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Conseil d'État, 6ème chambre, 03/07/2020, 429275, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé la révision de sa pension en raison de l'aggravation de sa perte auditive. Par un jugement du 27 mars 2018, le tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté cette demande. Par un arrêt n° RG18/02426 du 25 janvier 2019, la cour régionale des pensions de Versailles a, sur appel de M. B..., infirmé ce jugement et ordonné une expertise médicale. Par un pourvoi, enregistré le 28 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a, au cours d'un exercice de tir, subi un traumatisme sonore le 16 janvier 1961, pendant son service militaire effectué entre juillet 1960 et septembre 1962. En raison des conséquences de cet accident, une pension militaire d'invalidité au taux de 25 % pour acouphènes permanents à nette prédominance droite lui a été accordée par un arrêté du 26 mai 1987. En juillet 1988, il a sollicité une révision de sa pension, qui a été refusée mais, par un arrêt du 3 mars 1994, devenu définitif, la cour régionale des pensions de Versailles a fait droit à sa demande de révision de sa pension pour que soient pris en compte des vertiges de type rotatoire survenant par crise, liés à l'accident subi en 1961. Par un arrêté du 7 novembre 1995, sa pension militaire d'invalidité a été fixée au taux global de 40 %, dont 25 % pour les acouphènes permanents et 15 % au titre des vertiges de type rotatoire survenant par crise. En décembre 2011, M. B... a sollicité une nouvelle révision de sa pension pour hypoacousie, qui a été refusée. Par un arrêt du 1er décembre 2015, devenu définitif, la cour régionale des pensions de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine refusant sa demande de révision de sa pension. En novembre 2014, M. B... a de nouveau sollicité une révision de sa pension pour hypoacousie, qui a été refusée par une décision du ministre de la défense du 10 avril 2017. Par un arrêt du 25 janvier 2019, la cour régionale des pensions de Versailles a annulé le jugement du tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine du 27 mars 2018 rejetant la demande de M. B... contre la décision du 10 avril 2017 et a mandaté un expert judiciaire pour examiner l'hypoacousie alléguée et rechercher si elle trouvait sa cause dans l'accident qu'il a subi en 1961. La ministre des armées conteste la désignation de l'expert auquel procède cet arrêt. 2. Contrairement à ce que M. B... soutient en défense, la ministre des armées est recevable à former un pourvoi contre l'arrêt avant dire droit attaqué. 3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Il résulte de ces dispositions qu'au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. 4. Par un arrêt devenu définitif du 1er décembre 2015, la cour régionale des pensions de Versailles a jugé que l'hypoacousie invoquée par M. B... pour demander la révision de sa pension, constatée 50 ans après l'évènement initial, n'avait pas pour cause l'accident subi en 1961. Dès lors, en jugeant que l'autorité de la chose jugée par cet arrêt du 1er décembre 2015 ne pouvait être opposée à la nouvelle demande de M. B... pour ordonner une expertise visant notamment à déterminer si l'infirmité invoquée était la conséquence du traumatisme subi en 1961, alors qu'elle relevait que l'intéressé se prévalait de la même affection, certes aggravée, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, la mesure d'expertise ordonnée par l'arrêt attaqué du 25 janvier 2019 n'ayant pas de caractère d'utilité, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation de cet arrêt. 5. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Colin - Stoclet, avocat de M. B.... D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Versailles du 25 janvier 2019 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Versailles. Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. B.... ECLI:FR:CECHS:2020:429275.20200703
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème chambre, 01/07/2020, 430529, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... C..., ressortissante algérienne et veuve de M. A... D..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 6 décembre 2017 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice de la réversion de la pension militaire de son époux. Par une ordonnance n° 1801105 du 21 décembre 2018, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 5 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Boullez, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de Mme C... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C... est la veuve de M. A... D..., ressortissant algérien né en 1912, ayant servi dans l'armée française entre 1931 et 1947 sous le grade de caporal-chef et décédé le 28 octobre 2001. Mme C... a demandé à bénéficier de la réversion de pension militaire de son époux. Par une ordonnance du 21 décembre 2018, contre laquelle Mme C... se pourvoit en cassation, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté, sur le fondement des dispositions combinées des articles R. 222-1 et R. 431-8 du code de justice administrative, sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande. 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Les parties non représentées devant un tribunal administratif par un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui ont leur résidence en dehors du territoire de la République (...) doivent faire élection de domicile sur l'un de ces territoires ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) ". 3. Les dispositions de l'article R. 221-1 du code de justice administrative n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction, tenue d'inviter son auteur à la régulariser, s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du même code, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique. 4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que pour rejeter, sur le fondement de l'article R. 221-1 du code de justice administrative, la demande de Mme C..., épouse D..., tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées lui refusant le bénéfice de la réversion de pension de retraite de son époux, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur une fin de non-recevoir qui avait été invoquée par le ministre dans son mémoire en défense, tirée de ce que l'intéressée, qui avait sa résidence hors du territoire de la République, n'avait pas fait élection de domicile dans le ressort du tribunal administratif, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de justice administrative. En se fondant sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter sa requête comme manifestement irrecevable, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante n'a pas été invitée à régulariser sa requête par le greffe du tribunal administratif, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme C..., épouse D..., est fondée à en demander l'annulation. 5. Mme C..., épouse D..., a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boullez, avocat de Mme C..., épouse D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Boullez. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers du 21 décembre 2018 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Nicolas Boullez, avocat de Mme C..., épouse D..., une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C..., épouse D..., et à la ministre des armées.ECLI:FR:CECHS:2020:430529.20200701
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème chambre, 01/07/2020, 427886, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler la décision du directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) du 12 janvier 2017 en tant que la rente viagère d'invalidité qui lui a été attribuée a été calculée sur la base de son traitement brut indiciaire illégalement minoré. Par un jugement n° 1604261 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande. Par une ordonnance n° 19NT000077 du 6 février 2019, enregistrée le 12 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 8 janvier 2019 au greffe de cette cour, présenté par M. A.... Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme B... C..., auditrice, - les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de M. A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a exercé les fonctions d'aide-soignant au centre hospitalier de Layon Aubance (Maine-et-Loire) jusqu'au 1er janvier 2016, date de son admission à la retraite pour invalidité. Il s'est vu concéder une pension de retraite par une décision du 15 mars 2015 du directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), puis une rente viagère d'invalidité par une décision du 12 janvier 2017. Par un jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette seconde décision, en tant que la rente viagère d'invalidité qui lui a été accordée est fondée sur son dernier traitement brut indiciaire qui avait été illégalement minoré d'un tiers. Par une ordonnance du 6 février 2019, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi formé par M. A... contre ce jugement. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. A..., dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal administratif de Nantes, soutenait que sa rente viagère d'invalidité avait été calculée de manière erronée sur son dernier traitement indiciaire indûment minoré d'un tiers par son employeur alors que son traitement aurait dû être maintenu dans son intégralité compte tenu du placement de l'intéressé en congé pour maladie professionnelle, il s'est borné, à l'appui de cette allégation, à produire trois pièces qui ne comprenaient aucun bulletin de salaire. Dès lors, en jugeant que M. A... n'avait fourni aucun élément probant au soutien de ses allégations et que, par ailleurs, il ne résultait pas de l'instruction que le traitement brut indiciaire retenu par la CNRACL pour calculer sa rente viagère aurait été amputé d'un tiers, le tribunal administratif de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 3. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque et que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... A... et à la Caisse des dépôts et consignations. ECLI:FR:CECHS:2020:427886.20200701
