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CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 21/04/2023, 21MA02861, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des armées a rejeté son recours du 21 mars 2018 devant la commission des recours des militaires tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 31 mai 2017 dont elle a été victime et, à titre subsidiaire, de désigner un expert pour décrire les pathologies dont elle souffre, dire si ces pathologies sont imputables au service et fixer le taux d'invalidité. Par un jugement n° 1802987 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 11 mars 2019 du ministre des armées, substituée à la décision implicite contestée, enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1802987 du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon. Elle soutient que : - en se fondant sur les dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en lieu et place des dispositions des article L. 4138-13 et R. 4138-58 du code de la défense les premiers juges ont commis une erreur de droit ; - en jugeant que la circonstance que l'accident soit survenu pendant le service impliquait automatiquement son imputabilité au service, les premiers juges ont commis, outre une erreur de droit, une erreur de qualification juridique des faits ; - Mme B... n'établit pas l'existence d'un lien direct entre son accident de santé et les conditions d'exécution de son service. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, Mme C... B..., représentée Me Mendes-Constante, demande : 1°) à titre principal, de rejeter les conclusions en appel de la ministre des armées ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 3°) à titre subsidiaire, dans le cas où le jugement précité serait annulé, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulon pour y être à nouveau statué sur sa demande. Elle soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Bezol représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., lieutenant de vaisseau, entrée en service le 2 mars 1999, était affectée au pôle écoles méditerranées de Saint-Mandrier depuis le 13 juin 2016. Le 31 mai 2017, elle a été admise aux urgences de l'hôpital d'instruction des armées Sainte Anne à Toulon où une dissection carotidienne a été diagnostiquée. Elle a été placée, par une décision du 18 janvier 2018, en congé de longue maladie pour une période de six mois pour une affection non liée au service. Par un recours préalable obligatoire, reçu par la commission des recours des militaires le 21 mars 2018, elle a contesté l'absence de reconnaissance de l'imputabilité de l'accident vasculaire cérébral dont elle a ainsi été victime. Par une décision du 11 mars 2019, la ministre des armées a fait partiellement droit à son recours et a décidé de consulter le comité supérieur médical avant de procéder au réexamen de la situation de Mme B.... Le comité supérieur médical a conclu, le 19 septembre 2019, à l'absence de lien présumé entre le service et l'affection présentée. Par un jugement du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision de la ministre des armées du 11 mars 2019, substituée à la décision implicite de rejet contestée, enjoint à la ministre des armées de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 4138-13 du code de la défense : " Le congé de longue maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie (...), lorsque l'affection constatée met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de trois ans. Le militaire conserve, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération. (...) ". 3. D'autre part, aux termes, l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version issue de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) ". 4. En l'espèce, la décision attaquée par la requérante concerne exclusivement son placement en congé pour longue maladie, dont les conditions de mise en œuvre sont fixées par les dispositions de l'article L. 4138-13 du code de la défense. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui ne porte que sur la détermination du droit à pension d'invalidité des militaires, pour annuler la décision du 11 mars 2019. 5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon. 6. En premier lieu, aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I.- Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " (...) La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) ". 7. Il résulte de ces dispositions que, pour les décisions individuelles entrant dans leur champ d'application, les décisions prises sur le recours administratif préalable obligatoire se substituent aux décisions initiales et sont seules susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. Par suite, les moyens de légalité externe, au demeurant non repris en appel, tirés de l'insuffisance de motivation de la décision du 18 janvier 2018 et de l'incompétence de l'auteur de cette décision sont inopérants et ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés. 8. En second lieu, pour l'application de l'article L. 4138-13 du code de la défense, cité au point 2, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Toutefois, s'agissant, comme en l'espèce, d'un accident vasculaire cérébral, qui est au nombre de ces circonstances particulières, il y a lieu, par exception, de rechercher s'il existe un lien direct entre cet accident et les conditions d'exécution du service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 9. Il ressort des pièces du dossier que le service de santé des armées, saisi par la commission de recours des militaires, a rendu, le 9 octobre 2018, un avis médical précisant que l'affection de Mme B... n'est pas survenue du fait ou à l'occasion de l'exercices des fonctions. Saisi par la ministre des armées, le comité médical supérieur, qui s'est réuni le 19 septembre 2019, a rendu à l'unanimité, après examen de l'entier dossier médical, un avis aux termes duquel " compte tenu des données de la littérature et en l'état des connaissances actuelles, le comité médical supérieur se prononce sur l'absence de lien présumé entre le service et l'affection présentée ". Enfin, la ministre des armées a, pour rejeter la demande de pension militaire d'invalidité, constaté, au vu des différents avis médicaux, et notamment du courrier du professeur A... du 19 juillet 2018 lequel témoigne " que l'infirmité est apparue dans un contexte de myosis et plosis gauches depuis 3 ou 4 jours avec céphalée brutale le 28 mai 2017 alors que la patiente était au repos, faisant ainsi suspecter une maladie génétique ", que l'infirmité invoquée par Mme B... " résulte d'une affection constitutionnelle, sans facteur déclenchant particulier et sans fait de service précis, dont l'évolution est indépendante du service et qui n'a pas été aggravée par lui ". Mme B... soutient, d'une part, qu'elle a subi depuis sa prise de poste en 2011, une surcharge de travail excessive la conduisant à une " exténuation tant physique que psychologique " et, d'autre part, qu'elle a effectué un effort physique violent et exceptionnel en participant, le 23 mai 2017, à un exercice physique de course avec l'état-major des armées alors qu'elle était exemptée de toute pratique sportive compte tenu de son état de fatigue. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son poste était adapté à son grade et ses compétences, ce qui n'est pas infirmé par les formulaires d'évaluation professionnelle, produits par la requérante, indiquant notamment " des attributions très larges " pour lesquelles Mme B... " ne ménage pas sa peine ". Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme B... aurait vécu le 31 mai 2017, ou lors des jours précédents, une situation professionnelle anormale. En outre, elle ne produit aucun document permettant de vérifier un lien entre son état de santé et l'exercice de la séance de course à pied. Dans ces conditions, et alors qu'aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir un lien de causalité direct, la ministre des armées n'a pas commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la dissection carotidienne dont a été victime Mme B... le 31 mai 2017. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni de statuer sur la recevabilité de la demande de Mme B... devant le tribunal administratif eu égard à la portée de la décision explicite prise par la ministre des armées, ni d'ordonner une expertise, que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé sa décision du 11 mars 2019 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B.... Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée. Article 3 : Les conclusions de Mme B... présentées en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme C... B.... Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente de la Cour, - Mme Ciréfice, présidente assesseure, - M. Prieto, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023. 2 N° 21MA02861 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 25/04/2023, 21BX01609, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905562 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 avril 2021, M. D..., représenté par la SCP Puybaraud, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2021 ; 2°) d'annuler la décision ministérielle du 8 février 2019 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement est irrégulier en ce que la minute n'est pas signée par le président ; - il est insuffisamment motivé lorsqu'il écarte la nécessité d'une nouvelle expertise ; - le rapport d'expertise sur lequel s'est fondé le tribunal est insuffisant pour écarter ses demandes de révision de sa pension et d'attribution d'une majoration pour assistance d'une tierce personne, l'expert n'ayant pas rempli les missions qui lui sont confiées par l'instruction ministérielle du 25 juillet 1976 ; son rapport ne permet pas de justifier l'absence d'imputabilité à l'infirmité dorso-lombaire pensionnée des aggravations de son état de santé; - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les pièces produites permettaient de constater une aggravation de l'infirmité dorso-lombaire, du fait de l'apparition d'une sténose canalaire associée à un étalement discal ; - le fait qu'il ne puisse pas se lever seul, ni s'habiller, ni faire sa toilette de manière autonome justifie l'attribution d'une majoration pour assistance d'une tierce personne. Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le jugement n'est entaché d'aucun vice de forme ; - la nouvelle pathologie relative à une sténose canalaire est d'origine dégénérative et n'est pas rattachable à une infirmité pensionnée ; le tribunal pouvait ainsi estimer qu'une nouvelle expertise n'était pas utile ; - les documents médicaux confirment une consolidation de l'état de santé, en rapport avec la pathologie dorso-lombaire, le 12 décembre 2018, avec une incapacité évaluée à 35 %, et un état stationnaire depuis cette date ; la sténose du canal lombaire est d'origine dégénérative et n'est donc pas en relation médicale directe avec l'infirmité pensionnée ; - la demande de majoration pour tierce personne a déjà été rejetée par la cour régionale des pensions de Bordeaux le 18 octobre 2016 aux motifs que les difficultés liées à l'habillage, au déshabillage, à la toilette et au lever du lit ne sont pas la conséquence d'infirmités imputables, et que le risque avéré de chute est comparable aux risques d'une population âgée et dépendante et ne met pas immédiatement en jeu le pronostic vital de l'intéressé ; en l'absence d'aggravation des infirmités pensionnées, le rejet de la demande relative à la tierce personne a acquis un caractère définitif ; au demeurant, les contraintes relatives aux actes que l'intéressé ne peut plus faire constituent un critère insuffisant pour prétendre à l'allocation d'une majoration pour tierce personne, dès lors qu'il n'est pas établi que la nécessité d'une aide permanente résulterait exclusivement des infirmités pensionnées. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 juin 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C... A..., - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né le 23 février 1948, est titulaire, depuis le 9 décembre 2009, d'une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 16°, concédée par arrêté du 21 mars 2011, en raison de dix infirmités consécutives à un accident de la circulation survenu le 29 février 1968 alors qu'il était appelé du contingent. Il a sollicité, le 15 décembre 2017, la révision de sa pension au motif, d'une part, de l'aggravation de l'infirmité relative à une " scoliose dorso-lombaire avec enraidissement de la colonne vertébrale secondaire au raccourcissement du membre inférieur gauche ", et, d'autre part, de la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne. Par une décision du 8 février 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. D... a sollicité l'annulation de cette décision auprès du tribunal administratif de Bordeaux qui, par jugement du 23 février 2021, a rejeté sa demande. Par la présente requête, M. D... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré que la nouvelle pathologie, relative à une sténose canalaire accompagnée d'un étalement discal, était d'origine dégénérative, et qu'aucun des éléments médicaux produits par M. D... ne permettait d'établir un lien direct entre cette nouvelle infirmité et une infirmité pensionnée. Ils en ont déduit que cette infirmité ne pouvait pas conduire à une majoration de la pension pour aggravation. Ils ont également estimé que, l'aggravation de l'état de santé étant due à une pathologie sans lien avec les infirmités pensionnées, elle ne pouvait ouvrir droit à l'allocation spéciale pour recours à une tierce personne. Les premiers juges pouvaient ainsi rejeter la demande présentée par M. D... sans avoir besoin d'ordonner une nouvelle expertise, qui ne présentait aucune utilité. Le moyen tiré du défaut de motivation du rejet de la demande d'expertise doit être écarté. Sur les droits à pension : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / (...) / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 6. M. D... a demandé la majoration de sa pension militaire d'invalidité en raison de l'aggravation de l'infirmité relative à une scoliose dorso-lombaire avec enraidissement de la colonne vertébrale secondaire au raccourcissement du membre inférieur gauche, en se prévalant d'un certificat de son médecin traitant faisant état d'une sténose canalaire L4-L5. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de la doctrine scientifique produite par le ministre en défense, que la sténose du canal lombaire est une affection d'origine dégénérative. Aucune des pièces produites ne permet d'établir un lien entre cette nouvelle affection et l'infirmité relative à la scoliose dorso-lombaire déjà pensionnée. En outre, si l'intéressé produit un certificat d'un neurochirurgien du 27 janvier 2020 mentionnant une arthrose lombaire majorée par rapport au dernier examen, ce document médical n'est pas de nature à établir une aggravation de l'infirmité déjà pensionnée, qui a été évaluée en 2010 à un taux d'incapacité de 35 %, et que l'expertise médicale du 12 décembre 2018 a jugé consolidée. Dès lors qu'il est établi que l'aggravation de l'état de santé de M. D... n'est pas en lien avec une infirmité déjà pensionnée, il n'est pas utile d'ordonner une nouvelle expertise sur ce point. Par suite, la ministre des armées, en rejetant la demande de M. D..., n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 7. En second lieu, aux termes de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir de manière constante aux soins d'une tierce personne, ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension ". Il résulte de ces dispositions que les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé. 8. Il résulte de l'instruction que, depuis l'attribution de sa pension le 9 décembre 2009, M. D... n'a pas fait l'objet d'une majoration de sa pension au titre des infirmités déjà pensionnées. Si les pièces médicales font ressortir que M. D... n'est pas en mesure, sans l'aide d'un tiers, de se vêtir et de se dévêtir, et d'utiliser un moyen de transport, et qu'il fait en outre des chutes fréquentes, il n'est pas établi que cette gêne fonctionnelle, qui au demeurant ne nécessite pas une assistance permanente, résulterait des seules infirmités pensionnées, alors qu'il ressort des pièces médicales que l'aggravation de son état de santé est due à une nouvelle pathologie d'origine dégénérative. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une nouvelle expertise, la ministre des armées a pu légalement rejeter sa demande d'allocation spéciale pour l'assistance d'une tierce personne. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 8 février 2019. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil de M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2023. Le rapporteur, Olivier A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX01609
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/04/2023, 21TL01638, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 11 avril 2018 D... laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation, et d'enjoindre au ministre des armées de réviser sa pension militaire. D... un jugement n° 1903708 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : D... une requête, enregistrée le 30 avril 2021 sous le n° 21MA01638 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL01638, et un mémoire enregistré le 12 septembre 2022, M. B... A..., représenté D... Me Thomasian, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 11 avril 2018 D... laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de revaloriser sa pension militaire d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - le jugement est erroné en ce qu'il a estimé que l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension au regard des dispositions énoncées aux articles L. 6 et L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - il est fondé à demander la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité au titre de sa névrose post-traumatique de guerre au taux de 30% au regard des conclusions du rapport d'expertise judiciaire : rien ne permet d'affirmer que l'aggravation de son état n'est pas antérieure à la date du dépôt de ce rapport ; - la mission de l'expert définie D... le tribunal ne faisait pas référence au décret du 10 janvier 1992. D... une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A.... D... des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2022 et le 13 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que le taux d'aggravation qu'il convient de retenir est de 5%, ne permettant pas de faire droit à la demande de M. A.... D... ordonnance du 12 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2022. Vu : - le jugement avant dire droit du 8 mars 2019 du tribunal des pensions de Nîmes ordonnant une expertise médicale ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 18 mai 1939, qui a servi dans l'armée en particulier lors de la guerre d'Algérie, est titulaire d'une pension militaire pour invalidité définitive concédée D... arrêté du 6 décembre 2004 au taux global de 20% avec effet au 4 mars 2003, au titre d'une " névrose post-traumatique de guerre ". Le 23 novembre 2016, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation. D... une décision du 11 avril 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'aggravation de l'infirmité ne s'est pas accru du minimum de 10% prévu D... les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cette décision. D... un jugement du 18 mars 2021 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans ses dispositions alors en vigueur : " La pension prévue D... le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, D... une commission de réforme selon des modalités fixées D... décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". Il résulte de ces dispositions que c'est à cette date qu'il faut se placer pour évaluer le taux des infirmités à raison desquelles la pension ou sa révision est demandée. 3. Aux termes de l'article L. 29 du même code, dans ses dispositions alors en vigueur : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points D... rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 4. Selon le rapport d'expertise du médecin agréé de la commission de réforme militaire établi le 10 janvier 2018, l'aggravation de l'état de stress post-traumatique sous la forme de névrose de guerre dont reste atteint M. A... peut être évaluée au taux de 5%, donnant lieu à un taux global de 25% conformément au barème militaire de pension d'invalidité. L'expert a relevé que " l'absence de mécanisme défensif sur un plan psychologique, opérant et fonctionnel chez M. A..., l'écarte de possibilités à retrouver des idées plus claires et un sommeil réparateur, d'autant que sur le plan organique il souffre de maladie à tropisme vasculaire réduisant ses capacités de lutte et de gestion du stress auquel il est soumis de manière endogène. " Il ajoutait que " la cristallisation d'une demande d'aggravation pourrait s'adoucir et s'atténuer significativement si un taux d'aggravation de 5% (légitime médicalement) était accordé. " Estimant que les conclusions de cette expertise ne lui permettaient pas de se prononcer, le tribunal des pensions militaires d'invalidité du Gard a ordonné une expertise médicale, le 8 mars 2019, afin d'évaluer précisément le taux d'aggravation de l'infirmité n° 1 de M. A.... Après trois désignations successives d'expert, le docteur C..., psychiatre, a remis un rapport le 20 février 2020. Selon ce rapport qui confirme le diagnostic de trouble post traumatique toujours actif compliqué d'un trouble dépressif récurrent, le remaniement de la personnalité de M. A... D... les faits traumatiques du service est majeur et a engendré une névrose post traumatique avec sinistrose. Il ajoute que la persistance et l'aggravation de la symptomatologie est en lien avec une absence de prise en charge spécifique et précoce du psycho traumatisme et l'absence d'un traitement réellement efficace dans cette indication, et conclut qu'au regard de la particulière sévérité des troubles psychiatriques imputables au service et de l'impact sur sa personnalité et sa qualité de vie, il paraît nécessaire de majorer le taux de pension militaire d'invalidité définitive en le portant à 30%. Alors que la mission confiée à l'expert judiciaire consistait à " déterminer le diagnostic, l'invalidité et son taux en se plaçant à la période de la demande de l'intéressé ", il ne ressort pas des conclusions du rapport établi le 5 février 2020 que l'expert se serait essentiellement fondé sur l'évolution de l'état de santé de M. A... postérieurement à la date de sa demande de révision, le 23 novembre 2016. En outre, contrairement à ce que fait valoir le ministre des armées, si l'expert a évoqué les autres pathologies dont souffre l'appelant, il a pris en considération la seule aggravation de l'infirmité au titre d'une " névrose post-traumatique de guerre " pour déterminer un taux d'invalidité devant être fixé à 30%. Dans ces conditions, l'intéressé a droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " névrose post-traumatique de guerre " dont il souffre. Le taux d'invalidité de cette infirmité doit être porté à 30%, à la date de sa demande présentée le 23 novembre 2016. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, D... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. A... : 6. Le ministre des armées procédera à la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. A... sur la base d'un taux de 30% à compter du 23 novembre 2016 pour l'infirmité " névrose post-traumatique de guerre " dont il souffre. Sur les dépens : 7. Les frais et honoraires de l'expertise judiciaire prescrite le 8 mars 2019 doivent être mis à la charge définitive de l'Etat. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés D... M. A... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903708 du tribunal administratif de Nîmes en date du 18 mars 2021 et la décision du 11 avril 2018 de la ministre des armées sont annulés. Article 2 : Le ministre des armées procédera à la liquidation de la pension militaire d'invalidité allouée à M. A... sur la base d'un taux de 30% à compter du 23 novembre 2016. Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise judiciaire prescrite le 8 mars 2019 sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public D... mise à disposition au greffe le 25 avril 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL01638 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 21/04/2023, 22MA01120, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet opposée à son recours administratif préalable obligatoire formé le 29 juillet 2019, d'enjoindre à la ministre des armées de faire établir le rapport circonstancié de l'accident de tir du 23 mai 2013 après audition des témoins et de condamner la ministre des armées à lui payer la somme de 15 000 euros, outre la somme de 1 000 euros par mois écoulé depuis avril 2019 à juillet 2019, puis 2 000 euros par mois écoulé depuis le 29 juillet 2019 jusqu'à la notification du jugement, le tout assorti des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 2000173 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, M. B..., représenté par Me Giraud, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2000173 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de condamner la ministre des armées à lui payer la somme de 15 000 euros, outre la somme de 1 000 euros par mois écoulé depuis avril 2019 à juillet 2019, puis 2 000 euros par mois écoulé depuis le 29 juillet 2019 jusqu'à la notification de l'arrêt, le tout assorti des intérêts au taux légal ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le refus d'établir un rapport circonstancié de l'accident de tir du 23 mai 2013 constitue une faute qui lui a fait grief ; - ces faits du 23 mai 2013 doivent être qualifiés d'accident avec faute intentionnelle de la part de l'auteur du tir ; - le refus d'établir un rapport circonstancié de l'incident de tir du 23 mai 2013 viole l'article R. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le rapport du 19 juin 2019 établi par sa hiérarchie est erroné et a dénaturé les faits ; - le refus d'établir un rapport circonstancié viole l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme relatif à l'interdiction de discrimination ; - il souffre d'un état de stress post traumatique lié à cet incident de tir ; - il est légitime à demander à être indemnisé pour les préjudices subis. La requête a été communiqué à la ministre des armées qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Prieto, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., caporal-chef de la légion étrangère, a effectué en 2013 une mission opérationnelle de courte durée au Mali. Le 23 mai 2013, alors que l'instructeur de tir procédait à la sécurisation de son arme de poing, une cartouche a été tirée dans le sol à proximité de l'intéressé. Le 25 mars 2019, M. B... a formé une demande d'indemnisation complémentaire à celles formulées dans le cadre d'accidents antérieurs subis au cours de ses missions extérieures auprès du ministère des armées. Le 29 juillet 2019, M. B... a formé un recours devant la commission des recours des militaires qui en a accusé réception le 12 août 2019 et a opposé une décision implicite de rejet à ce recours. M. B... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 21 février 2022 en tant que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'il a subis résultant du refus de l'administration d'établir un rapport circonstancié de l'accident de tir du 23 mai 2013. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits et dont les dispositions ont été reprises par l'article R. 151-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1903 du 28 décembre 2016 : " Les militaires ou marins qui, avant de quitter le service veulent faire valoir leurs droits à une pension pour cause de blessures reçues ou d'infirmités ou maladies contractées ou aggravées en service doivent, s'ils n'ont pas été proposés d'office, adresser leur demande par la voie hiérarchique au commandant de formation administrative dont ils relèvent. / En prévision d'une telle demande, tout commandant de formation administrative ou de détachement, tout chef de service est tenu, dès que se produit un fait de nature à ouvrir droit à pension, de faire constater, par tous les moyens mis à sa disposition, l'origine des blessures reçues, des maladies ou infirmités contractées ou aggravées dont sont atteints les militaires ou marins placés sous ses ordres. Des certificats sont établis, énonçant les faits constatés et les éléments qui peuvent déterminer la relation de ces faits avec le service. Pour établir cette relation, il peut être dressé tout procès-verbal ou fait toute enquête qu'il appartiendra ". 3. En premier lieu, M. B... soutient que l'administration a commis une faute en ne constatant pas les faits qui se sont déroulés le 23 mai 2013 par un rapport circonstancié tel que défini par les dispositions précitées de l'article R. 6. Il résulte toutefois de l'instruction que ni l'adjudant-chef Pellen ni M. B... lui-même, ce dernier n'étant apparemment pas blessé, n'ont alerté leur hiérarchie au moment des faits et que la plainte de l'appelant n'a été déposée qu'en janvier 2018, soit cinq ans après leur déroulement. Le 16 juillet 2018, l'inspecteur général des armées a saisi le vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris et, le 5 mars 2019, un avis de classement en raison de la tardiveté de la plainte a été rendu par le juge judiciaire. Enfin, le 19 juin 2019, un rapport d'incident a été établi et l'adjudant-chef Pellen a été sanctionné, le 14 mars 2019, de vingt jours d'arrêts avec un sursis de six mois pour erreur de manipulation de son arme et absence de compte-rendu. Dans ces conditions, eu égard à la nature des faits tels qu'ils ont été constatés par l'administration et le parquet, aux conditions dans lesquels ils se sont déroulés et surtout au caractère tardif de leur constatation, l'administration n'a pas commis une faute de nature à engager sa responsabilité, pour n'avoir pas établi, dès le 23 mai 2013, un rapport circonstancié en application des dispositions précitées de l'article R. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 4. En second lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". 5. Si M. B... soutient que le refus de reconnaitre cet incident de service résulte d'un comportement discriminatoire de l'administration en raison de ses origines slovènes, il n'assortit pas ses allégations des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté. 6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense en 1ère instance, que M. B..., qui, au demeurant, ne précise ni l'objet ni la nature du préjudice allégué, n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. 7. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente de la Cour, - Mme Ciréfice, présidente assesseure, - M. Prieto, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023. N° 22MA01120 2 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 17/04/2023, 22MA01803, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2109807 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 juin 2022, M. B..., représenté par Me Léonard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône " de réexaminer [sa] situation (...) dans un délai d'un mois aux fins de lui délivrer un titre de séjour et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens, à verser à Me Léonard en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la motivation de l'arrêté est insuffisamment précise ; - le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ; - son droit d'être entendu a été méconnu ; - compte tenu de la gravité de sa pathologie et de l'absence de traitement en Algérie, le préfet a fait une inexacte application de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - pour les mêmes raisons, l'arrêté l'expose à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'arrêté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été signée par le préfet lui-même, mais par une personne qui n'avait pas la délégation de signature nécessaire ; - les articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ; - son adoption par la nation française lui donne un droit moral ; - les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont illégales par voie de conséquence et pour les mêmes motifs. Par une décision en date du 24 juin 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur, - et les observations de Me Léonard pour M. B..., présent à l'audience. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 8 mai 1962, est entré en France le 26 juillet 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen d'une validité de trente jours. Le 25 février 2020, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé sur le fondement de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 30 juin 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement n° 2005682 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 30 juin 2020 et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. B.... Par un nouvel arrêté du 13 septembre 2021, pris après avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par le jugement attaqué, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Par un jugement en date du 4 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré M. B... adopté par la nation à titre moral, en application de l'article L. 461 du code des pensions militaires, d'invalidité et des victimes de guerre, en considération du fait que son père, M. A... B..., était mort pour la France le 3 mars 1962 à Tamza. Si une telle adoption n'emporte par elle-même aucun droit au séjour, il y a lieu pour l'autorité administrative d'en tenir compte dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'un cancer des cordes vocales qui fait aujourd'hui l'objet d'un suivi en France. Si les pièces produites par M. B... ne permettent pas de contredire l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lesquelles celui-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine, elles attestent néanmoins de ce que le suivi de cette affection en Algérie serait beaucoup moins aisé et source d'une importante incommodité pour M. B.... 4. Compte tenu de l'obligation morale dont la nation française s'est rendue débitrice à l'égard de M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône a, en s'abstenant de faire usage du pouvoir de régularisation qu'il détient, commis une erreur manifeste d'appréciation. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sur l'injonction : 6. Il résulte de ce qui précède que l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2021 implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai qu'il convient de fixer à un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser au conseil de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2109807 du 28 février 2022 du tribunal administratif de Marseille est annulé, de même que l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'admettre M. B... au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Article 3 : L'Etat versera à Me Léonard la somme de 1 800 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Léonard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille. Délibéré après l'audience du 3 avril 2023, où siégeaient : - M. Alexandre Badie, président, - M. Renaud Thielé, président assesseur, - Mme Isabelle Gougot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 avril 2023. N° 22MA01803 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 9ème chambre, 28/04/2023, 459801, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 20 mai 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'ayant-cause. Par une ordonnance n° 2002416 du 8 février 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2021 et 21 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de Mme A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., qui demeure à Bamako (Mali), a demandé le 8 février 2018 à la ministre des armées le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en sa qualité d'ayant-cause de son époux, M. C..., décédé en 2007. Par un recours en date du 16 septembre 2020, enregistré le 7 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, Mme A... a demandé l'annulation du refus que lui a opposé la ministre des armées le 20 mai 2020. Par lettre du 19 novembre 2020, le greffe du tribunal a demandé à Mme A... de régulariser le défaut de signature de sa demande dans le délai d'un mois. Mme A... a accusé réception de cette lettre le 16 décembre 2020 et y a répondu par un courrier revêtu de son empreinte digitale en date du 29 décembre 2020, enregistré au greffe du tribunal le 12 février 2021, postérieurement à l'ordonnance du 8 février 2021 du président de la 2ème chambre de ce tribunal qui a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, faute de réception de la régularisation requise dans le délai prescrit. Mme A... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance. 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 431-4 du même code : " (...) les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir ". Aux termes des dispositions de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". 3. Eu égard, d'une part, à la lenteur et à l'imprévisibilité des délais d'acheminement du courrier postal entre la France et le Mali, que le tribunal administratif de Poitiers ne pouvait ignorer compte tenu du délai d'acheminement des différents courriers figurant au dossier, et d'autre part, à la circonstance que Mme A... avait expressément indiqué dans sa demande qu'elle était illettrée, le tribunal, en rejetant cette demande comme manifestement irrecevable, moins de deux mois après que l'intéressée avait reçu notification de la demande de régularisation, a rendu sa décision, dans les circonstances très particulières de l'espèce, au terme d'une procédure irrégulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. 4. Mme A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers du 8 février 2021 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme A..., la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2023 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 28 avril 2023. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Olivier Saby La secrétaire : Signé : Mme Laurence Chancerel La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2023:459801.20230428
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème chambre, 28/04/2023, 459806, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 20 mai 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'ayant cause. Par une ordonnance n° 2002417 du 8 février 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2021 et 21 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de Mme C... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., qui demeure à Bamako (Mali), a demandé le 8 février 2018 à la ministre des armées le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en sa qualité d'ayant-cause de son époux, M. B..., décédé en 2007. Par un recours en date du 17 septembre 2020, enregistré le 7 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, Mme C... a demandé l'annulation du refus que lui a opposé la ministre des armées le 20 mai 2020. Par lettre du 19 novembre 2020, le greffe du tribunal a demandé à Mme A... de régulariser le défaut de signature de sa demande dans le délai d'un mois. Mme C... a accusé réception de cette lettre le 16 décembre 2020 et y a répondu par un courrier revêtu de son empreinte digitale en date du 29 décembre 2020, enregistré au greffe du tribunal le 12 février 2021, postérieurement à l'ordonnance du 8 février 2021 du président de la 2ème chambre de ce tribunal qui a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, faute de réception de la régularisation requise dans le délai prescrit. Mme C... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance. 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 431-4 du même code : " (...) les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir ". Aux termes des dispositions de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". 3. Eu égard, d'une part, à la lenteur et à l'imprévisibilité des délais d'acheminement du courrier postal entre la France et le Mali, que le tribunal administratif de Poitiers ne pouvait ignorer compte tenu du délai d'acheminement des différents courriers figurant au dossier, et d'autre part, à la circonstance que Mme C... avait expressément indiqué dans sa demande qu'elle était illettrée, le tribunal, en rejetant cette demande comme manifestement irrecevable, moins de deux mois après que l'intéressée avait reçu notification de la demande de régularisation, a rendu sa décision, dans les circonstances très particulières de l'espèce, au terme d'une procédure irrégulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. 4. Mme C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers du 8 février 2021 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme C..., la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D... C... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2023 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 28 avril 2023. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Olivier Saby La secrétaire : Signé : Mme Laurence Chancerel La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2023:459806.20230428
