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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 07/06/2022, 20TL02790, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 23 novembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 14 décembre 2016 et d'enjoindre au département de l'Hérault de reconnaître l'imputabilité au service de son accident. Par un jugement n° 1800574 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 6 août 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°20MA02790, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL02790, Mme B... A..., représentée par la SELARL Maillot Avocats et Associés, agissant par Me Maillot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2020 ; 2°) d'annuler la décision du président du conseil départemental de l'Hérault en date du 23 novembre 2017 ; 3°) d'enjoindre au département de l'Hérault de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 14 décembre 2016, dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement doit être annulé en ce qu'il n'a pas retenu le vice de procédure résultant de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme ; - il doit également être annulé en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le département : la commission de réforme n'a pas statué au fond sur la demande qui lui était présentée et aurait dû saisir un médecin expert ; - il doit enfin être annulé en ce qu'il n'a pas retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le département qui a considéré que son accident n'était pas imputable au service. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2020, le département de l'Hérault, représenté par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 7 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Schmit substituant Me Becquevort, représentant le département de l'Hérault. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., qui était adjointe administrative de 2ème classe au sein des services du département de l'Hérault, a été victime d'un accident survenu le 16 juin 2014 dont l'imputabilité au service a été reconnue par décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 14 décembre 2015. Ses congés de maladie du 16 juin 2014 au 31 août 2015 ont été pris en charge à ce titre. Par cette décision du 14 décembre 2015, le président de cette collectivité a fixé au 31 août 2015 la date de consolidation de l'accident de service et a refusé de prendre en charge les arrêts de travail postérieurs au 31 août 2015 au titre de cet accident. Le 5 mai 2017, Mme A... a déclaré un nouvel accident de service en date du 14 décembre 2016. Par une décision du 23 novembre 2017, le président du conseil départemental de l'Hérault a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cette décision. Par un jugement du 12 juin 2020 dont Mme A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. A l'appui de sa demande devant le tribunal, Mme A... soutenait notamment que la commission de réforme n'avait pas statué au fond sur la demande qui lui était présentée, entachant ainsi la décision attaquée d'une erreur de droit. Contrairement à ce que soutient l'appelante, les premiers juges ont suffisamment motivé le jugement attaqué en indiquant que la commission de réforme a émis un avis défavorable à sa demande et en reprenant les termes de l'avis rendu le 23 novembre 2017 faisant en particulier état de l'absence de l'agent de son poste de travail depuis le 16 avril 2014. Le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu au moyen ainsi soulevé doit dès lors être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans ses dispositions applicables au litige : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l'administration ; 3. Deux représentants du personnel. / Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". Aux termes de l'article 17 de l'arrêté dans sa version applicable au litige : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. / Les médecins visés au 1 de l'article 3 et les médecins agréés ayant reçu pouvoir en application de l'article 8 ne peuvent pas siéger avec voix délibérative lorsque la commission examine le dossier d'un agent qu'ils ont examiné à titre d'expert ou de médecin traitant. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. / En cas d'égalité des voix, l'avis est réputé rendu. / Les avis sont communiqués aux intéressés dans les conditions fixées par la loi du 17 juillet 1978 susvisée ". 5. En premier lieu, il n'est pas établi que la composition de la commission de réforme réunie le 23 novembre 2017 n'aurait pas été conforme aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004. La circonstance qu'un seul représentant de l'administration ait été présent au lieu des deux prévus par cet article est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que le quorum prévu à l'article 17 de cet arrêté était atteint et que deux médecins généralistes ont siégé. Dès lors, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission doit être écarté. 6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme a émis un avis défavorable à la demande de Mme A... en considérant que l'accident déclaré par l'appelante n'était pas imputable au service au motif " qu'il n'est pas possible de retenir un accident de travail au 14 décembre 2016 imputable au service alors que l'agent était absent de son travail depuis le 16 avril 2014 ". La commission de réforme s'est ainsi prononcée, quel que soit le bien-fondé de son appréciation, sur le refus d'imputabilité au service de cet accident déclaré par l'appelante le 5 mai 2017, qui comportait à l'appui de sa demande un certificat médical d'arrêt de travail établi par son médecin traitant le 30 janvier 2017. Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, aucune disposition de nature législative ou réglementaire n'imposait à la commission de réforme de saisir un médecin expert avant de se prononcer sur la demande de Mme A.... Enfin, il ressort des termes de la décision attaquée que le président du conseil départemental ne s'est pas estimé en situation de compétence liée par l'avis émis par la commission de réforme et s'est livré à sa propre appréciation de la situation de l'appelante. 7. En troisième lieu, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 8. Mme A... a été victime le 16 juin 2014 d'un accident lié à des troubles dépressifs en lien avec des difficultés relationnelles avec des collègues de travail, dont l'imputabilité au service a été reconnue par décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 14 décembre 2015. Le 30 janvier 2017, son médecin traitant a établi un certificat médical d'accident de travail initial, pour un accident daté du 14 décembre 2016, décrit comme un " burn out réactionnel aux relations conflictuelles avec l'employeur (...) avec retentissement dans la vie affective et sociale de tous les jours (...) ". Toutefois, l'existence de cet accident, qui est intervenu alors qu'elle avait été placée en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 31 août 2016, n'est confirmé par aucune autre pièce du dossier. En outre, Mme A... ne justifie par aucun document du lien direct entre cet accident et l'exercice de ses fonctions en produisant deux expertises antérieures à l'accident déclaré, une expertise du 8 février 2017 ne faisant pas état de cet accident ainsi que des certificats médicaux établis par son médecin traitant. Si ce dernier évoque le refus de son employeur de la convoquer au comité médical le 13 décembre 2016 et le 17 janvier 2017, il ne ressort cependant d'aucune pièce qu'une demande de l'appelante aurait pu être examinée lors de ces séances du comité médical. Par suite, Mme A... n'établit pas qu'elle aurait été victime d'un accident imputable au service le 14 décembre 2016. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision attaquée du président du conseil départemental de l'Hérault serait entachée d'une erreur de droit ou d'une inexacte appréciation de sa situation. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées. Sur les frais de l'instance : 10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros à verser au département de l'Hérault sur le fondement desdites dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Mme A... versera au département de l'Hérault une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 20TL02790 N° 20TL02790 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 31/05/2022, 19BX04357, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions de Pau d'annuler la décision du 18 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'aggravation des infirmités pensionnées de lombalgies post-traumatiques et d'hypoacousie bilatérale de perception et pour l'infirmité nouvelle d'acouphènes. Par un jugement du 22 août 2019, le tribunal a réformé la décision en portant à 20 % à compter du 1er juin 2016 le taux de l'infirmité de lombalgies post-traumatiques et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019 et un mémoire enregistré le 16 décembre 2021, M. A..., représenté par la SCP Tandonnet-Lipsos Lafaurie, demande à la cour : 1°) de lui donner acte de ce qu'il se désiste de sa demande relative aux acouphènes ; 2°) de réformer le jugement du tribunal des pensions de Pau en tant qu'il a rejeté sa demande relative à l'aggravation de l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception - perte de sélectivité 10 % " ; 3°) d'ordonner une expertise afin d'évaluer l'aggravation de cette infirmité à la date du 1er juin 2016. Il soutient que : - l'infirmité d'hypoacousie bilatérale est consécutive à un traumatisme sonore causé par l'explosion d'un moteur le 2 février 1987 ; la perte auditive s'est aggravée entre 1988 et 1991 alors qu'il était encore en service ; - l'expert mandaté par l'administration a relevé une aggravation de 10 % de l'hypoacousie bilatérale de perception ; - contrairement à ce que soutient la ministre des armées, les hypoacousies d'origine traumatique s'aggravent avec le temps ; - une expertise s'impose compte tenu de la discordance entre l'examen réalisé en 2015 et l'expertise réalisée en février 2018 qui retient une perte auditive moindre. - il se désiste de sa demande relative à l'infirmité nouvelle d'acouphènes. Par des mémoires en