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CAA de PARIS, 8ème chambre, 15/11/2021, 19PA03705, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du 12 mars 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de modifier son arrêté du 9 octobre 2017 ne lui concédant une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % pour deux infirmités qu'à compter du 8 décembre 2015 et non à partir du 29 décembre 2005, date de son dépôt de plainte. Par un jugement n° 18/00008 du 12 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision de la ministre des armées du 12 mars 2018 en tant qu'elle n'a pas fixé le point de départ de la pension militaire d'invalidité concédée à Mme B... au 8 décembre 2012. Procédure devant la Cour : I. Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés les 1er novembre 2019, 16 juillet 2020 et les 29 septembre et 6 octobre 2021 sous le n° 19PA03705, Mme B..., représentée par Me Angot, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 18/00008 du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il ne lui a concédé une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % pour deux infirmités qu'à compter du 8 décembre 2012 et non à partir du 29 décembre 2005, date de son dépôt de plainte ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 12 mars 2018 en tant qu'elle prend comme point de départ de sa pension militaire d'invalidité le 8 décembre 2015 et non le 29 décembre 2005 ; 3°) de fixer le point de départ de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée par l'arrêté de la ministre des armées du 12 mars 2018 au 29 décembre 2005 date de son dépôt de plainte ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est entaché d'une dénaturation des faits de l'espèce ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation et d'un défaut de motivation, les faits de l'espèce justifiant une décision différente, dès lors que la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée par l'arrêté de la ministre des armées du 12 mars 2018 doit lui être versée à compter des faits d'agression dont elle a été victime en 2005 ; - le ministère des armées a manifestement manqué à son obligation de conseil et d'information en omettant de lui indiquer qu'elle devait déposer une demande de pension militaire d'invalidité pour les faits d'agression dont elle a été victime en 2005. Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 9 mars 2020, la ministre des armées conclut : 1°) à l'annulation du jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) à la confirmation de l'arrêté de la ministre des armées du 9 octobre 2017 octroyant à Mme B... une pension militaire d'invalidité à compter du 8 décembre 2015, date de sa demande de révision de pension. Elle soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit : Mme B... ne pouvait prétendre à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité trois ans avant la date de sa demande en application de l'article L. 151-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que sa demande ne s'analysait pas comme une demande de liquidation d'une pension ou de révision d'une pension suite à une éventuelle erreur matérielle de liquidation au sens de cet article L. 151-3 et que le tribunal n'avait pas à se prononcer sur les conditions de paiement d'une pension, mais devait statuer sur le droit à pension lui-même, avec une entrée en jouissance qui devait, en tout état de cause, être impérativement fixée à la date du dépôt de la demande, soit au 8 décembre 2015, conformément aux dispositions de l'article L. 152-2 du même code. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2020. II. Par une requête enregistrée le 1er novembre 2019 sous le n°19PA04277, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer son arrêté du 9 octobre 2017 octroyant à Mme B... une pension militaire d'invalidité à compter du 8 décembre 2015, date de sa demande. Elle soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que Mme B... ne peut prétendre à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité trois ans avant la date de sa demande en application de l'article L. 151-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par des mémoires en défense et en appel incident enregistrés les 29 septembre et 6 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Angot, conclut au rejet de la requête et demande en outre : 1°) d'annuler le jugement n° 18/00008 du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il ne lui a concédé une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % pour deux infirmités qu'à compter du 8 décembre 2012 et non à partir du 29 décembre 2005, date de son dépôt de plainte ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 12 mars 2018 en tant qu'elle prend comme point de départ de sa pension militaire d'invalidité le 8 décembre 2015 et non le 29 décembre 2005 ; 3°) de fixer le point de départ de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée par l'arrêté de la ministre des armées du 12 mars 2018 au 29 décembre 2005, date de son dépôt de plainte ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soulève les mêmes moyens que ceux analysés dans le cadre de l'instance n° 19PA03705. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 novembre 2020. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Angot, avocat de Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes susvisées n°s 19PA03705 et 19PA04277, présentées pour Mme B... et par la ministre des armées, sont dirigées contre le même jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt. 2. Mme B..., qui s'est engagée dans l'armée en 2003 au sein du 7ème bataillon de chasseurs alpins, a subi une entorse à la cheville gauche le 22 janvier 2004 au cours d'un entraînement, qui a laissé subsister une infirmité avec un taux d'invalidité de 10 %. Après avoir demandé à bénéficier d'une pension militaire d'invalidité, à la suite de divers recours, une pension militaire d'invalidité définitive lui a été concédée à titre provisoire à compter du 10 juin 2004 et à titre définitif par arrêté ministériel du 11 octobre 2010 à compter du 10 juin 2007 au taux global de 10 %. Au cours de l'année 2005, Mme B... a servi au Kosovo et en Côte d'Ivoire dans le cadre d'opérations extérieures et y a été victime de faits d'agressions, de harcèlements sexuels et de harcèlement moral. Ces faits l'ont conduite à déposer plainte le 29 décembre 2005 et ont entraîné la condamnation de ses agresseurs par les tribunaux correctionnels compétents. Le 8 décembre 2015, elle a demandé la prise en compte dans sa pension militaire d'invalidité de la nouvelle infirmité liée aux faits dont elle a été victime. Par arrêté du 9 octobre 2017, la ministre des armées lui a concédé une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % à compter du 8 décembre 2015 pour deux infirmités : faits de stress post-traumatique (30 %) et séquelles d'entorse grave de la cheville gauche (10 % + 5). Elle a formé un recours auprès de la ministre des armées tendant à ce que la pension militaire d'invalidité concédée ait pour point de départ les faits d'agression dont elle a été victime en 2005 et non le 8 décembre 2015, date à laquelle elle a formé sa demande. Par décision du 12 mars 2018, la ministre des armées a refusé de modifier son arrêté du 9 octobre 2017. Par un jugement n° RG 18/00008 du 12 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a fait partiellement droit au recours introduit par Mme B... contre cette décision et a annulé la décision de la ministre des armées du 12 mars 2018 en tant qu'elle n'avait pas fixé le point de départ de la pension militaire d'invalidité concédée à l'intéressée au 8 décembre 2012. Par la requête enregistrée sous le n° 19PA03705, Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fixé le point de départ de sa pension militaire d'invalidité au 29 décembre 2005, date de son dépôt de plainte. Par la voie de l'appel incident, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le même jugement et que son arrêté du 9 octobre 2017 octroyant à Mme B... une pension militaire d'invalidité à compter du 8 décembre 2015, date de sa demande, soit confirmé. La ministre des armées relève également appel du même jugement, par la requête enregistrée sous le n° 19PA04277, et présente les mêmes conclusions. Par la voie de l'appel incident, Mme B... présente les mêmes conclusions que celles qu'elle a présentées dans l'autre requête. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris : 3. Aux termes des dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable jusqu'au 1er janvier 2017 : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme (...) / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable jusqu'au 1er janvier 2017 : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (...) La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur ". 4. Il résulte de ces dispositions que la révision d'une pension d'invalidité prend effet à compter de la date de la demande présentée à cette fin et que la pension concédée à titre définitif dont la révision est demandée n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités se trouve augmenté d'au moins dix points. 5. L'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable jusqu'au 1er janvier 2017, prévoit trois possibilités de révision dans des cas précis liés à une erreur matérielle de liquidation, à certaines inexactitudes au vu desquelles l'arrêté de concession a été rendu ou à titre exceptionnel après une enquête ouverte par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. 6. Il s'ensuit, en l'absence d'autres dispositions ouvrant droit à une révision de la pension militaire d'invalidité déjà concédée, que la demande portant sur une augmentation de cette pension en raison d'une nouvelle infirmité sans lien avec la ou les infirmités ayant déjà ouvert un droit à pension, ne constitue pas une demande de révision de pension au sens des articles L. 29 et L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Elle constitue dès lors une demande de concession de pension au titre d'une nouvelle infirmité. 7. L'article L. 108 du même code, applicable jusqu'au 1er janvier 2017, dont les dispositions ont été ultérieurement codifiées à l'article L. 151-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dispose que : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures ". 8. Les dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre régissent la prescription en matière d'arrérages. Elles permettent au titulaire d'une pension de présenter une demande en vue de la liquidation ou de la révision de la pension et que l'administration est en pareille hypothèse en droit de lui opposer la prescription résultant de ces dispositions, hormis le cas où le délai mis par l'intéressé à présenter une telle demande ne serait pas imputable à son fait personnel. Ainsi le pensionné ne peut, au titre de ces dispositions, prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée auprès de l'administration et aux trois années antérieures. 9. Il résulte de l'instruction que Mme B... a formé le 8 décembre 2015 une demande tendant à ce que lui soit concédée une pension militaire d'invalidité en raison de la nouvelle infirmité dont elle souffre et qui est liée aux faits dont elle a été victime au cours de l'année 2005 au Kosovo et en Côte d'Ivoire dans le cadre d'opérations extérieures. Une telle demande présentée en raison d'une nouvelle infirmité sans lien avec les infirmités pour lesquelles une pension lui a déjà été concédée, ne constitue ni une demande de révision de pension au sens des articles L. 29 et L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ni une demande de liquidation portant sur le calcul de la pension concédée et ne tend pas davantage au versement d'arrérages afférents à la pension concédée antérieurement. Il suit de là que le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ne pouvait, sans entacher son jugement d'une erreur de droit, se fonder sur les dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour faire droit à la demande de Mme B... en fixant au 8 décembre 2012 le point de départ de sa pension militaire d'invalidité. 10. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé sa décision du 12 mars 2018. 11. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Sur le droit de Mme B... au bénéfice de la concession d'une pension militaire d'invalidité à compter d'une date antérieure au 8 décembre 2015 : 12. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que l'entrée en jouissance de la pension concédée au titre d'une infirmité est fixée à la date du dépôt de la demande. 13. Si Mme B... sollicite le bénéfice d'une dérogation à cet article et soutient que la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée par l'arrêté du 9 octobre 2017 de la ministre des armées doit lui être versée à compter des faits d'agression dont elle a été victime en 2005, aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur ne prévoit une telle dérogation s'agissant de l'entrée en jouissance de la pension qui ne peut intervenir qu'à compter de la date à laquelle a été déposée la demande. L'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, comme il a été dit au point 12, régit la prescription en matière d'arrérages. Il n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 6 du même code, lequel régit l'entrée en jouissance de la pension concédée au titre d'une infirmité initiale ou nouvelle. 14. Dès lors que s'applique l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, Mme B... ne peut utilement invoquer la circonstance que le ministère des armées aurait manqué à une obligation de conseil et d'information en ne l'informant pas en 2005 qu'elle pouvait demander une pension militaire d'invalidité au titre d'une nouvelle infirmité liée aux faits d'agressions, de harcèlements sexuels et de harcèlement moral dont elle a été victime au cours de cette même année. 15. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et que, par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de la requête d'appel et d'appel incident de Mme B... tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, la demande de première instance, la requête d'appel et les conclusions d'appel incident de Mme B..., y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel et en appel incident sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFFLa greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°s 19PA03705 et 19PA04277
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANCY, 2ème chambre, 18/11/2021, 19NC01644, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2018 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) la Mais'ange a refusé de reconnaître sa pathologie comme étant imputable au service. Par un jugement numéro 1800436 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 28 mai 2019, Mme C..., représentée par Me Boucher, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision attaquée ; 3°) d'enjoindre à l'Ehpad Mais'Ange de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre et de lui accorder le bénéfice des dispositions du I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et du 20 de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ; 4°) de mettre à la charge de l'Ehpad Mais'Ange une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - toutes les pièces médicales produites démontrent que la pathologie dont elle est atteinte, en dépit d'un état antérieur, dès lors qu'un lien exclusif entre la maladie et le service n'est pas exigé, est directement imputable à ses fonctions d'aide-soignante. Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2019 l'Ehpad La Mais'Ange, représenté par Me Mulller-Pistre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de la sécurité sociale ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Agnel ; - et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., née en 1976, exerce au sein de l'Ehpad La Mais'Ange les fonctions d'aide-soignante stagiaire à compter du mois d'avril 1999, puis titulaire à compter du 14 juin 2001. L'intéressée a été opérée d'une hernie discale le 7 juillet 2016 et a présenté un certificat médical établi le 30 septembre 2016 par le docteur B... faisant état d'une " sciatique paralysante L5 S1 droit sur hernie discale lombaire ". Après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme émis le 20 janvier 2017, l'Epahd La Mais'Ange a décidé de placer Mme C... en position de congé de maladie ordinaire à compter du 7 juillet 2016. Après avoir retiré cette décision, ainsi qu'une autre décision analogue, que Mme C... avait contestées, l'établissement a de nouveau saisi la commission de réforme qui a rendu un avis le 15 décembre 2017 au vu duquel le directeur de l'établissement, par une décision du 23 janvier 2018, a refusé de reconnaître comme imputable au service la pathologie de Mme C... et a placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire du 7 juillet 2016 au 6 juillet 2017. Mme C... relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la légalité de la décision du 23 janvier 2018 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". Et aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...). / L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code. (...) ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". 4. En l'absence de dispositions contraires, les dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui sont suffisamment claires et précises, sont d'application immédiate. Elles ont donc vocation à régir les situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de sécurité juridique, qui exclut qu'elles s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur intervenue le 21 janvier 2017. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 5. Il ressort des pièces du dossier que la hernie discale et les lombo-sciatalgie dont souffre Mme C... ont été diagnostiquées à compter de l'année 2007 et ont donné lieu à un épisode aigu survenu au mois de juillet 2016. Par suite, la situation de l'intéressée doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. 6. En deuxième lieu, en l'absence de présomption légale d'imputabilité, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 7. Il ressort des pièces du dossier que les fonctions d'aide-soignante de la requérante comportaient, ainsi que l'a décrit le médecin du travail du centre hospitalier Louis Pasteur de Dole, dans son certificat du 30 mars 2017, " des gestes en force, effectués de façon habituelle et répétée, dans le cadre de soins paramédicaux incluant la manutention de personnes dépendantes (lever-coucher, nursing, toilettes, mise au fauteuil,...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une hernie discale L5-S1 droite ayant justifié l'opération chirurgicale d'urgence du 7 juillet 2016. 8. Il ressort des différents certificats médicaux produits que Mme C... a présenté des épisodes de lombosciatiques du membre inférieur droit à compter de l'année 2007, puis plus franchement de l'année 2009, alors qu'elle était déjà employée par l'Ehpad La Mais'Ange. Si l'épisode aigu ayant justifié l'opération chirurgicale du 7 juillet 2016 est effectivement survenu à l'occasion d'une activité privée de loisir, il ressort tant du rapport du docteur A... que des certificats des docteurs Orset, Gondy et Donguy que la pathologie dont souffre Mme C... est en lien direct avec l'exercice de ses fonctions au sein de l'établissement. La circonstance que ces documents médicaux estiment toutefois que la maladie de Mme C... n'est pas exclusivement due à ses fonctions ne saurait faire obstacle, en vertu des règles ci-dessus rappelées, à ce que ses congés soient pris en charge au titre de la maladie imputable au service en application des dispositions du 2° de l'article 41 de la loi ci-dessus visée du 9 janvier 1986. Par suite, Mme C... est fondée à demander l'annulation de la décision du 23 janvier 2018 lui refusant le bénéfice de ces dispositions. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 10. L'annulation de la décision du 23 janvier 2018 ci-dessus prononcée implique nécessairement que les congés de maladie de Mme C... du 7 juillet 2016 au 6 juillet 2017 soient pris en charge au titre de la maladie contractée au service en application du 2° de l'article 41 de la loi ci-dessus visée du 9 janvier 1986. Il y a lieu par suite, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre l'Ehpad Mais'Ange d'y procéder selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Ehpad La Mais'Ange le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en revanche à ce que Mme C..., qui n'est pas la partie perdante, verse à l'Ehpad La Mais'Ange la somme qu'il demande sur ce fondement. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1800436 du 4 avril 2019 est annulé. Article 2 : La décision du directeur de l'Ehpad La Mais'Ange n° 2018/01 du 23 janvier 2018 est annulée. Article 3 : Il est enjoint à l'Ehpad Mais'Ange de prendre en charge au titre de la maladie contractée au service les congés de maladie de Mme C... du 7 juillet 2016 au 6 juillet 2017 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Ehpad La Mais'Ange versera à Mme C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions de l'Ehpad La Mais'Ange tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à l'Ehpad Mais'Ange. N° 19NC01644 5
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/11/2021, 19NT04071, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Rennes, à titre principal, l'annulation de la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie au titre de deux infirmités en raison de leur aggravation et, à titre subsidiaire, qu'une expertise soit diligentée. Par un jugement n°18/00014 du 13 mars 2018, le tribunal des pensions militaires de Rennes a rejeté sa demande. M. A... a relevé appel de cette décision, par une demande et un mémoire enregistrés les 27 avril 2018 et 7 novembre 2018 au greffe de la cour régionale des pensions militaires de Rennes, en sollicitant qu'une expertise médicale soit diligentée. Par des mémoires, enregistrés les 18 octobre 2018 et 15 février 2019, au greffe de la cour régionale des pensions militaires, la ministre des armées conclut au rejet de la demande de M. A.... Par un arrêt avant-dire droit du 14 juin 2019, la cour régionale des pensions militaires près la Cour d'appel de Rennes a ordonné une expertise médicale. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête déposée par M. A... a été transmise par la cour régionale des pensions militaires près la Cour d'appel de Rennes à la cour administrative d'appel de Nantes qui l'a enregistrée le 1er novembre 2019 sous le n° 19NT04071. Procédure devant la cour : Par ordonnance de remplacement d'expert du 18 février 2020, le professeur Yves Deugnier a été désigné comme expert pour procéder à la mission définie par l'arrêt du 14 juin 2019 de la cour régionale des pensions près la cour d'appel de Rennes. Par ordonnance du 16 mars 2020, le professeur Laurent Siproudhis a été désigné comme sapiteur pour assister le professeur Deugnier dans sa mission. Le rapport d'expertise a été enregistré le 7 avril 2021. Par des mémoires, enregistrés les 4 et 20 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A.... Elle soutient que : - l'aggravation mentionnée par l'expert, dont seule une part de 5% peut être liée à l'infirmité pensionnée, ne peut être prise en considération dès lors que la pension est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10% au moins du pourcentage antérieur et que le maintien du taux de 30% au titre de la première infirmité pensionnée est justifié à la date du 26 janvier 2016 ; - dans l'hypothèse où une aggravation de 15% est retenue pour la première infirmité, le taux global de pension serait de 55% et non de 60% par application de la règle dite de " Balthazard ". Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2021, M. A..., représenté par Me Berthelot, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°18/00014 du 13 mars 2018 du tribunal des pensions militaires de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de dire que sa pension militaire doit être revalorisée au taux de 60% à compter du 26 janvier 2016 ; 4°) d'enjoindre au ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension en tenant compte de l'augmentation de 15% du taux d'invalidité antérieur à compter du 26 janvier 2016, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Berthelot sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'aggravation de sa pathologie digestive justifie une augmentation de 15% de la première affection pensionnée ; - l'expertise médicale a été rendue nécessaire compte tenu du caractère très superficiel de l'expertise diligentée par le ministre des armées. Par deux ordonnances du 22 octobre 2021, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 035 euros et du sapiteur à la somme de 320 euros. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 juin 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Malingue, - et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 25 septembre 1939, a servi dans l'armée de terre en qualité de soldat de 1959 au 22 février 1962, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par un arrêté du 12 février 2001, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux global de 45% pour deux infirmités, la première " dyspepsie biliaire avec douleurs sous costales droits ; troubles de la motricité gastrique ; troubles du transit, entéropathie exsudative, avec alternance de diarrhée et de constipation (maladie constatée le 29 avril 1960) : 30% " et la seconde " anite hémorroïdaire moyenne (en relation avec la première infirmité pensionnée) : 10% + 5 ". Le 26 janvier 2016, M. A... a présenté une demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités. Après une expertise médicale effectuée par un médecin expert généraliste le 20 mai 2016 concluant à une absence d'aggravation de la première infirmité pensionnée et sur avis de la commission de réforme des pensions, sa demande a été rejetée par décision ministérielle du 17 octobre 2016. 2. M. A... a saisi, le 19 janvier 2017, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes. Par un jugement du 13 mars 2018, ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2016 et à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Le 27 avril 2018, l'intéressé a relevé appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions militaires de Rennes, laquelle a ordonné avant-dire-droit une expertise médicale par arrêt du 14 juin 2019 et transféré ce dossier à la cour, devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. 3. D'une part, aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension. 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, devenu L. 154-1 de ce code depuis le 1er janvier 2017 : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. 5. Il ressort des constatations de l'expert médical, qui a été assisté dans sa mission par un sapiteur proctologue, qu' " outre ses troubles digestifs en lien avec un syndrome de l'intestin irritable responsable d'une diarrhée motrice avec incontinence fécale très handicapante, pour lequel il fut pensionné en 2001 à hauteur de 45%, M. A... souffre d'une polypathologie, d'installation ou de révélation postérieure à l'infirmité contractée, métabolique (fièvre méditerranéenne familiale), cardiovasculaire (hypertension artérielle et fibrillation auriculaire), locomotrice (hernie discale et canal lombaire droit) et tumorale (adénocarcinome prostatique correctement contrôlé après radiothérapie et hormonothérapie) " et que les manifestations digestives qui se sont aggravées depuis 2016 témoignent d'une aggravation de la pathologie digestive en lien avec les infirmités pour lesquelles il est pensionné. Si l'expert propose en conséquent d'augmenter son taux de pension de 45% à 60%, il a précisé, en réponse au dire du ministre des armées, que " des faits intercurrents sont en effet intervenus, notamment la découverte et le traitement d'un adénocarcinome prostatique (2005) susceptibles d'avoir participé à l'aggravation des signes digestifs (...) sans que cela ne préjuge en rien de l'absence d'évolutivité de la maladie ayant donné lieu à pension " et qu' " il apparaîtrait donc légitime de considérer qu'une part de l'aggravation décrite en 2016 et constatée en 2020 soit attribuée à l'affection pensionnée et donc d'augmenter le taux de pension de 5% pour le premier motif de pension, lequel englobe l'ensemble des troubles du transit susceptibles de conduire, à terme, à des phénomènes d'incontinence tels que ceux décrits, dès 2016, par le patient ". Si M. A... soutient que l'aggravation de ses troubles digestifs est exclusivement imputable à la maladie ayant donné lieu à pension et que la fin du traitement de l'adénocarcinome prostatique fait disparaître l'effet secondaire d'incontinence anale, il ne produit aucun élément médical de nature à infirmer les constatations de l'expert qui, tout en ayant souligné que l'interprétation de l'aggravation des troubles digestifs était délicate en raison du contexte polypathologique qui s'est installé après leur apparition, a finalement précisé qu'il ne retenait l'imputabilité à l'affection pensionnée de l'aggravation qu'à hauteur de 5%, et alors que le médecin diligenté par l'administration n'avait, pour sa part, retenu, lors de l'expertise du 20 mai 2016, aucune aggravation à ce titre. Compte tenu de ce taux de 5%, qu'il y a lieu de retenir, l'aggravation invoquée par M. A... n'ouvrait pas droit, en application des dispositions citées au point 4, à une révision du taux de sa pension. 6. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2016. Sur les frais d'expertise : 7. Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés pour un montant total de 1 355 euros par ordonnances du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 octobre 2021 doivent être mis à la charge définitive de l'Etat (ministre de la justice) au titre de l'aide juridictionnelle totale dont M. A... est bénéficiaire. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme sollicitée sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 355 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président assesseur, - Mme Malingue, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021. La rapporteure, F. MALINGUELe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 N° 19NT04071 2 1
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 18/11/2021, 19BX03999, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Gironde d'annuler la décision du 30 septembre 2015 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " valvulopathie aortique à prédominance de rétrécissement non serré ". Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 22 mars 2019 et des mémoires enregistrés les 14 février et 21 juillet 2020 et le 10 février 2021, M. B..., représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 30 septembre 2015 ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de lui attribuer une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - contrairement à ce qu'il indique, le jugement ne maintient pas la décision de rejet dès lors qu'il en modifie le motif ; - la " substitution de motif " à laquelle les premiers juges ont procédé d'office était irrégulière en l'absence de demande en ce sens de l'administration ; - le jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il n'indique pas les dispositions législatives qui fondent le rejet de sa demande ; - la décision du 30 septembre 2015 est entachée d'incompétence ; - la décision est insuffisamment motivée, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ; - l'administration semble avoir dissimulé devant le tribunal la partie du rapport d'expertise précisant que le rhumatisme articulaire aigu était consécutif à une angine non soignée durant le service militaire, ce qui est de nature à entraîner l'annulation de la décision ; - contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la valvulopathie, qui a pour origine une angine d'origine bactérienne mal soignée lors de son service militaire en 1972, ne résulte pas d'une maladie mais d'une infection, de sorte que le degré d'invalidité requis pour ouvrir droit à une pension n'est pas de 30 % mais de 10 % ; - le lien entre la valvulopathie et son service militaire est établi dès lors que l'infirmerie de la caserne a manqué à son obligation de soins ; l'absence de prise en charge de l'angine dont il souffrait peut être assimilée à une atteinte extérieure, de sorte que le degré d'invalidité requis pour ouvrir droit à une pension n'est pas de 30 % mais de 10 % ; - la décision, qui a retenu un taux d'invalidité inférieur à 10 %, n'a pas tenu compte de la réalité de l'atteinte à son état général dès lors que l'expertise avait retenu un taux d'invalidité de 10 %. Par des mémoires en défense enregistrés les 5 février et 11 août 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - c'est dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation que le tribunal, qui s'est implicitement fondé sur les dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, a estimé que l'affection dont M. B... est atteint n'ouvrait pas droit à une pension ; - le signataire de la décision disposait d'une délégation régulièrement publiée ; - l'expertise, dont M. B... avait connaissance, a été produite dans sa totalité, sans aucune dissimulation ; - une angine mal soignée ne peut être assimilée à une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service, et une infection n'est pas une blessure ; - le taux minimum de 30 % pour l'indemnisation d'une maladie n'étant pas atteint, il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'imputabilité au service. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, en dernier lieu par une décision modificative du 4 août 2021. Vu les autres pièces du dossier. - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Saint-Martin, représentant M. B.... Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 26 octobre 2021. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a présenté le 19 mars 2013 une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " valvulopathie aortique à prédominance de rétrécissement non serré ". L'expertise médicale organisée par l'administration a conclu que ce rétrécissement, qui n'entraînait pas de gêne fonctionnelle, était la conséquence d'un rhumatisme articulaire aigu survenu en 1972, lors du service militaire, et a fixé le taux d'invalidité à 10 %. Par une décision du 30 septembre 2015, le ministre de la défense a rejeté la demande de pension au motif que le taux d'invalidité était inférieur au minimum de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension. M. B... relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal des pensions de la Gironde a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de reconnaissance de son droit à pension au motif que le taux d'invalidité de 10 % était inférieur au taux minimum de 30 % exigé pour les maladies. Sur la régularité du jugement : 2. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. En l'espèce, le jugement attaqué, qui ne fait référence à aucune disposition législative ou réglementaire, ne comporte aucune motivation en droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, il est irrégulier et doit être annulé. 3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires de la Gironde. Sur la régularité de la décision du ministre de la défense : 4. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 5. Par une décision du 21 avril 2015 publiée au Journal officiel du 24 avril 2015, le directeur des ressources humaines du ministère de la défense a donné délégation à M. E... D..., adjoint au sous-directeur des pensions, à l'effet de signer, au nom du ministre, tous les actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de cette direction, à l'exclusion des décrets. Par suite, M. D... avait compétence pour prendre la décision contestée. 6. La décision énonce l'objet de la demande de M. B..., vise le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, notamment les articles L. 4 et L. 5, et indique que le taux d'invalidité, après expertise réglementaire, est inférieur au minimum indemnisable de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension. Il ressort de cette motivation que l'administration a procédé à l'examen particulier de la demande et a mis le requérant comme le tribunal en mesure de contester utilement le motif retenu. 7. Si M. B... soutient également que la décision serait entachée d'irrégularités dans la procédure suivie, il ne peut utilement se prévaloir ni d'une lenteur anormale dans l'examen de sa demande, ni de l'absence de motivation du constat provisoire, ni du défaut de réponse de l'administration aux observations qu'elle l'avait invité à présenter, ni de la prétendue erreur de fait à indiquer " origine non recherchée " dans la décision alors que l'expert missionné par l'administration l'a longuement interrogé sur des faits antérieurs à 1972 pouvant être en lien avec la valvulopathie, tous ces éléments ne contrevenant à aucune règle en vigueur et étant sans influence sur l'appréciation qui a été faite en l'espèce de ses droits à pension. Sur le droit à pension de M. B... : 8. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...) / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; (...). " L'article L. 10 de ce code précise que les degrés de pourcentage des barèmes d'invalidité : " tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service. 9. M. B... a sollicité une pension pour une " valvulopathie à prédominance de rétrécissement non serré " dont il attribuait l'origine à un rhumatisme articulaire aigu consécutif à une angine négligée à streptocoque bêta-hémolytique, survenu en novembre 1972 lors de son service militaire au centre d'instruction du service de santé de Nantes. L'expert cardiologue qui l'a examiné dans le cadre de l'instruction de sa demande a confirmé que les lésions constatées pour la première fois par une échographie cardiaque réalisée en 1999, constituées en 2014 par un rétrécissement aortique calcifié non serré, étaient la conséquence du rhumatisme articulaire aigu survenu en 1972. Il a précisé que le patient n'avait pas de gêne fonctionnelle, que l'épreuve d'effort de 2013 était tout à fait satisfaisante et l'électrocardiogramme normal, et a proposé un taux d'invalidité de 10 %. La pathologie cardiaque de M. B... constitue ainsi une infirmité résultant exclusivement d'une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service. Ni l'origine infectieuse de l'angine en lien avec la survenue du rhumatisme articulaire, ni la circonstance que cette angine a été négligée n'ont d'incidence sur cette qualification. Le taux d'invalidité de 10 % évalué par l'expert est inférieur au minimum de 30 % prévu au 3° de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, M. B..., qui ne peut en tout état de cause utilement soutenir dans le cadre du présent litige que la responsabilité du service de santé des armées serait engagée pour défaut de soins en 1972, n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit à pension. 10. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires de la Gironde doit être rejetée, ensemble et par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte. Sur les frais exposés à l'occasion du litige : 11. M. B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de la Gironde du 7 février 2019 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires de la Gironde et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, président, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021. La rapporteure, Anne C... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 3 N° 19BX03999
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de LYON, 7ème chambre, 18/11/2021, 19LY02993, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 12 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a refusé de reconnaître imputable au service un accident qui lui serait survenu le 4 décembre 2017, ensemble le rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au directeur général des Hospices civils de Lyon de reconnaître cette imputabilité. Par un jugement n° 1803058 du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 31 juillet 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 octobre 2020, M. A..., représenté en dernier lieu par Me Parisi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2019 ; 2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey du 12 mars 2018 et de lui enjoindre de reprendre une nouvelle décision ; 3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise avant-dire-droit ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision en litige a été prise par une autorité qui ne justifie pas de sa compétence ; - la commission de réforme était irrégulièrement composée ; - il justifie avoir subi un traumatisme soudain le 4 décembre 2017, établi par une IRM réalisée le 5 décembre, quoique son interprétation n'ait pu être réalisée que le 12, ayant eu pour conséquence la rupture du tendon d'Achille ; - nonobstant son état antérieur, la survenance de la rupture de son tendon le 4 décembre alors qu'il était en service suffit à établir le lien avec ce dernier ; aucun élément médical n'établit que cet accident soit la conséquence exclusive de sa tendinopathie antérieure ; - il remplit les conditions de la présomption d'imputabilité posée par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, sans que le centre hospitalier du Haut-Bugey réfute cette dernière. Par des mémoires enregistrés les 11 février 2020 et 13 novembre 2020, le centre hospitalier du Haut-Bugey, représenté par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - l'avis n° 450102 du Conseil d'État du 15 octobre 2021 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; - et les observations de Me Parisi, pour M. A..., ainsi que celles de Me Brocheton, pour le centre hospitalier du Haut-Bugey ; Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., alors ingénieur hospitalier au centre hospitalier du Haut-Bugey, a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une rupture partielle du tendon d'Achille, qu'il soutient s'être produite le 4 décembre 2017 alors qu'il se rendait sur un chantier de construction dans le cadre de son service. M. A... demande l'annulation du jugement du 26 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a refusé de reconnaître sa pathologie imputable au service. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, c'est à bon droit, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté les moyens tirés du défaut de compétence du signataire de la décision en litige et de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme. 3. En second lieu, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique aux termes desquelles : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, (...) Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) II. Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. " ne sont entrées en vigueur, selon l'avis du Conseil d'État susvisé, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique. 4. Si, par suite, ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 5. Dès lors, M. A..., qui invoque, pour fait générateur de l'accident dont il soutient qu'il est imputable au service, des circonstances de fait survenues le 4 décembre 2017, ne peut utilement se prévaloir de la présomption qu'instituent les dispositions de l'article 21 bis précité. 6. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. " Le droit, prévu par ces dispositions, pour le fonctionnaire de conserver l'intégralité de son traitement et de bénéficier la prise en charge de ses arrêts de maladie et de ses frais médicaux pendant ses congés de maladie est soumis à la condition que la maladie le mettant dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. " 7. M. A... fait valoir qu'il était en service et en déplacement pour les nécessités de ce dernier le 4 décembre 2017, alors que s'est manifestée, selon ses déclarations, une vive douleur à sa cheville gauche, qui lui a entraîné une forte claudication attestée par une collègue présente au rendez-vous de chantier auquel il se rendait. Il est établi par les pièces du dossier, notamment l'examen par imagerie médicale du lendemain, nonobstant la circonstance que le rapport n'ait été rédigé que le 12 décembre, que cette douleur était consécutive à une rupture partielle de son tendon d'Achille. M. A..., qui ne fait état que tardivement de l'état incommodément praticable de son parcours en raison de chutes de neige, se borne à attribuer cette pathologie à une " marche accélérée " après avoir quitté la voiture avec laquelle il s'était rendu à destination. 8. D'une part, en l'absence dans ces conditions, et notamment au regard des fonctions de l'intéressé, de toute contrainte physique particulière, le fait du service ne peut être regardé pour cause directe et immédiate de la pathologie diagnostiquée chez M. A.... 9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé l'expert dans son rapport du 8 janvier 2018 préalable à la commission de réforme, que, sans étiologie traumatique relevée, la rupture partielle du tendon d'Achille mise en évidence par l'imagerie médicale du 5 décembre 2017 constituait une aggravation d'un état antérieur de tendinopathie, également diagnostiqué par cette même imagerie. Il suit de là que, si la manifestation aiguë de la pathologie de M. A... est survenue, ainsi qu'il l'établit, alors qu'il effectuait son service, elle ne s'est pas produite à l'occasion d'un événement en lien, même partiel, avec ce dernier. Constitutive d'une évolution prévisible et trouvant son origine exclusivement dans la tendinopathie dont était affecté M. A..., la rupture partielle du tendon d'Achille de celui-ci ne peut dès lors être regardée comme un accident au sens des dispositions précitées au point 3. 10. C'est dès lors par une correcte application de ces dispositions et sans entacher d'erreur son appréciation que, par la décision en litige, le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a refusé de reconnaître imputable au service l'événement survenu à M. A... le 4 décembre 2017. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier du Haut-Bugey. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier du Haut-Bugey en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier du Haut-Bugey. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021. N° 19LY02993
