5820 results
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/04/2023, 21TL01638, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 11 avril 2018 D... laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation, et d'enjoindre au ministre des armées de réviser sa pension militaire. D... un jugement n° 1903708 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : D... une requête, enregistrée le 30 avril 2021 sous le n° 21MA01638 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL01638, et un mémoire enregistré le 12 septembre 2022, M. B... A..., représenté D... Me Thomasian, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 11 avril 2018 D... laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de revaloriser sa pension militaire d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - le jugement est erroné en ce qu'il a estimé que l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension au regard des dispositions énoncées aux articles L. 6 et L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - il est fondé à demander la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité au titre de sa névrose post-traumatique de guerre au taux de 30% au regard des conclusions du rapport d'expertise judiciaire : rien ne permet d'affirmer que l'aggravation de son état n'est pas antérieure à la date du dépôt de ce rapport ; - la mission de l'expert définie D... le tribunal ne faisait pas référence au décret du 10 janvier 1992. D... une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A.... D... des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2022 et le 13 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que le taux d'aggravation qu'il convient de retenir est de 5%, ne permettant pas de faire droit à la demande de M. A.... D... ordonnance du 12 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2022. Vu : - le jugement avant dire droit du 8 mars 2019 du tribunal des pensions de Nîmes ordonnant une expertise médicale ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 18 mai 1939, qui a servi dans l'armée en particulier lors de la guerre d'Algérie, est titulaire d'une pension militaire pour invalidité définitive concédée D... arrêté du 6 décembre 2004 au taux global de 20% avec effet au 4 mars 2003, au titre d'une " névrose post-traumatique de guerre ". Le 23 novembre 2016, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation. D... une décision du 11 avril 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'aggravation de l'infirmité ne s'est pas accru du minimum de 10% prévu D... les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cette décision. D... un jugement du 18 mars 2021 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans ses dispositions alors en vigueur : " La pension prévue D... le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, D... une commission de réforme selon des modalités fixées D... décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". Il résulte de ces dispositions que c'est à cette date qu'il faut se placer pour évaluer le taux des infirmités à raison desquelles la pension ou sa révision est demandée. 3. Aux termes de l'article L. 29 du même code, dans ses dispositions alors en vigueur : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points D... rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 4. Selon le rapport d'expertise du médecin agréé de la commission de réforme militaire établi le 10 janvier 2018, l'aggravation de l'état de stress post-traumatique sous la forme de névrose de guerre dont reste atteint M. A... peut être évaluée au taux de 5%, donnant lieu à un taux global de 25% conformément au barème militaire de pension d'invalidité. L'expert a relevé que " l'absence de mécanisme défensif sur un plan psychologique, opérant et fonctionnel chez M. A..., l'écarte de possibilités à retrouver des idées plus claires et un sommeil réparateur, d'autant que sur le plan organique il souffre de maladie à tropisme vasculaire réduisant ses capacités de lutte et de gestion du stress auquel il est soumis de manière endogène. " Il ajoutait que " la cristallisation d'une demande d'aggravation pourrait s'adoucir et s'atténuer significativement si un taux d'aggravation de 5% (légitime médicalement) était accordé. " Estimant que les conclusions de cette expertise ne lui permettaient pas de se prononcer, le tribunal des pensions militaires d'invalidité du Gard a ordonné une expertise médicale, le 8 mars 2019, afin d'évaluer précisément le taux d'aggravation de l'infirmité n° 1 de M. A.... Après trois désignations successives d'expert, le docteur C..., psychiatre, a remis un rapport le 20 février 2020. Selon ce rapport qui confirme le diagnostic de trouble post traumatique toujours actif compliqué d'un trouble dépressif récurrent, le remaniement de la personnalité de M. A... D... les faits traumatiques du service est majeur et a engendré une névrose post traumatique avec sinistrose. Il ajoute que la persistance et l'aggravation de la symptomatologie est en lien avec une absence de prise en charge spécifique et précoce du psycho traumatisme et l'absence d'un traitement réellement efficace dans cette indication, et conclut qu'au regard de la particulière sévérité des troubles psychiatriques imputables au service et de l'impact sur sa personnalité et sa qualité de vie, il paraît nécessaire de majorer le taux de pension militaire d'invalidité définitive en le portant à 30%. Alors que la mission confiée à l'expert judiciaire consistait à " déterminer le diagnostic, l'invalidité et son taux en se plaçant à la période de la demande de l'intéressé ", il ne ressort pas des conclusions du rapport établi le 5 février 2020 que l'expert se serait essentiellement fondé sur l'évolution de l'état de santé de M. A... postérieurement à la date de sa demande de révision, le 23 novembre 2016. En outre, contrairement à ce que fait valoir le ministre des armées, si l'expert a évoqué les autres pathologies dont souffre l'appelant, il a pris en considération la seule aggravation de l'infirmité au titre d'une " névrose post-traumatique de guerre " pour déterminer un taux d'invalidité devant être fixé à 30%. Dans ces conditions, l'intéressé a droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " névrose post-traumatique de guerre " dont il souffre. Le taux d'invalidité de cette infirmité doit être porté à 30%, à la date de sa demande présentée le 23 novembre 2016. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, D... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sur la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. A... : 6. Le ministre des armées procédera à la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. A... sur la base d'un taux de 30% à compter du 23 novembre 2016 pour l'infirmité " névrose post-traumatique de guerre " dont il souffre. Sur les dépens : 7. Les frais et honoraires de l'expertise judiciaire prescrite le 8 mars 2019 doivent être mis à la charge définitive de l'Etat. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés D... M. A... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903708 du tribunal administratif de Nîmes en date du 18 mars 2021 et la décision du 11 avril 2018 de la ministre des armées sont annulés. Article 2 : Le ministre des armées procédera à la liquidation de la pension militaire d'invalidité allouée à M. A... sur la base d'un taux de 30% à compter du 23 novembre 2016. Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise judiciaire prescrite le 8 mars 2019 sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public D... mise à disposition au greffe le 25 avril 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL01638 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 21/04/2023, 22MA01120, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet opposée à son recours administratif préalable obligatoire formé le 29 juillet 2019, d'enjoindre à la ministre des armées de faire établir le rapport circonstancié de l'accident de tir du 23 mai 2013 après audition des témoins et de condamner la ministre des armées à lui payer la somme de 15 000 euros, outre la somme de 1 000 euros par mois écoulé depuis avril 2019 à juillet 2019, puis 2 000 euros par mois écoulé depuis le 29 juillet 2019 jusqu'à la notification du jugement, le tout assorti des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 2000173 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, M. B..., représenté par Me Giraud, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2000173 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de condamner la ministre des armées à lui payer la somme de 15 000 euros, outre la somme de 1 000 euros par mois écoulé depuis avril 2019 à juillet 2019, puis 2 000 euros par mois écoulé depuis le 29 juillet 2019 jusqu'à la notification de l'arrêt, le tout assorti des intérêts au taux légal ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le refus d'établir un rapport circonstancié de l'accident de tir du 23 mai 2013 constitue une faute qui lui a fait grief ; - ces faits du 23 mai 2013 doivent être qualifiés d'accident avec faute intentionnelle de la part de l'auteur du tir ; - le refus d'établir un rapport circonstancié de l'incident de tir du 23 mai 2013 viole l'article R. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le rapport du 19 juin 2019 établi par sa hiérarchie est erroné et a dénaturé les faits ; - le refus d'établir un rapport circonstancié viole l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme relatif à l'interdiction de discrimination ; - il souffre d'un état de stress post traumatique lié à cet incident de tir ; - il est légitime à demander à être indemnisé pour les préjudices subis. La requête a été communiqué à la ministre des armées qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Prieto, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., caporal-chef de la légion étrangère, a effectué en 2013 une mission opérationnelle de courte durée au Mali. Le 23 mai 2013, alors que l'instructeur de tir procédait à la sécurisation de son arme de poing, une cartouche a été tirée dans le sol à proximité de l'intéressé. Le 25 mars 2019, M. B... a formé une demande d'indemnisation complémentaire à celles formulées dans le cadre d'accidents antérieurs subis au cours de ses missions extérieures auprès du ministère des armées. Le 29 juillet 2019, M. B... a formé un recours devant la commission des recours des militaires qui en a accusé réception le 12 août 2019 et a opposé une décision implicite de rejet à ce recours. M. B... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 21 février 2022 en tant que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'il a subis résultant du refus de l'administration d'établir un rapport circonstancié de l'accident de tir du 23 mai 2013. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits et dont les dispositions ont été reprises par l'article R. 151-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1903 du 28 décembre 2016 : " Les militaires ou marins qui, avant de quitter le service veulent faire valoir leurs droits à une pension pour cause de blessures reçues ou d'infirmités ou maladies contractées ou aggravées en service doivent, s'ils n'ont pas été proposés d'office, adresser leur demande par la voie hiérarchique au commandant de formation administrative dont ils relèvent. / En prévision d'une telle demande, tout commandant de formation administrative ou de détachement, tout chef de service est tenu, dès que se produit un fait de nature à ouvrir droit à pension, de faire constater, par tous les moyens mis à sa disposition, l'origine des blessures reçues, des maladies ou infirmités contractées ou aggravées dont sont atteints les militaires ou marins placés sous ses ordres. Des certificats sont établis, énonçant les faits constatés et les éléments qui peuvent déterminer la relation de ces faits avec le service. Pour établir cette relation, il peut être dressé tout procès-verbal ou fait toute enquête qu'il appartiendra ". 3. En premier lieu, M. B... soutient que l'administration a commis une faute en ne constatant pas les faits qui se sont déroulés le 23 mai 2013 par un rapport circonstancié tel que défini par les dispositions précitées de l'article R. 6. Il résulte toutefois de l'instruction que ni l'adjudant-chef Pellen ni M. B... lui-même, ce dernier n'étant apparemment pas blessé, n'ont alerté leur hiérarchie au moment des faits et que la plainte de l'appelant n'a été déposée qu'en janvier 2018, soit cinq ans après leur déroulement. Le 16 juillet 2018, l'inspecteur général des armées a saisi le vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris et, le 5 mars 2019, un avis de classement en raison de la tardiveté de la plainte a été rendu par le juge judiciaire. Enfin, le 19 juin 2019, un rapport d'incident a été établi et l'adjudant-chef Pellen a été sanctionné, le 14 mars 2019, de vingt jours d'arrêts avec un sursis de six mois pour erreur de manipulation de son arme et absence de compte-rendu. Dans ces conditions, eu égard à la nature des faits tels qu'ils ont été constatés par l'administration et le parquet, aux conditions dans lesquels ils se sont déroulés et surtout au caractère tardif de leur constatation, l'administration n'a pas commis une faute de nature à engager sa responsabilité, pour n'avoir pas établi, dès le 23 mai 2013, un rapport circonstancié en application des dispositions précitées de l'article R. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 4. En second lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". 5. Si M. B... soutient que le refus de reconnaitre cet incident de service résulte d'un comportement discriminatoire de l'administration en raison de ses origines slovènes, il n'assortit pas ses allégations des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté. 6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense en 1ère instance, que M. B..., qui, au demeurant, ne précise ni l'objet ni la nature du préjudice allégué, n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. 7. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente de la Cour, - Mme Ciréfice, présidente assesseure, - M. Prieto, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023. N° 22MA01120 2 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 17/04/2023, 22MA01803, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2109807 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 juin 2022, M. B..., représenté par Me Léonard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône " de réexaminer [sa] situation (...) dans un délai d'un mois aux fins de lui délivrer un titre de séjour et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens, à verser à Me Léonard en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la motivation de l'arrêté est insuffisamment précise ; - le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ; - son droit d'être entendu a été méconnu ; - compte tenu de la gravité de sa pathologie et de l'absence de traitement en Algérie, le préfet a fait une inexacte application de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - pour les mêmes raisons, l'arrêté l'expose à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'arrêté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été signée par le préfet lui-même, mais par une personne qui n'avait pas la délégation de signature nécessaire ; - les articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ; - son adoption par la nation française lui donne un droit moral ; - les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont illégales par voie de conséquence et pour les mêmes motifs. Par une décision en date du 24 juin 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur, - et les observations de Me Léonard pour M. B..., présent à l'audience. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 8 mai 1962, est entré en France le 26 juillet 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen d'une validité de trente jours. Le 25 février 2020, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé sur le fondement de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 30 juin 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement n° 2005682 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 30 juin 2020 et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. B.... Par un nouvel arrêté du 13 septembre 2021, pris après avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par le jugement attaqué, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Par un jugement en date du 4 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré M. B... adopté par la nation à titre moral, en application de l'article L. 461 du code des pensions militaires, d'invalidité et des victimes de guerre, en considération du fait que son père, M. A... B..., était mort pour la France le 3 mars 1962 à Tamza. Si une telle adoption n'emporte par elle-même aucun droit au séjour, il y a lieu pour l'autorité administrative d'en tenir compte dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'un cancer des cordes vocales qui fait aujourd'hui l'objet d'un suivi en France. Si les pièces produites par M. B... ne permettent pas de contredire l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lesquelles celui-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine, elles attestent néanmoins de ce que le suivi de cette affection en Algérie serait beaucoup moins aisé et source d'une importante incommodité pour M. B.... 4. Compte tenu de l'obligation morale dont la nation française s'est rendue débitrice à l'égard de M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône a, en s'abstenant de faire usage du pouvoir de régularisation qu'il détient, commis une erreur manifeste d'appréciation. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sur l'injonction : 6. Il résulte de ce qui précède que l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2021 implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai qu'il convient de fixer à un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser au conseil de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2109807 du 28 février 2022 du tribunal administratif de Marseille est annulé, de même que l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'admettre M. B... au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Article 3 : L'Etat versera à Me Léonard la somme de 1 800 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Léonard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille. Délibéré après l'audience du 3 avril 2023, où siégeaient : - M. Alexandre Badie, président, - M. Renaud Thielé, président assesseur, - Mme Isabelle Gougot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 avril 2023. N° 22MA01803 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 06/04/2023, 21BX00467, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Pau à lui verser une indemnité d'un montant total de 16 739,47 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de diagnostic d'une fracture ostéochondrale déplacée du talus. Par un jugement n° 1801693 du 3 décembre 2020, le tribunal a condamné le centre hospitalier de Pau à lui verser une indemnité de 3 123 euros, a mis les frais d'expertise à la charge de cet établissement, et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 février 2021 et des mémoires enregistrés les 4 octobre et 8 novembre 2022, M. C..., représenté par la SCP Tucoo-Chala, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande relative aux pertes de gains professionnels et limité à 1 800 euros la somme allouée au titre des souffrances endurées ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Pau à lui verser les sommes de 9 195,72 euros au titre des pertes de gains professionnels et de 4 000 euros au titre des souffrances endurées ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pau une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à bon droit que le tribunal a retenu une erreur de diagnostic par le centre hospitalier de Pau, à l'origine d'un retard de prise en charge adéquate de la lésion ostéochondrale déplacée du dôme astragalien de la cheville gauche qu'il présentait le 4 juillet 2012 à la suite d'un accident de parachute ; - l'expert indique qu'une chirurgie réalisée le 4 ou le 5 juillet 2012 lui aurait permis de déambuler et d'être autonome très rapidement ; son arrêt de travail aurait alors été d'une durée moindre, il aurait pu reprendre son service plus tôt en qualité de parachutiste et aurait été seulement placé en congé de maladie ordinaire, et non en congé de longue maladie, lequel n'ouvre pas droit au versement de l'indemnité pour services aériens parachutistes ; il n'a pas pu retrouver son aptitude de parachutiste du fait de la faute commise par le centre hospitalier, de sorte que le lien entre cette faute et la perte de l'indemnité est établi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ; il est ainsi fondé à demander la somme de 9 195,72 euros correspondant à 12 mois de cette indemnité de juillet 2012 à juillet 2013 ; - la somme allouée au titre des souffrances endurées est insuffisante et doit être portée à 4 000 euros ; - l'appel incident du centre hospitalier de Pau est irrecevable, et en tout état de cause non fondé dès lors que la somme de 6 000 euros allouée dans le cadre du protocole transactionnel était en lien avec l'accident, et non avec la faute commise par l'hôpital. Par des mémoires en défense enregistrés les 9 juin, 3 novembre et 15 novembre 2022, le centre hospitalier de Pau, représenté par la SELARL Le Prado, Gilbert, conclut au rejet de la requête et des conclusions du ministre des armées, et demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à M. C... une somme de 1 800 euros au titre des souffrances endurées. Il fait valoir que : - la demande de M. C... tendant au versement de la somme de 9 195,72 euros doit être rejetée dès lors qu'il ressort des pièces produites par le ministre des armées que l'indemnité pour services aériens parachutistes a continué à lui être versée jusqu'en janvier 2013 ; - son appel incident est recevable sans condition de délai ; - M. C... n'avait pas informé les parties de la transaction conclue avec l'Etat, au titre de laquelle il a perçu 6 000 euros au titre des souffrances endurées de 4 sur 7, ce qui correspond aux souffrances initiales et à celles résultant du retard de diagnostic, que l'expert a évaluées à 2 sur 7 ; le centre hospitalier est ainsi fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné au versement d'une somme de 1 800 euros au titre de ce préjudice ; - la somme demandée par le ministre des armées au titre des indemnités journalières et des charges patronales ne tient pas compte des conséquences de l'accident indépendamment de celles du retard de diagnostic ; il n'est pas justifié du lien entre les débours de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et le retard de diagnostic, alors que la fracture aurait nécessité des soins de kinésithérapie, et qu'une somme de 14 983,12 euros correspond à des frais de taxi ; enfin, il résulte de l'expertise que la pension militaire d'invalidité est sans lien avec le retard de diagnostic. Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, le ministre des armées demande à la cour d'annuler le jugement et de condamner le centre hospitalier de Pau à lui rembourser la somme de 93 980,47 euros. Il soutient que : - le tribunal avait l'obligation de l'appeler en cause afin de permettre à l'Etat, employeur de M. C..., de faire valoir sa créance ; cette formalité étant d'ordre public, le jugement est irrégulier et doit être annulé ; - il est fondé à demander le remboursement de la solde, des indemnités et des charges patronales versées par l'Etat du 4 juillet 2012 au 30 juin 2013 pour un montant total de 38 592,89 euros ; - la somme de 23 089,79 euros correspondant aux prestations servies par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale au titre de l'accident de M. C... doit également être versée à l'Etat ; - M. C... est titulaire depuis le 13 décembre 2015 d'une pension militaire d'invalidité d'un montant annuel de 2 352 euros, dont les arrérages échus s'élèvent à 15 996,08 euros et le capital restant à 16 301,71 euros ; l'Etat est fondé à en demander le remboursement. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code général de la fonction publique ; - le code de la santé publique ; - l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ; - le décret n° 49-1655 du 28 décembre 1949 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 4 juillet 2012, M. C..., militaire de carrière, a été victime en service d'un accident de parachute et a présenté des traumatismes du poignet droit et de la cheville gauche. Il a été conduit en ambulance militaire au centre hospitalier de Pau, où la lésion de la cheville a été étiquetée comme une contusion avec hémarthrose, et a regagné son domicile le 7 juillet avec une immobilisation par une botte en résine. Le diagnostic n'a pas été modifié après un nouveau bilan radiographique réalisé le 18 juillet 2012, alors que le patient était revenu à l'hôpital en raison d'importantes douleurs. Le 23 juillet, le chirurgien orthopédiste du centre hospitalier de Pau, constatant une mauvaise évolution, a émis des doutes sur son diagnostic initial, et un scanner réalisé le 6 août a mis en évidence une fracture ostéochondrale déplacée du dôme astragalien, qui a été traitée chirurgicalement le 25 septembre 2012. 2. A la demande de M. C..., le juge des référés du tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise médicale, dont le rapport a conclu que compte tenu des radiographies, de l'état clinique de la cheville et de l'accident à haute énergie, le diagnostic de fracture ostéochondrale du dôme astragalien aurait dû être fait dès le 4 juillet 2012. Après avoir présenté une réclamation au centre hospitalier de Pau, M. C... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande de condamnation de cet établissement à lui verser une somme de 16 739,47 euros. Il relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal a limité à 3 123 euros l'indemnité allouée, et rejeté le surplus de sa demande. Par son appel incident, le centre hospitalier de Pau demande la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné au versement d'une somme de 1 800 euros au titre des souffrances endurées. Le ministre des armées, mis en cause par la cour, demande l'annulation du jugement et le remboursement des frais qu'il a exposés au bénéfice de son agent. Sur la régularité du jugement : 3. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, en vigueur à la date du jugement et désormais codifié à l'article L. 825-6 du code général de la fonction publique, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit. M. C... a fait connaître devant le tribunal sa qualité de militaire de carrière. Ainsi, le ministre des armées est fondé à soutenir qu'en ne lui communiquant pas la requête, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le jugement doit être annulé. 4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. C... et par le ministre des armées. Sur la responsabilité : 5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...). " 6. Le centre hospitalier de Pau ne conteste pas les conclusions de l'expert selon lesquelles le retard de diagnostic de la fracture ostéochondrale du dôme astragalien présente un caractère fautif. Sur la demande de M. C... : 7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4138-3 du code de la défense : " Les congés de maladie, d'une durée maximale de six mois pendant une période de douze mois consécutifs, sont attribués en cas d'affection dûment constatée mettant le militaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. " Aux termes de l'article L. 4138-13 du même code : " Le congé de longue maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie fixés à l'article L.4138-3, dans les cas autres que ceux prévus à l'article L.4138-12, lorsque l'affection constatée met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. / (...) Le militaire conserve, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération. / (...). " 8. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que le retard de diagnostic a conduit à un retard de prise en charge de la fracture de deux mois et trois semaines. M. C..., qui se prévaut d'une perte de revenus de 9 195,72 euros correspondant à 12 mois d'indemnité pour services aériens parachutistes de juillet 2012 à juillet 2013, fait valoir que le congé de longue maladie qui lui a été accordé n'ouvre pas droit au versement de cette indemnité, et que si la fracture avait été prise en charge sans retard, il aurait pu reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie ordinaire " pouvant aller jusqu'à 24 mois ". Toutefois, si l'expert a indiqué qu'une chirurgie de la cheville gauche le 4 ou le 5 juillet 2012 aurait permis à M. C... de déambuler très rapidement avec appui sur le membre inférieur gauche sous couvert d'une botte en résine, malgré l'immobilisation de son membre supérieur droit par un plâtre, il a souligné la gravité des lésions ostéochondrales du dôme astragalien, lesquelles entraînent fréquemment l'état séquellaire de raideur de la cheville et de douleurs constaté en l'espèce, et n'a pas retenu de déficit fonctionnel permanent imputable de façon directe et certaine au retard de diagnostic. Alors que les pièces produites par le ministre des armées font apparaître que l'indemnité pour services aériens parachutistes a été versée durant six mois de congé de maladie ordinaire à compter du 4 juillet 2012, et que M. C... a été replacé en position d'activité le 1er juillet 2013 en emploi sédentaire strict en raison de l'incompatibilité de l'état de sa cheville gauche avec le saut en parachute, l'existence d'un lien entre le retard de diagnostic de la fracture et la prolongation du congé de maladie par un congé de longue maladie ne peut être regardée comme établie. Par suite, la demande de condamnation du centre hospitalier de Pau à réparer une perte d'indemnité pour services aériens parachutistes ne peut être accueillie. 9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'assistance par une tierce personne a été nécessaire du 7 juillet au 25 septembre 2012, période au cours de laquelle l'appui sur le membre inférieur gauche était totalement impossible. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, cet appui aurait pu être retrouvé très rapidement si une chirurgie de la cheville gauche avait été réalisée le 4 ou le 5 juillet 2012. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir un besoin d'assistance en lien avec le retard de diagnostic du 14 juillet au 25 septembre 2012, et de fixer son indemnisation à 1 190 euros sur la base d'un taux horaire correspondant au salaire minimum majoré afin de tenir compte des charges sociales, des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés et des congés payés. 10. En troisième lieu, l'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire de 25 % du 7 juillet au 25 septembre 2012 (80 jours) en lien avec le retard de diagnostic, correspondant à la majoration de la durée d'utilisation d'un fauteuil roulant et de deux cannes anglaises. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son indemnisation à 400 euros sur la base de 20 euros par jour de déficit total. 11. En quatrième lieu, l'expert a coté à 2 sur 7 les souffrances endurées du fait du retard de diagnostic, correspondant à la majoration de la durée d'immobilisation de la cheville gauche et des douleurs durant cette période, ainsi qu'à la nécessité d'une réfection du plâtre. Ce préjudice peut être évalué à 2 000 euros. Toutefois, le ministre des armées produit le protocole transactionnel, signé le 12 novembre 2014, par lequel il a indemnisé M. C... à hauteur de 6 000 euros au titre des souffrances endurées de 4 sur 7 du fait de l'accident de service du 4 juillet 2012, ce qui doit être regardé comme ayant également réparé les souffrances endurées du fait du retard de diagnostic. Par suite, aucune somme supplémentaire ne saurait être mise à la charge du centre hospitalier de Pau au titre de ce préjudice. Sur le recours de l'Etat : 12. Aux termes de l'article L. 825-1 du code général de la fonction publique : " L'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie d'un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l'agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu'ils ont supportées à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. " Aux termes de l'article L. 825-2 du même code : " La personne publique est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur : / (...) / 2° Le remboursement des charges patronales afférentes à la rémunération maintenue ou versée au fonctionnaire pendant la période de son indisponibilité. " Aux termes de l'article L. 825-4 de ce code : " L'action subrogatoire concerne notamment : / 1° La rémunération brute pendant la période d'interruption du service ; / 2° Les frais médicaux et pharmaceutiques ; / 3° Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; / (...) / 7° Les charges patronales afférentes à la rémunération maintenue ou versée au fonctionnaire pendant la période de son indisponibilité. / Le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente. " 13. En premier lieu, l'Etat, qui demande le remboursement de la solde, des indemnités et des charges patronales exposées au bénéfice de M. C... du 4 juillet 2012 au 30 juin 2013, soit durant toute la période d'indisponibilité en lien avec l'accident de service, a seulement droit à ce remboursement pour une durée correspondant à la prolongation du congé de maladie du fait du retard de diagnostic, soit 80 jours de déficit fonctionnel temporaire supplémentaire, ainsi qu'il a été indiqué au point 10. Il y a lieu d'admettre, au titre des éléments de la rémunération maintenue, outre la solde, l'indemnité de résidence, le supplément familial de solde, l'indemnité pour charges militaires, la prime de qualification, la prime de service et l'indemnité exceptionnelle, et d'exclure l'indemnité pour services aériens parachutistes que l'Etat devait supporter durant six mois de congé de maladie ordinaire, dès lors qu'un tel congé, suivi d'une période de congé de longue maladie, était rendu nécessaire par les seules conséquences de l'accident. Eu égard au justificatif produit, le montant de la rémunération et des charges supportées par l'Etat durant la période de 80 jours imputable à la faute doit être fixé à 7 499,85 euros. 14. En deuxième lieu, l'état de frais établi par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale se rapporte à l'ensemble des débours exposés dans le cadre de l'accident de service du 4 juillet 2012, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que le retard de diagnostic a seulement généré des frais supplémentaires de consultations, de soins infirmiers et de frais pharmaceutiques. Eu égard au justificatif produit, il sera fait une juste appréciation des débours imputables à la faute du centre hospitalier de Pau en les évaluant à 1 000 euros. 15. En troisième lieu, la pension militaire d'invalidité au taux de 20 % concédée à M. C... par arrêté du 6 juin 2016 au titre de l'accident de service du 4 juillet 2012 se rapporte à des séquelles de fracture bimalléolaire de la cheville gauche, avec raideur douloureuse de la cheville et boiterie à la marche. Ainsi qu'il a été exposé au point 8, l'existence d'un lien de causalité entre ces séquelles et le retard de diagnostic de la fracture ne peut être regardé comme établi. Par suite, la demande de condamnation du centre hospitalier de Pau à rembourser les arrérages et le capital restant à échoir de cette pension ne peut qu'être rejetée. 16. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Pau doit seulement être condamné à verser les sommes de 1 590 euros à M. C... et de 8 499,85 euros à l'Etat. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 17. Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Pau, liquidés et taxés à la somme de 700 euros, doivent être mis à la charge définitive du centre hospitalier de Pau. 18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge du centre hospitalier de Pau au titre des frais exposés par M. C... à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1801693 est annulé. Article 2 : Le centre hospitalier de Pau est condamné à verser les sommes de 1 590 euros à M. C... et de 8 499,85 euros à l'Etat. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Pau, liquidés et taxés à la somme de 700 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Pau. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre des armées et au centre hospitalier de Pau. Une copie en sera adressée pour information au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX00467
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 6ème chambre, 05/04/2023, 22PA02911, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 mars 2020 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a refusé de lui délivrer la carte de combattant et d'enjoindre à la directrice générale de l'ONACVG de réexaminer sa demande. Par un jugement n°2009358 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 22 juin 2022, et un mémoire, enregistré le 15 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Cayla-Destrem, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 12 mars 2020 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a refusé de lui délivrer la carte de combattant ; 3°) d'enjoindre à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de lui reconnaitre la qualité de combattant ; 4°) de mettre à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en ne lui communiquant pas la réponse de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à sa demande de communication de pièces, en méconnaissance du principe du contradictoire ; - le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ; - l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre n'a pas suffisamment motivé la décision attaquée et ne justifie donc pas qu'il a été procédé à un examen particulier de sa demande, alors surtout que ne sont pas produits l'avis du service départemental de l'ONAC ni celui de la commission nationale de la carte du combattant. En rejetant néanmoins la demande le tribunal a entaché son jugement d'erreur d'appréciation ; - le jugement est insuffisamment motivé, est entaché d'omission à statuer et a statué infra petita en ce qu'il rejette l'exception d'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 1994 sans rechercher si l'opération " Resolute support " remplissait les conditions pour figurer dans la liste fixée par cet arrêté ; - l'arrêté du 12 janvier 1994 limite à tort la période à prendre en considération pour les services en Afghanistan à la période antérieure au 2 octobre 2015, et l'opération " Resolute support ", postérieure à cette date, doit être regardée comme une action combattante au sens des dispositions des articles L. 311-2 et R. 311-14 du même code, ce qui justifiait l'octroi de la carte de combattant à ceux, comme le requérant, qui y ont participé pendant plus de six mois. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 février 2023 et 17 mars 2023, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, représenté par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelievre, demande à la Cour : 1°) de rejeter cette requête ; 2°) de mettre à la charge de M. A...B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Cayla-Destrem pour M. A...B... et de Me Amsallem-Aïdan pour l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Considérant ce qui suit : 1. M. A...B... a été affecté du 10 octobre 2016 au 18 avril 2017 en qualité de fonctionnaire civil international de l'agence d'information et de la communication de l'OTAN en Afghanistan, dans le cadre de l'opération " Resolute Support ". Il a ensuite sollicité le bénéfice de la carte de combattant au titre des services ainsi accomplis. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), qui a accusé réception de cette demande le 18 septembre 2019, lui a opposé un refus par une décision du 12 mars 2020 dont M. A...B... a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris. Toutefois ce tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 21 avril 2022, dont il relève appel. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier telerecours du 11 février 2022 reçu le jour même, le tribunal a demandé à la directrice de l'ONACVG d'indiquer dans un délai de cinq jours pourquoi l'arrêté du 12 janvier 1994 modifié, fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte de combattant et prévoyant que les opérations menées en Afghanistan entre le 3 octobre 2001 et le 2 octobre 2015 ouvraient droit au bénéfice de cette carte, ne mentionnait pas l'opération " Resolute support " à laquelle a participé le requérant. Par courrier en réponse du 16 février 2022, le représentant de l'ONACVG s'est borné à faire état de ce que, cet office n'étant chargé que de l'application des dispositions législatives et règlementaires, dont la modification relève de la seule compétence du ministre des armées, seul celui-ci pourrait répondre à la question posée. Dès lors, eu égard à son contenu, qui était insusceptible d'avoir une incidence sur le sens du jugement à intervenir, le tribunal pouvait, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, se dispenser de communiquer cette pièce au requérant. De plus, s'il a ensuite, par courrier du 17 février 2022 reçu le même jour, posé une question identique à la ministre des armées, celle-ci n'a pas apporté de réponse. Ainsi le requérant n'est à aucun titre fondé à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu. 3. M. A...B... soutient ensuite qu'il aurait soulevé en première instance un moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Toutefois, il indiquait expressément dans sa demande introductive d'instance que " le recours porte donc sur ces deux points qui affectent la légalité de la décision de l'ONACVG (acte attaqué) : -d'une part, l'erreur de fait : absence totale de prise en compte de la demande effective et spécifiquement de la participation réelle et justifiée du plaignant à une opération extérieure. D'autre part, l'erreur de droit, puisqu'on peut supposer que c'est la raison implicite bien que non expliquée du refus : mauvaise appréciation et interprétation trop restrictive de l'article L. 311.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (...) ". Ainsi s'il faisait état de ce que les motifs de la décision attaquée ne répondraient pas pleinement aux termes de sa demande, ce qui au demeurant ne suffit pas nécessairement à entacher une décision d'irrégularité dès lors qu'elle énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, ou seraient en partie implicites, il ressort de ses écritures qu'il n'a pas entendu soulever de moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en cause. 4. Il ressort des termes du jugement que les premiers juges ont relevé que la demande de M. B... avait été rejetée au motif que l'opération " Resolute support " à laquelle l'intéressé avait été affecté, du 10 octobre 2016 au 18 avril 2017, ne figurait pas sur la liste annexée à l'arrêté du 12 janvier 1994, pour en déduire qu'il n'était pas fondé à soutenir que sa demande n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier au regard de sa participation à cette opération. A supposer que le moyen tiré du défaut d'un tel examen particulier par l'ONACVG doive être regardé comme ayant été effectivement soulevé en première instance, le tribunal y a, par le motif qui vient d'être rappelé, suffisamment répondu. 5. Enfin, l'exception d'illégalité d'un acte sur le fondement duquel est prise la décision en litige n'a pas le caractère d'une conclusion mais d'un moyen présenté à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Dès lors, M. B... ne peut, en tout état de cause, soutenir utilement que le tribunal aurait statué infra petita du fait qu'il ne se serait pas prononcé assez précisément, selon lui, sur la légalité de l'arrêté du janvier 1994 modifié, dont il ne sollicitait pas l'annulation, et dont les premiers juges ont à juste titre considéré qu'il devait être regardé comme excipant de l'illégalité. Par ailleurs, il ressort du jugement que le tribunal a expressément écarté cette exception d'illégalité au motif que la seule circonstance que la France ait participé, en qualité de membre de l'OTAN, au processus décisionnel ayant conduit à la mise en œuvre de l'opération " Resolute support " n'était pas de nature à démontrer que le défaut de mention de cette opération dans la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte de combattant serait contraire aux dispositions de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur cette exception d'illégalité. Enfin, la motivation des décisions de justice devant être proportionnée à l'argumentation présentée devant eux, et l'appelant ayant principalement, devant le tribunal, contesté le défaut d'inscription de l'opération " Resolute support " dans la liste, établie dans l'arrêté du 12 janvier 1994, des opérations ouvrant droit à délivrance de la carte de combattant au motif que la France faisait partie du processus décisionnel dans le cadre de cette opération conduite par l'Otan, la réponse du tribunal était adaptée et proportionnée à l'argumentation présentée devant lui, et dès lors suffisamment motivée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 6. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ont vocation à la qualité de combattant les militaires des armées françaises qui ont participé à la guerre 1939-1945, aux guerres d'Indochine et de Corée, à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, ainsi que les Français ayant pris une part effective aux combats aux côtés de l'armée républicaine espagnole durant la guerre civile./ La reconnaissance de la qualité de combattant dans les conditions prévues par le présent chapitre donne lieu à l'attribution de la carte du combattant ". Aux termes de l'article L. 311-2 du même code : " Ont également vocation à la qualité de combattant les militaires des forces armées françaises qui ont participé à des actions de feu et de combat ainsi que les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France./ Une durée d'au moins quatre mois de service effectuée au titre des conflits, opérations ou missions mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat mentionnées à cet alinéa./ Un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du budget fixe notamment les périodes à prendre en considération pour chacun de ces conflits, opérations ou missions. Il fixe également les bonifications attachées le cas échéant à ces périodes ". Aux termes de l'article R. 311-14 du même code : " Pour les opérations ou missions, définies à l'article L. 311-2 et sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de cet article, sont considérés comme combattants les militaires des forces armées françaises ainsi que les personnes civiles qui :1° Soit ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ; pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations et missions mentionnées au présent article ;2° Soit ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ;3° Soit ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ;4° Soit ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante sans condition de durée de séjour dans cette unité ;5° Soit ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ;6° Soit ont été détenus par l'adversaire pendant quatre-vingt-dix jours au moins, sous réserve d'avoir appartenu antérieurement à leur capture ou postérieurement à leur détention, sans condition de durée de séjour, à une unité combattante pendant la période où celle-ci avait cette qualité ; toutefois, aucune condition de durée de captivité n'est opposable aux personnes détenues par l'adversaire et qui auraient été privées de la protection des conventions de Genève. " Enfin l'arrêté du 12 janvier 1994 modifié, pris en application de l'article L. 311-2 précité et fixant la liste des opérations extérieures ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant mentionne, pour l'Afghanistan, les opérations s'étant déroulées du 3 octobre 2001 au 2 octobre 2015. 7. En premier lieu, il ressort de la décision attaquée qu'elle vise le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et en particulier ses articles L. 311-1 et suivants, L. 612-8, R. 311-1 et suivants et R. 612-11, ainsi que le code de la défense nationale, et l'arrêté du 12 janvier 1994 modifié fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Elle vise ensuite les avis recueillis et retient que la qualité de combattant ne peut pas être reconnue au requérant en énumérant un à un les divers critères de nature à ouvrir droit à la reconnaissance de cette qualité, pour indiquer à chaque fois qu'il n'y satisfait pas. Ainsi, cette décision expose suffisamment les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, et est, dès lors, suffisamment motivée, alors même qu'elle ne se prononcerait pas explicitement sur tous les éléments avancés par le requérant dans sa demande. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, à supposer qu'il puisse être regardé comme relevant d'une cause juridique déjà soulevée en première instance, et donc comme étant recevable, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. 8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision attaquée vise expressément, outre la demande de l'intéressé, les divers avis recueillis dans le cadre de l'instruction de sa demande, puis expose précisément pourquoi il ne satisfait à aucun des critères permettant la reconnaissance du statut de combattant, qui sont tous rappelés. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée n'aurait pas été prise au terme d'un examen particulier de sa situation, et le moyen peut dès lors être écarté, compte tenu des termes mêmes de la décision attaquée, sans qu'il soit besoin par conséquent d'avoir connaissance du contenu de l'avis du service départemental de l'ODAC et de la commission nationale de la carte de combattant, pas plus que de la décision collective de la directrice générale de l'ONACVG, et sans qu'il soit non plus besoin de se prononcer sur la recevabilité de ce moyen. 9. M. B... excipe enfin de l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 1994, pris pour l'application de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en ce qu'il ne mentionne pas, dans les " conflits armés " et " opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France ", au sens de cet article, l'opération " Resolute support " à laquelle l'intéressé a participé, et n'accorde cette qualification, parmi les opérations s'étant tenues en Afghanistan, qu'à celles s'étant déroulées pendant la période du 3 octobre 2001 au 2 octobre 2015, soit jusqu'au départ des dernières unités françaises. Il est vrai que, contrairement à ce que soutient l'ONACVG, la décision, postérieure à l'engagement d'une opération à l'étranger, et totalement détachable de celle-ci, de la faire figurer ou non dans la liste, fixée par arrêté, des conflits ou opérations ouvrant droit à la reconnaissance de la qualité de combattant en application de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne saurait, eu égard à ses effets, être constitutive d'un acte de gouvernement, et n'est dès lors pas insusceptible de recours par voie d'action ou d'exception. 10. En revanche, si le requérant fait valoir que des " opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France " visées par l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pourraient ouvrir droit à la reconnaissance de la qualité de combattant et à la délivrance de la carte de combattant même lorsque les opérations en cause ne revêtiraient pas de caractère combattant, dès lors que cette condition ne serait pas mentionnée à l'article L. 311-2 précité, les dispositions de cet article doivent être interprétées à la lumière de l'objectif, poursuivi par le législateur, de reconnaître la qualité de combattant aux personnes, même civiles, qui ont participé à des opérations ou missions les exposant à des risques particuliers, assimilables à ceux de conflits armés. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération Resolute Support présentait de tels risques. Ainsi il ressort d'un extrait du site officiel " représentation permanente de la France auprès de l'OTAN " cité par l'ONACVG que l'opération Resolute Support est définie comme " une nouvelle mission de l'OTAN, non combattante, (...) mise en place à partir de 2015 (...) les personnels de Resolute support fournissent assistance, conseil et formation aux institutions de sécurité afghanes ". De même, il ressort d'un extrait du site officiel de l'OTAN, également produit par l'ONACVG, que " la mission Resolute support (RSM) dirigée par l'OTAN en Afghanistan a été lancée le 1er janvier 2015 après l'achèvement de la mission de la force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) dans le but de poursuivre les activités de formation, de conseil et d'assistance au profit des forces et institutions de sécurité afghanes ". Il en résulte que l'arrêté du 14 janvier 1994 modifié a pu sans illégalité ne pas inclure cette mission, ainsi définie, compte tenu notamment de son absence de tout caractère combattant, dans la liste de celles qui ouvrent droit à la reconnaissance de la qualité de combattant. 11. Enfin, outre que cette opération a ainsi pu légalement ne pas figurer dans la liste de celles ouvrant droit à reconnaissance de la qualité de combattant, le requérant ne satisfaisait à aucune des conditions posées par l'article R. 311-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour se voir reconnaitre cette qualité sur le fondement de l'article L. 311-2 du même code. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre sur le même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient : - M. Célérier, président de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - Mme Labetoulle, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2023. La rapporteure, M-I. D...Le président, T. CELERIER La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02911
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 06/04/2023, 22DA01275, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Loos n° 2015/1246 du 18 novembre 2015 la plaçant en congé maladie ordinaire ainsi que les arrêtés n° 2015/1252 du 18 novembre 2015 et n° 2015/1302 du 8 décembre 2015 réduisant ses primes et indemnités liées à 1'exercice effectif de ses fonctions pour les mois de novembre et décembre 2015 et, d'autre part, de condamner la commune de Loos à l'indemniser des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis. Par un jugement n° 1601003, 1601004, 1601005 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa requête à fin d'annulation des arrêtés des 18 novembre et 8 décembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions. Par un arrêt n° 19DA00282 du 25 juin 2020, la cour a annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille rejetant le surplus des conclusions des parties et, statuant par la voie de l'évocation, a rejeté la demande présentée par Mme A... tendant à l'indemnisation de ses préjudices ainsi que le surplus des conclusions de la requête d'appel. Par une décision n° 443367 du 16 juin 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mme A..., a annulé l'arrêt du 25 juin 2020 de la cour en tant qu'il a omis de se prononcer sur l'indemnisation des préjudices allégués par Mme A..., tenant aux souffrances physiques et morales liées à sa pathologie, au titre de la responsabilité sans faute de la commune de Loos. Par le même arrêt il a renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour. Procédure devant la cour : Par une requête et, des mémoires complémentaires initialement enregistrés sous le n° 19DA00282, les 5 février et 2 août 2019, puis après cassation et renvoi, par des mémoires enregistrés sous le n° 22DA01275, les 17 août et 25 novembre 2022 et le 9 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Wabant, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de condamner la commune de Loos au versement, d'une part, d'une somme de 8 000 euros au titre de la perte de chance d'évolution de carrière et de poursuite d'activité et, d'autre part, d'une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ; 2°) de condamner la commune de Loos au versement d'une somme de 13 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts ; 3°) d'ordonner une expertise ayant pour objet de fixer le pretium doloris, le préjudice d'agrément et le taux d'ITP ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Loos une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été victime d'un harcèlement moral, visant à l'écarter progressivement de ses fonctions, à mettre en cause ses compétences et à la fragiliser professionnellement et psychologiquement ; - l'imputabilité au service de sa pathologie est établie, la commune n'ayant pris aucune mesure malgré ses alertes, les documents médicaux et l'avis du médecin de prévention préconisant un soutien psychologique ; la commune a ainsi manqué à ses obligations de protection de sa santé et d'organisation du service ; - le refus de prendre des mesures, l'absence de prise en charge de la protection fonctionnelle, les arrêtés qui ont conduit à une diminution de ses revenus, l'absence de remise en cause des actes de son supérieur hiérarchique sont à l'origine de sa pathologie ; - elle est fondée à rechercher la responsabilité pour faute et sans faute de la commune au titre de ces agissements ; - l'état de stress professionnel a par ailleurs contribué à déclencher sa maladie de l'audition ; - outre un préjudice financier lié à la diminution de ses revenus et à l'absence d'évolution de sa rémunération, elle subit un préjudice distinct, lié à l'absence de toute évolution de carrière ; il en est également résulté un préjudice de retraite ; ce préjudice doit être réparé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros ; - elle a subi un préjudice moral consécutivement à la dégradation de son état de santé qui doit être réparé à hauteur de 5 000 euros ; - les préjudices physiques et le préjudice d'agrément dont elle souffre également justifient l'allocation d'une provision de 13 000 euros, dans l'attente de la détermination de leur étendue par une expertise médicale ; - l'expertise médicale est nécessaire pour évaluer le pretium doloris, le préjudice d'agrément et le taux d'IPP. Par des mémoires enregistrés le 3 juillet 2019, les 30 septembre et 16 décembre 2022, la commune de Loos, représentée par Me Delgorgue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés, en faisant notamment valoir que : - après cassation, l'arrêt de la cour du 25 juin 2020 est devenu définitif en ce qui concerne le rejet des préjudices dont Mme A... demande la réparation sur le fondement de la responsabilité pour faute ; - le litige ne porte plus que sur la demande de réparation des préjudices résultant des souffrances physiques et morales liées à la pathologie dont souffre Mme A..., sur le fondement de la responsabilité sans faute ; - le préjudice pour perte de chance d'évolution de carrière ne peut plus être invoqué dans la mesure où l'arrêt du 25 juin 2020 a déjà statué sur ce poste et qu'il s'agit d'un préjudice réparé forfaitairement ; - Mme A... ayant contribué au développement de son syndrome dépressif par son comportement professionnel, cette circonstance exonère la commune de sa responsabilité ; - les préjudices physiques et moraux dont Mme A... demande réparation ne sont pas établis et ne peuvent dès lors être indemnisés ; - l'expertise médicale demandée ne présente aucune utilité ; - en l'absence de caractère certain et non contestable de la créance, la demande de versement d'une provision de 13 000 euros est irrecevable et doit être rejetée. Par une ordonnance du 19 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 janvier 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Potier pour la commune de Loos. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., assistante territoriale d'enseignement artistique employée par la commune de Loos, qui intervient comme professeur de musique au sein du conservatoire à rayonnement communal et des écoles de la commune de Loos, a sollicité du maire de la commune, par un courrier du 14 janvier 2016, le retrait de trois arrêtés du 18 novembre et du 8 décembre 2015 ayant pour effet de la placer en congé maladie ordinaire du 14 novembre au 14 décembre 2015 et de suspendre le versement à son profit de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves pour les mois de novembre et de décembre 2015, son placement en congé en longue maladie imputable au service ainsi que l'indemnisation de préjudices matériels et moraux qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa requête à fin d'annulation des arrêtés des 18 novembre et 8 décembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions. Par un arrêt n° 19DA00282 du 25 juin 2020, la cour a rejeté la demande présentée par Mme A... tendant à l'indemnisation de ses préjudices. Par une décision n° 443367 du 16 juin 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 25 juin 2020 de la cour en tant qu'il a omis de se prononcer sur l'indemnisation des préjudices allégués par Mme A..., tenant aux souffrances physiques et morales liées à sa pathologie, au titre de la responsabilité sans faute de la commune de Loos. Par la même décision il a renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour. Sur l'étendue du litige après cassation : 2. Par sa décision n° 443367 du 26 janvier 2021, le Conseil d'Etat n'a admis les conclusions du pourvoi de Mme A... qu'en tant que par son arrêt en date du 25 juin 2020, la cour a omis de se prononcer sur l'indemnisation des préjudices subis tenant aux souffrances physiques et morales liées à la pathologie dépressive, au titre de la responsabilité sans faute. Il en résulte qu'il n'y a plus lieu, pour la cour, de statuer sur les demandes de Mme A... au titre de la responsabilité pour faute de la commune de Loos, auxquelles il a été répondu définitivement le 25 juin 2020. Il y a lieu en revanche, par la voie de l'évocation, de statuer sur les conclusions indemnitaires au titre de la responsabilité sans faute. Sur les conclusions indemnitaires au titre de la responsabilité sans faute de la commune de Loos : 3. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 4. Il résulte du point précédent, que la responsabilité de la commune de Loos peut être engagée à l'égard de Mme A..., même en l'absence de faute, dans l'hypothèse où celle-ci démontrerait avoir subi, du fait de la pathologie d'origine professionnelle dont elle souffre, des préjudices personnels ou des préjudices patrimoniaux d'une autre nature, pour ces derniers, que ceux réparés forfaitairement par l'allocation d'une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite ou d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Sur les préjudices à caractère patrimonial : 5. Mme A... sollicite la réparation du préjudice financier lié, d'une part, à l'absence d'évolution de sa carrière, qui l'aurait privée, depuis plus de trois ans, de toute progression de sa rémunération et de son régime indemnitaire, d'autre part, à la minoration de sa retraite. Toutefois, ces préjudices allégués ne relèvent pas d'une nature patrimoniale autre que ceux indemnisés par les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que celles du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Sur les préjudices personnels : 6. Il résulte de l'instruction que les arrêts de travail déclarés depuis le 31 août 2015 par Mme A... ont été reconnus imputables au service à compter de cette date, par un arrêté du 17 janvier 2018 du maire de la commune de Loos. Il ressort d'une première expertise médicale d'un psychiatre agréé du 7 juillet 2017, de l'avis de la commission de réforme du 24 novembre 2017 ainsi que d'une seconde expertise médicale réalisée le 15 novembre 2022 par un autre psychiatre agréé, que la pathologie dont est atteinte Mme A... consiste en une décompensation anxio-dépressive dans un contexte professionnel. Le médecin expert ayant examiné l'intéressée le 15 novembre 2022 a constaté, à cette date, " la persistance d'une symptomatologie marquée par une thymie instable mais globalement basse, des épisodes anxieux, des troubles du sommeil et une tendance au repli ". Il a par ailleurs relevé, sur le plan thérapeutique, la poursuite d'un suivi psychiatrique auprès d'un médecin psychiatre et la prise régulière d'un traitement médicamenteux. Il n'est pas contesté que depuis la déclaration de sa maladie, Mme A... n'a pas repris son activité. Dans ces conditions, les souffrances physiques, psychiques et morales qu'elle a endurées depuis cette période et qui persistent actuellement sont en lien direct avec sa maladie professionnelle. Par suite, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et morales subies par Mme A..., en lui allouant une somme globale de 3 000 euros à ce titre, sans que la commune puisse invoquer un fait exonératoire de l'intéressée, en l'absence de tout élément permettant d'imputer la survenance de la pathologie à un manquement ou comportement personnel de l'agent. 7. En revanche, si Mme A... sollicite la réparation d'un préjudice d'agrément, elle n'apporte aucune précision quant à la nature de ce dernier et notamment, elle ne précise pas la nature des activités sportives, culturelles ou de loisirs qu'elle exerçait avant sa maladie et dont elle serait désormais totalement privée ou dans l'impossibilité de les pratiquer pleinement à raison de sa pathologie psychique, seule pathologie reconnue comme imputable au service. 8. En outre, si Mme A... soutient qu'un état de stress professionnel a contribué à déclencher sa maladie de l'audition, accentuée dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de professeur de musique conduisant à l'impossibilité actuelle de jouer de son instrument, il ne résulte pas de l'instruction l'existence d'un tel lien. A cet égard, les deux correspondances que le médecin de la spécialité ORL a adressées au médecin traitant de Mme A... ne font état d'aucun lien éventuel entre ses problèmes d'audition qui lui interdisent de jouer de la clarinette et son syndrome dépressif. 9. En dernier lieu, Mme A... sollicite la réparation d'un préjudice qui serait lié à une incapacité de travail temporaire, d'une part, et à une incapacité de travail permanente, d'autre part. Toutefois, aucun élément du dossier, et notamment pas l'arrêté reconnaissant imputable au service la pathologie de Mme A..., ne fait état d'un éventuel déficit temporaire ou permanent à raison du syndrome anxio-dépressif dont elle est atteinte, de sorte que ces chefs de préjudice ne peuvent qu'être rejetés. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que la commune de Loos doit être condamnée à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros, en réparation des souffrances physiques et morales liées à sa pathologie. Sur les conclusions tendant au versement d'une provision : 11. La Cour statuant sur l'indemnisation due à Mme A..., il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant au versement d'une provision. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par la commune de Loos et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Loos, une somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La commune de Loos est condamnée à verser une indemnité de 3 000 euros à Mme A.... Article 2 : La commune de Loos versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Loos au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Loos. Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023. Le rapporteur, Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Huls-Carlier N° 22DA01275 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 4ème chambre, 31/03/2023, 22PA00119, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 février 2019 par laquelle la maire de Paris a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Par un jugement n° 1915346/2-3 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 janvier 2022, le 24 mai 2022 et le 13 février 2023, M. E..., représenté par Me de Castelbajac, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1915346/2-3 du 12 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 21 février 2019 rejetant sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ; 3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de reconnaître sa maladie comme imputable au service dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux en conséquence, ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai ; 4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - il n'a pas été régulièrement averti de la date de la tenue de l'audience ; - il n'a pas eu connaissance des conclusions du rapporteur public avant la tenue de l'audience ; - la minute du jugement n'est pas signée ; - les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisante motivation de l'acte contesté ; - les premiers juges ont méconnu leur office en s'estimant liés par l'avis de la commission de réforme ; Sur le bien-fondé du jugement : - la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ; - la décision contestée est insuffisamment motivée ; - la maire de Paris s'est sentie en situation de compétence liée pour prendre la décision contestée ; - la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, la maire de Paris conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par un courrier du 7 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré de ce que le moyen tiré des vices entachant la procédure devant la commission de réforme n'est pas recevable car reposant sur une cause juridique distincte de celle fondant les moyens de première instance présentés dans le délai de recours contentieux. Par un mémoire enregistré le 12 mars 2023, M. E..., représenté par Me de Castelbajac, a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, - le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, première conseillère, - les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique, - les observations de Me de Castelbajac, représentant M. E... et de Me Moscardini, représentant la Ville de Paris. Une note en délibéré enregistrée le 18 mars 2023 a été présentée pour M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., éboueur de la Ville de Paris depuis le 23 avril 1990, souffre d'une discopathie étagée à type de protrusions discales, laquelle a été constatée le 22 septembre 2016. Ayant été déclaré inapte à l'exercice de son emploi d'éboueur, M. E... a sollicité le 14 mars 2017 la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle. Le 7 juin 2018, le médecin de contrôle de la médecine statutaire de la Ville de Paris a émis un avis défavorable à la reconnaissance d'une maladie contractée en service. Le 24 janvier 2019, la commission de réforme s'est prononcée dans le même sens. Par une décision du 21 février 2019, la maire de Paris a refusé de faire droit à la demande de M. E... aux fins de reconnaissance d'imputabilité au travail de sa pathologie. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2019. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience ". M. E... fait valoir que, en méconnaissance de ces dispositions, il n'a pas été averti de la tenue de l'audience. Toutefois, il ressort des visas du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire laquelle n'est pas apportée en l'espèce, que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ". M. E... fait valoir que, en méconnaissance de ces dispositions, il n'a pas eu connaissance avant l'audience du sens des conclusions du rapporteur public. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, il n'est pas utilement contesté que l'intéressé a été régulièrement convoqué. Or, l'avis d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties peuvent prendre connaissance du sens de ces conclusions. Le moyen doit, donc, être écarté. 4. En troisième lieu, l'article R. 741-7 du code de justice administrative dispose que : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement que celle-ci a été dûment signée. Le moyen doit être écarté. 5. En quatrième lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de son insuffisante motivation n'ayant pas été soulevés en première instance, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier pour avoir omis d'y répondre doit être écarté. 6. En cinquième lieu, M. E... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne soulevant pas d'office le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Toutefois, le juge n'est tenu de soulever d'office un moyen d'ordre public que lorsque celui-ci ressort clairement des pièces du dossier, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Le moyen doit, par suite, être écarté. 7. En sixième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas exercé leur office en se sentant liés par l'avis défavorable de la commission de réforme relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité et ne peut en conséquence qu'être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 8. En premier lieu, la demande présentée devant le tribunal administratif ne contenant aucun moyen de légalité externe, le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de l'insuffisante motivation de l'acte contesté soulevé pour la première fois en appel est pour ce motif irrecevable et doit être écarté. 9. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte étant d'ordre public, M. E... est fondé à le soulever pour la première fois en appel, quand bien même aucun moyen de légalité externe n'a été présenté devant les premiers juges. Toutefois, par un arrêté du 5 février 2019 publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 12 février 2019, la maire de Paris a donné délégation à Mme B... C..., cheffe du pôle aptitudes, maladies, accidents, à l'effet de signer les actes et documents de nature administrative relevant de ce bureau, et notamment les décisions concernant les arrêtés de travail et maladies contractées en service des fonctionnaires. Par conséquent, le moyen manque en fait et doit, pour ce motif, être écarté. 10. En troisième lieu, le fait que la maire de Paris se soit appropriée le motif de l'avis défavorable de la commission de réforme ne suffit pas, en l'absence d'autre élément, pour considérer qu'elle serait sentie en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. E.... Le moyen doit donc être écarté. 11. En quatrième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 12. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 13. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) ". 14. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue, par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 15. En l'espèce, la pathologie de M. E... ayant été diagnostiquée en septembre 2016, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, aucune disposition ne permettait, à la date de la décision attaquée, de rendre applicable le régime de présomption d'imputabilité qu'elles prévoient aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale. Les premiers juges ont d'ailleurs substitué à bon droit à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, sur le fondement duquel la Ville de Paris avait fondé à tort sa décision, les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Par suite, il appartenait à M. E... d'établir que sa pathologie résultait directement des fonctions exercées. Or, les certificats médicaux, les trois conclusions médicales de la médecine préventive émises entre janvier et septembre 2016, les deux premières demandant des aménagements de poste, la troisième déclarant M. E... inapte à l'exercice de ses fonctions, ainsi que l'avis du 24 février 2017 du médecin de prévention de la Ville de Paris se contentant de décrire la pathologie dont M. E... est atteint et les risques professionnels encourus, produits par l'appelant, ne suffisent pas à remettre en cause les avis du médecin de contrôle de la médecine statutaire de la Ville de Paris et de la commission de réforme, tous deux défavorables à une reconnaissance de maladie contractée en service. Etant ajouté qu'il ressort de la fiche de présentation devant la commission départementale de réforme produite au dossier que l'intéressé souffre d'une pathologie dégénérative. Par suite, le moyen tiré de ce que la maire de Paris aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre l'intéressé doit être écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais de l'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande au titre des frais de l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que la Ville de Paris demande au titre des frais de l'instance sur le fondement de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la Ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la Ville de Paris. Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Claudine Briançon, présidente, - Mme D... d'Argenlieu, première conseillère, - Mme Marguerite Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEU La présidente, C. BRIANÇON La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00119
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 06/04/2023, 21BX04583, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation des préjudices causés par sa perte d'audition due à l'exposition au bruit dans l'exercice de ses fonctions. Par un jugement n° 1604919 du 19 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 19BX00464 du 12 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 448614 du 17 décembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la cour : Par un mémoire récapitulatif enregistré le 16 mai 2022 et un mémoire enregistré le 11 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 novembre 2018 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 37 500 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 22 février 2016 en réparation des préjudices que lui a causé la perte d'audition ont il a été victime ; 3°) subsidiairement de nommer, avant dire droit, un expert médical pour fixer l'étendue de ses préjudices ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance. Il soutient que : - sa demande d'indemnisation n'était pas tardive ; - la date de consolidation de son état de santé ne correspond pas à la date à laquelle il a été radié des contrôles des armées ni à celle à laquelle le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Nouméa a fixé son droit à pension mais doit seulement être regardée comme acquise au 21 décembre 2018 ; - il justifie de la réalité et du montant de ses préjudices. Par un mémoire enregistré le 13 juin 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la demande d'indemnisation présentée par l'intéressé est tardive dès lors que son état de santé est consolidé depuis le 1er septembre 1992 ou, au plus tard, à compter de l'audiogramme réalisé le 8 mars 2001. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 30 août 1944, a servi dans l'armée de l'air du 1er octobre 1962 au 1er septembre 1992. Mécanicien logistique technique, il a été affecté, du mois de janvier 1973 au mois d'octobre 1982, au Groupement d'entretien et de réparation des matériels aériens spécialisés (GERMAS) à Istres puis, de 1987 à 1992, à la base aérienne de Bordeaux-Mérignac. Dans l'exercice de ces fonctions, il a été exposé au bruit des réacteurs d'avions gros porteurs, ce qui lui a causé une hypoacousie bilatérale de perception pour laquelle il a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité fixée au taux de 10 % par une décision du 17 mars 1993 du tribunal des pensions de Montpellier, ensuite porté à 25 % puis, finalement, à 100 % par un jugement du 8 avril 2013 du tribunal des pensions de Nouméa. Sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices non réparés par cette pension, reçue par l'administration le 24 février 2016, a été implicitement rejetée, de même que le recours qu'il a formé le 3 juin 2016 devant la commission des recours des militaires. Par un jugement du 19 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation de ces préjudices. Par un arrêt du 12 novembre 2020, la cour a rejeté l'appel formé par M. B... contre cet arrêt. Par une décision n° 448614 du 17 décembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour. Sur la prescription quadriennale : 2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. 3. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier, du rapport d'expertise judiciaire du 22 avril 2011, que l'hypoacousie dont souffre M. B... " continue à évoluer malgré la cessation de l'exposition ; les études récentes confirment que plusieurs phénomènes concourent à ces effets " et que cette aggravation " est en relation médicale directe et déterminante avec l'infirmité indemnisée au taux de 25% de l'hypoacousie bilatérale de perception ". En outre, le rapport d'expertise médicale non contradictoire réalisé par un médecin du ministère des armées le 15 mai 2017 indique qu'" il existe une véritable déchéance cochléaire qui se poursuit longtemps après le retrait du milieu bruyant. " Il résulte de ces éléments que l'aggravation sévère de l'hypoacousie de M. B... entre 1992 et 2017 n'est pas due au seul vieillissement de l'intéressé mais est directement liée au traumatisme sonore subi au cours de ses années de service. Dans ces conditions, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que l'état de santé de M. B... doit être regardé comme consolidé au 1er septembre 1992, date de fin d'exposition au bruit des réacteurs d'avions gros porteurs, et ne peut pas utilement se prévaloir, à cet égard, des mentions figurant au tableau des maladies professionnelles 4. D'autre part, il résulte des expertises ci-dessus mentionnées que M. B... souffrait d'une perte auditive mesurée entre 85 et 92 décibels en 2001 et 2002 puis à 105 décibels des deux cotés en 2017. Par suite, eu égard au caractère évolutif de cette hypoacousie et des dommages qui en ont résulté au cours de cette période, le ministre des armées n'est pas davantage fondé à soutenir que l'infirmité de M. B... doit être regardée comme consolidée, au plus tard, à la date du rapport d'expertise médicale du 7 décembre 2001 ou de l'audiogramme réalisé le 8 mars 2002. 5. Enfin, eu égard à ce qui a été dit précédemment, et ainsi que le soutient l'appelant, c'est également à tort que le tribunal administratif a considéré que cette hypoacousie devait être regardée comme consolidée à compter du 29 mai 2009, date de la saisine du tribunal des pensions militaires alors, au demeurant, qu'il ressort de la décision susmentionnée du Conseil d'Etat du 17 décembre 2021 que cette saisine aurait eu pour effet d'interrompre une éventuelle prescription. 6. Il résulte de ce qui précède que le délai de prescription quadriennale n'a pas pu courir avant la consolidation de l'infirmité, médicalement constatée le 21 décembre 2018. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la prescription quadriennale était acquise le 22 février 2016, date de la réclamation indemnitaire présentée par M. B.... Sur la réparation des préjudices : 7. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) " ; 8. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 9. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions alors applicables de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles alors en vigueur L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne. 10. En l'espèce, M. B..., qui ne fonde pas son action indemnitaire sur une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, n'a pas droit à la réparation intégrale de son dommage, il peut néanmoins prétendre, comme indiqué au point 8 du présent arrêt, au titre de la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, à une indemnité complémentaire égale au montant des préjudices qu'il a subis du fait de l'infirmité imputable au service, distincts de ceux que sa pension d'invalidité a pour objet de réparer. 11. En premier lieu, l'hypoacousie dont souffre M. B... présentait, dès l'année 2001, un caractère sévère et n'a cessé, depuis lors, de s'aggraver jusqu'à sa consolidation. Elle a progressivement compromis sa capacité à entretenir des relations sociales et à communiquer avec ses proches, ce qui a entraîné, au vu des pièces du dossier, un isolement social mais aussi familial important, à l'origine de souffrances morales significatives pendant près de vingt ans. Il sera fait une juste appréciation de ces souffrances morales en les évaluant à la somme de 5 000 euros. 12. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément permanent de M. B..., privé de très nombreuses activités de loisirs et culturelles, préjudice que l'expert du ministère des armées a évalué à 6 sur une échelle allant jusqu'à 7, en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. 13. En troisième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de l'appelant, évalué à 1 sur une échelle allant jusqu'à 7, en allouant à l'intéressé une somme de 1 000 euros. 14. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que la pension militaire d'invalidité dont bénéficie M. B... a, notamment, pour objet de réparer forfaitairement les troubles dans ses conditions d'existence. Par suite, ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peuvent qu'être rejetées. 15. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant est seulement fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser la somme totale de 16 000 euros en réparation des préjudices causés par son exposition au bruit dans l'exercice de ses fonctions et qui n'ont pas déjà été réparés par la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2016, date à laquelle l'administration a reçu sa demande indemnitaire préalable. 16. Par ailleurs, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du tribunal administratif de Bordeaux du 19 novembre 2018 est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... une somme totale de 16 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2016. Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller, Mme Agnès Bourjol, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023. Le rapporteur, Manuel C... La présidente, Marie-Pierre Beuve DupuyLa greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21BX04583 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 30/03/2023, 460907
Vu la procédure suivante : Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental du Var a rejeté sa demande du 4 septembre 2017 tendant à l'attribution de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 1er septembre 2015 et de condamner le département du Var à lui verser cette allocation à compter de cette date. Par un jugement n° 1800904 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Par une ordonnance n° 21MA00976 du 25 janvier 2022, enregistrée le 28 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 15 mars 2021 au greffe de cette cour, présenté par Mme A.... Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 15 juin 2022, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge du département du Var la somme de 3 000 euros, à verser à la SARL Didier, Pinet, son avocat, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code du travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - l'arrêté du 25 juin 2014 portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage et les textes qui lui sont associés ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice, - les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de Mme B... et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du département du Var ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., adjointe technique territoriale de 1ère classe au sein des services du département du Var, a été placée en congé de longue durée à compter du 1er juin 2010. Par un courrier du 15 septembre 2014, elle a sollicité du président du conseil départemental du Var la prolongation de son congé de longue durée jusqu'au 15 août 2015 puis son admission à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 1er septembre 2015. Par un arrêté du 7 août 2015 du président du conseil départemental du Var, pris après un avis de la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale du 26 février 2015 ayant conclu à une inaptitude définitive et absolue à ses fonctions ainsi qu'à toutes fonctions et un avis favorable de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales du 31 juillet 2015 ayant conclu à la mise à la retraite anticipée de l'intéressée au motif d'un taux global d'invalidité de 50 % et à ce que la pension à verser ne soit pas assortie d'une rente d'invalidité, Mme A... a été radiée des cadres à compter du 1er septembre 2015 pour invalidité et admise à la retraite anticipée. Mme A... s'est ensuite inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi à compter du 29 décembre 2015. Par un courrier du 4 septembre 2017, elle a demandé au président du conseil départemental du Var de lui accorder le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Une décision implicite de rejet de cette demande est née le 7 novembre 2017 du silence gardé par ce dernier. Eu égard aux moyens qu'elle invoque, Mme A... doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Toulon en tant que, par son article 2, il rejette ses conclusions tendant à ce que le département du Var lui accorde le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 1er septembre 2015. 2. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi (...), aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ". L'article 1er du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage agréée par l'arrêté du 25 juin 2014 du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, applicable au litige, prévoit que : " Le régime d'assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé allocation d'aide au retour à l'emploi, pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d'emploi qui remplissent des conditions d'activité désignées période d'affiliation, ainsi que des conditions d'âge, d'aptitude physique, de chômage, d'inscription comme demandeur d'emploi, de recherche d'emploi ". Ces dispositions sont applicables aux agents des collectivités territoriales dans les conditions prévues par l'article L. 5424-1 du code du travail. Il appartient aux collectivités territoriales qui assurent la charge et la gestion de l'indemnisation de leurs agents en matière d'allocation d'aide au retour à l'emploi de s'assurer, lorsqu'ils demandent le bénéfice de cette allocation, qu'ils remplissent l'ensemble des conditions auxquelles son versement est subordonné. 3. Si l'ouverture du droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi sollicité par Mme A... était subordonnée à la condition, prévue à l'article L. 5421-1 du code du travail et reprise à l'article 1er du règlement annexé à la convention du 14 mai 2014, qu'elle soit physiquement apte au travail, cette condition, dont le contrôle relève, en vertu de l'article R. 5426-1 de ce code, de la compétence du préfet, était satisfaite aussi longtemps qu'elle demeurait inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi mentionnée à l'article L. 5411-1 du même code, sur laquelle, en vertu de l'article L. 5411-5 du code du travail, ne peuvent être inscrites, pendant la durée de leur incapacité, les personnes invalides mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire " absolument incapables d'exercer une profession ", bénéficiaires à ce titre d'un avantage social lié à une incapacité totale de travail. Ainsi, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que Mme A... ne justifiait pas qu'elle remplissait la condition d'aptitude à l'emploi en se prévalant de son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi, alors même qu'elle ne produisait pas de pièce médicale et que la commission de réforme de la fonction publique territoriale avait émis le 26 février 2015 un avis favorable à sa mise à la retraite anticipée pour invalidité au motif qu'elle présentait une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique. 4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement qu'elle attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 6. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne en matière d'aide ou d'action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d'emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l'article R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l'intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement. Dans le cas d'un contentieux portant sur les droits au revenu de remplacement des travailleurs privés d'emploi, c'est au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant au cours de la période en litige que le juge doit statuer. 7. D'une part, si, ainsi qu'il a été dit au point 2, les agents des collectivités territoriales ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 5424-1 du code du travail, le droit à cette allocation est, aux termes de l'article L. 5422-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige, de même qu'en vertu de l'article 1er du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, ouvert aux seuls " travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement ". 8. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) " et aux termes du premier alinéa de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande ". Il résulte de ces dispositions que seule la mise à la retraite d'office constitue un cas de perte involontaire d'emploi pouvant ouvrir droit, pour un agent des collectivités territoriales, lorsque les autres conditions en sont remplies, à une allocation d'assurance telle que prévue à l'article L. 5424-1 du code du travail. 9. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A... a sollicité auprès du président du conseil départemental du Var, par courrier du 15 septembre 2014, son admission à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 1er septembre 2015. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que Mme A..., qui ne peut être regardée comme ayant été involontairement privée d'emploi, ne peut prétendre à l'allocation de retour à l'emploi sollicitée. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Var, que les conclusions de la demande de Mme A..., présentées devant le tribunal administratif de Toulon, tendant à ce que le département du Var lui accorde le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 1er septembre 2015 doivent être rejetées. 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département du Var, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que ce département demande au titre des mêmes dispositions.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 2 du jugement du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A..., présentées devant le tribunal administratif de Toulon, tendant à ce que le département du Var lui accorde le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 1er septembre 2015 et celles présentées, tant devant ce tribunal que devant le Conseil d'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par le département du Var au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B... épouse A... et au département du Var. Délibéré à l'issue de la séance du 15 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure. Rendu le 30 mars 2023. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Ariane Piana-Rogez Le secrétaire : Signé : M. Hervé HerberECLI:FR:CECHR:2023:460907.20230330
Conseil d'Etat
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 28/03/2023, 22DA00485, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rouen d'annuler la décision du 7 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par courrier en date du 21 novembre 2019, M. C... a été informé qu'en application de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et de son décret d'application n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, sa requête avait été transmise au tribunal administratif de Rouen. Par un jugement n° 1904164 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février et 8 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Aïda Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui attribuer une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son avocat, d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une part, les douleurs invalidantes qu'il présente sont consécutives à l'accident dont il a été victime le 12 mai 2012 et ne sont pas assimilables à ses antécédents et, d'autre part, les pièces médicales produites démontrent que le taux d'invalidité résultant de cet accident doit être évalué à minima à 10 % ; Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 octobre 2022 et 9 janvier 2023, le ministre des armées demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023 à 12 heures. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, - et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 29 avril 1986, militaire engagé dans l'armée de terre à compter du 5 avril 2011, a été radié des contrôles le 5 avril 2014. Le 9 août 2013, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour une infirmité consécutive à des séquelles de lombosciatique S1 gauche qu'il rattache à une chute survenue le 21 mai 2012 dans son lieu d'hébergement. Par une décision du 7 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande aux motifs que la lombosciatique S1 gauche sur discopathie L5-S1 avec arthrose interapophysaire déficitaire évaluée globalement au taux de 30 % résultait, d'une part, d'une maladie sans lien avec le service et, d'autre part, d'un accident du 21 mai 2022 dont les séquelles entraînaient un degré d'invalidité inférieur à 10 %, taux minimum requis pour la prise en considération d'une infirmité. M. C... relève appel du jugement du 28 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 3. Il résulte de l'instruction que le docteur B..., expert médical diligenté pour l'instruction de la demande de pension de M. C..., a estimé dans son rapport du 30 novembre 2016 que l'intéressé présentait une sciatalgie S1 gauche paraissant secondaire à un traumatisme lombo-sacré résultant d'une chute survenue le 21 mai 2012 avec douleurs neurogènes nettement prédominantes d'évolution chronique, invalidantes avec un retentissement fonctionnel majeur, un impact très important sur la vie personnelle, professionnelle et l'autonomie du patient dans sa vie courante. L'expert a décrit ainsi un patient hyperalgique avec impossibilité de marcher plus de quelques mètres sans canne, présentant une atrophie du mollet à gauche, un Laségue à 45, une démarche lente et un déficit de l'extenseur du gros orteil. Il a également relevé que l'intéressé n'avait pas d'antécédent particulier en dehors de pied plat et d'une certaine laxité ligamentaire, sans événement pathologique avant 2012. Au regard de ces éléments, il a évalué le taux d'invalidité de l'infirmité à 30 % après avoir indiqué précisément que ce taux était " en conformité avec le barème des pensions militaires ". A la suite d'un complément d'étude demandé le 20 avril 2018 par la commission consultative médicale, le docteur D..., chargé de réaliser la seconde expertise de M. C..., a noté dans son rapport du 30 juin 2018 que la gêne de l'intéressé ne s'était pas atténuée, celui-ci ne pouvant pas conduire, ni courir et prenant parfois une canne pour marcher. Il a estimé que l'ensemble des symptômes mettait en évidence un " tableau de lomboradiculalgies chronicisées sans hernie " et a conclu néanmoins à un taux d'invalidité de 10 %, en précisant que le taux antérieur ou étranger au service était de 0 %. Si la commission consultative médicale a émis un avis le 20 août 2018 indiquant que l'accident du 21 mai 2012 s'était compliqué d'une sciatique gauche avec paralysie du releveur du pied gauche qui était en lien direct et déterminant avec la maladie arthrosique du rachis lombaire dont l'évolution progressive avait pu être précipitée par les traumatismes de 2011 et 2012, cet avis est toutefois contradictoire avec les conclusions des deux experts nommés par la commission, qui n'ont pas retenu d'état antérieur. En outre, aucune pièce médicale versée au dossier en première instance comme en appel ne permet d'établir que la discopathie L5-S1 et l'arthrose inter-apophysaire mises en évidence le 11 octobre 2011 lors de la prise en charge aux urgences de l'hôpital Manchester de Charleville-Mézières, aurait participé au processus douloureux faisant suite à la chute de M. C... le 21 mai 2012, alors que l'IRM dorso-lombaire réalisée le 6 juin 2012 ne mettait en évidence qu'une discopathie dégénérative L5-S1 modérée avec une petite protusion discale postérieure médiane mais non conflictuelle. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. C... doit être regardé comme souffrant d'une infirmité provoquée uniquement par une blessure résultant d'une lésion soudaine consécutive à un fait précis du service, et non d'une infirmité résultant d'une maladie associée à une blessure, dont le taux d'invalidité doit être fixé à 30 % conformément aux conclusions du premier rapport d'expertise. Par suite, c'est à tort que la ministre des armées a estimé, par la décision attaquée du 7 janvier 2019, que l'infirmité de M. C... évaluée globalement au taux de 30 % n'était pas de nature à lui ouvrir droit à une pension d'invalidité dès lors qu'elle résultait d'une maladie sans lien avec le service et d'un accident du 21 mai 2012 dont les séquelles entraînaient un degré d'invalidité inférieur à 10 %. 4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement du 28 décembre 2021 du tribunal administratif de Rouen et l'annulation de la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées. Sur les conclusions à fin d'injonction : 5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder à la liquidation de la pension de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, en prenant en compte le taux de 30 % applicable à son infirmité à compter du 14 août 2013, date de réception de sa première demande de concession de pension. Sur les frais liés à l'instance : 6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Moumni de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1904164 du tribunal administratif de Rouen et la décision du 7 janvier 2019 de la ministre des armées sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. C... une pension militaire d'invalidité en tenant compte de son infirmité de 30 % à la date du 14 août 2013, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Moumni en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre des armées et à Me Aïda Moumni. Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet Guillaume, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00485
Cours administrative d'appel
Douai