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CAA de LYON, 3ème chambre, 13/09/2023, 21LY01703, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon : 1°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne a refusé de reconnaître les arrêts de travail couvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012 comme imputables au service ; 2°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Yonne de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie déclarée le 6 avril 2007 et des arrêts de travail couvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012, et d'en tirer toutes les conséquences, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-l du code de justice administrative. Par un jugement n° 2001067 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 31 mai 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 16 mai 2022, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Brey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision de refus d'imputabilité du 6 juin 2019, ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise ; 3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Yonne de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer toutes les conséquences, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-l du code de justice administrative. Elle soutient, A titre principal, que : - l'expert missionné par l'administration ayant fondé l'avis de la commission de réforme n'a examiné ses arrêts de travail que sous l'angle de l'accident de service et non sous l'angle de la maladie professionnelle ; - sa maladie est directement imputable à ses conditions de travail et non liée à un état antérieur ; - la décision en litige est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur les dispositions inapplicables de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; A titre subsidiaire, que la commission de réforme était irrégulièrement composée, en l'absence d'un médecin spécialiste. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2021, le département de l'Yonne, représenté par la SCP SEBAN et ASSOCIÉS, agissant par Me Carrere, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés sont infondés. Par ordonnance du 5 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mai 2022. Par une lettre du 21 juin 2023, la cour a informé les parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de la méconnaissance du champ d'application de la loi en raison de l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et de ce que la cour est susceptible de substituer d'office aux dispositions précitées celles de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le code de la sécurité sociale ; - le code général de la fonction publique ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère, - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Hubert-Hugoud pour le département de l'Yonne. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., assistante socio-éducative au sein des services du département de l'Yonne, a exercé ses fonctions jusqu'au 31 mai 2012, date à laquelle elle a été mise en retraite pour invalidité après avoir été placée en congé de longue durée du 6 avril 2007 au 5 avril 2012. Par un courrier du 22 mars 2017, elle a déclaré avoir subi un accident de service. Dans sa séance du 21 novembre 2017, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident et d'une maladie, en considérant qu'il existait un état antérieur non imputable au service. Par une première décision du 4 décembre 2017, le président du conseil départemental de l'Yonne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie. Cette décision a été annulée par un jugement n° 1800893 du 4 décembre 2018, devenu définitif, du tribunal administratif de Dijon, pour défaut de motivation. Après un nouvel avis défavorable de la commission de réforme en date du 14 mai 2019, le président du conseil départemental de l'Yonne a pris une nouvelle décision du 6 juin 2019, refusant de reconnaître comme imputables au service les arrêts de travail couvrant la période du 6 avril 2007 au 5 avril 2012. Mme A... relève appel du jugement du 26 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de réforme en l'absence d'un médecin spécialiste doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges, au point 5 du jugement attaqué. 3. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique. 4. Il s'ensuit que les dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 aux termes desquelles " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) " sont seules applicables au présent litige. 5. En opposant à Mme A... un motif tiré de ce que la pathologie constatée le 19 mai 2006 ne figurait pas sur la liste officielle des maladies professionnelles, le président du conseil départemental a ainsi méconnu le champ d'application de la loi en examinant sa demande sur le fondement des dispositions, inapplicables, de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. 6. Le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer ces dispositions à la base légale retenue par le président du conseil départemental. 7. En troisième lieu, dans son courrier du 22 mars 2017, Mme A... a déclaré avoir subi un accident de service, sans toutefois se prévaloir d'aucun évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service. Ayant fait valoir l'existence d'une pathologie psychiatrique en rapport avec son activité professionnelle, sa demande a également été traitée comme une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie. Si Mme A... soutient que l'expert psychiatre missionné par l'administration pour déterminer si les arrêts de travail qui lui ont été délivrés étaient imputables au service au titre d'un accident de service, n'a pas examiné sa demande sous l'angle de la maladie professionnelle, le rapport de ce médecin du 10 juin 2017, ayant fondé l'avis de la commission de réforme, a bien examiné si les difficultés au travail étaient ou non responsables de l'éclosion et de l'évolution de la maladie bipolaire dont souffre l'intéressée. 8. En quatrième lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 9. Pour soutenir que sa maladie serait directement imputable à ses conditions de travail, Mme A... invoque, sans autre élément, un épuisement professionnel dû à une surcharge de travail, laquelle n'est nullement corroborée par aucune pièce du dossier. Le décès, dans des circonstances tragiques, du beau-fils d'une de ses collègues, invoqué par Mme A..., est par lui-même insusceptible d'établir que sa pathologie présenterait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Il ressort du rapport d'expertise psychiatrique que Mme A... souffre d'une maladie bipolaire, alternant des épisodes dépressifs et des épisodes d'hypomanie, depuis au moins 1994, année au cours de laquelle elle a présenté un épisode dépressif majeur dans un contexte de rupture amoureuse. Elle est suivie depuis plusieurs années par un psychologue. Si l'expert précise que les difficultés au travail ont pu précipiter la rechute et l'accentuation de sa maladie, l'état antérieur aux arrêts de travail du 6 avril 2007 au 5 avril 2012 que présente la requérante et que les attestations de ses proches versées à hauteur d'appel ne suffisent pas à contredire, conduit en l'espèce à détacher l'aggravation de la maladie du service. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au président du conseil départemental de l'Yonne de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer toutes les conséquences, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge du conseil départemental de l'Yonne, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le département de l'Yonne. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Yonne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Yonne. Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01703
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre, 13/09/2023, 21LY00894, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) d'annuler la décision prise par le maire de la commune de Vienne le 12 novembre 2018 rejetant sa réclamation indemnitaire préalable ; 2°) d'ordonner, avant dire droit, la réalisation d'une expertise ; 3°) de condamner la commune de Vienne à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision à faire valoir sur les dommages et intérêts pour les préjudices subis suite à l'accident de service du 3 décembre 2014 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Vienne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1807577 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 25 mars 2021 et un mémoire enregistré le 9 juin 2022, qui n'a pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Ollivier puis par Me Messerly, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 janvier 2021 ; 2°) d'ordonner, avant dire droit, la réalisation d'une expertise ; 3°) de condamner la commune de Vienne à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision à faire valoir sur les dommages et intérêts pour les préjudices subis suite à l'accident de service du 3 décembre 2014 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Vienne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la commune de Vienne a commis une faute, en lui confiant des tâches contraires aux préconisations médicales le concernant, en méconnaissance de son obligation de sécurité ; - en l'absence même de faute, la commune de Vienne est tenue de réparer les préjudices causés par son accident de service, qui ne sont pas réparés par le forfait de pension perçu ; - aucune faute ou imprudence ne lui est imputable ; - ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux ne pouvant être déterminés, la réalisation d'une expertise doit être ordonnée avant dire droit. Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2022, la commune de Vienne, représentée par la SELARL Itinéraires avocats Cadoz Lacroix Rey Verne, agissant par Me Verne, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par ordonnance du 12 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code du travail ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller, - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Messerly, avocate de M. A..., et celles de Me Benyahia, avocate, représentant la commune de Vienne ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique de 1ere classe, employé depuis le 1er octobre 2012 en qualité de responsable de l'équipe funéraire de la commune de Vienne, relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que ladite commune soit condamnée à l'indemniser des préjudices causés par un accident de service survenu le 3 décembre 2014. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardés comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, rendu applicable aux collectivités territoriales par l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (...) ". Le manquement à l'obligation de sécurité et de protection de la santé des agents par l'administration est susceptible de constituer une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. Il résulte de l'instruction, en particulier de ses déclarations d'accident, que, le 3 décembre 2014, M. A... a ressenti une douleur au dos et aux genoux après avoir déplacé une plaque funéraire pendant son service. Si cet évènement a été reconnu comme un accident de service, il est constant que l'intéressé, reconnu travailleur handicapé en raison notamment de rhumatismes chroniques, faisait l'objet de restrictions médicales lui interdisant, en particulier, le port de charges supérieures à 5 kilogrammes, comme indiqué lors de l'examen d'aptitude du 4 octobre 2012 qui a précédé sa prise de fonctions. Le nécessaire respect de ces restrictions lui a été régulièrement rappelé par sa supérieure, en dernier lieu par courriers électroniques des 23 et 24 janvier 2014. M. A... avait ainsi parfaitement connaissance de ces restrictions, sans qu'il n'établisse, notamment par les fiches de poste produites, que la tâche à l'origine de cet accident relevait de ses missions ou lui aurait été imposée par son employeur. Cette tâche ayant été effectuée par l'intéressé de sa propre initiative et en méconnaissance des restrictions dont il faisait l'objet, l'accident qui s'en est suivi n'est pas imputable à une faute commise par la collectivité dans l'organisation ou le fonctionnement du service. Par suite, et quelles que soient les tâches qui ont pu, en d'autres occasions, lui être confiées, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de la commune de Vienne. 5. En second lieu, et ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, la responsabilité sans faute de l'autorité administrative peut être atténuée ou supprimée dans le cas où l'accident est imputable à une faute de la victime. Comme indiqué au paragraphe précédent, la tâche à l'origine de l'accident de service survenu le 3 décembre 2014 a été effectuée par M. A... à sa seule initiative, en méconnaissance de restrictions médicales dont il avait parfaitement connaissance et qui lui avaient été précédemment rappelées. Par suite, la survenance de cet accident a pour seule origine le comportement fautif de M. A..., lequel est de nature à exonérer la commune de Vienne de toute responsabilité. Au surplus, l'intéressé n'apporte aucun élément tendant à établir qu'il aurait subi des préjudices autres que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par cet accident, déjà forfaitairement indemnisés, en se bornant à évoquer des préjudices notamment patrimoniaux sans autres précisions. Par suite, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Vienne. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la réalisation d'une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par la commune de Vienne en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... A..., est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vienne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Vienne. Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY00894
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/09/2023, 21TL23765, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et d'ordonner une expertise médicale sur ses séquelles otologiques. Par un jugement n° 1906408 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX03765, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL23765, et un mémoire enregistré le 31 août 2022, M. A... D..., représenté par Me Petitgirard, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'ordonner une expertise médicale afin d'apprécier ses séquelles otologiques ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - ses infirmités se sont aggravées ; en particulier, ses acouphènes se sont majorés depuis les expertises des docteurs C... et B... et il est établi que ceux-ci peuvent s'aggraver sans nouvelle exposition à un traumatisme sonore ; - il convient de faire droit à sa demande d'expertise afin d'apprécier cette aggravation. Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 avril et 7 octobre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que l'infirmité " acouphènes " ne peut donner lieu à révision de la pension servie à M. D... et que dans l'éventualité où la cour devait accéder à la demande d'expertise, celle-ci devrait être circonscrite à l'examen de l'infirmité " acouphènes " et le taux d'invalidité évalué à la date du 19 mars 2018. Par ordonnance du 7 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2022. Un mémoire présenté pour M. D... a été enregistré le 2 décembre 2022 et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Petitgirard, représentant M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né le 6 décembre 1984, qui s'est engagé dans la marine nationale le 2 novembre 2004, a été victime d'un traumatisme sonore aigu lié à des tirs de canon alors qu'il se trouvait à bord du navire " TCD Foudre " le 30 novembre 2008. Il a été radié des contrôles pour inaptitude physique le 31 janvier 2014 et a sollicité une pension militaire d'invalidité pour acouphènes et hypoacousie bilatérale, en raison de la persistance de ses symptômes auditifs. Une pension militaire d'invalidité au taux de 15% pour acouphènes lui a été octroyée à compter du 14 mars 2014, renouvelée le 14 mars 2017. Le 19 mars 2018, M. D... a demandé la révision de cette pension en raison de l'aggravation de ses acouphènes et de sa perte d'audition. Par une décision du 2 septembre 2019 prise après avis défavorable du médecin-expert, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par jugement du 6 juillet 2021 dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; (...) Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " Selon l'article L. 121-5 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Enfin, l'article L. 154-1 du même code, alors en vigueur, dispose : " le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 3. M. D..., dont l'infirmité résulte des conséquences d'un traumatisme sonore subi en service le 30 novembre 2008, soutient subir une aggravation des acouphènes et de l'hypoacousie justifiant la révision de sa pension d'invalidité. Il résulte toutefois de l'instruction que, selon l'expert qui l'a examiné dans le cadre de sa demande de pension militaire d'invalidité le 12 mai 2014, le requérant reste atteint, d'une part, d'une surdité de perception bilatérale légère sans altération de l'intelligibilité à droite et à gauche, sa perte auditive moyenne étant évaluée à 13,75 décibels à droite et 16,25 décibels à gauche ne justifiant aucune invalidité et, d'autre part, des acouphènes pour un taux d'invalidité à 15%. Le second expert désigné, lequel a remis son rapport le 26 avril 2017, a conclu à une stabilité de l'hypoacousie de M. D..., évaluée à 13,7 décibels à droite et à 10 décibels à gauche, et a maintenu un taux d'invalidité de 15% en raison d'acouphènes permanents évalués à une intensité de 5 décibels pour une fréquence de 6 000 - 8 000 hertz. Contrairement à ce que soutient M. D..., la circonstance que ce dernier expert ait indiqué qu'une prise en charge psychothérapique lui apparaissait nécessaire au motif que " l'acouphène semble être l'expression d'un mal-être " ne révèle par elle-même aucune aggravation de l'infirmité dont il souffre. Si le requérant se prévaut d'une aggravation de ses infirmités, il n'a pas davantage produit devant la cour de pièce médicale susceptible de remettre en cause le caractère non évolutif des séquelles liées à un traumatisme sonore, tel que retenu par le médecin expert lors de son avis défavorable du 16 juillet 2019. Il ressort en outre du rapport d'expertise précité établi en 2017 que les séquelles auditives du requérant sont stabilisées, plus de trois ans après la radiation des contrôles de l'intéressé. Ainsi, en l'absence de toute justification d'une quelconque aggravation de ses séquelles auditives au sens des dispositions prévues à l'article L. 154-1 du code précité, la ministre des armées a pu à bon droit, sans procéder à une nouvelle expertise, rejeter la demande présentée par M. D... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. 4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL23765 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de PARIS, 9ème chambre, 22/09/2023, 22PA00477, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 avril 2019, par laquelle le recteur de l'académie de Paris a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité, à compter du 1er février 2019. Par jugement n° 1912332, 1917036 du 2 décembre 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 1er avril 2022, Mme B..., représentée par la société civile professionnelle (SCP) Gadiou Chevallier, avocats au Conseil d'Etat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1912332, 1917036 du tribunal administratif de Paris en date du 2 décembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision en date du 15 avril 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité, à compter du 1er février 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'une analyse insuffisante des conclusions dont le tribunal était saisi, en violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; - il est entaché de dénaturation des pièces du dossier ; - la commission de réforme a été saisie sur la base d'un dossier dissimulant les pathologies dont elle est atteinte ; - la commission de réforme, dans sa réunion du 7 décembre 2018, était irrégulièrement composée, faute de comporter la présence d'un médecin spécialiste ; - sa pathologie est en rapport avec son accident de service de 2008. Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2022, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'éducation ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Simon, - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., professeure certifiée de lettres classiques, a été placée en congé de longue maladie à compter du 13 mai 2013 jusqu'au 12 mai 2014, puis en congé longue durée à compter du 13 mai 2014 jusqu'au 29 février 2016 en raison d'une affection cancéreuse, périodes pendant lesquelles elle a bénéficié d'un plein traitement. Reconnue travailleur handicapée depuis 2005, Mme B... a repris ses fonctions en mars 2016 au collège Georges Braques dans le 13ème arrondissement de Paris dans le cadre d'un temps-partiel pour raison thérapeutique, avant de reprendre une activité professionnelle à temps plein à compter du 1er juin suivant. Par un arrêté du 15 juin 2016, Mme B... a été affectée au sein du collège Jean Moulin dans le 14ème arrondissement de Paris à compter du 1er septembre 2016. A partir du 1er septembre 2016 et jusqu'au 31 août 2018, Mme B... a de nouveau été placée en congé de longue durée, prolongé le 10 juillet 2018 jusqu'au 12 novembre 2018. Elle demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 15 avril 2019, pris après avis de la commission de réforme du 17 décembre 2018, par lequel le recteur de l'académie de Paris a prononcé son admission à la retraite d'office pour invalidité à compter du 1er février 2019, ainsi que l'annulation dudit arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, Mme B... soutient que le jugement serait irrégulier en tant qu'il aurait analysé de manière insuffisante ses conclusions. Ce moyen n'est toutefois pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. 3. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des décisions en litige. Par suite, Mme B... ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de fait ou de dénaturation des pièces du dossier pour demander l'annulation du jugement entrepris. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel un comité médical ministériel compétent à l'égard des personnels mentionnés au 1er alinéa de l'article 14 ci-après. / Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3ème et 4ème) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. ". Aux termes de l'article 19 de ce même décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / (...) / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. / La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. ". 5. Mme B..., qui soutenait en première instance que ses arrêts de travail étaient dus à une maladie dissimulée par l'administration, consistant en une pathologie anxio-dépressive distincte de sa pathologie cancéreuse, fait valoir qu'elle a été soignée pour un cancer du poumon à compter de mai 2013, pathologie sans rapport avec le service, et que la commission de réforme ne pouvait statuer sans la présence d'un médecin oncologue. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'inaptitude de Mme B... pour tout emploi et l'avis défavorable à un reclassement, dont découle l'arrêté attaqué, ont été retenus par le comité médical lors de sa séance du 6 novembre 2018, au cours de laquelle deux médecins spécialistes ont siégé. La commission de réforme, dont l'avis a constaté l'épuisement du droit à congés de l'intéressée, et l'impossibilité d'un reclassement, et s'est prononcée en faveur d'une mise à la retraite pour invalidité, s'est ainsi approprié l'avis du comité médical mentionné et ne nécessitait ainsi pas, dans les circonstances de l'espèce, la présence d'un médecin oncologue lors de sa séance du 17 décembre 2018. Le moyen tenant à l'irrégularité de procédure doit, ainsi, être écarté. 6. En second lieu, si Mme B... soutient avoir demandé la saisine de la commission de réforme ou du comité médical en lien avec un accident de service survenu en 2008, il ne ressort pas du courrier du 23 juillet 2018, versé au dossier de première instance, adressé aux services du rectorat d'académie, qu'elle aurait demandé que son dossier soit réexaminé en ce sens. Par suite, le moyen soulevé, tiré de ce que la commission de réforme a été saisie sur la base d'un dossier dissimulant les pathologies dont elle est atteinte ne peut qu'être écarté. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Paris la mettant à la retraite d'office pour invalidité totale à compter du 1er février 2019. Ses demandes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie sera adressée au recteur de l'académie de Paris. Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Simon, premier conseiller, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 septembre 2023. Le rapporteur, C. SIMONLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00477
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 28/08/2023, 22DA01826, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Par un jugement n° 1909560 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 août 2022 et régularisée le 23 novembre 2002 et un mémoire enregistré le 10 mai 2023, M. B..., représenté par Me Nicolas Pelletier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension de victime de guerre à compter du 13 juillet 2018 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que les documents qu'il produit démontrent qu'il souffre de séquelles en rapport avec des faits de guerre dont il a été victime en février 1957 à Soufflat en Algérie, des opérations du régiment d'artillerie antiaérienne y étant réalisées à cette date. Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 avril et 8 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2022. Par une ordonnance en date du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Nicolas Pelletier, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., de nationalité française, né le 17 octobre 1949 en Algérie, a sollicité, le 13 juillet 2018, l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie pour une cicatrice au niveau du genou droit, une autre au niveau de la fesse gauche et deux cicatrices au niveau lombaire, en faisant valoir que celles-ci avaient pour origine les blessures qu'il avait subies à la suite de la chute d'un obus en 1957 à Soufflat en Algérie. Par une décision du 2 septembre 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement n° 1909560 du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 124-11 de ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 113-6 relatif à la réparation des dommages physiques subis en relation avec la guerre d'Algérie, ouvrent droit à pension les infirmités ou le décès résultant : / 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L 124-20 de ce code : " Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits prévus aux sections 1 et 2 du présent chapitre ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la personne qui s'estime victime civile de guerre, de faire la preuve, par tout moyen, de ses droits à pension en établissant notamment que les infirmités qu'elle invoque ont leur origine dans une blessure ou une maladie causée par l'un des faits de guerre énoncés aux articles L. 124-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 4. Pour démontrer que les séquelles qu'il présente résultent de blessures causées par la chute d'un obus en 1957 à Soufflat en Algérie alors qu'il était mineur, M. B... produit un certificat de son médecin traitant du 30 mai 2018 faisant état d'une cicatrice de sept centimètres au niveau de la cuisse gauche avec perte de substance, d'une autre cicatrice d'un centimètre de largeur au niveau du genou droit ainsi que deux cicatrices d'un centimètre au niveau lombaire, un scanner de la fesse gauche réalisé le 12 juillet 2018 mettant en évidence un éclat métallique au sein de la diaphyse fémorale proximale gauche juxtacorticale, un protocole opératoire établi le 6 septembre 2022 par un médecin de l'établissement public hospitalier de Sour El Ghozane en Algérie relatif à une opération le concernant réalisée le 8 mars 1957 pour " suture secondaire suite à une plaie par éclat de la région sus-trochantérienne gauche ", laquelle apparaît compatible avec les séquelles qu'il a conservées, deux attestations de témoins rédigées les 6 juillet 2018 et 5 février 2019 confirmant sa blessure lors d'un bombardement en 1957 alors qu'il jouait à l'extérieur de la maison et un courrier du conservateur en chef du patrimoine du centre historique des archives du service historique de la Défense du 15 novembre 2022 faisant état d'opérations militaires effectuées par le premier groupe du 410ème régiment d'artillerie antiaérienne à Soufflat en février 1957. Dans ces conditions, compte tenu du faisceau d'indices concordant apporté par M. B..., celui-ci doit être regardé comme établissant que les séquelles qu'il présente ont pour origine une blessure causée par l'un des faits énoncés aux articles L. 124-11 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 5.Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées lui refusant le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Lille et l'annulation de la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 6. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre des armées de statuer à nouveau sur la demande de pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie de M. B... afin de déterminer le taux d'invalidité résultant des infirmités présentées par l'intéressé, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt. Sur les frais liés à l'instance : 7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pelletier de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1909560 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Lille et la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie de M. B..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Pelletier en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre des armées et à Me Nicolas Pelletier. Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2023. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01826
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de TOULOUSE, , 28/08/2023, 23TL00447, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre de provision, une somme de 49 550 euros en réparation des préjudices résultant de son accident de travail du 7 mars 2019 reconnu imputable au service, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n°2300340 du 20 février 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme C... une provision de 5 000 euros ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 février 2023 et le 13 avril 2023, Mme A... C..., représenté par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 20 février 2023 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 49 550 euros à titre de provision ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à ne verser que la somme de 5 000 euros à titre de provision ; le simple fait qu'il existe une procédure au fond ne saurait justifier la faiblesse du montant accordé ; - la créance n'est pas sérieusement contestable dès lors que, victime le 7 mars 2019 d'un accident de service, son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 5% pour les séquelles psychologiques et à 10% pour chacune des séquelles physiques par la commission départementale de réforme ; - eu égard à son âge au moment de la fixation du taux d'IPP, elle est en droit de demander la somme de 49 550 euros en application du barème Mornet. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que l'ordonnance doit être confirmée et que les moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 3 mai 2023, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 24 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., surveillante pénitentiaire en fonction à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) a été victime, le 7 mars 2019, d'un accident qui a été reconnu imputable au service par une décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse, le 13 janvier 2020. Par un courrier du 15 novembre 2022, l'intéressée a formé auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, une réclamation préalable indemnitaire restée sans réponse. Mme C... a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre de provision, une somme de 49 550 euros en réparation des préjudices résultant de son accident de travail du 7 mars 2019 reconnu imputable au service, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme C... relève appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 20 février 2023 en tant qu'elle s'est bornée à condamner l'Etat à lui verser une provision de 5 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Sur la demande de provision : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. 3. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait. En ce qui concerne l'obligation non sérieusement contestable : 4. Il résulte des expertises médicales menées par le docteur D... le 15 janvier 2020 et par le docteur B... le 17 mai 2021 que Mme C..., dont l'état a été consolidé au 8 avril 2021, reste atteinte d'une pathologie lombaire, d'une blessure à l'épaule gauche et d'un état de stress post-traumatique du fait de son accident de service du 7 mars 2019, conduisant les médecins experts à fixer un taux d'incapacité permanente partielle de 10% pour chacune des séquelles physiques et de 5% pour les séquelles psychologiques. Ce taux a été entériné par la commission départementale de réforme dans un avis émis le 24 février 2022. Dans ces conditions, le taux de déficit fonctionnel permanent relatif aux séquelles directes et certaines de l'accident de service du 7 mars 2019 dont Mme C... reste atteinte postérieurement à la date de consolidation, évalué à 10% pour chacune des séquelles physiques et à 5% pour les séquelles psychologiques par les médecins experts et qui possède un caractère non sérieusement contestable, est susceptible de faire l'objet d'une provision. En ce qui concerne le montant de la provision : 5. Eu égard à la situation de la requérante, âgée de 39 ans à la date de la consolidation, de son état de santé, au taux d'incapacité fixé à 10% pour chacune des séquelles physiques et à 5% pour les séquelles psychologiques par les médecins experts, et au caractère simplement indicatif du barème Mornet, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant sa réparation à hauteur de 34 073euros. Il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser une provision de ce montant. 6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 34 073euros le montant de la provision mise à la charge de l'Etat et de réformer en ce sens l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier. Sur les frais liés à l'instance : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. ORDONNE : Article 1er : La somme de 5 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme C... par l'ordonnance n°2300340 du 20 février 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est portée à 34 073 euros. Article 2 : L'ordonnance n°2300340 du 20 février 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est réformée en ce qu'elle est contraire à la présente ordonnance. Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Fait à Toulouse, le 28 août 2023. La juge d'appel des référés, A. Geslan-Demaret La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 2 N°23TL00447
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/07/2023, 22DA00147, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 229 181,95 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'agissements d'un médecin militaire dont elle a été victime alors qu'elle était engagée volontaire dans l'armée de terre et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme de 54 986,99 euros, sous déduction de la provision d'un montant de 3 250 euros qui lui avait été accordée par le juge des référés de ce tribunal, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 janvier 2022 et le 23 juin 2022, le ministre des armées demande à la cour de réformer le jugement attaqué en jugeant qu'en matière d'indemnisation des accidents de service, la faute personnelle d'un agent non dépourvue de tout lien avec le service ne peut pas engager la responsabilité de l'Etat employeur et que seule une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ouvre droit à une réparation intégrale, en réduisant à de plus justes proportions les montants alloués à Mme A... au titre de l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, et en ne lui allouant aucune indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs ou, à tout le moins, en ne lui allouant pas d'indemnité au-delà de la date du terme de son contrat. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à raison d'une faute personnelle, non dépourvue de tout lien avec le service, commise par l'un de ses agents, alors que seule une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service était susceptible d'ouvrir au profit de Mme A..., sur le terrain de la responsabilité pour faute, un droit à une indemnité complémentaire de la pension d'invalidité qui lui a été octroyée ; - l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... ne pouvait excéder la somme de 1 550 euros ; - il n'existe aucune perte de gain professionnelle postérieure à la consolidation en lien direct avec les faits dont Mme A... a été victime ; - en tout état de cause, Mme A... ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels subie au-delà du terme de son contrat d'engagement, fixé au 4 mai 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, Mme A..., représentée par Me Laurent Guilmain, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés. La procédure a été communiquée à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2022 à 12 h 00. Les parties ont été informées, par courrier du 20 juin 2023, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de ce que, le tribunal administratif de Lille, n'ayant pas statué sur la dévolution des frais d'expertise, a méconnu la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit d'épuiser son pouvoir juridictionnel, de sorte qu'il y a lieu pour la cour d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise. Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrées le 23 juin 2023, ont été présentées par Mme A..., qui acquiesce à ce moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Guilmain représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., engagée volontaire dans l'armée de terre depuis le 4 mai 2004, a atteint le grade caporal-chef et a été mutée, le 1er août 2010, au C... en qualité de secrétaire. Elle a bénéficié d'arrêts de travail répétés prescrits par des médecins civils entre le 27 avril 2012 et le 26 février 2013. Par un arrêté du 10 juin 2013, le ministre de la défense a placé Mme A... en congé de longue durée pour une première période de six mois à compter du 27 février 2013, renouvelée à deux reprises jusqu'au 26 mai 2014, en précisant que l'affection justifiant ce congé n'était " pas survenue à l'occasion ou du fait de ses fonctions ". Par un arrêté du 13 mai 2014, le ministre de la défense a rayé Mme A... des contrôles de l'armée pour inaptitude physique définitive, et l'a admise à faire valoir ses droits à pension de retraite. Acceptant, par un arrêté du 6 novembre 2017, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme A..., le ministre de la défense lui a accordé une pension militaire d'invalidité. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser, notamment, une indemnité complémentaire de cette pension militaire d'invalidité, en réparation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle qu'elle estime avoir subis du fait de cet accident de service, constitué par des agissements commis à son encontre, au cours des mois d'août 2012 à avril 2013, par M. ..., médecin militaire, lors de visites médicales de contrôle auxquelles elle a dû se soumettre, et selon elle à l'origine de la dégradation de son état de santé. 2. Par un jugement du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille, faisant partiellement droit à la demande de Mme A..., a condamné l'Etat à lui verser, sous déduction de la provision de 3 250 euros accordée par une ordonnance du 27 août 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Lille, une indemnité totale de 54 986,99 euros, comportant, d'une part, une somme de 2 000 euros au titre des souffrances morales, non réparées par la pension militaire d'invalidité, et d'autre part, une somme totale de 52 986,99 euros au titre d'un complément d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle, que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. Le ministre des armées relève appel de ce jugement en ce qui concerne ces seuls postes de préjudice. A cet égard, il conteste le principe même de l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la faute. Il conteste également le caractère indemnisable et l'évaluation par les premiers juges de certains de ces préjudices. Il doit ainsi être regardé comme demandant, à titre principal, l'annulation et, à titre subsidiaire, la réformation du jugement attaqué en tant que le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... un complément d'indemnisation des préjudices réparés par la pension militaire d'invalidité et en a fixé le montant à la somme de 52 986,99 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a omis de statuer sur la charge définitive des frais de l'expertise ordonnée en référé par le président du même tribunal. Le tribunal a, ainsi, méconnu la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit d'épuiser son pouvoir juridictionnel, de sorte qu'il y a lieu pour la cour d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer immédiatement sur la charge des frais d'expertise. 4. Il y a lieu, en revanche, de statuer dans le cadre et dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel formé par le ministre sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille. Sur la responsabilité pour faute de l'Etat : 5. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dont les dispositions ont été reprises depuis le 1er janvier 2017 à l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / (...) / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / (...) ". 6. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, reprises depuis le 1er janvier 2017 à l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales. 7. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, ces dispositions ne font notamment pas obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 8. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 9. En l'espèce, par un jugement du 24 février 2016 du tribunal correctionnel de Lille, dont il n'est pas contesté qu'il est devenu définitif sur ce point, M. ..., médecin militaire, officier supérieur, a été reconnu coupable d'attouchements sexuels commis par surprise au cours d'examens médicaux réalisés dans l'exercice de ses fonctions sur quatre plaignantes, dont Mme A.... Eu égard à l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constations de faits par le juge pénal, la matérialité des agissements dont Mme A... a été la victime est établie, et n'est d'ailleurs pas contestée par le ministre des armées. La faute ainsi commise, en raison de sa gravité, présente le caractère d'une faute personnelle détachable du service. Une telle faute n'ouvre pas, par elle-même, au profit de Mme A..., un droit au versement d'une indemnité complémentaire de la pension militaire d'invalidité au titre des préjudices que cette pension a pour objet de réparer. 10. Il résulte, toutefois, de l'instruction, en particulier des éléments recueillis par les services de la gendarmerie nationale en juillet 2013, dans le cadre d'une enquête préliminaire, que les agissements répétés de M. ... à l'encontre de plusieurs militaires étaient connus de sa hiérarchie dès l'année 2008, alors qu'il était en poste au centre médical de .... Son supérieur hiérarchique s'était alors borné à le recevoir en entretien pour une mise en garde et à préconiser la présence d'un personnel féminin lorsqu'il recevrait des femmes en consultation. Il ne résulte pas de l'instruction que la mise en œuvre de cette mesure ait été contrôlée, ni poursuivie après la mutation de M. ... à ..., un an après son affectation à .... S'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre de M. ... pour des faits de même nature, ce dernier a été suspendu de ses fonctions en février 2013, cette mesure n'est intervenue que près de cinq ans après que l'administration eut connaissance de ses agissements et postérieurement à ceux dont Mme A... a été victime. Au surplus, le jugement du 24 février 2016, mentionné au point précédent, relève que l'administration " n'a pas tiré toutes les conséquences des informations dont elle disposait ". Compte tenu de la nature, du caractère répété et de la gravité des agissements de M. ..., les mesures prises par l'autorité militaire en vue de prévenir leur réitération ont présenté un caractère insuffisant, constitutif d'une faute commise dans l'organisation et le fonctionnement du service. Cette faute ayant rendu possible les agissements dont M. ... s'est rendu coupable envers Mme A..., reconnus comme accident de service, celle-ci est fondée à demander à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité complémentaire de la pension miliaire d'invalidité qui lui a été allouée au titre des préjudices que cette pension vise à réparer, si elle n'en assure pas la réparation intégrale. Sur les préjudices dont la pension militaire d'invalidité a pour objet d'assurer la réparation : 11. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant au versement d'une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total de ces préjudices, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. En ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs : 12. Par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que Mme A... était en droit de se prévaloir d'une perte de gains professionnels, depuis la consolidation de son état de santé et jusqu'à la date théorique de son départ à la retraite, pour des montants respectifs de 31 763,88 euros, évalués à la date du jugement, et de 111 969, 85 euros pour la période postérieure à celui-ci. 13. En premier lieu, le ministre des armées soutient que, postérieurement à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 avril 2014, Mme A... n'a subi aucune perte de gains professionnels en lien direct avec les agressions dont elle a été victime à partir du mois d'août 2012. Il fait valoir que, dans les conclusions de son rapport, l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Lille a relevé l'existence d'un état antérieur et qualifié de retour à cet état antérieur la situation médicale de l'intéressée au moment de la consolidation de son état. 14. Dans son rapport, l'expert a identifié l'existence chez Mme A... de troubles anxio-dépressifs, documentés dès l'année 2005, à l'issue de son retour d'une mission au Sénégal et qui ont justifié la prescription de traitements médicamenteux ainsi que des arrêts de travail depuis l'année 2009. L'état de santé de Mme A... antérieur aux agressions dont elle a été victime à partir du mois d'août 2012 est décrit par l'expert comme une " souffrance existentielle, répétée, sans réelle restriction de la capacité relationnelle ou rétrécissement de la liberté existentielle, qui a autorisé le maintien d'une relation à un juste degré d'adéquation des relations à autrui et aux situations, la projection dans l'avenir, la possibilité de contrôler ses actes et ses affects, bien qu'émaillée d'arrêts de travail, de proposition de traitement psychotrope anxio-sédatif et de suivi spécialisé ". L'expert a estimé que ces troubles entraînaient un déficit fonctionnel permanent de 15 %. L'expert a, par ailleurs, relevé que les agressions subies par Mme A... étaient directement à l'origine de l'apparition d'un syndrome de stress post- traumatique, caractérisé par " un trépied pathognomonique qui associe reviviscences, conduites d'évitement et hyperactivation neurovégétative ", dont il a constaté la persistance au cours de l'examen clinique réalisé le 21 juin 2017, plus de trois ans après la date de consolidation fixée au 21 avril 2014. Pour estimer que la consolidation, comprise comme la date à laquelle l'état de Mme A... peut être considéré stabilisé sans amélioration, ni aggravation prévisible, devait être considérée comme acquise à cette date, l'expert s'est fondé sur les conclusions d'un médecin psychiatre des hôpitaux des armées qui, à l'issue d'un examen réalisé le 21 janvier 2014, lors du renouvellement du congé de longue durée dont bénéficiait alors l'intéressée, avait relevé une " stabilisation de l'humeur qui permet un arrêt du traitement antidépresseur " et " une fragilité en particulier anxieuse qui incite à prolonger de trois mois l'arrêt maladie pour consolider l'amélioration ". A l'issue de l'examen clinique du 21 juin 2017, l'expert a précisé que l'ensemble des manifestations du syndrome de stress post-traumatique entraînaient une détresse cliniquement significative et une altération du fonctionnement professionnel et social et estimé que Mme A... subissait un déficit fonctionnel permanent total de 40 %, dont 25 % étaient imputables au syndrome de stress post-traumatique après déduction de la fraction de 15 % en lien avec son état antérieur. Enfin, en dehors du passage des conclusions du rapport d'expertise relatives à la date de consolidation, l'expert ne mentionne à aucun moment dans son rapport que celle-ci s'était manifestée par un retour à l'état antérieur, ce qui serait en contradiction avec l'ensemble des éléments analysés ci-dessus. 15. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'état de santé de Mme A..., rayée des contrôles de l'armée pour invalidité définitive par un arrêté du 13 mai 2014, après une période de congé de longue durée à demi-solde, ne permet pas d'exclure par principe que celle-ci ait subi une perte de revenus postérieure à cette consolidation et en lien direct avec les agressions dont elle a été victime. 16. Toutefois, il résulte également de la fiche de synthèse du dossier de Mme A... produite par le ministre, et il n'est pas contesté par l'intéressée, que son contrat d'engagement prenait fin le 3 mai 2015. Il ne résulte pas de l'instruction, en l'état du dossier, compte tenu notamment de l'apparition de troubles antérieurs à l'accident de service et de leur impact sur l'accomplissement de celui-ci, que Mme A... ait été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le renouvellement de son engagement au-delà de son terme, ni de poursuivre ensuite sa carrière jusqu'à l'âge théorique de son admission à la retraite. Mme A... n'est donc en droit de prétendre à l'indemnisation de la perte de gains professionnels postérieurs à la consolidation que pour la période du 21 avril 2014 au 3 mai 2015. 17. S'agissant de l'évaluation de ce poste de préjudice, Mme A... a déclaré au titre de ses revenus imposables, dans la catégorie des " salaires et assimilés ", la somme de 10 320 euros. Elle avait perçu une solde de 1 323 euros au titre du mois de janvier 2014, de 754,54 euros au titre de février 2014, de 754,13 euros au titre de mars 2014 et de 752,89 euros au titre du mois d'avril 2014, dont les deux tiers doivent être regardés comme se rapportant à la fraction de ce mois antérieur à la date de consolidation, fixée au 21 avril 2014. Elle a donc perçu des revenus de cette nature de 6 986,34 euros durant les huit mois et un tiers correspondant à la fraction de l'année 2014 postérieure à la consolidation. Pour l'année 2015, Mme A... a déclaré dans la même catégorie de revenus la somme de 4 052 euros, dont le tiers, soit 1 013 euros doit être regardé comme se rapportant aux revenus perçus durant la période antérieure au 3 mai 2015, date du terme de son contrat d'engagement. Ainsi, durant la période de douze mois et un tiers comprise entre la date de consolidation et celle de la fin théorique du contrat d'engagement, Mme A... a perçu des salaires ou assimilés d'un montant total de 7 999,34 euros. En tenant compte d'une solde moyenne de référence de 1 487 euros, correspondant à la moyenne mensuelle perçue durant chacune des deux années précédant les agressions, Mme A... aurait dû percevoir durant cette même période la somme de 18 334,71 euros, soit une perte de gains professionnels postérieure à la consolidation indemnisable de 10 335,37 euros. En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire : 18. Le ministre des armées conteste l'évaluation par les premiers juges à la somme de 6 198 euros du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... et qui, selon lui, doit être évalué à 1 550 euros. L'expert a estimé que, du fait du syndrome de stress post-traumatique résultant des agressions dont elle avait été victime à partir du mois d'août 2012, Mme A... a subi une gêne temporaire " de classe 2 " jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 avril 2014. Compte tenu des symptômes décrits par l'expert avant la stabilisation de l'humeur de l'intéressée ayant permis de regarder son état comme consolidé, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, sur la base d'un déficit fonctionnel temporaire de 30 %, à 2 500 euros. En ce qui concerne le montant total des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer et du droit de Mme A... à recevoir indemnisation complémentaire : 19. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux trois points précédents que la perte de gains professionnels futurs, postérieure à la consolidation et le déficit fonctionnel temporaire, en lien direct avec l'accident de service et dont Mme A... est fondée à se prévaloir, doivent être évalués aux sommes respectives de 10 335,37 euros et de 2 500 euros. Le ministre des armées ne conteste, par ailleurs, ni le caractère indemnisable de la perte de gains professionnels actuels (avant consolidation), du déficit fonctionnel permanent (après consolidation) et de l'incidence professionnelle au titre desquels le tribunal administratif de Lille a accordé à Mme A... une indemnisation complémentaire, ni leur évaluation par les premiers juges aux sommes respectives de 6 469,90 euros, 50 000 euros et 20 000 euros. Ainsi, le montant total des préjudices subis par Mme A... et que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer s'élève à la somme de 89 305,27 euros. 20. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme A... a bénéficié d'arrérages de pension militaire d'invalidité à hauteur de 15 856,03 euros servis entre le 17 octobre 2015 et le 28 août 2021 et bénéficie au même titre d'un capital représentatif de 157 558,61 euros, soit un montant total de 173 414,64 euros, supérieur à la somme de 89 305,27 euros déterminée au point précédent. 21. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que Mme A... n'est en droit de prétendre à aucune indemnisation complémentaire des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. 22. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 52 986,99 euros au titre d'un complément d'indemnisation des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. L'annulation, dans cette mesure, du jugement attaqué, ne remet pas en cause le jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme A..., sous déduction de la provision de 3 250 euros mise à la charge de l'Etat par l'ordonnance de du 27 août 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Lille, une somme de 2 000 euros en réparation de ses souffrances morales, que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer, et qui n'est pas contestée en appel par le ministre des armées. Sur les dépens de l'instance devant le tribunal administratif de Lille, constitués par les frais d'expertise : 23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagée entre les parties (...) ". 24. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, dont la condamnation au paiement à Mme A... d'une indemnité de 2 000 euros au titre des souffrances morales éprouvées par cette dernière n'est pas remise en cause devant la cour, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 378 euros TTC par une ordonnance du 23 octobre 2017 du président du tribunal administratif de Lille. Sur les frais liés au litige d'appel : 25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais non compris dans les dépens, exposés par Mme A... devant la cour, soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme A... la somme de 52 986,99 euros au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. La demande présentée par Mme A... en première instance est rejetée en ce qu'elle tend à l'indemnisation de ces mêmes préjudices. Article 2 : Le jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il omet de se prononcer sur la charge des frais d'expertise. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 378 euros TTC par une ordonnance du 23 octobre 2017 du président du tribunal administratif de Lille sont mis à la charge de l'Etat. Article 3 : Les conclusions présentées devant la cour par Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, A.S. Villette 2 N°22DA00147
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 18/07/2023, 21TL03691, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2019 de la ministre des armées en tant que celle-ci a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités pensionnées n° 2 et 3, de lui allouer le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif aux taux de 30 % pour les infirmités pensionnées contestées et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903747 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a fixé à 20% le taux d'invalidité de la pension concédée à M. C... A... au titre de chacune des infirmités n° 2 " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et n° 3 " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ", a réformé l'arrêté du 25 mars 2019 de la ministre des armées en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 27 août 2021 sous le n° 21MA03691 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03691, la ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 8 juillet 2021 en ce qu'il a accordé à M. C... A... un taux d'invalidité de 20% au titre des " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et un même taux d'invalidité au titre des " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ", à compter du 27 juillet 2018 ; 2°) de limiter le taux d'invalidité de M. C... A... au titre de chacune de ces infirmités au taux de 10%, à compter du 27 juillet 2018 ; 3°) de confirmer la décision du 25 mars 2019. Elle soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation en reconnaissant à M. C... A... un taux d'invalidité de 20% pour chacune des deux infirmités : il a privilégié les conclusions d'une expertise réalisée postérieurement à la date du renouvellement des infirmités ; les experts n'ont pas analysé les déficits fonctionnels dont reste atteint M. C... A..., confrontés à ceux de l'expertise antérieure de 2016, et ne rapportent pas d'éléments objectifs de la gêne fonctionnelle, aggravés depuis l'expertise de 2016 ; le rapport expertal fait état de préjudices tels que les souffrances physiques, d'ordre psychologique et d'ordre sexuel qui ne peuvent être réparés par l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent caractérisant la pension militaire d'invalidité ; - le taux d'invalidité de 10% est médicalement et légalement justifié au regard de l'expertise règlementaire pratiquée par le docteur E.... La procédure a été communiquée à M. C... A..., qui a été mis en demeure de présenter des observations le 14 juin 2022. Par ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., né le 10 avril 1979, qui s'est engagé dans la Légion étrangère le 30 septembre 2009 où il a servi par contrats successifs avec le grade de caporal, a été victime d'une explosion de mine le 24 juillet 2015, alors qu'il circulait à bord d'un véhicule de l'avant-blindé dans le cadre d'une opération extérieure au Mali. Il a été titulaire d'une pension militaire d'invalidité temporaire concédée par arrêté du 13 février 2017 au taux de 20% prenant effet du 27 juillet 2015 au 26 juillet 2018, au titre de " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et de " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ". Le 7 mars 2017, M. C... A... a sollicité le bénéfice d'une pension au titre d'une infirmité nouvelle pour état post-traumatique. Le 3 avril 2018, il a sollicité le renouvellement de ses infirmités pensionnées. Par un arrêté du 25 mars 2019, la ministre des armées a consolidé sa pension en la portant au taux global de 60% compte-tenu de l'infirmité nouvelle évaluée au taux de 40% et en confirmant le taux de 10% pour chacune des deux infirmités n° 2 et 3. M. C... A... a demandé au tribunal régional des pensions militaires de Nîmes d'annuler cette décision, en tant qu'elle maintient à 10% le taux d'invalidité de chacune des infirmités n° 2 et 3. Cette demande a été transmise au tribunal administratif de Nîmes en application du décret du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité. Par un jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a réformé l'arrêté du 25 mars 2019 du ministre des armées en tant qu'il refuse de prendre en compte l'aggravation des infirmités n°2 et 3 de M. C... A..., et fixé à 20% le taux d'invalidité de chacune de ces infirmités. La ministre des armées demande d'annuler ce jugement en limitant le taux d'invalidité de M. C... A... au titre de ces infirmités à 10%. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle (...). " Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ou, lorsque la pension est attribuée par présomption, le droit de l'intéressé à cette présomption. / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ". Aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " La pension a un caractère définitif lorsque l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. A défaut, la pension est concédée pour trois ans et peut être convertie en pension définitive dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / En cas de pluralité d'infirmités dont l'une ouvre droit à pension temporaire, la pension indemnisant l'ensemble des infirmités est attribuée à titre temporaire, sans préjudice du caractère définitif qui peut être reconnu à une ou plusieurs infirmités. (...) ". Aux termes de l'article L. 125-3 du même code : " Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5. / (...) L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité (...) ". Aux termes de l'article L. 125-5 du même code : " Lorsqu'il s'agit d'amputations ou d'exérèses d'organe, les pourcentages d'invalidité figurant aux barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 sont impératifs. / Dans les autres cas, ils ne sont qu'indicatifs ". Il résulte du guide-barème des invalidités applicable au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qu'au titre des infirmités du tarse et du rachis, les taux d'invalidité sont les suivants : " (...) a. Fracture du calcanéum : 5 à 30 % (...) Raideurs articulaires : a. Avec angle de mobilité favorable, le pied conservant des mouvements qui oscillent de 15° autour de l'angle droit : 0 à 10 % ; b. Avec angle de mobilité défavorable (pied talus ou équin) : 10 à 30 % ; (...) Colonne vertébrale. 1. Lésions traumatiques (...) Fractures (...) : 10 à 30 % ". 