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 18/11/2021, 19BX03897, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Toulouse d'annuler la décision du 20 mars 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'attribution de la majoration de 5 % prévue à l'article L. 125-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de la majoration pour tierce personne prévue à l'article L. 133-1 de ce code. Par un jugement du 16 avril 2019, le tribunal a annulé cette décision et enjoint à la ministre des armées, avec effet à compter du 8 août 2017, de liquider la pension de M. B... au taux de 100 % + 3 degrés et de lui allouer la majoration pour tierce personne prévue au premier alinéa de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 mai 2019 et des mémoires enregistrés les 17 juin et 9 décembre 2019, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : En ce qui concerne la majoration de la pension : - elle ne conteste pas l'impossibilité d'appareillage ; toutefois, la majoration de 5 %, prévue à l'article L. 125-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre lorsque l'amputation ne permet pas le port d'une prothèse, est une part constitutive de la pension accordée pour la gêne fonctionnelle des diverses infirmités siégeant sur le membre, et lorsque ces infirmités justifient déjà un taux de 100 %, le droit théorique à la majoration ne permet pas d'augmenter le taux de la pension ; M. B... étant déjà titulaire d'une pension au taux maximum de 100 % pour l'amputation du bras gauche (90 %) et les troubles névritiques y afférents (10 %), il ne peut prétendre à une majoration de 5 % pour l'impossibilité d'appareiller ce bras ; c'est ainsi à tort que le tribunal a fait droit à la demande de majoration ; En ce qui concerne la majoration pour tierce personne : - selon le certificat médical du 9 novembre 2017 établi lors de l'instruction de la demande, M. B..., qui a seulement besoin d'aide pour l'habillage, le déshabillage, la toilette et les repas, peut réaliser certains gestes de la vie courante ; les actes pour lesquels il a besoin d'aide peuvent être soumis à un horaire préétabli ; eu égard à la rédaction de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il n'a pas droit à la majoration pour tierce personne. Par un mémoire en défense enregistré le 19 août 2019, M. B..., représenté par Me Agboton, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il fait valoir que : - la décision de rejet de la ministre des armées est irrégulière dès lors que l'administration a omis de statuer sur sa demande de majoration de 5 % au motif qu'il ne supporte pas l'appareillage ; - les moyens invoqués par la ministre des armées ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 100 % + 1 degré par arrêté du 6 juillet 1967, avec jouissance à compter du 25 avril 1964, pour les infirmités, relatives à des blessures reçues en service commandé le 1er mars 1960, d'amputation du bras gauche (90 %), de troubles névritiques du moignon (10 %) et de scoliose dorsale (10 %). Le 8 août 2017, il a sollicité l'attribution de la majoration de 5 % prévue à l'article L. 125-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de la majoration pour tierce personne prévue à l'article L. 133-1 de ce code. Par une décision du 20 mars 2018, la ministre des armées a rejeté cette demande. La ministre relève appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé cette décision et lui a enjoint de liquider la pension de M. B... au taux de 100 % + 3 degrés correspondant à l'admission de la majoration de 5 %, et d'allouer à l'intéressé la majoration pour tierce personne prévue au premier alinéa de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le tout avec effet à compter du 8 août 2017. Sur la majoration de 5 % : 2. Aux termes de l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre: " Sous réserve des dispositions de l'article L. 125-9, dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, le taux d'invalidité est calculé ainsi qu'il suit : / 1° Les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité ; / 2° L'infirmité la plus grave est prise en considération pour l'intégralité du taux qui lui est applicable ; / 3° Le taux de chacune des infirmités supplémentaires est pris en considération proportionnellement à la validité restante ; / 4° Quand l'infirmité principale entraîne une invalidité d'au moins 20 %, le taux d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires est majoré de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. " Aux termes de l'article L. 125-9 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 125-8, le taux prévu pour les troubles indemnisés sous forme de majoration aux guides-barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 est additionné au pourcentage d'invalidité de l'infirmité à laquelle elle se rattache. / Lorsque l'amputation d'un membre ne permet pas le port d'un appareil de prothèse, elle ouvre droit à une majoration de 5 % qui s'ajoute au pourcentage d'invalidité correspondant à l'amputation. " L'article L. 125-3 prévoit que : " Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5. / (...)." Enfin l'article L. 125-10 dispose que : " Dans le cas d'infirmités multiples dont l'une entraîne une invalidité pensionnée à 100 %, il est accordé, pour tenir compte de l'infirmité ou des infirmités supplémentaires, un complément de pension calculé sur la base de 16 points d'indice par tranche de 10 % d'invalidité. Chaque tranche de 10 % prend le nom de degré. / Si, à l'infirmité la plus grave, s'ajoutent deux ou plus de deux infirmités supplémentaires, le total du complément de pension est calculé en accordant pour chacune de ces infirmités supplémentaires la majoration prévue au 4° de l'article L. 125-8. / (...)." 3. Ainsi que le reconnaît M. B..., l'administration a ajouté, en application de l'article L. 125-9 précité, les taux d'invalidité de la première infirmité due à l'amputation du bras gauche, reconnue comme pensionnable à 90 %, et de la seconde évaluée à 10 % au titre des troubles névritiques du moignon, pour lui accorder une pension au taux de 100 %, plus avantageuse que celle qui aurait résulté de l'application, selon les règles fixées à l'article L. 125-8, du taux de la seconde infirmité à la validité restante après la prise en compte de la première, même majorée pour impossibilité d'appareillage. Elle a ensuite ajouté à l'infirmité ainsi unifiée la reconnaissance de la scoliose évaluée à 10 %, qui a donc fait l'objet du complément de pension prévu à l'article L. 125-10 à raison d'un " degré ". Dans ces circonstances, et ainsi que le soutient la ministre, aucune majoration au titre du caractère non appareillable du membre supérieur gauche ne pouvait utilement être appliquée pour porter le taux de la pension au-delà du maximum légal. Par suite, la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de liquider la pension en faisant application de cette majoration, aboutissant à un droit de 3 degrés au-delà de la pension de 100 %. Sur la majoration pour tierce personne : 4. Aux termes de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. / (...) " Cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie. Elle impose toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé. 5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise organisée par l'administration, que M. B... a besoin de l'assistance d'une tierce personne durant deux heures par jour en raison d'une impossibilité, du fait des infirmités pensionnées, de faire sa toilette, de se vêtir et se dévêtir totalement et de manger et boire seul. Ce dernier acte de la vie quotidienne se répartit tout au long de la journée, et la ministre des armées, qui ne conteste pas l'incapacité de l'effectuer seul retenue par l'expert, ne peut utilement invoquer la possibilité de prodiguer l'aide nécessaire à des horaires préétablis, cette condition étant applicable aux soins et non aux actes de la vie quotidienne. Par suite, et alors même que M. B... reste autonome pour une partie des actes de la vie courante, il a droit à la majoration prévue à l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé sa décision du 20 mars 2018 en tant qu'elle a rejeté la demande de majoration de 5 % prévue au 4° de l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et qu'il lui a enjoint de liquider la pension de M. B... au taux de 100 % + 3 degrés. Sur les frais exposés à l'occasion du litige : 7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de Toulouse du 16 avril 2019 est annulé en tant qu'il a annulé la décision de la ministre des armées du 8 août 2017 rejetant la demande de majoration de 5 % prévue au 4° de l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et qu'il a enjoint à la ministre de liquider la pension de M. B... au taux de 100 % + 3 degrés. Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... B.... Délibéré après l'audience du 26 octobre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 4 N° 19BX03897
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 18/11/2021, 19BX03896, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par un arrêt du 18 janvier 2019, la cour régionale des pensions militaires de Toulouse a réformé le jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal des pensions militaires de Toulouse a rejeté la demande de M. D... B... tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 11 octobre 2016 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " lombo-sciatique modérée sur discopathie dégénérative L5-S1 gauche ", et a ordonné une expertise avant dire droit. L'expert a déposé son rapport le 28 octobre 2020. Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Agboton, s'en remet à l'appréciation de la cour. Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que l'expertise judiciaire, comme celle réalisée lors de l'instruction de la demande, conclut à l'absence de lien direct, certain et exclusif entre la lombo-sciatique modérée sur discopathie dégénérative L5-S1 gauche et la scoliose dorsale pensionnée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 100 % + 1 degré par arrêté du 6 juillet 1967, avec jouissance à compter du 25 avril 1964, pour les infirmités, relatives à des blessures reçues en service commandé le 1er mars 1960, d'amputation du bras gauche (90 %), de troubles névritiques du moignon (10 %) et de scoliose dorsale (10 %). Le 27 avril 2015, il en a sollicité la révision pour la prise en compte de l'infirmité nouvelle de " lombo-sciatique gauche sur discopathie modérée L5-S1 gauche ". Par une décision du 11 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que cette infirmité, non imputable au service, était sans relation directe, certaine et déterminante avec une autre infirmité imputable. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Toulouse et a interjeté appel du jugement de rejet du 19 décembre 2017. Par un arrêt avant dire droit du 18 janvier 2019, la cour régionale des pensions militaires de Toulouse a ordonné une expertise afin de déterminer s'il existe une relation médicale directe, certaine et déterminante entre l'infirmité nouvelle et l'une ou l'ensemble des infirmités pensionnées. L'affaire a été transférée à la cour administrative d'appel de Bordeaux en application des dispositions de l'article 51 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et du décret du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif. 2. Aux termes de l'article L. 2, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " L'article L. 3 du même code, devenu L. 121-2, prévoyait : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée " Aux termes de l'article L. 29, devenu l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " 3. Il résulte de l'instruction que l'infirmité pensionnée est une scoliose dorsale à convexité droite à faible rayon, sans gibbosité significative, causée par un déséquilibre du tronc lié à l'amputation du bras gauche. L'infirmité nouvelle, dont M. B... a demandé la prise en compte en l'attribuant à la déviation scoliotique pensionnée, se caractérise par des lombalgies avec irradiation sciatique, lesquelles ont pour origine une discopathie L5-S1 dégénérative paramédiane gauche avec hernie discale, mise en évidence pour la première fois par une imagerie du rachis lombaire réalisée en mars 2015. L'expert a conclu à l'absence de relation médicale directe, certaine et déterminante entre la discopathie et la scoliose, ce que M. B... ne conteste plus dans ses écritures après expertise. Par suite, sa requête doit être rejetée. 4. Les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions ont été taxés et liquidés à la somme de 840 euros TTC par une ordonnance du 5 novembre 2020 de la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de les mettre définitivement à la charge de l'Etat. 5. M. B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les frais de l'expertise sont mis à la charge de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre des armées. Une copie en sera adressée au docteur C..., expert. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX03896