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 11/04/2023, 21TL04461, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes : - sous le n°2000900, d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2019 par lequel le président de l'établissement public de coopération culturelle " Ecole supérieure d'art d'Avignon " a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au président de cet établissement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - sous le n°2002384, d'annuler la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a rejeté le recours gracieux qu'elle avait exercé contre l'arrêté du président de cet établissement du 18 avril 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - sous le n°2003578, d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le président de l'Etablissement public de coopération culturelle " Ecole supérieure d'art d'Avignon " a décidé qu'elle ne percevrait plus de demi-traitement à compter du 1er juin 2020, d'enjoindre au président de cet établissement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, enjoint à l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions des demandes. Procédures devant la cour : I. Par une requête enregistrée le 20 novembre 2021 sous le n°21MA04461 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04461, et des mémoires enregistrés le 22 mai 2022 et le 9 janvier 2023, l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, représentée par Me Urien, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer le jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) de rejeter les requêtes de Mme B... ; 3°) de rejeter les demandes nouvelles de Mme B... comme irrecevables ; 4°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont statué ultra petita en examinant l'imputabilité au service d'une aggravation de la fibromyalgie et de l'état dépressif chronique de Mme B... alors qu'ils étaient saisis d'une demande visant à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une anxiété réactionnelle à la reprise du travail ; - le rapport du docteur H... et le certificat du docteur D... ne sont pas de nature à établir que l'aggravation de l'état de santé de Mme B... est imputable à la dégradation objective de ses conditions de travail ; - l'avis du docteur C... est fondé sur les certificats des docteurs H... et D..., qui n'établissent pas un lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé de Mme B... et la détérioration de ses conditions de travail ; - les avis de 17 septembre 2019 et 12 mars 2020 de la commission de réforme sont défavorables à l'imputabilité au service ; - le certificat médical établi par le docteur I... et mettant en cause l'expertise du docteur F... est de complaisance, de sorte que ni le fait que Mme B... ait critiqué l'expertise du docteur F..., ni le fait que le docteur I... ait produit un certificat de complaisance ne sont de nature à justifier que l'avis de la commission de réforme soit écarté ; - l'anxiété réactionnelle du 13 août 2018 ne trouve pas sa cause essentielle et déterminante dans les conditions de travail de Mme B... mais dans une circonstance particulière tenant à sa personnalité sensitive dont le vécu d'injustice et de persécution va en s'aggravant avec l'âge ; - le harcèlement moral est inexistant, il n'a pu être la cause de la détérioration de ses conditions de travail ; - Mme B... a contribué, par ses critiques incessantes de ses directeurs successifs, à la détérioration des conditions de travail de l'ensemble du personnel de l'école et aux changements de direction dont elle se plaint ; - l'isolement dans lequel se serait trouvée Mme B... le 13 août 2018 n'est pas de nature à avoir détérioré ses conditions de travail ; - elle n'a pas été privée de consignes de travail de nature à faire regarder la dégradation de son état de santé comme imputable à l'école ; - sa maladie n'étant pas d'origine professionnelle, Mme B... ne peut être maintenue à plein traitement ; - l'arrêté du 20 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; - la commission de réforme du 17 septembre 2019 était régulièrement composée et son avis est suffisamment motivé ; - la décision du 19 juin 2020 étant purement confirmative, le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant, en tout état de cause, l'arrêté du 18 avril 2020 est suffisamment motivé ; - la commission de réforme du 12 mars 2020 était régulièrement composée et son avis était motivé ; - Mme B... ne justifie pas remplir les conditions pour bénéficier de l'indemnité journalière de l'article L.312-1 du code de la sécurité sociale. Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2022 et un mémoire enregistré le 9 mars 2023, non communiqué, Mme B..., représentée par Me Azzam, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, à ce qu'il soit enjoint à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de régulariser sans délai sa situation administrative et financière et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon. Elle fait valoir que : - les parties ont été informées que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 par voie de conséquence de celle du 20 octobre 2019 et du 18 avril 2020 ; - elle aurait dû conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'elle soit en état de reprendre son service en raison de l'origine professionnelle de sa maladie ; - elle a bénéficié d'une période indemnisée au titre de la protection sociale des fonctionnaires du 14 août 2018 au 28 novembre 2019 inclus, soit une période inférieure à deux ans lorsque l'école a cessé de l'indemniser, elle aurait dû percevoir des prestations en espèce ou indemnités journalières prévues par l'article 4 du décret 60-58 du 11 janvier 1960. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12h. Par une lettre du 15 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret n°60-58 du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Mme B... et l'Ecole supérieure d'art d'Avignon ont chacune présenté le 17 mars 2023 des observations en réponse à ce moyen d'ordre public. II. Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021 sous le n° 21MA04675 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04675, et des mémoires enregistrés le 17 mai 2022 et le 9 janvier 2023, l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, représentée par Me Urien, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 septembre 2021 en tant qu'il a annulé les arrêtés du 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière. Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête au fond sont sérieux et de nature à entraîner, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions accueillies par le tribunal administratif. Par des mémoires en défense enregistrés le 30 décembre 2021, le 19 juin 2022, le 5 juillet 2022 et le 9 mars 2023, ce dernier non communiqué, Mme B... représentée par Me Azam, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de régulariser sa situation administrative et financière et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12h. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Abadie de Maupéou substituant Me Urien pour l'Ecole supérieure d'art d'Avignon et les observations de Mme B.... Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 30 mars 2023 dans les instances n° 21TL04461 et 21TL04675. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjointe administrative de deuxième classe de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, a demandé que son anxiété réactionnelle à la reprise du travail, déclarée par certificat médical du 5 août 2019, soit reconnue comme imputable au service. Par arrêtés des 20 octobre 2019 et 18 avril 2020 pris après avis défavorables de la commission de réforme, le président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie déclarée par Mme B... et a rejeté, par décision du 19 juin 2020, le recours gracieux formé par l'intéressée contre l'arrêté du 18 avril 2020. Puis, par un arrêté du 29 mai 2020, le président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a mis fin au versement du demi-traitement perçu par Mme B.... Par un jugement nos 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, enjoint à l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois. L'Ecole supérieure d'art d'Avignon relève appel de ce jugement par la requête n° 21TL04461 et demande qu'il soit sursis à son exécution par la requête n°21TL4675. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 19 janvier 2017, applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite auquel il est ainsi renvoyé : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Mme B... a sollicité la reconnaissance en tant que maladie professionnelle d'un état " d'anxiété réactionnelle à la reprise du travail " déclarée par certificat médical du 5 août 2019. Elle soutient que sa pathologie initiale s'est aggravée en raison de la dégradation de ses conditions de travail du fait de changements de directions répétitifs ainsi que d'affaires de harcèlement et de détournements de fonds publics et invoque la journée du 13 août 2018 où, de retour au service après un arrêt de travail, elle s'est retrouvée seule et livrée à elle-même, sans aucun moyen ni consignes de travail. 5. Il ressort des pièces du dossier, dont certaines sont nouvelles en appel, que l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a connu depuis 2012 d'importantes difficultés de fonctionnement avec des changements répétitifs de direction, qui ont fragilisé le fonctionnement de l'école, entraîné une détérioration importante du climat social et la perte de confiance des agents envers les directions successives. Cependant, Mme B... présente un état dépressif chronique depuis le 1er décembre 2010 survenu sur une personnalité de type sensitif. La commission de réforme a d'ailleurs émis, le 12 mars 2020, un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée, au motif de l'absence de lien de causalité entre l'état de santé de l'agent et son activité professionnelle. Si Mme B... conteste l'expertise du 28 janvier 2020 du médecin psychiatre le docteur F... sur lequel s'est fondé cet avis, qui avait déjà eu à connaître de son état de santé le 11 septembre 2017 et le 25 novembre 2019 et avait conclu à un état d'anxiété chronique avec stress permanent que rien ne permettait de relier par un lien de causalité au travail, les éléments produits, notamment les critiques non étayées émises par un confrère, ne sont pas suffisants pour remettre en cause les conclusions de cette expertise. L'attestation du 12 septembre 2019 du médecin du travail, qui rappelle que Mme B... bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en raison d'une fibromyalgie et d'un état dépressif depuis le 1er décembre 2010, reprend les ressentis de l'intéressée et n'est pas suffisante pour remettre en cause les conclusions de l'expertise. Il en est de même du rapport du docteur H... du 20 mai 2019, lequel souligne au demeurant la personnalité sensitive et le vécu interprétatif persécutoire de l'intéressée. Le rapport du docteur D..., psychologue clinicien, reprend pour sa part les dires de sa patiente et conclut que Mme B... présente un tableau anxio dépressif majeur et qu'un congé pour invalidité imputable au service serait favorable à sa santé. Enfin, l'expertise psychiatrique du 28 décembre 2020 du docteur E..., l'avis de la commission de réforme du 16 juin 2022, l'expertise du 8 juillet 2022 du docteur A..., rhumatologue, sont postérieurs aux décisions attaquées et pour certains insuffisamment circonstanciés. Mme B..., avait par ailleurs elle-même demandé à bénéficier de congés annuels du 12 juillet au 10 août 2018 après son retour de prolongation d'arrêt de travail, période traditionnellement de congé annuel pour l'ensemble des agents de l'école au cours de laquelle elle s'est dès lors trouvée seule dans l'établissement et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'ait pas pu utiliser son compte personnel pour ouvrir une session de travail sur poste informatique ou n'ait pas eu de consigne de travail lors de sa reprise le 13 août 2018. L'ensemble des éléments relatifs à cet état antérieur et préexistant constitue une circonstance particulière conduisant à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, ni d'examiner, ainsi que le sollicite l'école, si le comportement de Mme B... peut ou non conduire à détacher la maladie du service. 6. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'erreur d'appréciation commise par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon refusant de reconnaître l'état de santé de Mme B... comme imputable au service à compter du 13 août 2018 pour annuler les arrêtés des 20 octobre 2019 et 18 avril 2020 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme B... ainsi que pour annuler l'arrêté du 29 mai 2020 mettant fin à sa rémunération par voie de conséquence. 7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant en première instance qu'en appel. Sur les autres moyens invoqués par Mme B... : En ce qui concerne l'arrêté du 20 octobre 2019 : 8. L'arrêté du 20 octobre 2019 vise les textes sur lesquels il se fonde et l'avis défavorable de la commission de réforme du 17 septembre 2019 qu'il s'approprie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 9. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ", aux termes de son article 17 : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents (...) Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical." et en vertu de l'article 3 du même arrêté : " la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ". 10. Il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 17 septembre 2019 qui a examiné la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... que cinq membres ayant voix délibérative, dont deux praticiens, ont pris part à cette séance. Cette commission a ainsi pu valablement délibérer, alors même qu'un seul représentant de l'administration était présent. 11. Il résulte des dispositions citées au point 9 que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 12. Mme B... a saisi la commission de réforme d'une demande d'imputabilité au service d'une anxiété réactionnelle à la reprise du travail. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme qui a émis le 17 septembre 2019 un avis sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B..., disposait du rapport du médecin du travail du 12 septembre 2019 auquel était joint une ordonnance d'un psychiatre, et mentionnait avoir disposé de certificats de spécialistes dont deux psychiatres, un algologue, un rhumatologue, un psychologue clinicien et deux kinésithérapeutes, lesquels n'étaient pas joints au rapport mais dont le médecin du travail indiquait qu'ils attestaient que les conditions de travail de Mme B... aggravent son état de santé. 13. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des informations dont elle disposait sur l'état de santé de Mme B... et les circonstances de sa demande, la commission départementale de réforme qui s'est réunie le 17 septembre 2019 doit être regardée comme ayant été suffisamment informée, et a pu régulièrement émettre son avis sans s'adjoindre un médecin spécialiste. 14. Il résulte des dispositions citées au point 10 que l'avis de la commission de réforme doit être motivé dans le respect du secret médical. En indiquant que son avis est défavorable " en raison du délai de déclaration de la maladie professionnelle non respecté, la première constatation de la symptomatologie a été identifiée par la patiente le 1er décembre 2010 et le certificat de première constatation de la maladie professionnelle est datée du 5 août 2018 ", l'avis du 17 septembre 2019 de la commission de réforme, satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004. 15. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé. En ce qui concerne l'arrêté du 18 octobre 2020 et le rejet du recours gracieux : 16. L'arrêté du 18 octobre 2020 vise les textes sur lesquels il se fonde et l'avis défavorable de la commission de réforme qu'il s'approprie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 17. Il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 12 mars 2020 qui a examiné la demande de reconnaissance de l'imputabilité de la maladie professionnelle de Mme B... que cinq membres ayant voix délibérative, dont deux praticiens, ont pris part à cette séance. Cette commission a ainsi pu valablement délibérer, alors même qu'un seul représentant de l'administration était présent. 18. En indiquant que son avis est défavorable au motif qu'au regard des documents produits, aucun élément ne permet de relier par un lien de causalité indiscutable l'état de santé de l'agent à son activité professionnelle, l'avis du 12 mars 2020 de la commission de réforme satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004. 19. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé. En ce qui concerne l'arrêté du 29 mai 2020 : 20. En premier lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux ". Aux termes de l'article L. 142-2 du même code : " Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale. (...) " et aux termes de son article L. 321-1-5: " L'assurance maladie comporte (...) 5° l'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant de continuer ou de reprendre le travail (...) ". L'article L. 323-1 du même code dispose que : " L'indemnité journalière prévue au 4° (5°) de l'article L. 321-1 est accordée à l'expiration d'un délai déterminé suivant le point de départ de l'incapacité de travail, et est due pour chaque jour ouvrable ou non. Elle peut être servie pendant une durée maximale (...) ", ladite durée maximale est fixée par le 2° de l'article R. 323-1 du code de la Sécurité Sociale aux termes duquel : " Pour l'application du premier alinéa de l'article L. 323-1 (...) 2° la durée maximale de la période pendant laquelle l'indemnité journalière peut être servie est fixée à trois ans (...) ". 21. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 60-58 précité du 11 janvier 1960 relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas un caractère industriel ou commercial : " Le présent décret fixe le régime de sécurité sociale applicable, en matière d'assurance maladie, maternité, décès et invalidité (allocation temporaire et soins), aux agents permanents des communes, affiliés à la caisse nationale des agents des collectivités locales ou à un régime spécial de retraites ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " 1° En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 283 b dudit code, a droit à une indemnité égale à la somme des éléments suivants : (...) 2° Lorsque l'agent continue à bénéficier, en cas de maladie d'avantages statutaires, mais que ceux-ci sont inférieurs au montant des prestations en espèces de l'assurance maladie, telles qu'elles sont définies au paragraphe 1er du présent article, l'intéressé reçoit, s'il remplit les conditions visées audit paragraphe, une indemnité égale à la différence entre ces prestations en espèces et les avantages statutaires ". 22. Il résulte de ces dispositions d'une part qu'en ce qui concerne les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des collectivités publiques, le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend et d'autre part que les indemnités prévues aux paragraphes 1er et 2 de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960, indépendantes du statut des fonctionnaires territoriaux, sont des prestations du régime spécial de sécurité sociale applicable à ceux-ci. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions du contentieux de la sécurité sociale de statuer sur les recours dirigés contre les décisions des autorités administratives se prononçant sur les droits ouverts aux ressortissants de ce régime. 23. Si Mme B... sollicite l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret susvisé du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale, de telles conclusions relèvent de la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale et doivent ainsi être rejetées comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. 24. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé. 25. Il résulte de tout ce qui précède que l'Ecole supérieure d'art d'Avignon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 et enjoint au président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Sur les conclusions de la requête n° 21TL04675 : 26. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de la requête n° 21TL04675 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 27. Mme B... étant la partie perdante, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 est annulé. Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes sont rejetées. Article 3 : Les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 21TL04675. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... et à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon. Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, M. Teulière, premier conseiller, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023. La rapporteure, C. Arquié La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 Nos 21TL04461, 21TL04675
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 11/04/2023, 21TL04675, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes : - sous le n°2000900, d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2019 par lequel le président de l'établissement public de coopération culturelle " Ecole supérieure d'art d'Avignon " a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au président de cet établissement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - sous le n°2002384, d'annuler la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a rejeté le recours gracieux qu'elle avait exercé contre l'arrêté du président de cet établissement du 18 avril 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - sous le n°2003578, d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le président de l'Etablissement public de coopération culturelle " Ecole supérieure d'art d'Avignon " a décidé qu'elle ne percevrait plus de demi-traitement à compter du 1er juin 2020, d'enjoindre au président de cet établissement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, enjoint à l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions des demandes. Procédures devant la cour : I. Par une requête enregistrée le 20 novembre 2021 sous le n°21MA04461 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04461, et des mémoires enregistrés le 22 mai 2022 et le 9 janvier 2023, l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, représentée par Me Urien, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer le jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) de rejeter les requêtes de Mme B... ; 3°) de rejeter les demandes nouvelles de Mme B... comme irrecevables ; 4°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont statué ultra petita en examinant l'imputabilité au service d'une aggravation de la fibromyalgie et de l'état dépressif chronique de Mme B... alors qu'ils étaient saisis d'une demande visant à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une anxiété réactionnelle à la reprise du travail ; - le rapport du docteur H... et le certificat du docteur D... ne sont pas de nature à établir que l'aggravation de l'état de santé de Mme B... est imputable à la dégradation objective de ses conditions de travail ; - l'avis du docteur C... est fondé sur les certificats des docteurs H... et D..., qui n'établissent pas un lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé de Mme B... et la détérioration de ses conditions de travail ; - les avis de 17 septembre 2019 et 12 mars 2020 de la commission de réforme sont défavorables à l'imputabilité au service ; - le certificat médical établi par le docteur I... et mettant en cause l'expertise du docteur F... est de complaisance, de sorte que ni le fait que Mme B... ait critiqué l'expertise du docteur F..., ni le fait que le docteur I... ait produit un certificat de complaisance ne sont de nature à justifier que l'avis de la commission de réforme soit écarté ; - l'anxiété réactionnelle du 13 août 2018 ne trouve pas sa cause essentielle et déterminante dans les conditions de travail de Mme B... mais dans une circonstance particulière tenant à sa personnalité sensitive dont le vécu d'injustice et de persécution va en s'aggravant avec l'âge ; - le harcèlement moral est inexistant, il n'a pu être la cause de la détérioration de ses conditions de travail ; - Mme B... a contribué, par ses critiques incessantes de ses directeurs successifs, à la détérioration des conditions de travail de l'ensemble du personnel de l'école et aux changements de direction dont elle se plaint ; - l'isolement dans lequel se serait trouvée Mme B... le 13 août 2018 n'est pas de nature à avoir détérioré ses conditions de travail ; - elle n'a pas été privée de consignes de travail de nature à faire regarder la dégradation de son état de santé comme imputable à l'école ; - sa maladie n'étant pas d'origine professionnelle, Mme B... ne peut être maintenue à plein traitement ; - l'arrêté du 20 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; - la commission de réforme du 17 septembre 2019 était régulièrement composée et son avis est suffisamment motivé ; - la décision du 19 juin 2020 étant purement confirmative, le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant, en tout état de cause, l'arrêté du 18 avril 2020 est suffisamment motivé ; - la commission de réforme du 12 mars 2020 était régulièrement composée et son avis était motivé ; - Mme B... ne justifie pas remplir les conditions pour bénéficier de l'indemnité journalière de l'article L.312-1 du code de la sécurité sociale. Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2022 et un mémoire enregistré le 9 mars 2023, non communiqué, Mme B..., représentée par Me Azzam, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, à ce qu'il soit enjoint à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de régulariser sans délai sa situation administrative et financière et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon. Elle fait valoir que : - les parties ont été informées que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 par voie de conséquence de celle du 20 octobre 2019 et du 18 avril 2020 ; - elle aurait dû conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'elle soit en état de reprendre son service en raison de l'origine professionnelle de sa maladie ; - elle a bénéficié d'une période indemnisée au titre de la protection sociale des fonctionnaires du 14 août 2018 au 28 novembre 2019 inclus, soit une période inférieure à deux ans lorsque l'école a cessé de l'indemniser, elle aurait dû percevoir des prestations en espèce ou indemnités journalières prévues par l'article 4 du décret 60-58 du 11 janvier 1960. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12h. Par une lettre du 15 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret n°60-58 du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Mme B... et l'Ecole supérieure d'art d'Avignon ont chacune présenté le 17 mars 2023 des observations en réponse à ce moyen d'ordre public. II. Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021 sous le n° 21MA04675 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04675, et des mémoires enregistrés le 17 mai 2022 et le 9 janvier 2023, l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, représentée par Me Urien, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 septembre 2021 en tant qu'il a annulé les arrêtés du 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière. Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête au fond sont sérieux et de nature à entraîner, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions accueillies par le tribunal administratif. Par des mémoires en défense enregistrés le 30 décembre 2021, le 19 juin 2022, le 5 juillet 2022 et le 9 mars 2023, ce dernier non communiqué, Mme B... représentée par Me Azam, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de régulariser sa situation administrative et financière et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12h. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Abadie de Maupéou substituant Me Urien pour l'Ecole supérieure d'art d'Avignon et les observations de Mme B.... Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 30 mars 2023 dans les instances n° 21TL04461 et 21TL04675. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjointe administrative de deuxième classe de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, a demandé que son anxiété réactionnelle à la reprise du travail, déclarée par certificat médical du 5 août 2019, soit reconnue comme imputable au service. Par arrêtés des 20 octobre 2019 et 18 avril 2020 pris après avis défavorables de la commission de réforme, le président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie déclarée par Mme B... et a rejeté, par décision du 19 juin 2020, le recours gracieux formé par l'intéressée contre l'arrêté du 18 avril 2020. Puis, par un arrêté du 29 mai 2020, le président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a mis fin au versement du demi-traitement perçu par Mme B.... Par un jugement nos 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, enjoint à l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois. L'Ecole supérieure d'art d'Avignon relève appel de ce jugement par la requête n° 21TL04461 et demande qu'il soit sursis à son exécution par la requête n°21TL4675. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 19 janvier 2017, applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite auquel il est ainsi renvoyé : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Mme B... a sollicité la reconnaissance en tant que maladie professionnelle d'un état " d'anxiété réactionnelle à la reprise du travail " déclarée par certificat médical du 5 août 2019. Elle soutient que sa pathologie initiale s'est aggravée en raison de la dégradation de ses conditions de travail du fait de changements de directions répétitifs ainsi que d'affaires de harcèlement et de détournements de fonds publics et invoque la journée du 13 août 2018 où, de retour au service après un arrêt de travail, elle s'est retrouvée seule et livrée à elle-même, sans aucun moyen ni consignes de travail. 5. Il ressort des pièces du dossier, dont certaines sont nouvelles en appel, que l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a connu depuis 2012 d'importantes difficultés de fonctionnement avec des changements répétitifs de direction, qui ont fragilisé le fonctionnement de l'école, entraîné une détérioration importante du climat social et la perte de confiance des agents envers les directions successives. Cependant, Mme B... présente un état dépressif chronique depuis le 1er décembre 2010 survenu sur une personnalité de type sensitif. La commission de réforme a d'ailleurs émis, le 12 mars 2020, un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée, au motif de l'absence de lien de causalité entre l'état de santé de l'agent et son activité professionnelle. Si Mme B... conteste l'expertise du 28 janvier 2020 du médecin psychiatre le docteur F... sur lequel s'est fondé cet avis, qui avait déjà eu à connaître de son état de santé le 11 septembre 2017 et le 25 novembre 2019 et avait conclu à un état d'anxiété chronique avec stress permanent que rien ne permettait de relier par un lien de causalité au travail, les éléments produits, notamment les critiques non étayées émises par un confrère, ne sont pas suffisants pour remettre en cause les conclusions de cette expertise. L'attestation du 12 septembre 2019 du médecin du travail, qui rappelle que Mme B... bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en raison d'une fibromyalgie et d'un état dépressif depuis le 1er décembre 2010, reprend les ressentis de l'intéressée et n'est pas suffisante pour remettre en cause les conclusions de l'expertise. Il en est de même du rapport du docteur H... du 20 mai 2019, lequel souligne au demeurant la personnalité sensitive et le vécu interprétatif persécutoire de l'intéressée. Le rapport du docteur D..., psychologue clinicien, reprend pour sa part les dires de sa patiente et conclut que Mme B... présente un tableau anxio dépressif majeur et qu'un congé pour invalidité imputable au service serait favorable à sa santé. Enfin, l'expertise psychiatrique du 28 décembre 2020 du docteur E..., l'avis de la commission de réforme du 16 juin 2022, l'expertise du 8 juillet 2022 du docteur A..., rhumatologue, sont postérieurs aux décisions attaquées et pour certains insuffisamment circonstanciés. Mme B..., avait par ailleurs elle-même demandé à bénéficier de congés annuels du 12 juillet au 10 août 2018 après son retour de prolongation d'arrêt de travail, période traditionnellement de congé annuel pour l'ensemble des agents de l'école au cours de laquelle elle s'est dès lors trouvée seule dans l'établissement et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'ait pas pu utiliser son compte personnel pour ouvrir une session de travail sur poste informatique ou n'ait pas eu de consigne de travail lors de sa reprise le 13 août 2018. L'ensemble des éléments relatifs à cet état antérieur et préexistant constitue une circonstance particulière conduisant à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, ni d'examiner, ainsi que le sollicite l'école, si le comportement de Mme B... peut ou non conduire à détacher la maladie du service. 6. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'erreur d'appréciation commise par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon refusant de reconnaître l'état de santé de Mme B... comme imputable au service à compter du 13 août 2018 pour annuler les arrêtés des 20 octobre 2019 et 18 avril 2020 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme B... ainsi que pour annuler l'arrêté du 29 mai 2020 mettant fin à sa rémunération par voie de conséquence. 7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant en première instance qu'en appel. Sur les autres moyens invoqués par Mme B... : En ce qui concerne l'arrêté du 20 octobre 2019 : 8. L'arrêté du 20 octobre 2019 vise les textes sur lesquels il se fonde et l'avis défavorable de la commission de réforme du 17 septembre 2019 qu'il s'approprie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 9. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ", aux termes de son article 17 : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents (...) Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical." et en vertu de l'article 3 du même arrêté : " la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ". 10. Il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 17 septembre 2019 qui a examiné la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... que cinq membres ayant voix délibérative, dont deux praticiens, ont pris part à cette séance. Cette commission a ainsi pu valablement délibérer, alors même qu'un seul représentant de l'administration était présent. 11. Il résulte des dispositions citées au point 9 que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 12. Mme B... a saisi la commission de réforme d'une demande d'imputabilité au service d'une anxiété réactionnelle à la reprise du travail. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme qui a émis le 17 septembre 2019 un avis sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B..., disposait du rapport du médecin du travail du 12 septembre 2019 auquel était joint une ordonnance d'un psychiatre, et mentionnait avoir disposé de certificats de spécialistes dont deux psychiatres, un algologue, un rhumatologue, un psychologue clinicien et deux kinésithérapeutes, lesquels n'étaient pas joints au rapport mais dont le médecin du travail indiquait qu'ils attestaient que les conditions de travail de Mme B... aggravent son état de santé. 13. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des informations dont elle disposait sur l'état de santé de Mme B... et les circonstances de sa demande, la commission départementale de réforme qui s'est réunie le 17 septembre 2019 doit être regardée comme ayant été suffisamment informée, et a pu régulièrement émettre son avis sans s'adjoindre un médecin spécialiste. 14. Il résulte des dispositions citées au point 10 que l'avis de la commission de réforme doit être motivé dans le respect du secret médical. En indiquant que son avis est défavorable " en raison du délai de déclaration de la maladie professionnelle non respecté, la première constatation de la symptomatologie a été identifiée par la patiente le 1er décembre 2010 et le certificat de première constatation de la maladie professionnelle est datée du 5 août 2018 ", l'avis du 17 septembre 2019 de la commission de réforme, satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004. 15. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé. En ce qui concerne l'arrêté du 18 octobre 2020 et le rejet du recours gracieux : 16. L'arrêté du 18 octobre 2020 vise les textes sur lesquels il se fonde et l'avis défavorable de la commission de réforme qu'il s'approprie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 17. Il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 12 mars 2020 qui a examiné la demande de reconnaissance de l'imputabilité de la maladie professionnelle de Mme B... que cinq membres ayant voix délibérative, dont deux praticiens, ont pris part à cette séance. Cette commission a ainsi pu valablement délibérer, alors même qu'un seul représentant de l'administration était présent. 18. En indiquant que son avis est défavorable au motif qu'au regard des documents produits, aucun élément ne permet de relier par un lien de causalité indiscutable l'état de santé de l'agent à son activité professionnelle, l'avis du 12 mars 2020 de la commission de réforme satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004. 19. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé. En ce qui concerne l'arrêté du 29 mai 2020 : 20. En premier lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux ". Aux termes de l'article L. 142-2 du même code : " Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale. (...) " et aux termes de son article L. 321-1-5: " L'assurance maladie comporte (...) 5° l'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant de continuer ou de reprendre le travail (...) ". L'article L. 323-1 du même code dispose que : " L'indemnité journalière prévue au 4° (5°) de l'article L. 321-1 est accordée à l'expiration d'un délai déterminé suivant le point de départ de l'incapacité de travail, et est due pour chaque jour ouvrable ou non. Elle peut être servie pendant une durée maximale (...) ", ladite durée maximale est fixée par le 2° de l'article R. 323-1 du code de la Sécurité Sociale aux termes duquel : " Pour l'application du premier alinéa de l'article L. 323-1 (...) 2° la durée maximale de la période pendant laquelle l'indemnité journalière peut être servie est fixée à trois ans (...) ". 21. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 60-58 précité du 11 janvier 1960 relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas un caractère industriel ou commercial : " Le présent décret fixe le régime de sécurité sociale applicable, en matière d'assurance maladie, maternité, décès et invalidité (allocation temporaire et soins), aux agents permanents des communes, affiliés à la caisse nationale des agents des collectivités locales ou à un régime spécial de retraites ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " 1° En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 283 b dudit code, a droit à une indemnité égale à la somme des éléments suivants : (...) 2° Lorsque l'agent continue à bénéficier, en cas de maladie d'avantages statutaires, mais que ceux-ci sont inférieurs au montant des prestations en espèces de l'assurance maladie, telles qu'elles sont définies au paragraphe 1er du présent article, l'intéressé reçoit, s'il remplit les conditions visées audit paragraphe, une indemnité égale à la différence entre ces prestations en espèces et les avantages statutaires ". 22. Il résulte de ces dispositions d'une part qu'en ce qui concerne les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des collectivités publiques, le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend et d'autre part que les indemnités prévues aux paragraphes 1er et 2 de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960, indépendantes du statut des fonctionnaires territoriaux, sont des prestations du régime spécial de sécurité sociale applicable à ceux-ci. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions du contentieux de la sécurité sociale de statuer sur les recours dirigés contre les décisions des autorités administratives se prononçant sur les droits ouverts aux ressortissants de ce régime. 23. Si Mme B... sollicite l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret susvisé du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale, de telles conclusions relèvent de la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale et doivent ainsi être rejetées comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. 24. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé. 25. Il résulte de tout ce qui précède que l'Ecole supérieure d'art d'Avignon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 et enjoint au président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Sur les conclusions de la requête n° 21TL04675 : 26. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de la requête n° 21TL04675 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 27. Mme B... étant la partie perdante, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 est annulé. Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes sont rejetées. Article 3 : Les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 21TL04675. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... et à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon. Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, M. Teulière, premier conseiller, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023. La rapporteure, C. Arquié La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 Nos 21TL04461, 21TL04675