défense enregistrés le 10 décembre 2020 et le 31 janvier 2022, la ministre des armées conclut à ce qu'il soit donné acte du désistement relatif à l'infirmité d'acouphènes et au rejet du surplus des conclusions de la requête. Elle fait valoir que : - l'hypoacousie de 27,50 décibels à droite et 52 décibels à gauche relevée par l'audiogramme du 3 février 2018 correspond à un taux d'invalidité de 7 % et non de 10 % comme l'expert l'a retenu à tort, de sorte que l'aggravation n'ouvre pas droit à pension ; - la décision du 25 janvier 2011 prise sur une demande d'aggravation de l'hypoacousie bilatérale du 10 mai 2010 qui n'a pas été contestée est revêtue de l'autorité de la chose décidée en ce que la nouvelle baisse de l'acuité auditive, survenue postérieurement au service, est sans lien médical direct avec l'infirmité pensionnée ; - le bilan audiométrique réalisé le 2 novembre 2015, qui avait été réalisé à titre privé, fait apparaître des pertes auditives moyennes de 35 décibels à droite et 53,75 décibels à gauche selon le calcul indiqué par le guide-barème des invalidités militaires, et non de 45 et 62 comme l'indique M. A... ; ainsi, il n'y a pas eu d'aggravation, et il n'est pas nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., radié des contrôles de l'armée active le 12 octobre 1995 au grade de capitaine, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 20 % par arrêté du 24 octobre 1995, avec jouissance à compter du 1er février 1988, pour les infirmités " lombalgies post-traumatiques, lésions arthrosiques étagées du rachis lombaire et discret pincement L5-S1 " au taux de 10 % et " hypoacousie bilatérale de perception, perte de sélectivité de 10 % " au taux de 10 %. Le 1er juin 2016, il en a sollicité la révision pour aggravation des deux infirmités pensionnées et pour l'infirmité nouvelle d'acouphènes. Par une décision du 18 juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Pau. Il relève appel du jugement du 22 août 2019 par lequel le tribunal a seulement porté à 20 % à compter du 1er juin 2016 le taux de l'infirmité " lombalgies post-traumatiques, lésions arthrosiques étagées du rachis lombaire et discret pincement L5-S1 ", en tant qu'il a rejeté les conclusions relatives à l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception, perte de sélectivité de 10 % ". 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...). " Selon l'article L. 4 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...). " Enfin, l'article L. 29 dispose : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 3. La circonstance que, par une décision du 25 janvier 2011 qui n'a pas été contestée, le ministre de la défense a rejeté une précédente demande d'aggravation de l'hypoacousie au motif, notamment, que les connaissances médicales généralement admises reconnaîtraient le caractère stationnaire voire régressif des hypoacousies d'origine traumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées, ne saurait faire obstacle à ce que M. A... conteste la décision, qui a un objet différent, statuant sur son droit à majoration de la pension après la prise en compte d'éléments d'aggravation objectivés par une nouvelle expertise. Par suite, la ministre des armées ne peut utilement se prévaloir d'une " autorité de la chose décidée " de ce motif. 4. Le guide-barème des pensions militaires d'invalidité fixe les taux de l'invalidité entraînés par la diminution de l'acuité auditive dans un tableau à double entrée, lequel se lit comme une table de Pythagore et prévoit le calcul de la perte auditive moyenne " en établissant pour chaque oreille la moyenne pondérée des seuils aéro-tympaniques, exprimés en décibels au-dessus des seuils normaux, sur les trois fréquences 500, 1 000 et 2 000 Hz, le seuil sur la fréquence 1 000 Hz étant assorti d'un poids double. " La formule de calcul est la suivante : [(valeur à 500 Hz) + 2 x (valeur à 1 000 Hz) +(valeur à 2 000 Hz)] / 4. 5. La pension a été concédée au taux de 10 % à compter du 1er février 1988 pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception, perte de sélectivité de 10 % ", en lien avec une blessure reçue par le fait du service le 2 février 1987. Ce taux a été attribué au titre de la seule perte de sélectivité, un taux de 0 % ayant été retenu pour la perte auditive. Il résulte de l'instruction que cette dernière était de 12,5 décibels à droite et à gauche le 26 septembre 1988, de 22,5 décibels à droite et 28,75 à gauche le 18 janvier 1991 et de 26,25 décibels à droite et 38,75 à gauche le 28 septembre 2010, correspondant à cette dernière date à un taux de 2 % au tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive du guide-barème des pensions militaires d'invalidité. Comme le fait valoir la ministre des armées, la perte de 27,5 décibels à droite et 52 à gauche mesurée lors de l'expertise réalisée le 3 février 2018 dans le cadre de l'instruction de la demande du 1er juin 2016 est cotée à 7 % au guide-barème, et non à 10 % comme l'a retenu l'expert. Toutefois, les pertes auditives de 35 décibels à droite et 53,75 à gauche constatées lors d'un bilan audiométrique réalisé à titre privé le 2 novembre 2015 sont en contradiction avec les mesures de l'audiométrie réalisée le 3 février 2018, postérieurement à la date de la demande à laquelle l'expert devait se placer, et une nouvelle expertise ne permettrait pas d'évaluer l'infirmité à la date de la demande du 1er juin 2016. Les résultats des examens réalisés en 2015 et en 2018 ne diffèrent significativement qu'en ce qui concerne l'oreille droite. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir une perte d'au moins 30 décibels à droite et supérieure à 50 décibels à gauche, ce qui est coté à 15 % au guide-barème. Il ne résulte pas de l'instruction que la progression régulière de l'hypoacousie serait imputable à une cause étrangère à l'effet du vieillissement sur l'hypoacousie imputable au service. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Pau a rejeté sa demande relative à l'aggravation de l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception, perte de sélectivité de 10 % ". 6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le ministre des armées est tenu de faire droit à la demande de M. A... et de prendre en compte son hypoacousie au taux de 15 % en sus de la perte de sélectivité de 10 % déjà pensionnée. Par suite, il y a lieu de lui enjoindre de procéder à la liquidation des droits à pension correspondants dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Pau du 22 août 2019 et la décision de la ministre des armées du 18 juin 2018 sont annulés en tant qu'ils ont rejeté la demande de M. A... relative à l'aggravation de l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception, perte de sélectivité de 10 % ". Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension de M. A... en tenant compte de l'hypoacousie au taux de 15 %, en sus de la perte de sélectivité de 10 % déjà pensionnée, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2022. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04357
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 07/06/2022, 21TL02288, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de Lozère a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue durée et d'enjoindre à l'administration de procéder à la requalification de son congé de longue durée en congé de maladie professionnelle. Par un jugement n°1901870 du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 juin 2021, sous le n°21MA02288, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02288, Mme B... A..., représentée par la SELARL Heinrich avocats, agissant par Me Heinrich, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de Lozère a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue durée ; 3°) d'enjoindre à la direction départementale des finances publiques de la Lozère d'une part, de prendre une décision la plaçant en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 4 janvier 2016 et jusqu'à ce qu'elle soit en état de reprendre son service et d'autre part, de reconstituer ses droits en lui versant le surplus de rémunération dont elle a été privée, en reconstituant ses droits auprès des organismes de retraite et lui remboursant les honoraires médicaux et frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'aggravation importante de son état de santé est en lien avec l'épuisement professionnel engendré par ses fonctions au sein de la direction départementale des finances publiques de la Lozère, alors-même que la décompensation anxio-dépressive serait une rechute de troubles précédents de même nature ; - le stress induit par ses conditions de travail et son accident de trajet de 2013 sont à l'origine de l'aggravation de son état de santé. Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il entend se référer à ses écritures de première instance dont il produit une copie en appel. Par une ordonnance du 10 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., contrôleur des finances publiques affectée à la direction départementale des finances publiques de, a été placée en congé de longue durée à compter du 4 janvier 2016. Par une décision du 9 avril 2019, le directeur départemental des finances publiques de a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre. Mme A... relève appel du jugement du 13 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement: 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit :/ (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...)/ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ;/ (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il est constant que Mme A... a présenté au début de l'année 2012, avant d'exercer ses fonctions à la direction départementale des finances publiques de la Lozère, des troubles anxiodépressifs et des troubles fibromyalgiques reconnus le 20 janvier 2016 comme maladie professionnelle par le régime général de la sécurité sociale. Elle soutient que l'aggravation de son état de santé serait en relation directe avec les changements de poste qu'elle a connus depuis son affectation à la direction départementale des finances publiques de au mois de mai 2013, lesquels ont nécessité des efforts d'adaptation, la participation à de nombreuses formations, son affectation à mi-temps sur des fonctions d'agent commissionné et au sein du pôle recouvrement spécialisé, et plus généralement un manque de reconnaissance de sa hiérarchie au regard de ses efforts, du volume et de la qualité de son travail. 