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 10/11/2021, 20DA01807, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune d'Auby à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis. Par un jugement n° 1803621 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune d'Auby à verser la somme de 2 000 euros à M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2020 et un mémoire enregistré le 7 septembre 2021 et non communiqué, M. B..., représenté par Me Fabrice Vinchant, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes ; 2°) de condamner la commune d'Auby à lui verser les sommes de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant de sa mise à la retraite pour invalidité, de 10 000 euros en réparation de la privation du bénéfice du complément retraite, de 10 000 euros pour le préjudice financier et de 10 000 euros pour le préjudice moral ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Auby les dépens et la somme de 7 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ; - le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ; - et les observations de Me Mathieu Strubbe, substituant Me Vinchant, pour M. B... et de Me Laurent Fillieux pour la commune d'Auby. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 5 août 1955, était agent de maîtrise territorial de la commune d'Auby. A la suite d'un congé de longue maladie du 6 septembre 2010 au 5 septembre 2013, il a été placé en disponibilité d'office à compter du 6 septembre 2013 avant d'être admis à la retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2016. Il a formé, le 17 janvier 2018, une demande préalable d'indemnisation pour les préjudices résultant de l'absence d'aménagement de son poste de travail et de changement de poste conformément aux préconisations du médecin du travail ainsi que de carences et de retards dans le traitement de son dossier d'invalidité. La commune d'Auby a rejeté cette demande, le 26 février 2018. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 18 septembre 2020 a condamné la commune d'Auby à verser la somme de 2 000 euros à M. B.... Ce dernier relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes. La commune d'Auby, par la voie de l'appel incident demande l'annulation de ce jugement. Sur la responsabilité de la commune : En ce qui concerne le respect des préconisations du médecin du travail : 2. D'une part, aux termes de l'article 24 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Les médecins du service de médecine préventive sont habilités à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions, justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. / .../ Lorsque l'autorité territoriale ne suit pas l'avis du service de médecine préventive, sa décision doit être motivée et le comité d'hygiène ou, à défaut, le comité technique paritaire doit en être tenu informé. / En cas de contestation par les agents intéressés des propositions formulées par les médecins du service de médecine préventive, l'autorité territoriale peut saisir pour avis le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'œuvre territorialement compétent. ". Il résulte de ces propositions que l'autorité d'emploi doit rechercher les moyens de mettre en œuvre les préconisations du médecin du travail afin d'assurer la sécurité et la santé de ses agents. D'autre part, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail applicable à la fonction publique territoriale, en application de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, tel que modifié par l'article 48 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". 3. Il résulte, en l'espèce, de l'instruction que le médecin du travail a préconisé le 19 janvier 2006, un aménagement du poste de travail de M. B... afin d'éviter notamment le travail en hauteur, les positions de travail accroupi, le port de charges lourdes ou le port permanent de chaussures de sécurité. Cet avis recommandait en conséquence que soit envisagé un changement de poste. La fiche de visite du médecin du travail du 14 octobre 2008 réitérait les recommandations d'aménagement du poste et de proposition d'un poste plus adapté. Si le maire a proposé à l'intéressé, par courrier du 24 février 2010, de reprendre, à l'issue d'un congé de maladie débuté le 18 novembre 2009, sur un poste adapté à son état de santé, M. B... soutient qu'il a repris son travail sur son ancien poste, comme l'atteste un ancien employé communal. La commune en sens inverse n'apporte aucun élément pour démontrer qu'elle a suivi les préconisations du médecin du travail de 2006 et de 2008, ni qu'elle a effectivement proposé d'autres tâches à l'intéressé à compter de sa reprise le 1er mars 2010. Si les préconisations du médecin du travail, compte tenu des missions initialement confiées à M. B..., impliquaient comme le soutient la commune de lui proposer un autre poste, celle-ci n'établit ni qu'elle lui ait effectivement fait une telle proposition, ni qu'elle était dans l'impossibilité d'y procéder. Par suite, en ne suivant pas ces préconisations, la commune n'a pas assuré la protection de la santé de son agent, en méconnaissance de ses obligations rappelées au point 2. S'il n'est pas établi, comme le fait valoir la commune, que M. B... ait attiré l'attention de la commune sur le respect de ses obligations, cette circonstance n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité. En ce qui concerne le traitement du dossier d'invalidité de M. B... : 4. Si le rhumatologue expert ayant examiné M. B... le 6 février 2014, à la demande du comité médical, n'avait pas reçu un imprimé nécessaire à la transmission de son avis, il n'est pas établi que cette absence ait engendré un retard dans le traitement du dossier d'invalidité de l'intéressé dès lors que le comité médical demandait cet imprimé dans son avis du 21 mars 2014 et que la commune lui a adressé dès le 17 avril 2014. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille n'a pas retenu la responsabilité de la commune pour ce fait. 5. Si M. B... se plaint d'avoir été soumis à de très nombreuses expertises, il résulte de l'instruction que les expertises ont été réalisées pour la plupart à la demande du comité médical. Il n'est ensuite pas établi que ces expertises n'étaient pas justifiées par la situation statutaire de l'intéressé, placé successivement en congé de maladie ordinaire, en congé de longue maladie puis en disponibilité d'office avant que soit reconnue son inaptitude totale et définitive et fixé son taux d'invalidité, ce qui nécessitait un avis médical sur son inaptitude tous les six mois. En outre, deux expertises ont également été entreprises pour rechercher une solution plus favorable à l'intéressé soit en envisageant sa reprise en mi-temps thérapeutique, soit pour majorer son taux d'invalidité pour une affection cardiologique. Le caractère inutile et répétitif des expertises n'est donc absolument pas démontré, comme l'a retenu à juste titre le tribunal administratif de Lille. 6. M. B... soutient que son dossier d'invalidité était constitué dès juin 2016 et qu'il aurait dû être placé en conséquence à la retraite pour invalidité plus tôt. Néanmoins, il n'établit pas, ainsi, par ses seules affirmations, que le délai de traitement de son dossier soit excessif, alors que l'avis du comité médical favorable à son admission à la retraite pour invalidité ne date que du 10 juin 2016 et que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a déclaré que le dossier de pension était complet par courrier adressé à la commune d'Auby, dès le 8 août 2016. En tout état de cause, M. B... a été admis à la retraite pour invalidité avec effet rétroactif au 1er juillet 2016. Le délai de traitement de son dossier n'apparaît donc pas excessif et n'a pas eu d'incidence sur sa situation. En ce qui concerne la situation de M. B... entre le 6 juin 2014 et le 5 juin 2016 : 7. L'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que le fonctionnaire qui a épuisé ses droits à congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée, définis à l'article 57 de la même loi est placé d'office en disponibilité. L'article 19 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration précise que : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. ". 8. En l'espèce, M. B... a été placé par arrêté du 8 octobre 2013 en disponibilité d'office à compter de l'expiration de ces droits à congé maladie le 6 septembre 2013, dans l'attente de l'avis du comité médical. Le comité médical s'est prononcé favorablement sur le placement en disponibilité le 21 mars 2014 et le maire a régularisé par arrêté du 22 avril 2014 plaçant l'intéressé en disponibilité à compter du 6 septembre 2013 jusqu'au 5 juin 2014. Le 1er février 2016, le conseil de l'intéressé a attiré l'attention du maire sur l'absence de position régulière depuis le 6 juin 2014. C'est seulement par arrêté du 20 juin 2016 que l'agent est à nouveau placé en disponibilité du 6 juin 2014 à la date de l'arrêté. La commune n'a donc pas respecté les dispositions rappelées au point 7 pendant toute la période comprise entre le 6 juin 2014 et le 20 juin 2016. En appel, elle justifie tant cette absence de placement dans une position régulière que l'absence de saisine du comité médical, par la nécessité d'une expertise médicale sur l'état de santé de l'agent. Toutefois, les pièces du dossier ne font état d'aucune expertise médicale entre le 21 novembre 2014 et le 10 mars 2016. La commune a donc commis une faute en s'abstenant de saisir le comité médical pour s'assurer de l'inaptitude de M. B... et de le placer dans une position régulière suite à cet avis, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille n'a retenu, par le jugement contesté, que deux fautes de la commune à savoir l'absence de respect des préconisations du médecin du travail de 2006, 2008 et 2010 et l'absence de saisine du comité médical départemental et de placement dans une position régulière durant la période comprise entre le 21 septembre 2014 et le 10 mars 2016. Sur les liens de causalité et les préjudices : 10. M. B... soutient en premier lieu qu'il aurait pu prolonger son activité et bénéficier d'une retraite pour carrières longues. Toutefois, il n'établit pas de manière certaine que l'aménagement de son poste de travail lui aurait permis de travailler jusqu'à l'âge de soixante ans comme il le soutient. Au contraire, les expertises médicales successives réalisées entre 2011 et 2013 pour l'octroi et le renouvellement du congé de longue maladie démontrent que l'affection de M. B... est fortement évolutive, aboutissant au constat médical d'une inaptitude totale et définitive à toutes fonctions, établi par un praticien hospitalier à la demande du comité médical, le 10 mars 2016. Il n'établit donc pas qu'il aurait pu travailler, même avec un aménagement de son poste de travail jusqu'à l'âge de soixante ans. Par ailleurs, il résulte de l'article 26-1 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales qui rend applicable à ces agents l'article D. 16-1 du code des pensions civiles et militaires que le départ en retraite pour carrière longue est possible pour les fonctionnaires ayant une durée minimale d'assurances. Or, le relevé de situation établi par la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales démontre que M. B... n'avait cotisé que 127 trimestres au 1er janvier 2016. Même en cas d'aménagement de son poste de travail, l'intéressé, en disponibilité depuis le 6 septembre 2013, n'aurait donc pu avoir la durée de cotisations minimales pour bénéficier d'une retraite pour carrière longue à ses soixante ans. 11. Si M. B... soutient qu'il aurait pu bénéficier d'un complément invalidité versé par la mutuelle nationale territoriale et d'une rente complémentaire de retraite, il n'apporte aucune précision permettant d'établir le lien entre ces préjudices et les fautes retenues par le tribunal administratif de Lille et par le présent arrêt. Il n'établit pas non plus par les pièces qu'il produit, la réalité de ce préjudice. 