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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 06/07/2020, 18BX03084, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 avril 2017 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail entre le 4 mars 2015 et le 30 avril 2017 et, d'autre part, l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes l'a placé en disponibilité d'office pour raisons de santé. Par un jugement commun n° 1701325, 1701832 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2018 et le 26 juin 2019, M. A... D..., représenté par Me I..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 juin 2018 ; 2°) d'annuler les arrêtés des 27 avril et 27 juin 2017 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes; 3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Landes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - tant le psychiatre qui le suit que le psychiatre en charge de l'expertise médicale qu'un autre psychiatre ont conclut au lien entre sa pathologie et les situations à incidence auxquelles l'a exposé son activité professionnelle. La preuve du lien direct entre sa pathologie et le service est ainsi rapportée. Ces avis ne peuvent être sérieusement contredits par l'avis du médecin mandaté par le service départemental d'incendie et de secours qui ne l'a reçu que pendant quelques minutes ; - en outre, contrairement à ce qu'a estimé la commission de réforme départementale, la maladie dont il souffre figure au tableau, la dépression nerveuse figurant dans la liste des pathologies en vertu des articles 1 et 2 de l'arrêté du 14 mars 1986. Un recours est d'ailleurs pendant devant le comité médical supérieur ; - le service départemental d'incendie et de secours n'a pas motivé son refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; - il aurait dû être placé en congé de longue maladie ou de longue durée ; - sa mise en disponibilité d'office a été prononcée de façon rétroactive. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 octobre 2018 et le 22 août 2019, le service départemental d'incendie et de secours des Landes, représenté par Me G..., conclut, dans le dernier état de ses écritures : - au rejet de la requête ; - à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 22 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2019 à midi. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. H... B..., - les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public, - et les observations de Me F..., représentant M. D..., et de Me G..., représentant le SDIS des Landes. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., sapeur-pompier professionnel depuis le 1er décembre 1985, est affecté au service départemental d'incendie et de secours des Landes. Après avoir été en arrêt de travail du 4 mars 2015 au 4 mars 2016 dans le cadre d'un congé de maladie ordinaire, M. D... a sollicité sa réintégration à temps partiel thérapeutique. Conformément à l'avis favorable émis par le comité médical, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a, par un arrêté du 17 mai 2016, réintégré le 4 mars 2016 M. D... à temps partiel thérapeutique pour une durée de trois mois. Toutefois ayant de nouveau été en arrêt de travail à compter du 12 mai 2016, M. D... a adressé le 21 septembre 2016 au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes une demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle. Suivant l'avis défavorable émis par la commission de réforme départementale, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a, par un arrêté du 27 avril 2017, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre M. D... et a en conséquence qualifié de congé de maladie ordinaire les arrêts de travail prescrits du 4 mars 2015 au 30 avril 2017. M. D... ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, le service départemental d'incendie et de secours des Landes a saisi le comité médical départemental qui a estimé que seul un congé de maladie ordinaire est justifié à compter du 12 novembre 2016 et que M. D... présente une inaptitude absolue et définitive à toute fonction. En conséquence, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a, par un arrêté du 27 juin 2017, placé M. D... en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 12 mai 2017 dans l'attente de l'instruction de son dossier pour un départ en retraite pour invalidité non imputable au service. M. D... a sollicité devant le tribunal administratif de Pau, par deux requêtes distinctes, l'annulation des arrêtés des 27 avril et 27 juin 2017. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 29 juin 2018 rejetant l'ensemble de ses demandes. Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2017 : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". 4. L'arrêt contesté mentionne les textes dont il fait application, notamment la loi du 26 janvier 1984, ainsi que les considérations sur lesquelles il se fonde en mentionnant la teneur de l'avis émis par la commission de réforme départementale du 21 avril 2017, l'absence d'éléments matériels attestant d'un lien de causalité entre la pathologie déclarée et l'existence de faits ou de fautes imputables à l'administration, l'absence d'éléments objectifs déclencheurs de la pathologie dont souffre M. D..., l'absence de preuve médicale que cette maladie aurait été occasionnée de façon directe et certaine par son activité professionnelle pour en conclure à l'absence de relation de cause à effet entre l'affection dont souffre M. D... et une maladie professionnelle ou à caractère professionnel imputable au service. En outre, la contestation du bien-fondé des motifs est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige doit être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. " 6. M. D... soutient que l'avis de la commission de réforme départementale fondant l'arrêté en litige dès lors qu'il mentionne que la pathologie dont il souffre est une " maladie professionnelle hors tableau " alors qu'elle fait partie des maladies mentales mentionnées à l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, que l'allusion au tableau ne renvoie pas à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie mais aux tableaux des maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivant du code de la sécurité sociale. Dès lors, la circonstance que l'état dépressif dont souffre M. D... relève de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 est sans incidence sur le bien-fondé de l'avis émis par le comité de réforme départementale. 7. En troisième lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre depuis le début de l'année 2015 d'un état dépressif sévère. Si le psychiatre qui suit M. D... depuis 2015, le psychiatre chargé de réaliser l'expertise médicale du 7 décembre 2016 sollicitée par le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes et un psychiatre consulté par M. D... en septembre 2017 concluent à un état de stress post traumatique en lien avec des évènements traumatisants survenus dans l'exercice de son activité professionnelle, le psychiatre ayant réalisé l'expertise du 10 janvier 2017, sur laquelle s'est fondée la commission de réforme départementale, précise dans les motifs pour lesquels il estime que l'existence d'un lien direct et certain avec l'activité professionnelle n'est pas établie, que les éléments déclencheurs de la pathologie ne sont pas clairement identifiés. Or s'il est précisé dans les expertises médicales produites par M. D... que sa pathologie trouve son origine dans des évènements traumatisants précis, ces derniers ne sont nullement mentionnés ni dans ces expertises médicales ni dans les écritures de M. D.... Si l'attestation du 19 septembre 2016 du psychiatre qui le suit fait allusion à un accident de train survenu au début des années 2000, cet accident, nonobstant les stratégies d'évitement cognitif évoquées par le psychiatre, est manifestement trop antérieur à l'apparition de la pathologie pour être regardée comme étant son facteur déclenchant. Par ailleurs, si dans le rapport d'expertise du 7 octobre 2015, il est fait mention de difficultés relationnelles avec son supérieur hiérarchique, cet élément n'est pas repris dans les autres expertises médicales. Dès lors, les pièces du dossier ne permettant pas d'identifier précisément l'origine de la pathologie de M. D..., elles ne permettent pas d'établir que l'état dépressif sévère dont souffre M. D... serait directement lié à l'exercice de ses fonctions ou à ses conditions de travail. Sur la légalité de l'arrêté du 27 juin 2017 : 9. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984: " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. (...) ". 10. En premier lieu, si M. D... soutient que le service départemental d'incendie et de secours aurait du, au lieu de le placer en disponibilité d'office, lui accorder un congé de longue maladie ou de longue durée eu égard à la durée de ses arrêts de travail successifs et à son état de santé, il n'invoque la méconnaissance d'aucun texte et n'assorti donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. 11. En second lieu, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut déroger à cette règle générale en leur conférant une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. 12. Si M. D... soutient que l'arrêté du 27 juin 2017 est rétroactif dès lors qu'il le place en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 12 mai 2017, il n'est toutefois pas contesté qu'à cette date M. D... a épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire et qu'ainsi l'arrêté en litige a eu pour objet de placer l'intéressé dans une position régulière au terme de ses congés de maladie ordinaire. Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de la rétroactivité de l'arrêté doit être écarté. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 27 avril et 27 juin 2017 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Landes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par le service départemental d'incendie et de secours des Landes au même titre. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours des Landes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au service départemental d'incendie et de secours des Landes. Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient : M. Pierre Larroumec, président, Mme E... C..., présidente-assesseure, M. H... B..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 juillet 2020. Le président, Pierre Larroumec La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 18BX03084
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 06/07/2020, 18BX03259, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 31 décembre 2015, par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Seilhac l'a placée en congé de maladie ordinaire du 17 août 2015 au 31 janvier 2016, avec un demi-traitement à compter du 15 novembre 2015, ainsi que la décision du 2 février 2016, par laquelle le directeur de ce même EHPAD l'a déclarée totalement et définitivement inapte aux fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié et l'a placée en congé de maladie ordinaire. Par un jugement n° 1600396 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision précitée du 31 décembre 2015, ainsi que la décision du 2 février 2016 en tant qu'elle place Mme C... en position de congé de maladie ordinaire sans maintien de son plein traitement. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 août 2018 et le 18 janvier 2019, l'EHPAD de Seilhac, représentée par Me E..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 juin 2018 ; 2°) de rejeter la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Limoges ; 3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le recours de Mme C... ne visait aucune décision en particulier et ne comportait pas de moyens visant à obtenir l'annulation d'une décision ; par suite, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que sa demande était recevable et n'ont pas accueilli sa fin de non-recevoir ; - les motifs du jugement relatifs au reclassement de l'intéressé sont erronés, dans la mesure où l'EHPAD ne conteste pas la nécessité de son reclassement et s'est d'ailleurs efforcé de la reclasser ; - contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le comité médical, lors de sa séance du 12 janvier 2016, n'a pas constaté que l'inaptitude physique et définitive de Mme C... était imputable au service ; c'est donc à juste titre qu'elle a été, à partir de la date de consolidation de son état, placée en congé maladie ordinaire et a été placée à demi-traitement à compter du 15 novembre 2015. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2018 et le 3 avril 2019, Mme C..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'EHPAD de Seilhac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la fin de non-recevoir soulevée par l'appelant doit être écartée ; - les autres moyens qu'il soulève doivent être écartés. Par une ordonnance en date du 12 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., - les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public, - et les observations de Me D..., représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... C..., née en 1966, agent des services hospitaliers qualifié employée par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Seilhac (Corrèze) depuis avril 2002, a été placée en arrêt de maladie à partir du 5 mars 2010. Par un arrêté du 1er juillet 2013, l'administrateur directeur de l'Ehpad a reconnu imputable au service la maladie de Mme C... constatée en mars 2010. Une expertise médicale réalisée en août 2015 a conclu que l'arrêt de travail de l'intéressée n'était plus médicalement justifié mais que les arrêts de travail à compter du 1er janvier 2014 étaient à prendre en charge au titre de la maladie professionnelle. Cette même expertise a estimé que l'état de santé de Mme C... lui permettait de reprendre une activité professionnelle à plein temps sur un poste adapté excluant le nursing aux personnes âgées, le port de charges lourdes supérieures à dix kilogrammes ou les gestes et postures répétés en désaxation du rachis lombaire. Elle a, enfin, fixé la consolidation de Mme C... au 17 août 2015. Par un arrêté du 30 novembre 2015, le directeur de l'Ehpad de Seilhac a placé Mme C... en congé de maladie, à demi-traitement, entre le 18 août 2015 et le 30 décembre 2015. La commission de réforme, réunie le 26 novembre 2015, a émis un avis favorable à la réintégration de l'intéressée sur son poste de travail à temps complet selon les préconisations de l'expert. L'avis du médecin du travail, qui a été sollicité le 15 décembre 2015, a estimé Mme C... apte à un poste respectant les restrictions envisagées par l'expert. Un nouvel arrêté du directeur de l'Ehpad de Seilhac du 31 décembre 2015 a placé Mme C... en congé de maladie du 17 août 2015 au 31 janvier 2016, avec un plein traitement jusqu'au 14 novembre 2015. Le comité médical départemental, consulté le 12 janvier 2016, a estimé que Mme C... était définitivement et totalement inapte à ses fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié et indiqué qu'un reclassement professionnel était nécessaire. Par un arrêté du 2 février 2016, le directeur de l'Ehpad de Seilhac a déclaré Mme C... totalement inapte à ses fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié et l'a placée en congé de maladie ordinaire. En 2017, l'intéressée a sollicité sa mise à la retraite pour invalidité. L'EHPAD de Seilhac fait appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges, après avoir regardée Mme C... comme demandant l'annulation des décisions du 31 décembre 2015 et du 2 février 2016, a annulé la première, ainsi que la seconde en tant qu'elle la place en position de congé de maladie ordinaire sans maintien de son plein traitement. Sur la régularité du jugement : 2. Contrairement à ce que soutient l'EHPAD, les premiers juges, qui, en ayant regardé Mme C... comme demandant l'annulation des deux décisions du 31 décembre 2015 et du 2 février 2016 en tant qu'elles la placent en maladie ordinaire, ne se sont pas mépris sur la nature et la portée de la demande de première instance, n'ont pas statué au-delà des moyens et des conclusions dont ils étaient saisis. Sur le bien-fondé du jugement : 3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ". 4. Il ressort du recours formé par Mme C... devant le tribunal administratif de Limoges, sans l'aide d'un avocat, que celle-ci a fait part de ce qu'elle avait été placée en position de congé pour maladie ordinaire et de son incompréhension de la raison pour laquelle elle ne pouvait plus bénéficier de la reconnaissance en maladie professionnelle alors que son état de santé ne lui permettait plus d'exercer ses fonctions antérieures. A l'appui de ses écritures, intitulées " recours administratif ", elle a produit les décisions du 31 décembre 2015, la plaçant en congé de maladie ordinaire à compter du 17 août 2015 et à demi-traitement à compter du 15 novembre 2015, et du 2 février 2016 la plaçant, dans son article 2, en position de congé de maladie ordinaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont regardée comme demandant l'annulation de ces deux décisions en tant qu'elles la placent en maladie ordinaire en invoquant un moyen tiré de ce qu'elle devait encore bénéficier d'un congé de maladie pour maladie professionnelle. Par suite, L'EHPAD de Seilhac n'est donc pas fondé à contester le bien-fondé du jugement en ce qu'il a considéré cette demande comme recevable. 5. En deuxième lieu, si l'EHPAD de Seilhac conteste " les motifs du jugement relatif au reclassement de Mme C... ", en faisant valoir qu'il a rempli son obligation de recherche de reclassement, il résulte de la lecture du point 5 du jugement que les premiers juges ont précisément estimé le moyen de l'intéressée relatif à l'absence de reclassement inopérant à l'encontre des décisions attaquées. Par suite, le moyen soulevé par l'EHPAD est également inopérant. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (....) ". L'article 71 de cette même loi dispose que " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". 7. Contrairement à ce que fait valoir l'EHPAD, les premiers juges n'ont pas estimé que le comité médical départemental avait mentionné, dans son avis du 12 janvier 2016, que l'inaptitude de Mme C... à reprendre ses fonctions était imputable au service, mais seulement qu'il avait, par cet avis, constaté cette inaptitude définitive. En revanche, ils ont effectivement estimé qu'il ressortait des pièces du dossier, et notamment des expertises médicales y figurant que cette inaptitude était imputable au service. Et en effet, cette imputabilité ressort suffisamment desdites pièces. La circonstance que l'état de santé de Mme C... ait été déclaré consolidé au 17 août 2015 signifie seulement que cet état est considéré comme stabilisé à compter de cette date, mais nullement que la pathologie issue du service ait disparue, comme le montre d'ailleurs l'avis précité du comité médical. L'EHPAD ne démontrant, ni même n'alléguant, que cette inaptitude serait issue d'une autre pathologie que celle qui a été déclarée imputable au service, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme C... tirait des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 le droit d'être maintenue en congé spécial de maladie ordinaire, avec bénéfice de son plein traitement, sans autre limitation que celle tenant à sa mise en retraite ou au rétablissement de son aptitude au service, sur son emploi antérieur ou dans le cadre d'un reclassement et que dans ces conditions, en la plaçant, par la décision du 31 décembre 2015 et par l'article 2 de l'arrêté du 2 février 2016, en congé de maladie ordinaire sans maintien du bénéfice de son plein traitement, le directeur de l'Ehpad de Seilhac avait commis une erreur de droit. 8. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD de Seilhac n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de Mme C... en annulant la décision de son directeur du 31 décembre 2015, ainsi que celle du 2 février 2016 en tant qu'elle place Mme C... en position de congé de maladie ordinaire sans maintien de son plein traitement. Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'EHPAD de Seilhac sur ce fondement. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement une somme de 2 000 euros que demande Mme C... sur le même fondement. DECIDE : Article 1er : La requête de l'EHPAD de Seilhac est rejetée. Article 2 : L'EHPAD de Seilhac versera à Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Seilhac et à Mme B... C.... Délibéré après l'audience du 8 juin 2020 à laquelle siégeaient : M. Pierre Larroumec, président, Mme Karine Butéri, président-assesseur, Mme F..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 juillet 2020. Le président, Pierre Larroumec La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 18BX03259
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de LYON, 3ème chambre, 09/07/2020, 18LY01890, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme L... D..., Mme F... E..., Mme J... E... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) de condamner la commune de Rumilly à verser 114 079 euros à Mme L... D... en indemnisation des préjudices causés par un accident de service ; 2°) de condamner la commune de Rumilly à verser à P... J... et F... E... la somme de 5 000 euros chacune en réparation de leur préjudice moral ; 3°) de condamner la commune de Rumilly à verser à M. B... D... la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par un jugement n° 1506957 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Rumilly à verser, au titre du préjudice moral, à Mme L... D... la somme de 3 000 euros, à M. B... D..., la somme de 1 500 euros et à P... F... E... et J... E..., la somme de 1 000 euros chacune et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mai 2018 et 15 avril 2019, M. B... D..., Mme L... D..., Mme F... E... et Mme J... E..., représentés par Me C..., demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ; 2°) de condamner la commune de Rumilly à verser 107 579 euros à Mme L... D... en indemnisation des préjudices causés par un accident de service ; 3°) de condamner la commune de Rumilly à verser à P... J... et F... E... la somme de 5 000 euros chacune en réparation de leur préjudice moral ; 4°) de condamner la commune de Rumilly à verser à M. B... D... la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Rumilly, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 4 500 euros à verser Mme L... D... ainsi qu'une somme de 1 500 euros chacun à P... J... E..., F... E... et M. B... D.... Ils soutiennent que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - la commune de Rumilly a commis une faute à l'origine de son accident de service ; - la responsabilité sans faute de la commune doit également être engagée à titre subsidiaire ; - Mme D... a justifié son préjudice moral, ses troubles dans les conditions d'existence, son préjudice professionnel et son préjudice de retraite ; - ses filles ont subi un préjudice moral en raison de l'accident de service de leur mère ; - et son fils un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, la commune de Rumilly, représentée par Me G..., conclut : - au rejet de la requête ; - à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté toute faute de la commune ; - à l'annulation du jugement en ce qu'il a considéré que la faute de Mme D... n'était de nature à l'exonérer que de 20 % de sa responsabilité ; - à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser les divers préjudices sollicités par les demandeurs ; - à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des appelants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la somme allouée au titre du préjudice moral de Mme D... ne saurait excéder 1 500 euros ; - la somme de 8 482,44 euros qu'elle a versée le 26 juin 2015 en application des articles 17 et 37 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 dans l'attente de la date d'admission à la retraite par la CNRACL n'a pas été restituée par Mme D... et doit venir en compensation de l'indemnité qu'elle pourrait être condamnée à lui verser au titre des troubles dans les conditions d'existence ; - le préjudice professionnel de l'intéressée n'est pas établi, pas davantage que les frais de procédure qu'elle invoque ; - les demandes indemnitaires de ses enfants ne peuvent être accueillies. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme N..., présidente-assesseure, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me K... représentant Mme D... et les autres appelants ; Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., adjointe technique territoriale, exerçait des fonctions d'agent d'entretien au sein de la commune de Rumilly. A la suite d'une altercation verbale avec son supérieur hiérarchique survenue le 19 novembre 2007, Mme D... a présenté un syndrome anxiodépressif. A la suite des conclusions d'une expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, la commune de Rumilly a, par arrêté du 28 mai 2014, reconnu l'imputabilité au service de l'affection psychologique dont souffrait l'intéressée. Par arrêté du 4 juin 2015, la commune l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 26 juin 2014. Mme D..., M. B... D..., son fils, P... F... E... et J... E..., ses filles, relèvent appel du jugement du 6 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a limité à la somme de 3 000 euros allouée à Mme D..., à 1 500 euros celle allouée à M. B... D..., et à 1 000 euros chacune celles allouées à P... F... E... et J... E.... La commune de Rumilly conclut au rejet de la requête et présente des conclusions incidentes tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué. Sur la responsabilité : 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune : 3. L'accident de service de Mme D... est intervenu, le 19 novembre 2007, au cours d'un échange verbal entre cette dernière et sa responsable de service portant sur l'étendue des tâches à accomplir après l'organisation d'un vin d'honneur dont la gestion matérielle lui avait été confiée. Si Mme D... soutient que l'accident de service résulte d'une faute commise par la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique de Mme D... aurait commis, au cours d'un simple échange verbal, une faute de nature à engager sa responsabilité en lui demandant d'accomplir une tâche de nettoyage de vaisselle qui, d'une part, était mentionnée dans le document du 16 novembre 2007 listant les tâches à accomplir à cette occasion, et, d'autre part, pouvait être regardée comme incluse dans la gestion matérielle des vins d'honneur confiée à Mme D.... Si l'intéressée évoque également en appel une " piètre qualité " de la gestion de son accident de service, elle n'assortit cette argumentation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, Mme D... est seulement fondée, en l'absence de faute de la commune appelante, à demander la réparation de ses préjudices personnels et des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux couverts par la rente viagère qui lui a été servie à compter de sa mise à la retraite pour invalidité. En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune : 4. La responsabilité sans faute de la commune est susceptible d'être atténuée ou supprimée dans le cas où l'accident est imputable notamment à une faute de la victime. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, que le nettoyage de vaisselle pouvait être regardé comme relevant des attributions de Mme D..., en matière de gestion des vins d'honneur, alors même que cette tâche ne lui avait pas été confiée auparavant. Ainsi, le refus de Mme D... d'exécuter cette tâche, à l'origine de l'altercation avec son supérieur hiérarchique, est fautif et de nature à atténuer intégralement la responsabilité de la commune. Par suite, la responsabilité sans faute de la commune ne peut être engagée. 5. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les conclusions de Mme D... et des autres requérants tendant à la réformation du jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées et d'autre part, que la commune de Rumilly est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que l'article 1er du jugement attaqué doit être annulé. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rumilly, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme D..., M. D..., P... F... E... et J... E... à l'occasion du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire doit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Rumilly. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D..., de M. D... et de P... F... E... et J... E... est rejetée. Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1506957 du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2018 est annulé. Article 3 : Les conclusions indemnitaires de Mme D..., de M. D... et de P... F... E... et J... E... présentées devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées. Article 4 : Les conclusions de la commune de Rumilly présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié à Mme L... D..., à Mme F... E..., à Mme J... E..., à M. B... D... et à la commune de Rumilly. Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient : Mme I... A..., présidente de chambre, Mme O..., présidente-assesseure, Mme H... M..., première conseillère. Lu en audience publique, le 9 juillet 2020. 2 N° 18LY01890
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 5ème chambre, 09/07/2020, 18PA02659, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme B... E... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions en date du 27 février 2017 par lesquelles le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique leur a refusé le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance aéronautique. Par un jugement n° 1707112 du 27 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 2 août 2018, M. et Mme E..., représenté par Me C..., demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1707112 du Tribunal administratif de Paris en date du 27 juin 2018 ; 2°) d'annuler les décisions en date du 27 février 2017 par lesquelles le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique leur a refusé le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance aéronautique. 3°) d'enjoindre au directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique de procéder au réexamen de leur situation dans un délai de quinze jour à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les dispositions du 3° de l'article R. 4123-21 du code de la défense, qui subordonne le versement de l'allocation à des conditions d'âges et de ressources ne méconnaissait pas la volonté du législateur telle qu'elle résultait des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires ; - la marge d'appréciation reconnue au pouvoir règlementaire ne visait qu'un élargissement des risques couverts ; - le jugement est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité par les dispositions du 3° de l'article R. 4123-21 du code de la défense et par les dispositions de l'article R. 4123-22 dudit code ; - ces dispositions introduisent une différence de traitement aboutissant à des situations injustes et absurdes ; - ces dispositions règlementaires sont illégales et méconnaissent le principe général d'égalité ; - leur fils est décédé au cours d'une opération militaire au sens de l'article R. 4123-22 du code de la défense. Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2019, le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; - la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la défense ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 6 août 2014, le militaire de première classe Hugues E..., affecté au 1er régiment du train parachutiste, est décédé à la suite d'un saut d'entraînement en parachute effectué la veille. Ses parents, M. et Mme B... E..., ont déposé un dossier de demande d'allocation auprès du fonds de prévoyance de l'aéronautique. Par deux décisions en date du 27 février 2017, le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance miliaire et de l'aéronautique a refusé de leur accorder le bénéfice de l'allocation sollicitée au motif qu'ils ne remplissaient pas la condition de ressources prévues par la réglementation. M. et Mme E... font appel du jugement du 27 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de paris a rejeté leur demande d'annulation de ces décisions. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort des écritures de première instance que M. et Mme E... ont soutenu, à l'appui de leur demande d'annulation des décisions du 27 février 2017, que le fait de subordonner le versement de l'allocation due en cas de décès survenu en service aérien à une condition de ressource qui n'est pas opposable en cas de décès survenu des suites d'un attentat ou d'une opération militaire, alors que la victime se trouvait en service ou en mission à l'étranger, était contraire au principe d'égalité. En se fondant sur " les spécificités du statut des militaires ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse à ce moyen. En outre, M. et Mme E... n'ayant pas invoqué le moyen tiré de ce que le fait même de subordonner le versement de l'allocation à une condition de ressources était contraire au principe d'égalité, ils ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur jugement en n'y répondant pas. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'État couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. Les allocations de ces fonds sont incessibles et insaisissables. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret ". Aux termes de l'article R. 4123-21 de ce code : " Peuvent prétendre à l'allocation en cas de décès survenu en service aérien aux personnels affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique leurs ayants cause définis comme suit : (...) 3° Chacun des ascendants ou survivants qui aurait droit à pension dans les conditions fixées au titre IV du livre Ier du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. " Aux termes de l'article L. 141-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Si le décès ou la disparition du militaire est survenu dans les conditions de nature à ouvrir droit à pension du conjoint ou partenaire survivant, ses ascendants ont droit à une pension s'ils justifient : 1° Qu'ils sont âgés de plus de soixante ans, (...) 2° Que leurs revenus imposables n'excèdent pas, par part, le plafond de non-imposition fixé au premier alinéa du 1 du I de l'article 197 du code général des impôts. Si les revenus imposables sont supérieurs à ce montant, la pension est réduite à concurrence de la part du revenu dépassant ce montant (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 4123-22 du code de la défense : " Lorsque, au jour du décès, un ascendant mentionné au 3° de l'article R. 4123-21 ne remplit pas les conditions d'âge et de ressources requises, l'attribution de son allocation est différée jusqu'au moment où l'intéressé réunit lesdites conditions. / Toutefois, ces conditions d'âge et de ressources ne sont pas exigées lorsque le décès du militaire est survenu des suites d'un attentat ou d'une opération militaire, alors que la victime se trouvait en service ou en mission à l'étranger. Dans les autres circonstances, les conditions d'âge ne sont pas exigées lorsque le défunt était célibataire et sans enfant à charge (...) ". 4. En premier lieu, dès lors qu'il est constant que M. D... E... n'est pas décédé alors qu'il se trouvait en service ou en mission à l'étranger, M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article R. 4123-22 du code de la défense et soutenir que la condition de ressources ne pouvait pas leur être opposée par le directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance miliaire et de l'aéronautique. 5. En deuxième lieu, sans qu'il soit nécessaire de se référer aux travaux parlementaires, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 4123-5 du code de la défense que le législateur a renvoyé à un décret d'application le soin de fixer les conditions de versement des allocations qu'elles prévoient au bénéfice des militaires et de leurs ayants cause. En fixant une condition de ressources par renvoi au titre IV du livre Ier du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'article R. 4123-21 du code de la défense ne méconnaît pas la loi. 6. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit, et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. 7. L'objet poursuivi par l'article L. 4123-5 du code de la défense en prévoyant le versement d'allocations aux ascendants, en cas de décès survenu en service aérien des personnels affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique, est de leur fournir un secours financier lorsque la mission du militaire a conduit à la réalisation de certains risques. 8. Les dispositions précitées au point 3 instituent, pour le bénéfice de l'allocation susceptible d'être versée aux ascendants en cas de décès survenu en service aérien, des différences de traitement résultant, d'une part, de l'instauration de conditions d'âge et de ressources et, d'autre part, de l'inopposabilité de ces conditions lorsque le décès du militaire est survenu des suites d'un attentat ou d'une opération militaire, alors que la victime se trouvait en service ou en mission à l'étranger. Ces différences de traitement, qui correspondent à des différences de situations au regard des besoins financiers des ascendants et au regard du risque qui s'est réalisé, sont ainsi en rapport avec l'objet de la norme qui les a établies et elles n'apparaissent pas manifestement disproportionnées au regard des différences de situation en cause. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E... et à l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient : - M. Formery, président de chambre, - Mme Poupineau, président-assesseur, - M. A..., premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020. Le président, S.-L. FORMERY La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 18PA02659
