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CAA de NANTES, 6ème chambre, 20/06/2023, 22NT00780, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 24 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, d'autre part, de fixer le taux de son invalidité à 30 pour cent et enfin, d'ordonner une expertise. Par un jugement n° 1905868 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022, M. B..., représenté par Me Munos, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 janvier 2022 ; 2°) de fixer l'invalidité au taux de 30 % et juger que sa pension militaire d'invalidité ainsi calculée doit prendre effet au 15 novembre 2016 ; 3°) d'ordonner une expertise afin de déterminer son taux d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - c'est à tort que la ministre des armées a retenu un taux d'invalidité inférieur à 10% ; - il a développé un intense syndrome anxiodépressif en lien avec le service, ainsi que le tribunal administratif de Rennes l'a été retenu dans son jugement définitif du 26 mai 2016. Il avait, en effet, fait état d'une situation de souffrance au travail, sur plusieurs années, avec dégradation de son état de santé, et installation d'un syndrome anxiodépressif réactionnel important ; durant l'année 2012, et jusqu'à son admission en congé de longue durée pour maladie, le médecin Chef du GBD de Brest Lorient a constaté après consultations - janvier 2012/février 2013 - un état dépressif et une souffrance en lien avec le travail, puis son aggravation, la mise en place d'un traitement médicamenteux et a émis un avis favorable pour la mise en place d'un CLD ; le taux qui lui est attribué, inférieur à 10%, correspond sur l'échelle du Guide barème à " une absence de troubles décelables ". Or, cette appréciation est erronée si l'on tient compte de l'ancienneté de la pathologie (depuis 2011), de la chronicisation des symptômes, toujours actuels à ce jour ; -si le tribunal a retenu que l'intensité ou la chronicisation des troubles décrit par l'intéressé ne seraient pas documentés, ou corroborés par des pièces médicales, il produit afin de pouvoir éclairer la cour sur les points faisant difficultés, l'expertise psychiatrique du docteur C... en date du 2 août 2021, ordonnée par le tribunal administratif de Rennes par une ordonnance du 20 octobre 2020. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2023, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et fait valoir que les conclusions de l'expertise psychiatrique du 2 août 2021 ne peuvent être utilement invoquées car les constatations faites sont postérieures de 5 ans à la date de la demande de pension militaire d'invalidité. Un nouveau mémoire pour M. B... a été enregistré le 10 mai 2023 et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pension militaire d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, - et les observations de Me Munos, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., capitaine de gendarmerie né le 31 mars 1956, a été rayé des contrôles le 1er juin 2014. Il a sollicité, le 15 novembre 2016, le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour une dépression grave réactionnelle à une souffrance au travail. Par une décision du 24 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que l'infirmité " Séquelles d'un épisode dépressif réactionnel : quelques troubles du sommeil, ruminations " était inférieure au minimum indemnisable de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes devenu compétent par l'effet de la loi. L'intéressé relève appel du jugement du 17 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande présentée par M. B... : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Aux termes de l'article L. 10 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". Aux termes du guide barème, s'agissant des troubles psychiques de guerre : " Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : / - absence de troubles décelables 0 p. 100 ; / - troubles légers : 20 p. 100 ; / - troubles modérés : 40 p. 100 ; (...) En pratique expertale, les critères constitutifs de l'évaluation de l'invalidité comprendront : / 1. La souffrance psychique : l'expert l'appréciera à partir de l'importance des troubles, de leur intensité et de leur richesse symptomatique. Cette souffrance est éprouvée consciemment ou non par le sujet et/ou perçue par l'entourage ; / 2. La répétition : elle s'exprime, au sens psychopathologique, par des troubles au long cours ou rémittents ; (...) ". 3. M. B... soutient que son état psychique, au moment du dépôt de sa demande, va bien au-delà des quelques troubles de sommeil et de ruminations relatives à sa carrière professionnelle et que sa symptomatologie est particulièrement importante et provoque un retentissement majeur dans la conduite de sa vie, de sorte que le taux initialement fixé par l'expert de 30% apparaitrait particulièrement adapté. 4. Il résulte de l'instruction que l'expert ayant examiné M. B..., le 4 juillet 2018, a, après avoir conclu à un épisode dépressif réactionnel, fixé le taux de l'invalidité à 30% correspondant à " des troubles légers à modérés ". L'administration, après avoir recueilli l'avis émis le 1er octobre 2018 par la commission consultative médicale, a toutefois estimé, par la décision contestée du 24 janvier 2019, que ces troubles n'avaient pas le caractère de " troubles légers " et a fixé le taux de l'invalidité à moins de 10%. Il résulte de l'instruction que si l'expert avait constaté que l'intéressé avait subi un épisode dépressif en 2011, traité en 2013 par antidépresseur, hypnotique et anxiolytique, et qu'il avait à cette époque bénéficié d'un suivi psychiatrique et psychothérapeutique, sans recours à l'hospitalisation, il avait également relevé, à la date de l'expertise, que M. B... ne prend plus de traitement mais conserve quelques troubles du sommeil et ressasse régulièrement un sentiment de " gâchis " de sa fin de carrière. Ces seules constatations ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation de l'état de santé de M. B... retenu par le ministre dans la décision litigieuse. 5. Pour établir l'intensité des troubles qui persistent, M. B... a versé aux débats, d'une part, plusieurs certificats médicaux établis par le psychanalyste qui le suit : le premier, du mois d'août 2017, mentionnant " de sérieuses angoisses et des troubles du sommeil " nécessitant une consultation mensuelle, le second, du mois de mai 2018, mentionnant " une à deux consultations tous les deux mois " dont l'intéressé n'avait pas fait mention lors de l'expertise et, enfin, un certificat du mois de décembre 2019. Ce dernier certificat, qui relate en des termes peu circonstanciés la situation de M. B... à cette date, ne peut être retenu pour décrire son état à l'automne 2016. Quant aux constatations faites au mois d'août 2017 puis au mois de mai 2018, soit antérieurement à l'expertise évoquée au point précédent, il n'est pas soutenu qu'elles n'auraient pas été prises en compte par l'expert. Il résulte au contraire de l'instruction que l'intéressé n'est plus dans son milieu professionnel depuis son placement en congé de longue durée en avril 2013 suivi de sa mise en retraite en 2014, et qu'il avait arrêté son suivi médical à la date de la demande de pension. Enfin, l'intensité des troubles décrits ne correspond pas non plus, comme l'ont rappelé les premiers juges, aux déclarations de l'intéressé devant l'expert et l'intensité des troubles du sommeil et d'angoisse n'est pas caractérisée par le psychanalyste. 6. Devant la cour, M. B... a d'autre part, versé aux débats une expertise psychiatrique du 2 août 2021 ordonnée par le tribunal administratif de Rennes le 20 octobre 2020 pour éclairer un litige relatif à une demande complémentaire d'indemnisation des préjudices à caractère personnel non couverts par l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Cet expert rappelle, après examen de M. B... et avoir pris connaissance de l'ensemble des éléments médicaux, que " l'intéressé a présenté à compter du 7 janvier 2011 des troubles anxieux et dépressifs réactionnels, directement liés au ressenti traumatique précisément attribué à une situation significative remettant en cause son identité et ses engagements professionnels " (...), qu'" il a été atteint par le déclenchement d'une symptomatologie majeure à la suite d'évènements traumatiques vécus dans son entourage professionnel (...) " et que " ces données cliniques d'un vécu hostile ne relèvent pas d'une construction pathologique d'un registre psychotique ". Toutefois, seules les constatations qui permettent d'apprécier l'état de santé de M. B... à la date à laquelle ce dernier a présenté sa demande d'allocation de pension militaire d'invalidité doivent être prise en compte. A cet égard, on doit relever que l'expert psychiatre, au titre de ses conclusions, indique, d'une part, que " le syndrome dépressif majeur dont a souffert M. B... (...) a justifié des médications spécifiques et la prise en charge ambulatoire assurée de façon continue jusqu'à début 2015 puis ponctuellement " et d'autre part, que " de fait, à compter de mai 2016, où son état peut être désigné comme stabilisé, il a, des éléments de sa personnalité apparaissant également modifiés, souffert des troubles résiduels, difficultés de sommeil, avec cauchemars, réviviscences anxieuses en situation, qui peuvent être qualifiés de traumatiques ". L'expert a également relevé des envies et investissements moindres dans sa vie quotidienne ainsi que des changements dans sa vie sexuelle et l'interruption de toutes les activités sportives qui occupaient pourtant une place importante dans sa vie. Sur la base de ces différents éléments et constatations qui rendent compte de l'état de santé, au demeurant stabilisé, de M. B... à une époque contemporaine de sa demande de pension militaire et établissent l'existence des troubles chroniques " légers à modérés " dont souffre l'intéressé, il y a lieu, d'une part, de considérer que c'est par une inexacte appréciation que la ministre des armées a estimé, par la décision contestée du 24 janvier 2019, que l'infirmité résultant des séquelles de dépression qu'il présentait ne permettait pas l'ouverture du droit à pension. D'autre part, il y a lieu de fixer à un taux de 30%, l'infirmité dont est atteint M. B.... 7. Il résulte de tout ce qui précède, tout d'abord, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 24 janvier 2019 rejetant sa demande de pension militaire, ensuite, que cette décision est illégale et, enfin, que le taux de son infirmité doit être fixé à 30% au 15 novembre 2016. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1200 euros au conseil de M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905868 du 17 janvier 2022 du tribunal administratif de Rennes et la décision du 24 janvier 2019 de la ministre des armées rejetant la demande de pension militaire d'invalidité sont annulés. Article 2 : Le taux de l'infirmité de M. B... est fixé à 30% au 15 novembre 2016. Article 3 : Il est alloué à M. B... une pension militaire d'invalidité à titre provisoire au taux de 30% pour une durée de trois ans, à compter du 15 novembre 2016, au titre des séquelles d'un épisode dépressif réactionnel. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : L'Etat versera une somme de 1200 euros au conseil de M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 2 juin 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22NT00780 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 20/06/2023, 21TL03138, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 qui lui concède une pension militaire d'invalidité, en tant qu'il refuse de prendre en compte les lombosciatalgies gauches, d'enjoindre à l'administration de lui accorder à ce titre un taux d'invalidité de 20 % au 19 octobre 2017, date de sa demande, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1905984 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 4 juin 2018 du ministre de l'économie et des finances en tant qu'il refuse de prendre en compte les lombosciatalgies gauches de M. E..., a enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la relance de réviser la pension de M. E... en lui accordant au 19 octobre 2017 un taux d'invalidité de 20 % pour les lombosciatalgies gauches, dans un délai de deux mois, a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise d'un montant de 960 euros ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés les 28 juillet et 9 août 2021 sous le n° 21MA03138 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03138, et un mémoire enregistré le 20 mai 2022, le ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 28 mai 2021 en ce qu'il a accordé à M. E... un taux d'invalidité de 20% au titre des lombosciatalgies gauches à compter du 19 octobre 2017 ; 2°) de limiter le taux d'invalidité de M. E... à ce titre au taux de 10%, à compter du 17 octobre 2017. Il soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation en estimant qu'il ne justifiait pas de l'existence d'un état antérieur de la pathologie de M. E... avant l'accident d'octobre 2009, alors que plusieurs éléments médicaux ont été produits et que cet accident n'a eu aucune répercussion, en l'absence de prise en charge thérapeutique ; - il convient de déterminer une part non imputable au service déduite du taux global d'invalidité dès lors que la symptomatologie lombalgique de M. E... révèle une maladie étrangère au service et qu'elle a été aggravée par une blessure en service le 30 juillet 2013 ; ce taux doit être fixé à 10% ; - le jugement est entaché d'une erreur de plume dans son dispositif s'agissant du point de départ du droit à pension. Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mai 2022 et le 3 février 2023, le dernier n'ayant pas été communiqué, M. D... E..., représenté par Me Tucoo-Chala, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le recours est irrecevable, en l'absence de présentation de moyens dans le délai de recours contentieux ; - la cour statuera ce que de droit sur l'erreur matérielle en ce qui concerne le droit à pension ; - il convient de retenir le taux de 20% tel qu'évalué par l'expert ; - à titre subsidiaire, il y a lieu d'ordonner un complément d'expertise judiciaire médicale à l'effet de confirmer que les lombosciatalgies gauches sont imputables à l'accident de service du 30 juillet 2013 et que le taux de l'infirmité afférente doit être fixé à 20% sans état antérieur. Par ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2023. Vu : - le jugement avant dire droit du 17 septembre 2019 du tribunal des pensions de Montpellier ordonnant une expertise médicale ; - l'ordonnance du 5 décembre 2019 de la présidente du tribunal administratif de Montpellier liquidant et taxant les frais d'expertise à la somme de 960 euros ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Tucoo-Chala, représentant M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., né le 27 juillet 1970, qui a servi dans l'armée de terre du 3 février 1993 au 12 décembre 2019, a été titulaire d'une pension militaire d'invalidité temporaire concédée par arrêté du 6 mars 2017 au taux global de 40% prenant effet du 3 mars 2014 au 2 mars 2017, au titre d'un " état de stress post-traumatique " et d'un " syndrome subjectif des traumatisés ". Le 17 octobre 2017, M. E... a sollicité le renouvellement de ses infirmités pensionnées ainsi que le bénéfice d'une pension au titre d'infirmités nouvelles. Par une décision du 4 juin 2018, la ministre des armées a maintenu et consolidé sa pension au taux global de 40% à compter du 3 mars 2017, mais rejeté sa demande présentée au titre des infirmités nouvelles. M. E... a demandé au tribunal régional des pensions militaires de Montpellier d'annuler cette décision, notamment en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande présentée au titre des infirmités nouvelles. Par jugement avant dire droit du 17 septembre 2019, ledit tribunal a ordonné une expertise médicale, avant de transmettre la demande de M. E... au tribunal administratif de Montpellier en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité. Par un jugement du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 4 juin 2018 du ministre de l'économie et des finances en tant qu'il refuse de prendre en compte les lombosciatalgies gauches de M. E..., a enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la relance de réviser la pension de l'intéressé en lui accordant au 19 octobre 2017 un taux d'invalidité de 20 % pour les lombosciatalgies gauches, dans un délai de deux mois. Le ministre des armées demande de réformer ce jugement en limitant le taux d'invalidité de M. E... au titre de cette pathologie à 10%. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle (...) " Il résulte de ces dispositions que c'est à cette date qu'il faut se placer pour évaluer le taux des infirmités à raison desquelles la pension ou sa révision est demandée. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que M. E... a été victime de deux accidents à l'occasion de sauts en parachute. A la suite du premier accident survenu le 27 octobre 2009, l'intéressé a ressenti une vive douleur au niveau du dos et du rachis cervical au moment de l'impact au sol. M. E..., qui n'a pas bénéficié d'un suivi thérapeutique à la suite de cet accident, a conservé son habilitation à participer à des opérations parachutées. En revanche, à la suite du second accident survenu le 30 juillet 2013 suite à une réception violente après un déventement, M. E... a été hospitalisé au centre hospitalier de Castres. Le scanner lombaire réalisé le 2 août suivant concluait à l'absence de lésion osseuse traumatique visible et à une hernie discale médiane et postéro-latérale gauche en L5-S1. Le 16 septembre 2013, le docteur A... retenait une " lombosciatalgie gauche décompensée par un accident et résistante au traitement médicamenteux ". Estimant que les lombosciatalgies gauches dont il souffre sont imputables à l'accident de service du 30 juillet 2013, M. E... a demandé le bénéfice d'une pension au titre de cette infirmité. Le rapport d'expertise établi le 14 février 2018 par le docteur B..., neurologue, conclut à l'absence de lésion en imagerie sauf à l'IRM lombaire dont le rapport à l'accident n'est pas avéré et à " l'inorganicité pour tous les chefs neurologiques stricto sensu ". Le 10 avril 2018, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a émis l'avis de l'inexistence de cette infirmité. Au regard de l'ancienneté des doléances relatives aux lombalgies et à la possibilité d'une décompensation, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Montpellier a ordonné une expertise médicale le 17 septembre 2019, afin d'être éclairé sur la question de savoir si les troubles dont se plaint M. E... sont susceptibles d'être imputés au service. Le professeur C... a remis un rapport le 27 novembre 2019. Selon ce rapport, les lombosciatalgies gauches dont souffre M. E... sont imputables à l'accident du 30 juillet 2013 compte-tenu du mécanisme et du type d'accident avec chute violente à la suite d'un accident de déventement lors d'un saut en parachute. L'expert s'est également fondé sur le compte-rendu d'hospitalisation du 24 octobre 2013 du service de rhumatologie du centre hospitalier de Carcassonne selon lequel le patient avait évoqué des sensations de décharges électriques des pieds à la tête au moment de l'impact et s'était plaint de douleurs lombo radiculaires gauches de trajet postérieur, sur la mise en évidence d'une hernie discale postéro latérale gauche L5-S1 notée dans ledit compte-rendu à la suite des examens tomodensitométriques et de l'IRM lombaire réalisés en septembre 2013, sur l'évolution continue des épisodes de lombosciatalgies gauches jusqu'au jour de l'expertise et sur les données de l'IRM du 26 août 2019 confirmant cette lésion discale. L'expert, qui a retenu un taux d'invalidité de 20%, concluait en outre à l'absence d'état antérieur notable même s'il y a eu une exploration en imagerie en 2008 pour lombalgies, M. E... étant à ce moment-là apte au saut en parachute. A la suite des conclusions de l'expert judiciaire, le médecin conseiller technique auprès du ministre des armées a estimé, dans son avis du 19 décembre 2019, qu'il existe bien une lombosciatalgie L5-S1 gauche par atteinte de la racine S1 dans une forme clinique d'intensité légère justifiant un taux d'invalidité de 20%, l'organicité étant bien réelle, la concordance radio-clinique établie et le traumatisme du rachis lombaire réel. Il retient toutefois un état antérieur à l'étage L5-S1 non antérieur au service et déjà symptomatique mais qui n'aurait été aggravé qu'après l'accident de 2013, et conclut qu'il s'agit donc d'une infirmité de nature maladie aggravée par blessure en service, avec une part non imputable au service de 10%. Pour demander de limiter le taux d'invalidité de M. E... au titre de cette infirmité à 10% en raison de l'état antérieur de l'intéressé, le ministre des armées se prévaut de l'avis émis par le médecin conseiller technique ainsi que des résultats de l'IRM du rachis lombaire effectué le 11 juillet 2019 et suivi d'une tomodensitométrie dorso-lombaire le 29 juillet 2009. Toutefois, les résultats de ces examens n'ont objectivé qu'un discret débord discal L4-L5 et L5-S1 et, ainsi qu'il a été exposé, M. E... était apte au saut en parachute. De même, s'il ressort du livret médical de l'intéressé qu'il a bénéficié d'une consultation le 2 avril 2008 pour des douleurs du rachis cervical et dorsal, puis de lombalgies sans fait de service associé le 30 septembre 2009, d'un épisode de lombalgies en novembre 2009, et d'une consultation pour des lombalgies depuis trois jours à la suite d'un long trajet en voiture sans fait de service associé le 19 mai 2011, ces éléments ne permettent pas de justifier d'un état antérieur significatif, alors que selon l'expert M. E... ne présente pas d'état antérieur notable. Dans ces conditions, le taux d'invalidité de l'infirmité au titre des lombosciatalgies gauches dont souffre M. E... doit être évalué à 20% à la date de sa demande présentée le 17 octobre 2017. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. E..., que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 4 juin 2018 du ministre de l'économie et des finances en tant qu'il refuse de prendre en compte les lombosciatalgies gauches de M. E.... Sur la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. E... : 6. La liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. E... doit être effectuée en prenant en compte l'infirmité au titre des lombosciatalgies gauches sur la base d'un taux de 20% à compter du 17 octobre 2017, et non à compter du 19 octobre 2017 comme mentionné à l'article 2 du jugement par suite d'une erreur matérielle, qu'il convient de rectifier comme en conviennent les parties. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le ministre des armées procédera à la liquidation de la pension militaire d'invalidité allouée à M. E... en prenant en compte l'infirmité au titre des lombosciatalgies gauches au taux de 20% à compter du 17 octobre 2017. Article 2 : Le jugement n° 1905984 du tribunal administratif de Montpellier en date du 28 mai 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre des armées est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à M. E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., au ministre des armées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL03138 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 20/06/2023, 21TL03842, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions des 17 mai et 8 juillet 2019 par lesquelles la ministre des armées a refusé de l'inscrire sur les listes d'aptitude aux emplois réservés, et d'enjoindre à la ministre de l'inscrire sur la liste des emplois réservés de catégorie A. Par un jugement n° 1905590 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2021, sous le n° 21MA03842 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03842, M. A... B..., représenté par Me Guyon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 19 mars 2021 ; 2°) d'annuler les décisions des 17 mai et 8 juillet 2019 par lesquelles la ministre des armées a refusé de l'inscrire sur les listes d'aptitude aux emplois réservés de catégorie A ; 3°) d'enjoindre à la ministre de l'inscrire sur la liste des emplois réservés de catégorie A ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75 et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - sa requête est recevable s'agissant tant du respect du délai de recours que de son intérêt à agir à l'encontre d'un acte administratif lui faisant grief ; - le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il a considéré que sa demande dirigée contre la décision du 17 mai 2019 était irrecevable ; le tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits ; - il appartient à l'administration de démontrer que les décisions ont été prises par une autorité compétente ; - la décision du 8 juillet 2019 ne comporte pas les nom et prénom de son auteur ainsi que les mentions obligatoires relatives à l'agent chargé d'instruire sa demande, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - les décisions sont entachées d'une erreur quant à l'exactitude matérielle des faits dès lors qu'il n'a pas bénéficié à ce jour d'une quelconque possibilité d'embauche lui permettant d'accéder à un emploi de catégorie A ; - elles sont entachées d'erreur de droit en ce qu'il remplit les conditions lui conférant un droit d'accès aux emplois réservés de catégorie A énoncées aux articles L. 242-1, L. 241-4 et R. 242-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - elles portent atteinte aux dispositions des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la ministre des armées a méconnu sa compétence liée. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 juin 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. A l'issue d'un entretien qui s'est tenu le 10 mai 2019 au sein des services du ministère des armées, M. B..., bénéficiaire prioritaire au titre de la procédure d'accès aux emplois réservés en sa qualité de fils de harki, s'est vu remettre un passeport professionnel par le service départemental de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre de l'Hérault. Par un courrier du 17 mai 2019, il a été informé de son inscription sur les listes d'aptitude aux emplois réservés pour une durée de cinq ans. Par lettre du 12 juin 2019, M. B... a demandé la mise en conformité de son passeport professionnel avec l'article 26 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, en ce qui concerne la catégorie A correspondant à ses diplômes et compétences et, à défaut, la radiation de son inscription sur la liste des emplois réservés jusqu'à la mise en conformité de son passeport. Par un courrier du 8 juillet 2019, le ministre des armées lui a indiqué que l'outil informatique pour la gestion des passeports professionnels des bénéficiaires du dispositif ne permettrait de compiler les orientations professionnelles dans cette catégorie d'emploi qu'à compter de l'année 2020, lors de la mise en service d'un nouvel outil informatique. M. B... relève appel du jugement rendu le 19 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des courriers des 17 mai et 8 juillet 2019 par lesquels la ministre des armées a refusé de modifier les orientations de son passeport et de suspendre son inscription des listes d'aptitude aux emplois réservés. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige : " I.-Sauf exceptions tirées de la nature des emplois auxquels le corps donne accès ou du faible nombre des postes mis au recrutement, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, sont accessibles par la voie des emplois réservés : 1° Les corps de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique hospitalière classés en catégorie A, ou de niveau équivalent, pour les bénéficiaires mentionnés aux articles L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-4 ; 2° Les corps de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique hospitalière classés en catégories B et C, ou de niveau équivalent, pour les bénéficiaires mentionnés au chapitre Ier du présent titre. / II.- Peuvent être recrutés par l'autorité territoriale conformément au a de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : 1° Dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale de catégorie A, ou de niveau équivalent, les bénéficiaires mentionnés aux articles L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-4 du présent code ; 2° Dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale de catégories B et C, ou de niveau équivalent, les bénéficiaires mentionnés au chapitre Ier du présent titre. ". Aux termes de l'article L. 241-4 du même code : " Les emplois réservés sont également accessibles, sans condition de délai : (...) 2° Sans condition d'âge, aux enfants des personnes mentionnées aux articles 1er et 6 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie. ". 3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par son courrier du 17 mai 2019, le ministre des armées s'est borné à informer M. B... de ce qu'il était inscrit sur les listes d'aptitude aux emplois réservés pour une durée de cinq ans à compter du 16 mai 2019. Une telle lettre d'information ne constitue pas une décision faisant grief et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite et pour ce motif, le tribunal administratif de Montpellier a pu sans entacher son jugement d'irrégularité, rejeter comme irrecevables les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de ce courrier. Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal présentée à l'encontre de la lettre du 8 juillet 2019 : 4. Aux termes de l'article L. 242-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige alors en vigueur : " Le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, inscrit par ordre alphabétique sur une ou plusieurs listes d'aptitude, pour une durée limitée, les candidats aux corps ou cadres d'emplois des fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière. Les personnes mentionnées aux articles L. 241-2 à L. 241-4 bénéficient d'une durée d'inscription spécifique sur ces listes. / L'inscription du candidat sur la ou les listes d'aptitude est subordonnée à la reconnaissance de ses qualifications et acquis de l'expérience professionnelle. (...) ". Aux termes de l'article R. 242-4 du même code : " Pour les bénéficiaires (...) des articles L. 241-3 et L. 241-4, la reconnaissance des qualifications et acquis de l'expérience professionnelle s'effectue à partir d'un dossier, retraçant leurs qualifications et expériences professionnelles, examiné par l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre. ". Aux termes de l'article R. 242-7 du même code : " Le candidat dépose sa demande de recrutement au titre des emplois réservés auprès : 1° Du service territorialement compétent de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre s'il s'agit d'un bénéficiaire mentionné à l'article R. 242-4 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 242-8 du même code : " Le candidat doit : 1° Fournir les pièces exigées et notamment celles attestant de sa qualité d'ayant droit ou d'ayant cause ; 2° Obtenir un document intitulé passeport professionnel attestant de ses titres, diplômes et qualifications professionnelles (...). " Aux termes de l'article R. 242-10 du même code : " Les passeports professionnels mentionnent les domaines de compétences du candidat, ses qualifications professionnelles, le niveau détenu, les fonctions auxquelles il peut prétendre et tout autre renseignement utile pour le futur employeur. / Les modalités de qualification des candidats pour l'accès à chaque corps et cadre d'emploi sont définies après concertation avec les autorités administratives chargées du recrutement, dans le respect des dispositions statutaires. Ces modalités sont établies, en tant que de besoin, par spécialités, branches d'activité professionnelle ou emplois types. ". Et aux termes de l'article R. 242-11 du même code : " (...) L'inscription sur les listes d'aptitude est subordonnée au respect des conditions spécifiques de diplômes et d'aptitudes prévues pour l'exercice des fonctions afférentes à certains corps, cadres d'emplois ou emplois (...) ". 5. En l'espèce, selon les mentions contenues dans le passeport établi le 10 mai 2019 après entretien de M. B... auprès des services de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre de l'Hérault, alors que l'intéressé est notamment titulaire d'un diplôme d'Etat d'ingénierie sociale obtenu en 2011, la rubrique concernant l'orientation préconisée compte-tenu de ses compétences et souhaits, fait état de plusieurs métiers relevant de la catégorie B. Il a toutefois été mentionné dans la rubrique précédente que " compte-tenu de ses expériences et de son niveau de qualification, M. B... est visé par les dispositions de l'article 26 de la loi du 13 juillet 2018 ouvrant droit à un emploi de catégorie A dans l'une des trois fonctions publiques ", afin de neutraliser l'impact de l'impossibilité technique de l'outil informatique qui ne permettait pas, à la date du passeport, de compiler les orientations professionnelles dans la catégorie d'emploi revendiquée par l'intéressé. Par suite, alors que l'élaboration des orientations du passeport professionnel d'un candidat à un emploi réservé constitue une mesure préparatoire à une décision portant sur le recrutement dans un emploi réservé et que M. B... n'établit ni qu'il ne serait pas inscrit sur les listes d'aptitude ni que celles-ci seraient établies par catégorie, le courrier du 8 juillet 2019 lui rappelant l'impossibilité de compiler les orientations professionnelles dans la catégorie d'emploi de niveau A, ne constitue pas une décision lui faisant grief. Si l'intéressé a demandé qu'à défaut, il soit procédé à la radiation provisoire de son inscription sur la liste des emplois réservés jusqu'à la mise en conformité de son passeport, aucun texte de nature législative ou réglementaire ne permet cependant d'accéder à une telle demande. Dans ces conditions, ainsi que l'a opposé le ministre en première instance, les conclusions dirigées à l'encontre du courrier du 8 juillet 2019 refusant de faire droit à la demande de M. B... de mise en conformité de son passeport professionnel avec l'article 26 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 en ce qui concerne la catégorie A correspondant à ses diplômes et compétences, sont irrecevables. [0] 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL03842 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 20/06/2023, 21TL01812, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... veuve D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 10 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante et de lui allouer le bénéfice d'une telle pension. Par un jugement n° 1903721 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 mai 2021 sous le n° 21MA01812 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL01812, et un mémoire enregistré le 3 août 2022, Mme C... B... veuve D..., représentée par Me El Kolli, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 10 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui allouer le bénéfice d'une telle pension ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation et de celle de son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Elle soutient que : - elle avait produit toutes les pièces et documents justificatifs à sa demande devant le tribunal, en particulier la copie intégrale de l'acte de mariage célébré le 1er février 1949 dont elle n'était pas en possession lors de sa première demande ; elle satisfait ainsi à toutes les conditions requises par les articles L. 141-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la deuxième épouse et veuve de M. D... perçoit déjà la pension de réversion ; - il y a lieu de partager la pension de réversion entre elle et Mme E.... Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 mars 2022 et le 7 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - l'acte recognitif établi le 2 juin 2011 est postérieur à la date du décès de M. D... : le jugement est conforme avec la législation en matière de pensions militaires d'invalidité ; - les documents d'état civil produits présentent des incohérences : la preuve de la date certaine du mariage n'est dès lors apportée ni au titre de l'article 47 du code civil ni au titre de l'article L. 141-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par ordonnance du 8 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2022. Mme B... veuve D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 3 septembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., née le 1er juillet 1930, se déclarant veuve de M. A... D... né le 1er janvier 1920, ancien soldat de l'armée française de 1943 à 1945 décédé le 3 février 2008, a demandé une nouvelle fois l'attribution d'une pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante par lettre du 16 octobre 2017. Par une décision du 10 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que sa précédente demande avait fait l'objet d'un rejet confirmé par décision du Conseil d'Etat n° 405756 rendue le 23 août 2017. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cette décision. Par un jugement du 15 avril 2021 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-1 du même code : " Au décès du militaire, le conjoint survivant ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité bénéficie d'un droit à pension dans les conditions prévues au présent titre ". Aux termes de l'article L. 141-2 de ce code : " Le droit à pension est ouvert au conjoint ou partenaire survivant mentionnés à l'article L. 141-1 : 1° Lorsque le militaire est décédé en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension ; (...) ". L'article L. 141-3 du même code dispose que : " Le droit à pension est ouvert si le mariage (...) est antérieur soit à l'origine, soit à l'aggravation de la blessure ou de la maladie (...) ". Aux termes de son article L. 141-5 : " (...) / La preuve du mariage (...) est faite par la production d'actes régulièrement inscrits suivant les prescriptions des textes régissant, à la date de l'acte, l'état civil du pays concerné. A défaut, cette preuve peut être produite au moyen d'un acte établi selon la coutume locale et ayant date certaine. (...) ". 3. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". 4. Par une décision du 15 février 2012, le ministre des armées a rejeté la première demande présentée par Mme B..., le 12 juillet 2011, en vue d'obtenir le bénéfice d'une pension de réversion au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au motif qu'elle ne justifiait pas de son mariage contracté en 1948 avec le soldat F... par la seule production d'un acte recognitif établi le 2 juin 2011, soit postérieurement au décès de son conjoint. Sa requête a été rejetée par le tribunal des pensions de Nîmes par jugement du 8 octobre 2013 qui a relevé l'impossibilité d'établir la réalité du mariage au regard des contradictions existant entre les pièces produites sur la date dudit mariage. La cour régionale des pensions de Nîmes a déclaré l'appel irrecevable par arrêt rendu le 29 septembre 2016. Le pourvoi présenté par Mme B... devant le Conseil d'Etat n'a pas été admis par décision n° 405756 rendue le 23 août 2017, faute pour l'intéressée d'avoir régularisé son pourvoi dans le délai de recours. Par sa nouvelle demande présentée le 16 octobre 2017 auprès du service des pensions des armées, Mme B... n'a fait état d'aucune circonstance de droit ou de fait nouvelle. Si l'intéressée a produit devant le tribunal administratif de Nîmes la copie intégrale de son acte de mariage célébré le 1er février 1949, portant le n° 57, transcrit le 9 octobre 1950, copie établie le 18 mars 2020 par les services de l'état civil de la commune de El Ogla, elle ne justifie pas de l'impossibilité de produire ce document lors de sa précédente demande, en se bornant à indiquer que celui-ci a été établi après l'opération d'informatisation du système d'état civil, sans justifier ses dires. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément de droit et de fait nouveau, la demande d'annulation de la décision du 10 octobre 2018 se heurte à l'autorité de la chose jugée par le tribunal des pensions de Nîmes le 8 octobre 2013. En outre et en toute hypothèse, les différentes pièces produites par Mme B... révèlent des contradictions concernant la date de son mariage. Ainsi, selon l'extrait des registres des actes de mariage établi le 2 juin 2011, M. D... et Mme B... ont déclaré avoir fait contrat de mariage en 1948, alors que selon l'extrait des jugements collectifs des naissances de l'intéressée, établi le 7 mars 2012, celle-ci aurait été mariée à F... le 1er février 1945, soit à une date à laquelle ce dernier était hospitalisé suite aux blessures contractées en service le 16 décembre 1944 et alors qu'il avait déclaré être célibataire le 4 avril 1945. Ce dernier document comporte par ailleurs de nombreuses fautes d'orthographe. La copie conforme de l'acte de mariage n° 57/402, qui mentionne des textes postérieurs à la transcription du mariage, fait quant à lui mention d'une date de mariage le 1er février 1949. Enfin, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la deuxième épouse de M. D... percevrait une pension de réversion en qualité de veuve de ce dernier depuis de nombreuses années. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... veuve D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL01812 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 19/06/2023, 472318, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par un jugement n° 2125251/5-3 du 15 mars 2023, enregistré le 21 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de Mme K... C... tendant à : 1°) annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 7 juillet 2021 ; 2°) annuler l'arrêté du 22 février 2021, en tant qu'il prend en compte le grade d'ingénieur en chef de 1ère classe ; 3°) annuler la fiche descriptive des infirmités constatées du 4 mars 2021, en tant qu'elle prend en compte le grade d'ingénieur en chef de 1ère classe ; 4°) mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes : 1°) Les officiers généraux atteints par la limite d'âge ou par la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dont l'état militaire cesse d'office conformément à l'article L. 4139-14 du code de la défense, doivent-ils être regardés comme étant radiés des cadres à cette date au sens de l'article L. 125-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ' 2°) Les officiers généraux répartis dans la deuxième section prévue par l'article L. 4141-1 du code de la défense par limite d'âge doivent-ils être regardés comme étant radiés des cadres à la date de cette répartition au sens de l'article L. 125-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ' 3°) En cas de réponse affirmative aux deux premières questions, la nomination d'un officier général dans un nouveau grade pour prendre rang à compter d'une date postérieure à l'aggravation de l'infirmité pensionnée, à l'atteinte par la limite d'âge et à la répartition dans la deuxième section des officiers généraux, doit-elle être prise en compte par l'administration comme base de calcul de sa pension ' 4°) En cas de réponse négative aux deux premières questions, le calcul de la pension militaire d'invalidité doit-il tenir compte du grade obtenu au moment de la répartition en deuxième section, malgré la cessation de l'état militaire ' Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative, notamment l'article L. 113 1 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de Mme C... ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 mai 2023, présentée par Mme C... ; REND L'AVIS SUIVANT : 1. Aux termes de l'article L.125-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est calculée sur la base du grade détenu par le militaire à la date de la radiation des cadres (...) Le militaire atteint d'une invalidité ouvrant droit à pension qui est admis à rester en service cumule sa solde d'activité avec sa pension. Dans ce cas, sa pension est versée au taux prévu pour le soldat jusqu'à sa radiation des cadres... ". 2. L'article L. 4141-1 du code de la défense dispose que : " Les officiers généraux sont répartis en deux sections : 1° La première section comprend les officiers généraux en activité (...) 2° La deuxième section comprend les officiers généraux qui, n'appartenant pas à la première section, sont maintenus à la disposition du ministre de la défense ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4141-6 de ce code : " (...) le colonel ou l'officier d'un grade correspondant ayant été jugé apte à tenir un emploi du grade supérieur peut être promu au titre de la deuxième section soit à la date de son passage dans cette section ou de sa radiation des cadres, soit dans les six mois qui suivent cette date (...) ". L'article L. 4141-1 de ce même code dispose que : " Les officiers généraux peuvent être radiés des cadres ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4141-4 de ce code : " Les dispositions de l'article L. 4121-2, du troisième alinéa de l'article L. 4123-2, de l'article L. 4123-10 et du b du 3° de l'article L. 4137 2 sont applicables à l'officier général de la deuxième section... ". En outre, en vertu des articles R. 4141-6 et 7 de ce code, un officier général admis en deuxième section peut demander sa radiation des cadres au terme d'un replacement en première section. 3. Il résulte de ces dispositions que l'admission dans la deuxième section peut résulter d'une promotion. Il en résulte également que certaines des dispositions relatives aux droits, obligations et sanctions figurant dans le statut général des militaires sont applicables aux officiers qui y sont admis. Par ailleurs, la radiation des cadres d'un officier général en deuxième section ne peut résulter que d'une sanction disciplinaire ou intervenir, sur sa demande, au terme d'un replacement en première section. Dès lors, le placement dans la deuxième section des officiers généraux ne peut pas être regardé comme une radiation des cadres, y compris pour un officier promu à ce titre, pour l'application des dispositions de l'article L. 125-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre relatives au calcul d'une pension militaire d'invalidité. En l'absence de radiation des cadres, la pension militaire d'invalidité d'un officier promu au titre de la deuxième section doit être calculée sur la base du grade atteint à la fin de la période d'activité précédant sa promotion. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Paris et à Mme C.... Il sera publié au Journal officiel de la République française. Délibéré à l'issue de la séance du 24 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 19 juin 2023. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé Le rapporteur : Signé : M. Julien Eche La secrétaire : Signé : Mme Eliane EvrardECLI:FR:CECHR:2023:472318.20230619
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 30/05/2023, 22MA02339, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Gardanne a rejeté son recours du 17 octobre 2019 tendant au retrait de plusieurs arrêtés la plaçant en position de congé de maladie ordinaire pour la période du 27 novembre 2015 au 25 août 2016 ainsi qu'à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de ces arrêtés, et, d'autre part, de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 6 188,50 euros en réparation du préjudice financier résultant de son placement en congé de maladie ordinaire à demi-traitement pendant la période concernée par les arrêtés dont l'annulation est demandée, ainsi que la somme de 18 051,31 euros au titre du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à la suite de la reconstitution erronée de sa carrière pour la période du 1er janvier 2012 au 1er avril 2019, et enfin, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par un jugement n° 1911099 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 23 août 2022, Mme B..., représentée par Me Hequet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1911099 du 20 juin 2022 ainsi que la décision implicite de rejet née le 22 décembre 2019 du silence gardé pendant deux mois par la commune de Gardanne sur ses demandes formulées par courrier du 17 octobre 2019, réceptionné le 22 octobre 2019 ; 2°) d'annuler les arrêtés des 16 novembre 2015, 2 décembre 2015, 14 janvier 2016, 18 février 2016, 17 mars 2016, 7 avril 2016, 11 mai 2016, 13 juin 2016, 3 août 2016 et 14 août 2016 par lesquels la commune de Gardanne a décidé de la placer en congés de maladie ordinaire rémunérés à demi-traitement ; 3°) de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 6 188,50 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de son placement en congé de maladie ordinaire à demi-traitement pendant la période concernée par les arrêtés dont l'annulation est demandée, ainsi que la somme de 18 051,31 euros au titre du préjudice financier qu'elle estime avoir également subi à la suite de la reconstitution erronée de sa carrière pour la période du 1er janvier 2012 au 1er avril 2019, soit une somme d'un montant global de 24 239,81 euros, et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, l'ensemble de ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable avec capitalisation ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Gardanne la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la reconnaissance, par arrêté du 21 février 2019, de l'imputabilité au service de sa maladie pour la période du 31 mars 2008 au 31 décembre 2011, a pour conséquence de lui ouvrir droit à un plein traitement pour tous les arrêts maladie postérieurs à cette date dès lors que la pathologie qui est à l'origine de ces congés de maladie est la même que celle résultant de conflits relationnels dont elle a été victime dans son milieu professionnel et qui a été reconnue imputable au service ; il en est résulté un préjudice financier qu'il convient de fixer à 6 188,50 euros ; - la reconstitution de carrière opérée par la commune de Gardanne par arrêté du 23 juin 2020 met en évidence une perte de revenus résultant d'erreurs commises dans le cadre de cette reconstitution ; il en est résulté un préjudice financier qu'il convient de fixer à 18 051,31 euros ; - la situation dans laquelle l'a placée l'administration du fait de sa rémunération à demi-traitement et de l'absence de revalorisation de son traitement lorsqu'elle a repris son activité professionnelle est à l'origine de la dégradation de ses conditions d'existence et d'un préjudice moral qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur d'un montant de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, la commune de Gardanne, représentée par Me Sindres, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Un courrier du 28 février 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 17 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, présenté pour la commune de Gardanne par Me Sindres, enregistré le 14 mai 2023 après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Chavalarias, substituant Me Sindres, représentant la commune de Gardanne. Considérant ce qui suit : 1. Agent administratif recrutée en 1994 par la commune de Gardanne et titularisée au cours de l'année 1997, Mme B... a été placée en arrêt de travail à compter du 31 mars 2008. Elle a demandé la reconnaissance d'imputabilité au service de sa pathologie, plusieurs fois rejetée par son employeur. Par un arrêt n° 15MA02355 du 4 décembre 2018, la Cour, statuant sur une requête indemnitaire portant sur la période du 26 juin 2008 au 31 décembre 2011, a considéré que les troubles psychiques de la requérante étaient imputables à ses difficultés professionnelles depuis le 31 mars 2008 et a condamné la commune à lui verser une somme correspondant à son préjudice financier du fait de son placement en congé de maladie à demi-traitement pour cette période. A la suite de cet arrêt, le maire de la commune de Gardanne a finalement reconnu l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., par un arrêté du 21 février 2019, par lequel l'intéressée a en outre été placée en position de congé de maladie imputable au service, lui ouvrant droit au bénéfice d'un plein traitement, pour la période du 31 mars 2008 au 31 décembre 2011. Mais entre-temps, alors que Mme B... avait repris le travail à compter du 1er janvier 2012, pendant plus d'un an et demi, elle a de nouveau été placée à plusieurs reprises en congé de maladie entre le 16 octobre 2014 et le 25 août 2016. A cette occasion, la commune de Gardanne l'a placée en position de congé de maladie ordinaire et l'a rémunérée à demi-traitement par des arrêtés des 16 novembre 2015, 2 décembre 2015, 14 janvier 2016, 18 février 2016, 17 mars 2016, 7 avril 2016, 11 mai 2016, 13 juin 2016, 3 août 2016 et 14 août 2016, pour l'ensemble des arrêts de travail compris entre le 27 novembre 2015 et le 25 août 2016. 