12. Si M. B... soutient qu'il aurait pu percevoir une pension de retraite à la place de son demi-traitement en l'absence de négligence fautive dans le traitement de son dossier, le présent arrêt confirme l'absence de faute de la commune dans la gestion de son dossier de mise à la retraite à partir du moment où son inaptitude définitive à toutes fonctions a été reconnue. Au surplus, à supposer que la commune ait régulièrement saisi le comité médical pour constater son inaptitude entre le 6 juin 2014 et le 5 juin 2016, il n'est pas établi que l'inaptitude totale et définitive à toutes fonctions aurait été reconnu plus tôt, permettant à M. B... de bénéficier d'une pension d'invalidité avant le 1er juillet 2016. Le lien direct entre l'absence de la diligence de la commune et la perte de chance sérieuse de percevoir plus tôt une pension d'invalidité n'est donc pas établi. 13. M. B... demande enfin que le préjudice moral retenu par le tribunal administratif de Lille, à hauteur de 2 000 euros, soit indemnisé à hauteur de 10 000 euros. En sens inverse, la commune, par la voie de l'appel incident, demande à être déchargée de toute condamnation. L'absence d'aménagement de son poste de travail ou d'affectation sur un poste compatible avec son état de santé, a certainement affecté profondément M. B..., comme celui-ci le soutient. L'absence de décisions de la commune d'Auby entre le 21 septembre 2014 et le 10 mars 2016 a également placé l'appelant dans une situation d'incertitude sur son avenir et a créé des troubles dans ses conditions d'existence. Le certificat médical de son médecin traitant du 20 août 2018 qui évoque un état anxio-dépressif depuis quatre ans ou les témoignages de sa famille établissent la réalité de ce préjudice. Compte tenu de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le portant à la somme de 3 000 euros. L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 18 septembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée à ce titre par la commune d'Auby. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune, la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au même titre. DECIDE : Article 1er : La commune d'Auby est condamnée à verser la somme de 3 000 euros à M. B.... Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 18 septembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La commune d'Auby versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Auby. N°20DA01807 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 04/11/2021, 19BX04093, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'Agen de réformer la décision du 19 février 2018 par laquelle la ministre des armées lui a accordé à titre temporaire une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité d'état de stress post-traumatique en tant qu'elle en a fixé le taux à 30 % au lieu de 40 % et qu'elle a rejeté ses demandes relatives aux infirmités de séquelles de contusion de l'épaule droite et d'hypoacousie droite. Par un jugement du 8 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 5 septembre 2019 et des mémoires enregistrés les 10 janvier et 16 mars 2020, M. B..., représenté par la SCP Tucoo-Chala, demande à la cour : 1°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer les taux des infirmités ; 2°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'Agen du 8 juillet 2019 ; 3°) de réformer la décision du 19 février 2018 et de fixer à 40 % le taux de l'infirmité d'état de stress post-traumatique ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne l'hypoacousie droite : - les acouphènes sont antérieurs aux événements ayant déclenché l'état de stress post-traumatique, de vives douleurs à l'oreille droite ayant été constatées lors d'une séance de tirs le 17 octobre 2011 ; l'affirmation de l'expert selon laquelle ils seraient plus en rapport avec un traumatisme psychique qu'auditif n'est pas médicalement justifiée ; c'est ainsi à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande d'expertise ; En ce qui concerne les séquelles de contusions de l'épaule droite : - une nouvelle expertise s'impose dès lors que l'expert a retenu un taux de 5 % ; En ce qui concerne l'état de stress post-traumatique : - l'administration ayant retenu un taux inférieur à celui proposé par l'expert, il est fondé à solliciter une nouvelle expertise ; - l'expert a retenu un taux de 40 % correspondant à des troubles modérés selon le guide-barème compte tenu de cauchemars réactivés par les attentats récents, d'une hypervigilance avec évitement des lieux publics, d'une irritabilité toujours présente, de reviviscences fréquentes des événements traumatiques et d'un émoussement affectif ; il suit un traitement comme l'a indiqué l'expert ; le deuxième avis de la commission de réforme n'est pas motivé médicalement ; c'est ainsi à tort que les premiers juges ont retenu un taux de 30 % à mi-chemin entre les troubles légers et les troubles modérés en se fondant sur l'appréciation arbitraire de l'administration ; un certificat médical du 8 novembre 2018 relève l'évolution fluctuante de son état de santé depuis l'automne 2017 ainsi qu'une aggravation de la symptomatologie, et conclut à la nécessité d'un renouvellement de son congé de longue durée pour une cinquième période de six mois. Par des mémoires en défense enregistrés le 11 décembre 2019 et le 27 janvier 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : En ce qui concerne les séquelles de contusions de l'épaule droite : - la requête d'appel non motivée est irrecevable ; En ce qui concerne l'hypoacousie droite : - les acouphènes ont été évalués par l'expert au taux de 5 % inférieur au minimum indemnisable, et M. B... n'apporte aucun élément tendant à contester l'absence d'hypoacousie après un examen audiométrique et un examen ORL ; En ce qui concerne l'état de stress post-traumatique : - elle n'était pas tenue de suivre l'évaluation de l'expert ; le médecin chargé des pensions militaires, dans son avis du 14 novembre 2017 confirmé le 23 janvier 2018 par la commission consultative, a évalué le taux de l'infirmité à 30 % après avoir relevé que le début d'isolement social s'est amendé, que l'intéressé ne prend pas de traitement médicamenteux car il l'a refusé, et qu'il convient de qualifier les symptômes de légers à modérés ; l'aggravation constatée depuis l'automne 2017 ne correspond pas aux troubles invoqués au moment de la demande. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Tucoo-Chala, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né en 1989, caporal-chef de l'armée de terre en activité, a sollicité le 10 avril 2017 une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'état de stress post-traumatique, de séquelles de contusion de l'épaule droite et d'hypoacousie droite. Par une décision du 19 février 2018, la ministre des armées lui a octroyé une pension temporaire au taux de 30 % avec jouissance du 3 avril 2017 au 2 avril 2020 pour l'infirmité d'état de stress post-traumatique et a rejeté le surplus de sa demande. M. B... relève appel du jugement du 8 juillet 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'Agen a rejeté sa demande de réformation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 121-5 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " 3. En premier lieu, en se bornant à affirmer qu'une nouvelle expertise s'impose sans apporter aucun élément tendant à critiquer le taux de 5 % retenu pour les séquelles de contusion de l'épaule droite par l'expert spécialisé en orthopédie et traumatologie qui l'a examiné le 25 septembre 2017, M. B... n'assortit pas sa demande d'organisation d'une nouvelle expertise des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. 4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a présenté un traumatisme aigu de l'oreille droite lors d'une séance de tir le 17 octobre 2011 et que les tirs et les explosions auxquels il a été exposé en milieu clos le 20 novembre 2015 lors d'une opération de libération d'otages au Mali ont été à l'origine d'acouphènes. L'expert spécialisé en otorhinolaryngologie qui l'a examiné pour acouphènes et hypoacousie le 18 septembre 2017 a constaté que les conduits auditifs et les tympans étaient normaux et a réalisé un audiogramme. Il a conclu à l'absence d'hypoacousie et à la présence d'acouphènes bilatéraux surtout droits, évalués à un taux de 5 %. La circonstance qu'il a estimé, au vu des examens, que les acouphènes étaient plus en rapport avec un traumatisme psychique qu'auditif, n'est pas de nature à mettre en cause les conclusions de l'expertise. Par suite, la demande d'une nouvelle expertise avant dire droit ne peut être accueillie. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. " Aux termes de l'article D. 125-4 du même code : " Le taux d'invalidité mentionné à l'article L. 125-1 est déterminé par le guide-barème des invalidités annexé au présent code. / (...). " En matière de troubles psychiques, le guide-barème fixe une échelle de six niveaux de troubles de fonctionnement, soit 0 % pour l'absence de troubles décelables, 20 % pour des troubles légers, 40 % pour des troubles modérés, 60 % pour des troubles intenses, 80 % pour des troubles très intenses et 100 % pour une destruction psychique totale. Il précise que la démarche clinique est globalisante, que l'expert, sans procéder à des estimations à 5 % près, peut proposer des pourcentages intermédiaires dans la mesure où un cas particulier se situerait entre deux niveaux. Il indique que les pourcentages ne sont pas des repères sur une échelle analogique, étant donné l'hétérogénéité des éléments compris dans le terme d'intégrité psychique et le fait qu'une évaluation clinique relève d'un jugement et non d'une mesure physique, mais des nombres indicatifs du degré de souffrance existentielle. Il fixe comme critères constitutifs de l'évaluation de l'invalidité : " 1. La souffrance psychique : l'expert l'appréciera à partir de l'importance des troubles, de leur intensité et de leur richesse symptomatique. Cette souffrance est éprouvée consciemment ou non par le sujet et/ou perçue par l'entourage ; / 2. La répétition : elle s'exprime, au sens psychopathologique, par des troubles au long cours ou rémittents ; / 3. La perte relative de la capacité relationnelle et le rétrécissement de la liberté existentielle : ce troisième critère, consécutif dans une certaine mesure aux précédents, concerne le mode de relation à autrui et le degré d'inadéquation des conduites aux situations. ". Il prévoit enfin que " Doivent être pris en compte également des critères positifs tels que : / - la capacité de contrôle des affects et des actes ; / - le degré de tolérance à l'angoisse et à la peur ; / - l'aptitude à différer les satisfactions et à tenir compte de l'expérience acquise ; / - les possibilités de créativité, d'orientation personnelle et de projet. ". 