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 7ème chambre, 06/07/2020, 19LY04033, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de l'Isère d'annuler la décision du 21 juillet 2017, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître un droit à pension pour infirmité de gonalgie bilatérale. Par un jugement n° 17/8 du 12 juin 2019, le tribunal des pensions militaires a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2019, et un mémoire, enregistré le 10 juin 2020, M. A..., représenté par Me C..., doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions du 12 juin 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2017 et de faire droit à sa demande de pension au taux de 30 %. Il soutient que : - il justifie, par les deux rapports d'expertise médicale, d'une invalidité au taux de 30 % ; - l'accident initial qui en est la cause s'est produit durant le service. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - le jugement attaqué ne remet pas en cause le taux d'invalidité de 30 % retenu par les experts mais écarte l'imputabilité au service ; - la contestation du taux retenu dans la décision du 21 juillet 2017 par M. A... est inopérante ; - l'accident de service n'est pas admis par l'administration et M. A... n'établit pas le lien entre ses infirmités et le service. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 M. B... A..., après avoir été déclaré apte au service, a été incorporé, à l'âge de vingt-six ans, au grade de soldat dans l'infanterie de l'armée de terre le 5 mars 2013. Il a été réformé le 31 mai 2015. Le 12 septembre 2014, il a sollicité une pension d'invalidité pour des gonalgies bilatérales qu'il impute à une chute survenue le 23 mai 2013 lors d'un entraînement. Par une décision du 21 juillet 2017, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. A... fait appel du jugement du 12 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de l'Isère a rejeté son recours contre ce refus. 2 Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; /2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) " L'article L.121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " 3 Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4 D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " 5 En premier lieu, en estimant que la ministre des armées aurait pu justifier légalement son refus d'accorder une pension d'invalidité à M. A... au motif que celui-ci ne justifiait pas d'un lien entre ses infirmités et l'accident du 23 mai 2013, les premiers juges, en tant que juges de plein contentieux, n'ont pas méconnu leur office dès lors qu'ils se sont bornés à statuer sur l'existence d'une filiation médicale entre les blessures reçues lors de cet événement et les infirmités invoquées, sans procéder à une substitution de motifs de la décision du 21 juillet 2017. 6 La ministre des armées fait valoir, à hauteur d'appel, que le motif de rejet tiré par les premiers juges d'une absence de preuve d'une causalité entre l'accident du 23 mai 2013 et les infirmités au titre desquelles M. A... sollicite une pension justifie, nonobstant les taux des infirmités évalués par les experts, le rejet de sa demande. La ministre doit ainsi être regardée comme demandant en appel la substitution de ce motif à celui de la décision en litige, tiré exclusivement de l'application de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre cité au point 4 par une estimation des infirmités de M. A... à un taux inférieur à 10 %. Le mémoire en défense de la ministre a été régulièrement communiqué à M. A..., qui n'a pas produit d'observations en réponse sur ce point et, par ailleurs, ne conteste pas la motivation du jugement attaqué en se bornant à affirmer dans sa requête que le caractère d'accident de service n'est pas contesté. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motif dès lors que cette dernière ne prive pas M. A... d'une garantie. 7 D'une part, l'accident du 23 mai 2013 dont fait état M. A... n'est attesté par aucune pièce du dossier autrement que par les déclarations de l'intéressé formulées pour la première fois le 2 avril 2014, alors même que celui-ci ne s'est plaint de gonalgies que le 20 novembre 2013, date à laquelle il a été mis au repos jusqu'au 31 décembre 2013 tandis qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement aux allégations de l'intéressé, qu'il aurait bénéficié de restrictions de son service durant ces six mois. L'examen médical par IRM du genou gauche effectué le 13 juillet 2013 n'avait pas été prescrit ensuite de cet événement et n'a en tout état de cause pas révélé de séquelles d'un choc traumatique. Enfin, la consultation médicale du 17 janvier 2014 évoquait une période de sport intensif de trois mois pour point de départ des gonalgies. Dans ces conditions, en l'absence d'un constat de l'accident invoqué par M. A... au sens des dispositions précitées au point 2 de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, celui-ci ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité au service posée par ces mêmes dispositions. Par ailleurs, si les deux expertises du 18 juin 2016 et des 18 octobre et 22 novembre 2016, la seconde, neurologique, renvoyant au demeurant à l'examen rhumatologique, ont constaté la limitation de mobilité bilatérale des genoux de M. A... en raison des gonalgies, elles n'ont pu en rapporter l'étiologie à un choc traumatique qui serait survenu à la suite de la chute décrite par l'intéressé. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, de lien de filiation médicale entre celle-ci et les infirmités constatées. 8 D'autre part, M. A... ne peut utilement faire valoir les taux d'invalidité retenus par l'expertise à l'encontre du motif de rejet de sa demande tiré de cette absence de démonstration de l'imputabilité au service par les premiers juges à l'appui de sa contestation du jugement attaqué et du motif substitué par la ministre des armées à celui de la décision du 21 juillet 2017 en litige. 9 Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de l'Isère a rejeté sa demande. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 juin 2020 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président, M. Seillet, président assesseur, Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 juillet 2020. N° 19LY04033 2 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANCY, 4ème chambre, 30/06/2020, 18NC01545, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 204 044 euros en réparation du préjudice subi du fait de son accident de service du 24 juin 2011. Par un jugement n° 1601476 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser la somme de 42 500 euros à M. B..., a mis les frais des deux expertises réalisées définitivement à la charge de l'Etat ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2018, 16 janvier et 9 juillet 2019, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour d'annuler le jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat les sommes de 6 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et de 30 100 euros au titre du déficit fonctionnel permanent. Il soutient que : - s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, le tribunal a commis une erreur de droit en n'appliquant pas la règle dite " de Balthazard " ou des " capacités restantes " ; - seule l'expertise du Dr. Mourtada doit être prise en compte pour évaluer le déficit fonctionnel temporaire ; - le jugement attaqué ne pouvait accorder à M. B... une indemnité au titre de son déficit fonctionnel permanent, alors qu'il bénéficie d'une allocation temporaire d'invalidité, dont le montant doit être déduit de l'indemnité qui lui a été accordée ; - l'application de règles différentes en ce qui concerne la pension militaire d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité méconnaît le principe d'égalité ; - l'Etat ne pouvait se substituer à M. B... pour se constituer partie civile ; - M. B... n'a pas sollicité un nouveau congé de maladie après avoir repris le travail le 21 juillet 2011 ; - la responsabilité pour faute de l'Etat n'est pas de nature à être engagée. Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2018, 24 juin et 24 juillet 2019, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la cour : 1°) à titre principal, de désigner un expert avant dire droit avec pour mission : - de l'examiner ; - de prendre connaissance de l'intégralité de son dossier médical ; - de dire si son état de santé a évolué et s'est aggravé depuis le dépôt des rapports d'expertise du Dr. Mourtada et du Dr. Princet des 20 et 24 février 2016 ; - dans l'affirmative, de décrire l'aggravation des blessures, lésions et affections et de dire si celles-ci résultent de l'accident dont il a été victime le 24 juin 2011 ; - d'évaluer l'étendue de l'aggravation des préjudices qui ont résulté de l'accident en ce qui concerne la durée de l'incapacité temporaire totale ou partielle, le pourcentage de l'incapacité permanente partielle, les troubles dans les conditions d'existence indépendamment ou non de leurs conséquences pécuniaires (préjudice professionnel...), l'importance respective des souffrances physiques endurées, du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique et de donner un avis précis sur les conséquences psychologiques du préjudice moral qu'il a pu subir ; 2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête et de confirmer les condamnations prononcées par le jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon ; 3°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 144 043 euros au titre des préjudices patrimoniaux, en ce qu'il a condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 400 euros au lieu de 7 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et la somme de 30 100 au lieu de 44 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la règle dite " de Balthazard " ne s'applique pas en cas de pluralité d'infirmités indépendantes les unes des autres ; - l'allocation temporaire d'invalidité n'indemnise pas le déficit fonctionnel permanent ; - en l'absence de suivi judiciaire de son dossier et de protection fonctionnelle, il n'a pas pu se constituer partie civile, ce qui est de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat ; - en s'abstenant de l'informer sur les possibilités de congé dont il pouvait bénéficier, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; - l'Etat aurait dû signaler les faits du 24 juin 2011 au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale et a commis une faute en s'abstenant de le faire ; - il a droit à être indemnisé au titre du préjudice moral qu'il a subi, qui est un chef de préjudice distinct du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent ; - l'état de son genou gauche s'est détérioré et il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise complémentaire pour déterminer l'étendue de cette aggravation, son lien avec l'accident de service du 24 juin 2011 et l'étendue des préjudices qu'il a subis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de procédure pénale ; - le code des douanes ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., présidente assesseur, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me A..., pour M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... était contrôleur principal des douanes et des droits indirects, affecté en dernier lieu à la brigade de surveillance de Besançon. Le 24 juin 2011, lors d'une opération d'interception d'un véhicule volé, il s'est blessé en sautant dans un talus pour éviter le véhicule qui, refusant de s'arrêter, s'est dirigé vers lui. Par des décisions du 27 avril 2012 et du 29 août 2014, la direction générale des douanes et des droits indirects a reconnu l'imputabilité au service de cet accident et de la rechute dont M. B... a été victime à la fin de l'année 2012. M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée, à compter du 1er juillet 2012. A la demande de M. B..., le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a ordonné deux expertises sur les incidences de son accident de service. Les rapports du Dr. Mourtada et du Dr. Princet ont été remis respectivement, les 20 et 24 février 2016. M. B... demande l'indemnisation des préjudices subis à hauteur de 204 044 euros. Par un jugement du 29 mars 2018, dont le ministre de l'économie et des finances relève appel, le tribunal administratif de Besançon a fait partiellement droit à la demande de M. B... et a condamné l'Etat à lui verser la somme 42 500 euros. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande, à titre principal, qu'une expertise soit ordonnée avant dire-droit pour examiner si son état de santé s'est aggravé depuis les rapports d'expertise des 20 et 24 février 2016 ainsi que la réformation du jugement du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il fait seulement partiellement droit à ses demandes indemnitaires et rejette le surplus de ses demandes. 2. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité accordée aux fonctionnaires en cas de maintien en activité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent cette prestation déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent : En ce qui concerne l'appel principal : Quant au déficit fonctionnel temporaire : 3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 41 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à retenir pour l'application des dispositions de l'article L. 30 est apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire. ". Il résulte de l'instruction et en particulier des rapports d'expertise du Dr. Mourtada et du Dr. Princet des 20 et 24 février 2016, qu'à la suite de l'accident de service dont il été victime le 24 juin 2011, M. B... a subi, d'une part, des séquelles au genou gauche et, d'autre part, des séquelles psychologiques. Il résulte également de l'instruction qu'antérieurement à son accident de service, M. B... n'avait pas de problème de santé. Les ministres requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que le taux de validité de l'affection psychologique dont est atteint M. B... en raison de son accident de service doit être apprécié par rapport à la validité lui restant du fait de la première infirmité résultant de ce même accident. Ainsi, c'est sans commettre d'erreur de droit que le tribunal administratif de Besançon n'a pas calculé le taux d'incapacité temporaire résultant des troubles psychologiques de M. B... par rapport à la validité lui restant et a refusé d'appliquer la règle dite " de Balthazard " ou des " capacités restantes " reprise notamment par l'article R. 41 du code des pensions civiles et militaires de retraite. 4. En second lieu, dans son rapport d'expertise du 24 février 2016, le Dr. Princet relève que M. B... a connu un état dépressif sévère et de stress post-traumatique à la suite de l'accident de service dont il a été victime. Elle précise cependant qu'il ne présente, à la date de cette expertise, qu'un état dépressif léger et une anxiété réactionnelle et qu'il n'y a plus d'éléments en faveur d'un état de stress post-traumatique, hormis une reviviscence anxieuse lors des attentats contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, au cours desquels M. B... aurait alors revécu les évènements du 24 juin 2011. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances, les conclusions de l'expertise du Dr. Princet, réalisée après un examen psychiatrique de M. B... et l'examen de son dossier médical, sont suffisamment circonstanciées. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Besançon, il y a lieu de prendre en compte cette expertise pour apprécier le déficit fonctionnel temporaire de M. B.... 5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 6 400 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire. Les conclusions du ministre requérant tendant à ce que cette condamnation soit ramenée à 783,15 euros doivent, en conséquence, être rejetées. Quant au déficit fonctionnel permanent : 6. En premier lieu, ainsi qu'il est dit au point 2 du présent arrêt, compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité accordée aux fonctionnaires en cas de maintien en activité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. L'allocation temporaire d'invalidité répare ainsi de façon forfaitaire les conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, alors que le déficit fonctionnel permanent prend en compte les préjudices personnels postérieurs à la consolidation. 7. Par suite, en condamnant l'Etat à verser à M. B... une somme totale de 30 100 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent après consolidation, alors même qu'il bénéficie d'une allocation temporaire d'invalidité, sans déduire le montant de cette allocation, le tribunal administratif de Besançon n'a pas commis d'erreur de droit. 8. En second lieu, la pension militaire d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité, alors même que leurs modalités de calcul sont similaires, ont un objet distinct et répondent à des finalités différentes. Par suite, le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que le principe d'égalité entre les militaires qui perçoivent une pension militaire d'invalidité et les fonctionnaires civils qui bénéficient d'une allocation temporaire d'invalidité serait méconnu, dès lors que seul le montant de la pension militaire d'invalidité est imputé sur l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent et non celui de l'allocation temporaire d'invalidité. 9. Il suit de là que le ministre requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 30 100 euros au titre du déficit fonctionnel permanent. 10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du ministre de l'économie et des finances doit être rejetée. En ce qui concerne l'appel incident de M. B... : 11. En premier lieu, en se bornant à soutenir qu'il y a lieu de porter l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire à 7 000 euros, M. B... ne met pas la cour à même d'apprécier en quoi le jugement attaqué, qui a fixé cette indemnisation à 6 400 euros, serait entaché d'une erreur de droit ou d'appréciation. M. B... n'expliquait, au demeurant, pas davantage les modalités de calcul de la somme de 7 000 euros qu'il demandait au titre de ce chef de préjudice dans ses écritures de première instance. 12. En second lieu, le jugement attaqué a condamné l'Etat à verser la somme de 18 200 euros à M. B... au titre du déficit fonctionnel permanent de 15 % résultant de son affection orthopédique à la suite de la consolidation de son état de santé fixée au 15 mai 2014 et celle de 11 900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 10 % résultat des séquelles psychologiques de son accident de service, après consolidation fixée au 16 octobre 2015. En se bornant à faire valoir que son déficit fonctionnel permanent aurait dû être indemnisé à hauteur de 44 000 euros, dont 18 500 euros pour sa pathologie orthopédique et 25 500 euros pour ses séquelles psychologiques, M. B... ne met pas la cour à même d'apprécier le bienfondé de sa demande au titre de ce chef de préjudice. 13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. B..., par la voie de l'appel incident, tendant à l'augmentation de l'indemnité qui lui a été allouée par le jugement attaqué au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent doivent être rejetées. Sur le surplus des conclusions de l'appel incident de M. B... : En ce qui concerne le préjudice moral : 14. Le Dr. Princet, dans son rapport d'expertise psychiatrique, estime que M. B... a subi un préjudice moral, distinct du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent, résultant de l'altération de l'image qu'il a de lui-même, notamment par rapport à sa famille, dès lors qu'il a fait valoir ses droits à la retraite de manière anticipée et doit limiter ses activités quotidiennes. 15. M. B... ne saurait cependant sérieusement soutenir qu'il subit un préjudice moral en raison de l'altération de l'image qu'il a de lui-même par rapport à sa famille et en particulier de la détérioration de sa position de " chef de famille ". Par suite, la réalité du préjudice moral dont il fait état n'est pas établie. Sa demande au titre de ce chef de préjudice doit, en conséquence, être rejetée. En ce qui concerne la faute de l'Etat : 16. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de l'accident de service du 24 juin 2011 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire (...) / La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale (...) ". 17. D'une part, en vertu des dispositions citées au point précédent, une collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires qu'elle emploie à la date des faits en cause contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Le bénéfice de la protection fonctionnelle ne peut cependant être demandé que par la victime elle-même. Or, il n'est pas contesté que M. B... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle le 16 juin 2014 et que celle-ci lui a été accordée dès le 10 juillet 2014. Il résulte également de l'instruction qu'avant-même cette demande, le 17 août 2012, le directeur régional des douanes et des droits indirects a écrit au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vesoul, alors qu'il venait de prendre connaissance du jugement du 29 novembre 2011 du tribunal correctionnel de Vesoul condamnant l'une des personnes en cause dans l'accident du service du 24 juin 2011 pour recel de bien provenant d'un vol commis à l'aide d'une effraction, pour lui demander de l'informer des suites réservées au refus d'obtempérer du 24 juin 2011 qui n'a pas fait l'objet de ce jugement. Une réunion avec le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vesoul a d'ailleurs été organisée, le 11 septembre 2012, à la demande de la direction régionale des douanes et droits indirects sur les suites judiciaires du refus d'obtempérer. 18. D'autre part, aux termes de l'article 85 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à la date de l'accident de service du 24 juin 2011 : " Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42. / Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'action publique ne peut être mise en mouvement que par la victime elle-même ou par le ministère public. 19. Or, alors même que M. B... a déposé plainte dès le 24 juin 2011 auprès des services de la gendarmerie, il ne s'est pas constitué partie civile selon la procédure prévue par les dispositions citées au point précédent. L'Etat, qui n'avait pas la qualité de victime, ne pouvait mettre en mouvement l'action publique. Si M. B... fait valoir qu'il n'a pu récupérer la copie de sa plainte, dès lors que l'officier de police judiciaire lui a indiqué qu'il appartenait à son employeur de le faire, les incidents du 24 juin 2011 s'étant produits dans le cadre du service, il ne résulte cependant pas de l'instruction que M. B... se soit informé, dans les mois suivants son accident, des suites données à sa plainte et des démarches entreprises par son administration à cet égard, alors qu'ayant repris son activité professionnelle le 21 juillet 2011, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été dans l'incapacité de le faire. Il n'a ainsi sollicité la copie de sa plainte qu'au début de l'année 2015. 20. En outre, M. B... fait également valoir que l'absence de démarche de sa part ne saurait lui être reprochée, dès lors que le directeur régional des douanes et droits indirects l'avait assuré verbalement, le 26 juin 2011, que le service contentieux allait gérer les suites de son accident et que tout serait fait pour lui venir en aide sur le plan juridique. Cette circonstance est suffisamment établie par les deux attestations qu'il produit. Cependant, la promesse de " gérer les suites de cette affaire " ne saurait être regardée comme un engagement de mettre en mouvement l'action publique, ce que les responsables hiérarchiques de M. B... ne pouvaient promettre, mais bien de lui venir en aide dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre, ce qui a d'ailleurs été fait ainsi qu'il est dit au point 17 du présent arrêt. M. B... n'est, en conséquence, pas fondé à soutenir que la carence fautive de son administration l'a empêché de se constituer partie civile et qu'ainsi il n'a été ni présent, ni représenté lors de l'audience devant le tribunal correctionnel de Vesoul du 29 novembre 2011. 21. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le bénéfice de la protection fonctionnelle aurait dû lui être accordé d'office et que les services de l'Etat ont fait preuve d'une carence dans le suivi judiciaire de son dossier de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat. 22. En deuxième lieu, aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à la date de l'accident de service du 24 juin 2011 : " Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée (...) / Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. ". Il résulte du second alinéa de cet article que si un fonctionnaire acquiert dans l'exercice de ses fonctions la connaissance d'un crime ou d'un délit, il est tenu d'en aviser sans délai le procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. 