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 4ème chambre, 29/06/2020, 425971, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A...-C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 janvier 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes l'a mise à la retraite pour invalidité, en tant que cette décision ne prend effet qu'à compter du 1er septembre 2013. Par un jugement n° 1402032 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 17NT00259 du 1er octobre 2018, sur appel de Mme A...-C..., la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 22 novembre 2016 ainsi que la décision du 9 janvier 2014 du recteur et, d'autre part, enjoint au ministre de l'éducation nationale de placer Mme A...-C... à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 12 juillet 2001 et de procéder au rappel du reliquat de pension dû. Par un pourvoi, enregistré le 4 décembre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur, - les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme A...-C... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...-C... a été placée en congé de longue durée du 18 juin 2000 au 11 juillet 2001. A sa demande, elle a été réintégrée à compter du 12 juillet 2001 pour être placée en disponibilité pour rapprochement de conjoint à compter du 1er septembre 2001. Puis, par un courrier du 15 novembre 2008, Mme A...-C... a demandé au recteur de l'académie de Nantes son admission anticipée à la retraite pour invalidité. Cette demande a fait l'objet d'un refus implicite, lequel a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juin 2012 devenu définitif. Réexaminant, en exécution de ce jugement, sa demande, le recteur de l'académie de Nantes, après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme au cours de sa séance du 3 octobre 2013, a, par une décision du 9 janvier 2014, procédé à son admission à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2013. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er octobre 2018 par lequel la cour administrative de Nantes a annulé cette décision en tant qu'elle a admis Mme A...-C... à la retraite pour invalidité à compter seulement du 1er septembre 2013 et lui a enjoint de la placer à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 12 juillet 2001. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, comme il a été dit au point précédent, Mme A...-C... n'a sollicité son placement à la retraite pour invalidité qu'à compter du 15 novembre 2008. Dès lors, en jugeant que, saisi du réexamen de cette demande, le recteur devait opérer son placement à la retraite pour invalidité à compter du 11 juillet 2001, la cour a commis une erreur de droit, quand bien même le comité médical départemental avait reconnu, au cours de sa séance du 25 avril 2013, l'incapacité définitive de l'intéressée à exercer toute fonction à compter du 11 juillet 2001. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 3. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 1er octobre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes. Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A...-C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A...-C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. ECLI:FR:CECHS:2020:425971.20200629
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/06/2020, 18BX01375, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par deux recours distincts, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers : - d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la communauté d'agglomération du Niortais sur sa demande présentée le 27 janvier 2015 et tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre audit président de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de l'affecter sur un poste correspondant à celui qu'elle occupait avant le 2 octobre 2013 dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et de condamner la communauté d'agglomération du Niortais à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à cause du harcèlement moral dont elle a été victime ; - d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2015 par lequel le président de la communauté d'agglomération du Niortais a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 octobre 2013, et d'enjoindre audit président de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, de lui verser l'intégralité de son traitement et de rembourser ses frais médicaux et pharmaceutiques. Par un jugement n° 1501180, 1600162 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 5 avril 2018 et le 15 mai 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 février 2018 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la communauté d'agglomération du Niortais sur sa demande présentée le 27 janvier 2015 et tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ; 3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération du Niortais de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de condamner la communauté d'agglomération du Niortais à lui verser la somme de 30 000 euros à parfaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à cause du harcèlement moral dont elle a été victime ; 5°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2015 par lequel le président de la communauté d'agglomération du Niortais a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 octobre 2013 ; 6°) d'enjoindre audit président de lui accorder l'imputabilité pour cet accident et de la rétablir dans ses droits à indemnisation intégrale depuis le 2 octobre 2013 et à la prise en charge de ses frais médicaux et pharmaceutiques ; 7°) de mettre à la charge communauté d'agglomération du Niortais, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a subi, à partir d'octobre 2013, une situation de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; ce harcèlement s'est caractérisé par un non-respect des préconisations médicales sur les horaires de travail, un dénigrement par la note du 16 octobre 2013, un déclassement dans ses fonctions et, pour finir, son placement en disponibilité ; - elle doit donc bénéficier de la protection fonctionnelle et elle doit être indemnisée de ses préjudices, le harcèlement qu'elle a subi ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à ses droits et à sa dignité et une altération de sa santé physique et psychique ; - son accident du 2 octobre 2013 doit être reconnu imputable au service en vertu de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984; cet accident est issu du refus de la collectivité de la faire bénéficier d'horaires adaptés à son état de santé ; la communauté d'agglomération a fait une interprétation erronée du rapport d'expertise du 9 septembre 2015, notamment en considérant que son accident du 2 octobre 2013 était dû à un état préexistant. Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 novembre 2018 et le 4 juillet 2019, la communauté d'agglomération du Niortais conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance en date du 4 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2019. Mme A... a produit un nouveau mémoire en réplique, enregistré le 30 août 2019, qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public, - et les observations de Me B..., représentant la communauté d'agglomération du Niortais. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., née en 1975, a été recrutée par la communauté d'agglomération du Niortais (Deux-Sèvres) en qualité d'agent d'entretien stagiaire à compter du 1er janvier 2004. Elle a été titularisée le 10 janvier 2005. Elle a été placée en congé de longue maladie du 19 mars 2005 au 18 mai 2006, puis en congé de longue durée jusqu'au 9 août 2006. Du 10 août 2006 au 29 novembre 2006, elle a bénéficié d'un congé maternité. Elle reprend son poste, mais est à nouveau placée en congé de longue durée du 11 décembre 2006 au 17 juin 2007, puis reclassée pour raison de santé, en qualité d'adjoint technique de 2ème classe, et chargée, au service du musée, à compter du 18 juin 2007, de fonctions d'accueil du public, de surveillance des lieux et d'entretien des salles d'exposition, réserves, sanitaires et autres locaux. Elle a de nouveau été placée en congé de longue durée du 17 août 2009 au 30 septembre 2012. Elle a repris le travail à partir du 1er octobre 2012, en bénéficiant d'un temps partiel thérapeutique jusqu'au 31 août 2013, puis en reprenant ses fonctions à temps plein à compter du 1er septembre 2013. Cependant, à compter du 19 septembre 2013, elle sera à nouveau très fréquemment placée en arrêt maladie, entrecoupés de brèves reprises de ses fonctions, puis à nouveau en congé de longue durée. Par un arrêté du 18 juillet 2019, à la suite de l'avis du comité médical ayant estimé qu'elle devait bénéficier d'une retraite pour invalidité en raison d'une inaptitude définitive et absolue à toute fonction elle a été placée en position de disponibilité d'office dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. Par courrier du 27 janvier 2015, Mme A... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle contre le harcèlement moral dont elle s'estime victime depuis le 2 octobre 2013. Elle a formé deux recours devant le tribunal administratif, en demandant, d'une part, l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la communauté d'agglomération du Niortais sur sa demande de protection fonctionnelle ainsi que la condamnation de cette collectivité à réparer son préjudice moral à hauteur de 30 000 euros et, d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2015 par lequel le président de la communauté d'agglomération a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 octobre 2013. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 février 2018 qui, après avoir joints ses recours, les a rejetés. Sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 2 octobre 2013 : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". 3. D'une part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d'un accident de service. D'autre part, le droit, prévu par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Toutefois, l'application de ce régime de présomption suppose la démonstration de l'existence même d'un accident survenu pendant le temps de service et durant l'accomplissement des fonctions. 4. Par un courrier du 8 juin 2015, Mme A... a entendu déclarer un accident de service qui serait survenu le 2 octobre 2013, date de diffusion d'un courriel qui aurait, selon elle, dévoilé à ses collègues des informations confidentielles sur son état de santé et aurait marqué le début du harcèlement moral à son encontre. La commission de réforme a, dans sa séance du 6 octobre 2015, émis un avis favorable à la reconnaissance de cette imputabilité, après avoir estimé que la date du 2 octobre 2013 correspondait à un événement déclencheur de la dégradation de l'état de santé de l'intéressée, en raison de la diffusion du courriel précité. Cependant, d'une part, aux termes de son expertise, le Dr Dufour, qui a examinée Mme A... le 8 septembre 2015 à la demande de la communauté d'agglomération du Niortais, a conclu à l'impossibilité de certifier l'existence d'une " relation directe et unique " entre la pathologie de l'intéressée et son travail compte tenu de ses antécédents, dès lors qu'elle avait déjà été placée en congé de longue maladie puis de longue durée pour la même pathologie. En effet, il ressort des pièces du dossier que, depuis l'année 2009 au moins, l'intéressée présente un syndrome anxio-dépressif, associé à une phobie sociale et à des troubles de l'adaptation dans un contexte familial difficile, au titre duquel elle a, à sa demande, bénéficié d'un congé de longue durée, en dernier lieu pour la période du 17 août 2009 au 30 septembre 2012, puis qu'elle a été placée jusqu'au 31 août 2013 en mi-temps thérapeutique, justifié par la persistance de ce syndrome anxio-dépressif. Enfin, le courriel incriminé, qui est en réalité une note datée du 16 octobre 2013, soit à une date postérieure à l'accident invoqué, ne comportait aucune information confidentielle sur l'état de santé de Mme A... et ne comportait aucun propos vexatoire ou humiliant à son endroit. En outre, ce document n'a pas été diffusé auprès de l'ensemble du personnel du musée, mais était exclusivement destiné aux responsables du service en vue de prévoir l'organisation dudit service, et avait été placé sur le réseau interne dans un dossier au nom de sa responsable, dossier dans lequel s'est introduit irrégulièrement un agent du musée, qui en a remis une copie à Mme A... alors en arrêt de travail. Ainsi, et en tout état de cause, Mme A... n'était pas en service au moment de la survenance de l'accident allégué. 