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CAA de NANTES, 6ème chambre, 10/03/2020, 18NT02537, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, de condamner la commune du Pouliguen à lui verser une indemnité de 85 260 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de la capitalisation des intérêts, d'autre part, d'enjoindre à cette collectivité, de procéder à la reconstitution de sa carrière administrative, enfin, de mettre à la charge la commune du Pouliguen une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1600287 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 29 juin 2018, 10 octobre 2018 et 22 mai 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2018 ; 2°) de dire que la commune du Pouliguen a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. D... ; 3°) de condamner la commune du Pouliguen à lui verser une indemnité de 85 260 euros en réparation du préjudice financier et moral subi, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de la capitalisation des intérêts ; 4°) d'enjoindre à la commune du Pouliguen de procéder à la reconstitution de sa carrière et de tirer toutes conséquences qui s'imposent à elle d'un point de vue économique et financier ; 5°) de mettre à la charge de la commune du Pouliguen les éventuels dépens ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la commune du Pouliguen avait l'obligation de prendre l'initiative d'informer son agent des conséquences éventuellement défavorables de son choix de carrière ; - il s'est vu également délivrer des informations erronées ce qui constitue une faute ; la responsabilité de la commune est engagée en raison de l'information qu'elle lui a dispensée ; la commune a, en effet, commis une erreur en lui indiquant dans le courrier du 20 avril 2015 que sa pension, était liquidée par la CNRACL depuis le 30 mars 2015 ; le courriel de la caisse des dépôts du 21 août 2015 qui indique que sa pension est liquidée au 1er juin 2015 confirme cette erreur (Voir PJ 26 PI); - s'il a le 5 février 2015 indiqué vouloir faire valoir ses droits à la retraite, il n'a cependant pas précisé expressément qu'il souhaitait partir le 1er juin 2015 mais seulement qu'il " pouvait prétendre à prendre sa retraite à compter de cette date " ; or dès le 9 février 2015, un arrêté est pris qui énonce " qu'il est admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2015 sous réserve de l'avis conforme de la CNRACL " ; - s'il a demandé sa mise à la retraite le 5 février 2015, il est revenu sur son choix dès le 23 mars 2015 et a demandé à bénéficier d'un congé de longue maladie et donc d'être maintenu en position d'activité ; il a confirmé sa volonté de bénéficier d'un congé de longue maladie et de ne pas partir à la retraite par courrier du 14 avril 2015 ; il a dès le 14 avril sollicité la suspension de liquidation de sa pension de retraite ; la commune devait donc retirer son arrêté du 9 février 2015 ; la poursuite de la procédure de mise à la retraite " sur demande " de l'agent est ainsi fautive ; - la commune aurait dû l'informer du fait qu'il pouvait obtenir le bénéfice d'un congé de longue maladie et qu'un tel congé pouvait se poursuivre au-delà du 1er juin 2015 ; elle ne l'a pas informé de la possibilité de bénéficier d'un demi-traitement pendant toute la durée de la procédure de mise à la retraite pour invalidité, en application des articles 42 et 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, si cette procédure avait été menée jusqu'à son terme ; - la responsabilité de la commune est également engagée en raison de la gestion administrative de son dossier ; elle a engagé la procédure de mise à la retraite pour invalidité sans l'avoir préalablement fait bénéficier de son droit à congé de longue maladie, la maladie de Parkinson étant une affection qui ouvre droit à un congé de longue maladie d'une durée de trois ans ; elle a refusé de faire droit à sa demande de suspension de liquidation de sa retraite ; - il a été incité par la commune à présenter une demande de mise à la retraite dans le but d'accélérer son éviction du service ce qui caractérise l'existence d'un détournement de pouvoir ; - son admission à la retraite à compter du 1er juin 2015 lui a fait perdre la possibilité de percevoir les mois de traitement dont il aurait pu bénéficier jusqu'à la date lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein soit jusqu'au 16 mars 2017 ; il est constant en effet que la maladie de Parkinson donne droit à un congé de longue maladie ; il subit un préjudice financier tous les mois de 2 081 euros correspondant à la différence entre le montant de sa pension, soit 2 531 euros, et le montant de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre, soit 4 612 euros ce qui représente au total une somme de 45 782 euros ; il a également été privé du bénéfice de certaines primes pour un montant de 10 366 euros ; l'indemnité totale due pour la période concernée, soit vingt-deux mois, s'élève à la somme de 56 148 euros ; - il est également fondé à demander à être indemnisé du préjudice lié à la minoration de sa pension ; il subit un " préjudice prévisible de minoration de retraite " du fait qu'il aurait dû être mis à la retraite au-delà de la date du 1er juin 2015 qui a été retenue par la collectivité ; il sollicite ainsi, à hauteur de 26 112 euros, l'indemnisation d'une " perte de chance sérieuse " d'obtenir une meilleure pension de retraite du fait d'un écart de durée de cotisation imputable à son employeur à l'origine d'une minoration de sa pension mensuelle évaluée à 128 euros nets ; - il est également fondé à demander une indemnité de 3 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; - son préjudice s'élève ainsi à la somme totale de 85 260 euros. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 août 2018 et le 16 mai 2019, la commune du Pouliguen, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public, - et les observations de Me C..., substituant Me A..., représentant M. D... et de Me G..., représentant la commune du Pouliguen. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., ingénieur principal titulaire, recruté en 2003 par la commune du Pouliguen a été nommé en 2005 directeur général des services techniques et urbain. Compte tenu de la dégradation de son état de santé au cours de l'année 2014, M. D... qui est atteint de la maladie de Parkinson, s'est rapproché de son employeur en exprimant le souhait d'être mis à la retraite pour invalidité. La commune a alors saisi le 23 mai 2014 la commission de réforme de cette question. Par un courrier du 2 juin 2014, le président de cette commission, après avoir indiqué que la mise à la retraite pour invalidité impliquait l'inaptitude définitive de l'agent et l'impossibilité de pourvoir à son reclassement, a refusé de donner suite à cette demande tout en indiquant à la collectivité les solutions qui s'offraient à elle selon que l'agent décide de présenter ou non un arrêt de travail. M. D..., qui a eu connaissance de courrier, n'a pas sollicité d'arrêt de travail et la commune du Pouliguen de son côté n'a pas estimé, selon ses propres termes, nécessaire de placer cet agent d'office en congé de maladie ordinaire. Après avoir soldé ses congés et ses droits à la réduction du temps de travail du 16 octobre 2014 au 4 décembre 2014, M. D... a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 5 décembre 2014. Par un courrier du 5 février 2015, il a demandé à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2015. Par un arrêté du 9 février 2015, le maire du Pouliguen a fait droit à cette demande sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). M. D... a alors demandé, par un courrier du 23 mars 2015, à bénéficier d'un congé de longue maladie puis, par un courrier du 14 avril 2015, la suspension de la procédure de mise à la retraite. La commune a refusé de faire droit à cette seconde demande par une décision du 20 avril 2015 confirmée sur recours gracieux le 4 mai suivant. Le 18 juin 2015, le comité médical a estimé que l'état de santé de M. D... justifiait qu'il soit placé en congé de longue maladie du 5 décembre 2014 jusqu'à la date d'effet de sa retraite, fixée au 1er juin 2015. Par un arrêté du 19 juin 2015, M. D... a été placé en congé de longue maladie pour la période du 5 décembre 2014 au 31 mai 2015. 2. Estimant que sa situation administrative n'avait pas été correctement gérée par la commune du Pouliguen laquelle, en particulier, l'aurait mis dans l'impossibilité de pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie au-delà du 1er juin 2015, M. D... a, le 23 octobre 2015, saisi cette collectivité d'une demande indemnitaire pour un montant de 85 260 euros au titre de la perte de traitements (salaires et indemnités), de la réduction du montant de sa pension et du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qu'il estime avoir subis. La commune a rejeté cette demande le 17 décembre 2015. M. D... relève appel du jugement du 16 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à la condamnation de cette collectivité à lui verser une indemnité du même montant. Sur la responsabilité de la commune du Pouliguen : 3. En premier lieu, M. D... soutient que la commune du Pouliguen aurait commis une faute en méconnaissant l'obligation générale pesant sur toute administration de prendre l'initiative d'informer ses agents des conséquences éventuellement défavorables de leurs choix de carrière. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposent à l'administration une telle obligation. Il appartient aux fonctionnaires d'apprécier eux-mêmes, compte tenu des services qu'ils ont accomplis antérieurement, les avantages et les inconvénients qu'ils peuvent retirer de leur demande de mise à la retraite. Ainsi M. D... ne saurait reprocher à la commune du Pouliguen un défaut d'information ou d'accompagnement concernant le déroulement de sa procédure de mise à la retraite et notamment de ne pas l'avoir informé dès l'été 2014 des droits à congés de maladie dont il était susceptible de bénéficier en raison de la dégradation de son état de santé. Il est d'ailleurs constant sur ce dernier point que l'intéressé a reçu comme tous les agents de la commune " un livret de bord du personnel communal " détaillant l'ensemble des congés dont peuvent bénéficier les fonctionnaires territoriaux. Il ne saurait non plus faire grief à la commune de ne pas l'avoir informé de la possibilité d'obtenir un éventuel congé de maladie au-delà du 1er juin 2015. Ainsi, aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune ne saurait, sur ces points, être retenue. 4. En deuxième lieu, M. D... soutient qu'il n'aurait pas en réalité sollicité de la commune du Pouliguen qu'il soit mis à la retraite à compter du 1er juin 2015. Il résulte toutefois de l'instruction que M. D... a, le 5 février 2015, adressé à la commune du Pouliguen un courrier par lequel il indiquait " qu'il pouvait prétendre à prendre sa retraite à compter du 1er juin 2015 ". Il a, ainsi qu'en attestent les pièces versées au dossier de première instance par la commune au soutien du mémoire présenté le 26 mai 2016, confirmé cette intention dans un courriel échangé le 6 février 2015 avec Mme F... du service des ressources humaines de la commune en rappelant qu'il avait la veille " déposé dans la boite aux lettres de la mairie sa demande de mise à la retraite à la date du 1er juin " tout en interrogeant son interlocuteur sur le caractère avantageux de cette date compte tenu de sa date d'entrée dans la fonction publique. M. D... n'a pas contesté les termes de la réponse qui lui a été apportée le même jour par Mme F... qui prenait acte de ce que " le dossier de retraite était lancé " en expliquant à l'agent que la date du 1er juin ne lui était pas défavorable. Dans ces conditions, et compte tenu également des démarches déjà engagées par M. D... depuis l'été 2014 et des termes des échanges avec son employeur le 23 mars et 14 avril 2015, la collectivité n'a commis aucune faute et ne s'est pas méprise, contrairement à ce qu'avance le requérant, en estimant qu'elle était ainsi bien saisie par M. D... d'une demande qui visait à faire valoir ses droits à la retraite à compter de la date du 1er juin 2015. 5. En troisième lieu, pour soutenir " qu'il se serait déterminé sur la base d'informations erronées " délivrées par la commune, M. D... se réfère aux termes du courrier du 20 avril 2015 par lequel la commune a rejeté sa demande de suspension de la procédure de liquidation de sa retraite au motif que sa pension avait été liquidée par la CNRACL le 30 mars 2015. Si le terme de " liquidation " est effectivement inapproprié et inexact dès lors qu'il apparaît, au vu des éléments figurant dossier, que cette date correspond à l'instruction et à la validation de la demande de retraite de cet agent auprès de cette caisse et non pas au versement effectif de la pension qui ne pouvait au mieux intervenir que le 1er juin 2015 sur acceptation expresse de l'agent, il n'est cependant pas établi, indépendamment à ce stade de la pertinence du motif avancé par la commune, que cette information ait eu des conséquences sur les démarches que M. D... a ensuite effectivement entreprises, ce dernier réitérant dès le 26 avril 2015 sa demande de suspension de la procédure de mise à la retraite et son souhait que " la procédure de congé de longue maladie soit menée à son terme avant de définir une date de retraite ". 6. Cependant, M. D... soutient également que la commune du Pouliguen devait retirer l'arrêté du 9 février 2015 dès lors qu'il avait, dès le 23 mars 2015, exprimé son souhait de bénéficier d'un congé de longue durée et donc d'être maintenu en position d'activité et que cette collectivité a ainsi commis une faute en poursuivant la procédure de mise à la retraite " sur demande " de l'agent, la décision prise par la collectivité devant alors être qualifiée de mise à la retraite d'office intervenue irrégulièrement. 7. Aux termes de l'article 30 du décret n°2003-1306 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée. ". 8. Il résulte tout d'abord de l'instruction que, contrairement à ce qu'a estimé la commune du Pouliguen, la pension de M. D... n'a pas été liquidée le 30 mars 2015, cette date correspondant seulement, ainsi que l'atteste le courrier du 25 avril 2017 de la CNRACL, au moment où le dossier de cet agent a alors été traité et validé par cet organisme. De surcroît, le paiement - ou liquidation - de la pension ne pouvait intervenir que sur demande écrite de l'agent, demande que le requérant n'avait pas formulée à la date du 30 mars 2015. Il ressort ensuite également de la lettre du 25 avril 2017 qu'à la suite de la demande du 6 mai 2015 que M. D... lui avait adressée par laquelle il sollicitait la suspension de la procédure de mise à la retraite, la CNRACL a le 21 mai 2015 décidé d'annuler tout versement à cet agent au titre de sa pension de retraite. Par ailleurs, et compte tenu de la demande de M. D... faite auprès de la commune du Pouliguen le 23 mars 2015 puis réitérée le 14 avril 2015 sollicitant la suspension de sa mise à la retraite, cette collectivité ne se trouvait plus saisie d'aucune demande en ce sens de ce fonctionnaire. Ainsi l'arrêté du 9 février 2015 qui prend effet le 1er juin est fondé sur des faits matériellement inexacts. 