23. Cependant, M. B... n'établit pas le lien direct qui existerait entre la faute qu'auraient commise les services de l'Etat en s'abstenant de signaler les faits du 24 juin 2011 au procureur de la République et le préjudice dont il demande à être indemnisé dans le cadre de la présente instance. 24. En dernier lieu, M. B... relève qu'eu égard au désintérêt des services de l'Etat quant à sa situation, il a demandé à faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée, le 1er juillet 2012, sans avoir obtenu d'information de son administration quant aux autres congés dont il aurait pu bénéficier et sans être en mesure, en raison de son état psychologique, de pleinement appréhender les incidences, notamment financières, de son départ anticipé à la retraite. Il résulte cependant de l'instruction qu'après avoir été placé en congé de maladie du 25 juin au 17 juillet 2011, M. B... a repris le travail, le 21 juillet 2011, sans solliciter de nouveau congé de maladie avant de demander à faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée. C'est à sa demande qu'il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Or, il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du Dr. Princet que ses troubles psychologiques auraient été tels qu'ils auraient altéré sa capacité de raisonnement. Son taux d'incapacité permanente partielle a d'ailleurs été évalué à 30 % du 21 juillet 2011 à son départ à la retraite. En tout état de cause, en l'absence d'obligation légale ou réglementaire pesant sur l'Etat, M. B... ne saurait soutenir que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne l'informant pas de ses droits à congés. 25. Il résulte de ce qui est dit aux points 2 et 16 à 24 du présent arrêt que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté, en l'absence de faute de l'Etat, ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de son accident de service et notamment de son départ anticipé à la retraite à compter du 1er juillet 2012. Les conclusions qu'il présente, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la responsabilité pour faute de l'Etat soit engagée doivent être rejetées. En ce qui concerne la demande d'expertise complémentaire : 26. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. Si une médiation est engagée, il en informe la juridiction. Sous réserve des exceptions prévues par l'article L. 213-2, l'expert remet son rapport d'expertise sans pouvoir faire état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation. ". 27. M. B... établit, par les pièces médicales qu'il produit, que l'état de son genou s'est aggravé à partir du mois de novembre 2017, un ostéophyte patellaire, soit une excroissance osseuse sous la rotule ayant été décelée, qu'il a dû subir une intervention chirurgicale, le 20 février 2019, au cours de laquelle un descellement prothétique rotulien a été décelé ainsi qu'un conflit externe lié à la présence d'un volumineux ostéophyte. Il a été procédé à une ablation partielle de sa rotule gauche et à la mise en place d'un médaillon rotulien en polyéthylène. M. B... fait valoir qu'il ne peut plus faire de rotation du genou, ni se mettre à genou. L'expertise du Dr. Mourtada du 20 février 2016 évoquait d'ailleurs une aggravation possible de son affection orthopédique due à l'usure de sa prothèse à une échéance de " quelques années ". 28. Cependant, l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'apprécier si l'aggravation de son état de santé, que relève M. B..., résulte directement de son accident de service du 24 juin 2011. La Cour n'est pas davantage en mesure d'évaluer, dans l'affirmative, les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, temporaires ou permanents qui résulteraient de cette aggravation. Dès lors, il y a lieu, d'ordonner une expertise complémentaire sur ces points. L'expert pourra, le cas échéant, prendre l'initiative d'une médiation en accord avec les parties. 29. En revanche, en l'absence de tout élément médical indiquant que l'état psychologique de M. B... aurait connu une évolution depuis le dépôt du rapport d'expertise du Dr. Princet, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions tendant à ce qu'une expertise complémentaire soit ordonnée en ce qui concerne son affection psychologique. Les éventuelles souffrances psychiques endurées par M. B... et son éventuel préjudice moral résultant de l'évolution de son affection orthopédique devront être évalués dans le cadre de l'expertise complémentaire ordonnée au point précédent. D E C I D E : Article 1er : La requête du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée. Article 2 : Il sera procédé, par un expert unique désigné par la présidente de la cour, à une expertise avec mission pour l'expert : 1°) d'examiner M. B... ; 2°) de prendre connaissance de l'intégralité de son dossier médical ; 3°) de dire si son affection orthopédique a évolué et s'est aggravée depuis le dépôt du rapport d'expertise du Dr. Mourtada du 20 février 2016 ; 4°) dans l'affirmative, de décrire l'aggravation de ses blessures et lésions orthopédiques et de dire si celles- ci résultent de l'accident dont il a été victime le 24 juin 2011 ; 5°) d'évaluer, dans l'affirmative, l'étendue des préjudices résultant de cette aggravation et notamment, la durée et le pourcentage de l'incapacité temporaire totale ou partielle et de l'incapacité permanente partielle de M. B..., les troubles dans ses conditions d'existence, l'importance des souffrances physiques et psychiques endurées, son préjudice d'agrément, son préjudice esthétique et tout autre préjudice qu'il pourrait subir, notamment son préjudice moral ; 6°) de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utiles de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice ; 7°) de proposer, le cas échéant, une médiation aux parties sous réserve de leur accord. Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant. Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'article 2 sont réservés pour y être statué en fin d'instance. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... par la voie de l'appel incident est rejeté. Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. C... B.... 2 N° 18NC01545
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de LYON, 7ème chambre, 02/07/2020, 19LY04027, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Dijon d'annuler la décision du 24 octobre 2017, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses acouphènes et infirmité nouvelle. Par un jugement n° 19/00002 du 12 juin 2019, le tribunal des pensions militaires a annulé la décision du 24 octobre 2017, a déclaré ses hypoacousies imputables à l'accident de service survenu le 19 septembre 1972 et a fait droit à sa demande de révision pour aggravation de sa pension. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 9 août 2019 à la cour d'appel de Dijon, et un mémoire, enregistré le 8 janvier 2020, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions du 12 juin 2019 ; 2°) de confirmer la décision du 24 octobre 2017 et dire que la baisse auditive dont fait état M. A... à l'appui de sa demande de révision n'est pas imputable au service et n'a pas aggravé l'infirmité au titre de laquelle lui a été accordée antérieurement une pension d'invalidité ; Elle soutient que : - en se fondant uniquement sur le constat d'une discrète hypoacousie de perception bilatérale en 1972 pour en tirer que la presbyacousie révélée en 2017 est imputable au blast auriculaire survenu en 1972, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ; - l'hypoacousie dont fait état le requérant pour demander la révision de sa pension ne constitue pas une aggravation de l'infirmité reconnue en 2013 mais une presbyacousie indépendante liée à l'âge ; - les premiers juges ont dénaturé les conclusions de l'expertise médicale qui établit que la presbyacousie trouve son origine dans l'âge de l'intéressé ; - le tribunal a entaché d'une erreur son calcul du décompte des taux d'invalidité s'agissant des difficultés de perception auditive. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le vieillissement étant venu aggraver l'infirmité pensionnée n'est pas une cause étrangère à l'événement ayant causé cette dernière et par suite l'aggravation qui en résulte justifie la révision de sa pension ; - quoique l'hypoacousie survenue en 1972 n'ait pas été prise en charge initialement, elle s'est aggravée pour atteindre un niveau justifiant un taux d'infirmité indemnisable ; - le rapport de l'expertise du Dr Romanet est contredit par les pièces du dossier et les éléments médicaux qu'il produit ; - en prenant pour référence la situation constatée en 1972, le tribunal n'a commis aucune erreur de droit. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 Engagé dans l'armée française le 1er juin 1972, M. B... A... a été rayé des contrôles le 3 juin 2004 avec le grade d'adjudant-chef. Par un arrêté du 8 avril 2013, le ministre de la défense lui a accordé une pension militaire d'invalidité au taux de 90 % au titre d'infirmités résultant d'un accident survenu le 19 septembre 1972 et notamment de séquelles auditives d'un grave traumatisme sonore. Faisant valoir une aggravation desdites séquelles, particulièrement une hypoacousie bilatérale, M. A... a demandé le 25 avril 2016 la révision de sa pension. Par une décision du 24 octobre 2017, la ministre des armées a rejeté cette demande, aux motifs que l'aggravation des acouphènes n'était pas établie par l'expertise réglementaire préalable, et que l'hypoacousie, dont le taux n'atteignait en tout état de cause pas le seuil indemnisable, n'était pas en lien avec l'accident du 19 septembre 1972. Après une expertise ordonnée par un jugement avant-dire-droit du 11 septembre 2018, dont le rapport a été rendu le 28 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Dijon a annulé, par un jugement du 12 juin 2019, la décision du 24 octobre 2017 et fait droit à la demande de M. A.... La ministre des armées relève appel de ce jugement. 2 Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : (...) / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". L'article L. 154-1 dudit code précise que : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 3 M. A... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée le 8 avril 2013 pour quatre infirmités acquises à la suite d'une blessure reçue en service le 19 septembre 1972. Cette dernière, dans sa dimension auriculaire, lui avait provoqué, selon le certificat médical du 18 octobre 1972, une atteinte auditive prédominante sur l'oreille droite avec une surdité mixte et une surdité d'oreille interne à gauche sur les aigus. Il ressort d'un audiogramme réalisé le 13 octobre 1972 au centre hospitalier d'Orléans que M. A..., dont l'état s'était amélioré par comparaison avec un examen précédemment effectué le 30 septembre de la même année, restait affecté d'une perte d'audition évaluée à 25 décibels (dB) pour l'oreille droite et 16,25 dB pour l'oreille gauche, qui a conduit à lui attribuer un taux d'infirmité de 20 % pour les séquelles auditives, au titre d'acouphènes très importants, après la consolidation de ses séquelles. A l'appui de sa demande de révision de sa pension présentée le 25 avril 2016, date à laquelle doit s'apprécier la situation de l'intéressé en vertu de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. A... fait valoir l'aggravation des acouphènes et, d'une part, une hypoacousie bilatérale, d'autre part, une hypoacousie de perception bilatérale qu'il rattache à ces acouphènes, ainsi aggravés par cette nouvelle infirmité. 4 Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise effectuée par le Pr Romanet le 8 novembre 2018 en exécution du jugement avant-dire-droit du 11 septembre 2018 du tribunal des pensions comme d'une expertise menée par le Dr Bennarouch, médecin agréé de l'administration, le 31 janvier 2017, que les acouphènes n'avaient pas évolué, mais, nonobstant le constat de valeurs mesurées un peu différentes, que M. A... souffre de pertes auditives prépondérantes à droite supérieures à celles relevées le 13 octobre 1972. Il est ainsi établi que les capacités auditives de M. A..., en-dehors des acouphènes, se sont détériorées entre la date à laquelle lui a été attribuée la pension d'invalidité et sa demande de révision. 