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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/11/2023, 21TL22563, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. G... Diakoff a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) à lui verser une indemnité de 3 368 553 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison de sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018 et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. Diakoff comme tardive. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX02563 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL22563, et des mémoires, enregistrés les 6 octobre 2022, 14 novembre 2022 et 12 janvier 2023, M. Diakoff, représenté par Me Akpo, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler l'ordonnance du 22 mars 2021 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) de condamner l'Etat, pris en la personne de France AgriMer, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser une somme de 1 623 270,34 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête de première instance n'était pas tardive ; c'est donc à tort que, par l'ordonnance attaquée, elle a été rejetée pour irrecevabilité ; - la responsabilité pour faute de l'Etat, pris en la personne de France AgriMer, est engagée, en conséquence de l'aggravation de son accident de service et de sa tentative de suicide ; - la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée, eu égard à l'irrégularité de la procédure de mise à la retraite et l'arrêté du 30 août 2019 portant mise à la retraite est ainsi intervenu au terme d'une procédure irrégulière ; l'administration a omis de consulter la commission de réforme au titre de l'octroi de la tierce personne et la procédure simplifiée sans consultation préalable de cette commission, prévue par circulaire interministérielle, n'était, dans ce cas, pas applicable ; l'administration ne l'a pas informé des voies de recours contre l'avis du comité médical départemental ; il n'a pas été informé de la possibilité de prendre connaissance de son dossier et de faire entendre le médecin de son choix avant la séance du comité médical départemental ; l'arrêté du 30 août 2019 est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été précédé d'un avis du comité médical supérieur ; - ses préjudices patrimoniaux temporaires s'élèvent à 314 734,58 euros ; - au titre de la privation d'une rente d'invalidité, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 389 733,74 euros ; - au titre de l'allocation de majoration pour tierce personne, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 329 844,48 euros ; - au titre de l'incidence professionnelle, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 68 303,51 euros et une somme de 212 539,32 euros pour cette incidence au titre de la pension de retraite ; - au titre de l'allocation temporaire d'invalidité, l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 120 017,16 euros ; - ses souffrances endurées et son préjudice esthétique temporaire s'élèvent chacun à une somme de 35 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2022, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer), représenté par la SELAS Seban et associés, agissant par Me Carrère, conclut au rejet de la requête de M. Diakoff et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête de première instance de M. Diakoff était irrecevable ; - les conclusions indemnitaires de ce dernier, qui se rapportent à l'engagement de la responsabilité de l'établissement à raison du refus d'imputabilité au service de son syndrome anxiodépressif et de sa tentative de suicide sont irrecevables car le contentieux n'est pas lié sur ces points ; - subsidiairement, sa requête est mal fondée, en l'absence de faute ; - ses prétentions, au titre de l'indemnisation des préjudices, ne pourront qu'être rejetées. Une mise en demeure du 22 mars 2022 a été adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Par une ordonnance du 13 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023. Un mémoire, enregistré le 21 février 2023 a été présenté pour M. Diakoff et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Akpo, représentant M. Diakoff et les observations de Me Hubert-Hugoud, représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer. Considérant ce qui suit : 1. M. Diakoff, secrétaire administratif des administrations de l'Etat, affecté dans les offices agricoles puis au sein de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer) depuis le 1er novembre 1979, a été victime d'une chute sur son lieu de travail le 21 juin 2011. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 2 juillet 2011 jusqu'au 2 avril 2013 puis en congé de longue durée à compter de cette dernière date. Arrivant à épuisement de ses droits à congé de longue durée au 1er avril 2018, il a demandé, le 1er octobre 2017, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. A la suite d'un avis du comité médical départemental de la Haute-Garonne réuni le 15 mai 2019, la directrice générale de France AgriMer, par un arrêté du 15 juillet 2019, l'a déclaré inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2018 et l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter de la même date. Par un arrêté du 30 août 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. Par une lettre du 13 octobre 2019, M. Diakoff a formé un recours préalable indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'arrêté du 15 juillet 2019, qui a été implicitement rejeté, puis, par une lettre du 13 mars 2020, il a réitéré sa demande qui a, de nouveau, été implicitement rejetée. M. Diakoff relève appel de l'ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire comme tardive. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article 7 de l'ordonnance susvisée du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicable notamment aux administrations de l'Etat et à ses établissements publics administratifs : " (...) les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. (...) ". L'article 1r de la même ordonnance dispose : " I. - Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ". 3. Pour regarder comme tardive la requête de M. Diakoff, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a estimé qu'une décision implicite de rejet était née du silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois sur la demande indemnitaire préalable de l'intéressé dont il avait été accusé réception le 16 mars 2020 et que son recours, introduit plus de deux mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, était donc tardif. Il résulte cependant des dispositions précitées de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 que le point de départ du délai à l'issue duquel était susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet du recours préalable de M. Diakoff, reçu le 16 mars 2020 par FranceAgriMer, a été reporté au 24 juin 2020. Par suite, la décision implicite de rejet dont s'agit n'étant née que le 24 août 2020, la demande de M. Diakoff, enregistrée au greffe du tribunal le 14 septembre 2020, n'était pas tardive. 4. Il résulte de ce qui précède que M. Diakoff est fondé à soutenir que c'est à tort que sa demande a été rejetée comme manifestement irrecevable et à demander l'annulation de l'ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 22 mars 2021. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité de l'administration au titre d'une rechute de l'accident de service et d'une tentative de suicide : 5. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " (...) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. /(...) ". 6. Les effets d'un accident de service peuvent être aggravés par l'existence d'un état pathologique antérieur. En revanche, la rechute d'un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure. 7. Il résulte de l'instruction que M. Diakoff a chuté sur son lieu de travail le 21 juin 2011. Il a alors ressenti des douleurs multiples au niveau des poignets, du dos, du bassin, du genou et de la jambe gauche. Après expertise du professeur A... du 25 octobre 2011 estimant l'ostéonécrose de hanche dont était affecté le requérant préexistante à la chute, l'administration a reconnu par une décision du 12 décembre 2011, l'imputabilité de l'accident au service uniquement en ce qui concerne la contusion des poignets, du genou gauche et les douleurs lombaires. Après une expertise du professeur F... du 13 mars 2012 indiquant que la chute avait été le facteur déclenchant de l'ostéonécrose par ailleurs latente et d'origine non traumatique, que la lésion du genou gauche était en rapport avec l'accident et que ce dernier ne pouvait être considéré comme consolidé, la commission de réforme, réunie le 24 septembre 2012, a toutefois émis l'avis que l'ostéonécrose de hanche n'était pas imputable au service et indiqué une date de consolidation de l'état de santé de l'agent au 1er juillet 2011. Par une décision du 19 octobre 2012, l'administration a confirmé la date du 1er juillet 2011 comme date de consolidation et refusé de reconnaître l'imputabilité des séquelles du genou gauche au service. Les recours de M. Diakoff contre cette dernière décision ont été rejetés par un jugement n°1300876-1303586 du tribunal administratif de Toulouse en date du 21 août 2016, devenu définitif. 8. Par une lettre du 22 août 2019 adressée à la directrice générale de l'établissement FranceAgriMer, M. Diakoff s'est plaint d'une aggravation de son état en invoquant un rapport d'expertise rendu en décembre 2012 par le docteur D..., favorable à l'attribution d'un congé de longue maladie à compter du 2 juillet 2011 du fait de la nécessité de mise en place d'une prothèse totale de hanche pour ostéonécrose, ainsi qu'un extrait du rapport du docteur B... du 11 août 2016 indiquant un état psychique enkysté, " mêlant sinistrose en relation à la procédure administrative d'accident de travail et réaction dépressive, sans aucune possibilité d'évolution ". Toutefois, d'une part, dès lors qu'il résulte de l'instruction et notamment des constats des professeurs C... et A..., que l'ostéonécrose de hanche découverte chez M. Diakoff à la suite de sa chute était préexistante à celle-ci, elle ne peut être regardée comme une récidive ou une aggravation subite et naturelle de l'affection initiale de M. Diakoff, directement liée à l'accident survenu en service le 21 juin 2011. D'autre part, le seul extrait du rapport du docteur B... ne permet pas, en lui-même, de regarder le syndrome dépressif de M. Diakoff comme une aggravation directement liée à l'accident de travail. En outre, il résulte de l'instruction que le rapport du médecin agréé E..., intervenu pour éclairer le comité médical départemental sur la mise en retraite pour invalidité de M. Diakoff fait mention de la teneur d'une expertise médicale du 26 octobre 2017 du docteur B... identifiant un état anxio-dépressif, dont la date de début est fixée au mois d'avril 2013, et estimé non imputable au service. Dès lors et nonobstant les termes du certificat médical du médecin psychiatre de l'agent en date du 5 septembre 2019, cet état ne peut être regardé comme une récidive ou une aggravation subite et naturelle de l'affection initiale de M. Diakoff, directement liée à l'accident. 9. Si M. Diakoff soutient, par ailleurs, que la responsabilité pour faute de l'administration est engagée du fait de sa tentative de suicide, il ne précise cependant pas la nature de la faute qui aurait été commise à son égard. A supposer qu'il reproche à l'administration un refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de cet acte, il ne conteste pas ne pas avoir effectué de demande sur ce point. Enfin, en se bornant à indiquer qu'il a fait d'une tentative de suicide, il ne démontre aucun lien de l'acte avec le service alors même qu'il se trouvait, lors de cette tentative, en arrêt maladie pour dépression. 10. Il résulte de ce qui précède que M. Diakoff n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'administration à raison d'une rechute de son accident ou d'une tentative de suicide. En ce qui concerne la régularité de la procédure de mise à la retraite pour invalidité non imputable au service : 11. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ;(...). ". Aux termes de l'article L. 31 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article 47 du décret susvisé du 14 mars 1986 dispose : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme./(...) " 12. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 9 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " Le comité médical supérieur, saisi par l'autorité administrative compétente, soit de son initiative, soit à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté. / (...) ". Il résulte de ce premier alinéa que, dans ce cas, l'autorité administrative ne peut prendre sa décision qu'après avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur. 13. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, arrivant à épuisement de ses droits à congé de longue durée au 1er avril 2018, M. Diakoff a demandé, le 1er octobre 2017, à être admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. La directrice générale de France AgriMer, par un arrêté du 15 juillet 2019, l'a déclaré inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2018 et a transmis son dossier aux services du ministre de l'agriculture et de l'alimentation qui, par un arrêté du 30 août 2019, l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service à compter du 2 avril 2018. L'administration n'a cependant pas consulté la commission de réforme en méconnaissance des dispositions citées au point 11. Il est constant que seul le comité médical a été consulté en application d'une circulaire interministérielle du 27 juillet 1979 prévoyant que la mise à la retraite pour invalidité des agents souffrant d'invalidités non imputables à l'exercice des fonctions et réunissant plus de vingt-cinq années de services civils et militaires valables pour la retraite et non rémunérés par une pension ou une solde de réforme pourrait être prononcée sur simple avis médical et sans consultation de la commission de réforme. Toutefois, alors que le requérant a contesté l'avis du comité médical départemental, l'autorité administrative a pris sa décision sans avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur. Il en résulte que M. Diakoff est fondé à soutenir que l'arrêté contesté, pris sans consultation de la commission de réforme et du comité médical supérieur, est intervenu au terme d'une procédure irrégulière. 14. Si toute décision illégale est en principe fautive, cette illégalité fautive n'entraîne cependant pas une indemnisation de la victime lorsque la décision est justifiée au fond. 15. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le comité médical départemental a émis, après sa séance du 15 mai 2019, un avis favorable à une mise en retraite pour invalidité en estimant que l'état de santé de l'agent le rendait inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de toutes fonctions. L'arrêté contesté du 30 juillet 2019 vise cet avis comme " reconnaissant l'incapacité permanente de l'intéressé à continuer ses fonctions " et M. Diakoff ne conteste pas, dans ses écritures, cette incapacité. Pour critiquer la légalité interne de l'arrêté attaqué, il se borne à soutenir que son invalidité serait imputable au service. Toutefois, il a lui-même sollicité sa mise à la retraite en raison d'une invalidité non imputable à celui-ci. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que sa nécrose de la hanche est antérieure à l'accident de service dont il a été victime, et, par suite, non imputable au service et il n'établit pas, pour les motifs exposés au point 8, que son syndrome dépressif serait directement lié et imputable à l'accident de service du 21 juin 2011. Ainsi, l'arrêté du ministre n'étant pas entaché d'illégalité interne, le requérant ne justifie pas d'un lien direct entre l'illégalité fautive et les préjudices invoqués. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que les conclusions indemnitaires présentées par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse et, par voie de conséquence, celles tendant au paiement d'intérêts légaux et à leur capitalisation, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés aux litiges : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mise à la charge de l'Etat ou de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, qui ne sont pas parties perdantes, les sommes que demande M. Diakoff au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer sur ce même fondement. D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance n°2004555 du 22 mars 2021 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. Diakoff devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés. Article 3 : les conclusions présentées par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... Diakoff, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AgriMer). Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21TL22563