9. Dans ces conditions et en se fondant sur le motif erroné en fait et en droit rappelé au point 3, pour décider, à plusieurs reprises, les 20 avril et 4 mai 2015, qu'elle était dans l'impossibilité d'accueillir la demande de suspension faite par M. D..., puis en maintenant son arrêté du 9 février 2015, qui n'était pas devenu définitif comme faisant suite à une demande présentée par son agent, et en estimant finalement qu'il y avait lieu de limiter la période de placement en congé de longue durée de ce fonctionnaire jusqu'à la date du 1er juin 2015, la commune du Pouliguen a commis plusieurs illégalités fautives de nature à ouvrir, à M. D..., droit à réparation. 10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité pour fautes de la commune du Pouliguen. Par suite, M. D... est fondé à demander réparation du préjudice subi du fait de ces fautes. Sur l'indemnisation des préjudices : S'agissant de l'indemnité correspondant à la perte de traitement : 11. M. D... soutient que son admission à la retraite à compter du 1er juin 2015 lui a fait perdre la possibilité de percevoir les traitements dont il aurait pu bénéficier jusqu'à la date du 16 mars 2017 lui permettant de percevoir une retraite à taux plein. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, que M. D... a après avis du comité médical, été placé rétroactivement en congé de longue maladie entre le 5 décembre 2014 et le 31 mai 2015. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce congé, d'une durée maximum de trois ans, justifié par le caractère invalidant de la maladie dont il souffre nécessitant un traitement prolongé, n'aurait pas, été renouvelé jusqu'au 16 mars 2017. Le traitement indiciaire est versé intégralement au fonctionnaire placé en congé de longue maladie pendant un an, puis réduit de moitié les deux années suivantes. Compte tenu de ces différents éléments, M. D... pouvait prétendre à bénéficier de l'intégralité de son traitement d'un montant de 4 430 euros - base octobre 2014 - pour la période courant du 1er juin 2015 jusqu'au 4 décembre 2015 (soit six mois et quarante-quatre jours) puis de la moitié de ce montant pour la période courant du 4 décembre 2015 au 16 mars 2017 (soit quatorze mois et quarante-quatre jours jours). Il résulte également de l'instruction que le montant de la pension de retraite perçu par M. D... s'élève à la somme de 2 531 euros par mois, somme qu'il convient de déduire du traitement qu'il aurait perçu pour procéder au calcul de l'indemnité à laquelle il peut prétendre pour les deux périodes considérées. Ainsi, pour la première période courant du 1er juin 2015 au 4 décembre 2015, l'indemnité doit être arrêtée à la somme de 11 639 euros (Intégralité du traitement 27152 - pension 15513). Pour la période courant du 4 décembre 2015 au 16 mars 2017, le montant de la pension perçue par M. D... s'élève à la somme de 39 041 euros (2531 x 14 mois et 44 jours) qui est supérieure au traitement d'un montant de 34 156 euros (demi traitement 2215 x 14 mois et 44 jours) qu'il aurait pu alors percevoir. Aucune indemnité n'est, par suite, due au titre de cette seconde période. M. D... est ainsi seulement fondé à obtenir de la commune du Pouliguen la somme de 11 639 euros au titre du préjudice invoqué. S'agissant de l'indemnité correspondant à la perte de la prime annuelle et au versement de la GIPA (Garantie individuelle du pouvoir d'achat) : 12. D'une part, il résulte de l'instruction que si M. D..., qui aurait alors été placé en congé de longue maladie, pouvait prétendre à percevoir une prime annuelle, son montant aurait cependant été réduit du fait de cette position administrative conformément à la délibération du conseil municipal du 18 novembre 1988. Compte tenu des modalités de calcul arrêtées par la collectivité territoriale (forfait de six jours + application d'une déduction de 1/300e par jour de maladie + déduction des samedis, dimanches et jours fériés) et de la somme perçue par l'intéressé en juin 2015, l'indemnité qui doit être mise à la charge de la commune du Pouliguen pour la période litigieuse s'élève à la somme totale de 952 euros, soit 201 euros au titre de l'année 2015, 619 euros au titre de l'année 2016 et 132 euros au titre de l'année 2017. 13. D'autre part, s'agissant du versement de la Garantie individuelle du pouvoir d'achat, la commune du Pouliguen ne remet pas en cause le montant de 2 131 euros réclamé par M. D... pour l'année 2015 sur la base de la somme d'un même montant qu'il justifie avoir perçue effectivement en 2014. En revanche, M. D... ne fournit aucun élément chiffré permettant de considérer que le montant de 1 340 euros qui lui a été alloué à ce titre pour l'année 2016 par un arrêté du 4 juillet de la même année, et sur laquelle la collectivité lui a apporté des explications, serait inexact et qu'il pourrait prétendre au versement d'une nouvelle somme de 2 131 euros. Ainsi, et dès lors qu'aucune demande n'a été présentée au titre de l'année 2017, une indemnité d'un montant total de 2 131 euros doit être mise à la charge de la commune du Pouliguen au titre de la GIPA due au requérant. 14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 et 13 que l'indemnité totale qui doit être versée à M. D... au titre de la perte de la prime annuelle et du versement de la GIPA s'élève à la somme de 3083 euros. S'agissant de l'indemnité correspondant à la réduction du montant de sa retraite : 15. M. D... évoque dans ses écritures l'existence d'un " préjudice prévisible de minoration de retraite " du fait qu'il aurait dû être mis à la retraite au-delà de la date du 1er juin 2015 retenue par la collectivité et sollicite l'indemnisation d'une " perte de chance sérieuse " d'obtenir une meilleure pension de retraite du fait d'un écart de durée de cotisation imputable à son employeur à l'origine d'une minoration de sa pension mensuelle évaluée à 128 euros nets. Si M. D... a droit effectivement à être indemnisé de ce chef de préjudice dès lors qu'il a été mis illégalement à la retraite à compter du 1er juin 2015, la cour ne dispose pas toutefois au dossier des éléments précis lui permettant de l'évaluer. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer l'intéressé devant la commune du Pouliguen sur ce point. S'agissant de l'indemnité due au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral : 16. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans ses conditions d'existence ainsi que du préjudice moral subi par M. D... du fait de la gestion de sa situation administrative et des fautes retenues à l'encontre de la commune du Pouliguen, en l'évaluant à la somme de 6 000 euros. 17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 16 que l'indemnité globale à laquelle peut prétendre M. D..., et qui sera mise à la charge de la commune du Pouliguen, s'élève à la somme totale de 20 722 euros, laquelle demeure inférieure en tout état de cause à l'indemnité totale réclamée par le requérant. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 18. M. D... a droit aux intérêts sur la somme de 20 722 euros que la commune du Pouliguen est condamnée à lui verser à compter du 24 octobre 2015, date de réception de la demande préalable qu'il a adressée à la collectivité. Les intérêts échus à compter du 24 octobre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 19. Il y a lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, en particulier au point 15, d'enjoindre à la commune du Pouliguen de procéder à la reconstitution de la carrière de M. D.... 20 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire, et d'autre part, que la commune du Pouliguen doit être condamnée à lui verser immédiatement la somme globale de 20 722 euros en réparation des préjudices subis, sans préjudice des sommes qui lui seraient dues à la suite de la reconstitution de carrière opérée en application de l'injonction mentionnée au point 19. Sur les frais liés au litige : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement à la commune du Pouliguen la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette collectivité le versement à M. D... d'une somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1600287 du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2018 est annulé. Article 2 : La commune du Pouliguen est condamnée à verser immédiatement à M. D... une somme de 20 722 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2015 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 24 octobre 2016 et à chaque échéance annuelle. Article 3 : Il est enjoint à la commune du Pouliguen de procéder à la reconstitution de la carrière de M. D..., dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. M. D... est renvoyé devant la commune du Pouliguen afin qu'il soit procédé au calcul de l'indemnité correspondant à la réduction du montant de sa retraite qui serait constatée à la suite de cette reconstitution. Article 5 : La commune du Pouliguen versera à M. D... une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté. Article 7 : Les conclusions de la commune du Pouliguen tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et à la commune du Pouliguen. Copie en sera transmise à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Délibéré après l'audience du 21 février 2020, à laquelle siégeaient : - M. Lenoir, président de chambre, - M. B..., premier conseiller, - Mme Gélard, premier conseiller. Lu en audience publique, le 10 mars 2020. Le rapporteur, O. B...Le président, H. LENOIR La greffière, E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 18NT02537 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 12/03/2020, 17DA02409, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : MM. D... C..., E... C..., L... C..., H... C... et O... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Moreuil à leur verser une somme de 40 000 euros en qualité d'ayants droit de Mme M... C... en indemnisation du préjudice moral subi par celle-ci du fait du harcèlement moral dont elle a été victime dans l'exercice de ses fonctions et qui l'a conduite à mettre fin à ses jours le 11 mars 2011, à verser à M. D... C... et à ses deux plus jeunes enfants, H... et Louise C..., les pensions de réversion et d'orphelin prévues par les articles L. 38 et L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à verser à M. D... C... une somme de 25 000 euros en indemnisation de son préjudice d'affection et de 15 000 euros en indemnisation de son préjudice d'accompagnement, et à verser à MM. E..., L... et H... et O... C..., aux mêmes titres, les sommes respectives de 20 000 euros et 8 000 euros chacun. Par un jugement n° 1500949 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, et des mémoires, enregistrés les 18 décembre 2017, 15 février 2018 et 29 mai 2019, les consorts C..., représentés par M. G... J..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'EHPAD de Moreuil à leur verser en qualité d'ayants droit de Mme M... C... une somme de 40 000 euros en indemnisation du préjudice moral qu'elle a subi ; 3°) de condamner l'EHPAD de Moreuil à verser à M. D... C... et à ses deux plus jeunes enfants, H... et Louise C..., les pensions de réversion et d'orphelin prévues par les articles L. 38 et L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 4°) de verser à M. D... C... une somme de 25 000 euros en indemnisation de son préjudice d'affection et de 15 000 euros en indemnisation de son préjudice d'accompagnement ; 5°) de verser à MM. E..., L... et H... et à Mme F... C..., une somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice moral et une somme de 8 000 euros au titre de leur préjudice d'accompagnement ; 6°) de mettre à la charge de l'EHPAD de Moreuil une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, - les conclusions de Mme M... Leguin, rapporteur public, - et les observations de Me G... J..., représentant les consorts C..., et de Me A... B..., représentant l'établissement public social et médico-social Seneos de Fouilloy, anciennement établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Moreuil. Considérant ce qui suit : 1. Mme M... C..., infirmière diplômée d'Etat, recrutée par l'EHPAD de Moreuil le 1er juillet 2001, exerçant depuis 2004 les fonctions d'infirmière coordinatrice en charge du suivi des personnes âgées placées en accueil familial, a mis fin à ses jours le 11 mars 2011. Estimant ce suicide imputable au service, notamment en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime, son époux, M. D... C..., et leurs quatre enfants, ont demandé à cet établissement l'indemnisation des préjudices subis, en qualité d'ayants droit de leur épouse et mère et en leurs noms propres, ainsi que le versement des pensions de réversion et d'orphelin prévues aux articles L. 38 et L. 40 du code des pensions civiles et militaires. Ils interjettent appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Sur la recevabilité de la requête : 2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 3. En l'espèce, par leur requête enregistrée le 18 décembre 2017, les consorts C..., qui demandent expressément l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 octobre 2017, énoncent de façon suffisamment précise l'argumentation juridique invoquée à l'appui de ces conclusions et font notamment état des conclusions indemnitaires, qu'ils pouvaient chiffrer jusqu'à la clôture de l'instruction. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'EHPAD de Moreuil, leur requête d'appel comporte l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge et est par suite recevable. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : S'agissant du harcèlement dont aurait été victime Mme C... : 4. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 5. En l'espèce, en premier lieu, les consorts C... soutiennent que Mme C... a subi des faits de harcèlement moral de la part de Mme K..., infirmière coordinatrice de l'EHPAD depuis 2004, qui lui aurait interdit l'accès aux étages de l'établissement sans aucune autre raison que de lui nuire. Il résulte de l'instruction que Mme C... qui disposait d'un bureau au rez-de-chaussée n'était pas amenée par ses fonctions à se rendre dans les étages et il est constant que cette " interdiction " avait reçu l'aval au moins implicite de la direction de l'établissement. L'incident isolé rapporté par les consorts C... relatif au courrier de Mme K... du 15 novembre 2010 se plaignant à la direction de la présence régulière de Mme C... dans le service qu'elle dirige et de ce qu'elle l'avait trouvée discutant le 12 novembre avec du personnel de l'unité Alzheimer, ne saurait caractériser un fait de harcèlement moral qu'aurait exercé Mme K... à l'encontre de Mme C..., alors-même qu'après avoir recueilli les observations de cette dernière, la direction de l'établissement a admis que sa présence dans ces lieux était justifiée par la survenance d'un malaise. 