5 Toutefois, ainsi que le relèvent l'ensemble des examens médicaux auxquels s'est soumis M. A..., les hypoacousies ne procèdent pas dans leur étiologie des acouphènes, unique infirmité auditive retenue par la décision du 8 avril 2013 d'attribution de la pension. Ceux-ci n'ayant pas évolué ainsi qu'il a été dit au point précédent, c'est dès lors par une erreur de droit que, pour reconnaître à ce titre une aggravation de cette infirmité, les premiers juges ont considéré, par le jugement attaqué, que ces hypoacousies s'associaient aux acouphènes et par voie de conséquence trouvaient par la voie de cette association un lien avec les blessures reçues le 19 septembre 1972. Par suite, la ministre des armées n'a pas entaché, sur ce point, la décision en litige du 24 octobre 2017 d'une erreur d'appréciation en rejetant la demande de M. A... aux motifs que les acouphènes ne s'étaient pas aggravés et que l'hypoacousie bilatérale n'est pas imputable à l'accident initial. 6 Enfin, sans qu'il puisse être déduit de l'atteinte prédominante de l'oreille droite constatée en 1972 que le déséquilibre dans l'hypoacousie mesurée par les expertises établirait un lien de causalité entre cette dernière infirmité et l'accident, les premiers juges ne pouvaient, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur le bilan médical provisoire dressé par le certificat du 18 octobre 1972 préalable à la suite des soins avant la consolidation de l'état de l'intéressé pour en tirer que l'hypoacousie de perception, qui n'avait pas été retenue parmi les infirmités ouvrant droit à la pension, préexistait à compter de l'accident et s'était aggravée. La ministre est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté les conclusions de l'expertise du 8 novembre 2018 attribuant explicitement l'étiologie de cette presbyacousie à l'âge de l'intéressé. M. A... n'est par suite pas fondé à invoquer l'aggravation, du fait du vieillissement physiologique de ses capacités auditives, d'une infirmité, distincte des acouphènes, survenue dans les suites de la blessure qu'il a reçu le 19 septembre 1972 et, par ce motif, à demander l'annulation de la décision en litige. 7 Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Dijon a annulé la décision du 24 octobre 2017. Par suite, le jugement du 12 juin 2019 doit être annulé et les conclusions de M. A... rejetées, dont celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 19/0002 du 12 juin 2019 du tribunal des pensions militaires de Dijon est annulé. Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées. Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 5 juin 2020 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre, M. Seillet, président assesseur, Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 2 juillet 2020. N° 19LY04027 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 02/07/2020, 17MA00696, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier Louis Pasteur de Bagnols-sur-Cèze à lui verser la somme de 337 616 euros en réparation des préjudices qu'elle impute, d'une part, à sa vaccination contre l'hépatite B dans le cadre professionnel et, d'autre part, à l'absence d'information sur les risques liés à cette vaccination. Par un jugement n° 1302536 du 19 décembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par un arrêt n° 17MA00696 du 28 mai 2019, la cour a annulé le jugement attaqué et a ordonné la réalisation d'une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices de Mme A.... Par des mémoires enregistrés les 14 novembre et 20 décembre 2019, 8 janvier et 31 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me G..., demande à la Cour : 1°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze ou de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), la somme totale de 179 621,46 euros assortie des intérêts légaux ; 2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze et de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens. Elle soutient qu'elle a droit au versement d'une somme de 4 927,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 5 850 euros au titre du préjudice d'agrément, de 3 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 48 750 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 114 440 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, de 1 128,12 euros au titre des frais de transport, et de 1 025,84 euros au titre des frais d'aménagement de son domicile. Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2020, l'ONIAM, représenté par Me B..., demande sa mise hors de cause. Il soutient qu'il n'y a pas de lien de causalité direct et certain entre la vaccination et les troubles observés. Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2020, le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, représenté par Me C..., demande à la Cour de limiter l'indemnisation de Mme A... à la somme totale de 4 260 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice esthétique permanent, de réserver la demande relative aux frais de transport jusqu'à la production de justificatifs et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ou, à titre subsidiaire concernant ce surplus, de fixer l'indemnisation à de justes proportions. Il soutient que : - il n'existe pas de lien de causalité entre la sclérose en plaques de Mme A... et les frais d'aménagement de son domicile, la nécessité d'une assistance par une tierce personne et un préjudice d'agrément ; - l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice esthétique permanent ne pourra excéder respectivement 3 260 euros et 1 000 euros ; - à titre subsidiaire, l'indemnisation du préjudice d'agrément ne saurait excéder 1 500 euros ; - à titre subsidiaire également, l'indemnisation du besoin d'assistance par une tierce personne doit être fixée à de justes proportions. La requête a été communiquée à la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et des professionnels de la santé et du social qui n'a pas produit de mémoire. Vu : - le rapport d'expertise enregistré au greffe de la cour le 16 octobre 2019 ; - l'ordonnance de liquidation et de taxation des frais d'expertise de la présidente de la cour du 16 octobre 2019 ; - les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la santé publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., - les conclusions de M. Argoud, rapporteur public, - et les observations de Me E..., représentant le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze. Considérant ce qui suit : Sur la mise hors de cause de l'ONIAM : 1. Si les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique mettent à la charge de l'ONIAM la réparation des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire, elles réservent expressément les " actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun ". En application des dispositions statutaires relatives aux accidents de service et aux maladies professionnelles, et eu égard à l'action dont dispose tout agent public, victime d'un tel accident ou d'une telle maladie, pour obtenir de la personne publique qui l'emploie soit, en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire à la rente viagère d'invalidité ou à l'allocation temporaire d'invalidité à laquelle il peut prétendre, destinée à réparer ses préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux indemnisés par cette rente ou cette allocation ainsi que ses préjudices personnels, soit, dans le cas où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité, la réparation intégrale de l'ensemble de son préjudice, l'indemnisation de Mme A... relève du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze. L'ONIAM doit, en conséquence, être mis hors de cause. Sur les préjudices : 2. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport, établi par un neurologue, de l'expertise ordonnée par la cour dans son arrêt du 28 mai 2019, que le premier épisode médical pouvant entrer dans le cadre d'une sclérose en plaques date du 28 mars 1994 et que la date de consolidation de l'état de santé de Mme A..., née le 1er avril 1969, a été fixée au 20 décembre 1995. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme A... en lien avec la sclérose en plaques ne justifie pas le recours à une aide à domicile. Le lien de causalité entre le besoin d'assistance par une tierce personne et cette maladie n'est par ailleurs pas démontré par la production de certificats non circonstanciés établis par un médecin généraliste faisant état de la nécessité du recours à une aide-ménagère 4 heures par semaine. La demande présentée par la requérante à ce titre doit dès lors être rejetée. 4. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, et il n'est pas contesté que Mme A... a dû, dans le cadre des consultations et des soins nécessités par sa sclérose en plaques, se rendre depuis son domicile situé à Pont Saint Esprit au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, soit 256 kilomètres aller-retour, à ses frais, à six reprises en mars 1994, décembre 1995, décembre 1997, février 1998, février 1999 et mars 2001. Il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, au titre des frais de trajet correspondants, la somme de 800 euros, justement évaluée d'après le dernier barème kilométrique fiscal applicable pour un véhicule de 4 chevaux. 5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence de déficit neurologique important, ni l'aménagement de la douche du domicile de Mme A... ni la pose d'une poignée pour les toilettes ne peuvent être regardés comme ayant été rendus nécessaires par la sclérose en plaques. La demande présentée par la requérante au titre des frais d'aménagement de son domicile doit donc être rejetée. En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux : 6. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % pendant 622 jours et de 10 % pendant 10 jours. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en lui allouant la somme de 5 150 euros. 7. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme A... présente un déficit fonctionnel permanent, en lien avec la sclérose en plaques, à hauteur de 25 %. Il y a lieu, compte tenu de l'âge de Mme A... à la date de la consolidation de son état de santé, de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 51 500 euros. 8. Il résulte encore de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que le préjudice esthétique permanent de Mme A... doit être évalué à 1 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à ce titre à la requérante une somme de 1 000 euros. 9. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme A... est, du fait de la sclérose en plaques, gênée dans ses activités sportives de pratique du vélo, de la randonnée, d'aquagym et de gymnastique. Il sera fait une juste évaluation de son préjudice d'agrément en en fixant la réparation à la somme de 1 000 euros. 10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander que soit mise à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze la somme totale de 59 450 euros. Elle a en outre droit aux intérêts au taux légal correspondant à cette indemnité à compter du 19 juillet 2013, date de la décision de rejet de sa demande préalable opposée par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, à laquelle celui-ci doit être, en l'absence de production d'un accusé de réception, réputé avoir reçu cette demande. Sur les frais liés à l'instance : 11. Les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 28 mai 2019, liquidés et taxés à la somme de 1 504,40 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. 12. Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze présentées sur le fondement des mêmes dispositions doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause. Article 2 : Il est mis à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze la somme de 59 450 euros au titre du préjudice subi par Mme A.... Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2013. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 28 mai 2019, liquidés et taxés à la somme de 1 504,40 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze. Article 4 : Le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au centre hospitalier Louis Pasteur de Bagnols-sur-Cèze, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et des professionnels de la santé et du social. Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, où siégeaient : - M. Alfonsi, président de chambre, - Mme F..., présidente assesseure, - Mme H..., première conseillère. Lu en audience publique, le 2 juillet 2020. 6 N° 17MA00696 kp