5. Pour justifier que la maladie dont elle souffre serait imputable au service, Mme A... produit des certificats médicaux qui attestent d'une décompensation anxio-dépressive importante dans un contexte d'épuisement professionnel et des conditions de travail qui ont pu favoriser l'aggravation de sa symptomatologie. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa charge de travail, dont le périmètre et les missions étaient répartis à 50% de son temps de travail sur des fonctions d'agent commissionné des finances publiques et à 50% de son temps de travail en tant qu'agent du pôle de recouvrement spécialisé, aurait été inadaptée ou aurait excédé les attributions qui pouvaient normalement lui être confiées. Le compte-rendu annuel d'entretien professionnel du 20 mars 2015 portant sur l'année 2014, rédigé par son supérieur hiérarchique, souligne effectivement que Mme A... a dû suivre des formations et qu'elle a déployé d'importants efforts pour prendre la mesure de ses nouveaux métiers. Il met également en avant la satisfaction du service devant l'investissement et la conscience professionnelle de Mme A..., de sorte que l'intéressée n'est pas fondée à invoquer un manque de reconnaissance de sa hiérarchie au regard de ses efforts, du volume et de la qualité de son travail. Mme A... y faisait part de son investissement afin de bénéficier de réductions d'ancienneté et de son absence de perspective de carrière en raison de son entrée tardive dans l'administration afin de justifier cette bonification, sans mentionner aucune surcharge ou difficulté particulière. Elle indiquait d'ailleurs poursuivre sa préparation pour présenter le concours d'inspecteur des finances publiques. Par ailleurs, si le travail de Mme A... donnait satisfaction, il ressort du rapport du 20 septembre 2018 du responsable du pôle recouvrement spécialisé que son pointillisme nuisait à l'efficacité de son travail. Enfin il est constant qu'à la suite d'une rupture du ligament faisant suite à un accident de trajet domicile-travail intervenu le 12 juin 2013, Mme A..., qui a subi le 3 février 2015 une intervention, a été placée en congé maladie du 3 février au 31 août 2015, puis en mi-temps thérapeutique du 1er septembre au 30 novembre et en congé ordinaire au mois de décembre 2015, de sorte que l'intéressée a été peu présente au cours de l'année 2015 précédant la période au cours de laquelle elle a été placée en congé de longue durée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la pathologie de Mme A... ou l'aggravation de celle préexistante n'était pas imputable au service. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022. La rapporteure, C. Arquié La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21TL02288
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 07/06/2022, 21TL02080, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 26 août 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension d'invalidité et d'ordonner une expertise médicale. Par un jugement n° 1905798 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 mai 2021 et le 8 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA02080, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02080, et un mémoire en réplique enregistré le 9 mars 2022, M. B..., représenté par Me Efang, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 26 août 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale ; 4°) de statuer sur les dépens. Il soutient que : - l'expertise a été rendue seize mois après sa demande de révision de sa pension d'invalidité ; le temps ainsi écoulé lui permettait de se faire suivre médicalement ; - aucun des praticiens consultés n'a attribué les douleurs aigües ressenties à son âge avancé ; - le pincement en L5-S1 ainsi que le basculement du bassin de 18 mm caractérisent l'aggravation de son infirmité justifiant la révision de sa pension d'invalidité ; - il a bien été victime d'un accident de service dû à une chute en juillet 1962. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 27 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2022. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 97-641 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 4 janvier 1936, qui a servi dans l'armée de terre du 25 mars 1954 au 24 mars 1981, a été victime d'un accident de service le 29 juin 1962 lors de la guerre d'Algérie. Il a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité révisée à compter du 18 février 2008, au taux global de 60%, au titre de l'infirmité " Lombosciatalgies chroniques gauches de type L5. Arthrodèse L4-L5 le 18 octobre 2005. Périmètre de marche limité à 500 mètres. Algies de la face antéro-externe du pied. Déficit des releveurs du pied gauche : 40% ", et au titre de l'infirmité " Troubles colitiques avec hémorroïdes, troubles du transit avec ballonnements et douleurs abdominales ; fréquentes poussées congestives hémorroïdaires avec diarrhée, hémorroïdectomie partielle : 25% + 5 ". Le 6 octobre 2017, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité principale. La ministre des armées a, par décision du 26 août 2019, rejeté sa demande au motif qu'aucune aggravation n'a été constatée après expertise médicale. Par jugement du 16 avril 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée " Selon l'article L. 121-5 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Enfin, l'article L. 154-1 du même code, alors en vigueur, dispose : " le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 3. En premier lieu, la circonstance que l'expertise a été rendue seize mois après le dépôt de la demande de révision présentée par M. B... est dépourvue d'incidence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors qu'aucune disposition alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne prescrit le délai dans lequel celle-ci doit être diligentée par la ministre des armées. 4. En second lieu, M. B..., dont l'infirmité principale résulte des conséquences d'une chute dont il a été victime le 29 juin 1962 pendant la guerre d'Algérie, soutient que le pincement en L5-S1 ainsi que le basculement du bassin de 18 mm au lieu de 12 mm constaté le 30 août 2006, caractérisent l'aggravation de son infirmité justifiant la révision de sa pension d'invalidité. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'expert a relevé l'absence de modification notable du tableau radio-clinique à l'issue d'un examen clinique et radiographique particulièrement complet, ce que ne viennent pas infirmer les pièces médicales produites qui ont été examinées par l'expert. Si l'appelant fait état de douleurs insoutenables, celles-ci ne viennent pas caractériser par elles-mêmes une aggravation de l'infirmité au sens des dispositions prévues à l'article L. 154-1 du code précité, ainsi que l'a relevé la commission de réforme dans son avis conforme rendu le 21 août 2019 précisant que les douleurs ne sont pas prises en compte dans le barème d'indemnisation sur le plan des séquelles fonctionnelles. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation de l'infirmité principale dont est atteint M. B... serait supérieure de 10 points au pourcentage antérieur qui lui a été concédé. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions demandant de statuer sur les dépens doivent dès lors en tout état de cause être également rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 21TL02080 N° 21TL02080 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/05/2022, 20DA01896, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son accident de service survenu le 1er septembre 2014 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1811912 du 30 septembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Bodelle, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi résultant des troubles dans ses conditions d'existence du fait de son accident de service survenu le 1er septembre 2014 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'accident survenu le 1er septembre 2014 est un accident de service de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat et ouvrant droit à la réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de cet accident ; - son accident lui a occasionné un syndrome de stress post traumatique sous la forme d'un syndrome anxiodépressif qui a été reconnu imputable au service ; elle subit des troubles dans ses conditions d'existence ainsi que des séquelles physiques ; ses préjudices doivent être indemnisés à hauteur de 50 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par ordonnance du 25 mars 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 11 avril 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, - et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A... épouse B... est gardien de la paix affectée à la direction départementale de la police aux frontières du depuis le 1er avril 2000. Le 1er septembre 2014, elle a été agressée physiquement par un usager, qui a forcé le passage du contrôle de sécurité et lui a porté des coups de poings au visage, en particulier à l'œil et à la bouche. Par un arrêté du 30 septembre 2014, cet accident a été reconnu imputable au service et, le même jour, Mme A... a été placée en arrêt de travail, renouvelé par période de six mois. Par une décision du 15 octobre 2014, la protection fonctionnelle lui a été accordée. Par un jugement du 12 février 2015, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a jugé l'usager en question coupable de faits de violence n'entraînant pas une incapacité supérieure à huit jours sur une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions et a ordonné la désignation d'un médecin-expert. Par un jugement du 25 mai 2018, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a condamné l'auteur des faits à verser une somme à Mme A... à titre de dommages-intérêts. Par un courrier du 21 décembre 2018, Mme A... a adressé au préfet de la zone de défense et de sécurité Nord une demande indemnitaire. Par un jugement du 30 septembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence du fait de cet accident de service. Mme A... relève appel de ce jugement. 