6. Par ailleurs, les attestations produites par les consorts C..., très générales, se bornent, pour certaines d'entre elles, à faire état des difficultés de Mme C... d'accepter de ne pas pouvoir circuler dans les étages, mais n'apportent aucun élément quant à un éventuel harcèlement moral dont elle aurait été victime. Si l'attestation de Mme I... fait état d'une mise à l'écart de Mme C... à la suite de l'arrivée de Mme K... qui lui a succédé dans les fonctions d'infirmière coordinatrice de l'EHPAD, les faits relatés, qui ne sont corroborés par aucun autre document, remontent, au mieux, à l'année 2004, soit sept années auparavant. S'il en ressort, il est vrai, que l'atmosphère de travail au sein du service dirigé par Mme K... était dégradée, ces difficultés générales, qui concernaient l'ensemble du personnel, et notamment les agents ayant à exercer leurs missions sous l'autorité de Mme K..., n'étaient pas propres à la situation de Mme C..., laquelle d'ailleurs de par ses fonctions n'était pas amenée à travailler avec Mme K..., et ne permettent ainsi pas, contrairement à ce que soutiennent les consorts C..., d'établir l'existence d'un harcèlement personnellement exercé sur Mme C... par Mme K.... 7. En deuxième lieu, les consorts C... n'établissent pas plus le harcèlement dont Mme C... aurait été victime de la part de Mme N..., cheffe du service d'accueil familial du département de la Somme, en produisant une attestation d'une monitrice éducatrice faisant état en termes généraux d'une animosité de Mme N..., et une lettre adressée par cette dernière au directeur de l'EHPAD le 21 février 2011, qui, dans les termes où elle est rédigée dans la relation de faits qualifiés de fautes professionnelles, n'excède pas les limites de l'exercice du contrôle de l'activité de Mme C... dans les missions que cette dernière exerçait pour le compte du département. En tout état de cause, la responsabilité de l'EHPAD de Moreuil ne saurait être engagée pour des agissements émanant d'agents sous l'autorité d'une autre personne publique. 8. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que Mme C... aurait alerté la direction de l'EHPAD ou la médecine du travail des faits de harcèlement dont elle se serait estimée victime de la part de Mme K... ou de Mme N.... 9. Les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du harcèlement moral qu'aurait subi Mme C... ne peuvent, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, qu'être rejetées. S'agissant de la qualification du suicide de Mme C... en accident de service : 10. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 11. En l'espèce, les consorts C... invoquent, pour établir l'existence d'un lien direct entre le suicide de Mme C... et le service, les mêmes éléments que ceux exposés aux points 3 à 6, qui traduiraient un comportement hostile et malveillant de Mmes K... et N.... Ces éléments sont, ainsi qu'il a été dit, de nature à établir la réalité de la dégradation des relations de travail au sein de l'établissement et des relations tendues entre Mme C... et Mme K.... Toutefois, ils ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un lien direct avec le suicide de Mme C..., qui n'est survenu ni sur le lieu, ni dans le temps du service, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette tension, établie seulement depuis l'année 2010, par sa nature, sa durée, et son intensité, aurait pu être à l'origine du geste fatal de Mme C.... Au demeurant, à aucun moment Mme C..., dont le syndrome dépressif aurait, selon les requérants, été déclenché par l'incident survenu le 12 novembre 2010, n'a fait état de sa situation à sa hiérarchie, ni informé le médecin du travail. A cet égard, il y a lieu de relever que le courrier adressé par Mme C... au syndicat Union nationale des syndicats autonomes-Santé le 18 octobre 2010, par lequel elle écrit éprouver " des difficultés de communications professionnelles avec l'infirmière coordinatrice de l'Ehpad de Moreuil. Cet état de fait peut être préjudiciable aux résidents et accueillis ", ne fait pas état d'une situation de détresse personnelle particulière liée au service. Si les consorts C... invoquent également un certificat médical en date du 5 avril 2011 émanant d'un médecin généraliste aux termes duquel " Mme C... est décédée suite à un syndrome dépressif par suicide dans le cadre d'une souffrance au travail ", ce certificat isolé, n'est pas circonstancié. Enfin, le courrier du directeur de l'EHPAD de Moreuil adressé le 15 mars 2011 au directeur général de l'agence régionale de santé de Picardie, s'il rappelle les éléments de contexte professionnel ayant précédé le suicide de Mme C..., conclut en relevant qu'" à cette heure, nous ne savons toujours pas ce qui a motivé l'acte de Mme C... ". Ce courrier ne saurait être ainsi interprété comme une reconnaissance, même indirecte, d'un quelconque lien entre ce suicide et le service par son auteur. Au total, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les éléments produits par les consorts C... sont insuffisants à caractériser l'existence d'un lien direct entre le service et le suicide de Mme C.... Les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du refus de reconnaissance d'un tel lien par l'EHPAD de Moreuil ne peuvent, par suite, et en tout état de cause, qu'être rejetées. En ce qui concerne la demande d'attribution de pensions : 12. Aux termes de l'article 59 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " I - L'attribution d'une pension, d'une rente viagère d'invalidité ou de la majoration spéciale prévue à l'article 34 est subordonnée à la présentation d'une demande adressée au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. / La demande d'attribution d'une pension doit être adressée au moins six mois avant la date souhaitée pour l'admission à la retraite. / L'employeur doit faire parvenir au moins trois mois avant la date de radiation des cadres du fonctionnaire le dossier afférent à une demande d'attribution de pension. / Le dossier afférent à une demande d'attribution de pension doit parvenir au moins trois mois avant la date de radiation des cadres du fonctionnaire (...) ". 13. Il résulte de ces dispositions que l'EHPAD de Moreuil, employeur de Mme C..., devait faire parvenir la demande d'attribution des pensions de réversion et d'orphelin présentée par M. D... C... à l'organisme gestionnaire du régime de retraite des agents des collectivités territoriales, soit la caisse des dépôts et consignations. C'est par suite à tort que les premiers juges ont estimé que la demande en cause avait été mal dirigée. Il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il rejette, pour ce motif, la demande des consorts C... et, par la voie de l'effet dévolutif, d'annuler la décision implicite de l'EHPAD de Moreuil rejetant, pour ce même motif, cette demande. 14. Le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sans qu'il soit besoin de faire application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer. 15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer à l'EHPAD de Moreuil l'instruction de la demande des consorts C... portant sur le versement des pensions de versement et d'orphelin prévues aux articles L. 38 et L. 40 du code des pensions civiles et militaires. En l'absence de lien entre le service et le suicide de Mme C..., cette instruction ne portera que sur la part principale de ces pensions, à l'exclusion de la majoration prévue en cas de perception par la victime d'une rente viagère d'invalidité. 16. Il résulte de ce qui précède que les consorts C... sont seulement fondés à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette comme mal dirigées leurs conclusions tendant au versement des pensions de réversion et d'orphelin, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrégularité du jugement tirée d'une insuffisance de motivation dans la réponse apportée au moyen soutenu à l'appui desdites conclusions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD de Moreuil la somme que les consorts C... demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1500949 du tribunal administratif d'Amiens du 19 octobre 2017 est annulé en tant seulement qu'il rejette comme mal dirigées les conclusions des consorts C... tendant au versement des pensions de réversion et d'orphelin. Article 2 : L'EHPAD de Moreuil procèdera à l'instruction de la demande de versement des pensions de réversion et d'orphelin présentée par M. C..., H... et Louise C... au titre des articles L. 38 et L. 40 du code des pensions civiles et militaires dans les conditions prévues au point 15 du présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des consorts C... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MM. D... C..., E... C..., L... C..., H... C..., à Mme F... C... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Moreuil devenu l'établissement public social et médico-social Seneos de Fouilloy. Copie sera adressée pour information à la caisse des dépôts et consignations. 4 N°17DA02409
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/03/2020, 17MA02706, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 1er octobre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, de condamner l'Etat à indemniser intégralement les préjudices qu'il estime avoir subis et d'enjoindre au ministre de la défense de procéder à l'évaluation de ses préjudices de toute nature imputables à la maladie radio-induite dont il est victime dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1400759 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 27 juin 2017 et les 14 septembre 2017 et 4 février 2020, Mme C... H... veuve G... ainsi que M. J... G... et Mme F... G... épouse D..., enfants de M. G..., représentés par Me K..., demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1400759 du tribunal administratif de Toulon en date du 27 avril 2017 ; 2°) de condamner le ministre de la défense et le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) à indemniser l'intégralité les préjudices subis par M. G..., pour un total de 335 791 euros, dans un délai de 3 mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ; 3°) de dire que les frais d'expertise médicale - dans l'hypothèse, où la Cour ordonnerait une telle expertise sur l'évaluation du dommage corporel consécutif à la pathologie imputable à l'exposition aux rayonnements ionisants - sont à la charge du ministre de la défense et du CIVEN ; 4°) à titre subsidiaire, de renvoyer au CIVEN le réexamen de la demande et d'enjoindre au ministre de la défense et au CIVEN de procéder à l'évaluation et à l'indemnisation des préjudices de toute nature imputables à la maladie radio-induite dont M. G... était atteint, dans un délai de trois mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 5°) de majorer le montant de l'indemnisation des préjudices, des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même formalité ; 6°) de mettre à la charge du CIVEN la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Ils soutiennent que : - le ministre de la défense ne rapporte pas la preuve que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie est négligeable en application du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - il est nécessaire de faire application des nouvelles dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifié par l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer et portant d'autres dispositions en matière sociale et économique. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2017, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2017, le CIVEN conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ; - la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ; - la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 ; - le décret n° 67-228 du 15 mars 1967 ; - le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ; - le décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 ; - le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ; - le décret du 24 février 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me E..., substituant Me K..., représentant les consorts G.... Une note en délibéré présentée par le CIVEN a été enregistrée le 14 février 2020. Considérant ce qui suit : 1. M. B... G..., alors officier de l'armée de terre, a été affecté à la compagnie d'équipement du 5ème régiment mixte du Pacifique et, à ce titre, a séjourné sur le site d'expérimentations nucléaires français en Polynésie française à Mururoa, Hao et Fangataufa, du 7 juin 1983 au 8 juin 1984. M. G... a développé un cancer du poumon diagnostiqué en octobre 2010. L'intéressé a adressé une demande d'indemnisation des préjudices subis au CIVEN, sur le fondement des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Par une décision de 1er octobre 2014, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Par sa requête devant le tribunal, M. G... a demandé aux premiers juges d'annuler cette décision et de condamner le CIVEN à indemniser intégralement les préjudices subis à la suite de son exposition aux rayonnements ionisants ayant causé, selon lui, la survenance de sa maladie. Mme H... veuve G... ainsi que M. J... G... et Mme F... G... épouse D..., enfants de M. G..., décédé le 27 novembre 2015, ont repris l'instance engagée par ce dernier devant le tribunal administratif de Toulon et relèvent appel du jugement n° 1400759 du 27 avril 2017 par lequel ce tribunal a rejeté la demande d'annulation de la décision en date du 1er octobre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de M. B... G.... Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée : 2. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. / Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit. ". Selon l'article 2 de cette même loi dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige du 19 janvier 2016 : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : / 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ; / 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française. / (...) ". L'article 4 de cette même loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige et antérieure à la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, disposait : " I. - Les demandes d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui se prononce par une décision motivée dans un délai de huit mois suivant le dépôt du dossier complet. / (...) / V. - Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé / (...) ". Aux termes de l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique : " I.- Au premier alinéa du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, les mots et la phrase : "à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé." sont supprimés. / II.- Lorsqu'une demande d'indemnisation fondée sur les dispositions du I de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a fait l'objet d'une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires réexamine la demande s'il estime que l'entrée en vigueur de la présente loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision. Il en informe l'intéressé ou ses ayants droit s'il est décédé qui confirment leur réclamation et, le cas échéant, l'actualisent. Dans les mêmes conditions, le demandeur ou ses ayants droit s'il est décédé peuvent également présenter une nouvelle demande d'indemnisation, dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. / (...) ". 