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 21MA03773, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 62 094,24 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1803222 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné le département du Var à payer à Mme A... une somme de 3 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 14 juin 2019, d'autre part, rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er septembre 2021, le 27 juin 2022 et le 5 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2021 en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ; 2°) de surseoir à statuer sur sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ou, à tout le moins, de réserver ses droits au titre de l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ; 3°) de condamner le département du Var à lui payer la somme de 60 278,78 euros au titre de ses préjudices, sauf à parfaire ; 4°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable avec capitalisation annuelle dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ; 5°) à titre subsidiaire, de désigner un expert afin d'évaluer ses préjudices ; 6°) en toute hypothèse, de mettre à la charge du département du Var la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a insuffisamment évalué son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence ; - elle sollicite, à titre principal, l'engagement de la responsabilité pour faute du département avec une réparation intégrale de l'ensemble de ses dommages et, à titre subsidiaire, l'engagement de la responsabilité sans faute du département afin d'obtenir, en complément de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par l'ATI et/ ou les préjudices personnels ; - le département du Var, qui n'a pris aucune mesure pour faire cesser le comportement de harcèlement dont elle était victime alors qu'il y était tenu par les dispositions de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, engage sa responsabilité pour faute ; - elle a droit à réparation de ses préjudices à hauteur de 4 184,54 euros s'agissant des pertes de gains professionnels, de 8 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 7 500 euros au titre des souffrances endurées, de 15 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et de 20 581 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; - il serait d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer en attendant la décision de placement en retraite pour invalidité afin de lui permettre de chiffrer son préjudice d'incidence professionnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 20 septembre 2022 et le 5 octobre 2023, le département du Var, représenté par Me Pontier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros et de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué et de rejeter la requête ; 3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - dès lors que la situation dont se plaint Mme A... ne relève pas du harcèlement moral, il n'a pas commis de faute en ne prenant pas de mesure particulière pour la faire cesser et, par conséquent, seuls les souffrances endurées et le préjudice moral pourront être pris en charge par le département en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat dite " Moya-Caville ", à condition qu'ils présentent un lien de causalité direct et certain avec l'accident de service ; - les prétendues irrégularités dans la procédure de placement de la requérante en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) ne sauraient être considérées comme étant à l'origine de l'accident de service ; - les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par lettre du 15 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier en l'absence de communication par le tribunal de la demande présentée par Mme A... à la caisse de sécurité sociale à laquelle celle-ci est affiliée, alors qu'elle demandait réparation d'une lésion au sens de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par lettre du 15 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que si Mme A... demande à la Cour de " réserver ses droits au titre de l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ", une telle demande est irrecevable dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de réserver des droits. La procédure a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Var, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., rédacteur principal de première classe et occupant les fonctions d'assistante du responsable du service " solidarités logement " au sein du conseil départemental du Var, a déclaré, le 23 juin 2017, un arrêt de travail de trente jours, accompagné d'une demande d'imputation au service, à la suite d'une altercation survenue avec l'une de ses collègues au cours d'un exercice de sécurité s'étant déroulé la veille. Après l'avoir placée en congé de maladie ordinaire, le département du Var a, suite à l'expertise médicale du docteur C... du 31 août 2017 et à l'avis de la commission de réforme du 21 décembre 2017 pris à la suite d'une expertise du docteur D..., psychiatre, du 19 novembre 2018 retenant un taux de 15 % d'incapacité permanente partielle (IPP), favorables à cette imputation, finalement reconnu l'imputation au service de cet accident, par un arrêté du 9 janvier 2018. Mme A... a par ailleurs obtenu le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité avec effet au 19 novembre 2018. Elle a vainement formé le 14 juin 2018 un recours préalable afin d'obtenir " l'indemnisation des préjudices subis du fait de cet accident de service, du fait de ses placements en congé maladie ordinaire ainsi que du fait de l'abstention fautive du département qui n'a pris aucune mesure afin d'éviter qu'elle ne soit victime de harcèlement dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ". Elle a alors demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 62 094,24 euros au titre de ses préjudices subis du fait de ces trois mêmes circonstances. Par un jugement du 2 juillet 2021, le tribunal a, d'une part, condamné cette collectivité à payer à Mme A... une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence au titre de la responsabilité sans faute et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement en sollicitant une meilleure indemnisation. Elle demande, à titre principal, la réparation intégrale des dommages subis du fait de son accident de service imputable à une faute de nature à engager la responsabilité du département du Var, et, à titre subsidiaire, l'engagement de la responsabilité sans faute du département afin d'obtenir, en complément de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par l'ATI et/ ou les préjudices personnels. Par la voie de l'appel incident, le département du Var demande, à titre principal, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros. Sur la régularité du jugement : 2. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ouvre aux caisses de sécurité sociale qui ont servi des prestations à la victime d'un dommage corporel un recours subrogatoire contre le responsable de ce dommage. Le huitième alinéa de cet article prévoit notamment : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. (...) ". En application de ces dispositions, il incombe au juge administratif, saisi d'un recours indemnitaire de la victime contre une personne publique regardée comme responsable du dommage, de mettre en cause les caisses auxquelles la victime est ou était affiliée. Le défaut de mise en cause de la caisse entache la procédure d'irrégularité. 3. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Toulon, saisi de la demande de Mme A... dirigée contre le département du Var et tendant à la condamnation de celui-ci à réparer les préjudices résultant des conditions dans lesquelles elle a été employée, a omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie du Var aux fins de l'exercice éventuel par celle-ci de l'action instituée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, le jugement de première instance, qui est entaché d'irrégularité du fait de cette omission, doit être annulé. La cour ayant, dans la présente instance, mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Var, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme A.... Sur la demande de Mme A... : 4. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne la faute : 5. Les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue du décret du 16 juin 2000. 6. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des quatre témoignages produits par la requérante, que celle-ci a subi durant plusieurs années des insultes et des brimades de la part d'une collègue de travail. Le 22 juin 2017 à 17 heures, au cours d'un exercice d'évacuation incendie dont elle assurait le bon déroulement en sa qualité de référente sécurité, Mme A... a été invectivée par cette même collègue. Il est établi, tant par les attestations versées au dossier, qui témoignent de la réalité de la souffrance de Mme A..., que par les éléments médicaux, notamment l'expertise du docteur C... du 31 août 2017, et l'attestation de son psychiatre du 21 février 2018, que la santé de Mme A... est très affectée par l'incident du 22 juin 2017. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle a été hospitalisée à deux reprises, en juillet et en novembre 2017, et s'est trouvée en particulier en grande détresse psychologique en juillet 2017. Les diagnostics de " burn-out " et d'épisode dépressif majeur ont par ailleurs été médicalement posés. 7. D'autre part, il résulte de l'instruction que le département du Var, informé, tant par l'intéressée que par les autres agents du service, des agissements d'un autre agent à l'égard de Mme A..., n'a pris aucune mesure pour faire cesser ces agissements qui, contrairement à ce que soutient le département, ne constituent pas seulement des querelles entre personnes mais relèvent, eu égard à leur teneur et à leur caractère répété, de propos et d'attitudes de nature à affecter la santé psychique de la requérante. Il en résulte également que, le 22 juin 2017 à 17 heures, au cours d'un exercice d'évacuation incendie dont elle assurait le bon déroulement en sa qualité de référente sécurité, l'intéressée a été très vivement invectivée par cette même collègue. Si le rapport d'enquête interne dont se prévaut le département évoque certes les comportements de Mme A... qui avait elle-même régulièrement tenu des propos et commis des actes dénués de mesure contribuant ainsi à la détérioration du climat de travail du service, ce rapport ne remet en cause, ni la matérialité, ni la gravité des propos et attitudes de cet agent à son égard. Il en ressort également que deux autres agents du service se sont plaintes des mêmes faits qu'elle reproche au même agent. Enfin, si le département fait valoir que Mme A... avait fait état de signes anxio-dépressifs dans sa demande de reclassement formulée en 2007, il ne résulte pas de l'instruction que la survenue du dommage dont elle demande réparation serait directement causée par cette circonstance ancienne par rapport aux faits en litige. Par suite, Mme A... est fondée à engager la responsabilité du département du Var pour la faute de service qu'il a commise en laissant les agissements de cet agent à son égard perdurer sans prendre les mesures adéquates pour les faire cesser. Elle est, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le harcèlement moral qu'elle invoque ou sur la responsabilité sans faute, fondée à obtenir la réparation intégrale de l'ensemble du dommage. En ce qui concerne les préjudices de Mme A... : S'agissant des préjudices patrimoniaux : 8. Il n'est pas contesté par la requérante que le montant de 4 513,24 euros qu'elle réclame au titre des pertes de gains professionnels lui a été versé pour partie en décembre 2017 (3 680,24 euros correspondant au demi-traitement pour la période de septembre à novembre 2017) puis en janvier 2018 (833 euros correspondant à l'indemnité d'exercice de mission annuel pour le mois de novembre 2017). Elle ne peut donc prétendre à indemnisation à ce titre. 9. En revanche, si la requérante demande l'indemnisation de l'incidence professionnelle, ce chef de préjudice n'est pas établi par la seule demande de placement en retraite pour invalidité dont elle se prévaut. Il n'y a, dès lors, pas lieu de surseoir à statuer sur ce point. Il n'appartient pas non plus à la cour de réserver les droits de la requérante au titre de ce chef de préjudice. S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 10. Pour solliciter une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire, Mme A... expose que la décision refusant de reconnaître que son accident survenu le 22 juin 2017 était imputable au service a généré des conséquences sur sa vie personnelle ainsi que celle ses enfants. En s'abstenant toutefois d'étayer ses allégations qui ne ressortent par ailleurs d'aucune pièce du dossier, ce chef de préjudice n'est pas établi au regard des circonstances invoquées qui sont, en tout état de cause, pas de nature à relever du chef de préjudice dont elle demande réparation. 11. Compte tenu des éléments rappelés aux points 6 et 7 et de ce que la défense n'en conteste pas la réalité, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A... à hauteur de 3 000 euros. Il sera également fait une juste appréciation du préjudice moral subi et des troubles dans les conditions d'existence en lui allouant la somme de 3 000 euros. 12. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise médicale du docteur C... du 31 août 2017 et de l'expertise du 19 novembre 2018 du docteur D..., tous deux missionnés par la commission départementale de réforme, que Mme A... conserve, exclusivement du fait de l'accident survenu le 22 juin 2017, une incapacité permanente partielle que le second rapport a, après consolidation, évalué à un taux de 15 %. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le département du Var, il ne résulte pas de la circonstance que Mme A... ait fait état de signes anxio-dépressifs dans sa demande de reclassement formulée en 2007 et de celle qu'elle a elle-même suscité des conflits au sein de son service, qu'une partie de son déficit serait imputable, même partiellement, à un état antérieur. Par suite, eu égard au taux de son déficit permanent et compte tenu de l'âge de la requérante à la date de consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice à la somme de 21 000 euros, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point. 13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin ni de surseoir à statuer, ni d'ordonner d'expertise, le département du Var doit être condamné à payer à Mme A... une somme de 27 000 euros. Sur l'appel incident présenté par le département du Var : 14. Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, l'appel incident présenté par le département du Var doit être rejeté. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 15. D'une part, la somme de 27 000 euros allouée à Mme A... au point 13 sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018, date de réception par l'administration de la demande préalable formulée par Mme A.... 16. D'autre part, aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Mme A... a demandé, par requête enregistrée le 12 octobre 2018 au greffe du tribunal, la capitalisation des intérêts. A cette date, les intérêts n'étaient pas encore dus pour une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de Mme A... un an après la date de réception de sa demande préalable, soit le 15 juin 2019. Sur la déclaration d'arrêt commun : 17. La caisse primaire centrale d'assurance maladie du Var, mise en cause, n'a pas produit d'observations. Il y a lieu, dès lors, de lui déclarer commun le présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Var une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département du Var sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1803222 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Le département du Var est condamné à payer à Mme A... une somme de 27 000 euros. Article 3 : La somme de 27 000 euros, mentionnée à l'article 2, est assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 15 juin 2019. Article 4 : Le département du Var versera à Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au département du Var et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 21MA03773