5. Dans ces conditions, comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, le président de la communauté d'agglomération du Niortais a pu, sans commettre d'erreur de droit, de fait ou d'appréciation, refuser de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident qui serait survenu le 2 octobre 2013, dès lors que la pathologie de Mme A... était préexistante et n'est pas en lien direct avec un quelconque fait survenu en service à cette date. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation l'arrêté du 12 novembre 2015 doivent être rejetées. Sur la demande de protection fonctionnelle : 6. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ". 7. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. 8. Mme A... soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie à partir du 2 octobre 2013, qui a grandement contribué à la dégradation de son état physique et psychique. Elle fait valoir que ce harcèlement est notamment caractérisé par un non-respect par la collectivité des préconisations médicales effectuées par la médecine de prévention concernant ses horaires de travail, un dénigrement personnel par la note du 16 octobre 2013 qui a été diffusée en interne, un déclassement dans ses fonctions et le cantonnement dans des fonctions d'agent d'entretien, ainsi que par le refus de lui reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 2 octobre 2013 puis, pour finir, par son placement en disponibilité. 9. Cependant, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., après avoir travaillé en temps partiel thérapeutique, a été déclarée le 3 septembre 2013 apte à reprendre le travail à temps plein sous réserve d'un aménagement de son poste ou de ses horaires, le médecin du travail ayant précisé dans un courrier du 12 septembre 2013 qu'il s'agissait, en raison de sa grande fatigabilité, de ne pas faire travailler cet agent après 15h 30. Si les horaires de Mme A... ont été fixés, le 2 octobre 2013, de 8h 30 à 12h 30 et à 14h 30 à 17h 00, ce n'était qu'à titre d'essai pour les deux jours suivants afin de vérifier si une telle organisation de son travail pouvait lui convenir. Au demeurant, ces horaires, qui ne répondaient certes pas aux prescriptions du médecin du travail, n'ont jamais été effectués par l'intéressée dès lors qu'elle a été placée en congé de maladie en vertu d'arrêts de travail successifs à compter du 3 octobre 2013 et qu'entre-temps, ses horaires ont été aménagés, le 7 novembre 2013, de 8h00 à 15h00 conformément aux prescriptions dudit médecin. Ne correspondant pas aux heures d'ouverture du musée, à partir de 10h 00, ce réaménagement horaire a impliqué de confier à l'intéressée davantage de tâches d'entretien. Par la suite, alors que Mme A..., après avoir de nouveau été placée en congé de maladie en vertu d'arrêts de travail successifs du 6 mars 2013 au 2 juin 2014, a demandé à quitter le service des musées, il a été fait droit à sa demande en l'affectant au service Patrimoine, Logistique, Energie pour effectuer des tâches d'entretien à compter du 6 juin 2014, ses horaires de travail ayant alors été fixés de 6h 00 à 13h 00 conformément aux prescriptions du médecin du travail. Au 1er janvier 2016, et à sa demande à nouveau, elle a été affectée au service de la médiathèque et de la lecture publique, sur des horaires conformes aux préconisations du médecin de prévention. En octobre 2018, une nouvelle réaffectation lui a été proposée, à laquelle elle n'a cependant pas répondu, n'ayant pas repris ses fonctions. Ainsi, la collectivité apparaît avoir cherché à accompagner Mme A... en lui proposant, à de multiples reprises, des affectations et des horaires compatibles à la fois avec les préconisations médicales et les nécessitées du service. Si l'intéressée se plaint d'avoir été " déclassée " en étant peu à peu cantonnée à des tâches d'entretien des locaux, d'une part, ces tâches faisaient partie de sa fiche de poste en qualité d'adjoint technique territorial, alors en outre qu'elle a continué à effectuer des tâches d'accueil tant qu'elle était affectée au service du musée et, d'autre part, les aménagements d'horaires dont elle avait besoin, en début de journée, ont pu nécessiter une adaptation de ses missions compte tenu des contraintes de l'organisation du service, à savoir une orientation vers davantage de tâches d'entretien et moins de tâches d'accueil. Par ailleurs, la formation d'initiation à la saisie d'un inventaire informatisé, à laquelle elle avait elle-même demandé à participer en mars 2013, lui a été accordée. S'agissant ensuite du " dénigrement " dont elle aurait été victime, comme cela a été mentionné au point 4 ci-dessus, la note en date du 16 octobre 2013 constituait uniquement un document interne en direction de sa hiérarchie concernant l'aménagement de son poste et les implications pour l'organisation du service. Si cette note indiquait de manière erronée que Mme A... n'était plus en capacité de travailler en contact du public, elle n'était pas destinée à être diffusée et ne comportait aucune information confidentielle sur son état de santé ni ne formulait de propos dégradant à son égard, mais traduisait au contraire la volonté de prévenir des réactions négatives à son encontre de la part de collègues qui auraient pu interpréter l'aménagement de ses horaires comme un privilège. S'agissant de l' " accident " qui serait survenu le 2 octobre 2013, comme cela a également été exposé aux points 4 et 5 du présent arrêt, c'est à bon droit, compte-tenu de son état de santé préexistant et du résultat de l'expertise du Dr Dufour, que le président de la communauté d'agglomération du Niortais a pu refuser de lui reconnaître l'imputabilité au service. Enfin, la circonstance qu'elle ait été, en juillet 2019 et après avis du comité médical, placée en disponibilité d'office dans l'attente de l'avis de la commission de réforme quant à un placement en retraite pour invalidité en raison d'une inaptitude définitive et absolue à toute fonction médicalement constatée et à la suite d'une nouvelle expertise menée en juin 2019 par le Dr A..., ne saurait non plus être regardée comme la manifestation d'un harcèlement moral de la collectivité à son encontre. En tout état de cause, ces dernières circonstances, qui sont postérieures au refus contesté, sont inopérantes au soutient de cette contestation. 10. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges, ont considéré que Mme A... ne pouvait être regardée comme apportant les éléments de fait susceptibles de faire présumer que les actes et faits reprochés constitueraient des agissements répétés de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies précité de la loi du 13 juillet 1983. 11. En second lieu, aux termes de l'article 11 de la loi précitée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". 12. D'une part, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi. D'autre part, des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions. 13. Il incombe à l'agent qui demande le bénéfice de la protection fonctionnelle de fournir à l'autorité administrative les éléments lui permettant de statuer sur sa demande. En l'espèce, comme cela a été dit ci-dessus, les éléments apportés par la requérante n'établissent pas la réalité d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le président de la communauté d'agglomération du Niortais avait pu ne pas donner suite à la demande de protection formulée par l'intéressée sans méconnaître l'obligation de protection édictée par les dispositions précitées. 14. Par voie de conséquence, et en l'absence de faute de la collectivité, les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... doivent également être rejetées. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'injonction : 16. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme A..., tant à l'encontre du refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle que de lui reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 2 octobre 2013. Par suite, ses conclusions en injonction ne peuvent être accueillies. Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Niortais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la communauté d'agglomération du Niortais. Délibéré après l'audience du 25 mai 2020 à laquelle siégeaient : M. Pierre Larroumec, président, Mme Karine Butéri, président-assesseur, Mme E..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 22 juin 2020. Le président, Pierre Larroumec La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 18BX01375 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/06/2020, 19DA02125, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 13 mars 2017 et du 1er décembre 2017 par lesquelles le maire de la commune de Louviers a successivement refusé de reconnaître comme imputable au service le congé de longue durée dont elle a fait l'objet et refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Louviers la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement commun n°s 1701736, 1800416 du 8 juillet 2019 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2019 et le 4 juin 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B... D..., représentée par Me A... C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 13 mars 2017 et du 1er décembre 2017 par lesquelles le maire de la commune de Louviers a successivement refusé de reconnaître comme imputable au service le congé de longue durée dont elle a fait l'objet et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Louviers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 modifié ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ; - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., qui est née le 14 octobre 1958, a été recrutée par la commune de Louviers le 1er juillet 1993 en qualité d'agent d'entretien stagiaire, puis titularisée le 1er juillet 1994 dans le grade d'agent d'entretien. A compter du 9 juillet 2003, elle a alterné durant une douzaine d'années les congés de longue maladie, les reprises d'activité à mi-temps thérapeutique et à temps complet, puis à nouveau les congés de longue maladie, les congés de maladie ordinaire, et les congés de longue durée. Par arrêté du 8 janvier 2015, elle a été placée en congé de longue durée, à demi-traitement, du 17 novembre 2014 au 16 juin 2016. Par un courrier reçu le 28 avril 2016, puis par l'intermédiaire de son conseil, par un courrier du 18 mai 2016, Mme D... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie au service ainsi qu'en conséquence le bénéfice d'un congé de longue durée à plein traitement et la prise en charge de ses arrêts de travail pour maladie à ce titre. Saisi par la commune de Louviers, le comité médical départemental, lors de sa séance du 19 août 2016, a déclaré Mme D... inapte de manière absolue et définitive à toute fonction et a émis un avis favorable à une disponibilité d'office pour une durée de six mois, à compter du 17 juin 2016. La commission de réforme s'est prononcée sur le cas de Mme D..., lors de ses séances des 6 octobre 2016 et 5 janvier 2017. A l'issue de la séance du 5 janvier 2017, la commission de réforme a émis un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité ainsi qu'un avis défavorable à l'octroi d'un congé de longue durée pour maladie contractée en service " compte tenu de l'état antérieur avéré et du caractère tardif de la demande ". Par un autre arrêté du 23 janvier 2017, le maire a maintenu Mme D... à demi-traitement à compter du 17 décembre 2016, puis, suivant l'avis de la commission de réforme, par une décision du 13 mars 2017, le maire a refusé de reconnaître comme imputable au service sa pathologie. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de cette première décision. Parallèlement, le 3 août 2017, la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales a rendu un avis favorable à la mise à la retraite de l'intéressée, pour invalidité. Par un arrêté du maire du 21 septembre 2017, Mme D... a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er octobre 2017 et radiée des cadres de la commune, à compter de cette même date. Par un courrier du 22 novembre 2017, Mme D... a exercé un recours gracieux contre l'arrêté du 21 septembre 2017 en vue " d'un nouvel examen de sa situation, afin de voir déclarer imputable au service la décision de mise en retraite pour invalidité ". Toutefois, par une décision du 1er décembre 2017, le maire de la commune de Louviers a rejeté cette demande. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une seconde requête tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint les deux requêtes, les a rejetées. 2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ". Aux termes de l'article 23 du décret du 30 juillet 1987, encore en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée en service, le dossier est soumis à la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; le dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement auquel appartient le fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret précité : " I. Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies au troisième alinéa du I de l'article 34, avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. (...) Le droit à cette rente est également ouvert à l'ancien fonctionnaire qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article 31. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire mis à la retraite sur sa demande ou d'office pour impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, notamment en service, peut bénéficier d'une rente viagère d'invalidité attribuable et cumulable avec la pension notamment si l'affection dont il est atteint est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de radiation des cadres comme imputable au service. 4. Pour refuser de reconnaître la pathologie de Mme D... comme imputable au service, la décision du 13 mars 2017 rappelle précisément la teneur de l'avis de la commission de réforme dans sa séance du 5 janvier 2017 et le maire indique qu'il a décidé de suivre cet avis. Dans la décision en litige du 1er décembre 2017, le maire y rappelle que Mme D... a été reconnue inapte de manière définitive et absolue à tout emploi et placée à la retraite pour invalidité, après avis de la commission de réforme et validation par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cette décision constitue en outre le rejet d'un recours gracieux qui n'est pas un recours administratif préalable obligatoire. Il suffit alors que la décision en cause rejetant le recours gracieux s'approprie la première décision pour qu'elle soit suffisamment motivée à condition que la première décision soit elle-même suffisamment motivée, ce qui est le cas en l'espèce, l'arrêté du 21 septembre 2017 plaçant l'intéressée à la retraite pour invalidité et la radiant des effectifs de la commune étant ainsi lui-même suffisamment motivé, par les mêmes circonstances de fait et de droit que la décision rejetant le recours gracieux. Dans ces conditions, les décisions en litige exposent de manière suffisante les considérations de droit et de fait propres à la situation de Mme D... qui les fondent et le moyen tiré de la motivation insuffisante de ces décisions ne peut, par suite, qu'être écarté. 5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a connu de graves difficultés de santé dès l'année 2003, puis à nouveau à compter de l'année 2008, en raison d'une affection cancéreuse. Lorsqu'elle a été reconnue apte à reprendre son activité, son emploi a fait l'objet de nombreuses restrictions médicales, compte tenu de son état de santé. Ce n'est pas cette pathologie qui est concernée par le litige soumis à la cour, la pathologie psychiatrique en cause ayant été a été diagnostiquée à partir de l'année 2012. La question qui se présente à juger est de savoir si cette pathologie dont souffre l'appelante est ou non imputable au service. Si c'est le cas, la première décision du 13 mars 2017 devrait être annulée, Mme D... ayant alors droit à conserver l'intégralité de son traitement durant son congé de maladie, ainsi que la seconde décision du 1er décembre 2017, puisqu'elle aurait droit à percevoir une rente viagère d'invalidité. 6. Lors la reprise d'activité de Mme D... à la suite de la première pathologie dont elle a souffert entre 2008 et 2011, le médecin de prévention a émis un avis favorable " avec aménagement voire reclassement définitif sur un poste sédentaire : pas de station debout prolongée, mi-temps thérapeutique, pas de charges lourdes, pas de ménage régulier. Poste accueil ou standard avec contact adapté ". Pendant son mi-temps thérapeutique, Mme D... a été affectée à un poste d'accueil de loisirs comportant l'accompagnement d'enfants, une aide aux activités manuelles, des missions de tri et d'inventaire du matériel, de classement de documents, d'affranchissement du courrier, et de remplacements polyvalents. A compter du 19 juillet 2012, date de sa reprise d'activité à temps complet, un nouveau profil de poste a été établi, pour tenir compte de nouvelles préconisations médicales. A la demande de la commune de Louviers, Mme D... a revu le médecin de prévention le 21 août 2012, lequel a émis les préconisations suivantes : " poste sédentaire indispensable de type administratif ou accueil en évitant les trajets, station debout prolongée déconseillée, marche prolongée déconseillée, produits irritants déconseillés, ambiance bruyante déconseillée, poste complémentaire en crèche (restauration). ". A la suite de ces nouvelles préconisations du médecin de prévention, Mme D... a été affectée du 10 au 30 septembre 2012 sur deux postes, à la restauration petite enfance à la halte Saint-Germain, de 10h à 13h00, et à l'affranchissement du courrier, de 13 h 45 à 15 h 00. Elle a ensuite été placée en congé de maladie ordinaire, du 15 septembre au 15 novembre 2012. A compter du 10 décembre 2012, après avis favorable du médecin de prévention, Mme D..., a encore été affectée pour partie à la restauration petite enfance à la halte Saint-Germain et pour partie à l'école de musique. Ensuite, elle a été à nouveau placée en congé de maladie ordinaire, du 16 janvier au 3 février 2013, du 8 au 14 avril 2013, puis en congé de longue durée à compter du 17 mai 2013. 7. Contrairement à ce que soutient Mme D..., il ressort de ces éléments et des pièces versées au dossier que les nombreuses fiches de poste mises en oeuvre ont été validées par le médecin de prévention et que l'administration a fait le nécessaire pour l'affecter à des postes aménagés, en fonction des préconisations du médecin de prévention. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'elle aurait été maintenue durablement dans une pièce insalubre, dépourvue d'aération et proche des toilettes pour effectuer des tâches d'affranchissement du courrier ou d'archivage. En outre, le poste auquel elle a été affectée au service des archives, pour une mission très ponctuelle, seulement l'après-midi et durant trois semaines, était compatible avec ces préconisations médicales contrairement, à ce qu'elle allègue. Si elle produit une attestation d'une conservatrice des archives municipales, faisant état de ses conditions de travail, ce document se borne à préciser qu'elle a été affectée à des tâches d'entretien au service des archives, durant un an, sans apporter davantage de précision quant à l'amplitude horaire et la période concernée. Enfin, si le docteur N., praticien hospitalier, qui a établi un rapport à la demande de la collectivité, le 2 décembre 2016, relève que, selon lui, la pathologie psychiatrique dont souffre Mme D... est en relation directe avec sa situation professionnelle, les conclusions de ce rapport indiquent aussi clairement qu'il ne peut être fait abstraction de l'état de santé antérieur de l'intéressée, qui était déjà atteinte de troubles psychiatriques à la suite du décès de son second époux et que " rien, dans la réalité, ne peut être parfaitement tranché ". Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'organisation et les conditions de travail de Mme D... auraient présenté un risque professionnel à l'origine directe et certaine de la dépression dont elle est souffre et en suivant l'avis de la commission de réforme, favorable à la mise en retraite pour invalidité, mais défavorable à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de son congé de longue durée, rendu le 5 janvier 2017, le maire Louviers n'a ainsi commis aucune erreur d'appréciation. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Rouen a jugé à bon droit que la pathologie dont souffre Mme D... depuis les années 2012-2013 ne présente pas de lien direct, même partiellement, avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme au titre des frais exposés par la commune de Louviers et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Louviers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de Louviers 4 N° 19DA02125