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 3. Par un arrêté du 30 septembre 2014, l'accident de service survenu le 1er septembre 2014, dont Mme A... a été victime, a été reconnu imputable au service. Mme A... recherche la responsabilité sans faute de l'Etat afin d'obtenir réparation de préjudices personnels consistant en un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par ailleurs, par le jugement du 25 mai 2018 du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer mentionné au point 1, Mme A... a obtenu une indemnisation de 300 euros pour le préjudice esthétique temporaire, une indemnisation de 695 euros pour le préjudice fonctionnel temporaire, une indemnisation de 2 250 euros pour les souffrances endurées, une indemnisation de 2 540 euros pour le déficit fonctionnel permanent, une indemnisation de 750 euros pour le préjudice esthétique définitif et une indemnisation de 395,28 euros pour des frais divers soit la somme totale de 6 620,28 euros, pour des préjudices différents de ceux dont elle demande désormais la réparation. 4. Il résulte de l'instruction que depuis l'accident du travail dont elle a été victime Mme A... subit un stress post traumatique, reconnu par son psychiatre, qui se traduit par une vie " sans perspective " et recluse, la conduisant à mettre de côté sa vie privée et familiale. Ainsi, elle justifie d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence dont la réparation peut être évaluée à la somme de 1 000 euros. 5. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais de l'instance : 6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1811912 du 30 septembre 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... une somme de 1 000 euros. Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... E... B..., au ministre de l'intérieur et à la Mutuelle Interiale. Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - M. Denis Perrin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022. Le président-rapporteur, Signé : M. D... La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier 2 N° 20DA01896
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/06/2022, 21MA01513, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer le taux d'invalidité correspondant à l'infirmité dont il est atteint. Par un jugement n° 1911525 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 avril 2021, M. B... C..., représenté par Me Adrai-Lachkar, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 24 janvier 2019 de la ministre des armées ; 3°) de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles de traumatisme de l'épaule gauche chez un droitier dominées par une symptomatologie essentiellement douloureuse au niveau de l'articulation acromio-claviculaire et légère raideur ", au taux de 10% ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier faute de motivation ; - il n'a pas été convoqué devant la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité, et donc la procédure est viciée ; - il justifie d'une blessure qui entraine une invalidité d'au moins 10%. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, la ministre de la défense conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de M. B... C... sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C..., né le 10 mai 1986, s'est engagé dans la Légion étrangère le 11 août 2008 et a été radié des contrôles le 11 août 2019. Il a sollicité le 3 janvier 2017 une pension militaire d'invalidité pour des séquelles de traumatisme à l'épaule gauche. Il relève appel du jugement du 16 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille, qui rejette sa requête dirigée contre la décision du 24 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Sur la régularité de la procédure : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 3. D'une part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. 4. D'autre part, aux termes de l'article R. 151-12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'instruction médicale est achevée, le dossier est soumis pour avis à la commission consultative médicale dans les cas prévus par arrêté des ministres chargés des anciens combattants et victimes de guerre et du budget, ou lorsque l'un ou l'autre des services mentionnés à l'article R. 151-18 l'estime utile. ". Aux termes de l'article R. 151-12-1 du même code : " Une commission de réforme des pensions militaires d'invalidité est constituée pour le territoire métropolitain (...). ". Aux termes de l'article R. 151-13 du même code: " Dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article R. 151-12, le demandeur saisit la commission compétente dans un délai de quinze jours francs après la notification du constat provisoire des droits à pension, par lettre simple, le cachet de la poste faisant foi. Il précise s'il souhaite être entendu lors de l'examen de sa demande. S'il choisit d'être entendu, il est convoqué quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission de réforme par lettre simple. S'il ne se rend pas à cette convocation, il est convoqué à nouveau avec le même délai par lettre remise contre signature. S'il ne défère pas à cette seconde convocation, la commission statue sur pièces (...) ". Il résulte de ces dispositions que la convocation de l'intéressé qui en a fait la demande pour être entendu par la commission de réforme, constitue pour l'agent concerné une garantie visant à lui permettre de défendre son dossier. Par suite, la méconnaissance de cette garantie a pour effet de vicier la consultation de la commission de réforme. 5. Pour rejeter la demande de M. B... C..., la ministre des armées a relevé dans sa décision du 24 janvier 2019, après avis de la commission de réforme du 16 janvier 2019, que le taux d'invalidité de l'infirmité de l'intéressé est inférieur à 10%. 6. Il résulte de l'instruction, que sur son initiative, M. B... C... a été convoqué le 13 novembre 2018 devant la commission de réforme, et que l'intéressé n'a pas déféré à cette invitation, ce dont il s'est excusé par un mèl du 20 décembre 2018. La ministre des armées fait valoir que M. B... C... n'a pas été convoqué à la seconde séance du 16 janvier 2019 de cette commission, au motif que, par le même courriel, il a sollicité l'examen sur pièces de son dossier en prenant en compte le certificat médical établi le 6 août 2018. Toutefois, il résulte clairement des termes de ce mèl, que le requérant, qui ne maîtrise pas parfaitement la langue française, après avoir justifié de son absence, n'a en rien entendu renoncer à son droit à être convoqué lors de l'examen de son dossier par la commission de réforme. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que, faute d'avoir été convoqué lors de la séance du 16 janvier 2019 de cette commission, il a été effectivement privé de la garantie prévue par l'article R. 151-13 précité, et que la procédure d'édiction de la décision contestée du 24 janvier 2019, est viciée. 7. Sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, il résulte de ce qui précède, aucun autre moyen n'étant, par ailleurs, de nature à justifier l'annulation de la décision du 24 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée, que M B... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande contre la décision du 24 janvier 2019 de la ministre des armées. Sur le droit à pension de M. B... C... : 8. Le présent arrêt implique seulement le réexamen de la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder à ce réexamen, après avoir convoqué M. B... C... devant la commission de réforme, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... C... de la somme de 2 000 euros. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2021 qui rejette la requête de M. B... C..., et la décision du 24 janvier 2019 de la ministre des armées, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... C..., après l'avoir convoqué devant la commission de réforme, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. B... C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. D... B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022. N° 21MA015132
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 24/05/2022, 21MA00936, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... B... a demandé au tribunal des pensions militaire d'invalidité de Marseille, qui a transféré la requête au tribunal administratif de Marseille, d'annuler la décision du 14 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension en qualité de victime civile de la guerre et de lui allouer le bénéfice d'une telle pension. Par un jugement n° 1911524 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées du 14 mars 2019 et renvoyé M. B... devant la ministre des armées pour qu'il soit procédé à la détermination de son taux d'invalidité. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mars 2021 et le 4 juin 2021, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 janvier 2021. La ministre soutient que, en l'absence de tout document officiel l'attestant, M. B... n'établit pas que l'affection dont il se prévaut serait la conséquence d'un attentat ou d'un acte de violence en relation avec les évènements qui se sont déroulés en Algérie. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2021, M. B..., représenté par Me Jullien, conclut au rejet du recours de la ministre des armées. Il soutient qu'il a été victime d'un attentat le 4 mai 1962 à Mostaganem en Algérie et peut prétendre au bénéfice d'une pension d'invalidité à ce titre sur le fondement de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 septembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public ; - et les observations de Me Zeghmar, substituant Me Jullien, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 1er janvier 1946, a demandé le 29 mai 2018 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de guerre à raison d'un attentat à l'arme blanche dont il aurait été victime le 4 mai 1962, à Mostaganem, en Algérie. Cette demande a été rejetée par une décision de la ministre des armées du 14 mars 2019 au motif qu'il n'était pas établi que l'affection dont l'intéressé se prévaut serait la conséquence d'un attentat ou d'un acte de violence en relation avec les évènements qui se sont déroulés en Algérie. La ministre des armées relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 124-11 du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 113-6 relatif à la réparation des dommages physiques subis en relation avec la guerre d'Algérie, ouvrent droit à pension les infirmités ou le décès résultant : 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre ;(...) ". Enfin, aux termes de l'article L 124-20 du même code : " Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits prévus aux sections 1 et 2 du présent chapitre ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la personne qui s'estime victime civile de guerre, de faire la preuve, par tout moyen, de ses droits à pension en établissant notamment que les infirmités qu'elle invoque ont leur origine dans une blessure ou une maladie causée par l'un des faits de guerre énoncés aux articles L. 124-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 4. La ministre des armées ne conteste pas que M. B..., âgé de 16 ans au moment des faits, le 4 mai 1962, a été blessé à l'abdomen par coup de couteau et que subsiste aujourd'hui de cette blessure une cicatrice, comme il ressort du certificat médical du docteur C..., établi le 25 mars 2019. La décision attaquée du 14 mars 2019 a été prise au seul motif de l'absence de production de rapport contemporain tel que procès-verbal de gendarmerie ou rapport de police et / ou de témoignage ou article de presse relatant l'événement dont a été victime M. B..., permettant d'établir que la blessure en cause résulte d'un attentat. Toutefois, les dispositions citées au point 3 ne prévoient aucune pièce à la production de laquelle serait subordonnée l'établissement de la preuve de l'imputabilité des affections à des attentats ou tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie. Or, il résulte de l'instruction, et en particulier du certificat médical établi le 15 mai 1962 à Mostaganem par le docteur A... , chirurgien, document contemporain des faits en cause, que M. B... a été victime d'un attentat terroriste le 4 mai 1962 et qu'il a été admis le même jour au sein de la clinique médico-chirurgicale de la Salamandre située à Mostaganem, où il est resté hospitalisé jusqu'au 11 mai 1962, comme en atteste une facture émise par cet établissement, après avoir été opéré en urgence pour une plaie à l'abdomen et une déchirure du foie. La circonstance que M. B... ne produise pas, en complément de la demande d'indemnisation des victimes des " événements d'Algérie " initiée par la mère de l'intéressé le 8 mai 1962, mentionnant un " coup de couteau au foie ", un " rapport de gendarmerie, de police ou du chef de commune " ne permet pas de remettre utilement en cause les éléments médicaux contemporains de l'événement, qu'il verse au dossier. Ce dernier établit bien ainsi que les blessures qu'il a subies sont imputables à un attentat en relation avec la guerre d'Algérie. 5. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 14 mars 2019, refusant à M. B... le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre. DECIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. E... B... et à Me Jullien. Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022. N° 21MA009362
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 24/05/2022, 21MA04761, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions de Marseille de réformer l'arrêté du 23 octobre 2017 lui concédant une pension militaire d'invalidité au taux de 55 % en tant que cet arrêté a rejeté sa demande de révision pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'entorses de la cheville droite traitées chirurgicalement ". Par un jugement n° 17/00145 du 13 septembre 2018, le tribunal des pensions de Marseille a accordé à M. C... une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite traitées chirurgicalement " au taux de 20 % dont 15 % imputable au service. Par un arrêt n° 19MA05050 du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la ministre des armées, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. C.... Par une décision n° 442111 du 10 décembre 2021, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de M. C..., annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 26 octobre 2018 et le 12 juillet 2019, et des mémoires enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille les 10 février et 5 mars 2020, et les 25 février et 19 avril 2022, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 13 septembre 2018 ; 2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal des pensions de Marseille. La ministre soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - si l'imputabilité au service de la blessure constatée le 1er septembre 2014 peut être admise, le taux de l'infirmité en résultant est de 5 % seulement ; - les autres blessures constatées ne peuvent être reconnues imputables au service ni par preuve, ni par présomption, en particulier celle non précisément datée de 2008. Par des mémoires en défense, enregistrés au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 23 avril 2019, et au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille les 2 janvier et 13 février 2020 et les 10 mars et 14 avril 2022, M. C..., représenté par Me Paolantonacci, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, subsidiairement à ce que soit ordonnée la production du livret médical réduit établi lors de son séjour à Djibouti du 19 au 22 octobre 2008 ainsi que du feuillet 7 recto-verso du livret médical d'origine. Par ordonnance du 6 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2022, à 12 heures. Un mémoire enregistré le 28 avril 2022 a été produit pour M. C.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le protocole provisoire du 27 juin 1977 fixant les conditions de stationnement des forces françaises sur le territoire de la République de Djibouti après l'indépendance et les principes de la coopération militaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 23 octobre 2017, une pension militaire d'invalidité au taux de 55 % a été concédée à M. C..., militaire engagé dans la Légion étrangère depuis le 28 avril 2004 avant d'être rayé des contrôles le 18 juillet 2015, au titre, d'une part, de la révision pour aggravation de l'infirmité " séquelles d'entorses de la cheville gauche traitées chirurgicalement " déjà pensionnée, d'autre part, du renouvellement de l'ensemble de ses infirmités. L'intéressé a demandé au tribunal des pensions de Marseille de réformer cet arrêté en tant qu'il a refusé sa demande de révision pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'entorses de la cheville droite traitées chirurgicalement ". Par arrêt du 16 juin 2020, rendu sur appel de la ministre des armées, la Cour a annulé le jugement du 13 septembre 2018 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a accordé à M. C... la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité nouvelle, en fixant le taux de celle-ci à 20 %, dont 15 % imputable au service, et a rejeté sa demande. Mais, par décision du 10 décembre 2021, le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de M. C..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Pour accorder à M. C..., par le jugement attaqué, une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité, au taux de 20 %, dont 15 % imputable au service, le tribunal des pensions de Marseille a relevé, au visa des dispositions de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, que l'accident de service dont l'intéressé avait été victime le 1er septembre 2014 était survenu sur une cheville fragilisée et que si l'entorse de la cheville droite constatée le 19 décembre 2007 ne pouvait être reconnue imputable au service, une entorse similaire avait été constatée le 3 juin 2008 alors que, d'une part, M. C... participait alors à une opération extérieure à Djibouti, et que d'autre part, l'administration ne rapportait pas la preuve que cette blessure était sans lien avec le service. Si, ce faisant, le tribunal a précisé les faits qu'il a estimés comme imputables au service ainsi que le régime de preuve de cette imputabilité qu'il a retenu à cette fin, il n'a pas indiqué les éléments permettant de justifier le pourcentage attribué à chacune des deux infirmités ainsi pensionnées au taux global de 15 % et n'a donc pas suffisamment motivé sa décision. Le jugement attaqué doit ainsi être annulé. 3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer sur la demande de M. C.... Sur les droits à pension de M. C... : 4. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la constatation de l'infirmité invoquée par M. C...: " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". L'article D. 1 du même code, également applicable à cette date, précise que : " Sont considérées comme missions opérationnelles, au sens des dispositions du 4° de l'article L. 2, les missions suivantes : / a) Les opérations extérieures conduites sous la responsabilité de l'état-major des armées quelle que soit leur nature et les missions effectuées à l'étranger au titre d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales conformément aux obligations et engagements internationaux de la France (...) ". 5. Par application des dispositions législatives et réglementaires citées au point précédent, les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents entre le début et la fin d'une mission opérationnelle sont susceptibles d'ouvrir droit à pension au bénéfice des militaires qui y ont participé. Si ceux-ci n'ont pas à justifier de l'existence d'un lien direct et certain entre les troubles qu'ils invoquent et un fait précis ou des circonstances particulières de service, il leur revient d'établir l'existence d'un accident survenu au cours d'une mission opérationnelle, ayant provoqué l'infirmité à pensionner. Cette preuve peut être rapportée par tous moyens. 