3. Il résulte du II de l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, cité au point précédent, d'une part, que le législateur a confié au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires la mission de réexaminer l'ensemble des demandes d'indemnisation ayant fait l'objet d'une décision de rejet de la part du ministre ou du comité, s'il estime que l'entrée en vigueur de cette loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision et, d'autre part, que les victimes ou leurs ayants droit peuvent, dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, présenter au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires une nouvelle demande d'indemnisation. Compte tenu de son office, il appartient au juge du plein contentieux, saisi d'un litige relatif à une décision intervenue après réexamen d'une ancienne demande d'indemnisation ou en réponse à une demande postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, de statuer en faisant application des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 dans leur rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 et, s'il juge illégale la décision contestée, de fixer le montant de l'indemnité due au demandeur, sous réserve que ce dernier ait présenté des conclusions indemnitaires chiffrées, le cas échéant, après que le juge l'a invité à régulariser sa demande sur ce point. En revanche, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 que le législateur a entendu que, lorsque le juge statue sur une décision antérieure à leur entrée en vigueur, il se borne, s'il juge, après avoir invité les parties à débattre des conséquences de l'application de la loi précitée, qu'elle est illégale, à l'annuler et à renvoyer au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires le soin de réexaminer la demande. 4. Les dispositions du I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 citées au point 2 ont supprimé les dispositions du premier alinéa du V de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010, qui excluaient le bénéfice de la présomption de causalité dans le cas où le risque attribuable aux essais nucléaires pouvait être considéré comme négligeable. Le législateur a ainsi entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la pathologie de l'intéressé résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'a subi aucune exposition à de tels rayonnements. 5. D'une part, il est constant que M. G... a été affecté à la compagnie d'équipement du 5ème régiment mixte du Pacifique, chargée de l'organisation des travaux du génie et des travaux publics, et a été, à ce titre, affecté sur le site d'expérimentations nucléaires français en Polynésie française à Mururoa, Hao et Fangataufa, du 7 juin 1983 au 8 juin 1984. Il est non moins établi que ce séjour durant cette période a été contemporain, selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, de huit essais nucléaires réalisés en Polynésie française entre le 18 juin 1983 et le 12 mai 1984. M. G... a développé un cancer du poumon diagnostiqué en octobre 2010, pathologie inscrite sur la liste des maladies radio-induites au sens de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Il est décédé le 27 novembre 2015 des suites de cette maladie. Ainsi, il satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de ladite loi modifiée et bénéficie, dès lors, même si, compte tenu de ses activités professionnelles, il ne participait pas directement à un poste de travail radiologiquement exposé, de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. 6. D'autre part, M. G..., durant son séjour en Polynésie, n'a fait l'objet d'aucune dosimétrie individuelle externe. S'il a fait l'objet d'une dosimétrie individuelle interne, à travers un examen anthroporadiamétrique datant du 22 avril 1984 montrant une " absence d'exposition du demandeur au rayonnements ionisants ", ce seul et unique examen n'est pas suffisant pour exclure totalement qu'il ait fait l'objet d'une contamination par quelque voie que ce soit. Par conséquent, l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, ne peut être regardée comme apportant des éléments suffisants de nature à renverser la présomption de causalité et à établir que la pathologie à l'origine du décès de l'intéressé résulterait exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'aurait subi aucune exposition à de tels rayonnements. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. G... n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision du 1er octobre 2014 du ministre de la défense. 7. Il résulte de ce qui précède que les consorts G... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. G... tendant à l'annulation de la décision du 1er octobre 2014 du ministre de la défense. Sur les conclusions indemnitaires et à fin d'injonction : 8. L'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que le CIVEN adresse une proposition d'indemnisation aux intéressés tendant à la réparation intégrale des préjudices subis par M. G... en raison de son exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au CIVEN d'adresser aux consorts G... une proposition d'indemnisation majorée des intérêts au taux légal et capitalisés auxquels ils peuvent prétendre dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts G... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1400759 du tribunal administratif de Toulon du 27 avril 2017 et la décision du ministre de la défense du 1er octobre 2014 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de réexaminer la demande de M. G... et de procéder à l'évaluation et à l'indemnisation, majorée des intérêts au taux légal et capitalisés, des préjudices subis par les consorts G... dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'État versera aux consorts G... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... veuve G..., à M. J... G..., à Mme F... G... épouse D..., au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 février 2020, où siégeaient : - M. A..., président rapporteur - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme I..., première conseillère. Lu en audience publique, le 3 mars 2020. 2 N° 17MA02706
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 5ème chambre, 27/02/2020, 17LY02738, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 3 novembre 2015, par laquelle le directeur des ressources humaines de l'UPR Sud-est de la société Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son état anxio-dépressif et d'enjoindre à cette société de prendre en charge son état anxio-dépressif comme maladie imputable au service. Par un jugement n° 1600023 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 3 novembre 2015 et enjoint à la société Orange de prendre en charge la maladie de Mme C... en tant que maladie imputable au service. Procédure devant la cour Par requête enregistrée le 13 juillet 2017, et des mémoires enregistrés le 10 octobre 2017 et le 31 janvier 2020, présentés pour la société Orange, il est demandé à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1600023 du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; 2°) de rejeter la demande de Mme C... devant le tribunal administratif. Elle soutient que : - le jugement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour la société d'avoir été destinataire de la demande de Mme C..., à la suite d'un dysfonctionnement de l'application informatique Télérecours ; - c'est à tort que les premiers juges ont fait droit aux conclusions de la demande de Mme C... en se bornant à constater l'absence de contestation de la société, alors qu'il leur appartenait de porter une appréciation sur les circonstances de droit et de fait qui leur étaient soumises ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'état anxio-dépressif invoqué par Mme C... était imputable au service, alors que l'intéressée n'avait pas apporté d'élément démontrant l'existence d'un lien direct et exclusif entre l'état dont elle se prévalait et l'exercice de son activité professionnelle et que la commission de réforme avait émis un avis défavorable à la reconnaissance de cette imputabilité. Par mémoires enregistrés le 7 septembre 2017, le 24 octobre 2019 et le 31 janvier 2020, présentés pour Mme C..., elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Orange d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance. Elle soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de commerce ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ; - le décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996 ; - le décret n° 2014-107 du 4 février 2014 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Seillet, président assesseur ; - les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ; - les observations de Me A... pour la société Orange ainsi que celles de Me D... pour Mme C... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., fonctionnaire en service à France Télécom devenu la société Orange, qui avait bénéficié de plusieurs congés de maladie en raison de son état de santé et avait ainsi été placée en congé de longue maladie du 6 juin 2012 au 5 juin 2015 avant que, le 29 janvier 2015, le comité médical d'Orange l'estime inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions et qu'elle soit mise en retraite d'office pour invalidité au mois de décembre 2015, avait demandé, par une lettre du 17 avril 2015, à ce que son état de santé, caractérisé par des troubles anxio-dépressifs, soit reconnu imputable au service. Toutefois, à la suite d'un avis, émis le 22 octobre 2015, par la commission de réforme de la société Orange, défavorable à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie de Mme C..., le directeur des ressources humaines de l'UPR (unité de production réseau) Sud-est de la société Orange, par une décision du 3 novembre 2015, a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son état de santé. La société Orange interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, sur la demande de Mme C..., annulé cette décision et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme C... : 2. La présentation d'une action par un de ces mandataires ne dispense pas la juridiction de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action. Une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce applicables aux sociétés anonymes, en vertu desquelles le directeur général, ou lorsque la direction générale de la société est assumée par le président du conseil d'administration, le président-directeur général, ainsi que les directeurs généraux délégués, sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représentent la société dans ses rapports avec les tiers, que ces personnes ont de plein droit qualité pour agir en justice au nom de la société. Il ressort des pièces du dossier que la requête est signée par l'avocat mandaté par la société requérante et mentionne qu'elle est présentée pour la société anonyme Orange représentée par son représentant légal et il n'en ressort pas qu'elle ait été présentée par un organe qui ne tenait pas de ses fonctions le pouvoir d'interjeter appel au nom de ladite société sans avoir à justifier de la régularité d'un mandat conformément aux dispositions sus-rappelées du code de commerce. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à la requête par Mme C..., au motif que la requête n'indique pas l'identité du représentant légal de la société anonyme requérante habilité à agir pour le compte de celle-ci, doit être écartée. Sur la légalité de la décision en litige : 3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 4. Ainsi qu'il a été dit au point 1 la commission de réforme de la société Orange a émis, le 22 octobre 2015, un avis défavorable à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie de Mme C..., en raison de l'absence d'éléments médicaux pouvant lier cette pathologie à son activité professionnelle. Si Mme C... a produit une attestation de son médecin traitant, du 23 mars 2015, selon laquelle son état de santé était " imputable au service dans lequel elle travaillait chez Orange " au moment de son arrêt de travail du 6 juin 2012 et une attestation d'un psychanalyste du 1er avril 2015, mentionnant un suivi en thérapie depuis un " début d'état dépressif et traumatique consécutif au service dans lequel elle exerçait dans le groupe Orange ", ces attestations ont été établies sur la base des seules déclarations de l'intéressée et de son propre ressenti des événements. Les comptes rendus d'un psychiatre agréé qui avait examiné l'intéressée à plusieurs reprises, à la demande du comité médical de France Télécom, durant la période du 1er janvier 2013 au 23 décembre 2014, dans le cadre de son placement puis de sa prolongation en congé de longue maladie, qui indiquent qu'il n'existe ni antécédent familial ni antécédent somatique important et, selon le dernier de ces documents, que la problématique reste patente et que l'intéressée est extrêmement déstabilisée dès qu'est abordée la fonction professionnelle, ne comportent aucune appréciation sur l'existence d'un lien entre le service et la pathologie de Mme C.... Ainsi, les pièces du dossier, et en particulier ces pièces médicales produites tant en première instance qu'en appel par Mme C..., qui avaient au demeurant été portées à la connaissance de la commission de réforme, et alors que le dernier compte-rendu du médecin psychiatre agréé évoque un premier épisode dépressif transitoire lors d'un accident du travail de l'époux de Mme C..., tout comme les déclarations de l'intéressée qui se borne à évoquer un changement d'affectation en 2008 pour un poste de conseiller satisfaction clients, traitement des réclamations, orienté vers la clientèle de professionnels, puis un poste supposant l'utilisation d'un logiciel qu'elle aurait eu beaucoup de difficultés à exploiter faute d'une formation adaptée, ce qui l'aurait conduite à subir des réflexions sur son rythme de travail oralement puis dans son évaluation écrite, ne font apparaître aucune circonstance particulière tenant à ses conditions de travail, susceptible d'avoir occasionné la pathologie dont elle souffre. Dès lors, la maladie dont souffre Mme C... ne peut être regardée comme imputable au service et l'autorité compétente n'a commis aucune illégalité en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des affections dont se plaignait l'intéressée. C'est, par suite, à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article 34 précité de la loi du 11 janvier 1984 pour annuler la décision en litige. 5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et en appel. 6. Aux termes de l'article 2 du décret du 4 février 2014 relatif à la création du comité médical national et de la commission de réforme nationale de la société anonyme Orange : " Il est institué au sein de la société anonyme Orange une commission de réforme nationale qui exerce les fonctions des commissions de réforme prévues à l'article 10 du décret du 14 mars 1986 (...) ". Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " La commission de réforme est consultée notamment sur : 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 (...) 5. La réalité des infirmités résultant (...) d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article 26 du même décret : " (...) les commissions de réforme (...) sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 (...) Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné (...) ". 7. Ces dispositions imposent la consultation de la commission de réforme dans tous les cas où le bénéfice du texte précité est demandé par un agent, hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste, afin de déterminer notamment si l'affection dont souffre l'agent est ou non imputable au service. Il ne ressort toutefois pas de ces dispositions ni d'aucun autre texte que la commission de réforme ne pourrait statuer sans avoir au préalable ordonné une mesure d'expertise. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière à défaut pour la commission de réforme d'avoir ordonné une telle mesure doit être écarté. 8. Il résulte de ce qui précède que la société Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en litige et lui a enjoint de prendre en charge la maladie de Mme C... en tant que maladie imputable au service. 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C.... DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1600023 du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé. Article 2 : Les conclusions de Mme C... sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange SA et à Mme B... C.... Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient : M. Arbarétaz, président de chambre, M. Seillet, président assesseur, Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 27 février 2020. 1 2 N° 17LY02738 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/03/2020, 17MA00158, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision en date du 1er décembre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, d'enjoindre au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de procéder à l'évaluation et à l'indemnisation des préjudices subis dans un délai de trois mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et de majorer le montant de l'indemnisation des préjudices des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même formalité. Par un jugement n° 1500238 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et deux mémoires enregistrés le 17 janvier 2017 et les 19 septembre 2017 et 4 février 2020, M. C..., représenté par Me F..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1500238 du tribunal administratif de Nîmes en date du 17 novembre 2016 ; 2°) à titre subsidiaire de renvoyer au CIVEN, le réexamen de sa demande, de condamner le ministre de la défense et le CIVEN à l'indemniser, dans un délai de 3 mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, à réparer l'intégralité des préjudices subis, résultant des quatre cancers primitifs subis pour un montant de 315 142 euros, d'enjoindre au ministre de la défense et au CIVEN de procéder à l'évaluation et à l'indemnisation des préjudices de toute nature imputables à la maladie radio-induite dont il était atteint, dans un délai de trois mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 3°) de majorer le montant de l'indemnisation des préjudices, des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même formalité ; 4°) de mettre à la charge du ministre de la défense la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - le ministre de la défense ne rapporte pas la preuve que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de sa maladie est négligeable en application du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - qu'il est nécessaire de faire application des nouvelles dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifié par l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer et portant d'autres dispositions en matière sociale et économique. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2017, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2017, le CIVEN conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ; - la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ; - la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 ; - le décret n° 67-228 du 15 mars 1967 ; - le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ; - le décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 ; - le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ; - le décret du 24 février 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me D..., substituant Me F..., représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., militaire de carrière dans la marine nationale, a été affecté sur le site d'expérimentation nucléaire de Hao en Polynésie française du 31 mars 1970 au 12 septembre 1970 et du 6 avril 1971 au 21 novembre 1971. M. C... a contracté un cancer des glandes salivaires à l'âge de 56 ans, soit 26 années après son départ de Polynésie française. L'intéressé a adressé une demande d'indemnisation des préjudices subis au CIVEN, sur le fondement des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Par une décision du 1er décembre 2014, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Par sa requête devant le tribunal, l'intéressé a demandé aux premiers juges d'annuler cette décision et de condamner le CIVEN à lui verser la somme totale de 315 142 euros à raison des préjudices subis à la suite de son exposition aux rayonnements ionisants ayant causé la survenance de sa maladie. M. C... relève appel du jugement n° 1500238 du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 1er décembre 2014. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée : 2. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. (...). ". 3. Aux termes de l'article 2 de la même loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : (...) entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française (...) ". 4. Le V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige, énonce que : " Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) ". 5. Aux termes de l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique : " I.-Au premier alinéa du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, les mots et la phrase : " à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé. " sont supprimés. / II.-Lorsqu'une demande d'indemnisation fondée sur les dispositions du I de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a fait l'objet d'une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires réexamine la demande s'il estime que l'entrée en vigueur de la présente loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision. Il en informe l'intéressé ou ses ayants droit s'il est décédé qui confirment leur réclamation et, le cas échéant, l'actualisent. Dans les mêmes conditions, le demandeur ou ses ayants droit s'il est décédé peuvent également présenter une nouvelle demande d'indemnisation, dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi (...) ". 6. Il résulte du II de l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, cité au point précédent, d'une part, que le législateur a confié au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires la mission de réexaminer l'ensemble des demandes d'indemnisation ayant fait l'objet d'une décision de rejet de la part du ministre ou du comité, s'il estime que l'entrée en vigueur de cette loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision et, d'autre part, que les victimes ou leurs ayants droit peuvent, dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, présenter au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires une nouvelle demande d'indemnisation. Compte tenu de son office, il appartient au juge du plein contentieux, saisi d'un litige relatif à une décision intervenue après réexamen d'une ancienne demande d'indemnisation ou en réponse à une demande postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, de statuer en faisant application des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 dans leur rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 et, s'il juge illégale la décision contestée, de fixer le montant de l'indemnité due au demandeur, sous réserve que ce dernier ait présenté des conclusions indemnitaires chiffrées, le cas échéant, après que le juge l'a invité à régulariser sa demande sur ce point. En revanche, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 que le législateur a entendu que, lorsque le juge statue sur une décision antérieure à leur entrée en vigueur, il se borne, s'il juge, après avoir invité les parties à débattre des conséquences de l'application de la loi précitée, qu'elle est illégale, à l'annuler et à renvoyer au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires le soin de réexaminer la demande. 7. Les dispositions du I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 citées au point 6 ont supprimé les dispositions du premier alinéa du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, qui excluaient le bénéfice de la présomption de causalité dans le cas où le risque attribuable aux essais nucléaires pouvait être considéré comme négligeable. Le législateur a ainsi entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la pathologie de l'intéressé résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'a subi aucune exposition à de tels rayonnements. 8. D'une part, il est constant que M. C... a été affecté sur le site d'expérimentation nucléaire de Hao en Polynésie française du 31 mars 1970 au 12 septembre 1970 et du 6 avril 1971 au 21 novembre 1971. M. C... a contracté un cancer des glandes salivaires - pathologie inscrite sur la liste des maladies radio-induites au sens de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 - à l'âge de 56 ans, soit 26 années après son départ de Polynésie française. Au demeurant, il résulte également de l'instruction que, pour les périodes comprises entre le 31 mars 1970 au 12 septembre 1970 et du 6 avril 1971 au 21 novembre 1971, treize essais nucléaires de type atmosphérique réalisés à Moruroa et Fangataufa ont eu lieu. Ainsi, M. C... satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de ladite loi modifiée et bénéficie, dès lors, de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. 9. D'autre part, certes, M. C... a fait l'objet d'une dosimétrie individuelle externe, par quatre dosimètres à dose nulle entre le 1er mai 1970 et le 7 juillet 1970 et trois dosimètres à dose nulle de juin 1971 à août 1971, et d'une dosimétrie individuelle interne, à travers un seul et unique examen anthroporadiamétrique du 15 mai 1970 montrant " une très légère contamination par produits de fission évaluée à 0,05 mSv ". Cependant, il n'en demeure pas moins qu'il bénéficie de la présomption de causalité légale dans la mesure où les conditions de l'indemnisation sont réunies. Et, les seuls examens dosimétriques invoqués par l'administration, eu égard à leur fréquence, ne sont pas suffisants pour exclure totalement qu'il ait fait l'objet d'une contamination par quelque voie que ce soit. 10. Par conséquent, l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, ne peut être regardée comme apportant des éléments suffisants de nature à établir que la pathologie de l'intéressé résulterait exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'aurait subi aucune exposition à de tels rayonnements. Dès lors, la présomption de causalité prévue par la loi n'est pas renversée de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. C... n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision du 1er décembre 2014 du ministre de la défense. 11. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 2014 du ministre de la défense. Sur les conclusions à fin indemnitaire : 12. Eu égard à la date de la décision en litige et à l'office du juge tel que défini au point 6, il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre de la présente instance, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. C... ni sur celles tendant à l'octroi des intérêts et à la capitalisation des intérêts. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 13. Compte tenu de ce qu'il a été dit au point 12, l'annulation de la décision ministérielle du 1er décembre 2014 implique seulement que la demande d'indemnisation de M. C... soit renvoyée au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires pour être réexaminée en vue d'adresser une proposition d'indemnisation à M. C... tendant à la réparation intégrale de ses préjudices en raison de son exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à ce dernier de réexaminer cette demande dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1500238 du 17 novembre 2016 du tribunal administratif de Nîmes et la décision du ministre de la défense du 1er décembre 2014 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de réexaminer la demande de M. C... et de procéder à l'évaluation et à l'indemnisation, majorée des intérêts au taux légal et capitalisés, des préjudices subis par M. C... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'État versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 février 2020, où siégeaient : - M. B..., président rapporteur - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme E..., première conseillère. Lu en audience publique, le 3 mars 2020. 5 N° 17MA000158
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 7ème chambre, 12/03/2020, 19LY04046, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé le 28 janvier 2018 au tribunal des pensions militaires de Lyon d'annuler la décision du 21 novembre 2017, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité en date du 21 avril 2016 et de lui reconnaître un droit à pension pour infirmité de diafect diaphragmatique au taux de 30 %. Par un jugement n° 18/00002 du 9 avril 2019, le tribunal des pensions a annulé la décision du 21 novembre 2017 et lui a accordé une pension au taux de 30 %. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 juin 2019, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Lyon du 9 avril 2019 ; 2°) de rejeter la demande de M. B.... Elle soutient que : - en consultant un médecin référent en cours de délibéré sans lui avoir communiqué le courriel, en date du 17 décembre 2018, de ce médecin, le tribunal des pensions a méconnu le principe du contradictoire ; - M. B... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en vertu des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, du lien de causalité entre l'affection au titre de laquelle il a formé sa demande et l'accident de service dont il a été victime le 15 octobre 1991 ; - l'infirmité dont M. B... fait état ne saurait entraîner qu'un taux d'invalidité de 10 %, inférieur au minimum requis de 30 % pour ouvrir droit à pension hors guerre. Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2019, M. B... représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation de l'annulation de la décision du 21 novembre 2017. Il soutient que : - le jugement de première instance est suffisamment motivé et circonstancié ; - la seule circonstance que les troubles se sont révélés fortuitement après plusieurs années ne brise pas leur lien de causalité avec l'accident de service dont il a été victime en 1991 ; ce lien est établi par les appréciations des médecins experts. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public, - les observations de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1 M. C... B... a fait carrière dans la gendarmerie du 1er février 1983 au 1er janvier 2018, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite. Il a été accidenté en service le 15 octobre 1991. Un scanner pulmonaire réalisé fortuitement le 18 janvier 2016 a diagnostiqué un défect diaphragmatique, qui a été réduit par des interventions chirurgicales en avril 2016. Faisant valoir que cette affection trouvait son origine dans le traumatisme subi lors de l'accident de service, M. B... a demandé, le 21 avril 2016, une pension militaire d'invalidité à ce titre. Annulant le refus que lui avait opposé le ministre de la défense par une décision du 21 novembre 2017, le tribunal des pensions militaires de Lyon, par un jugement du 9 avril 2019, a enjoint à la ministre des armées d'accorder à M. B... une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %. La ministre demande en appel l'annulation de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort des mentions du jugement que, dans le cadre du délibéré, notamment par une correspondance électronique du 17 décembre 2018, les premiers juges ont consulté le professeur Gouillat, en sa qualité d'expert près la cour de cassation et la cour d'appel de Lyon, pour retenir les affirmations de celui-ci selon lesquelles " il est en effet très classique qu'une rupture traumatique du diaphragme ne soit découverte que de très nombreuses années après le traumatisme ". La rédaction de ces mentions révèle que, parmi les autres motifs du jugement conduits de manière inductive s'agissant, au cas d'espèce, de déterminer un lien de causalité entre l'accident de service du 15 octobre 1991 et l'affection découverte le 18 janvier 2016, cette considération a été déterminante dans la solution donnée au litige par le tribunal. Il ne ressort pas desdites mentions que la ministre des armées, qui n'est pas contredite sur ce point, a été mise en mesure de discuter cette appréciation dans le cadre du débat contradictoire. Dès lors, en s'abstenant de communiquer ces éléments, recueillis en-dehors de la procédure contentieuse contradictoire, et notamment en méconnaissance de l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, à l'administration, les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et ont entaché le jugement attaqué d'irrégularité. Par suite, la ministre des armées est fondée, par ce motif, à en demander l'annulation. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B.... 4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; /4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " 5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 6. Il résulte de l'instruction que, si M. B... a été victime, le 15 octobre 1991, d'une chute grave alors qu'il intervenait en qualité de gendarme enquêteur pour des investigations dans un bâtiment industriel à la suite d'un incendie et qui lui a provoqué un important traumatisme et plusieurs fractures, l'intéressé a pu reprendre ses fonctions après un arrêt de travail de cinq semaines au titre de l'accident de service reconnu, sans, selon ses propres déclarations, faire état, jusqu'à la date de sa demande de pension, de séquelles liées à cet accident, hors de violentes douleurs spontanément résorbées au bout de quelques mois. Si M. B... fait état, par ses observations orales à l'audience, de défaillances dans sa prise en charge lors de son hospitalisation, il ne l'établit pas. Son livret médical, dont l'intéressé ne rapporte pas la preuve qu'il serait entaché d'omissions, ne comporte aucune mention de conséquences de cet événement, noté sans séquelles lors d'une visite médicale périodique le 28 août 1996. M. B... indique dans ses écritures avoir vécu depuis sans troubles de santé notables avant une affection pulmonaire fin 2015, pour laquelle a été prescrit l'examen par scannographie qui a révélé, fortuitement, un défect diaphragmatique. Si le rapport d'expertise médicale du médecin de l'administration qui a examiné le requérant le 11 mars 2017, dans le cadre de l'instruction de sa demande, mentionne la persistance de douleurs et conclut par déduction au lien probable entre l'affection et l'accident de service, il se borne à retranscrire les déclarations de l'intéressé s'agissant des suites données à cet événement par M. B... et des troubles fonctionnels allégués entre 1996 et 2016. Enfin, tandis que le chirurgien qui a traité le défect diaphragmatique procède également par déduction pour évoquer une probabilité de ce lien, M. B... se borne à faire valoir la documentation médicale générale sur le sujet pour fonder sa demande sur cette probabilité, par exclusion d'autres hypothèses. Dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exigent les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée. 7. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Lyon a accordé à M. B... une pension au taux global de 30 % pour " séquelles d'un dépôt de la coupole diaphragmatique gauche ". DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 18/00002 du 9 avril 2019 du tribunal des pensions de Lyon est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions de Lyon est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... B.... Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président, M. Seillet, président assesseur, Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 12 mars 2020. N° 19LY04046 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 6ème chambre, 10/03/2020, 18LY01432, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 février 2016 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a refusé de lui attribuer l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilées, d'enjoindre à l'ONACVG de lui verser cette allocation, de condamner l'ONACVG à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices et de mettre à la charge de cet office une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1603026 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 avril 2018, M. C..., représenté par la Selarl Mathieu avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1603026 du 6 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice générale de l'ONACVG du 4 février 2016 lui refusant le bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ; 3°) d'enjoindre à l'ONACVG de procéder au versement de cette allocation ; 4°) de condamner l'ONACVG à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ; 5°) de mettre à la charge de l'ONACVG une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision attaquée est entachée du vice d'incompétence ; - ayant servi en Algérie au sein de la section administrative spécialisée de Saïda du 1er mai 1958 au 30 avril 1960 puis fixé son domicile en France, il remplit les conditions posées à l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 et à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ; - compte tenu des multiples courriers qu'il a été dans l'obligation d'adresser à l'administration aux fins de faire reconnaître ses droits, il a subi un préjudice évalué à la somme de 5 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2019, l'ONACVG, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les conclusions indemnitaires de M. C... sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable et que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ; - la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-504/505 QPC du 4 décembre 2015 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-522 QPC du 19 février 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pin, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ancien membre des formations supplétives de l'armée française en Algérie, a sollicité, par télécopie du 1er décembre 2014, le bénéfice de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Par décision du 4 février 2016, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) lui a refusé le bénéfice de cette allocation au motif que celle-ci était réservée aux anciens supplétifs de statut civil de droit local. M. C... relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que ses conclusions indemnitaires. 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 572-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre reçoit délégation de pouvoir du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre dans les matières suivantes : 1° Les décisions relatives aux cartes et titres suivants et aux indemnités et pécules qui y sont rattachés : (...) b) Titre de reconnaissance de la Nation ; (...) ". 3. La décision contestée a été signée par Mme D... B..., nommée directrice générale de l'ONACVG à compter du 14 janvier 2013, en vertu d'un décret du 19 décembre 2012, publié au journal officiel de la République française le 21 décembre 2012. Dès lors, elle était bien compétente pour prendre la décision attaquée en vertu des pouvoirs conférés au directeur général de l'ONACVG en matière d'indemnités liées au titre de reconnaissance de la Nation, par l'article R. 572-2 alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 4. En second lieu, aux termes du I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 est réservée aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives " de statut civil de droit local ". Aux termes du II du même article, " Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance (...) peuvent opter, au choix : -pour le maintien de l'allocation de reconnaissance dont le montant annuel est porté à 3 415 à compter du 1er janvier 2015 ; -pour le maintien de l'allocation de reconnaissance d'un montant annuel de 2 322 à compter du 1er janvier 2015 et le versement d'un capital de 20 000 ; -pour le versement, en lieu et place de l'allocation de reconnaissance, d'un capital de 30 000 . (...) ". 5. Si, par sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution les dispositions antérieures qui, dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, le dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994, le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999, les sixième et septième alinéas de l'article 6 et l'article 9 de la loi du 23 février 2005, mentionnaient l'acquisition ou la possession de la nationalité française, dont celles qui, par les renvois qu'elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l'allocation de reconnaissance, une telle condition tenant à la nature du statut civil dont devait bénéficier le demandeur de l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 a été réintroduite par les dispositions du I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 précitée. 6. Or, par une décision n° 2015-504/505 QPC du 4 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le I de l'article 52 en ce qu'il insérait les mots " de statut civil de droit local " au premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Il a notamment jugé qu'en instituant une condition relative au statut civil des personnes, le législateur avait édicté une condition d'une nature différente de la condition de nationalité qui avait été déclarée contraire à la Constitution par la décision précitée du 4 février 2011. 7. Par sa décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a en revanche déclaré contraire à la Constitution les dispositions du II de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 qui prévoyait l'application rétroactive de la condition tenant au statut local " aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013 qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée ", cette déclaration prenant effet à compter de la publication de sa décision et étant susceptible d'être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement. Toutefois, l'inconstitutionnalité de cette disposition a pour effet d'ouvrir droit au bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux seules personnes qui ont formé une demande d'indemnité entre la publication de la décision n° 2010-93 QPC du Conseil constitutionnel et le 19 décembre 2013 et qui, à la suite du refus opposé par l'administration à cette demande, ont engagé une procédure contentieuse non définitivement close à la date de la décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a adressé, par télécopie, à l'administration sa demande de versement de l'allocation de reconnaissance le 1er décembre 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013. Dans ces conditions, et dès lors qu'il est constant que M. C... relevait du statut civil de droit commun, il ne pouvait légalement prétendre au bénéfice de cette allocation, compte tenu de la réintroduction de la condition relative au statut civil des anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie, par le I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, déclarée conforme à la Constitution et de la date d'introduction de sa demande. Dans ces conditions, la directrice générale de l'ONACVG a pu, sans commettre d'erreur de droit, refuser d'accorder à M. C... le versement de l'allocation en litige en lui opposant la condition tenant à la nature du statut civil. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C..., ainsi que, par voie de conséquence et en tout état de cause, ses conclusions indemnitaires, doivent être rejetées. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée au même titre par l'ONACVG. DECIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient : M. Pommier, président de chambre, M. Drouet, président assesseur, M. Pin, premier conseiller. Lu en audience publique le 10 mars 2020. 4 N° 18LY01432
Cours administrative d'appel
Lyon
Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 02/03/2020, 417144