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 03/07/2020, 424647
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 21 novembre 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement et de la recherche lui a refusé le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, de dire que l'accident dont il a été victime le 15 octobre 2014 est imputable au service, de requalifier son congé de maladie ordinaire en congé de maladie professionnelle et de lui verser les salaires correspondant à la période comprise entre le 15 octobre 2014 et le 5 février 2016, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 327 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 1700163 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 octobre 2018 et 2 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 et à l'octroi d'une rente viagère d'invalidité ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi, Texier, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur, - les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... B..., assistant ingénieur à l'université de Franche-Comté, a demandé à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité. A la suite d'un avis de la commission départementale de réforme du 28 avril 2016, qui a constaté l'inaptitude définitive et absolue de l'intéressé à toutes fonctions et retenu que son taux d'invalidité était de 30 %, dont 4% imputable au service par aggravation des troubles préexistants, M. B... a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 5 février 2016, par arrêté du 19 août 2016. Sa pension a été liquidée, par un arrêté du 29 août 2016, sur le fondement de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par une décision du 21 novembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté la demande de M. B... tendant à l'octroi d'une rente viagère d'invalidité en application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. M. B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 21 novembre 2016, de dire que l'accident dont il a été victime le 15 octobre 2014 est imputable au service, de requalifier son congé de maladie ordinaire en congé de maladie professionnelle, de lui verser les salaires correspondant à la période comprise entre le 15 octobre 2014 et le 5 février 2016, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 327 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Eu égard aux moyens soulevés, son pourvoi doit être regardé comme tendant à l'annulation de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 et à l'octroi d'une rente viagère d'invalidité. 2. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être radié des cadres par anticipation (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27 ". Il résulte de ces dispositions que le droit pour un fonctionnaire de bénéficier de la rente viagère d'invalidité prévue par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite est subordonné à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé. Enfin, aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) / 6. L'application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite ; (...) ". 3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et des termes mêmes du jugement attaqué que si, lors de sa séance du 20 avril 2016, la commission de réforme a fixé à 30 % le taux d'invalidité de M. B..., dont 4 % imputable au service, elle ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si la part de l'invalidité aggravée en service était de nature, à elle seule ou non, à entraîner la mise à la retraite de l'intéressé, qui a seulement donné lieu à l'ajout par le médecin de la commission de réforme d'une mention manuscrite, postérieurement à la séance du 20 avril 2016. La procédure devant la commission de réforme était ainsi entachée d'irrégularité. En se bornant, pour juger que cette irrégularité n'était pas de nature à entacher d'illégalité la décision refusant l'octroi d'une rente viagère d'invalidité à M. B..., à relever qu'en l'espèce, l'absence d'avis de la commission de réforme sur cette question n'avait pas exercé d'influence sur le sens de la décision du ministre, sans rechercher si elle avait privé M. B... d'une garantie, le tribunal administratif de Besançon a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 21 novembre 2016. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 6. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la consultation de la commission de réforme constitue une garantie pour les fonctionnaires demandant à bénéficier de la rente viagère d'invalidité prévue par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Or il résulte de l'instruction que, lors de sa séance du 20 avril 2016, la commission de réforme ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si la part de l'invalidité de M. B... aggravée en service était de nature, à elle seule ou non, à entraîner sa mise à la retraite. L'omission de cette consultation, qui a privé M. B... d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée. Par suite, M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa demande, à demander l'annulation de la décision du 21 novembre 2016. 7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de statuer à nouveau, sur la demande de M. B... tendant à l'octroi d'une rente viagère d'invalidité, après consultation de la commission de réforme sur la question de savoir si la part de l'invalidité aggravée en service était de nature, à elle seule ou non, à entraîner la mise à la retraite de l'intéressé. Dans l'affirmative, et alors même que l'invalidité aggravée en service ne serait pas l'unique cause de mise à la retraite, il appartiendra à la ministre, conformément à ce qui est dit au point 2, de proposer au ministre chargé des finances l'octroi d'une rente viagère d'invalidité à M. B..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision. 8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 juin 2018 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 21 novembre 2016. Article 2 : La décision du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 21 novembre 2016 est annulée. Article 3 : Il est enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de la demande de M. B..., dans le délai de quatre mois à compter de la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à la SCP Zribi, Texier une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Copie en sera adressée à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.ECLI:FR:CECHR:2020:424647.20200703
Conseil d'Etat
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 02/07/2020, 18VE02580, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de reprise d'ancienneté du 8 juin 2016, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux du 5 octobre 2016, et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le reclasser en prenant en compte ses six années de services au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris où il a exercé du 1er juin 2005 au 1er juin 2011. Par un jugement n° 1702493 du 25 mai 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 26 juillet 2018 et le 1er octobre 2018, M. B..., représenté par Me Taoufik, avocat, demande à la Cour : 1° d'annuler ce jugement ; 2° d'annuler ces décisions ; 3° de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont commis une erreur de droit, dès lors qu'ils n'ont pas tiré toutes les conséquences du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ; - la décision le titularisant dans le corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire et la décision rejetant sa demande de reprise d'ancienneté sont insuffisamment motivées ; - le garde des sceaux a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense et de l'article 8 du décret susmentionné ; - il a méconnu le principe de confiance légitime. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ; - le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Cabon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre de la procédure d'accès aux emplois réservés, M. B... a été nommé à compter du 2 juin 2014 en qualité de stagiaire dans le corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, et titularisé le 2 juin 2015. Par un courrier du 8 juin 2016, M. B... a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice une reprise d'ancienneté correspondant à ses six années de services au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le recours gracieux formé par l'intéressé le 5 octobre 2016 a également fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement n° 1702493 du 25 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. B... soutient que les premiers juges ont irrégulièrement statué au motif qu'ils ont commis une erreur de droit, ce moyen, qui relève du fond du litige, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ". M. B... n'établit ni même n'allègue avoir demandé la communication des motifs des décisions implicites de rejet qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation desdites décisions doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense, dans sa version alors applicable : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B ". Aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : (...) 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils ". Aux termes de l'article 8 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire : " Les élèves et stagiaires qui avaient, à la date de leur nomination dans l'administration pénitentiaire, la qualité de fonctionnaire, d'agent non titulaire ou de militaire perçoivent une rémunération au moins égale à celle qui résulterait de l'application des dispositions du chapitre IV du présent titre qui correspondent à leur situation ". Aux termes de son article 10, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - (...) les surveillants titularisés sont classés au 1eréchelon de leur grade. (...) V. - Les surveillants qui avaient, à la date de leur nomination en tant qu'élève, la qualité de militaire sont classés en application des dispositions des articles L. 4139-1 et L. 4139-3 du code de la défense et des textes réglementaires pris pour leur application. Les surveillants qui avaient, au moment de leur intégration, la qualité de militaire sont classés en application des dispositions de l'article L. 4139-2 du code de la défense et des textes réglementaires pris pour leur application ". Ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, au moment où il a été nommé dans la fonction publique civile au titre de la procédure d'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée. En revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, ayant demandé sa radiation des cadres de l'armée afin de bénéficier d'une pension militaire de retraite, n'a pas été placé en position de détachement durant la période précédant son intégration ou sa titularisation et n'avait donc plus, à la date de celle-ci, la qualité de militaire. 5. D'une part, M. B... soutient qu'ayant servi au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris du 1er juin 2005 au 1er juin 2011 en qualité de militaire, il peut se prévaloir de la reprise d'ancienneté prévue par les dispositions précitées de l'article L. 4139-3 du code de la défense. Il fait à cet égard valoir que, bien que n'étant plus en " service actif ", il a conservé la qualité de militaire au sens des textes cités au point 4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'état signalétique et des services de l'intéressé, que celui-ci ayant été radié des cadres le 1er juin 2011, il n'avait plus la qualité de militaire au moment où il a été nommé dans la fonction publique civile au titre de la procédure d'accès aux emplois réservés. 6. D'autre part, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit. Aucun texte du droit de l'Union européenne n'a pour objet de régir les modalités de reprise d'ancienneté des agents publics ayant eu la qualité de militaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe invoqué est inopérant. 7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'avait pas droit à la reprise de l'ancienneté acquise au titre de ses services accomplis au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris entre le 1er juin 2005 au 1er juin 2011. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait méconnu les textes cités au point 4. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. B... la somme qu'il demande à ce titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. N° 18VE02580 2
Cours administrative d'appel
Versailles