6. Il résulte de l'instruction que, pour rejeter la demande de révision présentée par M. C... le 6 février 2015 pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'entorses de la cheville droite traitées chirurgicalement ", la ministre des armées, conformément à l'avis du médecin chargé des pensions du 16 mars 2017, a considéré que, sur le taux global de cette infirmité évalué à 20 %, le taux non imputable devait être fixé à 15 %, le taux imputable de 5 % seulement étant inférieur au minimum indemnisable de 10 % exigé par l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Dans son avis du 16 mars 2017, le médecin chargé des pensions, sur étude du dossier médical de M. C..., a estimé que la blessure survenue en service le 1er septembre 2014 concernait une cheville aux multiples antécédents d'entorses et ayant bénéficié d'une ligamentoplastie et que seule cette dernière entorse était éligible à un taux d'invalidité, imputable au service, évalué à 5%. 7. D'une part, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision de cassation, la présence militaire française à Djibouti, notamment lors de l'affectation temporaire de M. C... entre le 19 juin et le 22 octobre 2008 au titre d'une mission de renfort temporaire à l'étranger, qui résultait de la mise en œuvre du protocole provisoire du 27 juin 1977 fixant les conditions de stationnement des forces françaises conclu entre la France et la République de Djibouti, constituait une mission opérationnelle au sens du a) de l'article D. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents entre le début et la fin de cette mission étaient en conséquence susceptibles d'ouvrir droit à pension, en vertu du 4°) de l'article L. 2 du même code, au bénéfice des militaires qui y participaient. Sur le fondement de ces dispositions, et non pas des dispositions de l'article L. 3 du même code, faute pour les arrêtés interministériels pris en application de l'article L. 4123-4 du code de la défense d'avoir inscrit, au titre de cette période, une opération extérieure menée sur ce territoire au nombre des opérations seules susceptibles d'y ouvrir droit, pour les militaires y participant, M. C... est donc susceptible de bénéficier de la présomption d'imputabilité au service des blessures qu'il aurait reçues par suite d'accidents survenus entre le début et la fin de cette mission, pourvu que la ministre des armées n'établisse pas que ces accidents auraient pour cause la faute de la victime, détachable du service. 8. Certes, comme l'affirme la ministre, il ne résulte pas de l'instruction que l'entorse à la cheville droite dont M. C... aurait été victime à la suite d'une course à pied et qu'il date de sa période d'affectation à Djibouti, aurait donné lieu à une mention au registre des constatations, des blessures et maladies, ou à l'établissement d'un rapport circonstancié. Mais M. C... se prévaut à ce titre de son livret médical indiquant qu'il a été reçu en consultation pour une entorse de la cheville droite qui serait survenue le matin même lors d'un footing et qui précise qu'il s'agit de la sixième entorse de cette cheville. S'il est constant que les mentions de ce document retranscrivent ses propres déclarations, il n'est pas moins constant que cette pièce, dont la ministre n'a pu produire l'original au dossier d'instance, malgré une mesure d'instruction en ce sens, résulte de l'insertion du livret médical réduit, établi au cours de cette mission, au livret médical général du militaire. Dans la marge gauche du feuillet de ce livret, compris entre le feuillet 7 et le feuillet 9 mais ne comportant pas de numéro, il est mentionné, concernant cet accident, une date du mois de juin 2008, illisible en son jour, qui rend par elle-même impossible son rattachement certain à la période d'affectation du militaire en mission opérationnelle. Néanmoins, même si aucune des autres indications du livret, relatives aux cachet, signature et identité des médecins militaires, n'est de nature à combler ces lacunes, il n'est pas contesté que les mentions de l'accident de juin 2008 ont été apposées sur la partie réduite du livret médical de M. C..., laquelle a été établie lors de la mission opérationnelle à Djibouti. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la ministre qui n'allègue pas la faute de la victime, détachable du service, et qui, dans le dernier état de ses écritures, admet que, dans son précédent arrêt, " la Cour avait estimé sans être contredite que cet événement devait être regardé comme survenu au cours de la période du 19 juin au 22 octobre 2018 ", M. C... justifie suffisamment de l'existence d'un accident survenu au cours d'une mission opérationnelle ayant provoqué l'infirmité à pensionner et peut ainsi prétendre au bénéfice des dispositions du 4° de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité. 9. D'autre part, l'expert missionné par l'administration, après avoir relevé à l'examen de M. C..., le 1er décembre 2016, des douleurs, une raideur de la cheville et une légère instabilité, a estimé à 20 % le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite traitées chirurgicalement ". L'administration ne conteste ni ce taux global, ni l'imputabilité au service de l'accident dont M. C... a été victime le 1er septembre 2014 en descendant d'un camion, qui est à l'origine d'une nouvelle entorse à la cheville droite, ni le taux d'invalidité de 5% qui lui a été attribué en propre par l'expert. Il résulte en outre des motifs énoncés aux points 7 et 8 que l'entorse de la cheville droite dont ce militaire a été victime en 2008, pour la sixième fois, peut être rattachée à un accident imputable au service. Si son livret médical relève l'absence d'impotence fonctionnelle en résultant, il qualifie cette cheville d'instable le 18 février 2013 et mentionne l'intervention d'une ligamentoplastie le 31 mai 2013, le compte-rendu d'hospitalisation notant une hyperlaxité de la cheville à l'examen préalable. En outre, l'arthroscanner des deux chevilles, réalisé le 26 juillet 2012, a révélé des " témoignages de rupture complète des faisceaux talo-fibulaires antérieurs et calcanéo-fibulaires " ainsi que " l'aspect remanié d'allure cicatricielle sans signe de rupture complète du faisceau talo-fibulaires postérieur ". Alors même qu'aucune déficience au niveau des membres inférieurs n'avait été identifiée au moment de l'incorporation de M. C... dans les rangs de la Légion étrangère, eu égard à la gravité de l'état antérieur aux accidents de juin 2008 et du 1er septembre 2014 et compte tenu des indications du guide-barème, le taux d'invalidité résultant de l'aggravation par le fait du service des séquelles d'entorses de la cheville droite, antérieures et étrangères au service, peut être fixé à 10 %, qui est le taux prévu à l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à partir duquel sont prises en considération les infirmités. Il suit de là que M. C... peut obtenir l'ouverture d'un droit à pension au titre de cette aggravation, à compter du 6 février 2015, et qu'il est fondé à demander dans cette mesure l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 en tant qu'il ne lui concède une pension militaire d'invalidité qu'au taux de 55 %. Sur les frais liés au litige : 10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 17/00145 du 13 septembre 2018 du tribunal des pensions de Marseille est annulé. Article 2 : M. C... a droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité, au titre de l'infirmité nouvelle " séquelles d'entorses de la cheville droite traitées chirurgicalement ", au taux de 10 %, à compter du 6 février 2015. Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022. N° 21MA047612
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 24/05/2022, 21PA00841, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal, à la condamnation de l'établissement public de santé groupe hospitalier intercommunal Le F... à lui payer la somme de 1 075 314,12 euros, quitte à parfaire, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'établissement public de santé groupe hospitalier intercommunal Le F... à lui payer, sur le fondement de la responsabilité sans faute, la somme de 822 410,12 euros, quitte à parfaire, à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de l'établissement public de santé groupe hospitalier intercommunal Le F... à lui payer la somme de 444 768,24 euros, quitte à parfaire, outre des conclusions tendant à ce qu'une expertise médicale soit diligentée avant dire droit et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1813633 du 18 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir mis hors de la cause la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne, a condamné le groupe hospitalier intercommunal du F... à verser à Mme C... la somme de 345 017,84 euros au titre des préjudices subis du fait de la faute commise par le groupe hospitalier, ainsi que, pour la période postérieure au jugement, une rente annuelle de 18 746 euros au titre de l'assistance par tierce personne, a mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire, enregistrée le 18 février 2021, un mémoire ampliatif enregistré le 9 mars 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 16 août 2021, le groupe hospitalier intercommunal du F..., représenté par Me Le Prado, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme C... ; 2°) de ramener sa condamnation indemnitaire à de plus justes proportions. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ; - c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser la somme de 200 000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent alors que l'état de santé de Mme C... n'était pas consolidé à la date du jugement ; - c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser la somme de 2 000 euros au titre du lit médicalisé, la facture correspondante n'étant pas produite ; - l'appel incident des consorts C... est infondé. Par des mémoires en défense et aux fins d'appel incident, enregistrés les 8 juillet et 28 octobre 2021, M. B... C... et Mme D... C..., représentés par Me Simhon, héritiers de Mme C..., décédée le 29 décembre 2020, concluent, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, dans le dernier état de leurs écritures, à ce que la condamnation indemnitaire du groupe hospitalier soit portée à la somme de 560 442 euros. Ils demandent, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du groupe hospitalier intercommunal du F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les moyens soulevés par le GHI du F... sont infondés ; - ils sont fondés à demander une majoration au titre de l'assistance par une tierce personne, le taux horaire de 13 euros étant sous-évalué et devant être porté à 18 euros, soit une somme globale de 164 493 euros ; - ils sont fondés à solliciter une somme supplémentaire de 17 766 euros pour les frais de logement adapté s'agissant de la douche à l'italienne ; - ils sont fondés à solliciter la somme de 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 4 100 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 76 263 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire. Par une ordonnance du 4 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2021 à 12 heures. Par une communication faite aux parties le 26 avril 2022, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la Cour a informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions incidentes tendant à l'allocation d'une somme de 17 766 euros au titre des frais de logement adapté. Le GHI du F... et les consorts C... ont répondu à cette communication par des mémoires enregistrés respectivement le 29 avril 2022 et le 2 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A... ; - les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique, - et les observations Me Lerat-Gersant substituant Me Simhon pour les Consorts C... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., fonctionnaire hospitalier, cadre de santé, a été affectée au cours des années 1988 à 2001 au service de radiothérapie au sein du groupe hospitalier intercommunal du F..., où, dans le cadre de ses fonctions, elle a régulièrement manipulé du cadmium. En septembre 2014, un adénocarcinome lui a été diagnostiqué et sa maladie, en lien avec une intoxication au cadmium, a été reconnue imputable au service, par une décision du directeur de l'établissement de santé de rattachement le 12 septembre 2017. Elle a été placée en congé de longue durée, en conservant l'intégralité de son traitement. Elle a présenté au groupe hospitalier intercommunal le F... une demande indemnitaire préalable, signifiée par acte d'huissier de justice le 30 octobre 2018, qui a été implicitement rejetée. Mme C... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal, à la condamnation de l'établissement public de santé groupe hospitalier intercommunal le F... à lui payer la somme de 1 075 314,12 euros, quitte à parfaire, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'établissement public de santé groupe hospitalier intercommunal ( GHI) du F... à lui payer, sur le fondement de la responsabilité sans faute, la somme de 822 410,12 euros, quitte à parfaire, à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de l'établissement public de santé groupe hospitalier intercommunal du F... à lui payer la somme de 444 768,24 euros, quitte à parfaire. Par un jugement du 18 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné le GHI du F... à verser à Mme C... la somme de 345 017,84 euros au titre des préjudices subis du fait de la faute commise par le groupe hospitalier, ainsi que, pour la période postérieure au jugement, une rente annuelle de 18 746 euros au titre de l'assistance par tierce personne. Le GHI du F... relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme C... en demandant que la condamnation indemnitaire soit " ramenée à de plus justes proportions ", critiquant d'une part l'octroi de la somme de 200 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent et la somme de 2 000 euros au titre des frais de logement adapté. Mme C... étant décédée le 29 décembre 2020, ses héritiers, par la voie de l'appel incident, demandent la réformation du jugement, la condamnation indemnitaire du groupe hospitalier devant être portée à la somme de 560 442 euros. Sur les conclusions du GHI du F... : Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens de la requête de Mme C.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le principe de la responsabilité : 3. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 4. Le GHI du F... ne conteste pas en appel l'existence d'une faute de service engageant sa responsabilité. En ce qui concerne les préjudices : S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 5. Faute de consolidation possible de l'état de santé de Mme C..., celle-ci ne pouvait prétendre à la réparation du préjudice qu'elle invoquait au titre du déficit fonctionnel permanent. Toutefois, dans le cas d'une pathologie évolutive insusceptible d'amélioration, l'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soit mise à la charge du responsable du dommage la réparation des préjudices matériels et personnels dont il est d'ores et déjà certain qu'ils devront être subis à l'avenir. Mais, en tout état de cause, dans les circonstances de l'espèce, le décès de l'intéressée, le 29 décembre 2020, soit onze jours seulement après le jugement attaqué, fait obstacle à une condamnation indemnitaire au titre du déficit fonctionnel permanent. Le GHI du F... est donc fondé à demander que sa condamnation indemnitaire soit diminuée de la somme de 200 000 euros allouée par le tribunal à ce titre. S'agissant des frais de logement adapté : 6. Le GHI du F... est fondé à soutenir que faute de production de la facture, c'est à tort que le tribunal a alloué la somme de 2 000 euros au titre du lit médicalisé. 7. Il résulte de tout ce qui précède que le GHI du Raincy Montfermeil est fondé à demander que sa condamnation indemnitaire soit diminuée d'une somme de 202 000 euros. Sur l'appel incident : 8. En premier lieu, compte tenu notamment de la gravité de l'état de santé de Mme C..., ses héritiers sont fondés à soutenir que le taux horaire de la tierce personne doit être évalué à 18 euros et non 13 euros. Compte tenu des calculs précis des intimés non contestés par le GHI, sur l'ensemble de la période litigieuse, il convient de condamner le groupe hospitalier intercommunal à verser la somme totale de 164 493 euros, au lieu des sommes additionnées de 54 452,84 euros pour la période comprise entre septembre 2014 et octobre 2019, et de 19 565 euros pour la période du 1er novembre 2019 au 29 décembre 2020, soit 74 018 euros. Les intimés sont donc fondés à demander une somme supplémentaire de 90 475 euros au titre de l'assistance par une tierce personne. 9. En deuxième lieu, les consorts C... sollicitent une somme supplémentaire de 17 766 euros pour les frais de logement adapté s'agissant de la réfection de la salle de bains, comprenant notamment une douche à l'italienne. D'une part, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance. Or, tel est bien le cas en l'espèce puisque les conclusions incidentes en appel limitent la somme sollicitée à 560 422 euros dans le dernier état des écritures, alors que la demande de première instance portait sur 1 075 314,12 euros. D'autre part, les intimés ont produit les factures correspondantes en appel et le GHI n'a contesté ni le principe ni le montant de ces frais de logement adapté. Les consorts C... sont donc fondés à demander l'allocation d'une somme supplémentaire de 17 766 euros à ce titre. 10. En dernier lieu, les consorts C... ne sont, en revanche, pas fondés à soutenir que les premiers juges, d'une part, n'ont pas fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire et permanent en l'évaluant à la somme globale de 10 000 euros, d'autre part, n'ont pas fait une juste appréciation du préjudice d'agrément en l'évaluant à la somme de 2 000 euros, enfin, n'ont pas fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire de septembre 2014 à la date du décès en l'évaluant à la somme de 30 000 euros. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les intimés sont seulement fondés à demander une somme supplémentaire de 90 475 euros au titre de l'assistance par une tierce personne et une somme supplémentaire de 17 766 euros au titre des frais de logement adapté. Le surplus de leurs conclusions incidentes doit être rejeté. 12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la condamnation indemnitaire du GHI du F..., minorée de 202 000 euros ainsi qu'il a été dit au point 7, et majorée de 108 241 euros ans qu'il a été dit au point 11, doit être diminuée de 93 759 euros et donc ramenée à 251 258,84 euros. Sur les conclusions des consorts C... au titre de l'article L. 761-1 du CJA : 13. Les dispositions susvisées font obstacle à ce que le GHI du F..., qui est partie gagnante pour l'essentiel dans la présente instance, verse une somme au titre des frais exposés par les consorts C... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La condamnation indemnitaire du groupe hospitalier intercommunal du F..., telle que modifiée selon les motifs du présent arrêt, est minorée pour être ramenée de la somme de 345 017,84 euros à la somme de 251 258, 84 euros. Article 2 : Le jugement n° 1813633 du 18 décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des consorts C... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier intercommunal du F... et aux consorts C.... Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne. Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient : - M. Célérier, président de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022. Le rapporteur, D. PAGES Le président, T. CELERIER La greffière, K. PETIT La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA00841
