétrospective, qui déduit la faute du dommage, n'est pas de nature à démontrer que l'indication opératoire choisie en l'espèce n'était pas conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science. De même et ainsi que l'a justement retenu le tribunal, si Mme D... soutient que le service hospitalier aurait ôté les drains trop tôt avant la résorption de l'hématome, elle se borne à de simples allégations insuffisamment étayées par la seule documentation médicale d'ordre général sur le drainage qu'elle verse aux débats, tandis qu'aucune faute médicale sur ce point n'est identifiée par le rapport d'expertise judiciaire, ni du reste par l'auteur de l'analyse non contradictoire qu'elle verse aux débats. 15. Il résulte de tout ce qui précède que, comme l'a exactement jugé le tribunal, Mme D... n'est pas fondée à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions citées au point 12. En ce qui concerne la demande d'indemnisation faite au titre de la maladie contractée en service : 16. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Ces dispositions, qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, ne font pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 17. D'autre part, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des matières qu'elles ont entendu écarter expressément de la procédure du recours préalable obligatoire, la saisine de la commission des recours des militaires instituée par le décret du 7 mai 2001 s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux. 18. Dans sa réclamation préalable datée du 9 février 2016 et son recours gracieux daté du 24 avril 2018, Mme D... a demandé au ministre des armées réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis à l'occasion de l'intervention chirurgicale réalisée le 4 novembre 2011 à l'HIA Sainte-Anne de Toulon. Elle doit ainsi être regardée comme ayant sollicité une indemnisation de droit commun, en sa qualité d'usagère du service public hospitalier. En sollicitant pour la première fois devant le tribunal administratif de Toulon une indemnité au titre d'une blessure contractée du fait du service, Mme D... doit, en revanche, être regardée comme formant, en sa qualité de militaire, un recours relatif à sa situation personnelle. Le ministre faisant toutefois valoir sans être contesté que le recours présenté à ce titre par Mme D... n'a pas été précédé de la saisine de la commission des recours des militaires, il s'ensuit que, comme le ministre le faisait valoir en défense dans ses écritures produites en première instance, la demande de Mme D... est irrecevable sur ce point. Sur les conclusions dirigées contre l'ONIAM : 19. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ". En ce qui concerne la condition d'anormalité : 20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence de chirurgie, le syndrome chronique des loges dont souffrait Mme D... aurait eu tendance à s'aggraver avec une augmentation de la pression dans la loge musculaire et à entrainer un début d'ischémie, et dans de plus rares proportions un déficit neurologique. A la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée le 4 novembre 2011, Mme D... a entraîné une perte de sensibilité de la plante du pied et une paralysie de l'adduction du gros orteil et des trois premiers interosseux, ce qui représentait d'ailleurs un risque de moins de 1 % selon la littérature médicale. Il s'en suit que, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, l'intervention chirurgicale pratiquée le 4 novembre 2011 a entraîné pour Mme D... des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles celle-ci était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement, ce qui n'est pas contesté par l'ONIAM. En ce qui concerne la condition de gravité : 21. Mme D... fait valoir que, le 27 juin 2015, parvenant au terme du congé complémentaire de reconversion, elle a été radiée des contrôles d'office en raison de ses inaptitudes à la station debout prolongée, au port de charges supérieures à cinq kilogrammes et à la course à pied. Toutefois, si l'expert commis par le tribunal indique dans son rapport qu'en cas d'évolution normale de son état de santé, postérieurement à l'intervention du 4 novembre 2011, la patiente aurait pu obtenir une guérison en 4 à 6 mois, avec possibilité de reprendre ensuite son activité professionnelle, il y précise cependant que " cette incidence professionnelle de l'accroissement de la pénibilité est imputable principalement à son état antérieur de syndrome chronique des loges et seulement en petite partie (20 %) au dommage séquellaire du pied droit. ". Il résulte d'ailleurs de l'instruction que Mme D... a présenté, peu de temps après son engagement au mois de décembre 2010, des douleurs aux deux jambes devenant progressivement invalidantes. En outre, si Mme D... soutient que l'expert relève que la chirurgie pratiquée présente un taux de guérison ou d'amélioration significative atteignant généralement 85 à 90 %, il en résulte que l'échec thérapeutique n'est pas exclu. Par suite, les douleurs de Mme D... doivent être regardées comme résultant de l'évolution d'un état antérieur auquel l'intervention qu'elle a subie n'a pu remédier. Par conséquent, la persistance des douleurs qui avaient justifié l'intervention du 4 novembre 2011 entraînait à elle seule la cessation des activités professionnelles de la requérante. Dès lors, celle-ci, qui ne conteste pas en appel ne pas satisfaire aux autres hypothèses énoncées par les dispositions de l'article D. 1142-1 cité au point précédent, n'est pas fondée à prétendre à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, ainsi que l'avait jugé à bon droit le tribunal. 22. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande, d'autre part, que l'Etat doit être condamné à payer à Mme D... une somme de 2 000 euros. Il y a lieu, par contre, de rejeter le surplus de ses conclusions indemnitaires. Sur les frais d'expertise : 23. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment et contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 269,85 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon, à la charge de l'Etat. Sur la déclaration d'arrêt commun : 24. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui, régulièrement mise en cause dans la présente instance, n'a pas produit de mémoire. Sur les frais liés au litige : 25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions faites à ce même titre par l'ONIAM. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur le préjudice d'impréparation invoqué par Mme D.... Article 2 : Les conclusions de Mme D... dirigées contre le docteur A... doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Article 3 : L'Etat est condamné à payer à Mme D... une somme de 2 000 euros. Article 4 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 269,85 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 6 : Le surplus des conclusions des parties à l'instance est rejeté. Article 7 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Mme E... D..., au ministre des armées, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Délibéré après l'audience du 29 juin 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - M. Mahmouti, premier conseiller, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2023. 2 N° 21MA04810 nl
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 5ème chambre, 13/07/2023, 21LY02847, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 août 2018 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Grenoble a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie des épaules et la décision du 10 janvier 2019 portant refus de son recours gracieux, au besoin en diligentant une expertise médicale. Par un jugement n° 1901565 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 20 août 2018 et du 10 janvier 2019 (article 1er), a enjoint au président du CCAS de Grenoble, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître imputable au service la pathologie des épaules dont souffre Mme A... et de reconstituer sa carrière dans la mesure rendue nécessaire par cette reconnaissance d'imputabilité au service à compter du 11 octobre 2016 (article 2), a mis à la charge du CCAS de Grenoble le versement au profit de Mme A... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus de sa demande (article 4). Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 août 2021 et le 15 juin 2023, le CCAS de Grenoble, représenté par Me Laborie, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 juin 2021, ou subsidiairement, de l'annuler en tant qu'il reconnaît comme imputable au service, la pathologie à l'épaule gauche de l'intéressée ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal ; 3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer si la nature de la pathologie de Mme A... et son développement sont de nature à être en lien direct et certain avec les fonctions exercées au CCAS de Grenoble entre le 1er mai 2014 et le 11 octobre 2016 ; 4°) de mettre à la charge de Mme A..., une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'intéressée ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité au service mentionnée à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - il existe des circonstances particulières détachant la pathologie du service ; - en tout état de cause, aucune pathologie de l'épaule gauche ne saurait être reconnue comme imputable au service ; - la commission de réforme a pu valablement se prononcer en toute connaissance de cause. Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2022, Mme B... A..., représentée par Me Kummer, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce que l'annulation et l'injonction prononcées par le tribunal soient confirmées ; 3°) à ce qu'il soit enjoint au CCAS de Grenoble de la placer en congé de longue durée pour raison professionnelle pour cette pathologie à compter de l'arrêt de travail du 11 octobre 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) subsidiairement, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et de mettre à la charge du CCAS de Grenoble, les frais de cette expertise ; 5°) de mettre à la charge du CCAS de Grenoble une somme de 2 000 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les deux décisions en litige qui ont rejeté sa demande, en se fondant non sur les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, mais en faisant état de ce que sa pathologie ne répond pas aux prescriptions du tableau n° 57 A prévu par le code de la sécurité sociale, sans rechercher si la pathologie présentait un lien direct avec le service sont entachées d'erreur de droit ; - la présomption d'imputabilité de sa pathologie au service ne peut être écartée ; - sa pathologie aux épaules est en lien essentiel et direct avec son travail habituel ; - le cas échéant, elle reprend les autres moyens qu'elle avait soulevés devant les premiers juges. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ; - les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ; - les observations de Me Bapeceres, représentant le centre communal d'action sociale de Grenoble ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., titulaire du grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe, exerce les fonctions d'agent d'entretien au sein des services du centre communal d'action sociale (CCAS) de Grenoble depuis 1975, en qualité d'agent contractuel, puis en qualité de titulaire, à compter de 1981. Le 15 octobre 2015, une pathologie des épaules a été diagnostiquée. L'intéressée a été placée en congé de longue maladie à compter du 11 octobre 2016. Le 20 septembre 2017, Mme A... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Le 20 août 2018, après avis défavorable de la commission départementale de réforme, le directeur général du CCAS de Grenoble a rejeté sa demande. Mme A... a exercé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté, le 10 janvier 2019. Par un jugement du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 20 août 2018 et du 10 janvier 2019 (article 1er), a enjoint au président du CCAS de Grenoble, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître imputable au service la pathologie des épaules dont souffre Mme A... et de reconstituer sa carrière dans la mesure rendue nécessaire par cette reconnaissance d'imputabilité au service à compter du 11 octobre 2016 (article 2), a mis à la charge du CCAS de Grenoble le versement au profit de Mme A... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus de la demande de l'intéressée (article 4). Le CCAS de Grenoble relève appel de ce jugement. 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date des décisions en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (....) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 5. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme A..., dont la pathologie des épaules a été diagnostiquée, le 15 octobre 2015, et dont la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée le 20 septembre 2017, était, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Par suite, le CCAS de Grenoble n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient applicables à la situation de l'intéressée, et notamment celles de son IV selon lesquelles il incombe à l'intéressée d'établir que sa maladie est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions. 6. En second lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Par ailleurs, l'existence d'un état antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. 7. Il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, les fonctions d'agent d'entretien exercées par Mme A... au sein du CCAS de Grenoble sollicitaient ses membres supérieurs et en particulier le côté droit. Ces éléments sont attestés notamment par le médecin de prévention qui, après avoir relevé que l'existence de douleurs dès 2014, soit peu de temps après la reprise d'activité de Mme A..., indique néanmoins dans son rapport du 6 mars 2018 que l'intéressée " fait le ménage mais également beaucoup de manutention, sortie des containeurs, utilisation de la cireuse, décapeuse, port de seaux. L'exposition au risque de la maladie professionnelle de cet agent est réelle au niveau des épaules notamment de l'épaule droite ". Ainsi, la pathologie dont souffre Mme A... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions au sein du CCAS de Grenoble que ce dernier ne conteste pas sérieusement en indiquant que la fiche de poste de l'intéressée ne comporterait que de simples tâches d'entretien, alors que son descriptif mentionne également des tâches de manutention. 8. Le CCAS de Grenoble fait valoir qu'à la date de l'échographie du 15 octobre 2015 qui a diagnostiqué une tendinopathie bilatérale calcifiante, Mme A... ne travaillait dans ses services que depuis un an, alors qu'avant de reprendre son activité d'agent d'entretien au sein de ses services en mai 2014, l'intéressée a réalisé des tâches de force telles du ménage et de l'assistanat de vie pour personnes âgées, pour le compte de sociétés privées, entre 2009 et 2014. S'il ressort des conclusions de l'expertise réalisée par un rhumatologue, à la demande du CCAS de Grenoble, le 7 décembre 2017, qu' " il existe un état antérieur ", les conclusions de la contre-expertise réalisée le 29 novembre 2018, indiquent à l'inverse qu' " il n'y a pas d'antérieur ". Hormis ces conclusions contradictoires, le requérant produit un avis du comité médical départemental daté du 7 décembre 2010 constatant, sans autre explication, l'inaptitude de l'intéressée à ses fonctions, ainsi qu'un courriel rédigé par Mme A... elle-même qui mentionne qu'elle effectuait des tâches de ménage depuis l'âge de 16 ans. En l'absence de pièces médicales sérieuses, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que l'intéressée aurait présenté un état de santé antérieur à la reprise de ses fonctions au sein du CCAS de Grenoble. Le requérant fait également valoir que la pathologie dont l'intéressée est atteinte présente un caractère constitutionnel indépendant de l'exercice de ses fonctions, notamment en ce qui concerne la présence de calcifications qui ne serait pas imputable à l'activité professionnelle. Toutefois, les extraits de littérature médicale qu'il produit sur ce point ne permettent pas de contredire le constat effectué par le médecin généraliste de l'intéressée qui indique que " la différence des lésions quantitatives et qualitatives entre l'épaule droite et gauche, responsable des douleurs endurées est totalement imputable aux travaux de force effectués par la patiente depuis plusieurs années " et qui se trouve corroboré par les certificats établis par le rhumatologue de l'intéressée qui indiquent que " l'activité physique favorisante est bien évidemment le mécanisme favorisant les tendinopathies. Il me paraît difficile en l'état des connaissances médicales actuelles de ne pas retenir le caractère professionnel de ses tendinopathies sur la simple présence de ces macrocalcifications ". Ainsi, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un élément médical sérieux susceptible de démontrer l'existence d'un état de santé antérieur préexistant auquel la pathologie serait exclusivement imputable ou toute circonstance particulière conduisant à détacher la survenance de la maladie du service. Enfin, la circonstance que les examens médicaux produits par Mme A... fassent ressortir des lésions plus importantes de l'épaule droite que de l'épaule gauche ne permet pas de conclure, ainsi que le demande le requérant à titre subsidiaire, que la pathologie de l'épaule gauche dont l'intéressée est atteinte, ne serait pas imputable au service. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le CCAS de Grenoble n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 20 août 2018 par laquelle son président a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie des épaules de Mme A... et la décision du 10 janvier 2019 portant refus de son recours gracieux. Sur les conclusions à fin d'injonction de Mme A... : 10. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles que les premiers juges ont déjà enjoint au CCAS de Grenoble de prendre. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Mme A... dans la présente instance. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le CCAS de Grenoble demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de l'intimée, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Grenoble le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A.... DECIDE : Article 1er : La requête du CCAS de Grenoble est rejetée. Article 2 : Le CCAS de Grenoble versera la somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CCAS de Grenoble et Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient : M. Bourrachot, président de chambre, Mme Dèche, présidente-assesseure, Mme Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023. La rapporteure, P. Dèche Le président, F. Bourrachot, La greffière, A-C. Ponnelle La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY02847 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 11/07/2023, 21BX03472, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, à titre principal, d'annuler la décision du 29 mai 2019 du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse en ce qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 4 septembre 2018, la décision du 5 juin 2019 par laquelle la même autorité a précisé ses droits à rémunération pour la période du 4 juin 2018 au 13 mai 2019, ensemble la décision du 24 juillet 2019 de rejet de son recours gracieux, et, à titre subsidiaire et avant dire droit, de prescrire une expertise médicale. Par un jugement n° 1902194 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 août 2021, M. B..., représenté par Me Vigreux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 1er juillet 2021 ; 2°) à titre principal, d'annuler les décisions du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse des 29 mai, 5 juin et 24 juillet 2019 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le refus du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie à compter du 4 septembre 2018 ne pouvait être légalement fondé sur les seules conclusions du médecin agréé du 30 avril 2018, sans saisine préalable obligatoire de la commission de réforme ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, bien qu'entrées en vigueur le 24 février 2019, ne peuvent concerner que les déclarations d'accident de service postérieures à cette date, de sorte que les articles 47-6 et 47-10 du décret du 13 mars 1983 lui sont inopposables et n'étaient pas applicables à la date de son accident de service survenu en septembre 2013, y compris pour les congés prolongés en lien avec cet accident antérieurement au 24 février 2019 ; par voie de conséquence, les décisions contestées sont dépourvues de fondement légal ; - les décisions contestées sont entachées de vices de procédure ; elles ont été prises sans avis préalable de la commission de réforme, en méconnaissance des articles 13, 18 et 19 du décret du 14 mars 1986 dans sa version alors applicable ; il a reçu sa convocation pour un examen par un médecin agréé la veille pour le lendemain ; il n'a pas été informé des motifs de cet examen et de ses droits à consultation de son dossier et à la préparation de sa défense ; - les décisions contestées sont entachées d'erreur d'appréciation de son état de santé, sa maladie actuelle traduisant une évolution des pathologies initiales résultant de son accident de service ; - une mesure d'expertise médicale avant-dire droit pourrait s'avérer utile. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Agnès Bourjol, - et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., éducateur de la protection judiciaire et de la jeunesse (PJJ), a fait, le 24 septembre 2013, une chute dans les escaliers de l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée de Nevers où il travaillait, qui a été reconnue comme un accident imputable au service par un certificat administratif du 10 octobre 2013. Il a bénéficié d'un placement en congé de maladie entre le 24 septembre 2013 et le 15 avril 2018, puis entre le 4 et le 12 septembre 2018, entre le 16 octobre et le 10 novembre 2018 et entre le 19 mars et le 13 mai 2019. Le médecin agréé ayant estimé, le 30 avril 2019, que les arrêts de travail à compter du 4 septembre 2018 n'étaient pas imputables au service, le directeur interrégional de la PJJ Ile de France et outre-mer a, le 29 mai 2019, décidé de placer M. B... en congé de maladie pour accident de service pour la période du 24 septembre 2013 au 15 avril 2018 et en congé de maladie ordinaire pour les périodes postérieures. Par une décision du 5 juin 2019, la même autorité a précisé les périodes des droits à rémunération à plein traitement et à demi-traitement de l'intéressé. M. B... a alors formé un recours gracieux contre ces deux décisions, qui a été rejeté par décision du 24 juillet 2019. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Mayotte d'une demande tendant à l'annulation des décisions susmentionnées des 29 mai, 5 juin et 24 juillet 2019. Il relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ". 3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique d'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 5. Aux termes de l'article 22 du décret du 21 février 2019 précité : " Le fonctionnaire en congé à la suite d'un accident ou d'une maladie imputable au service continue de bénéficier de ce congé jusqu'à son terme. Toute prolongation de ce congé postérieure à l'entrée en vigueur du présent décret est accordée dans les conditions prévues au chapitre Ier. Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 47-2 à 47-7 du décret du 14 mars 1986 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret. / Les délais mentionnés à l'article 47-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date ". 6. En outre, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Dès lors, la situation de M. B..., dont l'accident est survenu le 24 septembre 2013, et dont la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée avant le 24 février 2019, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 7. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable au présent litige : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 (...) ". Ces dernières dispositions imposent la consultation de la commission de réforme dans tous les cas où le bénéfice du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 est demandé par un agent, hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste. Aux termes de l'article 26 de ce même décret : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. / La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. ". 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de prendre en charge, sous le régime de l'accident de service, les arrêts de maladie de M. B... entre le 4 et le 12 septembre 2018, entre le 16 octobre et le 10 novembre 2018 et entre le 19 mars et le 13 mai 2019, l'administration s'est prononcée en faveur du placement en congé de maladie ordinaire de l'intéressé uniquement au vu des conclusions du médecin agréé du 30 avril 2019. Ainsi, en faisant application des dispositions des articles 47-6 et 47-10 du décret du 13 mars 1986 dans leur version issue du décret du 21 février 2019, qui n'étaient alors pas applicables à la situation de l'intéressé, l'administration a commis une erreur de droit, les droits de M. B... devant s'apprécier au 24 septembre 2013, date de survenance de son accident. Les décisions contestées auraient ainsi dû être prises après avis de la commission de réforme, en application des dispositions précitées applicables à la situation de M. B.... 10. Une telle omission de consultation préalable la commission de réforme a nécessairement privé l'appelant d'une garantie et constitue ainsi une irrégularité de nature à entacher d'illégalité les décisions contestées, nonobstant la faculté offerte à la commission de réforme, dont la saisine était obligatoire, de recourir à un expert médical. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que la décision du 29 mai 2019 et la décision du 5 juin 2019 la confirmant, ensemble le rejet de son recours gracieux, ont été pris en méconnaissance des dispositions alors applicables de l'article 26 du décret du 14 mars 1986, et doivent donc être annulés. 11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1902194 du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Mayotte et les décisions du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse des 29 mai, 5 juin et 24 juillet 2019 sont annulés. Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller, Mme Agnès Bourjol, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023. La rapporteure, Agnès BOURJOLLa présidente, Marie Pierre BEUVE DUPUY La greffière, Sylvie HAYET La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX03472
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/07/2023, 22MA01201, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a confirmé le rejet par le ministre des armées de sa demande de révision de ses droits à pension et d'enjoindre au sous-directeur des pensions de lui délivrer un nouveau titre de pension prenant en compte une aggravation de 10 % de ses " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " et de 10 % de son " état anxiodépressif ", avec effet à compter de la date d'enregistrement de sa demande, soit le 19 avril 2018. Par un jugement n° 2100090 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 avril 2022, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 et d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer un nouveau titre de pension, avec effet à compter du 18 novembre 2020, date d'enregistrement de sa demande de réexamen des droits à pension, en prenant en compte une aggravation de 10 % des acouphènes dont il souffre, et en retenant donc un taux global de 20 % pour cette infirmité, et, d'autre part, une aggravation de 10 % de son état anxiodépressif et en retenant donc un taux global de 35 % pour cette infirmité ; 2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert de justice, avec pour mission de : . se faire communiquer l'intégralité de son livret médical militaire ; . de convoquer les parties ; . d'examiner les infirmités en cause ; . de préciser le diagnostic de chacune de ces infirmités et d'en fixer le taux d'invalidité ; . d'indiquer si ces infirmités se sont aggravées en se plaçant à la date de sa demande, soit le 18 novembre 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance tant des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre applicables au litige que de la jurisprudence des anciennes juridictions des pensions militaires d'invalidité : pour décider que la demande d'aggravation n'était pas justifiée, le tribunal administratif de Nice s'est appuyé sur le rapport de l'expert oto-rhino-laryngologue (ORL) mandaté par le ministre des armées alors que cet expert s'est exprimé en termes de probabilité et qu'il n'a pas explicité les autres étiologies qu'il entendait retenir ; il n'a ainsi pas mentionné ce que l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre identifie comme " l'atteinte à l'état général " justifiant le pourcentage attribué ; - l'opinion majoritairement admise par la communauté des ORL est qu'une hypoacousie sono-traumatique peut évoluer de manière péjorative, y compris en l'absence de nouvelles expositions au bruit lésionnel et que l'aggravation de la dégradation auditive survient alors de manière progressive, irréversible et inopérable ; - le tribunal administratif de Nice a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits et des moyens de preuve portés à sa connaissance en se référant aux seules conclusions de l'expert ORL ; en tout état de cause, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas consulté, préalablement à sa demande de réexamen des droits à pension, un expert ORL auprès d'une cour d'appel pour anticiper les arguments de l'administration dès lors qu'aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne prévoit cette modalité ; la preuve de l'aggravation d'une ou de plusieurs infirmités peut se faire par tous moyens et la production aux débats de première instance d'un certificat de son masseur-kinésithérapeute indiquant que son état psychique s'est aggravé est opérante. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 doit être confirmé alors que M. A... n'apporte aucun élément de nature à justifier l'augmentation du taux d'invalidité de 10 % qu'il réclame pour les infirmités " acouphènes " et " état anxiodépressif ", et que ses moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 9 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 10 mars 2023, a été reportée au 14 avril 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Né le 23 juin 1942, M. A..., a été libéré de ses obligations légales de service actif le 1er mars 1968 au grade de sous-lieutenant et rayé des contrôles du 26ème régiment d'infanterie. Le 1er juillet 1969, il a été promu au grade de lieutenant de réserve. Le 24 juin 1975, M. A... a été victime d'un traumatisme sonore au cours d'une séance de tir au bazooka. Par arrêté du 2 avril 1996, il s'est vu concéder, au titre des blessures imputables à cette accident survenu en service, une pension militaire d'invalidité au taux global de 75 %, pour des sensations vertigineuses, un état anxiodépressif, une hypoacousie droite ainsi que des acouphènes. Par un courrier 15 avril 2018, reçu le 19 avril suivant, M. A... a demandé la révision de cette pension militaire d'invalidité au titre d'une aggravation de ces infirmités. Par une décision du 20 avril 2020, rectifiée le 16 septembre 2020, le ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande. M. A... a alors contesté cette décision en tant qu'elle porte sur les infirmités ayant trait à son état anxiodépressif et aux acouphènes dont il souffre, devant la commission de recours de l'invalidité. Celle-ci a rejeté son recours préalable obligatoire par décision du 18 novembre 2020. M. A... relève appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 2. Selon l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 3. Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. Par ailleurs, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. En ce qui concerne l'infirmité lié à l'état anxiodépressif : 5. Il résulte de l'instruction que l'infirmité pensionnée de M. A... au taux de 25 %, correspondant à un état anxio-dépressif, a été jugée imputable au service, par jugement du tribunal des pensions de Nice du 6 décembre 1994, au motif que " ses déficiences auditives imputables lui renvoient une image dévalorisée de lui-même qui entraîne une baisse de ses activités psychiques et physiques ". Pour demander la révision de sa pension au titre de l'aggravation de cette infirmité, M. A... se borne, en appel comme en première instance, à produire un certificat d'un masseur-kinésithérapeute du 7 février 2018, ainsi qu'un certificat de son médecin otorhinolaryngologiste du 13 décembre 2017, qui par leur contenu, ne permettent pas d'évaluer l'aggravation de son état à un taux supérieur à celui de 5 % proposé par le médecin psychiatre désigné par l'administration, soit un taux inférieur au taux de 10 % éligible à une révision de pension ainsi qu'il a été dit au point 4. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 en ce qu'elle a rejeté sa demande de révision de pension liée à une aggravation de l'état anxiodépressif dont il souffre. En ce qui concerne l'infirmité liée aux acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite : 6. Pour demander la révision de sa pension au titre de l'aggravation de son infirmité aux acouphènes permanents dont il souffre, M. A... produit des certificats de médecins otorhinolaryngologistes des 13 décembre 2017 et 26 septembre 2019, qui objectivisent une aggravation de cette infirmité, sans en préciser les causes, tandis que le médecin expert de l'administration, dans son avis du 29 octobre 2019, confirmé par celui du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 28 novembre 2019, admet cette aggravation et l'évalue à 10 %, mais émet l'hypothèse de causes extérieures, dont " la presbyacousie et les altérations neuro-vasculaires dans un contexte de dépression psychique ", non sans souligner le lien étroit entre la surdité, les acouphènes et les vertiges dont est atteint l'intéressé. Ainsi, l'instruction ne permet pas à la Cour de déterminer si cette aggravation de l'infirmité pensionnée de M. A... est en lien exclusif avec le service. Il y a donc lieu, avant dire droit, d'ordonner une expertise dans les conditions définies à l'article 2 du dispositif ci-après. D É C I D E : Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement n° 2100090 du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation de son état anxiodépressif sont rejetées. Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. A..., procédé par un expert médical, désigné par la présidente de la Cour dans la spécialité otorhinolaryngologie, à une expertise avec mission de : 1°) se faire communiquer les documents médicaux utiles à sa mission et examiner M. A... ; 2°) déterminer, en se plaçant au jour de l'enregistrement de la demande de révision de l'intéressé, soit le 19 avril 2018, si l'aggravation des " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " est due à des causes étrangères à cette infirmité pensionnée liée à l'accident dont M. A... a été victime le 24 juin 1975, et notamment, le cas échéant, si elle est seulement due au vieillissement ou si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée ; 3°) déterminer, en se plaçant au jour de l'enregistrement de la demande de révision de l'intéressé, soit le 19 avril 2018, le taux d'invalidité correspondant à l'aggravation de l'infirmité liée aux " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " dont il souffre, en référence au guide-barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 4°) de fournir, plus généralement, tous éléments susceptibles d'éclairer la Cour. Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant. Article 4 : L'expertise sera réalisée au contradictoire de M. A... et du ministre des armées. Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance. Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023. 2 No 22MA01201 ot