2. Estimant que tous les arrêts de travail compris dans la période du 16 novembre 2015 au 25 août 2016 étaient justifiés par la même maladie que celle initialement reconnue imputable au service pour la période du 31 mars 2008 au 31 décembre 2011, Mme B... a saisi le maire de la commune de Gardanne, par courrier du 17 octobre 2019 réceptionné le 22 octobre 2019, de demandes tendant, pour la première d'entre elles, à ce que soient retirés les arrêtés des 16 novembre 2015, 2 décembre 2015, 14 janvier 2016, 18 février 2016, 17 mars 2016, 7 avril 2016, 11 mai 2016, 13 juin 2016, 3 août 2016 et 14 août 2016, et, pour la seconde d'entre elles, à ce que la commune lui verse la somme globale de 24 239,81 euros en réparation de ses préjudices financiers et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence. Une décision implicite de rejet de ces demandes est née le 22 décembre 2019 par l'effet du silence gardé par la commune de Gardanne pendant un délai de deux mois. 3. Par un jugement du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille, d'une part, a fait droit à la fin de non-recevoir opposée par la commune de Gardanne en rejetant, du fait de leur irrecevabilité, les conclusions indemnitaires de Mme B... portant sur la réparation, à hauteur d'un montant de 18 051,31 euros, du préjudice financier résultant des erreurs commises par la commune dans la reconstitution de sa carrière, réalisée par arrêté du 23 juin 2020, pour la période du 1er janvier 2012 au 1er avril 2019, d'autre part, a rejeté au fond les conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation des arrêtés des 16 novembre 2015, 2 décembre 2015, 14 janvier 2016, 18 février 2016, 17 mars 2016, 7 avril 2016, 11 mai 2016, 13 juin 2016, 3 août 2016 et 14 août 2016, et, enfin, a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires au motif qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Gardanne n'avait été commise. Mme B... relève appel de ce jugement. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapport d'expertise médicale du 4 octobre 2018, établi postérieurement aux périodes de congés maladie en litige, que Mme B... souffre d'un état dépressif majeur en relation directe et certaine, bien que non exclusive, avec les difficultés professionnelles qu'elle a rencontrées à compter de l'année 2006, et que sa pathologie psychologique est imputable au service. A cet égard, l'expert précise que les troubles dont est atteint l'agent ainsi que ses trois tentatives de suicide sont imputables à ces mêmes difficultés professionnelles, la dernière de ces tentatives ayant donné lieu à une hospitalisation en clinique psychiatrique du 23 novembre au 16 décembre 2015, date de consolidation de son état de santé. Il n'est par ailleurs pas contesté, en dépit de cette consolidation, que les congés de maladie de Mme B... à compter du 17 décembre 2015 sont justifiés par cette même pathologie. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la relative fragilité préexistante de Mme B... aurait suffi à la placer dans l'incapacité d'exercer ses fonctions au cours la période en cause. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que la maladie à l'origine de ses arrêts de travail pour la période qui s'est écoulée entre le 27 novembre 2015 et le 25 août 2016 est imputable au service. Par suite, les arrêtés des 16 novembre 2015, 2 décembre 2015, 14 janvier 2016, 18 février 2016, 17 mars 2016, 7 avril 2016, 11 mai 2016, 13 juin 2016, 3 août 2016 et 14 août 2016, par lesquels l'administration l'a placée en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement doivent être annulés. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : En ce qui concerne la responsabilité : 7. Il résulte de ce qui précède qu'en plaçant Mme B... en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement entre le 27 novembre 2015 et le 25 août 2016, la commune de Gardanne a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Si la commune fait néanmoins valoir qu'en plaçant l'intéressée en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement, au cours de cette période, elle n'a commis aucune faute dès lors que l'agent ne lui a pas transmis un certificat final de guérison ou de consolidation, en méconnaissance des dispositions de l'article 37-17 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, pas plus qu'une demande de prise en charge d'une rechute postérieure à la consolidation de son état de santé, en méconnaissance des dispositions de l'article 47-18 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, de telles dispositions, relatives aux modalités d'application du congé pour invalidité temporaire imputable au service instauré par le premier alinéa du I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, lui-même issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, n'étaient pas opposables à Mme B... dès lors qu'elles sont entrées en vigueur postérieurement à la période de responsabilité en litige. Dans ces conditions, en plaçant Mme B... en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement entre le 27 novembre 2015 et le 25 août 2016, la commune de Gardanne a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne les préjudices : 8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été précédemment exposé que la requérante avait droit au versement de l'intégralité de son traitement pour la période du 27 novembre 2015 au 25 août 2016. Au cours de cette période, Mme B..., qui soutient que son plein traitement était d'un montant mensuel de 1 524,25 euros entre le 1er novembre 2015 et le 30 juin 2016, puis de 1 890,07 euros à compter du 1er juillet 2016, évalue son préjudice à la somme, non contestée, de 6 188,50 euros. Par suite, il y a lieu de condamner la commune à lui verser cette somme en réparation de son préjudice financier. 9. En second lieu, l'appelante établit que la privation de son plein-traitement est la cause d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence. Il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en les fixant à un montant global de 3 000 euros. 10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Gardanne doit être condamnée à verser une somme de 9 188,50 euros à Mme B.... Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019, date de réception de la demande préalable par la commune, ces intérêts portant eux-mêmes intérêts un an après cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette même date. Sur les conclusions indemnitaires tendant à la réparation d'un préjudice financier d'un montant de 18 051,31 euros résultant d'erreurs commises par la commune de Gardanne dans la reconstitution de la carrière de Mme B... pour la période du 1er janvier 2012 au 1er avril 2019 : 11. Ainsi qu'il a été dit au point 3, le tribunal administratif de Marseille a rejeté pour irrecevabilité les conclusions indemnitaires dont il s'agit, au motif qu'étant fondées sur la reconnaissance de l'imputabilité de la pathologie au service de Mme B... au titre de la période du 31 mars 2008 au 31 décembre 2011, elles constituent un litige distinct de celles tendant à l'annulation des arrêtés plaçant l'intéressée à demi-traitement du 16 octobre 2014 au 25 août 2016 et à la réparation des éventuels préjudices en découlant. Si, en cause d'appel, Mme B... renouvèle, dans les mêmes termes et à concurrence du même montant qu'en première instance, sa demande de condamnation de la commune à l'indemniser du préjudice financier résultant d'erreurs qui auraient été commises à l'occasion de sa reconstitution de carrière telle qu'opérée par arrêté du 23 juin 2020, elle se borne à réitérer ses écritures de première instance sans contester les motifs retenus par les premiers juges pour rejeter sa demande comme étant irrecevable. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'indemnisation de ce préjudice financier. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1911099 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation ainsi que ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses préjudices financier et moral résultant de son placement en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 27 octobre 2015 au 30 août 2016. Par suite, il y a lieu, d'une part, d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ces conclusions, d'autre part, d'annuler les arrêtés des 16 novembre 2015, 2 décembre 2015, 14 janvier 2016, 18 février 2016, 17 mars 2016, 7 avril 2016, 11 mai 2016, 13 juin 2016, 3 août 2016 et 14 août 2016, par lesquels l'administration a placé Mme B... en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement, et, enfin, de condamner la commune de Gardanne à verser une somme de 9 188,50 euros à Mme B... en réparation de ses préjudices. Sur les frais d'instance : 13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chaque partie les frais exposés pour la présente instance et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Les arrêtés des 16 novembre 2015, 2 décembre 2015, 14 janvier 2016, 18 février 2016, 17 mars 2016, 7 avril 2016, 11 mai 2016, 13 juin 2016, 3 août 2016 et 14 août 2016 de la commune de Gardanne sont annulés. Article 2 : La commune de Gardanne est condamnée à verser une somme de 9 188,50 euros à Mme B..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019. Les intérêts échus au 22 octobre 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Gardanne. Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 30 mai 2023. N° 22MA02339 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 3ème chambre, 31/05/2023, 20LY02654, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon : 1°) d'annuler la décision du 14 mai 2019 par laquelle le maire de la commune du Creusot a rejeté sa demande d'imputabilité au service de son affection pour la période postérieure au 17 décembre 2017 ; 2°) d'enjoindre à la commune du Creusot de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de maladie à compter du 6 février 2017 dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ; 3°) de condamner la commune du Creusot à le rétablir dans l'intégralité de ses droits et traitements rétroactivement au 6 février 2017 ; 4°) d'enjoindre à la commune du Creusot de produire un tableau comprenant, sur toute la période précitée, les informations relatives à la rémunération nette qui aurait dû lui être versée et la rémunération nette effectivement versée et réserver en conséquence sa demande indemnitaire au titre du préjudice financier ; 5°) de condamner la commune du Creusot à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis, avec intérêts au taux légal et capitalisation ; 6°) d'enjoindre à la commune du Creusot de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et la condamner à ce titre, à prendre intégralement en charge ses frais de procédure sur présentation des justificatifs ; 7°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire avec mission habituelle en pareille matière et évaluation du préjudice moral ; 8°) de mettre à la charge de la commune du Creusot une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1901958 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 11 septembre 2020, 11 janvier 2022, 17 mai 2022 et 22 mars 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Walgenwitz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 juin 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 14 mai 2019 par laquelle le maire de la commune du Creusot a rejeté sa demande d'imputabilité au service de son affection pour la période postérieure au 17 décembre 2017 ; 3°) d'enjoindre à la commune du Creusot de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de maladie à compter du 12 septembre 2018 et ainsi de procéder à son placement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 12 septembre 2018 ; 4°) de mettre à la charge de la commune du Creusot la somme de 3 636 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les dispositions appliquées par le tribunal administratif de Dijon n'étaient pas en vigueur lors de la réunion de la commission de réforme ; - la commune du Creusot a, suite à la demande de substitution de motifs, entaché l'arrêté contesté d'une erreur de droit ; - l'arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que sa pathologie trouve sa cause dans les conditions de travail de sa nouvelle affectation et notamment les conditions récentes de logement, comme le précise le rapport du médecin agréé et le confirme l'avis favorable de la commission de réforme. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2020 et le 6 mai 2022, la commune du Creusot, représentée par Me Tronche : 1°) conclut au rejet de la requête ; 2°) demande, en tout état de cause, de substituer aux motifs fondant la décision attaquée, pour la période d'arrêts de travail ayant couru du 12 septembre 2018 au 11 avril 2019, les motifs de fait et de droit suivants : s'agissant des motifs de droit, les dispositions de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, en particulier du 2° ; s'agissant des motifs de fait, l'absence de lien direct entre la pathologie à l'origine des arrêts de travail prescrits à M. A... à compter du 12 septembre 2018 et l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail, cette pathologie ne trouvant pas sa cause dans les fonctions exercées ou les conditions de travail de l'intéressé au sens de la jurisprudence administrative, puisqu'aucun élément du dossier ne fait apparaitre des circonstances particulières ou des conditions de travail de nature à en susciter le développement et en tout état de cause, le caractère détachable de la survenance de la maladie du service, du fait de la personnalité et du comportement adopté par M. A..., lequel n'a cessé d'émettre des plaintes, doléances et revendications à l'égard de sa collectivité employeur et a donc adopté une attitude d'opposition ; 3°) demande de rejeter les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du maire du Creusot du 14 mai 2019, comme infondées ; 4°) demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés. Par ordonnance du 6 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Fédi, président-assesseur, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Walgenwitz, représentant M. A..., et celles de Me Lutz, représentant la commune du Creusot ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique de 2ème classe de la commune du Creusot, en Saône-et-Loire, était affecté au château de la Verrerie pour y occuper les fonctions de concierge. Le 6 février 2017, l'agent a été placé en arrêt de travail, lequel a été prolongé à plusieurs reprises. Par arrêté du 7 décembre 2017, le maire du Creusot a reconnu l'imputabilité de sa maladie au service pour la période du 6 février 2017 au 17 décembre 2017 et a admis la prise en charge de ses frais de santé au titre de cette période. Le 3 juillet 2018, M. A... a été affecté sur les fonctions de concierge du stade Jean Garnier, dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique. M. A... a ensuite été placé de nouveau en arrêt de travail à compter du 12 septembre 2018. Saisi par l'intéressé d'une demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter de cette date, le maire du Creusot a, par un arrêté et une lettre d'accompagnement du 14 mai 2019, dont M. A... a demandé l'annulation, rejeté la demande de l'agent et l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 12 septembre 2018. M. A... fait appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En conséquence, ces dispositions ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale. Par suite, ces dispositions n'étant pas applicables au présent litige, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs de droit présentée par la commune du Creusot. 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à l'espèce et au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : /.../ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. /.../ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire qui souffre d'une maladie contractée ou aggravée en service a droit à un congé de maladie à plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite, sauf s'il entre dans les cas prévus pour l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée limitant la période de maintien de cette rémunération. L'imputabilité au service de cette maladie est appréciée par la commission de réforme qui rend un avis ne liant pas l'autorité territoriale. 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 5. Il ressort des pièces du dossier que le maire du Creusot a, par arrêté du 7 décembre 2017, reconnu l'imputabilité au service des troubles psychiques de M. A... déclarés entre le 6 février 2017 et le 17 décembre 2017, alors que l'agent occupait les fonctions de concierge du château de la Verrerie. Aux termes des conclusions du rapport d'expertise médicale établi le 12 janvier 2019, le médecin psychiatre agréé a constaté d'une part, que " M. A... souffre au moins d'un trouble dépressif sévère... associé à des manifestations anxieuses, altérant gravement sa capacité à agir avec discernement et s'accompagnant d'une symptomatologie somatique invalidante, qui est une aggravation du tableau clinique déjà constaté au mois d'octobre 2017 ", d'autre part, que cette " symptomatologie actuelle constitue effectivement une rechute du tableau antérieur en lien direct avec la maladie contractée en service. A l'évidence, le tableau n'est pas consolidé, et nécessite encore des soins actifs qui devraient être renforcés. La prise en charge des arrêts de travail et des soins à compter du 10 septembre 2018 doit être pris en charge dans le cadre de la maladie contractée en service le 6 février 2017 (...) les symptômes restent à peu près identiques à ceux que nous avions constaté en octobre 2017 (...) ". En outre, le même rapport d'expertise précise que les conditions de relogement, nécessitées par les nouvelles fonctions d'accueil et de gardiennage occupées par M. A... à compter de juillet 2018 au stade Jean Garnier, ont aggravé son état de santé. Lors de sa séance du 2 avril 2019, la commission de réforme a émis un avis favorable à la prise en charge de la rechute de la maladie contractée en service au 12 septembre 2018 et à l'imputabilité au service de la période d'arrêt de travail allant du 12 septembre 2018 au 9 avril 2019. Si la commune du Creusot invoque, dans ses écritures en défense, la personnalité et l'attitude d'opposition adoptée par l'intéressé, lequel n'aurait cessé d'émettre des plaintes, doléances et revendications à l'égard de son employeur, toutefois, la collectivité n'établit pas l'existence de faits personnels de l'agent ou de circonstances particulières conduisant à détacher du service la maladie de M. A.... 6. En outre, la commune du Creusot ne peut utilement soutenir que le changement d'affectation de l'agent a été opéré à sa demande et qu'il a accepté les conditions de son nouvel emploi et de son logement. Dans ces conditions, M. A..., qui démontre le lien direct entre sa maladie et l'exercice de ses fonctions, est fondé à soutenir qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, pour la période du 12 septembre 2018 au 14 mai 2019, au motif que son changement d'affectation avait mis fin à sa pathologie, le maire du Creusot a méconnu les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. L'appelant est, dès lors, fondé à demander l'annulation dudit jugement, ainsi que celle de la décision du 14 mai 2019. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". L'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019 ainsi prononcé implique nécessairement qu'il soit enjoint au maire de la commune du Creusot de placer l'appelant en position de congé de maladie imputable au service, pour la période du 12 septembre 2018 au 14 mai 2019, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. 9. Les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle étant réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la demande M. A..., tendant à enjoindre à la collectivité territoriale de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service, à compter du 12 septembre 2018, doit être rejetée dès lors que sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service, ayant été présentée le 26 février 2019, la situation de l'agent est exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des règles relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, désormais codifié à l'article L. 822-21 du code général de la fonction publique, qui ne sont entrées en vigueur que le 13 avril 2019. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune du Creusot. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à M. A..., au titre de ces mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 30 juin 2020 et la décision du 14 mai 2019 du maire du Creusot sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au maire du Creusot de placer M. A... en position de congé de maladie imputable au service, pour la période du 12 septembre 2018 au 14 mai 2019, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : La commune du Creusot versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de la commune du Creusot présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune du Creusot. Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023. Le rapporteur, Gilles FédiLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de Saône-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY02654
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 01/06/2023, 21BX02304, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 26 avril 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saintonge a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident du 11 juin 2018 et d'enjoindre au centre hospitalier de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 11 juin 2018, ainsi que de procéder à la reconstitution de sa carrière et au versement des rappels indemnitaires dus, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1901546 du 30 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 mai 2021, Mme C..., représentée par Me Sutre, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Saintonge du 26 avril 2019 ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Saintonge de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 11 juin 2018 et de procéder à la reconstitution de sa carrière et au versement des rappels indemnitaires dus ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saintonge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a déposé sa déclaration d'accident du travail dans le délai de quinze jours prévu à l'article 47-3 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la mention ou non d'un tiers responsable sur l'arrêt de travail est sans incidence sur l'imputabilité au service de l'accident, et au demeurant, le certificat du 4 juillet 2018 précise qu'elle était complètement anéantie, avec une phobie de retourner au travail, une énorme fragilité émotionnelle et une perte de confiance complète ; - la déclaration d'accident du travail fait référence à un choc psychologique subi pendant et à l'issue d'un entretien professionnel, un médecin a constaté que son état nécessitait un arrêt de travail, l'expert désigné par l'administration a conclu à une relation directe et exclusive de sa pathologie avec les faits en cause, et la commission départementale de réforme, qui a en outre tenu compte d'un rapport du médecin de prévention du 29 octobre 2018, a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service ; - contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le choc qu'elle a subi n'était pas en lien avec la baisse de notation, notifiée postérieurement à l'entretien et par écrit, mais avec les propos tenus par le cadre de santé ; alors qu'il appartenait à l'administration d'apporter la preuve de circonstances particulières permettant de faire échec à la présomption d'imputabilité de l'accident survenu dans le temps et sur le lieu du service, le tribunal a " inversé la charge de la preuve " en jugeant qu'il ne ressortait d'aucun élément que les propos tenus par le cadre de santé auraient été caractérisés par leur violence ou leur agressivité, ou qu'ils auraient revêtu un caractère insultant ou humiliant ; - les conditions d'agressivité dans lesquelles l'entretien a eu lieu montrent une volonté délibérée de la placer dans une position lui interdisant tout commentaire et toute défense ; elle a été verbalement agressée, aucune des observations défavorables ne lui avait été antérieurement opposée, et les griefs étaient préparés avant l'entretien, lequel a été mené à charge ; des reproches infondés lui ont été faits pour lui indiquer qu'un autre poste devrait être envisagé ; il lui a en outre été reproché sa voix, son attitude et l'éducation donnée à ses enfants ; son état de choc à l'issue de l'entretien est attesté par plusieurs témoignages ; le centre hospitalier ne peut s'appuyer sur un rapport de juillet 2018, postérieur aux faits, pour soutenir qu'elle aurait fait l'objet de remarques antérieurement à l'entretien d'évaluation ; une psychologue du centre hospitalier atteste que le cadre de santé pratique un management par la peur et l'insécurité ; ainsi, il doit être fait droit à l'ensemble de ses demandes. Par des mémoires en défense enregistrés le 21 décembre 2021 et le 14 octobre 2022, le centre hospitalier de Saintonge, représenté par la société SHBK Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête d'appel est insuffisamment motivée ; - les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Bousquet, représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., infirmière titulaire affectée au centre médico-psychologique (CMP) de Saintes relevant du centre hospitalier de Saintonge, placée en arrêt de travail à compter du 11 juin 2018, a déposé une déclaration d'accident du travail pour un syndrome anxio-dépressif consécutif à des violences psychologiques subies le même jour lors de son entretien annuel d'évaluation. Par une décision du 26 avril 2019, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître un accident imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 11 juin 2018. Mme C... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...)." 3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement, quelle que soit sa nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 4. Il ressort des pièces du dossier que la fermeture de lits d'hospitalisation en psychiatrie a conduit le centre hospitalier de Saintonge à développer les soins ambulatoires, notamment par un renforcement du personnel et une réorganisation du travail dans les CMP, afin d'améliorer l'accueil du public en proposant rapidement un premier rendez-vous. La nouvelle organisation du travail au CMP de Saintes comportait la mise en place systématique, à partir de juillet 2017, d'un entretien d'accueil infirmier, dit entretien de première intention, pour toute nouvelle personne demandant à consulter, destiné à évaluer la demande et la nature de la réponse devant être apportée. La répartition des entretiens entre les infirmiers était assurée au moyen d'un agenda informatique partagé sur lequel chacun devait proposer des plages horaires, permettant ainsi à l'agent chargé de l'accueil téléphonique d'attribuer les rendez-vous. L'évaluation de l'année 2017 fait apparaître que Mme C... a participé au groupe de travail relatif à la mise en place des entretiens de première intention. Toutefois, un rapport de son supérieur hiérarchique du 4 juillet 2018 fait état de son opposition à l'organisation mise en place, et relève qu'elle n'a effectué que 32 entretiens de première intention entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018. Si Mme C... fait valoir que ce rapport est postérieur à l'entretien d'évaluation, elle ne conteste pas le nombre d'entretiens de première intention effectués dans l'année qui l'a précédé. En outre, le même rapport fait état d'un comportement insolent envers la hiérarchie et le corps médical ainsi que d'un manque de respect, ce qui est corroboré par une convocation de l'intéressée par le cadre supérieur de santé à un entretien, le 3 octobre 2016, au sujet de sa tenue dans son exercice professionnel et de sa réaction à l'égard de ce cadre lors d'une réunion. L'appréciation portée sur la fiche de notation de 2017 par une nouvelle cadre supérieure de santé confirme la persistance d'une attitude irrespectueuse, notamment en réunion, et il ressort du rapport du 4 juillet 2018 que Mme C..., reçue à sa demande le 4 décembre 2017 par cette supérieure hiérarchique pour lui faire part de son désaccord sur cette appréciation, a fait l'objet d'un " recadrage " au sujet de ses devoirs professionnels, après lequel elle a rempli pour la première fois l'agenda partagé. 5. L'entretien professionnel a été réalisé le 11 avril 2018 dans le contexte exposé au point précédent, alors que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme C... avait été avertie à plusieurs reprises de ce que son comportement et son implication dans son travail n'apparaissaient pas satisfaisants. Il ressort du compte-rendu de cet entretien qu'il lui a été reproché d'avoir commencé à utiliser l'agenda partagé seulement en décembre 2017, de ne pas le remplir toutes les semaines, de ne pas avoir proposé suffisamment de créneaux de rendez-vous pour les entretiens de première intention, de montrer, par ses attitudes en réunion, qu'elle ne parvenait pas à s'adapter au changement, et de conserver, malgré des efforts pour modérer la virulence de ses propos, un comportement irrespectueux, notamment envers une collègue infirmière arrivée l'été précédent. L'évaluateur a conclu que Mme C... avait rencontré des difficultés dans les missions confiées (entretiens de première intention), qu'elle n'était pas en total accord avec le nouveau projet médico-soignant, ce qu'elle avait su " réajuster " au bout de six mois, mais que si cette dynamique ne perdurait pas, elle devrait réfléchir à un nouveau projet professionnel qui lui permettrait de s'épanouir davantage dans son travail. Si l'entretien a été conduit, comme il est d'usage, sur la base d'un document préparé par l'évaluateur, il ne peut en être déduit que Mme C... aurait été placée " dans une position lui interdisant tout commentaire et toute défense ", alors qu'elle a porté des observations dans l'espace réservé aux commentaires de l'évalué sur le bilan réalisé. Ce bilan, tel que présenté par l'évaluateur, n'est pas contredit par les pièces produites par Mme C..., lesquelles se bornent à rapporter qu'elle a été très affectée par l'entretien et à énoncer, en ce qui concerne le comportement de l'évaluateur, des généralités caractérisant davantage une incompréhension du rôle de l'encadrement de la part des auteurs des attestations qu'une attitude inappropriée du cadre de santé. Les reproches figurant dans le compte-rendu d'entretien n'apparaissent pas infondés, et la circonstance que Mme C... les a ressentis comme une agression n'est pas de nature à caractériser un comportement ou des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lesquels ne ressortent pas des pièces du dossier. Par suite, et alors même que la commission de réforme a émis un avis favorable, cet entretien ne peut être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. 7. Mme C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Saintonge à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Saintonge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... épouse C... et au centre hospitalier de Saintonge. Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023. La rapporteure, A... B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02304
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de LYON, 7ème chambre, 25/05/2023, 22LY02975, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle le ministre des armées a refusé la majoration de sa pension d'invalidité pour l'infirmité affectant son bras et sa main gauches et a rejeté sa demande au titre des " troubles de la personnalité " et d'un " état de stress post-traumatique ". Par un jugement n° 1907271 du 10 août 2022, le tribunal a annulé la décision du 18 février 2019 du ministre des armées en tant qu'elle concerne les infirmités de son bras et de sa main gauches et son " état de stress post-traumatique ", et ouvert à M. D... des droits à pension militaire d'invalidité au taux global d'invalidité de 55 % à compter du 27 janvier 2017, dont 35 % pour l'infirmité du bras et de la main gauches et 20 % pour l'état de stress post-traumatique, et rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la cour Par une requête et des mémoires enregistrés le 10 octobre 2022 ainsi que les 16 janvier et 15 mars 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a accordé un taux d'invalidité de 20 % pour l'infirmité " état de stress post-traumatique " et un taux d'invalidité global de 55 %. Il soutient que : - M. D... ne présente pas de stress post-traumatique tel que décrit par le guide barème ; l'expert qui a conclu à un stress post traumatique a méconnu les dispositions du guide barème ; il a pris en compte des éléments postérieurs à la date de la demande ; - le rapport d'expertise du Dr B... du 26 septembre 2018 conclut à des troubles anxio dépressifs en l'absence de tout symptôme d'état de stress post-traumatique ; le certificat du Dr G... du 19 janvier 2017 évoque une décompensation psychologique importante, le compte rendu d'hospitalisation du 26 février 2015 conclut à une décompensation anxio dépressive, l'examen du 14 décembre 2015 fait part d'une situation conflictuelle et complexe sans évocation de troubles résultant de stress post-traumatique, l'infirmité trouble de personnalité a été considérée comme non imputable au service par décision du 10 mai 2004, le seul document faisant état de stress post-traumatique est le certificat du 21 juin 2015 faisant état de troubles des conduites et de l'humeur exacerbés par une situation conflictuelle professionnelle sans décrire de syndrome de répétition ou de comportement d'évitement. Par un mémoire enregistré le 21 novembre 2022, M. D..., représenté par Me Yver, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de dire que la pension militaire d'invalidité accordée au titre de ses deux infirmités doit être entendue comme définitive. Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par une ordonnance du 1er mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2023. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 23 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Yver, pour M. D... ; Considérant ce qui suit : 1. M. D..., retraité de la gendarmerie, titulaire d'une pension militaire d'invalidité accordée au taux de 15 % le 8 janvier 2018 à la suite à une décharge de foudre subie le 23 août 1995, avec effet au 1er mars 2016, a demandé le 27 janvier 2017 que le taux pour l'infirmité affectant son bras et sa main gauches soit majoré et que soient constatés ses droits au titre de deux infirmités nouvelles correspondant à des " troubles de la personnalité " et à un " état de stress post-traumatique ". Par une décision du 18 février 2019, le ministère des armées a refusé de réviser sa pension. Par un jugement avant-dire-droit du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande au titre de l'infirmité " troubles de la personnalité " et a ordonné deux expertises concernant les infirmités du bras et de la main gauches et l'état de stress post-traumatique. Les experts désignés ont rendu leurs rapports les 18 février (Dr H...) et 29 mars 2022 (Dr C...). Le ministre des armées relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 août 2022 qui a fixé les droits à pension militaire d'invalidité de M. D... au titre des infirmités du bras et de la main gauches et de son " état de stress post-traumatique " au taux d'invalidité de 55 % à compter du 27 janvier 2017, en tant qu'il a accordé un taux d'invalidité de 20 % pour l'infirmité " état de stress post-traumatique ". Sur le fond du litige : 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. " Aux termes de l'article L. 121-4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. /Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Aux termes de l'article L. 125-1 du même code : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. " Aux termes de l'article D. 125-4 de ce même code : " Le taux d'invalidité mentionné à l'article L. 125-1 est déterminé par le guide-barème des invalidités annexé au présent code. / (...). " 3. Le guide-barème des invalidités figurant en annexe 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit en particulier que : " (...) la névrose traumatique de guerre (ou en relation avec des catastrophes naturelles ou tout autre événement exceptionnel à caractère individuel ou collectif) doit être considérée comme une blessure (...). Cependant, dans le cadre du travail d'expertise, elle constitue (...) un état pathologique consécutif à des situations particulières (...) ou lié à l'exposition à des situations de danger, (...) comportant toujours des répercussions psychologiques pour le sujet. (...) La gêne fonctionnelle résulte de la conjonction de l'importance relative des symptômes spécifiques (syndrome de répétition) avec d'autres manifestations éventuelles (cf. " troubles névrotiques " et " troubles de la personnalité "). (...) ". Ce même barème indique que le taux de 20 %, tel que retenu ici par l'expert judiciaire, correspond à des troubles légers et que les " critères développés ci-dessous correspondent à des situations assez typiques et moyennes reflétant la démarche clinique qui est surtout globalisante et ne procède jamais par des estimations à 5 p. 100 près, mais par niveau de 20 p. 100 sur l'échelle nominale. (...) ". Il en résulte également que : " (...) En pratique expertale, les critères constitutifs de l'évaluation de l'invalidité comprendront : - 1. La souffrance psychique : l'expert l'appréciera à partir de l'importance des troubles, de leur intensité et de leur richesse symptomatique. Cette souffrance est éprouvée consciemment ou non par le sujet et/ou perçue par l'entourage ; - 2. La répétition : elle s'exprime, au sens psychopathologique, par des troubles au long cours ou rémittents ; - 3. La perte relative de la capacité relationnelle et le rétrécissement de la liberté existentielle : ce troisième critère, consécutif dans une certaine mesure aux précédents, concerne le mode de relation à autrui et le degré d'inadéquation des conduites aux situations. Doivent être pris en compte également des critères positifs tels que : - la capacité de contrôle des affects et des actes ; - le degré de tolérance à l'angoisse et à la peur ; - l'aptitude à différer les satisfactions et à tenir compte de l'expérience acquise ; - les possibilités de créativité, d'orientation personnelle et de projet. (...) ". 