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CAA de NANCY, 4ème chambre, 29/12/2023, 21NC01548, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé le 28 juillet 2017 au tribunal des pensions de Strasbourg d'annuler la décision du 16 décembre 2016 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 et par un courrier, enregistré le 23 janvier 2020 au tribunal administratif de Strasbourg, le tribunal des pensions de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A.... Par un jugement n° 2001680 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 mai 2021 et le 6 août 2021, M. A..., représenté par Me Dal Molin, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2016 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité et de fixer le taux d'aggravation des infirmités à 11 %. Il soutient que : - l'expert judiciaire, dans son rapport du 19 octobre 2020, a sous-évalué l'aggravation de ses infirmités en fixant un taux de 8 % alors que le certificat médical du médecin, spécialiste des os et articulations, du 16 juin 2021, atteste de leur nette aggravation au niveau de la hanche gauche à un taux supérieur à 10 % ; - son infimité s'est aggravée avec l'âge. Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le certificat du 16 juin 2021 doit être écarté des débats car il n'est pas contemporain de la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... et ne constitue pas une expertise au sens des dispositions de l'article R. 11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - en application des dispositions de l'article L. 29 du même code, seul un taux d'aggravation de 10 % peut donner lieu à révision de pension, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1937, a été blessé le 20 novembre 1960 pendant la guerre d'Algérie. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité depuis le 11 août 1997 au taux global de 60 % dont 50 % au titre des séquelles de fractures de Dupuytren droit et 10 % au titre de lombalgies. Par une demande du 27 avril 2015, il a sollicité la révision de sa pension pour la première infirmité pensionnée " séquelles de fractures de Dupuytren droite : prothèse totale de hanche gauche, boiterie, douleurs chroniques, raideur hanche dans tous les axes ; arthrose évoluée tibio-tarsienne et astragalo-calcanéenne " qui a été rejetée par une décision de la ministre des armées du 16 décembre 2016. M. A... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension du requérant, devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire du 19 octobre 2020 que si la première infirmité pour laquelle M. A... a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité le 27 avril 2015 s'est aggravée au regard de la diminution de la capacité globale de la cheville droite et de la hanche gauche, l'expert a conclu à une aggravation de 8 %. Il relève l'absence d'aggravation sur le plan fonctionnel et iconographique de la coxarthrose de la prothèse gauche. Par ailleurs, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité a conclu également, dans son rapport du 21 septembre 2016, à l'absence d'aggravation de cette infimité en relevant notamment l'absence de descellement de la prothèse gauche. 5. Si le requérant fait valoir que ses infirmités se sont aggravées et produit un certificat médical du 16 juin 2021, il résulte de l'instruction que ce certificat mentionne que le praticien a évalué les séquelles de l'infirmité en se plaçant au 16 juin 2021 en s'appuyant notamment sur un bilan radiographique réalisé le 27 mai 2021. Par suite, et alors que ce certificat médical et cette radiographie ne sont pas contemporains à la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... du 27 avril 2015, ils ne peuvent être pris en compte, conformément aux dispositions de l'article L. 6 précité, pour déterminer si une aggravation de l'infimité a été constatée le 27 avril 2015, date de sa demande de révision. 6. Dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité une aggravation supérieure ou égale au taux de 10 %, ouvrant droit à révision selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre précité a été constatée pour l'infimité pensionnée, la ministre des armées a pu légalement refuser de réviser la pension militaire d'invalidité de M. A.... 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de révision de sa pension militaire d'invalidité. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Samson-Dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023. La rapporteure, Signé :S. RoussauxLa présidente, Signé :V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé :M. C... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M. C... 2 N° 21NC01548
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 19/12/2023, 21BX01318, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme globale de 812 245,65 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il indique avoir fait l'objet, d'autre part, une rente viagère en conséquence de son invalidité imputable au service. Par un jugement n° 1801455 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. B... une indemnité de 110 503 euros et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 mars 2021, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2021 ; 2°) de rejeter la demande de première instance de M. B.... Elle soutient que : - la créance, relative à des faits survenus entre 2002 et 2005, s'est éteinte par l'effet de la prescription quadriennale ; l'état de santé psychiatrique de M. B... ne justifie pas une interruption de la prescription ; - les faits invoqués par M. B... ne permettent pas de caractériser un harcèlement moral ; - le préjudice financier allégué ne présente pas de caractère certain et ses modalités de calcul sont inexactes dès lors qu'elles tiennent compte des primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions ; - le préjudice moral et celui lié aux troubles dans les conditions d'existence doivent être ramenés à de plus justes proportions. Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2021, M. B..., représenté par Me Monpion, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 25 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Laurent Pouget, - les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique, - et les observations de Me Mompion, représentant M. B.... Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 8 décembre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été nommé dans le corps des secrétaires administratifs en avril 1992. A compter du 1er avril 2000, il a été affecté au district social des armées de terre de Limoges, service relevant du ministre chargé de la défense, en qualité de régisseur d'avances. En septembre 2002, M. B... a appelé l'attention du chef de la division " ORH " de l'Etat-major de la région terre Sud-Ouest sur des faits de détournements de fonds publics commis par des agents du district social de Limoges. A la suite d'une restructuration liée au transfert du district social de Limoges vers la commune d'Angoulême, M. B... a, à compter du 13 juin 2005, été affecté en qualité de directeur des ressources humaines du groupement de camp de La Courtine. Il a été placé en congé de longue durée du 15 octobre 2005 au 14 octobre 2010 en raison de troubles dépressifs. Il a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 15 octobre 2010. Par une ordonnance n° 1700161 du 27 octobre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a ordonné une expertise médicale afin de déterminer la réalité et l'étendue des préjudices de l'intéressé. L'expert désigné a déposé son rapport le 16 mars 2018. Le 20 juin 2018, M. B... a demandé à la ministre des armées de l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de ce harcèlement moral, de reconnaître son invalidité comme imputable au service et de lui accorder en conséquence une rente viagère d'invalidité, ce qu'elle a refusé par une décision implicite née le 20 août 2018. 2. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 812 245, 65 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des agissements de harcèlement moral dont il soutient avoir été victime, d'autre part d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité et de lui allouer une rente viagère d'invalidité. La ministre des armées relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 110 503 euros, a mis à la charge de l'Etat une somme de 700 euros au titre des frais et honoraires de l'expertise judiciaire et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la situation de harcèlement moral : 3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ". 4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. 5. Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que postérieurement à sa dénonciation de faits de détournement de fond en 2002, M. B... a été affecté le 15 janvier 2003 sur un poste de chargé de documentation et de suivi des dossiers " PACT " au sein du district social de Limoges. La ministre des armées, qui affirme que cette nouvelle affectation n'avait pas pour but d'humilier l'agent, ne conteste cependant pas que plusieurs des tâches qui lui ont alors été confiées s'avéraient inutiles et ne correspondaient pas à ses compétences, ce qui est d'ailleurs relevé par deux évaluations de l'intéressé au titre de l'année 2003, selon lesquelles il est " actuellement sous employé " et " mérite de se voir confié un emploi à la hauteur de ses compétences dans les plus brefs délais ". Si la ministre soutient que ce changement fait suite à la suppression en 2001 du poste qu'occupait M. B... et qu'aucun autre poste de catégorie B n'était disponible au sein du district, il résulte de l'instruction, et en particulier d'une note de service du 17 mai 2002 antérieure au signalement effectué par l'intéressé concernant des malversations financières au sein du district, qu'il était envisagé qu'il occupe les fonctions de chef de la cellule budget études générales, poste qui sera finalement attribué à l'adjointe de M. B... dans ses précédentes fonctions, qui figurait parmi les agents qu'il a dénoncés. En outre, la ministre ne conteste pas que le poste sur lequel a été affecté M. B... n'était pas un poste de catégorie B correspondant à son grade. Enfin, si la ministre, qui admet en appel que cette mesure était la conséquence des dénonciations effectuées par M. B..., soutient qu'elle était justifiée par la nécessité que celui-ci ne reste pas en contact avec les agents qu'il avait mis en cause, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que son affectation sur le poste considéré était la seule permettant de préserver l'intérêt du service ou celui de l'intéressé. 7. En deuxième lieu, la ministre des armées soutient que la mise à l'écart dont se plaint M. B... correspond à une ambiance générale dégradée à l'époque au sein du district, et que les désagréments auxquels il a été confronté au cours de ses fonctions ne constituent pas des actes de harcèlement. Toutefois, la ministre ne conteste pas sérieusement l'attitude hostile des collègues de M. B... envers lui, que ce dernier a relaté de façon circonstanciée. Elle ne conteste pas davantage la réalité de plusieurs faits présentés par M. B... comme présentant un caractère vexatoire, notamment le fait de ne pas avoir disposé de matériel informatique adéquat pendant plusieurs semaines, ni de poste téléphonique, ou encore que son bureau ait été placé dans une salle de stockage isolée alors qu'un autre emplacement avait précédemment été envisagé. 