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de PARIS, 7ème chambre, 12/04/2023, 21PA06332, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme H... J..., agissant en qualité de curateur renforcé de Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à indemniser Mme C... des préjudices subis du fait de l'accident de service dont elle a été victime le 18 février 2013, de surseoir à statuer dans l'attente des créances définitives des organismes sociaux et de nommer un expert en vue d'évaluer certains chefs de préjudice. L... un jugement n° 2006418 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a mis hors de cause les caisses primaires d'assurance maladie de la Seine et Marne et du Finistère, n'a admis les interventions de Mme K... A..., M. I... C..., M. F... C... et Mme E... C... qu'en tant qu'elles s'associent aux conclusions de la requérante tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis, a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme globale de 743 984 euros ainsi que, pour la période postérieure au jugement, au versement d'une rente annuelle d'un montant de 128 544 euros au titre des frais d'assistance L... une tierce personne définitive, revalorisée annuellement sur la base prévue L... les dispositions de l'article 161-25 du code de la sécurité sociale, a mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la Cour : I°) L... une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 21PA06332 le 14 décembre 2021 et le 8 décembre 2022, Mme J..., agissant en qualité de curateur renforcé de Mme C..., représentée L... la SELARL Cabinet Rémy Le Bonnois, demande à la Cour : 1°) de réformer l'article 3 et d'annuler l'article 5 du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser : - la somme de 542 616 euros au titre de l'assistance L... tierce personne antérieure à sa consolidation ; - la somme de 9 071 534,40 euros au titre des frais d'assistance L... tierce personne postérieurs à sa consolidation, comprenant une somme de 1 090 752 euros au titre des arrérages échus, ou une rente annuelle d'un montant de 257 210,73 euros, indexée conformément à la loi ; - la somme globale de 384 524 euros au titre de ses pertes de gains professionnels et au titre de son incidence professionnelle ; 3°) d'ordonner avant-dire droit une expertise aux fins de déterminer le coût de l'adaptation de son habitation à son état de santé, et de surseoir à statuer sur l'indemnisation de ce préjudice ou, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 63 142,92 euros en indemnisation des frais engagés afin d'adapter son logement à son handicap ; 4°) de condamner l'Etat à verser les intérêts au taux légal sur les sommes qui seront allouées à Mme C... à compter du 26 mai 2020, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ; 5°) dans tous les cas, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité pour faute de l'administration est engagée dès lors, d'une part, qu'elle a monté un cheval qui aurait dû être réformé et qui n'était pas adapté à son niveau et, d'autre part, que le jour de l'accident, la carrière était gelée et donc impraticable ; à ce titre, elle est fondée à obtenir le versement d'une somme de 384 524 euros au titre de ses pertes de gains professionnels et au titre de l'incidence professionnelle de son accident ; - si la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée pour risque professionnel, elle est fondée à être indemnisée au titre des préjudices qu'elle a subis, à l'exclusion des chefs de préjudice résultant de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle ; - le montant de l'indemnité allouée au titre des frais d'aide pour tierce personne doit être réévalué compte tenu du coût horaire de cette aide qui doit être fixé à 23 euros, sans que soit déduit de ce montant celui de l'allocation pour adulte handicapé qu'elle perçoit, mais seulement celui de la prestation de compensation du handicap perçue jusqu'au 29 février 2024 ; - elle est fondée à demander le versement d'un capital de 9 071 534,40 euros au titre des frais d'assistance L... tierce personne postérieurs à sa consolidation, comprenant une somme de 1 090 752 euros au titre des arrérages échus ; - à défaut elle est fondée à obtenir le versement d'une rente annuelle ; - son handicap nécessite des frais d'adaptation de son logement qui doivent être évalués L... un expert ; - elle justifie d'un surcoût dans la construction de son logement à hauteur de 63 142,92 afin d'adapter son logement à son handicap. L... un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'intérieur demande à la Cour : 1°) de réformer l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il le condamne à verser à Mme C... une rente annuelle de 128 544 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne définitive ; 2°) de rejeter la demande de Mme C... tendant à l'allocation d'une indemnité réparant les frais d'assistance L... une tierce personne postérieurs à la consolidation de son état de santé ; 3°) de ramener les indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice sexuel permanent à de plus justes proportions. Il soutient que : - il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité au titre des frais d'assistance L... tierce personne définitive dès lors qu'en application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite régissant la situation de Mme C... ce poste de préjudice a vocation à être réparé forfaitairement L... la majoration spéciale de la rente viagère d'invalidité qui lui sera attribuée ; - les sommes accordées L... les premiers juges au titre de la réparation du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice sexuel permanent sont supérieures aux sommes habituellement accordées L... les juridictions administratives dans des circonstances comparables. La requête a été communiquée aux caisses primaires d'assurance maladie de la Seine-et-Marne et du Finistère qui n'ont pas présenté d'observations. L... une ordonnance du 8 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2023 à 12 heures. II°) L... une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21PA06399 le 16 décembre 2021 et le 21 février 2022, le ministre de l'intérieur demande à la Cour : 1°) de réformer l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Montreuil en tant, qu'il le condamne à verser à Mme C... une rente annuelle de 128 544 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne définitive ; 2°) de rejeter la demande de Mme C... tendant à l'allocation d'une indemnité réparant les frais d'assistance L... une tierce personne postérieurs à la consolidation de son état de santé ; 3°) de ramener les indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire et du déficit fonctionnel permanent à de plus justes proportions. Il soutient que : - il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité au titre des frais d'assistance L... tierce personne définitive dès lors qu'en application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite régissant la situation de Mme C... ce poste de préjudice a vocation à être réparé forfaitairement L... la majoration spéciale de la rente viagère d'invalidité qui lui sera attribuée ; - les sommes accordées L... les premiers juges au titre de la réparation du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice sexuel permanent sont supérieures aux sommes habituellement accordées L... les juridictions administratives dans des circonstances comparables. L... un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2022, Mme J..., agissant en qualité de curateur renforcé de Mme C..., représentée L... la SELARL Cabinet Rémy Le Bonnois, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur ; 2°) de réformer l'article 3 et d'annuler l'article 5 du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser : - la somme de 542 616 euros au titre de l'assistance L... tierce personne antérieure à sa consolidation ; - la somme de 9 071 534,40 euros au titre des frais d'assistance L... tierce personne postérieure à sa consolidation, comprenant une somme de 1 090 752 euros au titre des arrérages échus, ou une rente annuelle indexée d'un montant de 257 210,73 euros, indexée conformément à la loi ; - la somme globale de 384 524 euros au titre de ses pertes de gains professionnels et au titre de son incidence professionnelle ; 4°) d'ordonner avant-dire droit une expertise aux fins de déterminer le coût de l'adaptation de son habitation à son état de santé, et de surseoir à statuer sur l'indemnisation de ce préjudice ou, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 63 142,92 euros en indemnisation des frais engagés afin d'adapter son logement à son handicap ; 5°) de condamner l'Etat à verser les intérêts au taux légal sur les sommes qui seront allouées à Mme C... à compter du 26 mai 2020, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ; 6°) dans tous les cas, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête du ministre de l'intérieur est tardive ; - la responsabilité pour faute de l'administration est engagée dès lors, d'une part, qu'elle a monté un cheval qui aurait dû être réformé et qui n'était pas adapté à son niveau et, d'autre part, que le jour de l'accident, la carrière était gelée et donc impraticable ; à ce titre, elle est fondée à obtenir le versement d'une somme de 384 524 euros au titre de ses pertes de gains professionnels et au titre de l'incidence professionnelle de son accident ; - si la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée pour risque professionnel, elle est fondée à être indemnisée au titre des préjudices qu'elle a subis, à l'exclusion des chefs de préjudice résultant de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle ; - le montant de l'indemnité allouée au titre des frais d'aide pour tierce personne doit être réévalué compte tenu du coût horaire de cette aide qui doit être fixé à 23 euros, sans que soit déduit de ce montant celui de l'allocation pour adulte handicapé qu'elle perçoit, mais seulement celui de la prestation de compensation du handicap perçue jusqu'au 29 février 2024 ; - elle est fondée à demander le versement d'un capital de 9 071 534,40 euros au titre des frais d'assistance L... tierce personne postérieurs à sa consolidation, comprenant une somme de 1 090 752 euros au titre des arrérages échus ; - à défaut elle est fondée à obtenir le versement d'une rente annuelle ; - son handicap nécessite des frais d'adaptation de son logement qui doivent être évalués L... un expert ; - elle justifie d'un surcoût dans la construction de son logement à hauteur de 63 142,92 afin d'adapter son logement à son handicap. La requête a été communiquée aux caisses primaires d'assurance maladie de la Seine-et-Marne et du Finistère qui n'ont pas présenté d'observations. L... une ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique, - les observations de Me Gaubier, avocat de Mme C..., et les observations de M. D..., représentant le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Deux notes en délibéré enregistrées le 22 mars 2023, ont été présentés pour le ministre de l'intérieur. Considérant ce qui suit : 1. Le 18 février 2013 lors d'une séance d'entraînement, Mme C..., brigadier-chef affectée à la direction territoriale de la sécurité de proximité de Seine-Saint-Denis au sein de la brigade équestre de Bobigny, a été victime d'une chute de cheval ayant entraîné un important traumatisme crânien. L... un arrêté du 19 avril 2013, le préfet de police a reconnu l'imputabilité de cet accident au service. L... un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil saisi L... Mme C... a condamné l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices résultant de cet accident de service, une somme totale de 743 984 euros, comprenant 1 200 euros pour les frais divers, 306 384 euros pour les frais d'assistance L... tierce personne temporaire, 20 400 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 25 000 euros pour les souffrances temporaires endurées, 10 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire, 318 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent, 13 000 euros pour le préjudice esthétique permanent, 30 000 euros pour le préjudice d'agrément et 20 000 euros pour le préjudice sexuel. Le Tribunal a également condamné l'Etat à lui verser, pour la période postérieure au jugement, une rente annuelle d'un montant de 128 544 euros au titre des frais d'assistance L... une tierce personne définitive, revalorisée annuellement dans les conditions prévues L... les dispositions de l'article 161-25 du code de la sécurité sociale. Mme C... relève appel de ce jugement et demande la réformation de son article 3 en ce qu'il lui accorde une indemnité de 743 984 euros et une rente annuelle d'un montant de 128 544 euros, ainsi que l'annulation de son article 5 rejetant le surplus de ses conclusions indemnitaires. L... une requête distincte, le ministre de l'intérieur, qui a également formé des conclusions incidentes dans l'instance introduite L... Mme C..., demande la réformation de l'article 3 du jugement et que le montant de certaines indemnités allouées à Mme C... soit ramené à plus justes proportions. Sur la jonction : 2. Les requêtes nos 21PA06332 et 21PA06399 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer L... un seul arrêt. Sur la fin de non-recevoir opposée L... Mme C... dans l'instance n° 21PA06399 : 3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 15 octobre 2021 a été notifié via l'application " Télérecours " au ministre de l'intérieur le jour même. Sa requête d'appel a été enregistrée le 16 décembre 2021 au greffe de la Cour, avant l'expiration du délai franc de deux mois prévu à l'article R. 811-2 du code de justice administrative. L... suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette requête doit être écartée. Sur la responsabilité de l'Etat : 5. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée L... un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 6. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un fonctionnaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce fonctionnaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale L... l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 7. En premier lieu, Mme C... soutient que l'administration a commis une faute en lui attribuant lors de l'entraînement du 18 février 2013 un cheval âgé et réformable au printemps à raison de son état de santé, son accident ayant pour origine une chute de ce cheval. Il résulte toutefois de l'instruction que si l'arthrose dont souffrait ce cheval impliquait un échauffement plus long, il n'est pas établi que cette affection présentait une dangerosité particulière alors que cet animal bénéficiait de soins adaptés et était sorti quotidiennement. Si Mme C... soutient que son niveau d'équitation était insuffisant pour monter ce cheval, compte tenu de son enrênement en rênes allemandes, ainsi que l'atteste le capitaine de police, commandant de l'unité équestre, elle était titulaire du diplôme " galop 4 " depuis le mois de décembre 2012 et montait à cheval environ quatre heures L... jour depuis septembre 2012 de sorte qu'à la date de son accident il évaluait son niveau à un niveau galop 5/galop 6, lui conférant une qualification suffisante pour monter un cheval avec ce type d'enrênement, dont il n'est d'ailleurs ni allégué, ni établi qu'il présentait un caractère inhabituel pour le cheval et aurait été à l'origine de sa chute et de celle de sa cavalière. Ainsi, Mme C... n'établit pas plus en appel qu'en première instance que l'administration a commis une faute en lui confiant le cheval à l'origine de son accident. 8. En deuxième lieu, si Mme C... soutient que le jour de son accident la carrière était impraticable compte tenu des conditions météorologiques, il résulte toutefois de l'instruction que la température relevée à cette date était proche de 5 degrés à l'heure de l'accident, et aucun des éléments produits L... Mme C... ne permettent de tenir pour établi que l'état de la carrière aurait été impraticable ou dangereux au moment de l'accident. 9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que l'Etat n'avait commis aucune faute à l'origine de son accident de service et que sa responsabilité n'était engagée que sans faute, et qu'en conséquence elle n'était fondée à demander que la réparation de ses préjudices personnels et des préjudices patrimoniaux autres que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle. L... suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer ces préjudices, à hauteur d'une somme totale de 384 524 euros, doivent être rejetées. Sur les préjudices : 10. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise médicale du 25 septembre 2018, que le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) subi L... Mme C... du fait de son accident s'établit à 80 % et que son état de santé est consolidé depuis la date non contestée du 3 août 2017. 11. Le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme de 1 200 euros pour les frais divers exposés, la somme de 25 000 euros pour les souffrances temporaires endurées, la somme de 13 000 euros pour le préjudice esthétique permanent et la somme de 30 000 euros pour le préjudice d'agrément. Ces condamnations ne sont pas contestées en appel. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires : 12. Il n'est pas contesté qu'ainsi que l'a évalué l'expert l'état de santé de Mme C... a nécessité, avant la consolidation de son état de santé, l'assistance non médicalisée d'une tierce personne 24 heures sur 24, dont 6h de substitution et d'assistance dans les actes de la vie courante et 18h de surveillance, entre le 21 août 2014 et le 8 juillet 2015, entre le 9 août 2015 et le 28 juin 2016 et entre le 28 juillet 2016 et le 27 juin 2017. Il résulte des termes du rapport d'expertise, non sérieusement contestés L... les seules affirmations de Mme C..., que l'assistance ainsi requise et qui a été assurée L... son entourage familial ne nécessitait pas une qualification particulière et, que, L... suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que son état de santé requérait pendant cette période une assistance qualifiée dont le coût horaire devrait être fixé à 23 euros de l'heure. Dans ces conditions, et compte tenu de la nature de l'assistance requise comprenant des heures d'assistance dans les actes de la vie courante et des heures de surveillance, c'est L... une exacte appréciation que le tribunal a attribué à l'intéressée, pour les frais afférents à cette prestation, une somme de 306 384 euros sur la base d'un tarif horaire de 13 euros. Enfin, si Mme C... a perçu de la caisse d'allocation familiales, sur la période allant du mois de mars 2019 au présent arrêt, une prestation de compensation du handicap ayant pour objet d'indemniser ce même préjudice, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait perçu une telle prestation sur la période antérieure au 3 août 2017. S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents : Quant aux dépenses de santé futures : 13. Pas plus en appel qu'en première instance Mme C... n'établit, ni même n'allègue, qu'elle serait amenée à exposer à l'avenir des dépenses de santé restant à sa charge. L... suite il n'y a pas lieu de surseoir, comme elle le demande, à statuer dans l'attente de la créance des tiers payeurs. Quant aux frais d'adaptation du logement : 14. Mme C... sollicite la désignation d'un expert en vue d'évaluer le surcoût engendré L... l'aménagement de son logement ou, à titre subsidiaire, la condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 63 142,92 euros. Toutefois, la requérante, qui a changé de domicile et fait construire une maison individuelle postérieurement à son accident, n'établit pas que ce changement de domicile ait été rendu nécessaire L... son état de santé, ni que son domicile précédent ne pouvait être aménagé pour être adapté à cet état de santé, alors que le rapport d'expertise a relevé que le logement qu'elle occupait alors avait été aménagé pour son handicap L... l'installation d'une rampe d'escalier, sans préconiser d'autres mesures d'aménagement. L... suite les surcoûts de construction dont Mme C... fait état, au demeurant non justifiés L... les factures et devis produits, ne peuvent être considérés comme présentant un lien de causalité direct et certain avec son accident de service. En conséquence, ces conclusions doivent être rejetées sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée. Quant à l'assistance L... tierce personne : 15. En premier lieu, depuis le 3 août 2017, date de consolidation de son état de santé, l'état de santé de Mme C... nécessite l'assistance non médicalisée d'une tierce personne 24 heures sur 24, dont 6 h de substitution et d'assistance dans les actes de la vie courante et 18h de surveillance. Si Mme C... demande l'indemnisation du préjudice subi à ce titre sous forme de capital, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer la réparation de ce préjudice subi sous forme de rente et d'en déterminer le montant sur la base d'un coût horaire de 13 euros, prenant en compte les charges patronales et la majoration pour travail du dimanche pour une tierce personne non qualifiée, et sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés. Les premiers juges ont dès lors fait une exacte appréciation du montant de la rente en la fixant à un montant annuel de 128 544 euros et en l'assortissant d'une clause d'indexation automatique L... référence à l'indice de revalorisation annuelle prévu à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. 16. Madame C... est donc fondée à demander, en appel, la condamnation de l'Etat à lui verser les arrérages de cette rente échus depuis la date de consolidation de son état de santé le 3 août 2017 et jusqu'à la date du présent arrêt, soit la somme de 731 468 euros, dont il y a lieu de déduire la prestation de compensation du handicap ayant pour objet de réparer le même préjudice, perçue entre le 1er mars 2019 et le mois d'avril 2023 pour un montant de 8 814 euros, ainsi que les sommes déjà versées L... l'Etat au titre de la rente en exécution du jugement, soit un montant de 64 272 euros versé au titre de la période allant du 1er octobre 2021 au 31 mars 2022. 17. La prestation de compensation du handicap allouée à Mme C... jusqu'au 29 février 2024, pour un total de 1 762,80 euros, sera déduite au fur et à mesure de son versement de la rente annuelle de 128 544 euros qui lui sera versée à compter de la mise à disposition du présent arrêt. 18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L 30 bis du code des pensions civiles et militaires de l'Etat : " Lorsque le fonctionnaire est dans l'obligation d'avoir recours d'une manière constante à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale d'un montant correspondant à la valeur de l'indice majoré 227 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les conditions prévues à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. Le droit à cette majoration est également ouvert au fonctionnaire relevant du deuxième alinéa de l'article L. 28. ". 19. Ainsi qu'il est jugé au point 5, la rente viagère d'invalidité dont Mme C... est appelée à bénéficier n'a pour objet que l'indemnisation de la perte de revenus professionnels et de l'incidence professionnelle de son accident, à l'exclusion des frais pour l'assistance d'une tierce personne, qui constituent des préjudices patrimoniaux d'une autre nature. Si le ministre soutient que Mme C... est susceptible de bénéficier de la majoration prévue L... l'article L. 30 bis précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, et que cette majoration constituerait une réparation forfaitaire du préjudice que représente le besoin d'assistance L... une tierce personne, s'opposant à toute indemnisation supplémentaire, il ne résulte pas de l'instruction que Mme C... a bénéficié ou bénéficie, à la date du présent arrêt, d'une telle majoration. La circonstance que Mme C... soit susceptible d'en bénéficier à l'avenir est sans incidence sur le montant de l'indemnité qu'il revient à la Cour de déterminer, l'autorité compétente, lorsqu'elle est saisie d'une demande de majoration à ce titre alors qu'une décision de justice a mis à la charge du responsable du dommage une indemnisation couvrant le besoin d'assistance L... une tierce personne, pouvant tenir compte du fait que ce besoin se trouve ainsi pris en charge L... un tiers, sans préjudice de la possibilité de financer des frais autres que ceux que l'indemnisation allouée L... le juge a pour objet de couvrir. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux : 20. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le ministre, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du déficit fonctionnel temporaire total subi depuis l'accident, du préjudice esthétique temporaire évalué à 6 sur une échelle de 7, du préjudice sexuel permanent et du déficit fonctionnel permanent de 80 % dont reste atteinte Mme C..., âgée de 46 ans à la date de consolidation, en les évaluant aux sommes respectives de 20 400 euros, de 10 000 euros, de 318 000 euros et de 20 000 euros. 21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander que la somme de 743 984 euros que l'Etat a été condamné à lui verser soit portée à la somme de 1 402 366 euros. Il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions de sa demande ainsi que les conclusions du ministre de l'intérieur et des outre-mer. Sur les intérêts : 22. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Mme C... est dès lors fondée à demander que la somme totale de 1 402 366 euros soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2020, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de Montreuil de sa requête indemnitaire. Sur les frais liés au litige : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. L... ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que des dépens auraient été exposés dans la présente instance. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions de la requérante présentées sur ce fondement. D E C I D E : Article 1 : La somme de 743 984 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme C... L... le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 1er octobre 2021 est portée à 1 402 366 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2020. Article 2 : A compter de la mise à disposition du présent arrêt, l'Etat versera à Mme C... une rente annuelle d'un montant de 128 544 euros au titre des frais d'assistance L... une tierce personne définitive, dont sera déduite une somme totale de 1 762,80 euros. Cette rente sera revalorisée annuellement dans les conditions prévues L... les dispositions de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Article 3 : Le jugement n° 2006418 du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... et du ministre de l'intérieur et des outre-mer sont rejetés. Article 6 : La requête n° 21PA06399 du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... J... en sa qualité de curateur de Mme C..., à l'Union départementale des associations familiales du Finistère et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Hamon, présidente, - M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller, - Mme Jurin, première conseillère. Rendu public L... mise à disposition au greffe le 12 avril 2023. La rapporteure, E. B...La présidente, P. HAMON La greffière, C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 21PA06332, 21PA06399
Cours administrative d'appel
Paris