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler le titre de pension qui lui a été concédé par arrêté du ministre des finances et des comptes publics le 20 avril 2015 en tant qu'il lui a refusé l'octroi d'une rente viagère d'invalidité et d'enjoindre au ministre de lui accorder une rente viagère d'invalidité avec effet rétroactif à compter de la date de sa mise à la retraite, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par un jugement n°1501044 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier et 9 avril 2018, au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur, - les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., agent administratif principal des finances publiques, a été placé en congé de longue durée entre janvier 2009 et janvier 2014. Anticipant l'expiration de ce congé, il a demandé, en décembre 2013, à être admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service. A la suite d'un avis de la commission départementale de réforme du 20 juin 2014, qui a constaté l'inaptitude absolue et définitive de l'intéressé à toutes fonctions et retenu que l'invalidité au taux de 40 % depuis le 16 janvier 2009 n'était pas imputable au service, M. B... a été radié des cadres et admis à la retraite pour invalidité par arrêté du 24 septembre 2014. Sa pension a été liquidée avec effet au 16 janvier 2014 par un titre de pension concédé le 29 septembre 2014. Ces deux actes ont été pris en application de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite. A la suite d'un recours administratif formé par M. B... contre le titre de pension du 29 septembre 2014, en tant que celui-ci ne lui accordait pas le bénéfice d'une pension pour invalidité imputable au service, ce qui n'ouvrait pas droit, pour l'intéressé, à une rente viagère d'invalidité, et d'un nouvel avis de la commission départementale de réforme en date du 27 février 2015, fixant à 60 % le taux d'invalidité tout en maintenant l'appréciation sur l'absence d'imputabilité au service de l'invalidité affectant l'intéressé, un nouveau titre de pension prenant en compte ces deux éléments a été émis le 20 avril 2015. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 novembre 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre de pension en tant qu'il lui a refusé l'octroi d'une rente viagère d'invalidité et à ce qu'il soit enjoint au ministre, sous astreinte, de lui accorder une telle rente avec effet rétroactif à la date de sa mise à la retraite. Sur le cadre juridique du litige : 2. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être radié des cadres par anticipation (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que seuls les fonctionnaires civils radiés des cadres sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, c'est-à-dire en raison d'une incapacité permanente imputable au service, peuvent percevoir une rente viagère d'invalidité. 3. Aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...) ". Aux termes de l'article R.* 4 du même code : " L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. / Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession ". Aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27. (...) ". Aux termes de l'article R. 49 bis du même code, issu du décret du 18 avril 2011 relatif à la procédure d'admission à la retraite pour invalidité des fonctionnaires civils de l'Etat : " Dans tous les cas, la décision d'admission à la retraite pour invalidité, prise en application de l'article L. 31, est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget ". Enfin, l'article R. 65 du même code dispose que : " Le service chargé de la mise en oeuvre de la gestion administrative et financière du régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat constitue, pour chaque fonctionnaire, magistrat et militaire, à compter de la date de son affiliation au régime du présent code, un compte individuel de retraite. A partir de ce compte et après contrôle des informations y figurant, ainsi que, le cas échéant, des durées d'assurance et des périodes reconnues équivalentes validées dans un ou plusieurs autres régimes de retraite de base obligatoires, la pension de l'intéressé ou celle de ses ayants cause ou, le cas échéant, la rente viagère d'invalidité est liquidée et concédée par arrêté du ministre chargé du budget. / Les administrations ou établissements de l'Etat ou tous autres organismes employeurs de fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires transmettent au service mentionné au premier alinéa, dans des conditions fixées par décret, tout au long de la carrière des intéressés, les informations à porter à leur compte individuel de retraite ". 4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision de procéder à la radiation des cadres en vue de l'admission à la retraite d'un fonctionnaire civil de l'Etat pour invalidité, qui énonce les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales en cause, appartient au ministre dont relève l'agent et est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget. En application de cette décision, le ministre chargé du budget, qui dispose des informations portées par les administrations ou établissements de l'Etat ou tous autres organismes employeurs de fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires, tout au long de la carrière des intéressés, à leur compte individuel de retraite, procède ensuite, par arrêté, à la liquidation et à la concession de la pension de l'intéressé ou de celle de ses ayants cause ou, le cas échéant, de la rente viagère d'invalidité. Sur les moyens du pourvoi : 5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en jugeant que le ministre chargé du budget ne peut, lorsqu'un fonctionnaire a été radié des cadres pour une invalidité qui n'a pas été regardée comme imputable au service, lui allouer une pension pour invalidité imputable au service et lui attribuer une rente viagère d'invalidité, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit, ni, en tout état de cause, irrégulièrement soulevé d'office un moyen qui n'aurait pas le caractère d'un moyen d'ordre public. 6. En second lieu, en retenant qu'en l'espèce, l'arrêté du 24 septembre 2014 du ministre du budget portant admission à la retraite de M. B... ne visait pas l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite et ne mentionnait pas que l'invalidité fondant la décision d'admission à la retraite était imputable au service, alors même qu'à un stade antérieur de la procédure le service gestionnaire avait pu préconiser que l'invalidité soit regardée comme imputable au service, le tribunal administratif a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation. En en déduisant que M. B..., dont il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'il n'a pas contesté, par la voie de l'exception, l'arrêté du 24 septembre 2014 l'ayant admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité en application de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, n'était pas fondé à réclamer le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, le tribunal a exactement apprécié les faits de l'espèce et n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. Son pourvoi doit donc être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.ECLI:FR:CECHR:2020:417144.20200302
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/02/2020, 427529
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 12 octobre 2018 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 31 juillet 2018 rejetant sa demande d'attribution d'une allocation du fonds de prévoyance militaire, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa situation et de lui octroyer l'allocation précitée sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1821879 du 5 décembre 2018, le président du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le dossier de la demande de M. B... au tribunal administratif de Nantes. Par une ordonnance n° 1811503 du 30 janvier 2019, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le président du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement du troisième alinéa de l'article R. 351-6 du code de justice administrative, transmis le dossier de la demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le décret n° 2007-890 du 15 mai 2007 ; - le décret n° 2015-690 du 18 juin 2015 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;Considérant ce qui suit : 1. Le présent litige porte sur le refus de l'Etablissement public national des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique de verser une allocation à un ancien militaire. 2. D'une part, aux termes de l'article R. 312-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée dans sa rédaction applicable au litige ". Il résulte de ces dispositions que le tribunal administratif, dans le ressort duquel l'autorité administrative qui a pris la décision attaquée a son siège, est compétent pour connaître du litige lorsque celui-ci ne relève pas des dispositions d'un texte spécial ou des exceptions mentionnées aux articles R. 312-6 à R. 312-19 relevant de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III de la partie réglementaire du code de justice administrative. 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 312-12 du même code : " Tous les litiges d'ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne ". Et, aux termes de l'article R. 312-13 du même code : " Les litiges relatifs aux pensions des agents des collectivités locales relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège de la personne publique dont l'agent intéressé relevait au moment de sa mise à la retraite. / Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le domicile du demandeur lors de l'introduction de sa requête. / Pour les autres pensions dont le contentieux relève de la juridiction des tribunaux administratifs, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d'assignation du paiement de la pension ou, à défaut, soit qu'il n'y ait pas de lieu d'assignation, soit que la décision attaquée comporte refus de pension, la résidence du demandeur lors de l'introduction de sa réclamation ". 4. Il résulte par ailleurs des dispositions du code de la défense que l'établissement public administratif créé par un décret du 15 mai 2007 et dont les statuts ont été fixés par le décret du 18 juin 2015, codifié aux articles R. 3417-1 et suivants du code de la défense, est notamment chargé de gérer le fonds de prévoyance militaire et, ce faisant, de verser des allocations aux militaires ou anciens militaires. Aux termes de l'article L. 4123-5 de ce code : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. / Les allocations de ces fonds sont incessibles et insaisissables ". Aux termes de l'article R. 3417-3 du même code, l'établissement public national des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a notamment pour mission de " 1° verser aux personnels affiliés au fonds de prévoyance militaire ou au fonds de prévoyance de l'aéronautique ou à leurs ayants cause les allocations instituées par voie réglementaire ou des secours ". Aux termes de l'article D. 4123-2 du même code : " Les militaires, à l'exception de ceux qui sont affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique, sont affiliés au fonds de prévoyance militaire destiné à verser, hors le cas de mobilisation générale ou de participation à des opérations qualifiées d'opérations de guerre par décret en conseil des ministres, des allocations en cas de blessure, d'infirmité ou de décès imputable au service dans le cas où la blessure, l'infirmité ou le décès n'ouvre pas droit aux allocations du fonds de prévoyance de l'aéronautique ". Un tel dispositif revêt le caractère d'un mécanisme de prévoyance collective obligatoire. 5. Le présent litige, opposant, au sujet du versement d'une allocation, un agent à cet établissement public chargé de gérer un mécanisme de prévoyance collective obligatoire qui, même s'il est étroitement lié au ministère de la défense, n'est pas son employeur, ne peut être regardé comme un litige d'ordre individuel intéressant un fonctionnaire ou agent de l'Etat au sens de l'article R. 312-12 du code de justice administrative. Il ne relève pas non plus de l'article R. 312-13 du code de justice administrative, les allocations versées par le fonds de prévoyance militaire n'étant pas un élément de la pension et leur contentieux n'étant pas soumis par une disposition expresse aux règles applicables aux pensions. Il ne relève enfin d'aucune autre disposition de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III de la partie réglementaire du code de justice administrative, ni de celles d'un texte spécial. Par suite, il y a lieu, en application de l'article R. 312-1 du code de justice administrative, de désigner le tribunal administratif de Paris, dans le ressort duquel l'établissement public a son siège, pour connaître de la demande de M. B....D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement de la demande de M. B... est attribué au tribunal administratif de Paris. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B.... Copie en sera adressée à la ministre des armées, à l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, à la Caisse des dépôts et consignations et aux présidents des tribunaux administratifs de Paris et de Nantes. ECLI:FR:CECHR:2020:427529.20200228
Conseil d'Etat
CAA de PARIS, 7ème chambre, 25/02/2020, 17PA03742, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 août 2015 de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) portant attribution d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 2 % en indemnisation des séquelles de la maladie reconnue d'origine professionnelle dont elle est atteinte, d'ordonner une expertise médicale en vue de la réévaluation du taux de 2 % accordé par la décision du 26 août 2015 attaquée, de condamner la CDC à lui verser la somme de 2 500 euros à titre provisionnel et de mettre à la charge de la CDC une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Après un jugement avant-dire droit du 16 décembre 2016 prescrivant une expertise, Mme B... a demandé, d'une part, s'agissant du taux d'incapacité permanente partielle, d'entériner les conclusions du rapport d'expertise fixant le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) à 20 % dont 15% imputable à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), d'enjoindre au directeur de la CDC de lui attribuer une allocation temporaire d'invalidité à un taux d'IPP de 20 % à compter du 5 mars 2013, de condamner la CDC à régler les frais d'expertise d'un montant de 1 780 euros et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, s'agissant des préjudices, à titre principal, de fixer au maximum la majoration de rente perçue, majoration devant suivre l'augmentation du taux d'IPP résultant de l'aggravation éventuelle des séquelles, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les seuls préjudices extrapatrimoniaux, et de condamner, à titre provisionnel, l'AP-HP à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de dommages-intérêts. A la suite d'une demande de régularisation de sa demande de première instance, Mme B... a, devant le tribunal administratif, fixé globalement le montant de ses prétentions indemnitaires à 80 000 euros. Par une requête distincte Mme B... a également demandé au tribunal d'annuler la décision implicite du directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre au directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un jugement nos 1517335/2-2-1612015/2-2 du 9 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris, statuant sur la requête n° 1517335, a annulé la décision du 26 août 2015 de la CDC portant attribution d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 2 %, enjoint au directeur général de la CDC d'allouer une allocation temporaire d'invalidité à Mme B... calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 15 %, liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme de 1 780 euros mise à la charge de la CDC, condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à Mme B... la somme de 10 000 euros ainsi que la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, condamné la CDC à verser à l'intéressée la somme de 750 euros au même titre et rejeté le surplus de la requête. Statuant par le même jugement sur la requête n° 1612015, le tribunal administratif en a rejeté les conclusions tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2017 et 20 février 2019, Me B..., représentée par Me E..