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANCY, 3ème chambre, 23/06/2020, 19NC01779, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2017 par lequel le président du le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de la zone de Dole a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie déclarée le 20 mai 2016 comme étant une rechute de l'accident de trajet du 5 mai 1993 et l'a maintenu en disponibilité d'office pour raison de santé. M. B... A... a également demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2017 par lequel le président du SICTOM de la zone de Dole a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie déclarée le 20 mai 2016 comme étant une rechute de l'accident de trajet du 5 mai 1993 et l'a maintenu en disponibilité d'office pour raison de santé. Enfin, M. B... A... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2017 par lequel le président du SICTOM de la zone de Dole a procédé au renouvellement de sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé pour une durée de neuf mois. Par un jugement n° 1701630-1800133-1800137 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2017, a annulé les deux arrêtés du 18 décembre 2017 et a enjoint au président du SICTOM de la zone de Dole de placer M. A... en congé spécial de maladie ordinaire à compter du 20 mai 2016, de reconstituer sa carrière et de lui verser la rémunération dont il a été privé sous réserve des sommes qui lui ont déjà été allouées à ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification de son jugement. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 juin 2019, le SICTOM de la zone de Dole, représenté par la SCP d'avocats Grillon-Brocard-Gire-C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2019 en tant qu'il a annulé les arrêtés du 18 décembre 2017, lui a enjoint de placer M. A... en congé spécial de maladie ordinaire à compter du 20 mai 2016, de reconstituer sa carrière et de lui verser la rémunération dont il a été privé et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) de rejeter les demandes de M. A... ; 3°) subsidiairement, d'ordonner avant dire-droit une expertise afin de déterminer dans quelle mesure la rechute mentionnée dans un certificat médical du 20 mai 2016 et les arrêts de travail postérieurs à cette date sont en lien avec l'accident de trajet du 5 mai 1993 ; 4°) à titre infiniment subsidiaire, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il lui a enjoint de placer M. A... en congé spécial de maladie ordinaire à compter du 20 mai 2016 ; 5°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les arrêts de travail dont a bénéficié M. A... à compter du 25 juillet 2011 sont en lien exclusif avec la maladie professionnelle 57A contractée à l'épaule gauche ; les arrêts postérieurs relèvent de la maladie ordinaire ; - il n'a jamais été destinataire d'éléments médicaux concernant l'épaule gauche ; le certificat médical de rechute n'a été portée à sa connaissance que lors d'une procédure en référé ; - les éléments médicaux produits par M. A... ne démontrent pas un lien avec l'accident de service du 5 mai 1993 mais une pathologie présentant un caractère dégénératif sans lien avec ce dernier ; - le compte rendu de l'épaule gauche du 1er juin 2016 mentionne une chute et un antécédent traumatique majeur en 2013 ; - si la cour ne s'estime pas suffisamment informée, elle pourra ordonner une expertise ; - la position de congé spécial de maladie ordinaire dans laquelle le tribunal lui a enjoint de placer M. A... n'existe pas ; en outre, le certificat médical de rechute prescrit des soins mais pas un arrêt de travail ; de plus, il n'est pas établi que les arrêts de travail à compter du 20 mai 2016 seraient dus à l'épaule gauche. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2019, M. B... A..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du SICTOM de la zone de Dole, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D..., - les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public, - et les observations de Me C... pour le SICTOM de Dole. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., adjoint technique principal de 2ème classe, exerce des fonctions de ripeur pour le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de la zone de Dole. Le 5 mai 1993, M. A... a été victime d'un accident de trajet, entraînant notamment une " luxation-fracture scapulo-humérale gauche et une raideur importante au niveau de l'épaule gauche ", qui a été reconnu imputable au service par son employeur, qui était alors la commune de Dole. La consolidation de son état de santé a été fixée au 5 avril 1994. 2. M. A... ayant développé ultérieurement une tendinopathie de l'épaule droite, par un arrêté du 27 septembre 2012, le SICTOM de la zone de Dole a reconnu cette pathologie comme étant une maladie professionnelle imputable au service à compter du 25 juillet 2011. Par un arrêté du 29 juillet 2014, le SICTOM a placé M. A... en congé pour maladie professionnelle du 25 juillet 2011 au 31 octobre 2014. A la suite d'un rapport d'expertise médicale du 29 avril 2014 fixant la date de consolidation de cette épaule droite au 30 avril 2014, par un arrêté du 20 juillet 2015, le SICTOM a placé M. A... en congé de maladie ordinaire du 1er mai 2014 au 30 avril 2015. 3. Sur la base d'un rapport d'expertise du 25 avril 2016 déclarant M. A... inapte à son poste en raison de l'état de ses deux épaules, le comité médical a émis le 19 mai 2016 un avis défavorable à l'affectation de l'intéressé à un poste de gardien de déchetterie et l'a déclaré apte pour un reclassement dans un poste aménagé. Par un courrier du 26 mai 2016, le SICTOM a mis en demeure M. A... de reprendre le travail au poste aménagé d'aide en déchetterie. M. A... a alors porté à la connaissance de son employeur un certificat médical d'arrêt de travail du 20 mai 2016 concernant une rechute des séquelles de l'épaule gauche. M. A..., ayant épuisé son droit à congé de maladie ordinaire à plein traitement puis à demi-traitement, a été placé en disponibilité d'office à compter du 1er mai 2015 pour une durée d'un an. Par un arrêté du 26 juillet 2016, cette mise en disponibilité a été prolongée de six mois à compter du 1er mai 2016. Cette position statutaire a ensuite été régulièrement renouvelée dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. 4. Suivant l'avis défavorable de la commission départementale de réforme du 29 juin 2016, le SICTOM de la zone de Dole, par un arrêté n°2017/226 du 20 juillet 2017, a refusé de reconnaître la pathologie déclarée par M. A... le 20 mai 2016 comme une rechute de l'accident de service du 5 mai 1993 et l'a placé en disponibilité d'office. Saisi par M. A..., le juge des référés a suspendu, par une ordonnance du 3 octobre 2017, cet arrêté du 20 juillet 2017 et a enjoint au SICTOM de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un second arrêté n° 2017/340 du 18 décembre 2017, rendu à la suite d'un nouvel avis de la commission de réforme du 16 novembre 2017 et pris en exécution de l'ordonnance de référé précitée, le SICTOM a retiré l'arrêté du 20 juillet 2017 et repris la même décision refusant de reconnaître la pathologie du 20 mai 2016 comme une rechute de l'accident de trajet du 5 mai 1993. Par un arrêté n° 2017/341 du 18 décembre 2017, le SICTOM a prolongé la disponibilité d'office de M. A... pour raison de santé à compter du 30 juin 2017 jusqu'au 29 mars 2018. Enfin par un arrêté n° 2017/342, le SICTOM a attribué à M. A... une allocation d'invalidité temporaire (AIT) pour une durée de 6 mois à compter du 1er mai 2017, soit jusqu'au 31 octobre 2017. 5. Lors de ses séances du 20 septembre 2018 et du 10 janvier 2019, la commission de réforme s'est prononcée en faveur de l'inaptitude totale et définitive de M. A... à toute fonction et de sa mise à la retraite pour invalidité. 6. Par un jugement du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2017, a annulé les deux autres arrêtés du 18 décembre 2017 et a enjoint au président du SICTOM de la zone de Dole de placer M. A... en congé spécial de maladie ordinaire à compter du 20 mai 2016, de reconstituer sa carrière et de lui verser la rémunération dont il a été privé sous réserve des sommes qui lui ont déjà été allouées à ce titre. Le SICTOM demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 18 décembre 2017 et lui a enjoint de placer M. A... en congé spécial de maladie ordinaire à compter du 20 mai 2016, de reconstituer sa carrière et de lui verser la rémunération dont il a été privé. Sur le bien-fondé du jugement : 7. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 8. Pour refuser de reconnaître l'existence d'un lien entre les symptômes présentés par M. A... à l'origine d'un arrêt de maladie du 20 mai 2016 et l'accident de service du 5 mai 1993, le SICTOM de la zone de Dole s'est fondé sur l'avis de la commission de réforme du 16 novembre 2017 selon lequel l'intéressé présentait un " état rhumatologique antérieur qui prédominait par rapport aux séquelles de l'accident relatif à l'épaule gauche ". Le SICTOM en a déduit que l'intéressé n'établissait pas que ces troubles étaient en lien direct, certain et exclusif avec l'accident de service du 5 mai 1993. 9. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du16 juin 2014, établi par un médecin spécialiste de la chirurgie de l'épaule, que M. A... souffre de l'épaule gauche depuis l'accident de service du 5 mai 1993 et que ses douleurs étaient devenues invalidantes depuis près de 4 ans à la date de ce certificat. Il ressort des examens d'imagerie médicale du 28 septembre 2012 et du 11 avril 2013 que l'intéressé présente des remaniements à caractère chronique de l'interligne gléno-huméral gauche avec remaniement morphologique de la tête humérale qui sont en rapport avec l'accident de trajet du 5 mai 1993. Le médecin traitant de l'intéressé a évoqué, dans un certificat du 23 juillet 2013, une pathologie de l'épaule gauche dégénérative en rapport avec l'antécédent traumatique survenu vingt ans auparavant. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que cette aggravation des symptômes de l'intéressé a été reconnue, en 2013, par son précédent employeur, comme une rechute en lien avec l'accident de service du 5 mai 1993. 10. Il résulte des différentes pièces médicales, notamment d'une IRM du 7 mars 2016 et d'un courrier du 24 mars 2016 du médecin spécialiste de la chirurgie de l'épaule, que la pathologie de l'épaule gauche dont souffre M. A... est devenue de plus en plus invalidante et douloureuse et qu'elle nécessite la pose d'une prothèse totale. Le compte rendu établi à la suite de l'intervention chirurgicale du 27 février 2017 mentionne que M. A... " a fait l'objet il y a plus de 20 ans d'une fracture de l'extrémité supérieure de l'humérus, évolution secondaire vers un cal vicieux avec nécrose partielle et omarthrose secondaire ". Dans un certificat médical du 19 septembre 2019, le médecin traitant de M. A... indique que depuis 2011, l'intéressé présente des douleurs invalidantes de l'épaule gauche en rapport avec une omarthrose et une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, lesquelles sont les conséquences de sa fracture humérale gauche de 1993 et ont nécessité la mise en place d'une prothèse totale le 17 février 2017. Dans un certificat du 20 septembre 2019, le chirurgien qui a opéré M. A... confirme ce constat en mentionnant qu'eu égard aux antécédents de l'intéressé, il est possible de " faire un lien entre la déformation importante de sa tête humérale déjà diagnostiquée en 2016 avec ses antécédents de fracture de la tête humérale anciens " et que " cette intervention est donc directement liée aux conséquences de l'accident de trajet du 5 mai 1993 ". Il ressort également du rapport d'expertise du 25 avril 2016, établi par un rhumatologue, que les symptômes douloureux de M. A... sont " marqué(s) et aggravé(s) " par rapport aux éléments antérieurement notés, soit la rechute de 2013, et qu'il était difficile de considérer l'état de son épaule gauche comme consolidé dans la mesure où il devait subir une intervention chirurgicale. 11. S'il est vrai que dans un compte rendu d'examen d'imagerie par résonnance magnétique (IRM) du 1er juin 2016, un praticien hospitalier a mentionné une " chute récente " et un " antécédent traumatique de 2013 ", cette mention doit être regardée, comme l'a relevé le tribunal, comme une erreur matérielle, dès lors que l'ensemble des autres pièces médicales font seulement état de l'accident survenu en 1993. En outre, dans un certificat médical du 9 septembre 2017, le médecin traitant de M. A... a précisé que l'intéressé n'avait jamais été victime d'une chute en dehors de l'accident de 1993. Il a d'ailleurs confirmé ce fait en précisant, dans un certificat médical du 19 septembre 2019, que lors de la demande de cette IRM, il avait indiqué " douleur de l'épaule gauche sur antécédents de la fracture d'épaule de 1993 avec probable tendinopathie ". 12. De même, si la commission de réforme, qui n'a pas sollicité d'expertise complémentaire, a estimé, dans son avis du 16 novembre 2017, que l'état rhumatologique de M. A... " prédominait " sur les séquelles de l'accident de 1993, cette mention n'exclut pas tout lien avec cet accident. En outre, aucune pièce médicale ne corrobore un état préexistant ou postérieur à cet accident à l'origine directe des symptômes de l'intéressé. Dans ces conditions, les symptômes présentés par M. A... le 20 mai 2016 doivent être regardés comme une aggravation ou une rechute imputable à l'accident du 5 mai 1993, nonobstant la circonstance que ce lien ne serait pas exclusif. 13. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que le SICTOM de la zone de Dole n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé les arrêtés attaqués du 18 décembre 2017. Sur les conclusions à fin d'injonction : 14. D'une part, en enjoignant au SICTOM de la zone de Dole de placer M. A... en congé spécial de maladie ordinaire, le tribunal doit être regardé comme ayant entendu faire bénéficier à l'intéressé du régime de congé de maladie spécialement prévu par le 2ème alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable en l'espèce. 15. D'autre part, l'administration est tenue de placer ses agents dans une situation statutaire et réglementaire. Par suite, l'annulation des arrêtés du 18 décembre 2017 plaçant M. A... en disponibilité d'office impliquait nécessairement que le tribunal administratif enjoigne au SICTOM de la zone de Dole d'accorder à ce dernier le bénéfice du congé de maladie ordinaire prévu par le 2ème alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 à compter du 20 mai 2016, dès lors que, ainsi que cela ressort des pièces du dossier, M. A... n'était pas en mesure de reprendre son poste, nonobstant la circonstance que le certificat médical initial d'accident du travail ne mentionnait pas d'interruption du travail. Par suite, le SICTOM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé une injonction en ce sens. Sur les frais non compris dans les dépens : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le SICTOM de la zone de Dole, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SICTOM le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête du SICTOM de la zone de Dole est rejetée. Article 2 : Le SICTOM de la zone de Dole versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères de la zone de Dole et à Me E... pour M. A... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée. N° 19NC01779 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/06/2020, 18DA01246, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'ordonner une expertise afin de déterminer si son arrêt de travail s'inscrit dans la suite de l'accident du 31 octobre 2014 reconnu comme imputable au service, de fixer la date de consolidation ainsi que son taux d'incapacité global actuel, d'autre part, d'annuler les arrêtés du 5 octobre 2015 par lesquels le président du conseil départemental de l'Oise a modifié l'arrêté du 17 mars 2015 la plaçant en congé pour accident de service du 10 au 22 mars 2015, a retiré les arrêtés des 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015 la plaçant en congé pour accident de service du 30 mars 2015 au 30 juillet 2015, l'a placée en position de congé maladie ordinaire à compter du 23 mars 2015, l'a placée en position de congé maladie ordinaire du 30 mars 2015 au 15 novembre 2015, et enfin, d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2015 par lequel le président du conseil départemental de l'Oise a déclaré son état de santé consolidé à compter du 22 mars 2015, de dire et juger qu'elle est toujours placée en arrêt de service pour accident imputable au service depuis le 31 octobre 2014 et de mettre à la charge du département de l'Oise les frais d'expertise. Par un jugement n° 1600642 du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés du président du conseil départemental de l'Oise des 5 octobre 2015 modifiant l'arrêté du 17 mars 2015 et fixant la date de fin de congé de maladie ordinaire imputable au service au 22 mars 2015, plaçant Mme B... en congé de maladie ordinaire le 23 mars 2015, retirant les arrêtés des 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015, et plaçant Mme B... en congé pour maladie ordinaire sans imputabilité au service en ce qui concerne la période du 30 mars 2015 au 3 novembre 2015, ainsi que l'arrêté du 14 octobre 2015, a mis à la charge définitive du département de l'Oise les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 300 euros par une ordonnance en date du 9 janvier 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, Mme B..., représentée par Me C... E..., demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 4 du jugement du 17 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens ayant rejeté le surplus de ses conclusions ; 2°) de mettre à la charge du département de l'Oise la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 305-2020 du 25 mars 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, - et les conclusions de M. Hervé Cassara rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... B..., qui est née le 31 octobre 1953, est adjoint technique de 1èreclasse et employée comme agent d'entretien par le département de l'Oise. Le 31 octobre 2014, alors qu'elle travaillait et qu'elle était accroupie, elle s'est bloquée le genou droit en voulant se relever et a ressenti une vive douleur. L'accident a été reconnu comme imputable au service par arrêté du 8 décembre 2014. Par un arrêté du 17 mars 2015 du président du conseil départemental de l'Oise, Mme B... a été placée en congé pour accident de travail du 10 mars 2015 au 23 mars 2015 avec perception de l'intégralité de son traitement. Mme B... a repris son travail le 24 mars 2015 mais a dû s'interrompre dès le 30 mars 2015 du fait des douleurs au genou. Des arrêtés du 5 juin 2015 et du 1er juillet 2015 du président du conseil départemental de l'Oise l'ont alors placée en congé pour accident de service du 31 mai 2015 au 30 juin 2015 puis du 1er juillet 2015 au 30 juillet 2015 inclus et l'intégralité de son traitement lui a été servie durant ces périodes. 2. Suivant l'avis rendu le 10 septembre 2015 par la commission départementale de réforme, un arrêté du 14 octobre 2015 du président du conseil départemental de l'Oise a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au 22 mars 2015, sans invalidité permanente partielle, sans soins post consolidation et sans prise en charge des arrêts au-delà du 22 mars 2015. Quatre autres arrêtés du 5 octobre 2015 du président du conseil départemental de l'Oise ont, pour le premier modifié celui du 17 mars 2015 en plaçant Mme B... en congé pour accident de service du 10 mars 2015 au 22 mars 2015, pour le second placé Mme B... en congé maladie ordinaire à compter du 23 mars 2015, pour le troisième retiré les arrêtés du 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015 au motif que ces arrêtés avaient placé Mme B... en congé pour accident du travail du 30 mars 2015 au 30 juillet 2015 et pour le quatrième placé Mme A... en congé maladie ordinaire du 30 mars 2015 au 15 novembre 2015 en prévoyant qu'elle toucherait la totalité de son traitement d'activité du 30 mars 2015 au 21 juin 2015 puis la moitié de son traitement d'activité du 22 juin 2015 au 15 novembre 2015. 3. Mme B... a formé un recours gracieux contre ces cinq décisions le 4 novembre 2015. Celui-ci a été explicitement rejeté le 29 décembre 2015. Par une ordonnance du 8 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a désigné, à la demande de Mme B..., le professeur Ollat comme expert chargé de l'examiner, de préciser dans quelle mesure les troubles de son genou sont imputables à l'accident dont elle a été victime le 31 octobre 2014 et de fixer la date de consolidation des blessures. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a fixé la date de consolidation au 3 novembre 2015 sur la base de l'expertise du 9 janvier 2017 du professeur Ollat, a annulé les quatre arrêtés du 5 octobre 2015 et celui du 14 octobre 2015, a mis les frais d'expertise d'un montant de 1 300 euros à la charge définitive du département de l'Oise et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Le département de l'Oise, par la voie de l'appel incident, relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les différents arrêtés fixant la situation de Mme B.... Sur l'appel principal de Mme B... : En ce qui concerne la régularité du jugement : 4. En se limitant à soutenir que certains de ses moyens n'auraient pas été examinés par le tribunal administratif d'Amiens sans préciser lesquels, Mme B... ne permet pas au juge d'appel d'examiner le bien-fondé de son moyen. 5. Le jugement attaqué vise la note en délibéré du 11 avril 2018. Si le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans le mémoire, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si ce mémoire contient, soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. En l'espèce, le courrier du 29 mars 2018 reçu par Mme B... le 9 avril 2018 prorogeant le congé maladie de trois mois à compter du 7 avril 2018 n'est pas un élément du débat sur lequel le tribunal administratif a fondé son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement : 6. En demandant l'annulation des arrêtés qui fixaient la date de consolidation de sa blessure et de ceux qui en tiraient les conséquence pratiques, la requérante a implicitement mais nécessairement demandé au tribunal administratif d'Amiens de se prononcer sur la fixation de cette date de consolidation. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait statué ultra petita en fixant la date de consolidation au 3 novembre 2015 doit être écarté. 7. Aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. /(...)/ ". 8. En se limitant, d'une part, à soutenir sur la base du rapport du 29 janvier 2017 du docteur Becquet, médecin généraliste, que son genou droit n'était pas consolidé à cette date et sur la base du certificat du 2 mars 2018 du docteur Chivot, son médecin traitant, affirmant que son état de santé n'était pas consolidé et que ce praticien demandait pour elle un placement en invalidité de 2ème catégorie, Mme B... ne remet pas sérieusement en cause l'expertise du professeur Ollat, ordonnée à sa demande le 8 septembre 2016 par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, fixant la date de consolidation de son état de santé au 3 novembre 2015, expertise qu'elle n'a, au demeurant, pas contestée à l'époque. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans la fixation de la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... doit être écarté. 9. En soutenant, d'autre part, sur la base d'un certificat du 30 avril 2014 du docteur Chivot, qu'elle ne présentait pas de problèmes au genou droit avant le 31 octobre 2014, Mme B... ne démontre pas qu'un état arthrosique antérieur se rattachant à un processus dégénératif et non à l'épisode traumatique du 31 octobre 2014 n'existait pas. Au demeurant, l'existence de cet épisode arthrosique antérieur, lié à une surcharge pondérale, avait déjà été noté dans les expertises du 13 avril 2015 du docteur F., du 28 mai 2015 du docteur B. ainsi que dans l'avis du 10 septembre 2015 de la commission de réforme. Par suite, l'existence d'un lien direct entre l'accident du 31 octobre 2014 et les troubles du genou droit dont souffre Mme B... ne ressort pas des pièces du dossier. Le moyen tiré de l'absence de consolidation de son état de santé au 3 novembre 2015 doit être écarté. 10. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif d'Amiens au point 2 du jugement, de rejeter les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise de son état de santé. 11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel principal de Mme B... doivent être rejetées. Sur l'appel incident du département de l'Oise : 12. Si le département de l'Oise soutient que les soins prodigués à Mme B... postérieurement au 22 mars 2015 doivent être pris en charge au titre de l'arthrose sous-jacente et non de l'accident de service du 31 octobre 2014, la seule circonstance que l'expertise du 28 mai 2015 du docteur Blin et la commission de réforme du 10 septembre 2015 aient proposé le 22 mars 2015 comme date de consolidation de l'état de santé de l'intimée ne peut suffire à remettre en cause l'expertise du professeur Ollat et le jugement attaqué fixant cette date au 3 novembre 2015. A cette date, la scintigraphie de contrôle a révélé l'absence de signe d'inflammation importante et précisé que les douleurs résiduelles étaient en lien avec l'état arthrosique antérieur du genou de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés du 5 octobre 2015, en ce qu'ils ont retenu la date du 22 mars 2015, et celui du 14 octobre 2015 fixant la date de consolidation au 22 mars 2015 étaient légaux, doit être écarté. 13. L'arrêté plaçant un agent en congé pour accident de service est une décision créatrice de droits au profit de l'agent. Par suite, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande de l'agent, l'administration ne peut retirer un tel arrêté, s'il est illégal, que dans le délai de quatre mois suivant son adoption. Les arrêtés du 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015 constituaient des décisions créatrices de droit pour Mme B... et ne pouvaient être retirés par l'arrêté du 5 octobre 2015 que conformément à ces dispositions. Fixant une date de consolidation de son état de santé antérieure à la date de consolidation effectivement retenue, ils étaient légaux et ne pouvaient dès lors être retirés. Dès lors, l'arrêté du 5 octobre 2015 qui les a retirés est illégal. 14. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute personne perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ". Le département de l'Oise étant partie perdante, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Amiens a mis les frais d'expertise à la charge définitive du département. 15. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et que, d'autre part, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa requête, le département de l'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ce jugement a annulé les arrêtés du 5 octobre 2015 et 14 octobre 2015 du président du conseil départemental. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant de Mme B... que du département de l'Oise, doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du département de l'Oise sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au département de l'Oise. Copie sera adressée, pour information, au préfet de l'Oise. 1 6 N°18DA01246 1 3 N°"Numéro"
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Douai
CAA de LYON, 7ème chambre, 26/06/2020, 19LY04324, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme D... C... a demandé au tribunal des pensions de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 18 juin 2012, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire de conjointe survivante et de lui reconnaître un droit à pension. Par un jugement n° 19/06 du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 30 mars 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions du 27 septembre 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 18 juin 2012 ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de la rétablir dans son droit à pension de conjointe survivante dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4. 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - M. C... ne présentait aucun antécédent ni aucune fragilité antérieure à son départ en mission d'opération extérieure ; - aucune difficulté personnelle ne vient expliquer son geste ; - il est décédé en service et sur le lieu du service ; - seules les caractéristiques de la mission à laquelle participait M. C... expliquent son suicide ; - son décès est dès lors en lien avec le service et non détachable de ce dernier ; - le suicide est qualifié d'accident par la jurisprudence ; - l'enquête pénale n'a révélé aucune cause extérieure. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2020, et un mémoire complémentaire (non communiqué), enregistré le 19 mai 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - le décès de M. C... est dû à un acte personnel non imputable au service ; - l'enquête judiciaire a abouti à un classement sans suite ; - l'appelante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que le suicide de M. C... a pour cause un état pathologique se rattachant au service ; - M. C... étant en mission de coopération et non de maintien de l'ordre, la présomption posée par l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne trouve pas à s'appliquer. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 février 2020. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Engagé dans l'armée de terre le 1er octobre 1981, l'adjudant-chef Jean C... servait en dernier lieu depuis le 30 septembre 2010 au titre de la coopération aux Émirats Arabes Unis quand il a été retrouvé asphyxié par pendaison le 3 décembre 2010 dans les quartiers de la base française à Zayed. Tandis que l'enquête judiciaire a abouti à un classement sans suite, le ministre de la défense, par une décision du 25 mai 2012, a rejeté la demande de pension de conjointe survivante formée par Mme D... A... veuve C..., avec qui il était marié depuis le 20 décembre 1986, au motif que le décès était dû à un acte personnel non imputable au service. Mme C... fait appel du jugement du 27 septembre 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Clermont-Ferrand a rejeté son recours contre cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le droit à pension est ouvert au conjoint ou partenaire survivant mentionnés à l'article L. 141-1 : / (...) ; 2° Lorsque le décès du militaire a été causé par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit ; / (...) ; 3° Lorsque le décès du militaire résulte de maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit. " 3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un militaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce et de l'ensemble des pièces du dossier, pour, notamment, apprécier si des circonstances particulières permettaient de regarder cet évènement comme détachable du service. 4. Dès lors, Mme C... est fondée à soutenir qu'en mettant à sa charge, en indiquant dans la décision en litige que le décès de M. C... n'est pas imputable au service " par preuve contraire " et ainsi que le fait valoir la ministre dans ses écritures contentieuses, la preuve de ce que le suicide avait eu pour cause certaine, directe et déterminante un état pathologique se rattachant lui-même directement au service, le ministre, alors qu'il avait relevé que le suicide, survenu en mission opérationnelle, avait eu lieu au temps et au lieu du service, a commis une erreur de droit. 5. Toutefois, il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur l'autre motif, tiré de ce que le décès de M. C... est " dû à un acte personnel ". Cependant, en se bornant ainsi à relever, sans commettre d'erreur de fait, que le décès était consécutif à un suicide, le ministre n'a pas examiné si des circonstances particulières détachaient ce dernier du service. Dès lors, par cette omission dans l'application des dispositions précitées au point 2, la décision en litige est entachée d'une seconde erreur de droit sur ce motif. 6. En premier lieu, il ressort du rapport du chef d'état-major de la 3eme brigade mécanisée du 17 décembre 2010 sur la manière de servir de l'adjudant-chef C... que celui -ci évoluait avec facilité dans son environnement professionnel et avec aise dans ses relations humaines. En deuxième lieu, il ne ressort pas du procès-verbal de synthèse d'enquête préliminaire de gendarmerie du 19 juin 2011 que M. C..., décrit par son entourage professionnel et personnel comme investi dans les activités de cohésion et équilibré, aurait manifesté des signes précurseurs de son geste d'autolyse ou des indices d'inquiétude avant son départ, qui avait été médicalement validé, en mission. Si le procès-verbal de gendarmerie n° 1141-10 dressé pour l'enquête pénale demandé le 9 mai 2012 au procureur de la République par le ministre de la défense n'a pas été produit à l'instance, les éléments qui en sont cités dans les conclusions de l'appelante présentées devant le tribunal des pensions ne sont pas contredits à hauteur d'appel par la ministre des armées. Il en ressort qu'à compter de début novembre 2010, après un mois de mission, M. C... se montrait perturbé par les règles de comportement locales, jusqu'à adopter une attitude et des réactions qui avaient amené, à la fin novembre, sa hiérarchie à mettre en place un soutien par ses frères d'armes et en dernier lieu le 1er décembre 2010 à programmer, pour le 5 décembre 2010, sa consultation par un médecin, après des propos alarmants qu'il avait tenus le même jour et qu'il avait repris le lendemain soir, peu avant son passage à l'acte, sans qu'aient été retrouvés d'écrits. Dans ces conditions, eu égard notamment à la caractéristique de permanence de la mission à laquelle participait M. C..., n'est révélée aucune circonstance particulière susceptible d'avoir détaché son suicide du service. En revanche, l'objet des inquiétudes exprimées ainsi par l'intéressé est inhérent au contexte de l'exercice de cette mission, sans qu'il soit besoin d'y rechercher en l'espèce une responsabilité qui serait extérieure à sa personne. 7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision en litige du 25 mai 2012. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". 9. Dès lors qu'il est constant que Mme C..., en sa qualité d'ayant-droit de M. C..., remplit les autres conditions prévues par l'article L. 141-2 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que la ministre des armées fasse droit à sa demande de pension de conjointe survivante. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la ministre de faire droit à cette demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait toutefois lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 19/06 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions de Clermont-Ferrand et la décision du 25 mai 2012 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de pension de Mme C... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la ministre des armées de verser à Mme C... une pension de conjointe survivante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État versera la somme de 1 000 euros à Me B..., sous réserve que cette avocate renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... veuve C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mai 2020 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre, M. Seillet, président assesseur, Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 26 juin 2020. N° 19LY04324 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 7ème chambre, 26/06/2020, 19LY04019, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Dijon d'annuler la décision du 20 juin 2018, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître un droit à pension pour infirmités à la suite d'une blessure reçue en opération de guerre le 3 août 1957. Par un jugement n° 18/00006 du 12 juin 2019, le tribunal des pensions a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2019, et un mémoire, enregistré le 30 mars 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions du 12 juin 2019 ; 2°) de fixer pour chacune de ses quatre infirmités un droit à pension pour blessures au taux de 10 % ; 3°) A titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la limitation des amplitudes articulaires responsable de boiterie de son membre inférieur gauche résulte de ses blessures ; le taux de cette infirmité doit être fixé à 10 % ; - la blessure à sa cuisse droite ayant provoqué l'infirmité n° 4 de gêne fonctionnelle participe à sa boiterie globale et doit par suite être indemnisée au taux de 10 % ; - les deux autres infirmités justifient qu'elles soient indemnisées à un taux de chacune 10 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mai 2020 (non communiqué), la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - M. A... n'est pas recevable à augmenter ses conclusions en appel au-delà de ses conclusions de première instance, limitées à l'infirmité n° 4 ; - en l'absence de gêne fonctionnelle, M. A... ne justifie pas d'un droit à pension au titre de cette infirmité ; - la limitation des amplitudes articulaires responsable de boiterie de son membre inférieur gauche ne résulte pas de ses blessures ; - le requérant ne produit aucun élément médical nouveau à l'appui de taux supérieurs à ceux retenus. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 Appelé à l'activité militaire le 19 octobre 1955, le maréchal des logis Georges A... a participé aux opérations en Algérie jusqu'à sa radiation des contrôles de l'armée le 18 décembre 1957. Le 3 août 1957, il a été blessé en opération aux jambes par une décharge de chevrotines, qui lui a occasionné une plaie perforante dans chaque cuisse sans lésion osseuse, vasculaire ou nerveuse. Le 6 mai 2014, faisant valoir une boiterie, des douleurs à la jambe gauche et une gêne fonctionnelle grandissante pour gravir des escaliers, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour quatre infirmités. Par une décision du 20 juin 2018, au titre de chacune de ces infirmités, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... demande l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Dijon du 12 juin 2019 qui a rejeté son recours contre cette décision et qu'il soit fait droit à sa demande de pension. Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la ministre des armées : 2 Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle (...) sauf faute de la victime détachable du service. " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : (...) 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; (...). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " 3 Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4 D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " 5 Il ressort de l'état signalétique des services de M. A... que celui-ci " a été blessé le 3 août 1957 dans le secteur de Miliana (Algérie) par des chevrotines aux cuisses lors d'un accrochage avec des rebelles ". Sa fiche de séjour à l'hôpital mentionne, à la date du 3 août 1957, des " plaies transfixiantes par chevrotine des deux cuisses sans lésions osseuses, vasculaires ou nerveuses ". Sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée à titre subsidiaire par le requérant : Sur l'infirmité n°1 " limitation des amplitudes articulaires du membre inférieur gauche responsable de boiterie " : 6 Il résulte de l'instruction que M. A... a conservé de ses blessures à la cuisse gauche deux cicatrices de point d'entrée et de sortie au tiers moyen de la face interne de la cuisse, achromiques et non adhérentes, mais sensibles. En créant au vu de l'expertise, par son avis du 8 septembre 2016, l'infirmité n°1 " limitation des amplitudes articulaires du membre inférieur gauche responsable de boiterie ", le médecin de l'administration a nécessairement constaté objectivement l'existence de cette infirmité chez M. A.... Toutefois, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du rapport d'expertise médicale du docteur Barthélémy du 21 juillet 2016, cette infirmité, dont aucun élément du dossier ne permet de la qualifier de séquelle des blessures reçues le 3 août 1957, ne trouve pas son explication dans ces dernières. Dès lors, la filiation médicale, au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, entre cette blessure et l'infirmité invoquée n'est pas établie et c'est en tout état de cause à tort que le médecin de l'administration a retenu cette dernière, fût-ce à un taux non indemnisable, au titre de la maladie imputable au service. M. A... n'est par suite pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal des pensions a rejeté sa demande sur ce point. Sur l'infirmité n° 3 " limitation des amplitudes articulaires de la hanche droite en rotation interne " : 7 Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert en date du 21 septembre 2016, d'une part, que " seule la rotation interne (de la hanche droite de M. A...) est limitée ". Cet élément n'est pas repris par l'expert dans sa conclusion, qui ne retient que la boiterie dont il a été dit au point précédent qu'elle est consécutive à la limitation des amplitudes articulaires du côté opposé. D'autre part, les plaies transfixiantes à la cuisse droite, mentionnées au point 5, consécutives aux blessures reçues le 3 août 1957 ne s'étendaient pas aux tissus osseux, vasculaires ou nerveux et, par suite, ne peuvent être à l'origine de la limitation des amplitudes articulaires de la hanche droite au titre de laquelle M. A... demande que lui soit reconnue une infirmité au taux de 10 %. Dans ces conditions, à supposer même, comme l'allègue le requérant sans l'établir par les éléments du dossier, que cette infirmité participe à sa boiterie, sa filiation médicale avec les blessures reçues n'est pas établie. Sur les infirmités n° 2 et n° 4 " séquelles de plaie perforante sans lésion osseuse, vasculaire ou nerveuse : cicatrices de point d'entrée et de sortie, achromiques et non adhérentes " : 8 Il résulte de l'instruction sans être contesté que M. A... a conservé pour séquelles des plaies transfixiantes consécutives à ses blessures reçues le 3 août 1957 deux cicatrices de point d'entrée et de sortie achromiques et non adhérentes au tiers moyen de la face interne de la cuisse gauche, sensibles, et deux cicatrices de même nature, non sensibles, à la face postérieure de la cuisse droite. Le lien de filiation médicale entre ces séquelles et les blessures est établi. La demande de M. A... au titre des deux infirmités n° 2 et n° 4 rentre ainsi dans le champ de l'article L. 121-1 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 9 Si l'expert, dans son rapport du 21 septembre 2016, a fixé un " taux global " de 10 %, sans distinguer entre les différentes infirmités invoquées par le requérant, contrairement aux prétentions de ce dernier le rapprochement de ce taux avec les conclusions du rapport, qui ne mentionnent ainsi qu'il été dit au point 7 que la boiterie malgré le défaut d'explication du lien de celle-ci avec l'infirmité n° 1, écarte une évaluation au taux de 10 % de chacune des deux infirmités n° 2 et n° 4 par l'expert. En revanche, le médecin de l'administration, dans son avis du 8 septembre 2016 postérieur à l'expertise et au vu de cette dernière, a évalué, d'une part, à 0 % le taux de l'infirmité n° 4 pour les séquelles à la cuisse droite et, d'autre part, à 5 % le taux de l'infirmité n° 2 pour les séquelles à la cuisse gauche, au titre de la sensibilité dont fait au demeurant spécialement état M. A.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de retenir ces taux respectifs. 10 Il résulte dès lors de tout ce qui précède que le taux d'invalidité global de M. A... au regard de ses droits à pension militaire d'invalidité s'établit à 5 %. 11 Toutefois, en application des dispositions de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précitées au point 4, aucune pension ne peut être concédée si le taux d'invalidité n'atteint pas 10 %. C'est par suite à bon droit que la ministre des armées a, par la décision contestée du 20 juin 2018, rejeté la demande de M. A.... 12 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mai 2020 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président, M. Seillet, président assesseur, Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 26 juin 2020. N° 19LY04019
Cours administrative d'appel
Lyon