8. En troisième lieu, la ministre des armées conteste le fait que M. B... ait fait l'objet de notations défavorables à la suite de sa dénonciation de malversations. Il résulte cependant de l'instruction qu'alors que ses notations antérieures à ses révélations étaient particulièrement élogieuses et soulignaient, entre autre, son efficacité et sa conscience professionnelle, et qu'une fois affecté sur un emploi de directeur des ressources humaines au groupement de camp de La Courtine il a de nouveau été évalué de façon très positive, ses notations au titre des années 2003 et 2004, si elles ont maintenu une note globale similaire aux précédentes, comportent des appréciations littérales défavorables, en particulier en se bornant à relever " la ponctualité rigoureuse " de l'intéressé et en indiquant qu'il se contente " de faire acte de présence ". Or, il n'est pas allégué que l'investissement et la qualité du travail de M. B... auraient connu un fléchissement au cours de ces deux années. 9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite du transfert du district social de Limoges vers Angoulême, M. B... a été affecté au camp de La Courtine, dans la Creuse, à compter du mois de juin 2005. Il fait valoir qu'il a été le seul agent du district à ne pas être reclassé aux alentours immédiats de Limoges et que des postes correspondant à ses compétences et situés plus près de son domicile ont été déclarés vacants peu de temps après que sa nouvelle affectation soit devenue définitive. Si la ministre soutient, comme en première instance, que la mutation de M. B... à La Courtine résulte d'une pénurie de poste d'agents comptables dans la région et qu'elle ignorait la vacance des postes évoqués par M. B..., ses explications, peu étayées, sont contradictoires avec le fonctionnement de la bourse des emplois, plateforme sur laquelle sont publiés les postes vacants ou susceptibles de l'être, tel qu'il est décrit par une notice explicative et par une instruction du 16 juillet 2003 produites par M. B.... 10. Dans ces conditions, les éléments apportés par M. B... sont suffisants pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, tandis que la ministre ne démontre pas que les agissements dénoncés par l'intéressé seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a regardé M. B... comme fondé à engager la responsabilité de l'Etat en raison du harcèlement moral qu'il a subi. En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale : 11. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites au profit de l'État, des départements et des communes, sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". L'article 3 dispose que " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ". 12. D'une part, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée. 13. D'autre part, lorsque la responsabilité de l'administration est recherchée, pour un préjudice qui revêt un caractère continu et évolutif, la créance indemnitaire doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 précité, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date il soit entièrement connu dans son existence et dans son étendue. Il en va ainsi lorsque la responsabilité de l'administration est recherchée à raison d'actes de harcèlement moral. 14. En l'espèce, M. B... a demandé en première instance la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis à raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet, au titre de la période s'étendant de 2002 à 2014. Il résulte de l'instruction, et notamment d'un certificat du 14 mai 2019 établi par le psychiatre ayant suivi M. B... du 22 octobre 2005 au 10 avril 2014, qu'au cours de cette période, l'intensité des symptômes psychiatriques ainsi que la lourdeur du traitement qui lui était administré ne permettaient pas à M. B... d'engager une procédure juridique. Si la ministre des armées soutient que ce seul document ne saurait caractériser une incapacité totale d'agir pendant toute la période considérée, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, les mentions du certificat médical produit sont néanmoins corroborées par le tableau des hospitalisations de M. B..., dont il ressort qu'il a effectivement été hospitalisé quasi continuellement pendant cette période de près de dix ans. Il résulte également d'un rapport d'expertise établi en 2018 qu'à compter de 2005 M. B... est devenu très dépendant de son épouse, ayant développé une apathie incapacitante. Dans ces conditions, l'état psychique de l'intéressé durant ladite période, tel que révélé par les éléments du dossier, peut être regardé, ainsi que l'a estimé le tribunal, comme constitutif d'une cause de force majeure ayant fait obstacle à ce qu'il puisse, d'une part, prendre connaissance de l'ensemble de ses préjudices et, d'autre part, agir pour faire valoir sa créance. Par suite, le délai de prescription a commencé à courir le 10 avril 2014 et a été interrompu par la saisine par M. B... du juge des référés du tribunal administratif de Limoges d'une demande d'expertise, le 7 février 2017, avant de recommencer à courir à la date de dépôt du rapport de l'expert, le 16 mars 2018. 