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 13/07/2023, 20BX01441, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par un arrêt avant dire droit du 22 septembre 2022, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1902693 du 5 mars 2020 qui avait renvoyé M. B... devant l'administration afin qu'elle détermine le taux d'invalidité de son infirmité d'impotence fonctionnelle des mains, et a ordonné une expertise afin de déterminer si la maladie imputable au service était à l'origine d'un taux d'invalidité ouvrant droit à pension. Le rapport d'expertise a été enregistré le 26 décembre 2022. Par des mémoires enregistrés les 19 janvier et 27 février 2023, M. B..., représenté par la SELARL Avocats du Grand Large, demande à la cour, à titre principal de retenir un taux d'incapacité de 50 à 80 %, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise afin de déterminer son taux d'invalidité à la date du 11 décembre 2017. Il soutient que : - le taux d'invalidité de 8 % retenu par l'expert correspond à l'évolution à la date de l'expertise, le 19 décembre 2022, et non à la date du 11 décembre 2017 à laquelle il devait se placer conformément à la mission qui lui avait été confiée ; en outre, l'expert n'indique pas la méthode utilisée pour aboutir à un taux de 8 %, et il ne tire pas les conséquences de ses propres constatations dès lors que la fibromyalgie qu'il décrit se traduit par une extrême sensibilité à la douleur, ce qui ne saurait correspondre à un taux de 8 % ; en conséquence, la cour retiendra le taux supérieur ou égal à 50 % et inférieur à 80 % ayant conduit à lui accorder le statut de travailleur handicapé ; - au cours de l'expertise, l'examen s'est limité à des manipulations douloureuses des poignets et des doigts, que l'expert a poursuivies en affirmant que tout allait bien malgré les douleurs ; aucune fibromyalgie n'a jamais été diagnostiquée, et cette pathologie a été écartée par un courrier du 13 avril 2020 remis à l'expert, lequel n'a pas pris connaissance de la totalité du dossier médical et a prêté des propos erronés à ses confrères ; l'expert s'est montré agressif et insultant à son égard ; ainsi, une nouvelle expertise apparaît nécessaire ; - sa démarche est motivée par la reconnaissance de ses infirmités, sans laquelle la prise en charge de ses soins par le service des pensionnés de la caisse nationale militaire de sécurité sociale prendra fin. Par des mémoires enregistrés les 6 février et 7 avril 2023, le ministre des armées maintient ses conclusions aux fins d'annulation du jugement et de rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal. Il soutient que : - l'expert rappelle que suite au diagnostic de kyste arthrosynovial et de syndrome du canal carpien droit associé à un syndrome du canal carpien gauche, M. B... a subi le 4 juillet 2017 une cure du syndrome du canal carpien gauche, puis le 2 octobre 2017 une exérèse du kyste synovial lunaire et une neurolyse du nerf médian droit, et il retient comme étiologie à la gêne fonctionnelle des deux mains une fibromyalgie, pathologie fonctionnelle indépendante évoluant pour son propre compte ; il précise que l'incapacité fonctionnelle est une sensation d'enraidissement douloureux des deux poignets touchant les chaînes digitales, avec des douleurs mécaniques et neuropathiques, ce qu'il évalue au taux de 8 % au regard du guide-barème des invalidités, soit un taux inférieur au minimum indemnisable de 10 % prévu à l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et au minimum de 30 % pour une maladie prévu à l'article L. 121-5 ; - en tout état de cause, l'infirmité d'impotence fonctionnelle des mains apparaît sans lien avec le service dès lors qu'elle est liée à une fibromyalgie, pathologie chronique dont la physiopathologie n'est pas encore établie selon les conclusions de l'expert ; - l'expert a rempli sa mission, et le moyen tiré de ce qu'il aurait tenu des propos agressifs ou insultants manque en fait. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., maréchal des logis chef affecté à la Musique de la Garde républicaine en qualité de clarinettiste depuis le 4 avril 2005, a présenté le 11 décembre 2017 une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité d'impotence fonctionnelle des mains. Il a contesté la décision de rejet du 1er février 2018 devant le tribunal administratif de Poitiers, lequel, par un jugement du 5 mars 2020, l'a annulée et a renvoyé l'intéressé devant l'administration pour la détermination du taux d'invalidité. M. B..., qui avait bénéficié d'un arrêt de travail depuis le 27 février 2017 puis d'un congé de longue maladie à compter du 18 août 2017, a été reconnu définitivement inapte par le service de santé des armées le 24 juillet 2020. 2. Saisie d'un appel de la ministre des armées, la cour, par un arrêt du 22 septembre 2022, a annulé le jugement pour irrégularité au motif qu'il appartenait au tribunal de se prononcer lui-même sur les droits à pension de l'intéressé, a jugé que l'infirmité d'impotence des mains résultait d'une maladie imputable au service, et a ordonné une expertise aux seules fins d'évaluer le taux d'invalidité correspondant à la date du 11 décembre 2017, au regard du guide barème applicable aux pensions militaires d'invalidité. L'expert a déposé son rapport le 26 décembre 2022. 3. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : / (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / (...). " Aux termes de l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / (...). " Il résulte de ces dernières dispositions que l'évaluation de l'invalidité au titre de laquelle la demande de pension est sollicitée doit être faite à la date de la demande de pension. 