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement nos 1517335/2-2, 1612015/2-2 du 9 octobre 2017 en tant qu'il a rejeté l'indemnisation de ses préjudices à caractère patrimonial, limité à 10 000 euros l'indemnité que l'AP-HP a été condamnée à lui verser en réparation des préjudices à caractère extra-patrimonial subis en raison de sa maladie professionnelle et rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus du directeur général de l'AP-HP de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 2°) à titre principal : - de fixer au maximum la majoration de rente perçue, majoration devant suivre l'augmentation du taux d'IPP résultant de l'aggravation éventuelle des séquelles ; - de condamner l'AP-HP à une indemnité de 80 000 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et 30 000 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux ; - d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux et de condamner, à titre provisionnel, l'AP-HP à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts ; 3°) ou à titre subsidiaire : - de condamner l'AP-HP à une indemnité de 30 000 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux ; - d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer des seuls préjudices extrapatrimoniaux ; 4°) d'annuler le refus du directeur général de l'AP-HP de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre à ce dernier de lui en accorder le bénéfice ; 5°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le retard mis par le centre hospitalier à l'affecter sur un autre poste lui évitant tout contact avec des produits allergisants entre août 2002 et février 2005 constitue une faute de l'AP-HP de nature à engager sa responsabilité et à entraîner l'indemnisation de son préjudice intégral ; - elle a subi, en raison des fautes commises par l'AP-HP, des préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation et permanents, évalués à 80 000 euros, liés à une perte de chance de promotion professionnelle, à des pertes de gains professionnels en raison de changement de poste, puis de mise en disponibilité contrainte, à l'impossibilité de suivre une formation, à des dépenses de santé correspondant à l'achat de divers produits d'hygiène ainsi que de cosmétiques et à des frais divers ; - elle a subi, également en raison des fautes commises par l'AP-HP, des préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents, évalués à 30 000 euros, liés aux souffrances endurées, aux préjudices moral, esthétique, fonctionnel, d'agrément et sexuel ; - dans l'hypothèse où la faute de l'AP-HP ne serait pas retenue, la responsabilité sans faute de cette dernière sera reconnue sur le fondement du risque compte tenu de l'activité et l'indemnisation fixée à 30 000 euros ; - si l'AP-HP soutient qu'elle présentait un terrain atopique la prédisposant à l'affection dont elle souffre et qui ne permet pas d'exclure que la maladie ne serait pas apparue en dehors de tout contexte professionnel, l'expertise ne prouve aucunement ce terrain atopique, ni que ce serait l'aggravation de ce terrain atopique qui serait d'origine professionnelle ; - elle établit l'existence des différents préjudices ; - sa situation relève des dispositions relatives à la protection fonctionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2018, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, représentée par la Selarl Minier, Maugendre et associées, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la réformation du jugement attaqué par la voie de l'appel incident et demande la condamnation de Mme B... au versement d'une somme de 1 440 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - le tribunal administratif a statué ultra-petita dès lors que Mme B... n'avait formulé qu'une demande de condamnation à titre provisionnel limitée à 5 000 euros ; - les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en appel et au surplus non dirigées contre une décision préalable ; - les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public, - et les observations de Me E..., représentant Mme B..., et de Me A..., représentant l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... auxiliaire de puériculture à l'Hôpital Robert Debré depuis octobre 2000, a contracté un eczéma déclaré le 30 juin 2003 qui a été reconnu d'origine professionnelle par la commission de réforme le 5 avril 2005. A la suite de cette reconnaissance, par décision du 29 août 2005 du directeur de l'Hôpital Robert Debré prise sur avis conforme du directeur de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), elle a bénéficié d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 2 %, pour cinq ans, en indemnisation des séquelles de la maladie en cause, à compter de sa consolidation le 5 mars 2013. Mme B... a demandé la révision de ce taux. La commission de réforme ayant confirmé, en séance du 7 octobre 2014, le taux d'incapacité permanente partielle de 2 %, la CDC a attribué à Mme B..., le 26 août 2015, une allocation temporaire d'invalidité dans les conditions susmentionnées. Par un jugement du 9 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris, statuant sur la requête n° 1517335 après avoir décidé par un jugement du 16 décembre 2016 de procéder contradictoirement à une expertise, a annulé la décision du 26 août 2015 de la CDC portant attribution d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 2 %, enjoint au directeur général de la CDC d'allouer une allocation temporaire d'invalidité à Mme B... calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 15 %, liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme de 1 780 euros mise à la charge de la CDC, condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à Mme B... la somme de 10 000 euros ainsi que la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, condamné la CDC à verser à l'intéressée la somme de 750 euros au même titre et rejeté le surplus de la requête. Le tribunal administratif a, par le même jugement du 9 octobre 2017, rejeté les conclusions de la requête n° 1612015 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle. Mme B... relève appel de ce jugement en ce que le Tribunal administratif de Paris a rejeté, après avoir condamné l'AP-HP au paiement d'une somme de 10 000 euros en indemnisation de ses préjudices à caractère extra-patrimonial, le surplus de ses demandes tendant, d'une part, à l'indemnisation des préjudices à caractère patrimonial et extra-patrimonial, d'autre part, à l'annulation de la décision implicite du directeur général de l'AP-HP lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. L'AP-HP soutient que le tribunal administratif a statué ultra-petita en accordant une indemnisation de 10 000 euros en réparation des préjudices à caractère extra-patrimonial subis par Mme B... alors que celle-ci n'avait formulé qu'une demande de condamnation à titre provisionnel limitée à 5 000 euros. Toutefois, il ressort du jugement attaqué qu'à la suite d'une demande de régularisation de sa demande de première instance, Mme B... a, devant le tribunal administratif, fixé globalement le montant de ses prétentions indemnitaires à 80 000 euros sans que ce montant puisse par ailleurs être regardé comme se rattachant à une demande de condamnation à titre provisionnel. Dans ces conditions, en fixant à 10 000 euros l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux, les premiers juges n'ont pas statué ultra petita. Sur les fins de non-recevoir opposées par l'AP-HP : 3. En premier lieu, il ressort de ce qui est dit au point précédent que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées devant la Cour par Mme B... à hauteur de 80 000 euros à titre principal et 30 000 euros à titre subsidiaire sont nouvelles en appel. 4. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 applicable aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2017 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 précité n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. 5. Il résulte de l'instruction que Mme B... a adressé le 6 février 2017 une demande préalable dont le directeur général de l'AP-HP a régulièrement accusé réception. L'intervention en cours d'instance d'une décision implicite de rejet a régularisé la requête, sans qu'il soit nécessaire que la requérante confirme ses conclusions et alors même que l'AP-HP avait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. Sur les conclusions indemnitaires : 6. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation des pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par l'accident de service ou la maladie professionnelle, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 7. Il résulte de l'instruction que la CDC a décidé le 26 août 2015 l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité au taux de 2 % en indemnisation des séquelles de la maladie reconnue d'origine professionnelle dont souffre Mme B.... Par le jugement attaqué, cette décision a été annulée et le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) porté à 15%. Il résulte de ce qui a été rappelé ci-dessus au point 6 que Mme B... est fondée à demander à l'AP-HP la réparation de ses préjudices patrimoniaux ou personnels non réparés forfaitairement par allocation temporaire d'invalidité qu'elle perçoit, même en l'absence de faute de celle-ci. S'agissant de la réparation des préjudices patrimoniaux non couverts par le forfait de pension : 8. Mme B... présente, ainsi que l'ont révélé les premiers tests effectués le 13 septembre 2002, une affection dermatologique professionnelle provoquée par une allergie au kathon Cg, présent à l'époque notamment dans le savon doux, et au formaldéhyde. 9. D'une part, Mme B... ne justifie ni de la réalité, ni de l'évaluation de préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux couverts en l'espèce par l'allocation temporaire d'invalidité. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation de préjudices patrimoniaux sur le fondement de la responsabilité sans faute. 10. D'autre part, Mme B... soutient que l'AP-HP a commis une faute en raison du retard apporté par le centre hospitalier à un changement d'affectation afin de lui éviter tout contact avec des produits allergisants entre août 2002 et février 2005, retard qui a ainsi contribué à l'aggravation de sa maladie. Elle fait valoir qu'à compter du 9 août 2002, date du certificat rédigé par le médecin du travail, l'AP-HP doit être regardée comme ayant été pleinement informée des risques encourus dans l'exercice de ses fonctions alors qu'elle n'a obtenu un changement d'affectation qu'au mois de février 2005 en dépit de la demande de changement de service formulée par le médecin du travail dès le 9 août 2002 et renouvelée le 9 juillet 2004. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, le certificat du 9 août 2002, établi avant les premiers tests du 13 septembre 2002, ne fait état que d'une " contre-indication temporaire " à un poste de travail impliquant des soins et la maladie n'a été déclarée comme maladie professionnelle que le 30 juin 2003, comme l'a confirmé une expertise dermatologique du 7 mai 2004. En outre, la demande de changement de fonctions dont fait état la requérante n'a été présentée que le 29 décembre 2003. Cette demande mentionne comme motif des " raisons personnelles " et non médicales et a été assortie d'un avis favorable de la hiérarchie de Mme B.... Si le reclassement de l'intéressée en consultation spécialisée n'est intervenu qu'en février 2005, il ressort des propres écritures de Mme B... qu'elle a été absente une partie de l'année 2004 en raison d'un congé de maternité et en tout état de cause jusqu'en septembre 2004, date de la fin de son congé parental. Dans ces conditions, l'absence de changement de poste avant le mois de février 2005 ne révèle pas l'existence d'une faute de l'employeur de Mme B.... Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à demander, sur le terrain de la faute, une réparation de la part des préjudices patrimoniaux excédant la réparation forfaitaire. S'agissant des préjudices personnels : 11. Comme l'ont considéré à juste titre les premiers juges, Mme B... n'établit pas par les pièces produites la réalité du préjudice moral invoqué tiré en particulier de ce qu'elle aurait été conduite à mettre un terme à ses fonctions et à prendre des congés en disponibilité en raison des remarques désobligeantes de sa hiérarchie ou de ses collègues ou encore de ce que l'AP-HP aurait tardé à traiter sa situation alors que la circonstance alléguée que la consolidation de sa maladie n'a été fixée qu'en 2013 est indépendante du comportement de l'administration. Si la requérante fait également état d'un préjudice d'agrément, elle n'apporte pas la preuve de l'abandon définitif d'une activité sportive ou de loisir antérieurement pratiquée. En revanche, Mme B... justifie avoir subi, du fait de sa maladie professionnelle, des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être regardés en l'espèce comme incluant le préjudice d'affection et le déficit fonctionnel allégués, des souffrances physiques et un préjudice sexuel, en raison d'une réduction de ses capacités physiques. C'est par suite à juste titre que les premiers juges ont évalué l'indemnisation de ces préjudices à 10 000 euros. Il convient néanmoins, sans qu'il soit besoin de diligenter une nouvelle expertise, de prendre en considération le préjudice esthétique subi résultant de l'altération de l'apparence physique, notamment compte tenu de l'âge de l'intéressée à la date de l'apparition de la maladie, et de porter l'indemnisation globale des préjudices personnels de 10 000 à 15 000 euros. Par ailleurs, il résulte de ce qui est dit au point précédent qu'en l'absence de faute de son employeur Mme B... n'est pas fondée à demander sur ce terrain l'indemnisation de ses préjudices personnels. Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus du bénéfice de la protection fonctionnelle : 12. Aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable à la date du refus attaqué : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ". 13. Mme B... a demandé la protection fonctionnelle afin que l'AP-HP prenne en charge ses frais de procédure engagés dans le cadre de son recours contentieux formé pour obtenir une majoration du taux d'incapacité permanente partielle de 2 % qui lui a été alloué sur avis de la CDC du 25 août 2015 en indemnisation des séquelles de sa maladie. Ce faisant, Mme B... n'établit pas qu'elle aurait fait l'objet d'atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, de violences, d'agissements constitutifs de harcèlement, de menaces, d'injures, de diffamations ou d'outrages au sens des dispositions du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le directeur général de l'AP-HP devait lui accorder la protection fonctionnelle. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation du refus du bénéfice de la protection fonctionnelle ne peuvent qu'être rejetées. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander que l'indemnité de 10 000 euros que le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à lui verser soit portée à la somme de 15 000 euros. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à l'AP-HP la somme que celle-ci réclame au même titre. D E C I D E : Article 1er : La somme de 10 000 euros que le Tribunal administratif de Paris, par le jugement nos 1517335/2-2, 1612015/2-2 du 9 octobre 2017, a condamné l'AP-HP à verser à Mme B... au titre de ses préjudices personnels est portée à la somme de 15 000 euros. Article 2 : Le jugement nos 1517335/2-2, 1612015/2-2 du 9 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'AP-HP versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté. Article 5 : L'appel incident et les conclusions de l'AP-HP présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Délibéré après l'audience du 11 février 2020, à laquelle siégeaient : M. Jardin, président de chambre, Mme Hamon, président assesseur, Mme D..., premier conseiller, Lu en audience publique le 25 février 2020. Le rapporteur, A. D... Le président, C. JARDIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de la solidarité et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 17PA03742 2
Cours administrative d'appel
Paris