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 09/11/2023, 21TL21973, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune de Tournefeuille a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 11 août 2017 par la commune de Ramonville-Saint-Agne, pour un montant de 83 078,69 euros, de la décharger du paiement de la somme de 41 162,92 euros et de condamner la commune de Ramonville-Saint-Agne à lui verser une somme de 12 518,62 euros. Par un jugement n° 1705983 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Ramonville-Saint-Agne à verser une somme de 6 079,31 euros à la commune de Tournefeuille et rejeté le surplus des conclusions de cette dernière. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021, sous le n° 21BX01973 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL21973 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 19 octobre 2022, la commune de Tournefeuille, représentée par Me Lapuelle et Me Foucard, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande ; 2°) de déclarer le titre exécutoire nul et non avenu et de la décharger du paiement de la somme de 83 078,69 euros ; 3°) à titre subsidiaire, d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 11 août 2017 et de la décharger du paiement de la somme de 41 162,92 euros ; 4°) à titre infiniment subsidiaire, d'annuler ce titre exécutoire et de la décharger du paiement de la somme de 28 150,43 euros ; 5°) de condamner la commune de Ramonville-Saint-Agne à lui verser une somme de 12 518,62 euros ; 6°) de mettre à la charge de la commune de Ramonville-Saint-Agne une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas soulevé d'office le moyen d'ordre public tiré de l'inexistence du titre exécutoire contesté ; - le titre exécutoire attaqué est dépourvu d'existence matérielle ; - il est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la commune de Ramonville-Saint-Agne, qui n'a pas saisi le médecin agréé et la commission de réforme et qui a tardé à saisir le médecin de prévention, a excédé la période qui était raisonnablement nécessaire pour permettre la reprise de son agent ; - la responsabilité de la commune de Ramonville-Saint-Agne est totale dans le refus de prise en charge, par son assureur, des sommes versées à raison du traitement de l'agent concerné entre le 30 avril 2012 et le 15 décembre 2013. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 août 2022 et le 6 décembre 2022, la commune de Ramonville-Saint-Agne, représentée par Me Blanchet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la commune de Tournefeuille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lafon, - les conclusions de M. Clen, rapporteur public, - et les observations de Me Foucard pour la commune de Tournefeuille. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint technique territorial, a été victime le 16 mai 2006, alors qu'il était employé en qualité de cuisinier par la commune de Tournefeuille, d'un accident reconnu imputable au service. M. A... a ensuite été recruté le 1er avril 2009 par la commune de Ramonville-Saint-Agne et placé en congé de maladie pour rechutes du 2 décembre 2009 au 15 février 2010, du 12 octobre 2010 au 28 février 2011, puis du 28 février 2012 au 15 décembre 2013. Il a ensuite été autorisé à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique du 16 décembre 2013 au 15 mars 2014. La commune de Tournefeuille a reçu le 26 octobre 2017 une lettre de relance faisant référence à un titre exécutoire émis à son encontre le 11 août 2017 par la commune de Ramonville-Saint-Agne, pour un montant de 83 078,69 euros, correspondant aux traitements versés à M. A... durant les quatre périodes de congé de maladie et de reprise à temps partiel. Elle a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ce titre exécutoire, de la décharger du paiement de la somme de 41 162,92 euros et de condamner la commune de Ramonville-Saint-Agne à lui verser une somme de 12 518,62 euros, en réparation des préjudices subis du fait des conditions de transmission des documents relatifs au traitement de M. A.... Par un jugement du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions dirigées contre le titre exécutoire et fait partiellement droit à ces prétentions indemnitaires en condamnant la commune de Ramonville-Saint-Agne à lui verser une somme de 6 079,31 euros. La commune de Tournefeuille fait appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande. Elle demande également à la cour de la décharger du paiement de la somme totale de 83 078,69 euros. Sur la régularité du jugement : 2. La commune de Tournefeuille soutient que le jugement attaqué est irrégulier au motif que les premiers juges ont omis de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'inexistence matérielle du titre exécutoire émis le 11 août 2017. Toutefois, l'omission qu'aurait ainsi commise le tribunal administratif, à la supposer établie, a trait au bien-fondé du jugement attaqué et demeure, par suite, sans incidence sur sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le titre exécutoire émis le 11 août 2017 : 3. En premier lieu, la commune de Ramonville-Saint-Agne a versé au dossier l'avis des sommes à payer valant titre exécutoire contesté, émis et rendu exécutoire le 11 août 2017. En outre, dans un certificat administratif du 31 octobre 2022, le maire de Ramonville-Saint-Agne indique que l'avis fourni en première instance, qui comportait une date d'émission postérieure, correspondait à une copie réémise pour les besoins de sa production en justice. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le titre exécutoire attaqué serait dépourvu d'existence matérielle manque en fait et doit être écarté. 4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 81 de la même loi, applicable au présent litige : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliées à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / Lorsque l'admission à la retraite pour invalidité intervient après que les conditions d'ouverture du droit à une pension de droit commun sont remplies par ailleurs, la liquidation des droits s'effectue selon la réglementation la plus favorable pour le fonctionnaire. / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 36 du même décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ". 6. En application de ces dispositions, la collectivité au service de laquelle se trouvait l'agent lors de l'accident de service doit supporter les conséquences financières de la rechute consécutive à cet accident, alors même que cette rechute est survenue alors qu'il était au service d'une nouvelle collectivité. La collectivité qui employait l'agent à la date de l'accident doit ainsi prendre en charge non seulement les honoraires médicaux et les frais exposés par celui-ci qui sont directement entraînés par la rechute mais aussi le remboursement des traitements qui lui ont été versés par la collectivité qui l'emploie à raison de son placement en congé de maladie ordinaire, de congé de longue maladie ou de congé de longue durée, dès lors que ce placement a pour seule cause la survenue de la rechute consécutive à l'accident de service. Si la collectivité qui l'emploie est tenue de verser à son agent les traitements qui lui sont dus, elle est cependant fondée à demander à la collectivité qui l'employait à la date de l'accident, par une action récursoire, le remboursement de ceux de ces traitements qui sont liés à la rechute ainsi que des éventuels honoraires médicaux et frais qu'elle aurait pris en charge du fait de cette rechute. Cette action récursoire ne peut être exercée, s'agissant des traitements, qu'au titre de la période qui est raisonnablement nécessaire pour permettre la reprise par l'agent de son service ou, si cette reprise n'est pas possible, son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois ou encore, si l'agent ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, pour que la collectivité qui l'emploie prononce sa mise d'office à la retraite par anticipation. 7. Il résulte de l'instruction qu'un médecin agréé saisi par la commune de Tournefeuille a, dans un rapport d'expertise du 17 septembre 2012, fixé au 23 septembre 2012 la date de consolidation de l'état de M. A... et estimé qu'il restait " inapte en l'état à assurer ses anciennes fonctions de cuisinier, avec nécessité de poste aménagé évitant les prises de force avec sa main droite ; à définir au mieux avec le médecin de prévention ". Saisi à nouveau par la même commune sur l'avis du médecin de prévention du 4 février 2013, le médecin agréé a indiqué, dans un rapport du 19 août 2013, que la reprise était possible sur le poste aménagé préconisé, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique d'une durée de trois mois. Ces conclusions ont été confirmées par un avis du 21 novembre 2013 de la commission de réforme des agents des collectivités territoriales de la Haute-Garonne, convoquée par la commune de Tournefeuille. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Tournefeuille a mené la procédure conduisant à la saisine du médecin agréé et de la commission de réforme, alors qu'il appartenait à la commune de Ramonville-Saint-Agne de le faire en sa qualité d'employeur de M. A..., pour pallier une inertie de celle-ci. D'autre part, il résulte d'un courriel du 17 octobre 2012 de la direction des ressources humaines de cette commune qu'elle avait transmis au médecin de prévention, à cette date, le rapport d'expertise du 17 septembre 2012, de sorte que le délai mis par l'intéressé pour rendre son avis du 4 février 2013 n'est pas imputable à l'intimée. Dans l'ensemble de ces conditions, en autorisant M. A... à reprendre ses fonctions à compter du 16 décembre 2013, soit moins d'un mois après l'intervention de l'avis du 21 novembre 2013, la commune de Ramonville-Saint-Agne n'a pas excédé la période qui était raisonnablement nécessaire pour permettre cette reprise. Il en résulte que cette commune était en droit d'émettre, dans le cadre d'une action récursoire exercée à l'encontre de la commune de Tournefeuille, qui employait M. A... à la date de l'accident de service, un titre exécutoire pour obtenir le remboursement de l'ensemble des traitements qu'elle justifie avoir versés à l'intéressé durant les périodes de congés liés à la rechute et de reprise à temps partiel. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 8. Il résulte de l'instruction que l'assureur de la commune de Tournefeuille n'a pas remboursé la part qu'il s'était engagé à prendre en charge des sommes versées à raison du traitement de M. A... entre le 30 avril 2012 et le 15 décembre 2013. Il n'est pas sérieusement contesté que ce refus, opposé le 10 février 2016, est motivé par un retard de transmission des pièces justificatives et qu'il est à l'origine, pour la commune de Tournefeuille, d'un préjudice financier d'un montant total de 12 158,62 euros. 9. D'une part, il est constant que la totalité des pièces sollicitées le 25 mars 2015 par la commune de Tournefeuille n'ont été transmises par la commune de Ramonville-Saint-Agne que le 29 février 2016. Le délai de plus de onze mois mis, dans les circonstances de l'espèce, par cette commune pour délivrer les documents réclamés, constitués notamment de bulletins de paie qu'elle avait en sa possession, alors qu'elle a fait l'objet de plusieurs relances, est constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité. 10. D'autre part, il résulte de l'instruction que la commune de Tournefeuille a mis plus de trois mois pour saisir la commune de Ramonville-Saint-Agne de la demande de son assureur du 10 décembre 2014 et, à nouveau, pour la relancer à la suite de la transmission partielle, le 30 octobre 2015, des documents attendus. Ces délais sont également constitutifs d'une faute. 11. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif de Toulouse s'est livré à une exacte appréciation de la réparation due à la commune de Tournefeuille en condamnant la commune de Ramonville-Saint-Agne à la réparation de la moitié du préjudice subi. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a condamné cette dernière à verser à la première, compte tenu du partage de responsabilité, une somme de 6 079,31 euros. 12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Tournefeuille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire émis le 11 août 2017 et limité à la somme de 6 079,31 euros la condamnation de la commune de Ramonville-Saint-Agne. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Ramonville-Saint-Agne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Tournefeuille le versement à la commune de Ramonville-Saint-Agne de la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête présentée par la commune de Tournefeuille est rejetée. Article 2 : La commune de Tournefeuille versera à la commune de Ramonville-Saint-Agne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tournefeuille et à la commune de Ramonville-Saint-Agne. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Barthez, président, - M. Lafon, président assesseur, - Mme Restino, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. Le rapporteur, N. Lafon Le président, A. Barthez Le greffier, F. Kinach La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°21TL21973 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/11/2023, 21TL24141, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie, et d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie à compter de la date de sa demande présentée le 28 mars 2019 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 1906403 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2021 sous le n° 21BX04141 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24141, M. A... B..., représenté par Me Francos, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie ; 3°) d'enjoindre à l'administration de lui accorder une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie à compter de la date de présentation de sa demande ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - le jugement est entaché d'irrégularité en ce que le point 6 est insuffisamment motivé, et est entaché d'erreur de droit en ce que les premiers juges ont refusé de procéder à un examen de proportionnalité ; - il est entaché d'erreur de droit en ce que le point 8 retient qu'il aurait pu solliciter une demande de pension en qualité de victime civile dès 2003 ; Sur l'illégalité de la décision : - elle est dépourvue de base légale en raison de la contrariété des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre avec les exigences conventionnelles résultant des dispositions combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son protocole additionnel n°1, en l'absence de justification réelle et objective à la différence de traitement discriminatoire instituée par la loi ; - ces dispositions méconnaissent le principe de sécurité juridique et notamment le principe de prévisibilité de la loi ; elles ont pour effet de remettre en cause les effets légitimement attendus de la décision QPC rendue par le Conseil constitutionnel le 8 février 2018. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2023. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 28 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 23 avril 1946 à Gouraya (Algérie), qui a recouvré la nationalité française par décret de réintégration du 6 mars 2003, a sollicité, le 28 mars 2019, le bénéfice d'une pension d'invalidité en qualité de victime civile en raison des dommages physiques subis lors de la guerre d'Algérie. Par une décision du 30 avril 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande au motif de son irrecevabilité conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision et, par un mémoire distinct, a présenté une question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une ordonnance n° 1906403 QPC du 30 juin 2020, le président de la 5ème chambre de ce tribunal a transmis la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat. Par une décision n° 441546 du 25 septembre 2020, le Conseil d'Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Par un jugement du 6 juillet 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée à l'encontre de la décision du 30 avril 2019 de la ministre des armées. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier que, dans le point 6 du jugement attaqué, les premiers juges ont considéré qu'eu égard aux circonstances propres à chaque guerre, les victimes civiles de la guerre d'Algérie doivent être regardées comme n'étant pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits. Les premiers juges, qui n'avaient pas à préciser en quoi lesdites victimes ne seraient pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits, ont ainsi suffisamment motivé leur jugement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement ne peut dès lors qu'être écarté. 