4. Contrairement à ce que soutient le ministre des armées, l'expert judiciaire, dans son rapport du 18 février 2022, s'est essentiellement fondé sur des éléments présentés lors de la demande de révision du 27 janvier 2017 pour conclure à l'existence de l'état de stress post-traumatique de M. D..., qu'il s'agisse en particulier des certificats médicaux des Dr F... du 1er septembre 1995, Vernant du 10 mai 2002 et Rondier du 24 mai 2002, ou d'un compte rendu d'hospitalisation de 2002, les avis de spécialistes de kéraunopathologie, postérieurs à cette demande, qu'il a également pris en compte, ne faisant que confirmer cet état. 5. Le ministre soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le Dr H... dans son rapport du 18 février 2022, les troubles psychiques de M. D..., qui ne correspondent pas à la description qu'en fait le guide-barème, ne peuvent être qualifiés de " stress post-traumatique ". Il fait ainsi valoir que le rapport d'expertise du Dr B... du 26 septembre 2018 conclut, en l'absence de tout symptôme d'état de stress post-traumatique, à des troubles anxio dépressifs, que le certificat du Dr G... du 19 janvier 2017 évoque une décompensation psychologique importante, que l'examen du 14 décembre 2015 décrit une situation conflictuelle et complexe sans indication de troubles liés à un état de stress post-traumatique et que le compte rendu d'hospitalisation du 26 février 2015 mentionne une décompensation anxio dépressive, rappelant par ailleurs que l'infirmité " trouble de personnalité " a été considérée comme non imputable au service par une décision du 10 mai 2004 et que le seul document renvoyant à un état de stress post-traumatique est un certificat du 21 juin 2015 constatant des troubles de la conduite et de l'humeur exacerbés par une situation conflictuelle professionnelle sans décrire de syndrome de répétition ou de comportement d'évitement. Si le guide barème décrit la pathologie de stress post-traumatique, il n'en résulte pas pour autant que l'existence de cette affection ne peut être reconnue qu'à condition d'en cumuler toutes les manifestations caractéristiques. Il apparaît à cet égard, au vu des pièces médicales antérieures à sa demande de révision, et reprises par l'expertise judiciaire du 18 février 2022, que M. D... présente des séquelles psychiques qui, compte tenu en particulier des critères développés par le guide barème ci-dessus, sont compatibles avec le diagnostic de stress post-traumatique. Le compte-rendu du Dr F... du 25 août 1998 fait ainsi état de " Troubles de la mémoire ", que le certificat médical du Dr F... du 31 août 1995 indique que, sur " le plan cérébral, Monsieur D... présente encore quelques troubles avec de grandes perturbations de la mémoire de fixation et quelques désorientations temporo-spatiales. La perte de connaissance, au moment de l'électrisation, a pu être estimée à environ 15 minutes ", que la feuille de notation du 21 décembre 1995 précise que l'intéressé a " été très affecté par l'accident [ du 23 août 1995] dont il conserve pour l'instant des séquelles ", que le certificat médical du Dr E... du 6 juillet 2011 décrit " des accès de palpitations nocturnes et diurnes quasi-quotidiens ", un sommeil très limité, " des sueurs nocturnes ", sans aucun rapport avec une pathologie pulmonaire, que l'ordonnance du 18 mars 2015 indique la prise d'anti-dépresseurs et d'anxiolytiques habituellement prescrits dans les cas de névrose traumatique, que le relevé des congés de maladie et hospitalisations répertorie des arrêts maladie récurrents pour fatigue physique et psychique et troubles du sommeil. Surtout, dans son rapport du 18 février 2022, l'expert, qui a repris la description de ces symptômes en se référant aux recommandations du guide barème, a précisé que " M. D... a peur dès qu'il fait nuit, il ne sait pas pourquoi, il [a] des tremblements, il est fatigué, il a des troubles de la mémoire, il a du mal à se situer dans le temps/ [...] M. D... a été victime d'un accident dramatique qui l'a marqué psychiquement [...] M. D... présente une dépression chronique avec une comorbidité à la fois intrinsèque et à la fois extrinsèque, la dimension extrinsèque étant réalisée par un état de stress post-traumatique et qui réalise un taux d'infirmité imputable à l'accident de 1995 à 20 % ". Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que ne remettent pas sérieusement en cause les conclusions du médecin conseiller technique du ministre du 13 mai 2022 qui, à la différence de l'expertise judiciaire, que l'administration n'a alors pas discutée, sont non contradictoires, rien ne permet sérieusement de dire que les symptômes ressentis par M. D... ne peuvent pas être rattachés à un état de stress post-traumatique lié à ses conditions de service, dont la cotation à 20 %, recommandée par le guide-barème, n'est pas remise en cause. 6. Il résulte de ce qui précède que la requête du ministre des armées ne peut, dans ces conditions, qu'être rejetée. 7. M. D... demande à la cour de constater que la pension militaire d'invalidité accordée au titre de ses deux infirmités doit être entendue comme définitive. De telles conclusions constituent des conclusions en déclaration de droit qu'il n'appartient pas au juge administratif d'accueillir en dehors des cas prévus par un texte. Sur les frais du litige : 8. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser au conseil M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'État versera la somme de 1 200 euros au conseil de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le surplus de conclusions de M. D... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N°22LY02975 2 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre, 31/05/2023, 20LY02618, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) de condamner la commune de Saint-Etienne à lui verser la somme de 38 031,60 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son accident de travail du 6 mars 2017 ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens. Par un jugement n° 1903789 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Villand, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 juillet 2020 ; 2°) de juger que l'accident survenu le 6 mars 2017 est un accident de service imputable au service et procède d'une faute de la commune de Saint-Etienne et de condamner cette dernière à lui verser les sommes suivantes : ' 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, ' 288 euros au titre du DFTT (déficit fonctionnel temporaire total), ' 1 026 euros au titre du DFTP (déficit fonctionnel temporaire partiel) de classe II, ' 417,60 euros au titre du DFTP de classe I, ' 2 500 euros au titre des souffrances endurées, ' 8 800 euros au titre du DFP (déficit fonctionnel permanent), ' 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; 3°) de condamner la commune de Saint-Etienne aux dépens y compris les frais d'expertise ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal administratif a fait une analyse erronée de la situation de fait, dès lors que la commune de Saint-Etienne a reconnu que son malaise cardiaque était un accident de service, directement imputable au service et procède directement de la faute de son employeur ; - la commune de Saint-Etienne a commis une faute en ne respectant pas son obligation générale de santé et de sécurité au travail, et en particulier en ne l'ayant pas soumis à une surveillance médicale adéquate, dès lors qu'il rentre dans le cadre des " agents à risque ". Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, la commune de Saint-Etienne, représentée par Me Saban : 1°) conclut au rejet de la requête ; 2°) demande, à titre très subsidiaire, si sa responsabilité était retenue, de réduire les sommes demandées à de plus justes proportions ; 3°) demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 6 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Fédi, président-assesseur, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Garaudet, représentant la commune de Saint-Etienne ; Considérant ce qui suit : 1. Brigadier-chef principal au sein de la police municipale de Saint-Etienne, M. B..., qui a été victime, le 6 mars 2017 et dans l'exercice de ses fonctions, d'un accident cardiaque, relève appel du jugement rendu le 16 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de son employeur à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cet accident. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 3. Il est constant que M. B... a été victime d'un accident cardiaque le 6 mars 2017, reconnu imputable au service, alors qu'il participait à un entrainement à la pratique du pistolet à impulsion électrique dans le cadre de son activité professionnelle. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du Professeur A...... du 22 décembre 2018 qui précise, que l'appelant, pratiquant régulier d'une activité physique, présentait " avant l'accident du 6 mars 2017 deux types de pathologie : une pathologie dépressive prise en charge depuis 2011 et une sténose de l'artère inter-ventriculaire antérieure qui n'avait pas entrainé de signes cliniques et qui était ignorée par l'intéressé. Il est en effet certain que ce n'est pas l'exercice du 06.03.2017 qui a provoqué cette sténose mais que celle-ci a été révélée par l'apparition d'une thrombose survenue à son niveau pendant la période de l'exercice professionnel ". L'expert, après avoir mentionné les conclusions des trois expertises précédemment menées, précisait d'une part, que " c'est sur cette sténose que s'est produit, le 06.03.2017, une thrombose responsable de la survenue de l'infarctus du myocarde " d'autre part, que " cette thrombose aurait pu survenir quelques heures plus tôt ou quelques jours plus tard et rien ne permet d'affirmer que ce sont les quelques exercices réalisés le 06.03.2017 qui ont fait que la thrombose soit survenue à cette date, sur cette sténose préexistante ". En outre, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction, que M. B... aurait subi, lors des exercices et de la mise en situation pratiqués le jour de l'accident, une " pression ou une intensité " de nature à troubler son discernement. Dans ces conditions, si M. B... se prévaut de divers préjudices patrimoniaux ou personnels au titre de l'incidence professionnelle ou du préjudice d'agrément, dont il sollicite la réparation, il ne démontre pas en quoi ces préjudices, qui résultent de la seule sténose de l'artère inter-ventriculaire antérieure préexistante, présenteraient un lien direct avec l'accident de service du 6 mars 2017. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre. En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 4. Aux termes de l'article 20 du décret du 10 juin 1985 visé ci-dessus, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les agents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er bénéficient d'un examen médical périodique au minimum tous les deux ans. Dans cet intervalle, les agents qui le demandent bénéficient d'un examen médical supplémentaire (...) ". Aux termes de l'article 21 du même décret : " En sus de l'examen médical prévu à l'article 20, le médecin du service de médecine professionnelle et préventive exerce une surveillance médicale particulière à l'égard : / (...) - des agents occupant des postes dans des services comportant des risques spéciaux ; / (...) Le médecin du service de médecine préventive définit la fréquence et la nature des visites médicales que comporte cette surveillance médicale. Ces visites présentent un caractère obligatoire ". Il résulte de ces dispositions que les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. 5. Il est constant que M. B... a bénéficié d'un examen médical périodique, le 14 août 2015, moins de deux ans avant l'accident survenu le 6 mars 2017. Si l'agent soutient qu'il aurait dû faire l'objet d'une surveillance particulière en application de l'article 21 du décret du 10 juin 1985, il ne résulte pas de l'instruction que son poste comportait des risques spéciaux au sens de ces dispositions, ni que le médecin du service de médecine préventive aurait indiqué qu'une surveillance médicale était requise au regard de l'état de santé de l'intéressé, alors que la pathologie cardiaque de l'agent était également inconnue de son employeur. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la commune de Saint-Etienne aurait commis une faute, en méconnaissant ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail, résultant pour elle des dispositions des article 20 et 21 du décret du 10 juin 1985. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sur les dépens : 7. Il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lyon, liquidés et taxés à la somme de 700 euros par ordonnance du juge des référés n°1805890 du 14 avril 2020, à la charge définitive de M. B.... Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Etienne présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Saint-Etienne. Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023. Le rapporteur, Gilles FédiLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY02618
Cours administrative d'appel
Lyon