4. Il résulte de l'instruction que, selon le rapport de l'expert médical spécialisé en rhumatologie, rendu le 29 novembre 2016, M. C... A... qui a été victime de différentes fractures lors de l'accident de service du 24 juillet 2015, reste notamment atteint de séquelles d'une fracture du calcanéum droit et d'une fracture tassement postéro-latérale C5 sur C6. Alors que l'intéressé se déplaçait avec un fauteuil roulant ou avec l'aide de deux cannes anglaises pour une autre pathologie et portait deux orthèses jambo-pédieuses, l'expert a estimé que chacune des deux infirmités justifiait un taux d'invalidité de 10%. Dans le cadre du renouvellement de la pension temporaire qui avait été concédée à M. C... A... au titre de ces deux infirmités, l'expert désigné a estimé, dans son rapport rendu le 28 septembre 2018, que les séquelles de fracture du calcanéum droit étaient inchangées depuis la précédente expertise, avec la persistance d'une raideur douloureuse de la cheville et de l'articulation sous-talienne entraînant une boiterie, et a relevé la persistance de cervicalgies avec limitation des mouvements de rotation et de flexion du rachis cervical. Au regard de ces constatations, l'expert a estimé que le taux d'invalidité de chacune de ces infirmités était inchangé, au taux de 10%. Pour remettre en cause le taux d'invalidité retenu dans la décision contestée du 25 mars 2019, M. C... A... a produit devant le tribunal un certificat médical établi le 14 août 2019 par le docteur ..., qui déclare suivre régulièrement l'intéressé pour des douleurs chroniques évoluant depuis 2015, et indique qu'il garde des séquelles à type de douleurs chroniques rachidiennes et des calcanéums et a bénéficié à plusieurs reprises de perfusions de kétamine à visée antalgique depuis octobre 2016, avec un bénéfice net sur les douleurs rachidiennes et des deux talons. Ce certificat médical ne fait ainsi état d'aucun élément permettant de remettre en cause les taux d'invalidité tels que retenus par l'expert. M. C... A... a ensuite produit une expertise rendue le 19 octobre 2019 à sa demande par le docteur ..., qui indique ne pas souscrire aux conclusions de l'expert et retient un taux d'invalidité de 25% au titre des séquelles au niveau de la fracture du calcanéum et de 20% au titre de celles au niveau du rachis. Toutefois, alors que ce rapport indique examiner l'état actuel du patient, sans préciser se placer à la date de la demande de renouvellement de la pension militaire d'invalidité de celui-ci, soit le 3 avril 2018, il résulte de l'instruction que les constatations opérées sont identiques à celles de l'expert ... en ce qui concerne l'examen tant du rachis cervical que de la flexion des chevilles. Ainsi, le docteur B... relève que le rachis cervical montre un rachis limité dans la flexion avec une distance menton-sternum de 7 centimètres, que l'inclinaison latérale droite et gauche est de 30° et que la rotation droite et gauche est de 60°. S'agissant des calcanéums, l'examen des membres inférieurs et des chevilles révèle une flexion dorsale de 5° à droite, identique lors des précédentes expertises, et une flexion plantaire de 40° à droite, mesurée à 45° lors des précédentes expertises. Pour retenir des taux d'invalidité de 20 et 25% respectivement, le docteur B... indique avoir pris en considération les comptes-rendus du docteur D..., la prise en charge de l'intéressé par le centre anti-douleur et les très nombreuses perfusions de kétamine dont il a bénéficié, ainsi que la prise en charge psychologique et les différents éléments de l'examen clinique. Toutefois, alors que les experts désignés par l'administration relevaient déjà les douleurs du rachis cervical, l'examen clinique effectué par le docteur B... ne révèle aucune modification de l'état de M. C... A... s'agissant des deux infirmités n° 2 et 3. En outre, l'expertise réalisée le 25 février 2019 dans le cadre de l'indemnisation de l'accident de service dont a été victime l'intéressé, fait état d'un déficit fonctionnel permanent dont il reste atteint en lien direct avec l'accident au taux de 23%, lequel inclut un syndrome post traumatique persistant modéré compliqué d'un syndrome dépressif, qui a par ailleurs donné lieu à une pension d'invalidité au taux de 40%, ainsi que des séquelles du 5ème doigt de la main droite. Dans ces conditions, en fixant à 10% le taux de chacune des invalidités n° 2 et 3, le ministre des armées n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit ou d'appréciation au regard du guide barème des invalidités. 5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur l'aggravation des séquelles des lésions du calcanéum droit et du rachis cervical inférieur de M. C... A... pour réformer la décision du 25 mars 2019 de la ministre des armées. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... A... devant le tribunal administratif de Nîmes. Sur les autres moyens soulevés en première instance : 7. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 8. En premier lieu, la décision du 25 mars 2019 a été signée par Mme ..., attachée principale d'administration de l'Etat, adjointe au chef du bureau des invalidités, des réversions et du contentieux au sein de la sous-direction des pensions du service de l'accompagnement professionnel et des pensions, qui a reçu, par décision du 8 février 2019 de la directrice des ressources humaines du ministère de la défense, publiée au Journal officiel de la République française du 10 février 2019, délégation à l'effet de signer au nom de la ministre des armées, notamment les actes relatifs aux invalidités. Le directeur des ressources humaines du ministère des armées avait lui-même compétence pour déléguer ainsi sa signature, en application de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, qui est d'ordre public, doit dès lors être écarté. 9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 3 octobre 2019, qui se borne à contester le bien-fondé de la décision du 25 mars 2019, est dépourvue de tout moyen de forme ou de procédure. Dès lors, la ministre des armées est fondée à soutenir que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et des vices de procédure dont serait entachée la décision du 25 mars 2019 en raison, d'une part, de l'irrégularité de l'avis de la commission consultative médicale du 19 janvier 2019 visé dans la fiche descriptive des infirmités et, d'autre part, de la nullité partielle de ladite fiche descriptive des infirmités résultant de la nullité de l'expertise du fait de la qualité de l'expert, qui ont été soulevés dans le mémoire complémentaire enregistré le 5 mars 2020, sont irrecevables. 10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 8 juillet 2021 le tribunal administratif de Nîmes a réformé sa décision du 25 mars 2019 en tant qu'elle a fixé un taux d'invalidité de 10% pour chacune des infirmités n°2 et 3. Par suite, ce jugement n° 1903747 doit être annulé en tant qu'il a attribué un taux d'invalidité de 20% au titre de chacune des infirmités n° 2 et 3. M. C... A... n'étant pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2019, ses conclusions tendant à enjoindre à l'Etat de lui allouer le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif aux taux de 30 % pour les infirmités n°2 et 3 doivent dès lors être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903747 du tribunal administratif de Nîmes en date du 8 juillet 2021 est annulé en tant qu'il a attribué à M. C... A... un taux d'invalidité de 20% au titre de chacune des infirmités n° 2 " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et n° 3 " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ". Article 2 : La demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL03691 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 18/07/2023, 21TL03501, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a fixé au 30 novembre 2018 la date de consolidation de son accident imputable au service survenu le 6 décembre 2016 et a évalué son taux d'incapacité permanente partielle à 10 %, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 4 février 2019, d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la réévaluation de son taux d'incapacité permanente partielle et de lui attribuer un coefficient professionnel, d'ordonner une expertise aux fins de satisfaction de ses demandes d'annulation et de réévaluation, sur le fondement des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1901947 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 16 août 2021 sous le n°21MA03501 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL03501, Mme B... A..., représentée par Me Brunel, demande à la cour : 1°) d'annuler ou de réformer le jugement du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a fixé au 30 novembre 2018 la date de consolidation de son accident imputable au service survenu le 6 décembre 2016 et a évalué son taux d'incapacité permanente partielle à 10 %, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la réévaluation de son taux d'incapacité permanente partielle et de lui attribuer un coefficient professionnel ; 4°) d'ordonner une expertise aux fins de satisfaction de ses demandes d'annulation et de réévaluation, sur le fondement des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative. 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal n'a pas pris en compte les éléments médicaux qu'elle a fournis permettant une réévaluation à la hausse de son taux d'incapacité permanente partielle, son syndrome dépressif n'ayant pas été pris en compte ; - l'expert fait état de constats généraux sur son état de santé pour conclure à un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, sans aucune explication complémentaire ni aucun détail des lésions ou manifestations pathologiques qui justifient de retenir ce pourcentage, alors qu'elle produit des éléments suffisants pour établir un taux entre 15 et 30%, de sorte que la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; - en tant qu'elle fixe la date de sa consolidation au 30 novembre 2018, la décision est entachée d'erreur de droit, de fait et de qualification juridique, les certificats qu'elle produit attestent qu'à cette date, sa pathologie physique et psychique n'était pas consolidée ; - les conséquences de son accident sur sa vie professionnelle n'ont pas été prises en compte ; - l'organisation de l'expertise demandée revêt un caractère utile. Par un mémoire enregistré le 16 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 17 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mars 2023 à 12h. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; - le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 ; - le décret n° 2018-935 du 30 octobre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjointe administrative de 2ème classe du ministère de la défense ..., a été victime le 6 décembre 2016 d'un accident reconnu imputable au service. Elle a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 5 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a fixé la date de consolidation de son état de santé au 30 novembre 2018, avec un taux d'incapacité permanente de 10 %, ensemble l'annulation de la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 4 février 2019. Par un jugement du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le taux d'incapacité permanente partielle : 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité./ Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". En application de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant :/ (...) d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égale à 10 % (...) ". L'article 2 du même décret dispose : " Le taux d'invalidité rémunérable est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ". En application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret. En vertu du barème figurant en annexe du décret du 31 janvier 2001 visé ci-dessus, le taux retenu pour les gonalgies avec ou sans hydarthrose, pouvant être la conséquence d'une entorse, doit être en rapport avec l'atteinte articulaire qui peut être complexe et associer à la fois une raideur, une laxité. S'agissant d'une laxité ligamentaire franche bien compensée lors de la marche, mais entravant certaines activités, le taux à retenir varie de 5 à 15 %. 3. Mme A... a été victime, le 6 décembre 2016, d'une chute ayant entraîné un traumatisme au niveau de la cheville et du genou droits. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport du 14 novembre 2018 de l'expert mandaté par l'administration, que l'entorse de la cheville est guérie, sans séquelles, mais que le genou droit est toujours douloureux par la présence d'une hydarthrose chronique, laquelle constitue une séquelle invalidante. Pour contester le taux d'incapacité permanente partielle de 10% retenu par l'administration, Mme A... produit deux certificats médicaux des 29 janvier 2019 et 2 août 2021 du docteur ..., médecin généraliste, retenant un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 20 à 30 % qui indiquent qu'en plus du problème orthopédique persistant, Mme A... présente une pathologie dépressive récurrente avec décompensation anxieuse majorée depuis l'accident. Toutefois ces certificats ne donnent aucune indication ou élément de nature à établir un lien de causalité entre le syndrome dépressif préexistant et l'accident de service du 6 décembre 2016 et n'apportent pas d'éléments ou justifications complémentaires à ceux de l'expertise mandatée par l'administration, en ce qui concerne l'atteinte physique au genou laquelle retient un taux d'incapacité permanente partielle de 10% dans les limites prévues par les dispositions citées au point 2. Mme A... produit également un compte rendu de consultation du 5 mars 2021 du docteur ..., praticien hospitalier, qui n'apporte pas plus d'éléments en ce qui concerne les séquelles du genou. Si l'expertise du 5 mai 2019 du docteur ... réalisée à la demande de Mme A..., après avoir conclu à une date de consolidation au 30 novembre 2018, retient un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 15%, ce taux comprend la gêne récurrente sur le genou droit et les répercussions psychologiques, décomposé pour 10% pour la gêne du genou et 5% pour les conséquences psychologiques avec lassitude et incapacité à se concentrer au titre de la réactivation d'une dépression avec syndrome d'anxiété. Toutefois, il n'établit pas de lien de causalité entre la réactivation du syndrome dépressif préexistant et l'accident de service du 6 décembre 2016, ce syndrome dépressif n'ayant d'ailleurs pas été mentionné par l'intéressée dans les expertises antérieures réalisées à la demande de l'administration. Il en est de même des deux attestations du 29 juin 2020 et du 27 avril 2021 du docteur ..., psychiatre, qui font mention d'un syndrome anxiodépressif majeur en précisant pour la première que Mme A... trouvait de véritables difficultés dans son travail en se référant à un harcèlement et un sentiment de dévalorisation professionnelle, sans établir de relation entre ce syndrome dépressif et l'accident de travail. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation quant au taux d'incapacité permanente partielle retenu doivent être écartés. 4. Si Mme A... soutient que l'incidence professionnelle de son incapacité physique n'a pas été prise en compte dans le taux d'incapacité permanente partielle retenue par l'administration, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle celle-ci n'ait pas été suffisamment prise en compte par l'attribution du taux de 10% mentionné au point 3. En ce qui concerne la date de consolidation : 5. Les moyens tirés de l'erreur de droit, de fait et d'appréciation quant à la date de consolidation fixée au 30 novembre 2018, invoqués sans élément nouveau ni critique utile du jugement peuvent être écartés par adoption des motifs suffisamment et pertinemment retenus et énoncés par le tribunal au point 9 de son jugement. 6. Il résulte tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise qui ne revêt en l'espèce aucun caractère utile, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquences ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme A... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023. La rapporteure, C. Arquié La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL03501
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 18/07/2023, 21NT03163, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension en qualité de conjointe survivante d'un mécanicien ayant servi dans la marine nationale. Par un jugement n° 1905852 du 13 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, Mme D..., représentée par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 septembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 1er avril 2019 ; 3°) de reconnaître imputable au service la maladie dont est décédé son mari ; 4°) de lui allouer une pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante ; 5°) d'assortir les sommes dues des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la ministre des armées ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la maladie dont son mari est décédé est imputable au service. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête présentée par Mme D... est irrecevable et à titre subsidiaire qu'elle n'est pas fondée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... D..., mécanicien embarqué dans la Marine nationale de 1962 à 1980, est décédé le 13 mai 2018 d'un cancer du rectum. Le 29 novembre 2018, son épouse a sollicité une pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante. Par une décision du 1er avril 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. Mme D... relève appel du jugement du 13 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision. Sur le caractère professionnel de la pathologie dont est décédé M. D... : 2. Aux termes de l'article L.121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Est présumée imputable au service : (...) 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2-1 du même code : " Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau de maladies professionnelles mentionné aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale peut être reconnue imputable au service lorsque le militaire ou ses ayants cause établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux précités lorsque le militaire ou ses ayants cause établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions. ". Aux termes de l'article L. 141-1 de ce code : " Au décès du militaire, le conjoint survivant ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité bénéficie d'un droit à pension dans les conditions prévues au présent titre. ". L'article L. 141-2 du même code dispose que : " Le droit à pension est ouvert au conjoint ou partenaire survivant mentionnés à l'article L. 141-1 : 1° Lorsque le militaire est décédé en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension (...) 3° Lorsque le décès du militaire résulte de maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit. ". 3. En l'absence de présomption légale, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et un fait précis de service ou des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. Il est constant qu'à la date de son décès, M. D... ne bénéficiait d'aucune pension militaire d'invalidité. Par ailleurs, sa pathologie, découverte à la suite d'une biopsie pratiquée le 30 mars 2018 alors qu'il avait cessé ses fonctions depuis de nombreuses années, ne figure pas aux tableaux 30 et 30 bis des maladies se rapportant à l'inhalation de poussières d'amiante. Par suite, la requérante doit apporter la preuve d'un lien de causalité certain et direct entre le cancer développé par son mari et l'activité professionnelle de ce dernier au sein de la Marine nationale. 5. Mme D... se prévaut du rapport non contradictoire établi le 11 septembre 2019 par le professeur B... de l'institut " qualité risques sécurité " du centre hospitalier régional universitaire de Brest, qui conclut que l'état actuel des connaissances ne permet pas de retenir un lien de causalité entre le cancer du rectum et l'exposition à l'amiante. Par ailleurs, si certaines études scientifiques produites par la requérante tendent à montrer une relation entre une exposition prolongée à de niveaux d'amiante élevés et l'apparition de cancers " digestifs ", l'étude publiée le 12 août 2016 réalisée dans le cadre du programme de dépistage français ARDCo, souligne qu'il n'existe pas de preuves " claires " d'une association entre le cancer du rectum et l'inhalation de poussières d'amiante. Les décisions des juridictions spécialisées compétentes en matière de reconnaissance des maladies professionnelles dont se prévaut Mme D... se fondent sur ces données. Elles n'ont admis le caractère professionnel d'un cancer du rectum que pour un salarié exposé à l'amiante pendant plus de 30 ans dont les autres facteurs de risques ne sont pas connus. Or, s'il n'est pas contesté que M. D... a été soumis à une exposition forte à l'amiante en raison de ses fonctions de mécanicien naval, le certificat du médecin traitant en date du 27 juin 2018 qu'il produit indique qu'il souffrait d'insuffisances cardiaque et rénale et le compte-rendu d'hospitalisation établi à la suite d'une admission en urgence le 27 septembre 2017 pour une dyspnée sévère, mentionne une consommation d'alcool à forte dose ancienne mais un sevrage tabagique extrêmement récent, facteurs susceptibles de provoquer l'apparition de cancers. Par suite, en l'absence de données scientifiques convergentes, Mme D... ne peut être regardée comme apportant la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre le cancer dont son mari a été victime et ses activités professionnelles au sein de la marine nationale entre 1962 et 1980. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT03163
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