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 24/05/2022, 19BX04873, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par trois requêtes distinctes, M. A... E... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté n° 18-439 du 31 août 2018 par lequel le préfet de la région Guadeloupe a retiré l'arrêté du 7 mai 2018 portant radiation des cadres à compter du 1er avril 2017, d'annuler l'arrêté n° 18-440 du 31 août 2018 par lequel le préfet de la région Guadeloupe l'a radié des cadres à compter du 1er avril 2017, d'annuler l'arrêté n° 18-474 du 3 octobre 2018 modifiant l'article 1er de l'arrêté n° 18-440 du 31 août 2018 en tant que cet arrêté indiquait qu'il avait le grade d'adjoint administratif principal de 2ème classe et était classé au 8ème échelon de ce grade, enfin de condamner l'Etat à lui verser trois sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par un jugement n°1801046-1801047-1801148 du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ces demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019 et un mémoire enregistré les 12 octobre 2020, M. E..., représenté par Me Durimel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 8 octobre 2019; 2°) d'annuler l'arrêté n° 18-439 du 31 août 2018 par lequel le préfet de la région Guadeloupe a retiré l'arrêté du 7 mai 2018 portant radiation des cadres à compter du 1er avril 2017, d'annuler l'arrêté ° 18-440 du 31 août 2018 par lequel le préfet de la région Guadeloupe l'a radié des cadres à compter du 1er avril 2017, d'annuler l'arrêté n° 18-474 du 3 octobre 2018 modifiant l'article 1er de l'arrêté n° 18-440 du 31 août 2018 en tant que cet arrêté indiquait qu'il avait le grade d'adjoint administratif de 2ème classe et était classé au 8ème échelon de ce grade ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé ces décisions ; 4°) d'enjoindre à l'administration de prendre un nouvel arrêté le rétablissant dans ses droits et comportant la mention du grade et de l'indice de majoration fixé par l'arrêté du 7 mai 2018, dans les plus brefs délais à compter de la notification de la décision à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - La qualité de l'auteur des écritures présentées en défense n'est pas établie ; - Il a lié le contentieux indemnitaire en cours d'instance ; - Les arrêtés litigieux sont insuffisamment motivés ; - Ces arrêtés ont été établis en méconnaissance du principe du contradictoire ainsi que des articles 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - La base indiciaire mentionnée sur ces arrêtés est erronée ; - Sa situation n'ayant pas été régularisée, il se trouve privé de tout revenu. Par un mémoire enregistré le 15 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 2008-836 du 22 août 2008 ; - le décret n° 2016-589 du 11 mai 2016 ; - le code de justice administrative. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. E..., agent de la préfecture de la Guadeloupe depuis le 1er avril 1997, a été placé en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er janvier 2011, alors qu'il était rémunéré à l'échelle 4 et classé au 10ème échelon du grade d'adjoint administratif de 1ère classe de l'intérieur et de l'outre-mer. Le 22 mars 2016, il a sollicité sa réintégration. Toutefois, le 13 octobre 2016, le comité médical départemental a rendu un avis défavorable sur son aptitude à reprendre le service et a proposé sa mise à la retraite pour invalidité. Par un arrêté du 21 novembre 2016, M. E... a été maintenu en disponibilité du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017. Il a sollicité le 1er mars 2018 sa mise en retraite pour invalidité et a été radié des cadres à compter du 1er avril 2017 par un arrêté du préfet de la Guadeloupe du 7 mai 2018. Cet arrêté a toutefois été retiré, pour erreur matérielle, par un arrêté n° 18-439 du 31 août 2018. Un nouvel arrêté préfectoral n° 18-440 du même jour l'a, à nouveau, radié des cadres à compter du 1er avril 2017 en précisant qu'il était classé à l'indice brut 389 (indice majoré 356). Enfin, cet arrêté a été modifié par un arrêté n° 18-474 du 3 octobre 2018, qui classe M. E... au grade d'adjoint administratif de 1ère classe, au 10ème échelon et aux indices brut 389 et majoré 356. M. E... relève appel du jugement du 8 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 31 août et 3 octobre 2018 et à ce l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice que lui ont causé ces arrêtés. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Lorsqu'un requérant a introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration et qu'il forme, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, cette décision lie le contentieux. La demande indemnitaire est recevable, que le requérant ait ou non présenté des conclusions additionnelles explicites contre cette décision, et alors même que le mémoire en défense de l'administration aurait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable, cette dernière circonstance faisant seulement obstacle à ce que la décision liant le contentieux naisse de ce mémoire lui-même. 3. En l'occurrence, il résulte de l'instruction que, le 2 mai 2019, postérieurement à l'introduction de sa requête devant le tribunal administratif de la Guadeloupe, le conseil de l'appelant a adressé au préfet de la Guadeloupe, en recommandé avec accusé de réception, une réclamation en vue de la régularisation de sa demande contentieuse. Par suite, M. E... devant être regardé comme ayant lié le contentieux avant que le tribunal ne statue sur ses demandes indemnitaires, il est fondé à soutenir que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions aux mêmes fins. 4. Il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, de statuer, par voie d'évocation, sur les conclusions indemnitaires présentées par M. E... et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions qu'il a présentées devant le tribunal administratif de la Guadeloupe. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, par une décision du 6 décembre 2017 portant délégation de signature et publiée au Journal officiel le 10 décembre suivant, délégation a été donnée à M. B... D..., chef du bureau du contentieux statutaire et de la protection juridique des fonctionnaires, à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, notamment les recours et mémoires en défense devant les juridictions, à l'exception de ceux qui sont présentés devant le Tribunal des conflits et le Conseil d'Etat. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le signataire du mémoire en défense produit au nom du ministre de l'intérieur n'était pas compétent pour le signer ni, par voie de conséquence, que la cour ne doit pas tenir compte de ce mémoire. 6. En deuxième lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que les arrêtés litigieux seraient insuffisamment motivés et qu'ils auraient été établis en méconnaissance de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, désormais codifié à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges. 7. En troisième lieu, l'appelant ne peut utilement soutenir que les arrêtés litigieux ont été établis en méconnaissance du principe du contradictoire tel qu'il résulte des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que ces dispositions imposent seulement à l'administration de mettre la personne intéressée à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales avant l'intervention d'une décision défavorable au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du même code alors que les arrêtés litigieux, retirant un arrêté entaché d'illégalité et portant radiation des cadres à la demande de l'intéressé, ne constituent pas des décisions défavorables au sens de ce dernier article. 8. En quatrième lieu, M. E... soutient que l'arrêté n°18-440 du 31 août 2018 indique à tort qu'il avait le grade d'adjoint administratif de 2ème classe classé au 8ème échelon de ce grade et indique également à tort que cet échelon correspond à l'indice brut 389 et à l'indice majoré 356. 9. Toutefois, cet arrêté a été modifié, dans le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, par l'arrêté n° 18-474 du 3 octobre 2018 lequel rectifie son grade et son échelon. 10. En outre, il ressort des dispositions du décret n° 2008-836 du 22 août 2008 dans sa version issue du décret n° 2016-589 du 11 mai 2016 que ce grade et cet échelon rectifiés correspondent effectivement aux indices brut (389) et majoré (356) qu'il mentionne alors, en tout état de cause, qu'en application des dispositions de l'article R. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite les énonciation de l'acte de radiation des cadres " ne peuvent préjuger, ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession. ". 11. Par ailleurs, l'appelant, placé dans une situation réglementaire et statuaire, ne peut pas utilement se prévaloir de l'erreur purement matérielle dont est entaché l'arrêté du 21 novembre 2016 le maintenant en disponibilité pour convenances personnelles et faisant état d'un indice brut de 409, bien que cet arrêté soit devenu définitif, dès lors que cet arrêté n'avait pas pour objet et n'a pas pu avoir pour effet de modifier son échelonnement indiciaire. 12. Enfin, M. E... ne peut pas utilement soutenir, à l'encontre de l'arrêté le radiant des cadres, que le calcul de sa pension ne tiendrait pas compte de son infirmité et du fait qu'il est le père de quatre enfants. 13. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés n°18-439, 18-440 et 18-474. Sur les conclusions indemnitaires : 14. Il résulte également de ce qui précède que l'appelant n'est fondé à soutenir ni qu'il aurait dû bénéficier d'un indice brut fixé à 430 et d'un indice majoré fixé à 380 ni que l'erreur matérielle contenue dans l'arrêté n°18-440 du 31 août 2018 lui aurait causé un quelconque préjudice en se bornant à soutenir que sa situation administrative n'étant pas régularisée, il ne perçoit toujours aucune pension de retraite alors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que cette erreur matérielle a été rectifiée dès le 3 octobre suivant. 15. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que l'appelant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés n°18-439, 18-440 et 18-474, d'autre part, que les conclusions indemnitaires qu'il a présentées devant le tribunal administratif de la Guadeloupe doivent être rejetées. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Guadeloupe de prendre un nouvel arrêté ainsi que les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice qu'il a présentées devant le tribunal administratif doivent être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 8 octobre 2019 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. E... comme irrecevables. Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. E... devant le tribunal administratif et celles présentées devant la cour sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 2 mai 2022 à laquelle siégeaient : M. Didier Artus, président, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022. Le rapporteur, Manuel C... Le président, Didier ArtusLa greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°19BX04873 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux