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CAA de PARIS, 8ème chambre, 06/12/2021, 19PA03676, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 5 octobre 2012 rejetant sa demande du 16 novembre 2011 de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " et la prise en compte d'infirmités nouvelles " nouvelle baisse de l'hypoacousie droite (...) " et " hypoacousie droite (...) ". Par jugement n° 13/00010 du 23 mars 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 5 octobre 2012 du ministre de la défense en tant qu'elle n'avait pas reconnu une aggravation de l'infirmité " acouphènes (...) " et lui a accordé un taux d'invalidité de 20 %. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête et un mémoire complémentaire présentés par la ministre des armées enregistrés à son greffe les 25 mai 2018 et 5 avril 2019 et le mémoire en défense et en appel incident présenté par M. D... enregistré à son greffe le 24 août 2019. Par cette requête et ce mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 19PA03676 le 1er novembre 2019, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement n° 13/00010 du 23 mars 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne fait aucune mention des textes dont il fait application s'agissant de l'aggravation ; - les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (ancien article L. 29) en retenant l'aggravation de l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " ; - les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (ancien article L. 6) en retenant une aggravation postérieure à la demande de révision. Par des mémoires en défense et en appel incident enregistrés au greffe de la Cour les 1er novembre 2019 et 10 novembre 2021, M. D..., représenté par Me Jeudi, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et demande en outre à la Cour : 1°) de réformer le jugement n°13/00010 du 23 mars 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il n'a pas pris en compte l'infirmité " hypoacousie " avec un taux d'invalidité de 15 % ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 5 octobre 2012 ; 3°) de lui reconnaître à compter de la date d'introduction de sa demande, un droit à pension militaire d'invalidité au taux de 20 % au titre de l'infirmité " acouphènes " et de 15 % au titre de l'infirmité " hypoacousie " ; 4°) de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " acouphènes " avec un taux de 20 % ; 5°) de lui accorder des intérêts moratoires de droit à compter de la date d'enregistrement de sa demande de pension ou de révision de pension ; 6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 7°) de mettre les dépens à la charge de l'État. Il soutient que : - la requête est tardive ; - s'agissant de l'infirmité " hypoacousie " : les connaissances acquises sur l'évolution possible de cette infirmité ne sont pas univoques ; au jour du dépôt de son dossier le 6 novembre 2011, il présente une cophose de l'oreille (surdité totale) et une perte de 59 décibels de l'oreille gauche ; il justifie d'un vieillissement prématuré des oreilles traumatisées ; aucun des médecins n'a identifié une pathologie spécifique ou une cause étrangère aux faits de service invoqués ; la presbyacousie ne peut expliquer à elle seule la dégradation de son système auditif ; l'hypoacousie n'est pas une maladie mais un accident indemnisable au taux de 10 % et non de 30 % ; - s'agissant de l'infirmité " acouphènes " : leur retentissement sur le sommeil s'est manifestement aggravé depuis l'arrêté du 15 décembre 1992, entraînant également un retentissement d'ordre psychologique et ces aggravations justifient un taux d'invalidité de 20 % ; - la demande de révision des droits à pension déposé en 2011 était une demande administrative succincte enregistrée sans nécessité de produire un certificat médical confidentiel comportant un descriptif détaillé des doléances ; - en ne visant pas expressément les dispositions qu'il a appliquées, à savoir celles de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (ancien article L. 6), le jugement contesté n'est pas entaché d'un défaut de base légale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Jeudi, avocat de M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... D..., né le 8 janvier 1945, a été incorporé le 7 février 1963 pour servir dans l'armée de l'air en tant que mécanicien puis chef de service " équipements de bord " et " contrôleur au sol et en vol ", ce qui a conduit à l'exposer régulièrement aux bruits des avions et aux vibrations sans casque opérationnel de protection. Il a été rayé des contrôles le 3 mars 1989. Par arrêté du 15 décembre 1992, lui a été attribuée à compter du 9 mai 1989 une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 10 % au titre de l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes ". Le 16 novembre 2011, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité indemnisée et pour prise en compte d'infirmités nouvelles " nouvelle baisse de l'hypoacousie droite (...) " et " hypoacousie droite (...) ". Par décision du 5 octobre 2012, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Par jugement n° 13/00010 du 23 mars 2018, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 5 octobre 2012 du ministre de la défense en tant qu'elle n'avait pas reconnu une aggravation de l'infirmité " acouphènes (...) " et lui a accordé un taux d'invalidité de 20 %. Par la voie de l'appel incident, M. D... relève appel de ce jugement si la requête d'appel de la ministre des armées venait à être considérée comme recevable par la Cour. Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à cet aspect du litige : " L'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) / L'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé ". 3. Si M. D... soutient dans son mémoire en défense que la requête de la ministre des armées est tardive et par suite irrecevable, il ressort des pièces du dossier que la notification du jugement attaqué n° 13/00010 du 23 mars 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris était accompagnée par un courrier du tribunal de grande instance de Paris mentionnant la date du 26 mars 2018 de sorte que la notification de ce jugement doit être regardée comme étant intervenue au plus tôt à cette date. Or, la requête d'appel de la ministre des armées a été enregistrée le 25 mai 2018 par la Cour régionale des pensions militaires de Paris, soit avant l'expiration du délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par M. D... tirée de la tardiveté de la requête d'appel de la ministre des armées ne peut qu'être écartée. Sur la régularité du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris : 4. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. 5. Or, si dans le jugement n° 13/00010 du 23 mars 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 5 octobre 2012 du ministre de la défense en tant qu'elle n'avait pas reconnu une aggravation de l'infirmité " acouphènes (...) " et lui a accordé un taux d'invalidité de 20 %, il ne mentionne les textes sur lesquels il se fonde ni dans ses visas ni dans ses motifs. Ainsi la ministre des armées est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité. Par suite, le jugement n° 13/00010 du 23 mars 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. 6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. D... présentée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Sur les droits à pension militaire d'invalidité de M. D... : 7. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 16 novembre 2011, date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 8. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. Il appartient aux juges du fond de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie. S'agissant de l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " : 9. Il résulte de l'instruction que M. D... bénéficie depuis le 9 mai 1989 d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 10 % au titre de l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " attribuée par arrêté du 15 décembre 1992. La fiche descriptive des infirmités ayant donné lieu à l'attribution de cette pension, datée du 1er décembre 1992, mentionne une origine par preuve " blessure reçue à l'occasion du service le 19 avril 1982, en 1984 et 1987 " et un rapport de constatation du 3 mars 1989. Le 16 novembre 2011, M. D... a demandé la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. 10. Dans son rapport établi le 29 février 2012, le docteur C..., médecin mandaté par l'administration, a considéré que les acouphènes de M. D... sont liés à une surdité bilatérale de perception à forte prédominance droite entraînant une perte auditive moyenne de 88,75 décibels pour l'oreille droite et de 20 décibels pour l'oreille gauche et que le taux de 10 % d'invalidité au titre de cette infirmité reste inchangé. 11. Toutefois, dans le certificat médical établi le 4 février 2016, le docteur E..., consultant du service d'ORL de l'hôpital d'instruction des armées Percy, a relevé que les acouphènes dont souffre M. D... qui sont " invalidants, permanents et plutôt de timbre aigu, bilatéraux à prédominance droite, avec une gêne à l'endormissement et des réveils nocturnes avec cris d'angoisse " relèvent de la classe 2 correspondant aux acouphènes " bilatéraux, permanents, pouvant gêner l'endormissement ", entraînant un taux d'invalidité de 20 %, alors que ceux de la classe 1 correspondant aux acouphènes " intermittents, sans retentissement important " correspondent à un taux de 10 % d'invalidité selon le guide-barème des invalidités applicable au titre du code des pensions militaires. Il conclut que l'infirmité " acouphènes " de M. D... s'est aggravée, justifiant une révision du taux de pension qui devrait passer à 20 %. De plus, le docteur F..., dans le rapport d'expertise qu'il a déposé le 28 février 2017, souligne que le retentissement des acouphènes, notamment sur le sommeil et sur le plan psychologique, rend compte de son niveau de gravité et que " dans le cas présent on note maintenant un retentissement sur le sommeil qui n'était pas noté auparavant " et conclut que " les phénomènes acouphéniques dont se plaint M. D... se sont aggravés (retentissement sur le sommeil) ", sans d'ailleurs mentionner de retentissement psychologique mais uniquement le sommeil, et propose un taux d'invalidité de 20 %. 12. Il résulte de ce certificat médical et de ce rapport d'expertise que l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " s'est effectivement aggravée dès lors que ces acouphènes n'entraînent plus simplement " parfois des réveils nocturnes ", mais constituent une gêne à l'endormissement et entraînent des réveils nocturnes avec cris d'angoisse. Cette aggravation conduit à une réévaluation du taux d'invalidité accordé à M. D... qui doit être porté de 10 % à désormais 20 % à compter du 16 novembre 2011, date de demande de révision de sa pension avec les intérêts moratoires de droit à compter de cette date. S'agissant de l'infirmité " hypoacousie " : 13. Il résulte de l'instruction que M. D... a déjà sollicité une révision de sa pension pour cette infirmité le 14 novembre 1995 et qu'une décision de rejet lui a été opposée par le ministre de la défense le 10 février 1997 au motif que le taux d'infirmité de l'" hypoacousie droite " avec perte auditive de 31 décibels et de l'infirmité " actuelle aggravation de l'hypoacousie droite " avec perte auditive de 50 décibels était inférieur à 10 %, minimum indemnisable. 14. Il résulte du rappel des faits énoncés par le docteur F... dans le rapport d'expertise déposé le 28 février 2017 que lors de la consultation ORL du 28 février 1987, M. D... avait alors perdu 30 décibels sur la fréquence de 1 500 hertz au niveau de l'oreille droite. De plus, dans le rapport de constatation signé le 28 novembre 1987 par le médecin-chef de la base aérienne 107 de Villacoublay, il a été relevé, à la date du 21 mai 1987, une baisse de l'acuité auditive de 25 décibels sur la fréquence de 2 000 hertz au niveau de l'oreille droite et dans la rubrique " circonstances de la blessure ", le médecin-chef a indiqué que M. D... " est soumis aux bruits et vibrations notamment lors des points fixes des avions (...) et aux essais de pressurisation au sol (...) ", que " dans le cadre de la prévention des maladies professionnelles, il subit annuellement un examen audiométrique " et que " lors de ses derniers examens, le 28 mai 1987 et le 30 octobre 1987, une baisse importante de l'acuité auditive est décelée motivant la surveillance audiométrique ". Ensuite, lors de l'expertise effectuée par le docteur B..., l'examen audiométrique du 28 juin 1996 a permis de déceler une perte auditive droite de 50 décibels et gauche de 17,5 décibels, puis dans le certificat médical établi le 22 octobre 1996 par le docteur E..., chef de service ORL du Val-de-Grâce, est relevée une perte auditive moyenne de 65 décibels à droite et de 10 décibels à gauche. Dans le rapport d'expertise du docteur G... déposé le 1er avril 1999, a été constatée une perte auditive droite de 70,5 décibels et gauche de 20,5 décibels. Dans son rapport établi le 29 février 2012, le docteur C..., médecin mandaté par l'administration, a examiné M. D..., a pris en compte l'examen précité réalisé au Val-de-Grâce le 21 septembre 2012 et a considéré que l'infirmité " hypoacousie droite " s'était aggravée et entraînait désormais un taux d'invalidité de 15 %. La commission de réforme des pensions militaires d'invalidité a estimé que seuls 2 des 15 % d'invalidité étaient imputables au service. Dans le certificat médical établi le 4 février 2016, le docteur E..., consultant du service d'ORL de l'hôpital d'instruction des armées Percy, a relevé que l'examen audiométrique réalisé le jour même montrait une cophose, c'est-à-dire une surdité totale, pour l'oreille droite et une surdité de perception avec une perte auditive moyenne de 41,25 décibels pour l'oreille gauche. Le médecin relève que " selon les états de service de M. D..., il est manifeste que l'intéressé a été exposé chroniquement au bruit pendant 26 ans, à un niveau sonore excessif, pendant de longues durées et sans les moyens individuels de protection auditive actuellement utilisés " et considère que " l'aggravation progressive de sa surdité droite jusqu'à la surdité totale et celle de son oreille gauche jusqu'à une perte auditive moyenne mesurée à 41,25 décibels a exactement la même cause et, de ce fait, doit être rattachée à l'exercice professionnel passé de M. D... où il était exposé chroniquement aux bruits excessifs sans aucun moyen individuel de protection auditive ". Il ressort du rapport d'expertise du docteur F... déposé le 28 février 2017 auprès du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris que l'audiométrie réalisée lors de l'examen clinique a permis de noter une cophose à droite et une perte auditive à gauche à 59 décibels. 15. Il résulte de l'ensemble de ces examens médicaux, et notamment des conclusions des docteurs E..., C... et du médecin-chef de la base aérienne 107 de Villacoublay, que l'infirmité " hypoacousie droite " dont souffre M. D... est bien la conséquence directe et certaine de son exposition sans aucune protection auditive " aux bruits et vibrations notamment lors des points fixes des avions (...) et aux essais de pressurisation au sol " pendant qu'il était en service de 1974 à 1989 dans l'armée de l'air, ce qui a d'ailleurs conduit le médecin-chef de la base aérienne 107 de Villacoublay à souligner dès le 21 mai 1987 dans son rapport de constatation signé le 28 novembre 1987 que " lors de ses derniers examens, le 28 mai 1987 et le 30 octobre 1987, une baisse importante de l'acuité auditive est décelée motivant la surveillance audiométrique ". Par ailleurs, si dans son rapport d'expertise déposé le 28 février 2017 au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, le docteur F... s'appuie sur le rapport de la société française d'ORL de 2007 intitulé " pathologies professionnelles en ORL " rédigé sous la présidence du professeur E... qui indique que " la surdité n'est pas évolutive par elle-même après cessation définitive de l'exposition au bruit ", M. D... se prévaut, quant à lui, du rapport au comité consultatif de santé des armées du professeur Grateau, ORL au Val-de-Grâce, qui " a mis en évidence qu'il existait, chez certains sujets, une détérioration sensorielle auditive bilatérale, qui se prolongeait après le retrait de l'exposition sonore de l'intéressé, comme s'il existait un vieillissement sensoriel prématuré des oreilles internes, plus important que ne le voudrait l'âge du sujet. Les lésions neurosensorielles irréversibles cumulatives et étendues à l'ensemble du spectre auditif, constituent un véritable vieillissement accéléré des oreilles internes, faisant parvenir l'audition de celui qui en est atteint à un état de surdité neurosensorielle avec troubles de l'intelligibilité, plus importante que ses oreilles internes ne seraient parvenues à son âge, en l'absence de traumatisme, par simple presbyacousie ". Or, par les certificats médicaux qu'il produit, et alors, d'une part, qu'aucune cause étrangère n'est alléguée ni ne ressort des pièces du dossier comme pouvant être à l'origine de la diminution progressive de l'acuité auditive de M. D..., laquelle a été constatée dès le 21 mai 1987 et les examens réalisés les 28 mai 1987 et le 30 octobre 1987 et, d'autre part, que l'infirmité " hypoacousie droite " dont il souffre ne peut être regardée dans les circonstances de l'espèce comme exclusivement due au vieillissement de l'intéressé, M. D... doit être regardé comme établissant que l'origine de sa détérioration sensorielle auditive bilatérale dont il est victime est liée au service et s'est ensuite prolongée, même après le retrait de son exposition sonore " aux bruits et vibrations notamment lors des points fixes des avions (...) et aux essais de pressurisation au sol ", contrairement à ce qu'a considéré le ministre de la défense dans la décision attaquée du 5 octobre 2012 qui a retenu que " les connaissances médicales généralement admises reconnaissent le caractère stationnaire voire régressif des hypoacousies d'origine sonotraumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées ". 16. Il suit de là que l'infirmité " hypoacousie droite " dont souffre M. D..., le 16 novembre 2011, date de demande de révision de sa pension, et dont il souffrait déjà le 21 mai 1987, est imputable au service et lui ouvre droit, selon la juste évaluation du docteur C..., qu'il convient de reprendre, à un taux d'invalidité de 15 %. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que cette infirmité n'a pas été provoquée par une blessure identifiable résultant d'une lésion soudaine consécutive à un fait précis du service, mais est liée aux conditions dans lesquelles il a exercé son service de 1974 à 1989 dans l'armée de l'air, elle résulte donc exclusivement d'une maladie qui ne peut être prise en charge en application des dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que si le degré d'invalidité qu'entraîne la maladie atteint ou dépasse 30 % en cas d'infirmité unique et 40 % en cas d'infirmités multiples ou si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % en cas d'infirmité résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures. Or, en application du 2° de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur, dès lors que le taux d'invalidité de 15 % lié à l'infirmité " hypoacousie droite " associée à l'infirmité déjà pensionnée " acouphènes à prédominance droite (...) " résultant de blessure pour laquelle il est attribué à M. D... un taux d'invalidité de 20 % en application du point 11 du présent arrêt conduit à un taux global supérieur au seuil de 30 %, M. D... a ainsi droit à ce que cette maladie liée au service lui ouvre un droit à pension. 17. Aux termes de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 16 novembre 2011, date de la demande de bénéfice de la pension : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 14 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. / Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". 18. Par application des dispositions précitées, le taux global de la pension de M. D... doit être déterminé en retenant les infirmités et taux suivants : 1°) " acouphènes à prédominance droite (...) " : 20 %, 2°) " hypoacousie droite " : 10 % + 5 %. La prise en compte successive de ces infirmités aboutit à un taux d'invalidité de 35 %. Ce taux d'invalidité étant intermédiaire entre deux échelons, M. D... a par conséquent droit à une pension d'invalidité au taux global de 40 % à compter du 16 novembre 2011, date de demande de révision de sa pension avec les intérêts moratoires de droit à compter de cette date. 19. Il résulte des points 9 à 18 que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de pension au titre des infirmités " acouphènes à prédominance droite (...) " et " hypoacousie droite ". 20. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à demander l'annulation de la décision du 5 octobre 2012 du ministre de la défense en tant que celle-ci a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " et pour l'infirmité " hypoacousie droite (...) " et à ce qu'il ait droit à un taux global d'invalidité de 40 % au titre des infirmités " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " au taux de 20 % et " hypoacousie droite (...) " au taux de 10 % + 5 %. Le surplus de la demande de première instance et des conclusions d'appel incident de M. D... est rejeté. Sur les frais liés à l'instance : 21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Sur les dépens : 22. La présente instance n'ayant impliqué aucun frais au titre des dépens, les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat présentées à ce titre par M. D... ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 13/00010 du 23 mars 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La décision du 5 octobre 2012 du ministre de la défense est annulée en tant que celle-ci a rejeté la demande de M. D... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " et " hypoacousie droite (...) ". Article 3 : M. D... a droit, à compter du 16 novembre 2011, à une pension militaire d'invalidité au taux global de 40 % au titre des infirmités 1°) " acouphènes à prédominance droite, permanents assez peu variables dans le temps et entraînant parfois des réveils nocturnes " au taux de 20 % et 2°) " hypoacousie droite (...) " au taux de 10 % + 5 %. Article 4 : : L'Etat versera à M. D... les intérêts au taux légal sur les arrérages de sa pension militaire d'invalidité relative à ses deux infirmités à compter du 16 novembre 2011, date de dépôt de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité. Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées est rejeté. Article 7 : Le surplus de la demande de M. D... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et de ses conclusions d'appel est rejeté. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 5 N° 19PA03676
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 8ème chambre, 06/12/2021, 19PA03973, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... G... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ". Par un jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015, a reconnu l'aggravation de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique " de M. G... et a fixé le taux d'invalidité à 80 % à compter du 6 décembre 2013, date de sa demande. Procédure devant la Cour : Par un recours et un mémoire enregistrés les 9 décembre 2019 et 19 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que contrairement aux règles générales de procédure que doivent respecter les juridictions des pensions au nombre desquelles figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application, il ne fait mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs ; - le jugement est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 6 et L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors que l'évaluation d'une affection, qui détermine le droit à pension, doit se faire par référence à la gêne fonctionnelle présentée à la date de la demande de pension militaire d'invalidité, soit en l'espèce le 6 décembre 2013 ; or le professeur E... a pris en compte des éléments médicaux depuis 2012 jusqu'à ce jour ; - l'aggravation de 5 % retenue par le docteur A... du taux d'invalidité liée à l'infirmité de M. G... ne peut, en application des dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, être prise en compte dès lors que le supplément d'invalidité doit être au moins supérieur de 10 points au pourcentage d'invalidité antérieure ; - le docteur E..., qui décline son évaluation suivant plusieurs postes de préjudice, se fonde sur la nomenclature de droit commun Dintilhac étrangère au droit particulier des pensions pour lequel s'applique uniquement le guide barème des invalidités ; - en application des dispositions de l'article L. 152-1 (ancien article L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, lors d'une demande de révision de pension pour aggravation, doivent être comparés les éléments objectifs de la gêne fonctionnelle à la date de la demande avec ceux ressortant de l'expertise précédente, de sorte qu'en l'espèce la comparaison des cinq dernières expertises réalisées entre 1995 et 2017 permet de démontrer l'absence d'aggravation des symptômes de M. G... ; - l'absence d'aggravation exclut la requalification de l'infirmité de M. G... en " syndrome post-traumatique ". Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2020, M. G..., représenté par Me Haulshalter, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et demande en outre : 1°) à titre subsidiaire, de fixer le taux d'invalidité de son infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ", qui doit être requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique " à 80 % à compter du 6 décembre 2013, date de sa demande, et de condamner l'État à lui verser la pension afférente assortie des intérêts moratoires ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 27 octobre 2015, date de réception de son recours, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - une substitution de motifs peut être faite puisque le tribunal des pensions militaires d'invalidité s'est nécessairement fondé sur les dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - les rapports d'expertise du professeur E... et du docteur A... constituent un faisceau d'indices graves et concordants prouvant l'aggravation de son état sur la période de 18 ans entre 1995 et 2013 qui a précédé sa demande d'aggravation et qu'il souffre de troubles intenses justifiant l'attribution d'un taux d'invalidité de 80 % ; - la notion de perte d'autonomie au sens des textes applicables n'exige pas qu'une mesure de protection judiciaire ait été mise en place pour qualifier des troubles de très intenses ; - l'infirmité dont il souffre doit être requalifiée en syndrome de stress post-traumatique comme s'accordent tous les experts sur ce point ; - compte tenu de la durée excessive de la procédure d'instruction de sa demande qui a débuté en décembre 2013, le tribunal a pu légitimement forger son opinion sur l'ensemble des pièces médicales du dossier. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 juin 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Haulshalter, avocat de M. G.... Considérant ce qui suit : 1. M. D... G..., né le 25 novembre 1938, est entré au service de l'armée de l'air le 1er février 1959, a été muté au Maroc puis en août 1959 en Algérie et a été rayé des contrôles le 23 mai 1961. Une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 10 % en 1962, révisée plusieurs fois jusqu'à être portée à 60 % à compter du 11 septembre 1995 par arrêté du 23 septembre 2002 au titre de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ", résultant d'une maladie contractée à l'occasion du service constatée le 22 avril 1959 comme étant liée à la " guerre d'Algérie ou [aux] combats Tunisie Maroc ". Par une demande enregistrée le 6 décembre 2013, il a sollicité la révision de ses droits à pension pour aggravation de son infirmité. Par décision du 30 septembre 2015, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif de l'absence d'aggravation de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ". M. G... a formé un recours contre cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, lequel a ordonné deux mesures d'expertise confiées au docteur A... qui a rendu son rapport le 2 octobre 2017, puis au professeur E... qui a rendu son rapport le 28 mars 2019. Par jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 et a reconnu l'aggravation de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique " de M. G... et a fixé le taux d'invalidité à 80 % à compter du 6 décembre 2013, date de sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. 3. Or, si dans le jugement du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 et a porté le taux de la pension militaire d'invalidité concédée à M. G... à 80 % à compter du 6 décembre 2013 pour l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique ", il ne mentionne les textes sur lesquels il se fonde ni dans ses visas ni dans ses motifs, quand bien même le tribunal des pensions militaires d'invalidité s'est nécessairement fondé sur les dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre comme le soutient M. G... en défense. Par suite, en l'absence de motif de droit mentionné dans le jugement contesté, la demande de substitution de motifs de M. G... ne peut qu'être écartée. Ainsi la ministre des armées est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité. Le jugement du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé et il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. G.... Sur le droit de M. G... à bénéficier d'une révision du taux de sa pension militaire d'invalidité : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 6 décembre 2013, date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Il appartient aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie en motivant expressément leur décision sur ce point en mentionnant les éléments sur lesquels ils se fondent. 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6 du même code, alors en vigueur : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 26 du même code, alors en vigueur : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". Il résulte de ces dispositions, nonobstant la circonstance que, pour l'exercice de son office, le juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité statue en plein contentieux, que lorsqu'est sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de pension, laquelle lie le contentieux ultérieur. 6. Il résulte de l'instruction que M. G... a, par une demande enregistrée le 6 décembre 2013, sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ", résultant du fait de service lié à la " guerre d'Algérie ou [aux] combats Tunisie Maroc " constaté par un rapport circonstancié le 22 avril 1959 ainsi qu'il ressort de l'arrêté A 503 du 23 septembre 2002. L'aggravation de cette infirmité peut ouvrir droit, à condition d'être supérieure de 10 % au moins du pourcentage antérieur, à une révision du droit à pension militaire d'invalidité en application des dispositions de l'article L. 9 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 6 décembre 2013, date de la demande de révision, et il résulte de ce qui a été indiqué au point 5 du présent arrêt que seuls les éléments médicaux établissant l'état de santé de l'intéressé à la date de sa demande peuvent utilement être pris en compte. 7. Il résulte de l'instruction que dans le certificat médical accompagnant la demande de révision de la pension concédée à M. G... établi le 4 décembre 2013, le docteur H... se borne à mentionner que l'intéressé présente une aggravation des affections dont il souffre. L'examen de M. G... réalisé le 7 mai 2015 par le docteur F... à la demande du ministre de la défense a permis de montrer le maintien des troubles anxieux et des angoisses déjà révélés dans les expertises précédentes réalisées par les docteurs C... et B..., respectivement les 16 novembre 1999, 11 février 1998 et 22 mai 1995, ainsi que la peur des déplacements en extérieur et des troubles du sommeil avec des réveils nocturnes, comme le montrait déjà l'expertise réalisée par le docteur C..., ainsi que des difficultés d'endormissement et le fait qu'il sursaute au bruit des balles des chasseurs, comme le montrait déjà l'expertise du docteur B... du 22 mai 1995, qui avait relevé que l'intéressé avait un endormissement lent et sursautait au moindre bruit et enfin un syndrome d'évitement des films de guerre et de la violence ainsi qu'une fatigabilité importante, déjà révélés par l'expertise du docteur B... du 11 février 1998. Le docteur F... conclut son expertise en indiquant qu'elle a constaté une " réactivation " de la neuro-asthénie et un rapprochement de la symptomatologie actuelle avec un syndrome de stress post-traumatique occasionnant une gêne fonctionnelle qui peut être quantifiée à un taux d'invalidité qui doit être maintenu à 60 %. L'autre expertise concomitante à la demande de révision de la pension du 6 décembre 2013 a été réalisée le 18 avril 2017 par le docteur A..., qui a relevé dans son rapport déposé le 2 octobre 2017 des symptômes d'anxiété de fond, d'agoraphobie, de cauchemars répétitifs et de vives appréhensions des situations de guerre, tous ces symptômes ayant déjà été relevés lors des expertises réalisées par les docteurs C... et B..., respectivement les 16 novembre 1999, 11 février 1998 et 22 mai 1995. Le docteur A... conclut que le handicap de M. G... peut être considéré comme légèrement aggravé compte tenu de la majoration au fil du temps de la souffrance psychique de l'intéressé justifiant l'attribution d'une invalidité à hauteur de 65 %, soit une aggravation de l'infirmité de 5 %, inférieure au minimum d'évolution de 10 points requis pour ouvrir droit à la révision de la pension au sens des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. De plus, si M. G... se prévaut de la circonstance qu'il a " tout le temps peur " et qu'il ne peut plus se " déplacer sans [sa] femme depuis environ 18 mois ", ce qu'il a fait valoir lors de son examen par le docteur A... le 18 avril 2017, d'une part, cette peur ressortait déjà des expertises précitées réalisées en 1995, 1998 et 1999, lesquelles mentionnaient déjà un fort sentiment d'insécurité et une peur de la foule ainsi qu'une méfiance vis-à-vis d'autrui, et, d'autre part, cette impossibilité de se déplacer seul depuis 18 mois, qui couvre une période postérieure à la date de la demande de révision de la pension, ne peut, par suite, pas être prise en compte. Par ailleurs, si le professeur E... a souligné dans son expertise, dont le rapport a été déposé le 28 mars 2019, que " M. G... produit le certificat médical précité du docteur H... établi le 5 décembre 2013, un suivi par le professeur B... en 1995 qui justifie une augmentation du taux d'invalidité de 80 % " et " présente une aggravation des symptômes envahissants de souvenirs répétitifs, involontaires, d'une réactivation physiologique importante lors de l'exposition à des indices du traumatisme et d'un évitement persistant concernant les rappels externes de ce dernier " et s'il conclut que l'état de santé de M. G... s'est aggravé et que les symptômes psychopathologiques augmentent malgré le traitement psychothérapique réalisé, ces éléments ne permettent pas à eux seuls, compte tenu des comparaisons faites précédemment par rapport aux symptômes relevés lors des expertises réalisées par les docteurs C... et B... respectivement les 16 novembre 1999, 11 février 1998 et 22 mai 1995 de considérer comme établie l'aggravation de l'infirmité dont souffre M. G.... 8. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de requalifier l'intitulé de l'infirmité concernée, par les éléments médicaux que produit M. G..., et dont, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, seuls ceux établissant l'état de santé de l'intéressé à la date de sa demande de révision de pension peuvent utilement être pris en compte, il ne justifie pas de l'existence d'une aggravation de l'infirmité dont il souffre et pour laquelle il bénéficie déjà de la concession d'une pension militaire d'invalidité à un taux de 60 %. 9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées ainsi que la demande de première instance et les conclusions d'appel de M. G..., y compris, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme à verser à son conseil soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 4 N° 19PA03973
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/12/2021, 19NC03163, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision du ministre des armées du 1er avril 2016 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité et de condamner celui-ci à lui verser une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n°16/00006 du 2 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a annulé cette décision du 1er avril 2016, a enjoint à la ministre des armées d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. B... pour l'infirmité " traumatisme sonore oreille droite " au taux de 10 % à compter du 4 juin 2014 et a condamné l'Etat aux dépens. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 novembre 2019, 21 janvier 2021 et 14 juin 2021, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de Strasbourg du 2 septembre 2019 en tant que celui-ci a annulé sa décision du 1er avril 2016 et a accordé une pension militaire d'invalidité à M. B... à compter du 4 juin 2014 ; 2°) de rejeter la demande de M. B.... Elle soutient que : - la motivation du jugement est défaillante car le tribunal se borne à reprendre in-extenso la conclusion équivoque de l'expert judiciaire pour accorder à M. B... une pension militaire d'invalidité pour une infirmité intitulée " traumatisme sonore oreille droite ", sans démontrer la filiation médicale entre l'infirmité invoquée et le fait de service du 17 mai 1997 ; - l'infirmité de M. B... n'est pas imputable au service : aucune filiation médicale n'est établie entre son infirmité et le fait de service du 17 mai 1997 : . c'est à tort que l'expert judiciaire a déterminé un taux d'invalidité global de 10 % pour une infirmité associant acouphènes et hypoacousie dont la répartition n'est pas définie alors qu'elles doivent faire l'objet d'une évaluation séparée selon le guide barème des invalidités ; . en ce qui concerne l'infirmité l'hypoacousie bilatérale, la preuve d'imputabilité au service n'est pas établie, laquelle relève au surplus un taux nul non indemnisable au regard de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; . en ce qui concerne l'infirmité " acouphènes bilatéraux ", elle n'est pas imputable à l'accident de service du 17 mai 1997 à Sarajevo car il y a absence d'imputabilité par preuve ou par présomption, en application des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 novembre 2020 et 12 avril 2021, M. B..., représenté par Me Niango, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la ministre des armées ; 2°) de confirmer le jugement du tribunal des pensions militaires de Strasbourg ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - les articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne sont pas applicables au litige car ils ont été abrogés par l'ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 et que la décision litigieuse est du 1er avril 2016 ; - son infirmité résulte d'une blessure survenue au cours d'une mission opérationnelle le 17 mai 1997 à Sarajevo. Par une ordonnance du 14 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juillet 2021. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 11 mars 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, -et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... né le 12 octobre 1963 s'est engagé dans l'armée de l'air le 1er octobre 1982. Il a été radié de l'armée active en août 2016. Par une demande du 4 juin 2014, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour une hypoacousie et des acouphènes qu'il attribue à un traumatisme sonore survenu le 17 mai 1997 à Sarajevo. Un refus lui a été opposé par la ministre des armées le 1er avril 2016. Il a alors saisi le tribunal des pensions militaires de Strasbourg. Par un jugement avant-dire-droit du 18 juin 2018, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a ordonné une expertise médicale. Le rapport a été rendu le 31 août 2018. Par un jugement du 2 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a annulé la décision de la ministre des armées du 1er avril 2016 et a accordé à M. B... une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " traumatisme sonore oreille droite " à un taux de 10 % et a condamné l'Etat aux dépens et aux frais de procès. La ministre des armées relève appel du jugement du 2 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires de Strasbourg en tant que celui-ci a annulé sa décision du 1er avril 2016 et a accordé une pension militaire d'invalidité à M. B... à compter du 4 juin 2014. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. S'il appartient au juge administratif, saisi d'un litige en matière de pensions, de rechercher si des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement au fait générateur à la date duquel les droits à pension de l'intéressé doivent être normalement appréciés sont susceptibles d'affecter ces droits, c'est à la condition que le législateur ait entendu leur donner une telle portée. En l'espèce, il ressort des termes de l'article 54 II de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, que le 1° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s'applique aux demandes de pensions se rapportant aux blessures imputables à un accident survenu après la publication de la présente loi. Par suite, les conclusions tendant à l'octroi d'une pension militaire de M. B... du 1er avril 2016 pour un fait intervenu le 17 mai 1997 doivent être appréciées au regard des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicables au litige. 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre " Ouvrent droit à pension :1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ;4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ;2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ;3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". Aux termes de l'article 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (....) ". 4. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5. M. B... rattache son hypoacousie et ses acouphènes à un traumatisme sonore qu'il a subi durant une opération de tir à Sarajevo alors qu'il occupait le poste d'instructeur de l'armement d'un véhicule d'intervention blindé. Le dysfonctionnement d'un canon l'a obligé à ouvrir la culasse du véhicule et cette opération a entrainé une percussion doublée d'un effet de flammes et de souffles aux deux extrémités de la bouche du canon. Malgré ses protections auditives, il a subi un traumatisme sonore aigu et a été transféré à l'hôpital militaire de Rajlovac. La ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... le 1er avril 2016 au motif de ce que " la preuve d'imputabilité n'est pas établie, en l'absence de constat médical contemporain et de suivi médical pour l'infirmité bourdonnements concernant l'accident du 17 mai 1997. La présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer pour l'infirmité hypoacousie bilatérale évolutive depuis 1986, sans notion de traumatisme sonore, et n'ayant pas été constatée pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice ". En ce qui concerne l'infirmité relative à l'hypoacousie bilatérale : 6. M. B... produit un rapport circonstancié intitulé " origines des blessures " du capitaine Thion du 13 juillet 1997 qui fait état de l'opération de tir du 17 mai 1997 et de l'hospitalisation de M. B..., ainsi que le bulletin d'hospitalisation de son admission à l'hôpital de Rajlovac et qui précise qu'il ne doit pas être exposé à des bruits d'un niveau élevé pendant quatre semaines. 7. Il résulte cependant de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale du 31 août 2018, qu'aucun examen audiométrique n'a été réalisé à la suite de l'accident de tir de 1997. Par ailleurs, une hypoacousie évolutive avait déjà été décelée chez M. B... depuis 1986 sans notion de traumatisme sonore associé. Le livret médical de M. B... produit par la ministre des armées montre que dans le cadre de la visite systématique annuelle, le chiffre 1 du SIGYCOP est indiqué pour la lettre O (audition ou oreilles) attestant d'une normalité en 1998 et 1999, au demeurant sans aucune autre mention. Ce n'est qu'à compter de la visite annuelle du 8 mars 2010 que son profil médical SIGYCOP a été modifié en ce qui concerne l'audition, soit près de 13 ans après les faits invoqués. Puis, en 2015, une surdité bilatérale de perception sur les fréquences aigües a été précisément identifiée avec une perte maximale d'environ 70 Db. Aussi, et alors qu'aucun des rapports ou certificats produits ne sont suffisamment circonstanciés quant à l'origine de la lésion, la filiation médicale entre l'accident survenu en 1997 et l'hypoacousie n'est pas établie. M. B... ne peut donc pas prétendre à une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité. 8. Au surplus, il résulte du rapport de l'expert que le taux de perte d'audition (quantitatif) est nul. Par suite, selon le guide barème des invalidités, l'hypoacousie de M. B... n'atteint pas le taux de 10 % au regard des fréquences prises en compte, de sorte que l'intéressé ne saurait, en application des dispositions de l'article L. 4 du code précité, prétendre, en tout état de cause, à une pension militaire d'invalidité. En ce qui concerne l'infirmité relative aux acouphènes : 9. Ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, il résulte du rapport circonstancié du 13 juillet 2017 et du rapport médical du 27 mai 1997 qu'à la suite de son accident de tir de 1997, M. B... a souffert de bourdonnements à l'oreille droite et qu'il lui a alors été prescrit un éloignement du bruit pendant quatre semaines. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce n'est qu'à compter de 2013 que M. B... s'est plaint d'acouphènes permanents bilatéraux, majorés à droite et qui s'accentueraient, soit près de 16 ans après l'accident de tir de 1997. Le rapport d'expert judiciaire, qui mêle dans son appréciation l'hypoacousie et les bourdonnements, ne permet pas de connaître leur origine. La filiation médicale entre les acouphènes bilatéraux permanents dont souffre M. B... et l'accident de service du 17 mai 1997 n'est donc pas établie. 10. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a annulé sa décision du 1er avril 2016 portant refus de pension militaire d'invalidité et a accordé une pension militaire d'invalidité à M. B.... Il y a en conséquence lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, d'annuler le jugement en tant que celui-ci a annulé sa décision du 1er avril 2016 et a accordé une pension militaire d'invalidité à M. B... à compter du 4 juin 2014 et de rejeter la demande de M. B... tendant au bénéfice de cette pension. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de Strasbourg du 2 septembre 2019 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 1er avril 2016 de la ministre des armées rejetant la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... et a reconnu à compter du 4 juin 2014 à M. B... un droit à pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité intitulée " traumatisme sonore oreille droite " à un taux de 10 %. Article 2 : La demande présentée par M. B... tendant au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité devant le tribunal des pensions militaires de Strasbourg et ses conclusions en appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... 3 N°19NC03163
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/12/2021, 19MA05724, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 1er octobre 2018 par laquelle la ministre des armées lui a accordé une pension militaire d'invalidité au taux de 50 %, en tant que ne lui a pas été attribué le taux d'invalidité de 60 % au titre de l'infirmité dite " état de stress post-traumatique ", et en tant que n'ont pas été reconnus comme imputables au service l'infirmité dite de " syndrome dépressif " et l'aggravation de l'infirmité auditive. Par un jugement n° 18/00153 du 1er août 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a annulé la décision ministérielle du 1er octobre 2018 en tant qu'elle refuse de réviser la pension militaire d'invalidité de M. B... pour aggravation de l'infirmité dite " hypoacousie bilatérale ", a fait droit à la demande de révision de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... à ce titre, à compter du 30 septembre 2015, suivant le taux d'invalidité de 30 % imputable au barotraumatisme survenu en service en 1977, et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par la ministre des armées, enregistré à son greffe le 2 octobre 2019. Par ce recours, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 1er août 2019 en ce qu'il a annulé sa décision du 1er octobre 2018 refusant de réviser la pension de M. B... et a fait droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité présentée à ce titre, à compter du 30 septembre 2015, suivant le taux d'invalidité de 30 % ; 2°) de rejeter la demande de M. B.... La ministre soutient que : -le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé et s'avère entaché d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il est fondé sur un rapport médical à la suite duquel la précédente demande de révision avait été rejetée par décision du 6 novembre 2006, devenue définitive ; - si les diminutions d'acuité auditive constatées par l'expert le 24 novembre 2017 correspondent à un taux d'invalidité de 30 % suivant le guide-barème des invalidités, elles ne peuvent être rattachées à un traumatisme sonore aigu survenu le 30 août 1977, mais à une cause étrangère, alors que le militaire est rayé des contrôles depuis le 10 mars 1996 et n'est plus exposé aux traumatismes depuis cette date et que les surdités sono-traumatiques sont réputées définitives six mois après le traumatisme, ainsi que l'a observé le médecin en chef qui ne s'est pas borné à considérer l'âge du requérant ; - ces éléments d'appréciation d'ordre médical ont été confirmés par le décret relatif aux maladies professionnelles, créant le tableau n°42, expressément visé par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre depuis la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018. Par une ordonnance du 3 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2021, à 12 heures. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n°2003-924 du 25 septembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Ury, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., caporal-chef de la Légion étrangère, rayé des contrôles depuis le 10 mars 1996, a demandé le 30 septembre 2015 la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité dite " hypoacousie bilatérale ". Par décision du 1er octobre 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande. Par jugement du 1er août 2019, dont la ministre des armées relève régulièrement appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a annulé cette décision et jugé que M. B... avait droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour cette infirmité, à compter du 30 septembre 2015, suivant le taux de 30 %. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ne ressort pas des écritures présentées par la ministre des armées devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, ni des visas du jugement querellé relatifs aux observations orales de son représentant lors de l'audience, que son argumentation en défense reposait sur l'autorité attachée à sa décision du 6 novembre 2006 rejetant une précédente demande de révision de pension de M. B.... Par suite, en n'écartant pas une telle argumentation pour faire droit à la demande de révision, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'insuffisance de motivation. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Il résulte de l'ensemble des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et notamment de celles de l'article L. 28, alors en vigueur, et des articles suivants, qui prévoient la révision des pensions lorsque l'infirmité vient à s'aggraver, ainsi que de celles de l'article L. 6, qui conduisent à apprécier les taux d'invalidité, non à la date à laquelle la blessure a été reçue ou la maladie contractée, mais à celle, qui peut être largement postérieure, du dépôt de la demande, que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, ces dispositions font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. Il résulte de l'instruction que pour accorder à M. B..., par décision du 17 mars 1996, un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", suivant un taux de 10 %, le ministre de la défense avait considéré cette infirmité comme imputable à un barotraumatisme causé par un accident de service survenu le 30 août 1977 au cours du service militaire de l'intéressé, lors d'un essai d'étanchéité de char. Il résulte du rapport d'expertise médicale, établi le 4 décembre 2017 par un médecin otorhinolaryngologiste, dans le cadre de l'instruction de la demande de révision présentée par M. B..., que la perte auditive s'était nettement aggravée par rapport au dernier examen pratiqué par le même spécialiste le 7 avril 2006 au titre d'une précédente demande de révision et concluant alors déjà à une perte auditive bilatérale dont l'origine barotraumatique était admise. L'expert médical, qui le 7 avril 2006 préconisait pour la baisse d'audition un taux d'invalidité de 10 %, pour la perte de sélectivité un taux de 10 % et pour les acouphènes un taux de 10%, propose le 4 décembre 2017 un degré d'invalidité pour l'aggravation nette de l'audition de 30 %, sans constater de perte supplémentaire de sélectivité. 5. Si, en premier lieu, la ministre des armées conteste le jugement qu'elle attaque en affirmant que l'autorité attachée à sa décision du 6 novembre 2006 rejetant de manière définitive la demande de révision de pension présentée par M. B... au titre de l'aggravation de cette infirmité, faisait obstacle à ce que les premiers juges se fondent sur le rapport d'expertise établi pour l'examen de cette demande, il ressort des motifs mêmes de cette décision de refus que la demande avait été alors rejetée, non pas pour défaut d'imputabilité de l'aggravation constatée, comme l'a considéré la ministre dans sa décision en litige, mais en raison d'un degré d'invalidité correspondant, inférieur au taux de 10 % susceptible d'ouvrir droit à pension. Ainsi, la circonstance que M. B... n'a pas contesté le rejet de sa précédente demande de révision de pension pour aggravation de son hypoacousie bilatérale ne lui interdisait pas de présenter une nouvelle demande de révision au même titre, ni n'interdisait aux premiers juges, en tout état de cause, de rapprocher les éléments d'appréciation médicale recueillis par l'administration pour les besoins de l'instruction de ces deux demandes, afin de se prononcer tant sur l'imputabilité au service de l'aggravation que sur l'importance de celle-ci. 6. En deuxième lieu, compte tenu des examens médicaux pratiqués le 4 décembre 2017 sur M. B... par le médecin expert, dont les conclusions d'aggravation et d'imputabilité de la baisse auditive bilatérale sont utilement éclairées par son précédent rapport du 7 avril 2006, la seule référence faite par la ministre des armées dans ses écritures, sans produire d'ailleurs de documentation en ce sens, aux connaissances médicales générales selon lesquelles l'aggravation d'une surdité plusieurs années après la fin du service du militaire, sans nouvelle exposition à des lésions sonores, ne peut être prise en compte, ne saurait suffire à établir, dans le cas de M. B..., l'existence d'une cause étrangère au service, à l'origine de l'aggravation de son infirmité. Afin de prétendre que cette cause résiderait dans une presbyacousie, liée au vieillissement, la ministre des armées, qui se borne à s'appuyer sur l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 14 juin 2018 et sur l'avis de la commission consultative médicale du 9 août 2018, tous deux rendus à partir de l'examen du seul dossier de l'intimé, et suivant lesdites connaissances médicales générales, ne produit aucune pièce médicale, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, et ne critique pas efficacement leur jugement dans cette mesure. 7. En dernier lieu, et pour les motifs énoncés au point précédent, la ministre des armées ne peut valablement se prévaloir des indications contenues au tableau n° 42 des maladies professionnelles, issu du décret du 25 septembre 2003 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale, suivant lesquelles " aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte sauf cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel ", alors que, en tout état de cause, le code des pensions militaires d'invalidité ne renvoie expressément aux maladies professionnelles, depuis la loi du 13 juillet 2018 de programmation militaire, que pour instituer une catégorie supplémentaire d'infirmités susceptibles d'être présumées imputables au service. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a fait droit à la demande de révision de pension de M. B... pour aggravation de l'infirmité dite " hypoacousie bilatérale ". Son recours doit donc être rejeté. DECIDE : Article 1er : Le recours de la ministre des armées est rejeté. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B.... Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021. N° 19MA057244
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/12/2021, 19MA04741, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2019, M. C... E... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision de la ministre des armées du 11 juillet 2018, en tant qu'elle a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite ". Par un jugement n° 19/00001 du 30 août 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées du 11 juillet 2018 et a reconnu à M. E... un droit à pension pour l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite ", à compter du 28 juin 2016, au taux de 10%. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2019, 14 août 2020, 29 octobre 2020 et 23 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019. Elle soutient que : - le jugement, entaché d'une contradiction entre sa motivation et son dispositif, est irrégulier ; - l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite " dont il est atteint résulte d'une maladie et non d'une blessure, en conséquence, dès lors que son taux est de 10%, elle ne pouvait lui ouvrir droit à pension militaire d'invalidité ; - la demande de l'intéressé était irrecevable dès lors que le jugement du tribunal des pensions de Nancy du 18 octobre 1979, rejetant son recours contre une décision de rejet de sa demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " tendinite du tendon d'Achille droit " est passé en force de chose jugée. Par des mémoires, enregistrés les 4 juin 2020, 1er octobre 2020 et 6 novembre 2020, M. E..., représenté par Me Buquet, demande à la Cour de confirmer le jugement précité du 30 août 2019 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Buquet en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité et que son infirmité lui ouvre droit à pension militaire d'invalidité dès lors qu'elle a été évaluée au taux de 10 % et qu'elle résulte d'une blessure et non d'une maladie, contrairement à ce qu'a retenu la ministre pour rejeter sa demande. M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 21 février 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Renault, - les conclusions de M. Ury, rapporteur public, - et les observations de Me Buquet, représentant M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... E..., né le 6 mars 1957, a effectué son service militaire du 1er octobre 1977 au 14 octobre 1978, date à laquelle il a été rayé des cadres. Il a formulé une demande de pension militaire d'invalidité le 28 juin 2016 pour les infirmités " sciatique chronique droite " et " séquelles de tendinite achilléenne droite. Peignage. ". Par une décision du 11 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Elle relève appel du jugement du 30 août 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Marseille, saisi par M. E... d'un recours contre cette décision en tant qu'elle rejetait sa demande de bénéficier d'une pension militaire d'invalidité au titre de la seconde infirmité, a annulé sa décision et reconnu au requérant un droit à pension pour l'infirmité de " séquelles de tendinite achilléenne droite ", au taux de 10 %, à compter de la date de sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de M. E... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2°) Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient. 3. Aux termes de l'article L. 4 du même code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) 3°) Au titre résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30% en cas d'infirmité unique ; 40% en cas d'informités multiples. ". 4. La ministre des armées soutient que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a regardé l'infirmité dont est atteint M. E..., dont elle ne conteste ni l'imputabilité au service ni le taux de 10%, comme résultant d'une blessure, et considère qu'elle résulte d'une maladie contractée à l'occasion du service, n'ouvrant pas droit à pension dès lors que son taux est inférieur au taux de 30% requis pour ouvrir, dans ce cas, droit à pension. 5. Il résulte l'instruction que M. E... a consulté le 3 février 1978 pour une " tendinite chronique droite depuis 2 mois avec nodule douloureux de sa partie supérieure ", selon les termes du billet de consultation, et qu'un rapport circonstancié daté du 4 avril 1978 a relevé qu'" au cours de son stage à l'Ecole d'application du Génie, durant la période du 3 octobre 1977 au 26 janvier 1978 [l'intéressé] participait, dans le cadre de l'instruction, à de nombreux exercices et marches. A la suite de l'une d'elles, le 24 novembre 1977, il était victime d'une tendinite et se portait consultant le 25/11/1977 ". Dans le cadre de la contestation d'une première décision de rejet d'une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " tendinite du tendon d'Achille droit ", il s'est soumis à une expertise réalisée par le docteur B..., après examen réalisé le 25 février 1980. Ce dernier, qui a fixé l'infirmité de M. E... à un taux de 10%, a considéré que la tendinite chronique dont souffrait l'intéressé, était " secondaire à une tendinite aigüe, due à des micro-blessures de son tendon d'Achille droit secondaires à des traumatismes itératifs et répétés subis pendant son entraînement au centre d'instruction militaire au mois de novembre 1977 " et a considéré qu'elle pouvait être regardée comme résultant d'une blessure. En conclusion de son rapport établi à la demande de l'administration dans le cadre de l'examen de la demande de pension militaire d'invalidité formée par M. E... en 2016, le docteur A... a pour sa part estimé que la tendinite chronique d'Achille dont souffre l'intéressé, traitée chirurgicalement en 1986, " est apparue sur un mode aigu à la suite d'exercices trop importants et répétés, lors du service national ". Enfin le docteur D..., médecin traitant de M. E..., a considéré, dans le certificat médical établi le 25 mai 2018, que la tendinite chronique affectant son patient est la conséquence directe d'une blessure, et non d'une maladie préexistante ou de révélation tardive. 6. Le choix du terme de " blessure " pour qualifier la cause de l'affection de M. E..., retenu par différents praticiens dans les rapports et certificats pré-mentionnés ou dans les autres certificats versés au dossier, ainsi que sur les états de services rectifiés établis à la demande de l'intéressé le 4 août 2016, n'implique pas nécessairement que l'affection de l'intéressé résulte d'une blessure au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui suppose, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, que la lésion soit soudaine et consécutive à un fait précis de service. Or, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, il résulte de l'instruction que si la tendinite aigüe du talon d'Achille droit de M. E..., qui a évolué par la suite en une tendinite chronique, a été ressentie à la suite de la marche du 24 novembre 1977, elle résulte d'une succession de micro-traumatismes du fait des efforts répétés durant les marches réalisées en novembre 1977. La lésion ne remplit pas, dès lors, la condition de soudaineté et ne se rattache pas à un fait précis de service. Dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme résultant d'une blessure et, dès lors que son taux est inférieur à 30%, elle n'ouvre pas droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la ministre des armées et sur la régularité du jugement attaqué, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a annulé sa décision du 11 juillet 2018 et reconnu à M. E... un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite " au taux de 10%, à compter du 28 juin 2016. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. E... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019 est annulé. Article 2 : Les demandes présentées par M. E... devant le tribunal des pensions militaires de Marseille et les conclusions qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. C... E... et à Me Buquet. Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président de chambre, - M. Revert, président assesseur, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 7 décembre 2021. 2 N° 19MA04741
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/12/2021, 19MA04858, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité du fait de l'aggravation de l'infirmité " névrose anxieuse avec troubles fonctionnels. Insomnies très accusées. Troubles hypocondriaques " au titre de laquelle il percevait depuis le 5 juillet 2004 pension concédée à titre définitif à compter du 18 avril 2000. Par jugement n° 17/00144 du 31 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision ministérielle du 20 novembre 2017 et reconnu le droit de l'intéressé à bénéficier d'une pension au titre de l'infirmité " état de stress post-traumatique, névrose anxieuse d'intensité sévère, associé à des troubles bipolaires " à un taux de 80%, dont 60% imputable au service, à compter du 20 juin 2015. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 1er avril 2019, sous le n° 19/12, par la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en Provence, et un mémoire, enregistré le 26 novembre 2019, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 31 janvier 2019 dont elle demande l'annulation. Elle soutient que : - aucune révision de la pension concédée à M. A... ne peut être accordée, dès lors qu'aucune aggravation du l'infirmité pensionnée n'est établie ; - le taux de 40%, reconnu comme non imputable au service aux termes du jugement du tribunal des pensions du 25 mars 2004, devenu définitif, ne peut être remis en question sans que soit méconnue l'autorité de la chose jugée. Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2019 par la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence, M. A..., représenté par Me Tierny, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que les moyens invoqués par la ministre ne sont pas fondés. Par décision du 24 mai 2019, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. M. A..., représenté par l'association ANTIAM qui exerce la tutelle de M. A..., a produit un mémoire, enregistré le 12 novembre 2021, qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Renault, - les conclusions de M. Ury, rapporteur public, - et les observations de Me Tierny, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté du 5 juillet 2004, le ministre de la défense a concédé à M. B... A..., né le 2 janvier 1965, une pension militaire d'invalidité au taux de 40% au titre de l'infirmité " névrose anxieuse avec troubles fonctionnels. Insomnies très accusées. Troubles hypocondriaques ". Il a demandé, le 20 janvier 2015, une révision de sa pension en raison de l'aggravation de son infirmité. Par décision du 20 novembre 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande. Cette dernière relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a annulé sa décision et reconnu à M. A... un droit à pension pour l'infirmité " état de stress post-traumatique, névrose anxieuse d'intensité sévère, associé à des troubles bipolaires " à un taux de 80%, dont 60% imputable au service. Sur les droits à pension de M. A... : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de M. A... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service. ". Il résulte de l'instruction que l'infirmité au titre de laquelle M. A... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité résulte d'une aggravation, à l'occasion du service, d'une infirmité étrangère au service, en l'espèce un trouble bipolaire sous-jacent. 3. Aux termes de l'article L. 29 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de M. A... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la révision d'une pension pour aggravation de l'infirmité est subordonnée à la constatation médicale d'une aggravation de cette infirmité postérieurement à la concession d'une pension d'invalidité à titre définitif, sans que puisse être remise en cause, à infirmité inchangée, la part imputable au service telle qu'elle a été fixée par une décision antérieure devenue définitive. 4. Il résulte de l'instruction qu'une pension militaire d'invalidité a été concédée à M. A..., à compter du 3 juillet 1967, au titre de l'infirmité " névrose anxieuse avec troubles fonctionnels. Insomnies très accusées. Troubles hypocondriaques " au taux de 20%, le taux d'invalidité étant estimé à 30% mais imputable à un état antérieur à hauteur de 10%. A la suite d'une première demande de révision de sa pension pour aggravation de cette même infirmité, le tribunal départemental des pensions des Alpes-Maritimes, par jugement du 25 mars 2004, devenu définitif, rendu sur recours de M. A... contre une décision du 26 janvier 2001 de rejet de sa demande de révision de pension, a reconnu à l'intéressé un droit à pension au taux de 40% au titre de l'infirmité déjà pensionnée, après avoir évalué à 80% l'invalidité due à cette infirmité, dont 10% était due à un état antérieur, et 30% attribuée à une origine constitutionnelle. A la suite de ce jugement, l'administration a concédé à titre définitif à M. A..., à compter du 18 avril 2000, une pension au taux de 40%, correspondant à la part de l'invalidité, estimée à 80%, imputable au service. Cette décision, qui n'a fait l'objet d'aucun recours, est devenue définitive. Le docteur C..., expert mandaté par l'administration pour se prononcer sur la demande de nouvelle révision de la pension de M. A..., enregistrée le 20 janvier 2015, pour aggravation de l'infirmité pensionnée, a considéré que si le taux d'invalidité global causé par l'infirmité dont souffre M. A..., requalifiée en " état de stress post-traumatique, névrose anxieuse, d'intensité sévère, associé à des troubles bipolaires ", devait être évalué à 80%, le taux imputable au service devait être réévalué à 60%, analyse qui a été retenue par les premiers juges. 5. Si les certificats médicaux produits au soutien de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité concédée à M. A... font état de la gravité de son infirmité, ils ne permettent pas de remettre en cause le taux d'invalidité de 80% retenu tant par l'expert que par l'administration. Dans ces conditions, l'infirmité dont souffre M. A... ne s'est pas aggravée, et cette circonstance ne permet pas de réviser, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur, le taux de la pension concédée, quelle que soit la part que l'expert reconnaît comme imputable au service, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 2, seule l'aggravation du taux global de l'infirmité peut ouvrir droit à une révision à la hausse de la pension concédée, et que la part non imputable de l'invalidité aggravée par le service, telle qu'elle a été fixée par une décision antérieure devenue définitive, ne peut être remise en cause. 6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a annulé sa décision du 20 novembre 2017. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019 est annulé. Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. B... A... et à Me Tierny. Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 7 décembre 2021. 5 N° 19MA04858
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/12/2021, 21MA00437
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 19 août 2016 par le tribunal départemental des pensions du Gard et transmise le 6 novembre 2019, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, au tribunal administratif de Nîmes, M. B... A... a demandé d'annuler la décision du 15 février 2016 en tant que le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles d'entorse de cheville droite avec dorsiflexion à 100 % et extension normale sur cheville stable. Origine par preuve blessure reçue par le fait du service le 8 mars 2011 - Hors guerre " et l'infirmité " Séquelles de traumatisme externe de l'oreille gauche par capot de déventement sur fond de perte auditive moyenne de l'oreille gauche - 32,5 db ", ainsi que la fiche descriptive des infirmités du 23 février 2016. Par un jugement n° 1903689 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février et le 31 août 2021, M. A..., représenté par Me Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 15 février 2016 du ministre de la défense qui refuse de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles d'entorse de cheville droite avec dorsiflexion à 100 % et extension normale sur cheville stable " et l'infirmité " Séquelles de traumatisme externe de l'oreille gauche par capot de déventement sur fond de perte auditive moyenne de l'oreille gauche - 32,5 db ", ainsi que la fiche descriptive des infirmités du 23 février 2016. 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que sa requête est recevable ; le jugement est irrégulier faute d'avoir respecté le caractère exécutoire du jugement avant dire droit du 9 juin 2017 du tribunal départemental des pensions du Gard, en violation de l'article L. 11 du code de justice administrative ; le jugement ne comporte pas le visa du jugement avant dire droit du 9 juin 2017 du tribunal départemental des pensions du Gard ; en n'exigeant pas la remise de son rapport par l'expert, le tribunal administratif a également méconnu le principe du contradictoire en ne le mettant en position de présenter ses observations ; les expertises médicales produites contredisent l'absence de caractère non indemnisable de ses deux infirmités. Par une décision du 15 mars 2021 le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que le jugement est régulier et que les moyens du requérant ne sont pas fondés. Une ordonnance du 1er septembre 2021 clos l'instruction au 24 septembre 2021 à 12 heures. Un mémoire présenté le 21 septembre 2021 par la ministre des armées n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Badie, rapporteur, - les conclusions de M. Ury, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 24 avril 1957, s'est engagé le 1er avril 1978 et a été radié des contrôles le 25 novembre 2015, au grade de major. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles de fracture bimalléolaire de la cheville gauche avec arrachement du tubercule externe ostéosynthésé. Origine par preuve blessure reçue par le fait du service le 8 mars 2011 - Hors guerre " au taux de 15 %. Il a sollicité les 1er et 3 mars 2015 l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour quatre nouvelles infirmités : blessure cheville droite, hernie discale, blessure talon gauche et choc à l'oreille gauche et, le 30 mai 2015, le renouvellement de son infirmité pensionnée. Par un arrêté du 15 février 2016 et une fiche descriptive des infirmités du 23 février 2016, le ministre de la défense a renouvelé à titre définitif la pension pour l'infirmité " Séquelles de fracture bimalléolaire de la cheville gauche avec arrachement du tubercule externe ostéosynthésé. Origine par preuve blessure reçue par le fait du service le 8 mars 2011 - Hors guerre" au taux de 15 %, et a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Lombo sciatalgie gauche sur hernie discale L5/S1 ancienne ", pour l'infirmité " Séquelles d'entorse de cheville droite avec dorsiflexion à 100 % et extension normale sur cheville stable " ainsi que pour l'infirmité " Séquelles de traumatisme externe de l'oreille gauche par capot de déventement sur fond de perte auditive moyenne de l'oreille gauche - 32,5 db ". M. A... relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2016 et de la fiche descriptive des infirmités du 23 février 2016 en tant que le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité portant sur l'infirmité " Séquelles d'entorse de cheville droite avec dorsiflexion à 100 % et extension normale sur cheville stable " et sur l'infirmité " Séquelles de traumatisme externe de l'oreille gauche par capot de déventement sur fond de perte auditive moyenne de l'oreille gauche - 32,5 db ". Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " (...) La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". 3. M. A... soutient que les premiers juges ont omis de viser le jugement avant dire droit du 9 juin 2017 du tribunal départemental des pensions du Gard. Mais, une telle circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à vicier la régularité du jugement attaqué, dès lors que ce jugement avant-dire-droit a été nécessairement compris dans le visa général, " vu les autres pièces du dossier ". 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties ". Aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires. ". Lorsqu'il a ordonné une expertise par un jugement avant-dire droit, le tribunal administratif est tenu d'assurer le suivi de cette mesure d'instruction, en invitant l'expert à clore ses opérations soit en dressant un procès-verbal de carence soit en déposant son rapport et, dans cette hypothèse, de prendre en compte ce rapport dans les motifs de son jugement au fond. 5. Par un jugement avant dire droit du 9 juin 2017, le tribunal départemental des pensions du Gard a ordonné une expertise confiée au docteur E... C..., chirurgien orthopédique, avec pour mission d'examiner M. A.... Après plusieurs changements d'expert, il a finalement désigné le 18 septembre 2019 le docteur D... pour y procéder. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que, malgré les demandes de M. A..., le tribunal administratif de Nîmes ait invité l'expert à clore ses opérations soit en dressant un procès-verbal de carence soit en déposant son rapport. En omettant de le faire, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que l'expert a procédé à l'examen médical du requérant, les premiers juges ont entaché leur décision d'irrégularité. Le jugement attaqué ne peut, par suite, qu'être annulé. Il y a lieu de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Nîmes. 6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903689 du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé. Article 2 : M. A... est renvoyé devant le Tribunal administratif de Nîmes pour qu'il soit statué sur sa demande. Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Copie en sera transmise à M. D..., expert. Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient : M. Badie, président, M. Revert, président assesseur, Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 7 décembre 2021. N° 21MA00437 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/12/2021, 19NC03356, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : La cour régionale des pensions de Reims a transmis à la cour administrative d'appel de Nancy, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. A..., enregistrée à son greffe le 12 décembre 2018. Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Marne d'annuler la décision du 9 février 2016 par laquelle la caisse nationale militaire de sécurité sociale lui a refusé la prise en charge d'un appareillage auditif au titre des dispositions de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un jugement n° RG 18/00001 du 19 octobre 2018, le tribunal des pensions militaires de la Marne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée à la cour administrative d'appel de Nancy le 1er novembre 2019, M. A... demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de la Marne du 19 octobre 2018 ; 2°) d'enjoindre à la caisse nationale militaire de sécurité sociale de prendre en charge le remplacement de l'appareillage auditif qui lui a été accordé par l'Etat. Il soutient que : - il est fondé à solliciter le remplacement de son appareil auditif en application de l'article L. 128 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui précise que les appareillages sont fournis et remplacés aux frais de l'Etat : la prise en charge de son appareil auditif ayant été acceptée en 2008 par la direction interdépartementale des anciens combattants de Nancy, il a en conséquence droit à son remplacement. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2021, la caisse nationale militaire de sécurité sociale conclut au rejet de la requête de M. A.... Elle fait valoir que : - seuls les dispositifs médicaux nécessités par les infirmités pensionnées sont pris en charge par l'Etat en application de l'article L. 128 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; or, les pertes auditives de M. A... n'ouvrant pas droit à une pension militaire d'invalidité, il ne peut pas se prévaloir des dispositions de cet article ; - c'est par erreur ou bienveillance que la direction interdépartementale des anciens combattants de Nancy lui a accordé la prise en charge de son appareil auditif en 2008 et cette erreur d'appréciation ne saurait constituer aujourd'hui un droit acquis. Une mise en demeure a été adressée le 1er mars 2021 à la ministre des armées qui n'a pas produit. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 21 novembre 1944 s'est engagé dans l'armée le 4 octobre 1965 et a été radié des contrôles le 11 août 1988. Par un arrêté du 17 octobre 1995, le ministre de la défense lui a accordé une pension militaire d'invalidité pour trois infirmités au taux global de 50 %. Par une demande du 4 décembre 2015, M. A... a sollicité de la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) la prise en charge du remplacement de son appareil auditif. Un refus lui a été opposé par la caisse nationale militaire de sécurité sociale le 9 février 2016 au motif que les caractéristiques de l'hypoacousie figurant sur la fiche descriptive des infirmités pour lesquelles il est pensionné ne permettent pas la prise en charge du renouvellement de son appareil. M. A... relève appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de la Marne a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 février 2016 et celle tendant à ce qu'il soit enjoint à la CNMSS de prendre en charge le renouvellement de son appareil auditif. 2. Aux termes de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige : " L'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du présent code les prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement les accidents et complications résultant de la blessure ou de la maladie qui ouvre droit à pension ". Aux termes de l'article L. 128 du même code, alors en vigueur : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux appareils nécessités par les infirmités qui ont motivé la pension. Les appareils et accessoires sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l'Etat tant que l'infirmité en cause nécessite l'appareillage. L'appareillage est effectué sous le contrôle et par l'intermédiaire de l'Etat. Il est assuré par les centres d'appareillage du ministère des anciens combattants et victimes de guerre. Le mutilé est comptable de ses appareils qui restent propriété de l'Etat. Les modalités de l'appareillage sont fixées par instruction ministérielle " Il résulte de ces dispositions que les bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité ont droit aux appareils nécessités par les infirmités qui ont motivé la pension. 3. En l'espèce, M. A... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour trois infirmités, " séquelles d'entorse récidivante du genou gauche, raideur articulaire ", " hypoacousie bilatérale. Perte auditive oreille droite : 11 dB, oreille gauche : 7dB. Perte de sélectivité " et " séquelles de subluxation de la 5ème vertèbre cervicale ". S'agissant plus spécifiquement de la seconde infirmité, il ressort des pièces versées au dossier que celle-ci est indemnisée pour " perte de sélectivité " mais que l'hypoacousie, pour laquelle l'appareillage auditif est sollicité, n'ouvre pas droit à une pension militaire d'invalidité au regard de son taux fixé à 0 %. Aussi, en l'absence de toute perte d'acuité auditive pensionnée, la CNMSS a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, refusé à M. A... la prise en charge du renouvellement de l'appareillage auditif. Si le requérant se prévaut de ce que la direction interdépartementale des anciens combattants a néanmoins pris en charge son appareil auditif en 2008, cette seule circonstance, au regard de ce qui vient d'être dit, ne saurait lui ouvrir un droit à son renouvellement en application de l'article L. 128 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de la Marne a rejeté sa demande. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Copie en sera adressée à la ministre des armées. 3 N° 19NC03356
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/12/2021, 19NC02624, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Joinville a refusé d'inscrire les noms de M. C... F..., M. A... F... et M. B... F... sur le monument aux morts situé sur le territoire de la commune. Par un jugement n° 1800745 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 août, 29 octobre, 15 décembre 2019, 6, 10 et 21 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me Bazin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 juin 2019 ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Joinville a refusé d'inscrire les noms de M. C... F..., M. A... F... et M. B... F... sur le monument érigé en l'honneur des enfants du canton de Joinville morts pour la France ; 3°) d'enjoindre à la commune de Joinville de procéder à l'inscription demandée ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard ; 4°) d'enjoindre à la commune de Joinville de communiquer la liste n°1 des souscripteurs pour l'érection du monument aux morts dans un délai de quinze jours ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Joinville les dépens de l'instance, comprenant les droits de plaidoirie d'un montant de 13 euros en application des article 695 du code de procédure civile et de l'article R. 723-26-1 du code de la sécurité sociale ; 6°) de mettre à la charge de la commune de Joinville la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne était recevable, l'inscription d'un nom sur un monument aux morts n'étant pas une mesure gracieuse ; - le refus du maire de la commune de Joinville n'est pas motivé ; - le refus du maire de la commune de Joinville méconnaît l'article 2, alinéa 1 de la loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, lequel doit s'appliquer à l'inscription des noms sur les monuments aux morts cantonaux en l'absence de texte spécifique. Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre, 26 décembre 2019 et 17 janvier 2020, la commune de Joinville conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme D... le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picque, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Une note en délibéré présentée par Mme D... a été enregistrée le 17 novembre 2021. Considérant ce qui suit : 1. Le 21 septembre 2017, Mme D... a demandé au maire de la commune de Joinville de faire inscrire les noms de M. C... F..., M. A... F... et M. B... F..., sur le monument aux morts situé sur le territoire de la commune. Une décision implicite de rejet étant née, l'intéressée a formé un recours gracieux, lequel a également été implicitement rejeté. Mme D... fait appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. 2. Aux termes de l'article L. 515-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui a remplacé l'article 2 de la loi n° 2012-273 du 28 février 2012 : " Lorsque la mention " Mort pour la France " a été portée sur l'acte de décès dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, l'inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou du dernier domicile ou sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument est obligatoire. (...) / La demande d'inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l'intermédiaire de ses services territoriaux ou des associations ayant intérêt à agir ". 3. Il est constant que la commune de Joinville n'est ni le lieu de naissance, ni la dernière commune de résidence de M. C... F..., M. A... F... et M. B... F.... Le maire de Joinville n'était donc pas tenu, en application des dispositions précitées, de faire droit à la demande de Mme D... tendant à faire inscrire ces noms sur le monument aux morts situé sur le territoire de la commune. Aucun texte, y compris local, ne détermine les conditions d'inscription des noms des défunts qui ne se trouvent pas dans l'une ou l'autre des situations prévues par les dispositions précédemment citées de l'article L. 515-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, laissant ainsi à l'autorité communale toute latitude pour décider à titre gracieux ou non d'ajouter des noms sur un monument existant. Par suite, alors même que le monument en litige situé à Joinville porte la mention " en l'honneur des enfants du canton de Joinville morts pour la France ", dont il est constant que M. C... F..., M. A... F... et M. B... F... relèvent, le refus du maire de ne pas inscrire leur nom sur ledit monument n'est pas une décision administrative susceptible de recours pour excès de pouvoir. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme irrecevable. 5. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme D... présentées aux fins d'injonction et d'astreinte sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par la commune de Joinville au titre des frais liés à l'instance. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Joinville sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et à la commune de Joinville. 4 N° 19NC02624
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 29/11/2021, 20MA03681, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 755 945,60 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis. Par jugement n° 1804192 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 300 euros, a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, et a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 septembre 2020 et 13 juillet 2021, Mme D..., représentée par Me Barthelemy, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a limité le montant des condamnations mises à la charge de l'Etat à la somme de 2 300 euros. 2°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 57 000 et 696 895,60 euros. 3°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D... soutient que : - sa requête est recevable, dès lors qu'elle n'a pas eu notification régulière de la décision du tribunal administratif de Montpellier ; - la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée ; elle est restée sans contact avec sa hiérarchie pendant la gestion des évènements, et seule à devoir assurer la sécurité de 15 élèves ; - l'absence de soutien de sa hiérarchie a aggravé son stress post-traumatique ; - le défaut de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie est fautif ; les congés pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 correspondent à des congés pour maladie imputables au service ; - elle est inapte à exercer ses fonctions et a droit à une mesure de reclassement ; - la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée ; - elle a subi une perte de ressources d'au moins 40 000 euros entre le 22 mars 2016 et le 31 août 2017, correspondant à la perte de son logement de fonction pour un montant de 12 000 euros, à la perte des indemnités de chef d'établissement pour un montant de 5 737,50 euros, au passage à demi-traitement pour un montant de 19 500 euros, aux intérêts d'emprunt souscrits pour palier ses pertes de revenus pour un montant de 648 euros et aux frais de déménagement pour un montant de 3 000 euros. - elle a engagé des frais médicaux pour un montant de 1 100 euros ; - son préjudice de douleur s'élève à la somme de 3 000 euros ; - elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 %, consolidé au 1er septembre 2017 et a droit, à ce titre, au versement d'une indemnité de 3 000 euros ; - elle a subi une perte de gains professionnels futurs ; elle a perdu 29 238 euros par an d'indemnités de chef d'établissement, et 32 653 euros par an sur les quatre dernières années de travail (2034-2038) ; les droits à formation GRETA perdus s'élèvent à la somme de 40 000 euros ; le montant total des pertes d'indemnités s'élève à la somme de 696 895,60 euros ; - la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 doit être considérée comme une période de congés pour invalidité temporaire imputable au service et comme une période de service effectif. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la requête est irrecevable en appel comme tardive ; - la faute alléguée relative à l'absence de soutien hiérarchique n'est pas établie ; - le refus de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... n'est pas fautif ; - Mme D... n'a pas été reconnue inapte à exercer ses fonctions et n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait eu droit à un reclassement ; ayant souhaité se réorienter vers l'enseignement et ayant été détachée dans le corps des professeurs agrégés à sa demande, elle a été intégrée dans ce corps le 1er septembre 2018, son ancienneté ayant été prise en compte dans son reclassement ; - la requérante n'a pas constitué de dossier de frais de changement de résidence et ne pouvait pas prétendre au versement de ces frais, compte tenu du caractère provisoire de son affectation ; - le bénéfice du logement de fonction ne lui a pas été retiré durant ses congés pour maladie, en ayant bénéficié jusqu'à son détachement dans le corps des agrégés ; - les indemnités de chef d'établissement sont conditionnées à l'exercice effectif des fonctions, et il n'y a aucun préjudice de manque à gagner à ce titre ; - elle a été placée en congés pour maladie à plein temps à compter du 24 mars jusqu'au 23 décembre 2016 et sa situation financière a été régularisée en janvier 2017 ; - la demande relative aux intérêts d'emprunt n'est pas justifiée ; - les frais de déménagement exposés sont sans lien avec l'état de santé de Mme D... ; - la demande relative aux frais médicaux n'est pas assortie de pièces justificatives ; - son préjudice d'angoisse n'excède pas 1 300 euros ; - le préjudice relatif au déficit fonctionnel n'excède pas 1 000 euros. Par ordonnance en date du 13 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. F... Point, rapporteur, - et les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public, Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., alors personnel de direction de l'éducation nationale, a été affectée de 2012 à 2018 en qualité de principale du collège Marcelin Albert de Saint-Nazaire-d'Aude. Elle a été placée en détachement dans le corps des professeurs agrégés à compter du 1er septembre 2017, puis intégrée dans ce corps à compter du 1er septembre 2018. Elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 755 945,60 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des évènements survenus à Bruxelles le 22 mars 2016. Mme D... relève appel du jugement n° 1804192 rendu le 15 juillet 2020 par le tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande et a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat à la somme de 2 300 euros. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ". 3. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Montpellier a été adressé par le greffe à Mme D... par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé à l'adresse qu'elle avait mentionnée dans sa requête introductive d'instance. En l'absence de l'intéressée, le service postal a déposé, le 21 juillet 2020, un avis l'informant de ce que le pli pouvait être retiré au bureau de poste à compter du 22 juillet 2020. Le tribunal administratif de Montpellier a accusé réception de l'avis de passage le 22 juillet 2020, avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Toutefois, il résulte de l'instruction que dans son mémoire complémentaire et sa note en délibéré enregistrés par le greffe du tribunal les 4 mars 2020 et 3 juillet 2020, Mme D... avait mentionné sa nouvelle adresse. Elle a ainsi fait connaître au greffe de la juridiction son changement d'adresse. L'avis de passage du 21 juillet 2020 ne lui étant pas opposable, la requérante est fondée à soutenir que le jugement du tribunal ne lui a pas été notifiée régulièrement, et que le courrier en cause n'a pas pu faire courir contre elle le délai d'appel. Dès lors, la requête de Mme D... enregistrée au greffe de la Cour le 24 septembre 2020 n'est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la rectrice de l'académie de Montpellier doit être écartée. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne les préjudices résultant du refus d'imputabilité au service des arrêts de travail : S'agissant de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 22 mars 2016 : 4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. /Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. /Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature, s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an ;(...) ". Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du même article disposent que " si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 5. Il résulte de l'instruction, que les arrêts de travail dont a bénéficié la requérante à compter du 24 mars 2016 ont été motivés par un " état de stress post-traumatique ", la mettant dans l'incapacité provisoire d'exercer ses fonctions. Par décision du 7 octobre 2016, le recteur de l'académie de Montpellier a refusé de retenir l'état de stress post-traumatique, sans toutefois remettre en cause les arrêts de travail présentés par Mme D.... Par la même décision, le recteur de l'académie de Montpellier a considéré que les arrêts de travail pour la période du 24 mars 2016 au 30 septembre 2016, n'étaient pas imputables au service. Par décision du 23 novembre 2016, le recteur de l'académie de Montpellier a placé Mme D... en situation de congé pour longue maladie " ordinaire " à compter du 24 mars 2016. Ces congés pour longue maladie, qui reconnaissent implicitement mais nécessairement le bien-fondé des certificats d'arrêts pour maladie présentés par Mme D... pour la période en cause, doivent être regardés comme accordés au titre de l'état de stress post-traumatique relevé dans ces certificats médicaux. Les congés pour longue maladie de Mme D... ont été prolongés par arrêtés successifs jusqu'au 3 juin 2017. Elle a ainsi bénéficié de son plein traitement jusqu'au 23 mars 2017. 6. Il ressort des conclusions du rapport d'expertise médicale établi le 18 avril 2017, que Mme D... présentait " indiscutablement un stress post-traumatique en relation avec les évènements de Bruxelles ". L'expert a relevé que le stress post-traumatique présentait un " lien de causalité direct, certain et exclusif avec les faits en cause et notamment avec l'attentat de l'aéroport de Bruxelles du 22 mars 2016, ainsi que l'attentat du métro à la station Maelbeek, en excluant la part des séquelles pouvant être en relation avec toute autre cause extérieure, et en particulier un état antérieur. ". Les conclusions de cette expertise médicale ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier sont de nature à contredire utilement les conclusions de l'examen psychiatrique pratiqué le 7 juin 2016 qui avait conclu à l'absence d'état de stress post-traumatique, ainsi que celles du docteur E... du 22 juin 2016, lequel s'est borné à recommander un congé de longue maladie. Ce dernier rapport ne se prononce pas explicitement sur l'état post-traumatique dont souffre Mme D... et les conclusions par lesquelles le médecin se prononce sur la qualification d'accident de service, qui ont trait à la qualification juridique des faits, n'ont aucune valeur probante. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que Mme D... est fondée à soutenir que l'état de stress qui a justifié ses arrêts pour maladie, et par suite, le congé pour longue maladie qui lui a été accordé à compter du 24 mars 2016, sont directement liés à la situation qu'elle a vécue le 22 mars 2016 dans le cadre du voyage scolaire à Bruxelles, activité constituant le prolongement normal du service. De tels évènements ont eu un caractère soudain et violent, de nature à faire regarder le traumatisme psychologique subi par Mme D... comme un accident de service. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le recteur de l'académie de Montpellier a refusé l'imputabilité au service de cet accident. 7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, de l'illégalité fautive de la décision du 7 octobre 2016 rejetant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 23 mars 2016, et des arrêtés la plaçant en congés pour longue maladie, en tant qu'ils lui refusent le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dispositions qui n'ont pas un effet exclusivement pécuniaire. S'agissant des pertes de ressource pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 : 8. Il résulte de ce qui précède, que l'accident de service dont a été victime Mme D... est imputable au service et qu'elle avait droit au versement de son plein traitement pour l'ensemble de ses congés de longue maladie et à la prise en charge de ses frais médicaux. Il résulte de l'instruction que Mme D... a bénéficié de son plein traitement pour la période du 14 mars 2016 au 14 mars 2017, et d'un demi-traitement pour la période du 15 mars 2017 au 30 juin 2017, date de sa reprise de service. La rectrice de l'académie de Montpellier fait valoir, sans être utilement contredite sur ce point par Mme D..., que la régularisation financière relative au versement du plein traitement, pour la période du 24 mars 2016 au 23 décembre 2016, est intervenue sur la paye du mois de janvier 2017 et qu'elle a perçu son plein traitement pour la période allant de janvier à mars 2017. Par suite, la requérante ne justifie de la réalité de son préjudice que pour la période allant du 1er avril 2017 au 1er septembre 2017, date de son détachement dans le corps des agrégés. Il résulte de l'instruction que le montant du traitement de Mme D... était, au cours de la période en cause, de 3 727,72 euros. Par suite elle a droit au versement de la somme de 9 319,30 euros, correspondant à la moitié de son traitement, non versé pour les mois d'avril à août 2017. 9. Si Mme D... soutient qu'elle a engagé des frais médicaux liés à sa prise en charge psychologique, pour un montant de 1 100 euros, elle ne verse aucune pièce justificative et n'établit pas la réalité de son préjudice sur ce point. Ses conclusions formulées à ce titre doivent, par suite, être rejetées. En ce qui concerne les autres préjudices : 10. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle. ". 11. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font, en revanche, obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. S'agissant des fautes invoquées par Mme D... : 12. Il résulte de l'instruction, que Mme D... se trouvait à Bruxelles pour accompagner un groupe de quinze élèves en voyage scolaire, quand ont eu lieu les attaques terroristes du 22 mars 2016. Mme D... devait, ce jour-là, accompagner les élèves pour une visite du siège du Parlement européen situé à proximité de la station de métro Maalbeek où se sont produites des attaques terroristes. Au cours de la matinée du 22 mars 2016, Mme D... et le groupe d'élèves, évacués du siège du Parlement européen, ont gagné le consulat général de France à Bruxelles, puis ont été transférés par les services consulaires à l'auberge de jeunesse où ils étaient hébergés. Si Mme D... fait valoir que sa hiérarchie a tardé à prendre contact avec elle et ne lui a pas apporté l'assistance nécessaire, alors même qu'elle avait sollicité l'aide des services du rectorat, il lui appartenait, en sa qualité de chef d'établissement et au regard de sa présence sur place, de prendre les décisions utiles à la sécurité des élèves. Elle n'établit pas quel type de mesures le recteur ou la directrice d'académie auraient été en mesure de prendre pour l'assister, afin de faire face aux évènements qui ont affecté le voyage scolaire. Par suite, elle n'établit pas la faute qu'elle allègue, qui aurait résulté d'un défaut d'assistance ou d'un manquement du rectorat à son pouvoir d'instruction hiérarchique. Si Mme D... fait valoir, par ailleurs, qu'elle n'a pas bénéficié d'un soutien psychologique et administratif suffisant après les évènements et que le rectorat a mis en doute la régularité de l'organisation du voyage, elle ne précise pas quelles obligations auraient été méconnues par sa hiérarchie. Ainsi, Mme D... n'établit pas l'existence d'un comportement fautif de l'administration après les évènements, à l'origine d'une aggravation de son traumatisme psychologique. 13. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / (...) ". 14. Il résulte de l'instruction que par courrier du 8 février 2018, Mme D... a présenté une demande d'intégration dans le corps des agrégés. Ainsi, la mesure par laquelle Mme D... a été intégrée dans le corps des agrégés lui a été accordée à sa demande. A supposer même que Mme D... puisse être regardée comme définitivement inapte à exercer les fonctions de chef d'établissement, elle ne démontre pas l'existence d'une faute de l'administration à l'origine de cette inaptitude. Par ailleurs, la requérante n'établit pas, par les moyens qu'elle invoque, que la mesure d'intégration dont elle a bénéficiée et qu'elle a elle-même sollicitée, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme une mesure de reclassement, serait entachée d'illégalité. 15. En l'absence de toute faute à l'origine des pertes de rémunérations liées à son détachement et à son intégration dans le corps des professeurs agrégés, Mme D... n'est pas fondée à engager sur ce point la responsabilité pour faute de l'administration. 16. Il résulte de l'instruction, que les préjudices professionnels invoqués par Mme D... sont sans lien direct avec l'illégalité fautive des décisions refusant l'imputabilité au service de son accident. 17. Si la requérante invoque, par ailleurs, un préjudice relatif aux intérêts de l'emprunt qu'elle a souscrit pour palier la perte de revenus subie entre le mois d'octobre 2016 et le mois de septembre 2020, il résulte de l'instruction que l'administration a régularisé la situation de Mme D... quant à son droit au plein traitement pour la période du 24 mars 2016 au 23 décembre 2016 en janvier 2017. Pour la période de janvier 2017 à avril 2017 et pour la période postérieure au 1er septembre 2017, Mme D... a perçu son plein traitement. Les pertes de revenus liées à l'illégalité fautive des décisions de l'administration sont ainsi limitées à la période du 1er avril au 1er septembre 2017. Dès lors, Mme D... n'établit pas un lien de causalité direct entre la nécessité de souscrire un emprunt et ces pertes de revenus. Par suite, ses conclusions indemnitaires formulées à ce titre doivent être rejetées. S'agissant des préjudices professionnels invoqués par Mme D... : 18. Mme D... invoque des préjudices professionnels résultant de sa maladie professionnelle. Elle fait état d'une perte de ressources liée à la perte du logement de fonction pour un montant de 12 000 euros, à la perte des indemnités de chef d'établissement pendant un an et demi, pour un montant de 5 737,50 euros, ainsi que des frais de déménagement et la perte des gains professionnels futurs. Il résulte de ce qui a été exposé au point 11 que ces préjudices professionnels, en l'absence de faute de la collectivité publique, ne peuvent être pris en charge que dans le cadre de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984. S'agissant des préjudices personnels : 19. Mme D..., victime d'un accident de service, peut prétendre à la réparation de l'ensemble des préjudices personnels et patrimoniaux, non compris dans le forfait, qui ont résulté de cet accident. Elle soutient que son préjudice d'angoisse et son préjudice lié à un déficit fonctionnel temporaire, dont la réalité n'est pas contestée en appel, s'élèvent à la somme de 3 000 euros chacun. Dans son rapport d'expertise du 18 avril 2017, le Dr C... a retenu une date de consolidation au 1er septembre 2017, un déficit fonctionnel temporaire de 10 % pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017, une souffrance endurée de 1 sur une échelle de 7 degrés, une absence d'incapacité permanente partielle et une absence de troubles dans la vie courante. Il y a lieu, par suite, de fixer le montant du préjudice subi par Mme D... à hauteur de de 1 000 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire et de 1 300 euros au titre de la souffrance endurée. 20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à demander à ce que le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à lui verser en réparation de ses préjudices soit porté à la somme de 11 619,30 euros. Par suite, le surplus de ses conclusions indemnitaires doit être rejeté. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 21. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à verser à Mme D... est porté à la somme de 11 619,30 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : l'Etat versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme D... est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Montpellier. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gilles Taormina, président assesseur, - M. F... Point, premier conseiller, - M. Olivier Guillaumont, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2021. 2 N° 20MA03681
Cours administrative d'appel
Marseille