4. Le guide barème applicable aux pensions militaires d'invalidité cote les raideurs de l'extension et de la flexion du poignet de 5 à 8 % à droite et de 4 à 6 % à gauche. Il comporte par ailleurs un chapitre consacré aux névralgies, dans lequel il est précisé : " L'appréciation de l'invalidité provoquée par les névralgies est un problème des plus délicats. (...) / d) L'invalidité, momentanée ou persistante, doit être appréciée en fonction à la fois de l'intensité et de l'extension des névralgies, de la gêne fonctionnelle apportée au travail et du retentissement possible sur l'état général. (...). " Les taux d'invalidités sont définis en prenant pour exemple la névralgie sciatique persistante : 10 à 20 % pour une névralgie légère sans trouble grave de la marche, 25 à 40 % pour une intensité moyenne avec une gêne considérable de la marche et du travail, 45 à 60 % pour une névralgie grave rendant le travail et la marche impossibles, nécessitant souvent le séjour au lit, et 40 à 80 % pour une névralgie compliquée de réaction causalgique plus ou moins intense ou de retentissement sur l'état général. 5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que la maladie imputable au service était caractérisée en 2017 par un syndrome bilatéral du canal carpien associé à des kystes synoviaux, le kyste arthrosynovial scapho-lunaire droit, particulièrement douloureux, ayant récidivé après une ponction réalisée le 25 avril 2017. Malgré deux interventions chirurgicales, à gauche le 4 juillet 2017 et à droite le 2 octobre 2017, un déficit sensitivo-moteur des deux mains a persisté, ainsi que des limitations d'amplitudes fonctionnelles essentiellement liées à d'importantes douleurs. L'expert a constaté à l'examen une flexion dorsale des poignets de 50° à droite et 60° à gauche, une flexion palmaire symétrique à 70°, une douleur en amplitude extrême du poignet droit, à l'origine de tremblements d'attitude, une extension des doigts longs complète mais douloureuse, un signe de Tinel en regard de chaque canal carpien, et une force de serrage symétrique d'intensité moyenne. L'infirmité qu'il a retenue est " une sensation d'enraidissement douloureux des deux poignets touchant les chaînes digitales, avec des douleurs à la fois mécaniques et neuropathiques ", dont il a fixé le taux d'invalidité à 8 %, sans aucune explication, alors qu'un tel taux correspond à la cotation de simples raideurs articulaires du poignet droit selon le guide barème. L'expert n'a pas tenu compte de l'impotence fonctionnelle des deux poignets et des deux mains en lien avec la persistance de douleurs particulièrement invalidantes, qu'il a attribuées à une fibromyalgie, " pathologie indépendante évoluant pour son propre compte ", au motif qu'à la date de l'expertise, le tableau clinique et les examens réalisés ne permettaient pas de " trouver une organicité " à des douleurs d'une telle intensité. Toutefois, dans un courrier du 13 avril 2018 qui figurait au dossier médical remis à l'expert, le médecin chef du service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué a écarté l'hypothèse d'une fibromyalgie et expliqué que les influx nociceptifs et neuropathiques s'étaient accumulés du fait du syndrome du canal carpien bilatéral en rapport avec un exercice professionnel musical intensif, que le phénomène douloureux était devenu quotidien et permanent dans les suites opératoires de la seconde intervention, très douloureuse, de décompression du canal carpien droit et de traitement du kyste arthrosynovial, ce qui avait entraîné une altération importante du sommeil et de l'anxiété, et que la chronicité des douleurs était en relation avec une modification de la sensibilité du système nerveux central, en réponse à ce " contexte biopsychosocial (...) devenu délétère à la longue pour ce patient ". Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, les douleurs à l'origine de l'essentiel de l'impotence fonctionnelle sont en lien avec la maladie imputable au service, et doivent être prises en compte pour l'évaluation du taux d'invalidité. 6. Il résulte de l'instruction, notamment du courrier du 13 avril 2018 mentionné au point précédent, qu'à la date de la demande de pension, M. B... présentait des douleurs permanentes aux deux mains et aux deux poignets, avec des paroxysmes " chaque fois qu'il utilise un tant soit peu ses mains ", à type de brûlures et de décharges électriques, s'accompagnant de troubles de la sensibilité subjective (engourdissement, fourmillements) et de la sensibilité objective (altération de la sensation de froid ou de chaleur), ainsi que des troubles vaso-moteurs. Ces douleurs ont rendu la reprise du travail impossible, ainsi qu'il a été dit au point 1, et ont eu un retentissement sur l'état général, avec une altération importante du sommeil et une anxiété. Par suite, il y a lieu de retenir l'infirmité " impotence fonctionnelle douloureuse des deux poignets et des deux mains, avec troubles de la sensibilité et limitation d'amplitude fonctionnelle " au taux de 60 %. 7. Il résulte de ce qui précède que la décision du 1er février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... doit être annulée, et qu'il doit être enjoint au ministre des armées de concéder à M. B... un droit à pension temporaire au taux de 60 % à compter du 11 décembre 2017 pour l'infirmité " impotence fonctionnelle douloureuse des deux poignets et des deux mains, avec troubles de la sensibilité et limitation d'amplitude fonctionnelle ". 8. Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 520 euros par une ordonnance du président de la cour du 5 janvier 2023, doivent être mis à la charge de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : La décision du 1er février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... est annulée. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. B... un droit à pension temporaire au taux de 60 % à compter du 11 décembre 2017 pour l'infirmité " impotence fonctionnelle douloureuse des deux poignets et des deux mains, avec troubles de la sensibilité et limitation d'amplitude fonctionnelle ". Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 520 euros par une ordonnance du président de la cour du 5 janvier 2023, sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. D... B.... Une copie en sera adressée pour information au docteur C..., expert. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX01441
Cours administrative d'appel
Bordeaux