6. Il résulte de l'instruction que l'état de stress post-traumatique est en lien avec l'opération de libération d'otages du 20 novembre 2015 mentionnée au point 4, lors de laquelle M. B... a été confronté à des " scènes de massacres comportant plusieurs dizaines de corps ", et qu'il a été à l'origine d'un congé de longue maladie dont le cinquième renouvellement pour une durée de six mois à compter du 23 novembre 2018 a été prescrit par un certificat médical du 8 novembre 2018. L'expert psychiatre qui a examiné M. B... le 23 août 2017 a relevé que l'état de stress post-traumatique aigu, puis d'intensité importante, avait diminué avec la consultation régulière d'un psychiatre, que des cauchemars à thème de violence persistaient et étaient réactivés par tous les attentats, y compris celui qui avait eu lieu à Barcelone peu avant l'expertise, qu'il existait une hypervigilance avec évitement des lieux publics, que l'irritabilité avait diminué mais était toujours présente, que les reviviscences des événements traumatiques survenaient fréquemment, environ deux à trois fois par semaine, et qu'il y avait un émoussement affectif, mais aussi une reprise des contacts sociaux qui avaient été interrompus. Cette description au regard des critères fixés par le guide-barème correspond à des troubles modérés devant être évalués à 40 %, et non à des symptômes légers à modérés justifiant un taux intermédiaire de 30 %. Ni l'amélioration constatée par rapport aux phases aiguë et importante du stress post-traumatique, ni le fait que l'intéressé avait refusé un traitement médicamenteux, ne sont de nature, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'administration chargé de donner un avis sur les demandes de pensions, à mettre en cause le taux de 40 % retenu par l'expert. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision de la ministre des armées du 19 février 2018 en tant qu'elle fixe à 30 % le taux de la pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de stress post-traumatique ainsi que, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué. 8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que la ministre des armées est tenue de faire droit à la demande de M. B... tendant à la prise en compte de l'infirmité de stress post-traumatique au taux de 40 % du 3 avril 2017 au 2 avril 2020. Par suite, il y a lieu de lui enjoindre de procéder à la liquidation des droits à pension correspondants dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La décision de la ministre des armées du 19 février 2018 est annulée en tant qu'elle fixe à 30 % le taux de la pension militaire d'invalidité temporaire allouée à M. B.... Article 2 : Le jugement du tribunal des pensions militaires d'Agen du 8 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Il est enjoint à la ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension de M. B... en tenant compte de l'infirmité de stress post-traumatique au taux de 40 % avec jouissance du 3 avril 2017 au 2 avril 2020 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, président, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04093
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 04/11/2021, 19BX04071, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal des pensions de Pau d'annuler la décision du 19 janvier 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'aggravation de l'infirmité de séquelles d'amibiase intestinale et la prise en compte de l'infirmité relative à un état de stress post-traumatique. Par un jugement n° 2019/10 du 9 mai 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 juillet et le 7 août 2019 et un mémoire récapitulatif enregistré le 10 mars 2020, M. C..., représenté par Me Dakessian, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de constater son droit à pension pour l'état de stress post-traumatique et d'enjoindre à la ministre des armées de réviser sa pension en retenant cette infirmité avec un taux d'invalidité de 40 %, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise avant dire droit ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a écarté le certificat médical du 12 février 2015 au prétexte qu'il n'avait pas été réalisé dans le cadre d'une expertise ; ce certificat établi par un psychiatre, médecin militaire, fait état de deux événements marquants durant son séjour au Maroc en août 1955, explicite ses troubles psychiques et établit leur imputabilité au service ; pour rejeter sa demande, le tribunal a exclusivement retenu une expertise incomplète et des détails (propos de son épouse) ne répondant pas aux exigences du décret du 10 janvier 1992 ; - l'expert a interrogé son épouse, en violation du décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre, et du principe de confidentialité prévu par le code de déontologie médicale ; il convient de s'interroger sur la pertinence de la présence de Mme C... lors de l'entretien, et au surplus, les propos de l'expert sur le " regard de l'épouse " sont interprétatifs et subjectifs ; - l'expert, qui ne connaît pas le milieu militaire, n'a pas réalisé sa mission en connaissance de cause ; ni le fait que le demandeur a une vie sociale, ni la circonstance qu'il n'a jamais bénéficié d'une prise en charge psychiatrique ne sont de nature à exclure l'existence d'un état de stress post-traumatique ; - en relevant que les événements traumatiques étaient antérieurs de près de 60 ans à la demande de pension, les premiers juges ont méconnu les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre permettant de présenter une demande de pension à tout moment, ainsi que celles du décret du 10 janvier 1992 , lequel précise que les manifestations de l'affection peuvent être très différées par rapport à l'événement traumatisant ; il appartient à une génération de militaires pour lesquels le stress post-traumatique était un sujet tabou, alors que certains de ceux de la nouvelle génération, qui ont souscrit des engagements leur permettant de bénéficier de primes et d'avantages, obtiennent en outre des pensions d'invalidité pour névrose de guerre ; - le tribunal a méconnu l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'interdiction de discrimination dès lors que lors de la même audience, il a accepté de porter de 30 à 50 % le taux d'invalidité d'un militaire d'une autre génération pensionné pour un état de stress post-traumatique ; - il a été exposé à des faits particulièrement traumatiques en Indochine, au Maroc et en Algérie, et son état de stress post-traumatique justifie un droit à pension comme l'a retenu le certificat médical du 12 février 2015 ; - à titre subsidiaire, si la cour s'estimait insuffisamment éclairée, il conviendrait d'ordonner une expertise. Par des mémoires en défense enregistrés le 16 décembre 2019 et 23 juin 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né en 1931, militaire de carrière rayé des contrôles le 1er octobre 1971, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée au taux de 70 % par arrêté du 22 décembre 2014, avec jouissance à partir du 21 juillet 2009, pour les infirmités de séquelles d'amibiase intestinale et de prolapsus hémorroïdaire en lien avec une maladie contractée en service et constatée en 1952 en Indochine. Le 19 mars 2015, il en a sollicité la révision pour aggravation des séquelles d'amibiase intestinale et pour la prise en compte d'une nouvelle infirmité au titre d'un état de stress post-traumatique. Par une décision du 19 janvier 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande aux motifs qu'aucune aggravation n'avait été constatée sur la première infirmité et que, l'état de stress post-traumatique allégué étant inexistant, son origine n'avait pas été recherchée. M. C... a saisi la cour régionale des pensions de Pau d'un appel du jugement du 9 mai 2019 par lequel le tribunal des pensions de Pau a rejeté sa demande d'annulation de cette décision, en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande relative à l'état de stress post-traumatique. Cette procédure a été transmise à la cour administrative d'appel de Bordeaux en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. Sur la régularité de l'expertise : 2. Aux termes de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les expertises auxquelles sont soumis les militaires en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. / Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet. / (...). " Il résulte de ces dispositions que l'administration n'était pas tenue de faire appel à un médecin militaire pour réaliser l'expertise. Si M. C... s'interroge sur la pertinence de la présence de son épouse lors de l'expertise, il a lui-même accepté qu'elle l'accompagne, et les circonstances qu'elle a été interrogée et que la teneur de ses propos a été consignée dans le rapport d'expertise ne caractérisent, par elles-mêmes, aucune irrégularité. Sur le droit à pension : 3. Aux termes l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle-seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 5. L'expertise a conclu à l'existence de troubles anxieux mineurs, évalués à moins de 10 %, en relevant, d'une part, que si M. C... a vécu des événements potentiellement traumatiques il y a plus de soixante ans, il n'a jamais bénéficié d'une prise en charge psychiatrique et a conservé une vie sociale active avec des fonctions associatives y compris nationales, et d'autre part, que son état de santé physique peut entraîner une fragilité expliquant certaines de ses difficultés. S'il est vrai que l'ancienneté des faits, l'absence de traitement et l'existence d'une vie sociale ne permettent pas d'exclure l'existence de troubles psychiques en lien avec des expériences traumatisantes vécues en service, ils sont de nature à en relativiser la gravité, laquelle s'apprécie notamment, selon le guide-barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au regard de l'intensité des troubles et de la perte relative de la capacité relationnelle. M. C... fait valoir que sa carrière militaire a été émaillée de nombreux événements traumatisants, en particulier en Indochine de 1950 à 1951, et à deux reprises au Maroc en août 1955, lorsqu'il a eu pour mission de photographier les victimes d'un massacre, et lorsqu'il a échappé à une embuscade dans laquelle l'un de ses camarades a été tué et un autre grièvement blessé. Il se plaint de cauchemars, de reviviscences diurnes, d'une hypervigilance avec réaction de sursaut associée à une agoraphobie, ainsi que de périodes de repli et d'isolement. Toutefois, le certificat médical du 12 février 2015 dont il se prévaut, émanant du chef de service adjoint d'un hôpital d'instruction des armées, se fonde sur les doléances décrites pour conclure que " les troubles présentés par ce patient constituent un état de stress post-traumatique caractérisé, d'apparition ancienne, en relation avec de nombreuses expériences traumatiques vécues dans le cadre de sa carrière militaire ", et l'avis personnel de ce médecin se limite à affirmer que l'existence de " cette pathologie invalidante " justifie que M. C... bénéficie d'une expertise psychiatrique afin que le lien entre ses troubles et le service soit reconnu et que ses droits à pension soient évalués. Cette pièce ne suffit pas à contredire l'experte qui a admis l'existence d'un lien entre les troubles anxieux qu'elle a constatés et les événements vécus plus de soixante ans auparavant, mais a évalué le taux d'invalidité correspondant à un niveau inférieur au seuil de 10 % ouvrant droit à pension. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit à pension au titre d'un état de stress post-traumatique. 6. La circonstance que le tribunal aurait fait droit à la demande d'un militaire souffrant d'un syndrome de stress post-traumatique dans une autre affaire appelée à la même audience est sans incidence sur le bien-fondé du jugement. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Pau a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, président, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04071
Cours administrative d'appel
Bordeaux