3. M. B... soutient ensuite que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'erreur de droit, d'une part, en ne précisant pas en quoi les victimes civiles de la guerre d'Algérie ne seraient pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits et en refusant de procéder à un examen de proportionnalité ainsi qu'ils y étaient invités dans le respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, en estimant au point 8 du jugement qu'il pouvait présenter sa demande de pension dès la date à laquelle il a été réintégré dans la nationalité française par un décret du 6 mars 2003. Toutefois, de tels moyens, qui ne relèvent pas de l'office du juge d'appel, tendent en réalité à remettre en cause leur appréciation sur le fond du litige qui leur était soumis et ne peuvent être utilement soulevés à l'appui d'une contestation de la régularité du jugement. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés. Sur les droits à pension : 4. Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. ". Une distinction entre des personnes situées dans une situation analogue est, au sens de ces stipulations, discriminatoire si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne vise pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi. 5. Aux termes de l'article L.113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction issue du I de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre. / (...) / Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-2 du même code, à la date du dépôt de la demande, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 ont eu pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. 6. M. B... soutient que le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui a pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, crée une différence de traitement entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie et les victimes civiles d'autres conflits qui peuvent continuer à bénéficier du régime d'indemnisation des victimes civiles de guerre postérieurement à la publication de la loi du 13 juillet 2018. Toutefois, les victimes civiles de la guerre d'Algérie ne sont pas placées dans une situation analogue ou comparable à celle des victimes civiles d'autres conflits, eu égard au contexte particulier des circonstances propres à chaque guerre. Le requérant soutient ensuite que ces dispositions créent une différence de traitement entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie selon la date de dépôt de leur demande de pension. Toutefois, les victimes civiles de la guerre d'Algérie qui ont déposé une demande de pension antérieurement à l'entrée en vigueur de la modification législative de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne se trouvent pas dans une situation analogue ou comparable à celles qui ont déposé leur demande de pension postérieurement à cette même date. En outre, si ces dispositions conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps. Au regard notamment de l'écoulement du temps entre l'institution du régime spécial d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par la loi de finances rectificative pour 1963 et la modification de celui-ci par la loi du 13 juillet 2018, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de but légitime de nature à justifier une différence de traitement, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre aurait pour effet d'instaurer une différence de traitement discriminatoire injustifiée et disproportionnée, en méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. 7. M. B... soutient ensuite que le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre méconnaît le principe de prévisibilité. Toutefois, alors que l'intéressé a été réintégré dans la nationalité française par un décret du 6 mars 2003, il disposait à tout le moins de la faculté de solliciter le bénéfice d'une pension civile en qualité de victime de la guerre d'Algérie après la publication de la décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré qu'au regard de l'objet de la loi ayant instauré le régime spécial d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, la différence de traitement selon que les victimes possédaient ou non la nationalité française à la date de la loi n'était justifiée ni par une différence de situation ni par l'objectif de solidarité nationale. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il n'était pas en mesure de prévoir à un degré raisonnable, en s'entourant au besoin de conseils éclairés, les conséquences pouvant résulter du dépôt d'une demande de pension de victime civile de la guerre d'Algérie postérieurement à l'entrée en vigueur du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre méconnaîtraient le principe de prévisibilité de la loi tel que garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 8. M. B... soutient enfin que le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre porte atteinte au principe de sécurité juridique et aux situations légalement acquises. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, ces dispositions ont mis un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie et n'ont aucune portée rétroactive. Ce faisant, le législateur n'a ni porté atteinte au principe de sécurité juridique ou à des situations légalement acquises, ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire de textes antérieurs. Au regard en particulier de l'écoulement du temps tel qu'invoqué au point 6 entre l'institution du régime spécial d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie et la modification de celui-ci par la loi du 13 juillet 2018, la circonstance que le législateur ait simultanément supprimé pour le passé, s'agissant des demandes de pension déposées à compter du 9 février 2018 et des instances en cours au 14 juillet 2018, la condition de nationalité qui figurait dans le texte antérieur, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 et mis un terme pour l'avenir à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, n'a pu avoir pour effet de porter atteinte au principe de sécurité juridique. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Francos et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL24141 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA02989, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis la requête au tribunal administratif de Marseille, d'annuler la décision du 13 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour ses troubles lombaires et d'enjoindre à la ministre des armées, à titre principal, de reconnaître sa pathologie " lombo cruralgie et sciatalgie droite " comme étant imputable au service, d'en fixer le taux à 50 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 novembre 2020, à titre subsidiaire, de fixer le taux d'invalidité de sa pathologie " atteinte du nerf sciatique " à 10 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 novembre 2020. Par un jugement n° 2003850 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2022, 14 août et 17 août 2023, M. B..., représenté par Me Belahouane, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 2003850 du 11 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille et, par voie de conséquence, d'annuler la décision du 13 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 2°) en conséquence, de faire droit à sa demande de révision et de fixer le taux d'invalidité pour l'infirmité " lombo cruralgie et sciatalgie droite " à 30 % à compter de la demande du 7 juin 2006 puis à 50 % à compter du 21 novembre 2017 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le tribunal a omis de statuer, s'agissant de l'autorité de la chose jugée, sur la jurisprudence Galmard versée dans l'instance ; en outre, une telle autorité ne saurait s'appliquer au jugement du 3 juillet 2014 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille ; - la pathologie au titre de laquelle il a demandé la révision de sa pension, à savoir une lombo-cruralgie et sciatalgie droite, est intégralement imputable à l'accident subi en service le 23 octobre 2000 et non à l'accident de ski survenu le 4 avril 2002 ; - le rejet de sa demande, à laquelle il ne peut être opposée l'autorité de la chose décidée, repose sur une erreur de diagnostic commise par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité dans son avis du 12 décembre 2018 ; - l'inexistence d'un lien de cause à effet entre son infirmité et l'accident de ski du 3 avril 2002 est établie ; - sa requête de première instance était recevable dès lors que le jugement du 3 juillet 2014 n'a pas autorité de la chose jugée et que l'erreur de diagnostic médical constitue un fait nouveau ; - les jugements du tribunal des pensions militaires du 3 juillet 2014 et du tribunal administratif de Marseille du 11 octobre 2022 sont entachés d'erreurs d'appréciation et d'une insuffisance de motivation. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête de M. B... est irrecevable dès lors que la décision attaquée est confirmative de la décision du 18 février 2008, devenue définitive, qui a fixé à 5 % la part de l'imputabilité en lien avec l'évènement du 23 octobre 2000 ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 28 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, enregistré le 21 septembre 2023, présenté par le ministre des armées après notification de l'ordonnance de clôture d'instruction, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 9 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - les observations de Me Belahouane, représentant M. B..., - et les observations de M. B... lui-même. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 4 janvier 1942, s'est engagé dans l'armée française le 1er octobre 1962 et a été radié des contrôles le 5 janvier 2001. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée en dernier lieu par arrêté du 3 juillet 2017 au taux global de 100 % + 19°, ainsi que de l'allocation au titre de la qualité de grand mutilé pour neuf infirmités, il a sollicité une révision de pension, par une demande déposée le 21 novembre 2017, pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'un double traumatisme lombaire : sciatiques invalidantes à répétition. Demande déjà adressée le 7 juin 2006 - rejet car inférieure à 10 % ". Par une décision du 13 juin 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. B... relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif de Marseille aurait omis de statuer sur les arguments qu'il a développés en réplique au mémoire en défense de l'administration, tirés de ce que l'autorité de la chose jugée ne saurait s'appliquer au jugement du 3 juillet 2014 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, dès lors que, pour rejeter sa demande, le tribunal administratif de Marseille ne s'est pas fondé sur une telle autorité. A supposer que M. B... ait entendu se prévaloir d'une insuffisante motivation du jugement contesté, en ce qui concerne les arguments qu'il a développés en réplique au moyen de défense de l'administration, tiré de ce que, par une précédente décision du 18 février 2008, ayant acquis autorité de chose décidée, une demande identique de l'intéressé avait été rejetée, il ressort toutefois des mentions dudit jugement que les premiers juges ont expressément considéré que la circonstance que le taux d'invalidité de l'infirmité au titre de laquelle M. B... a demandé la révision de sa pension se soit aggravée était sans incidence sur le taux d'imputabilité au service de 5 % qui avait été fixé par l'arrêté du 18 février 2008, lequel avait acquis un caractère définitif à la date de la demande. Ce faisant, le tribunal, qui n'était au demeurant pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par les parties, a implicitement mais nécessairement écarté l'argument de M. B... tiré ce que l'autorité de la chose décidée ne pouvait lui être opposée. 3. En second lieu, si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs d'appréciation ou d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir devant la Cour que le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 3 juillet 2014, lequel, en tout état de cause, ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité au service de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites, serait entaché d'erreur d'appréciation. 5. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Et aux termes de l'article L. 121-2-3 de ce code : " (...) la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'origine ou l'aggravation de son infirmité et une blessure reçue, un accident subi ou une maladie contractée par le fait du service. Cette preuve ne peut pas résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité ou encore des conditions générales du service. 6. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 18 février 2008, le ministre des armées a, notamment, rejeté une demande de majoration de pension militaire d'invalidité déposée par M. B... au titre de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites, au motif que cette invalidité, au taux global de 30 %, n'était imputable au service qu'à hauteur de 5 %. Se prévalant d'une aggravation de ses gênes fonctionnelles, M. B... a déposé, le 21 novembre 2017, une nouvelle demande de majoration de sa pension, laquelle a été rejetée par arrêté du 13 juin 2019. Il résulte de l'instruction que, pour prendre cette décision, l'administration s'est appuyée sur l'expertise médicale du 6 novembre 2018 et sur l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité du 12 décembre 2018, aux termes desquels, si les gênes fonctionnelles résultant de l'infirmité en cause se sont aggravées, de telle sorte que le taux global de celle-ci doit être porté de 30 % à 50 %, la part imputable au service, à raison d'un accident survenu le 23 octobre 2000, demeure de 5 % seulement, soit à un taux inférieur à celui de 10 % ouvrant droit à pension. D'une part, selon ces médecins, l'atteinte sensitivomotrice du nerf sciatique poplité externe est en lien non pas avec l'accident de service, mais avec les séquelles de la fracture du fémur subi par M. B... à l'occasion d'un accident de ski survenu le 3 avril 2002 hors service. D'autre part, ces mêmes médecins relèvent que, si la chute survenue en service le 23 octobre 2000, au titre de laquelle aucun bilan radiologique n'a été réalisé, a occasionné des lombalgies basses diffuses invalidantes avec irritation sciatique droite, cet épisode s'est amendé après un simple traitement antalgique et anti-inflammatoire sur une durée de trois semaines. Ils ajoutent en revanche que la violence du traumatisme subi lors de l'accident de ski du 3 avril 2002, qui a par ailleurs entraîné une fracture du fémur droit, pourrait expliquer à elle seule la survenue des épisodes lombo-sciatalgiques postérieurs. Ces constatations sont par ailleurs corroborées par les conclusions de l'expertise médicale diligentée par le tribunal des pensions militaires du Var le 24 mars 2011, selon lesquelles, à la suite de l'accident de service du 23 octobre 2000, le seul examen paraclinique concernant le rachis lombaire a été réalisé le 17 avril 2003 seulement, soit trente mois après l'accident, de sorte que la relation de cause à effet directe, certaine et exclusive entre cet accident et le tableau de lombosciatalgie droite ne peut être établie. La seule attestation produite par l'appelant, au demeurant assez peu circonstanciée et rédigée le 14 septembre 2019 par un neurochirurgien des hôpitaux des armées, selon laquelle tant le bilan radiologique du 17 avril 2003, sur le fondement duquel une erreur de diagnostic aurait été commise, que le discret trouble de la statique dorso-lombaire, ne permettraient pas d'établir un lien entre l'accident de ski du 3 avril 2002 et l'infirmité au titre de laquelle la demande a été déposée, ne saurait suffire à établir que celle-ci serait totalement ou partiellement, à un taux supérieur à 5 %, imputable à l'accident de service du 23 octobre 2000. Dans ces conditions, et alors que la charge de la preuve pèse sur l'appelant, celui-ci n'établit pas que le taux d'imputabilité de l'infirmité lombo-cruralgie et sciatalgies droites lui ouvrait un droit à pension à la date de sa demande. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 13 juin 2019 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait droit à sa demande de révision doivent être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais de l'instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Belahouane et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. N° 22MA02989 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01764, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant au bénéfice d'une pension de victime civile en raison des dommages physiques causés par la guerre d'Algérie et, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière d'instruire son dossier, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard. Par un jugement n° 1909469 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, M. A..., représenté par Me Jennifer Cambla, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 21 janvier 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à celle-ci d'instruire son dossier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - d'une part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes sollicitant une pension au titre de leur état de victime civile de la guerre d'Algérie et toutes les autres personnes sollicitant une pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que seules les premières se voient appliquer une condition de délai ; - d'autre part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes ayant déposé la demande de pension avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2018 et celles qui l'ont déposée après ; - en outre, les différences de traitement ainsi instituées ne répondent à aucune justification objective et il n'existe aucune proportionnalité entre les buts poursuivis et les moyens employés ; - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent le principe de sécurité juridique, principe général du droit de l'Union européenne et principe reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme comme étant inhérent au système juridique qu'elle protège ; - en effet, par ces dispositions, la loi du 13 juillet 2018 remet en cause le droit à pension ouvert aux victimes civiles de la guerre d'Algérie ne détenant pas la nationalité française cinq mois à peine après la reconnaissance de ce droit par la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 ; une telle atteinte à cette situation légalement et nouvellement acquise ne repose sur aucun motif d'intérêt général ; le législateur a remis en cause les effets légitimement attendus de cette décision du Conseil constitutionnel et a méconnu son autorité de chose jugée. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le ministre des armés conclut au rejet de la requête d'appel. Il fait valoir que le Conseil d'Etat a jugé, dans un arrêt du 25 septembre 2020 sous le numéro 441546, que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018, ne méconnaissent pas le principe d'égalité et n'ont privé de garantie légale aucune exigence constitutionnelle, n'ont ni porté atteinte à des situations légalement acquises ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Par ordonnance du 5 septembre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du conseil constitutionnel ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 24 juillet 1946 et de nationalité algérienne, a sollicité, le 26 juillet 2018, l'octroi d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Par une décision du 21 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande comme irrecevable. M. A... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 susvisée, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose, dans son premier alinéa, que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre ". Ces dispositions ont supprimé la condition de nationalité française mise au bénéfice de ce régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions antérieures, issues de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, cette condition ayant été jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 avec effet à compter du 9 février 2018. 3. Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-2 du même code, à la date du dépôt de la demande, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 ont eu pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. 4. Pour contester ces dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au vu desquelles a été prise la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension comme irrecevable, M. A... soutient qu'elles méconnaissent, d'une part, le principe de non-discrimination découlant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention et, d'autre part, le principe de sécurité juridique qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne ainsi qu'un principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 5. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Et aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. (...) ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi. 6. Les victimes civiles de la guerre d'Algérie n'étant pas dans la même situation que les victimes d'autres conflits, la circonstance que, par les dispositions critiquées, le législateur ait mis un terme pour l'avenir au régime d'indemnisation dont elles pouvaient bénéficier ne traduit pas une violation du principe d'égalité et de non-discrimination. De plus, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 13 juillet 2018 que, pour adopter les dispositions contestées, le législateur a entendu tenir compte non seulement de la nature particulière du conflit en cause et du territoire concerné mais aussi de l'ancienneté de ce conflit, des relations actuelles de la France avec l'Algérie et de leurs perspectives d'avenir, de sorte que la distinction ainsi instituée entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie et les victimes civiles des autres conflits mentionnées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est assortie de justifications objectives et n'est pas disproportionnée au vu des buts poursuivis. En outre, si les dispositions critiquées conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps et n'est pas, par elle-même, contraire au principe de non-discrimination. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne présentent pas un caractère discriminatoire au regard des stipulations citées au point précédent et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits conventionnellement consacrés. 7. En second lieu, si les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont, ainsi qu'il a été dit au point 3, mis un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, elles sont en revanche dépourvues d'effet rétroactif et sont en particulier sans incidence sur les demandes déposées antérieurement à la publication de la loi non plus que sur les droits des personnes déjà admises au bénéfice d'une pension. En outre, compte tenu de l'ancienneté du conflit en cause et quand bien même la condition tenant à la détention de la nationalité française n'a été formellement censurée par le Conseil constitutionnel que le 8 février 2018, le législateur a pu, à la date à laquelle les dispositions contestées ont été adoptées, décider de mettre fin au régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie dès la date de publication de la loi du 13 juillet 2018 sans porter d'atteinte au principe de sécurité juridique. Enfin, dès lors que la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du Conseil constitutionnel se borne à censurer la condition de nationalité française qui était jusqu'alors mise à l'octroi d'une pension et ne s'oppose pas, par elle-même, à la suppression de ce régime d'indemnisation pour l'avenir, le législateur a pu adopter les dispositions litigieuses sans méconnaître l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel. Ce faisant, le législateur n'a ni porté atteinte à des situations légalement acquises, ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne portent pas atteinte au principe de sécurité juridique, reconnu comme principe général du droit de l'Union européenne et principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'a pas entaché d'illégalité sa décision du 21 janvier 2019 en se fondant sur les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent, dès lors, être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01764
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de LYON, 5ème chambre, 23/11/2023, 21LY04244, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision de refus de reconnaissance d'une maladie comme contractée en service du 18 juin 2019 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Par un jugement n°1901564 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Portal, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ainsi que la décision du 18 juin 2019 susvisée ; 2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir examiné le moyen tiré du retrait illégal de la décision du 19 avril 2019 ; - le jugement est irrégulier pour avoir cité les dispositions de l'article L. 212-5 du code des relations entre le public et l'administration qui n'existent pas ; - la décision du 18 juin 2019 est insuffisamment motivée au sens de l'article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ; - elle retire une décision créatrice de droit qui n'était pas illégale ; - le refus d'imputabilité ne peut être justifié par l'exercice de son mandat syndical ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'imputabilité de sa maladie au service ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me Lantero, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Une ordonnance du 17 février 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 16 mars 2023. Par un courrier du 3 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour, dans l'hypothèse où elle retiendrait le moyen tiré de l'erreur de droit soulevé par la requérante, était susceptible d'enjoindre d'office au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ; - les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ; - et les observations de Me Ladou pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., infirmière au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, entièrement déchargée de service en raison d'un mandat syndical depuis 2015, a sollicité la reconnaissance de son " épuisement professionnel " comme maladie contractée en service. Par une décision du 19 avril 2019, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a procédé à cette reconnaissance. Par une seconde décision du 18 juin 2019, il a retiré la décision du 19 avril 2019 et refusé de reconnaître comme imputable au service la pathologie présentée par Mme B.... L'intéressée relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : Sur la légalité de la décision du 18 juin 2019 : 2. D'une part, aux termes de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires : " I.-Sous réserve des nécessités du service, le fonctionnaire en position d'activité ou de détachement qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, bénéficie d'une décharge d'activité de services ou est mis à la disposition d'une organisation syndicale, est réputé conserver sa position statutaire. (...) ". 3. Pour refuser la demande d'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme B..., le directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a, dans la décision du 18 juin 2019, relevé que " les activités syndicales exercées sur du temps de décharge d'activité de service à temps plein ne relèvent pas d'un droit de regard de l'employeur. De ce fait, la qualification de maladie contractée en service ne peut être vérifiée par l'employeur. " S'il est constant que Mme B... exerce un mandat syndical en étant déchargée à 100% de ses activités de service, elle est considérée comme étant en position d'activité en vertu des dispositions précitées. Par suite, en retenant que l'imputabilité au service de la pathologie présentée par l'intéressée ne pouvait pas être vérifiée en raison de ses activités syndicales, l'autorité compétente a entaché son motif d'une erreur de droit. 4. D'autre part, aux termes de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 susvisée : " (...) IV.-Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. (...) " 5. Si Mme B... se prévaut de la présomption d'imputabilité au service d'une maladie prévue par les dispositions citées au point 4, l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En conséquence, ces dispositions ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière. Ces dispositions n'étant pas applicables à la date de la survenance de la maladie qu'elle invoque et des décisions en litige, Mme B... ne saurait utilement s'en prévaloir. 6. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) " 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 8. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment du rapport d'expertise médical du docteur A... C... du 28 janvier 2019 et de l'avis de la commission de réforme du 11 avril 2019, que la pathologie présentée par Mme B... est en relation avec l'exercice de ses activités syndicales au sein du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et liée à une surcharge de travail. Il ne ressort d'aucune pièce et n'est pas soutenu en défense que cet état serait lié à un état antérieur présenté par l'intéressée et favorable à l'apparition de cette maladie. Si le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand fait valoir dans ses écritures en défense que Mme B... serait elle-même à l'origine de son épuisement professionnel, la circonstance qu'elle ait volontairement accepté une surcharge de travail en lien avec son mandat syndical ne saurait constituer une circonstance particulière de nature à détacher la survenance de la maladie du service. Par suite, si le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soulève à ce titre une substitution de motifs, le refus d'imputabilité au service opposé pour ce motif à Mme B... est entaché d'erreur d'appréciation. 9. Il résulte de ce qui précède que la décision du 18 juin 2019 retirant la décision du 19 avril 2019 et refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... doit être annulée. Sur l'injonction : 10. Lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation. Il en résulte que l'annulation de la décision du 18 juin 2019 retirant la décision du 19 avril 2019 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand reconnaissant comme imputable au service la maladie de Mme B..., laquelle constitue une décision créatrice de droits, n'implique aucune mesure d'injonction particulière. Sur les frais liés au litige : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n°1901564 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé. Article 2 : La décision du 18 juin 2019 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand retirant la décision du 19 avril 2019 et refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... est annulée. Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Bourrachot, président de chambre, Mme Dèche, présidente assesseure, Mme Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023. La rapporteure, V. Rémy-Néris Le président, F. Bourrachot La greffière, F. Prouteau La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°21LY04244 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/11/2023, 22MA00401, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Bastia, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 4 février 2019 par laquelle la ministre des armées n'a que partiellement fait droit à sa demande de révision de pension pour aggravation des infirmités dont il est atteint, et de fixer le taux d'invalidité, à compter du 27 février 2017, à 40 % s'agissant de l'infirmité de vertiges et à 35 % s'agissant de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale. Par un jugement n° 1901535 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation des infirmités de vertiges et de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, d'autre part, reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 % s'agissant de l'infirmité liée à des vertiges et un taux de 35 % s'agissant de l'infirmité liée à des séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche et, enfin, rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 1er février 2022, le ministre des armées demande à la Cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021. Le ministre soutient que : - au titre de l'infirmité liée aux vertiges, il n'existe aucune aggravation entre 2010 et 2018, l'hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques étant déjà présente en 2010 et en jugeant le contraire, le tribunal a dénaturé les éléments du dossier et commis une erreur d'appréciation ; - c'est à tort que le tribunal s'est prononcé sur les conclusions de l'intéressé contestant la décision en litige en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité dite " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche ", présentées au-delà du délai posé par l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et constitutives d'une demande nouvelle par rapport à celle enregistrée au greffe du tribunal le 3 juin 2019. Le recours du ministre des armées a été communiqué à M. A... qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 21 août 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 11 septembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité, au taux de 85 %, du chef des infirmités dénommées " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche ", " bourdonnements ", " vertiges ", " déviation de la cloison nasale " et " sinusite maxillaire bilatérale ", en a demandé la révision le 27 février 2017, pour aggravation des trois premières infirmités. Par une décision du 12 février 2019, prise après avis de la commission de réforme des pensions du 23 janvier 2019, la ministre des armées a fait droit à cette demande en ce qu'elle concerne l'aggravation de l'infirmité " bourdonnements " en attribuant à ce titre un taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, et a rejeté le surplus de la demande. Par un jugement du 7 décembre 2021, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation des infirmités de vertiges et de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et a reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 % s'agissant de la première de ces infirmités et un taux de 35 % s'agissant de la seconde. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les droits à pension de M. A... au titre de l'infirmité dite " vertiges " : 2. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de révision de pension de M. A... : " La pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. ". Par ailleurs, l'article L. 151-4 du même code, alors en vigueur, dispose que : " Le demandeur a la faculté de provoquer l'examen de sa demande par une commission de réforme (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ". 3. L'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée, la pension étant révisée lorsque le degré d'invalidité de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Cette disposition qui exige une aggravation réelle des blessures ou maladies, ne permet pas de remettre en cause, en l'absence d'aggravation effective, les bases de la liquidation initiale notamment en ce qui concerne le libellé des infirmités pensionnées. 4. Il résulte de l'instruction que pour décider le 7 juin 2013, de réviser la pension d'invalidité de M. A..., notamment pour aggravation de son infirmité liée aux vertiges dont il souffre depuis le 5 janvier 1973, et revaloriser en conséquence le taux d'invalidité correspondant à hauteur de 30 %, le ministre chargé de la défense s'était fondé sur l'expertise réalisée le 20 mai 2010 par un oto-rhino-laryngologiste qui avait recueilli les doléances de l'intéressé portant sur une aggravation des sensations de déséquilibre et une augmentation du nombre de crises vertigineuses, lesquelles présentaient alors une durée d'une semaine, à raison de deux fois par mois, sur fond de sensations de déséquilibre permanent, et constaté, au terme d'examens oto-rhino-laryngologiques, une instabilité à l'épreuve dite de Romberg, une marche aveugle ébrieuse et une hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques. Le même expert médical, appelé à se prononcer sur la demande de révision de pension pour aggravation de cette infirmité rejetée par la décision en litige, a constaté, le 6 juillet 2018, une aggravation à raison d'un degré supplémentaire d'invalidité de 10 %, en relevant que les crises de vertiges rotatoires vrais dont se plaint M. A... surviennent deux à trois fois par semaine, durant douze heures environ, sur fond de sensations permanentes de déséquilibre, et que l'examen oto-rhino-laryngologique révèle une instabilité à l'épreuve de Romberg, une marche aveugle ébrieuse, ainsi qu'une légère hypo-réflexie labyrinthique bilatérale plus ou moins symétrique aux épreuves caloriques, sans nystagmus spontané ni " DDI ". Si la comparaison de ces deux examens médicaux ne fait pas apparaître, à partir des doléances de M. A..., d'aggravation du nombre de crises de vertiges dont il souffre, ainsi que l'ont indiqué l'avis de la commission consultative médicale du 8 janvier 2019 et l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 11 septembre 2018, ces documents montrent en revanche, contrairement à ce que soutient le ministre, que l'intéressé présente en 2018, non plus une hyper-réflexie labyrinthique bilatérale aux épreuves caloriques, mais une hypo-réflexie labyrinthique bilatérale à ces mêmes épreuves. En se bornant ainsi à relever une amélioration du nombre de crises de vertiges dont se plaint M. A..., mais dont la fréquence n'a pas diminué, sans remettre en cause l'existence d'une hypo-réflexie labyrinthique bilatérale ni son importance sur son état de santé, alors que le médecin expert a conclu à une aggravation de ses vertiges à hauteur de 10 % d'invalidité supplémentaire, le ministre ne conteste pas efficacement le caractère réel et effectif de cette aggravation. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision du 12 février 2019 refusant de réviser la pension militaire d'invalidité de M. A... pour aggravation de cette infirmité et a reconnu à ce titre au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 40 %. En ce qui concerne les droits à pension de M. A... au titre de l'infirmité dite " séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche " : 5. Aux termes de l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. ". 6. Le délai de recours contre une décision individuelle prise sur une demande de pension militaire d'invalidité commence, en principe, à courir à compter de la notification complète et régulière de cette décision. Toutefois, à défaut, dans le cas où un requérant a saisi le juge des pensions d'un recours tendant à l'annulation d'une décision refusant de réviser une pension militaire d'invalidité en tant qu'elle est relative seulement à certaines des infirmités visées par sa demande de pension, le délai de recours contre cette décision en tant qu'elle concerne la ou les autres infirmités court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne ce requérant, de l'introduction de son recours initial. 7. Il résulte des pièces de la procédure devant le tribunal que M. A... a saisi le tribunal des pensions de Bastia le 3 juin 2019 de conclusions contestant la décision en litige, produite au soutien de ses prétentions, en tant seulement qu'elle refuse de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation de l'infirmité dite " vertiges ". En application des dispositions réglementaires citées au point 5 et au plus tard à compter du 3 juin 2019, date à laquelle il avait connaissance de la décision litigieuse, M. A... disposait d'un délai de six mois pour demander l'annulation de celle-ci en tant qu'elle rejette sa demande de révision de pension au titre des autres infirmités, dont les séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche. Or, ce n'est que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Bastia le 13 janvier 2021, soit après l'expiration de ce délai de six mois, que M. A... a présenté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2019 en tant qu'elle refuse la révision de sa pension pour l'aggravation de cette infirmité. De telles conclusions étant ainsi tardives, c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir opposée en ce sens par le ministre des armées et a accueilli ces prétentions. Le ministre des armées est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision du 12 février 2019 en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et a reconnu à ce titre au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 35 %. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement dans cette mesure et, en évoquant l'affaire dans cette même mesure, de rejeter comme irrecevables les conclusions de M. A... aux fins d'annulation de la décision du 12 février 2019 et d'octroi d'une pension au titre de l'aggravation de cette infirmité. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1901535 rendu le 7 décembre 2021 par le tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a annulé la décision de la ministre des armées du 12 février 2019 rejetant la demande de révision de pension de M. A... pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche, et en tant qu'il a reconnu au bénéfice de celui-ci un taux d'invalidité de 35 % s'agissant de cette infirmité. Article 2 : Les conclusions de M. A... devant le tribunal administratif de Bastia tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2019 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité de séquelles de traumatisme fermé du fémur gauche et à l'octroi d'un taux d'invalidité de 35 % sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre des armées est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. N° 22MA004012
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 8ème chambre, 20/11/2023, 22PA02627, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par ordonnance du 10 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Melun a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Paris. Par jugement n° 1914709/5-3 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, M. B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1914709 du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé, suite à la demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, de lui verser une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de condamner le ministre des armées à lui verser la somme de 21 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé le retard avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, somme assortie des intérêts légaux à compter de la date de sa demande préalable ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal s'est mépris sur ses conclusions dès lors qu'il n'a pas attaqué une décision implicite de rejet de la commission de recours des militaires mais une décision expresse de rejet du 18 mai 2017 prise par le président de cette commission ; - dès lors que la décision attaquée du 18 mai 2017 ne mentionnait pas les voies et délais de recours, ces derniers ne lui étaient pas opposables de sorte que c'est à tort que le jugement attaqué lui a opposé une forclusion ; - le président de la commission de recours des militaires a entaché son ordonnance rejetant son recours pour incompétence d'une erreur de droit dès lors que la commission était compétente pour se prononcer sur sa demande ; - le retard mis par le ministre de la défense pour traiter sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité constitue une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - ce retard lui a causé un préjudice financier en raison des difficultés qu'il a rencontrées pour rembourser un crédit bancaire qu'il évalue à 1 000 euros ; - il lui a causé un préjudice moral qu'il évalue à 20 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement refusé de faire droit à sa demande préalable d'indemnisation reçue le 17 décembre 2015, tendant au versement d'une indemnité de 21 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel il lui a concédé sa pension militaire d'invalidité, et de condamner l'Etat à lui verser cette somme. Par jugement n° 1914709 du 18 mai 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable. 3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 4. Ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu'il saisit une juridiction incompétente, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration. Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction saisie s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente. 5. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires des Hauts-de-Seine le 7 juin 2017 d'une contestation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des armées sur sa demande d'indemnisation préalable, décision implicite à laquelle s'est postérieurement substituée la décision du 18 mai 2017 par laquelle le président de la commission de recours des militaires a rejeté son recours préalable obligatoire contre le refus implicite de réparer les préjudices résultant pour lui du retard fautif avec lequel lui a été concédée sa pension militaire d'invalidité. Par jugement du 28 novembre 2017, ce tribunal s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Melun le 27 février 2018. Pour juger que sa requête était tardive, les premiers juges ont considéré que le tribunal avait été saisi plus de deux mois après la notification du jugement du tribunal des pensions des Hauts-de-Seine, intervenue selon eux le 28 novembre 2017. En se bornant à soutenir qu'en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision du 18 mai 2017 précitée, aucun délai de recours ne lui était opposable, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, en cas de saisine d'une juridiction incompétente, le justiciable dispose d'un délai de deux mois à la suite de la décision par laquelle le premier juge qu'il a saisi s'est déclaré incompétent pour connaître de ce recours pour former un recours contre une décision administrative non assortie de la mention des voies et délais de recours, M. B... ne conteste pas utilement la forclusion qui lui a été opposée par le tribunal administratif de Paris. 6. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Jayer, première conseillère, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02627
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01186, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens : Sous le n° 2100009, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les soins qui lui sont liés dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et enfin de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 2100962, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 du président de la communauté de communes Thelloise en ce qu'il lui refuse la prolongation de son congé de longue maladie du 1er mars 2021 au 30 avril 2021, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de la placer en congé de longue maladie pour une durée de six mois à compter du 1er novembre 2020 dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai et enfin de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 2101795, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 15 mars 2021 ainsi que l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel ce président a décidé une retenue sur son traitement pour la période du 1er mars au 15 mars 2021, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de la placer dans une position régulière à compter du 1er mars 2021, de lui verser ses arriérés de rémunération et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux. En outre, Mme B... a demandé que soit mise à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2100009, 2100962 et 2101795 du 6 avril 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 juin 2022, le 20 février 2023 et le 29 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Delarue, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les décisions attaquées ; 3°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les soins qui lui sont liés dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de la placer en congé de longue maladie pour une durée de six mois dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai ; 5°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de la placer dans une position régulière à compter du 1er mars 2021, de lui verser ses arriérés de rémunération et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux ; 6°) de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier ; ses visas mentionnent une note en délibéré enregistrée le 25 mars 2022 dans la requête n° 2100962 alors qu'elle n'a adressé aucune note en délibéré ; - l'arrêté du 2 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service a été pris sans qu'un rapport du médecin de prévention soit adressé à la commission de réforme ; l'omission de cette formalité imposée par l'article 37-7 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 l'a privée d'une garantie et vicie la procédure de consultation de la commission de réforme ; l'existence du rapport du médecin de prévention ne peut être établie par l'attestation du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise ; il n'est pas davantage établi que le médecin de prévention aurait été informé de la réunion de la commission de réforme et de son objet ; - il n'est pas démontré que les documents médicaux fondant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ont été effectivement communiqués à la commission de réforme ; cette omission, constitutive d'une méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, l'a privée d'une garantie ; - l'avis rendu par la commission de réforme est également irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que le mandat de son président ait été régulièrement prolongé ; les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 ont donc été méconnues ; - en l'absence de motivation, notamment en ce qui concerne le lien de causalité entre les fonctions exercées et la maladie, l'avis défavorable rendu par la commission de réforme méconnaît l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 ainsi que l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne le lien entre sa maladie et le service et méconnaît l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté du 19 février 2021 refusant de prolonger son congé de longue maladie pour la période comprise entre le 1er mars et le 30 avril 2021 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le médecin de prévention n'a pas remis son rapport au comité médical en méconnaissance des articles 9, 24 et 33 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; ce rapport est requis, même lorsque le comité médical est saisi d'une demande d'avis sur la prolongation du congé de longue maladie ; en outre, ce rapport était obligatoire dès lors que le comité médical devait également se prononcer sur son aptitude à reprendre ses fonctions ; en l'absence d'un tel rapport, elle a été privée d'une garantie ; - il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le comité médical s'est prononcé au regard de l'avis du comité médical supérieur du 1er décembre 2020 rendu sur la demande de congé de longue durée ; - il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le comité médical n'avait pas été saisi d'une demande d'avis sur son aptitude à reprendre son poste ; - l'irrégularité de la procédure découle également de ce que le comité médical s'est prononcé sur son aptitude à reprendre son poste sans avoir procédé aux examens prévus par les articles 12 et 13 de l'arrêté ministériel du 3 octobre 1977 relatif aux examens médicaux effectués en vue du dépistage chez les candidats aux emplois publics des affections ouvrant droit au congé de longue maladie et de l'octroi aux fonctionnaires des congés de longue maladie ; - cet arrêté a aussi été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il se prononce implicitement sur la capacité de Mme B... à reprendre son poste sans qu'un médecin spécialiste agréé ne se soit prononcé sur son aptitude à la reprise ; - il est entaché d'une erreur de droit, la communauté de communes Thelloise s'étant crue liée par l'avis du comité médical ; - sa maladie rendant nécessaire un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 18 mars 2021 portant radiation des cadres pour abandon de poste est intervenu selon une procédure irrégulière dès lors que le temps imparti par la mise en demeure pour rejoindre son poste était insuffisant ; - son état de santé justifiait qu'elle soit convoquée à une visite de reprise avec le médecin de prévention ; l'absence d'une telle visite fait obstacle à ce qu'elle puisse être regardée en situation d'abandon de poste ; - en sollicitant une visite médicale de reprise, elle a manifesté sa volonté de ne pas rompre le lien avec le service ; - à défaut d'être affectée sur un emploi précis à la date du 15 mars 2021, elle ne peut être considérée comme ayant abandonné son poste ; - l'arrêté du 18 mars 2021 portant radiation des cadres pour abandon de poste et l'arrêté du 19 mars 2021 opérant une retenue sur son traitement doivent être annulés en conséquence de l'illégalité de la décision 19 février 2021 refusant de prolonger son congé de longue maladie. Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 janvier et 14 mars 2023, la communauté de communes Thelloise, représentée par Me Creveaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est régulier ; - les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 avril 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - l'arrêté du 3 octobre 1977 relatif aux examens médicaux effectués en vue du dépistage chez les candidats aux emplois publics des affections ouvrant droit au congé de longue maladie et de l'octroi aux fonctionnaires des congés de longue maladie ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Creveaux pour la communauté de communes Thélloise. Considérant ce qui suit : 1. Depuis le 1er janvier 2016, Mme A... B..., rédactrice territoriale, exerçait en qualité d'instructrice droit des sols, au sein du service de l'urbanisme de la communauté de communes Thelloise. Elle a été placée en congé de longue maladie à partir du 1er août 2018. Le 12 février 2020, Mme B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. La commission de réforme a rendu un avis défavorable à cette demande le 18 juin 2020 et le président de la communauté de communes Thelloise a rejeté la demande de l'intéressée, par un arrêté du 25 juin 2020. Toutefois, il a retiré cet arrêté le 21 octobre 2020 qui faisait l'objet d'une contestation auprès du tribunal administratif d'Amiens de la part de Mme B..., cette dernière invoquant une irrégularité lors du recueil de l'avis de la commission de réforme. A nouveau saisie, la commission de réforme a rendu un nouvel avis défavorable le 24 septembre 2020. Par un arrêté du 2 novembre 2020, le président de la communauté de communes Thelloise a alors de nouveau rejeté la demande de l'intéressée. Mme B... a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif d'Amiens aux termes d'une requête enregistrée sous le n° 2100009. 2. Par la suite, consulté le 18 février 2021, le comité médical départemental s'est prononcé en faveur de la prolongation du congé de longue maladie de Mme B... du 1er novembre 2020 au 18 février 2021 et de son aptitude à exercer ses fonctions à cette dernière date. Par un arrêté du 19 février 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a prolongé son congé de longue maladie du 1er novembre 2020 au 28 février 2021. Par une deuxième requête enregistrée sous le n° 2100962, Mme B... en a demandé l'annulation au tribunal administratif d'Amiens, en tant que cet arrêté lui refuse la prolongation de ce congé du 1er mars 2021 au 30 avril 2021. 3. Enfin, au vu de l'avis précité du comité médical départemental, par un courrier du 19 février 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a décidé que Mme B... était apte à reprendre son service à compter du 1er mars 2021. Mme B... n'ayant cependant pas rejoint son service à cette date, la collectivité lui a adressé un courrier daté du 5 mars 2021 la mettant en demeure de reprendre ses fonctions le 15 mars 2021 à 8 heures 30. L'intéressée ne s'est pas présentée aux jour et heure précités de sorte que par un arrêté du 18 mars 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a radié Mme B... des cadres pour abandon de poste. Le lendemain, par un arrêté du 19 mars 2021, cette même autorité a décidé d'opérer une retenue sur le traitement de Mme B... pour la période courant du 1er au 15 mars 2021. Par une troisième requête, enregistrée sous le n° 2101795, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de ces deux arrêtés. 4. Le tribunal administratif d'Amiens, qui a joint les trois requêtes, a rejeté l'ensemble de ses demandes par un jugement du 6 avril 2022. Mme B... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 5. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique [...] Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. ". 6. Eu égard à l'objet de l'obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l'auteur de la note en délibéré de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'une note en délibéré n'a pas été mentionnée dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester cette décision que par la partie qui a produit cette note. 7. Il ressort des visas du jugement la mention d'une note en délibéré enregistrée le 25 mars 2022 dans la requête n° 2100962 présentée par Mme B.... Il est constant que l'auteur de cette note est la communauté de communes Thelloise. L'attribution erronée de cette note à Mme B... constitue une simple erreur matérielle sans influence sur la régularité du jugement. En tout état de cause, compte tenu du principe précédemment rappelé, Mme B..., qui n'est pas l'auteure véritable de la note en délibéré, ne peut utilement invoquer ce moyen de régularité. Sur le bien-fondé du jugement : Sur les conclusions d'annulation de la décision du 2 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service : 8. En premier lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable à la situation de Mme B... : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. ". 9. Si Mme B... soutient qu'aucun rapport écrit n'a été établi par le médecin de prévention en vue de l'examen de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, cette affirmation est contredite par le courrier que le président du centre de gestion (CDG) de la fonction publique territoriale de l'Oise a adressé au président de la communauté de communes Thelloise le 22 mars 2021. Il ressort de ce courrier, la confirmation, par le président du CDG, d'une part, que le dossier soumis à la commission de réforme contenait un rapport du médecin de prévention, en date du 18 mai 2020, établi lors d'une visite médicale à laquelle s'était présentée Mme B..., transmis sous pli confidentiel à la commission, et d'autre part, que l'agent concerné venu consulter son dossier à trois reprises les 10 juin, 6 août et 21 septembre 2020 s'était vu remettre une copie intégrale de son dossier contenant ce rapport. Dans ces conditions, ce courrier suffisamment précis et circonstancié, émanant d'une autorité qui n'est pas liée à la collectivité d'emploi de l'agent, doit être regardé comme de nature à établir l'existence du rapport du médecin de prévention, au demeurant soumis au secret médical. Mme B..., n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie que constitue la transmission, à la commission de réforme, du rapport écrit d'un médecin du service de médecine préventive. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 11. Il ressort des observations consignées dans le courrier cité au point 9, que le dossier dont avait été initialement saisie la commission de réforme devant siéger le 18 juin 2020, comportait les documents remis par Mme B... sous pli confidentiel, mais que les membres de la commission avaient omis d'en prendre connaissance. Pour ce motif, l'examen de la situation de Mme B... a été renvoyé à une séance programmée le 24 septembre 2020. S'il apparaît, dans le procès-verbal de cette seconde séance, la mention selon laquelle l'agent n'a remis aucun document, cette indication ne permet pas d'affirmer, comme le fait l'appelante, que l'ensemble des documents qu'elle avait souhaité soumettre initialement à l'appréciation des membres de la commission de réforme n'auraient pas été mis à leur disposition. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la commission de réforme a statué sur la base d'un dossier incomplet. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : / 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; / 2. Deux représentants de l'administration ; / 3. Deux représentants du personnel. (...) ". Aux termes de l'article 8 du même arrêté : " (...) Le mandat au sein de la commission de réforme des représentants des collectivités se termine au terme du mandat de l'élu, quelle qu'en soit la cause. Celui-ci est dès que possible remplacé ou reconduit dans ses attributions. (...) Toutefois, en cas de besoin, notamment en cas d'urgence, le mandat des membres de la commission de réforme peut être prolongé jusqu'à l'installation des nouveaux titulaires. (...) ". 13. Il ressort du courrier déjà cité du 22 mars 2021 du président du centre de gestion de l'Oise, que le président de la commission de réforme doit être regardé comme ayant été désigné par le préfet en qualité de membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Il est constant qu'il n'était plus titulaire de son mandat à la date du 24 septembre 2020, au cours de laquelle il a présidé la séance de la commission chargée d'examiner la situation de Mme B.... Contrairement aux affirmations contenues dans ce courrier, sa qualité d'administrateur du CDG ne permet pas de considérer qu'à cette dernière date, il était membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme au sens des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004, qui ne concernent que les élus des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Toutefois, si, selon le troisième alinéa de l'article 3 précité, le président de la commission de réforme dirige les délibérations sans participer aux votes, cette circonstance ne le prive pas de la qualité de membre de la commission. Dans ces conditions, les dispositions de l'article autorisant, en cas de besoin, notamment en cas d'urgence, la prolongation du mandat des membres de la commission de réforme jusqu'à l'installation des nouveaux titulaires lui sont applicables au même titre que les membres représentant des collectivités. Il s'ensuit que dans l'attente de l'installation des nouveaux titulaires de ces collectivités, le mandat du président de la commission de réforme pouvait être prolongé. A cet égard, le délai écoulé entre le mois de juin 2020 et le 24 septembre suivant ne saurait être regardé comme excessif, compte tenu notamment de la crise sanitaire à laquelle les collectivités et les administrations étaient confrontées. En tout état de cause, à supposer que les dispositions de l'article 8 ne puissent être étendues au mandat du président de la commission de réforme, la prolongation irrégulière de son mandat n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté dès lors qu'il est constant que le président n'a pas voix délibérative et elle ne saurait ainsi être regardée comme ayant, en l'espèce, privé Mme B... d'une garantie, laquelle n'allègue au demeurant pas que le président aurait cherché à influencer les membres de la commission ou aurait fait preuve de partialité ou d'une animosité particulière à son encontre. Par suite, ce moyen doit être écarté. 14. En quatrième lieu, l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé dispose : " Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. ". 15. Il ressort du procès-verbal de séance du 24 septembre 2020 de la commission de réforme que cette dernière a estimé, en précisant le motif de sa saisine et le sens défavorable de son avis, que la pathologie " est hors tableau d'une maladie professionnelle avec un taux d'IPP de 20 % au vu des éléments du dossier, taux inférieur à 25 % ", pour en conclure que les conditions du congé d'invalidité temporaire imputable au service n'étant pas remplies, la pathologie ne peut être reconnue imputable au service. Il résulte de ces énonciations, que cet avis satisfait à l'exigence de motivation qui résulte de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004. 16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 17. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (....) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". 18. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 19. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B... dont le syndrome dépressif pour épuisement moral et décompensation a été diagnostiqué le 1er août 2018, conformément à ce que l'intéressée a indiqué dans sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service présentée le 12 février 2020, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 20. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 21. Pour demander que soit reconnu le lien direct avec l'exercice de ses fonctions du syndrome dépressif qu'elle a déclaré auprès de son employeur le 12 février 2020, Mme B... invoque un contexte professionnel à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant débuté à compter du mois de mars 2018, correspondant à sa reprise d'activité, à la suite d'une interruption pour cause de maladie depuis le mois de novembre 2017. 22. Il ressort des expertises médicales versées au dossier, réalisées par deux médecins agréés à la demande de la collectivité ainsi que des certificats établis par des médecins psychiatres assurant la prise en charge et le suivi de Mme B..., que l'intéressée présente, depuis le 1er août 2018, un état anxiodépressif sans état antérieur et sans facteurs prédisposants, pour lequel elle bénéficie d'un suivi régulier par un psychothérapeute, un médecin psychiatre et se rend en consultation dans un hôpital spécialisé dans les pathologies de " souffrance au travail ". Pour conclure à l'origine professionnelle de son affection psychique, ces praticiens se fondent sur le récit fait par Mme B..., des conditions dans lesquelles elle a repris son travail, après son interruption de quatre mois, pour une pathologie intestinale particulièrement invalidante. Selon le médecin agréé, qui l'a examinée le 3 septembre 2019 dans le cadre de sa demande de congé de longue maladie, Mme B... ayant vécu une situation médicale douloureuse et difficile pendant quatre mois attendait un peu de bienveillance de son employeur et d'empathie, mais s'est trouvée confrontée à une remise en cause de sa situation médicale par sa hiérarchie, comportement qualifié " d'agression ". Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu reprocher, au cours des mois de mai et juin 2018, par la responsable du service urbanisme puis par la directrice générale des services, des retards et des absences, notamment à des réunions, qui n'avaient fait l'objet d'aucune information ou demande préalable, qui l'ont contrainte à devoir se justifier notamment par la production de certificats d'arrêts de travail ainsi qu'à régulariser ses absences. Si, dans ce contexte, en particulier lors d'échanges de courriels ou d'entretiens avec la directrice générale des services, Mme B... a pu nourrir le sentiment d'une remise en cause de la réalité de sa pathologie et de la sincérité de ses arrêts de travail, il ne ressort toutefois pas du dossier que la directrice générale des services aurait exigé la production de l'ensemble des feuillets composant les certificats d'arrêt de travail remis. La circonstance que dans ce contexte de suspicion de remise en cause de sa maladie, Mme B... en soit venue, après un entretien ayant eu lieu le 28 juin avec la directrice générale des services, à lui proposer de consulter son dossier médical et à se soumettre à un contrôle médical, ne permet pas d'établir la volonté de la directrice de remettre en cause sa pathologie ou les motifs de ses retards ou absences dès lors que par un courriel du 3 juillet, cette dernière lui a fait connaître que sa situation était régularisée et qu'elle n'entendait pas s'immiscer dans sa vie privée en consultant son dossier médical. Si Mme B... impute également la dégradation de son état de santé à un incident s'étant produit avec un collègue l'ayant raillée sur le ton d'une allusion raciste au sujet de son régime alimentaire au cours d'une pause déjeuner du 4 juin 2018, il ne ressort aucunement qu'elle ait mis cet épisode en exergue dans ses doléances auprès des experts agréés ou de ses médecins traitants. Au demeurant, contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort des pièces du dossier que son employeur n'est pas demeuré silencieux à la suite de cet incident dès lors qu'elle a convoqué l'agent pour l'admonester. Enfin, il ressort du témoignage circonstancié de la responsable du service urbanisme, qui n'est pas contesté par Mme B..., que dès son retour le 19 mars 2018, l'intéressée s'est mise en retrait et s'est placée dans une attitude d'isolement et de distanciation avec sa communauté de travail. Par suite, alors même que les médecins psychiatres experts ont estimé établi le lien entre la pathologie anxiodépressive de Mme B... et le service, le contexte professionnel ne permet pas de caractériser des conditions de travail de nature à susciter le développement de cette maladie. 23. Dans ces conditions, le président de la communauté de communes Thelloise n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en refusant de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxiodépressif développé par Mme B.... 24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service. Sur les conclusions d'annulation de la décision du 19 février 2021 refusant de prolonger le congé de longue maladie du 1er mars au 30 avril 2021 : 25. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 24, 33 et 37-7 ci-dessous. / L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical. ". En vertu de l'article 24 de ce décret : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 25 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement dont relève le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier. ". En outre, aux termes de l'article 33 du même décret : " Le comité médical, consulté sur l'aptitude d'un fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé sans qu'il puisse porter atteinte à sa situation administrative. / Le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive. / Si l'intéressé bénéficie d'un aménagement des conditions de son travail, le comité médical, après avis du service de médecine préventive, est appelé de nouveau, à l'expiration de périodes successives d'une durée comprise entre trois et six mois, à formuler des recommandations auprès de l'autorité territoriale sur l'opportunité du maintien ou de la modification de ces aménagements. / (...) ". Enfin, selon les dispositions de son article 31 : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. / Cet examen peut être demandé soit par le fonctionnaire, soit par la collectivité ou l'établissement dont il relève. / Les conditions exigées pour que la réintégration puisse être prononcée sont fixées par l'arrêté prévu à l'article 39 ci-dessous. ". 26. La situation régie par les dispositions de l'article 24 cité ci-dessus, correspond exclusivement au cas où l'administration sollicite le comité médical pour placer d'office l'agent en position de congé de maladie. Dans ces conditions, Mme B..., qui a sollicité la prolongation de son congé de longue maladie, ne peut utilement invoquer leur méconnaissance, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges. 27. En revanche, il résulte de la combinaison des articles 31 et 33 du décret du 30 juillet 1987 que lorsque le comité médical est consulté sur une demande de prolongation du congé de longue maladie, il doit nécessairement se prononcer sur l'aptitude de l'agent à reprendre l'exercice de ses fonctions, ce qui implique alors que le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive. 28. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 29. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin chargé de la prévention aurait remis un rapport au comité médical départemental conformément à ce que prévoient les dispositions rappelées au point 25. La décision contestée est ainsi entachée d'un vice de procédure. Toutefois, la communauté de communes a produit un courriel daté du 25 janvier 2021, que la direction des ressources humaines a adressé au médecin de prévention pour l'informer que le dossier de demande de prolongation du congé de longue maladie de Mme B... serait examiné par le comité médical départemental le 18 février 2021, de sorte que, s'il l'estimait utile, il était loisible à ce dernier de présenter des observations écrites dans la perspective de cette séance dont il avait été informé. De plus, le comité médical ayant déjà été saisi de la situation de Mme B... pour l'octroi du congé de maladie initial et son renouvellement, il disposait d'éléments suffisants pour émettre son avis quant à l'aptitude de Mme B... à reprendre ses fonctions, en connaissance de cause. Dans ces circonstances, l'absence de rapport écrit du médecin de prévention n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté, qui au demeurant prolonge le congé de longue maladie pour une période de quatre mois et il ne saurait être regardé comme ayant, en l'espèce, privé Mme B... d'une garantie. 30. En deuxième lieu, aux termes de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Pour bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée le fonctionnaire en position d'activité, ou son représentant légal, doit adresser à l'autorité territoriale une demande appuyée d'un certificat de son médecin traitant spécifiant qu'il est susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. / Le médecin traitant adresse directement au secrétaire du comité médical compétent un résumé de ses observations et les pièces justificatives qui peuvent être prescrites dans certains cas par l'arrêté visé à l'article 39 du présent décret. / Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. / L'avis du comité médical est transmis à l'autorité territoriale qui, en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire intéressé, le soumet pour avis au comité médical supérieur visé à l'article 5 du présent décret. (...) ". 31. Mme B... ne conteste pas que son dossier comportait les pièces requises par l'article 25 cité ci-dessus, mais soutient que son dossier était irrégulièrement composé dans la mesure où le comité médical départemental s'est prononcé au vu d'un avis du comité médical supérieur qui n'avait pas été saisi de son congé de longue maladie. Il ressort des pièces du dossier que dans son avis rendu le 18 février 2021, le comité médical départemental a visé l'avis émis par le comité médical supérieur lors d'une séance du 1er décembre 2020. Il est constant que le comité médical supérieur n'avait été saisi que de l'examen de la demande d'octroi d'un congé de longue durée. Dès lors, la circonstance que son avis ait été visé, n'est susceptible d'avoir exercé aucune influence sur le sens de l'avis rendu par les membres du comité médical. Au surplus, d'une part, il n'est pas contesté que le comité médical supérieur s'était par ailleurs, facultativement, prononcé défavorablement et d'autre part, que la collectivité avait indiqué son souhait de ne pas remettre en cause l'octroi du congé de longue maladie sur la période antérieure. Dans ces conditions, et alors que le comité médical départemental, a rendu un avis favorable unanime à la demande de prolongation du congé de longue maladie pour une durée de quatre mois sur la base des documents médicaux qui lui étaient soumis, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que, pour se prononcer, ce comité se serait fondé sur l'avis du comité médical supérieur, ni qu'il se serait senti lié par celui-ci. 32. En troisième lieu, aux termes de l'article 32 du décret du 30 juillet 1987 : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend celles-ci dans les conditions fixées à l'article 33 ci-dessous. / (...) ". 33. Il résulte de ce qui a été dit au point 29, contrairement à ce que soutient l'appelante, que le comité médical s'est prononcé sur son aptitude à la reprise de ses fonctions. De même, il ressort des dispositions précitées des articles 31 et 32, que si l'avis de l'expert agréé est requis, il n'appartient pour autant qu'au seul comité départemental d'émettre l'avis final sur l'aptitude ou l'inaptitude et celui-ci n'est pas lié par le sens de l'avis rendu par le médecin expert. 34. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ". 35. D'abord, ainsi qu'il a été dit au point 31, pour apprécier la demande de prolongation du congé de longue maladie de Mme B..., le comité médical départemental s'est prononcé après avoir pris en considération l'ensemble des pièces médicales à sa disposition et ne s'est pas fondé sur l'avis du comité médical supérieur du 1er décembre 2020. 36. Ensuite, si Mme B... soutient que tous les éléments médicaux convergent pour démontrer que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son poste, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, ni l'avis rendu par un médecin expert agréé le 3 septembre 2019 sur la prolongation du congé de longue maladie, ni celui du psychiatre agréé daté du 25 mars 2019, ni la circonstance qu'en 2020, elle continuait d'être suivie par un psychiatre et son médecin traitant, ne sont de nature à établir qu'au début de l'année 2021, sa maladie présentait un caractère invalidant et de gravité confirmée. A cet égard, l'avis du médecin expert l'ayant examinée le 2 février 2021, qui se contente d'indiquer un état clinique compatible avec une prolongation du congé de longue maladie d'une durée de six mois, ne comporte aucune appréciation sur le caractère invalidant et de gravité de la pathologie. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation en regard des dispositions du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, que le président de la communauté de communes Thelloise a pu refuser de prolonger le congé de longue maladie de Mme B... au-delà du 1er mars 2021. 37. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 février 2021 par laquelle le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de prolonger son congé de longue maladie du 1er mars 2021 au 30 avril 2021. Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 18 mars 2021 prononçant la radiation des cadres pour abandon de poste : 38. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé. 39. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été mise en demeure, par un courrier du 5 mars 2021, de rejoindre son poste le 15 mars suivant, à 8 h 30. Il est constant que ce courrier de mise en demeure, dont elle était en mesure d'apprécier la portée, lui a été notifié le 10 mars 2021. Par suite, le délai laissé à Mme B... pour rejoindre son poste était suffisant. 40. En deuxième lieu, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur son état de santé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical. 41. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 5 mars 2021 mettant Mme B... en demeure de reprendre ses fonctions le 15 mars 2021, l'informait qu'elle encourait un risque de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable en cas de non-reprise. Si l'intéressée se prévaut de ce que le comité médical ne se serait pas formellement prononcé sur sa reprise du travail à son poste puisqu'il l'avait estimée apte à " des missions relevant de son cadre d'emplois ", il ressort cependant du même avis que le comité a estimé que le maintien en congé de longue maladie n'était plus justifié à compter du 19 février 2021 de sorte qu'il a nécessairement estimé qu'elle pouvait réintégrer les fonctions qu'elle occupait auparavant au sein de la collectivité. Si, dans son avis, le comité a par ailleurs, préconisé une visite médicale de reprise avec le médecin de prévention, cette recommandation ne saurait être regardée comme suggérant une affectation sur un autre emploi ou sur un poste aménagé, qu'au demeurant l'intéressée n'a pas sollicité. De même, si le comité médical a indiqué que l'agent devait bénéficier d'une visite médicale de reprise avec le médecin de prévention, son objet n'était pas de définir les modalités médicales de sa reprise mais de s'assurer du respect des dispositions du décret n°85-603 du 10 juin 1985 qui instaure une surveillance médicale renforcée pour les agents réintégrés après un congé de longue maladie. A cet égard aucune disposition n'impose à l'administration d'organiser la visite de reprise avant le retour effectif de l'agent au service. 42. D'autre part, si, pour justifier son absence, Mme B... se prévaut, à compter du 1er mars 2021, de trois arrêts de travail délivrés successivement les 1er, 2 et 9 mars, respectivement pour les journées du 1er mars, puis du 2 au 9 mars et enfin du 10 au 29 mars, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il apparaît qu'ils constituent des arrêts de prolongation des précédents arrêts de travail en lien avec son syndrome anxiodépressif. Aussi, Mme B... ne peut être regardée comme justifiant avoir apporté des éléments nouveaux sur son état de santé par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical départemental du 18 février 2021, l'ayant déclarée apte à reprendre ses fonctions. Dans ces conditions, Mme B... ne pouvant être regardée comme ayant apporté une justification médicale à son absence irrégulière, le président de la communauté de communes Thelloise était fondé à la radier des cadres pour abandon de poste. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté. 43. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise a prononcé sa radiation des cadres. Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 19 mars 2021 prononçant une retenue sur traitement en l'absence de service fait : 44. En l'absence d'illégalité de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste, les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2021 opérant une retenue sur son traitement pour absence de service fait du 1er mars au 14 mars 2021, ne peuvent qu'être rejetées. 45. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que la requête de Mme B... doit être rejetée. Sur les frais liés au litige : 46. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Thelloise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la communauté de communes Thelloise sur ce même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes Thelloise présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté de communes Thelloise. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : M-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro N° 22DA01186 2
Cours administrative d'appel
Douai