15. Ainsi, si M. B... ne conteste pas en appel la prescription s'attachant selon le jugement attaqué aux préjudices subis au titre des années 2002 et 2003, le délai de prescription n'était pas expiré, en ce qui concerne les années 2004 et suivantes, à la date de la demande indemnitaire présentée par M. B... le 12 juin 2018. La ministre des armées n'est dès lors pas fondée à opposer la prescription quadriennale à la créance dont il se prévaut s'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence afférents aux dites années. En ce qui concerne l'évaluation du préjudice : 16. En premier lieu, la ministre des armées soutient que le préjudice matériel dont s'est prévalu M. B... en première instance au titre de la différence entre, d'une part, le traitement et les primes qu'il avait une chance sérieuse de percevoir jusqu'au 1er août 2014, date à laquelle il était prévisible qu'il soit admis à la retraite s'il n'avait pas été déclaré physiquement inapte à l'exercice de toutes fonctions, et d'autre part, les revenus qu'il a effectivement perçus pendant son congé de longue maladie du 15 octobre 2005 au 14 octobre 2010, incluant deux années à demi-traitement, et au titre de la pension de retraite qui lui a été versée du 15 octobre 2010 au 1er août 2014, ne revêt qu'un caractère éventuel et inclut de façon erronée des primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions, auxquelles il ne peut prétendre. 17. Toutefois, la ministre des armées n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause la chance sérieuse que l'intéressé avait de bénéficier de son traitement et de ses primes jusqu'à la date prévisible de sa retraite. En particulier, si la ministre conteste la prise en compte par M. B..., dans le calcul de son préjudice, de la perte de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, une telle indemnité n'a pas pour objet de compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Limoges n'a pas procédé à une exacte évaluation du préjudice matériel de M. B... en l'évaluant à la somme de 80 000 euros. 18. En second lieu, si la ministre des armées demande que les sommes demandées par M. B... au titre de la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence soient ramenées à de plus justes proportions, elle n'apporte aucun élément justifiant de remettre en cause l'indemnisation allouée à ce titre par le tribunal, fixée à 30 000 euros. 19. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. B... une indemnité de 110 503 euros incluant les frais de représentation aux opérations d'expertise, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 700 euros au titre des frais et honoraires de l'expertise judiciaire. Sur les frais liés au litige : 20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Laurent Pouget, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. La présidente-assesseure, Marie-Pierre Beuve Dupuy Le président-rapporteur, Laurent Pouget La greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX01318
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 19/12/2023, 21NC03124, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et d'enjoindre à la ministre des armées de procéder, à compter du 19 juillet 2019, à la révision de sa pension militaire d'invalidité en retenant un taux total d'invalidité de 60 %. Par un jugement n° 2000334 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 19 juillet 2019, a enjoint à la ministre des armées de procéder à la révision de la pension militaire d'invalidité dont bénéficie M. E... en retenant un taux global d'invalidité de 60 %, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser à M. E... la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 décembre 2021 et le 6 mai 2022, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2000344 du 7 octobre 2021 ; 2°) à titre principal, de constater l'absence d'aggravation de la seconde infirmité pensionnée et à titre subsidiaire, de constater, dans l'hypothèse où l'aggravation de cette infirmité serait retenue à hauteur de 10%, que le taux global d'invalidité sera en tout état de cause établi à 55 % et non à 60 % selon la règle dite " Balthazard " ; 3°) de rejeter la demande de M. E.... Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur d'appréciation et d'insuffisance de motivation au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative ; le point 3 du jugement ne précise pas le nom du médecin traitant ainsi que le document médical visé ; les premiers juges n'ont pas précisé sur quel certificat médical ils se sont fondés pour considérer que l'état de M. E... justifie une majoration de son taux d'invalidité de 10 % ; - les premiers juges ont méconnu leur office de juge de plein contentieux : alors que seul le rejet du droit à aggravation pour la seconde infirmité a été contesté par M. E... en première instance, le jugement ne se prononce pas précisément sur cette infirmité et ne mentionne pas le taux d'invalidité qu'il entend accorder à cette seconde infirmité ; - en fixant un taux global d'invalidité de pension à 60 % conformément aux prétentions erronées de M. E..., les premiers juges ont statué au-delà de ce que les textes leur permettaient : en application de la règle dite " Balthazard ", si on considère que les premiers juges ont entendu admettre une aggravation de 10 % de l'infirmité en litige, le taux global d'invalidité aurait dû être fixé à 55 % et non pas à 60 % ; - les premiers juges n'ont pas explicité leur mode de calcul, ni les bases de celui-ci, ni la répartition de ce taux au regard des infirmités pensionnées ; - ils ne pouvaient pas annuler en totalité la décision ministérielle du 19 juillet 2019 qui se prononce sur les deux infirmités alors que seule la seconde infirmité a été contestée par M. E... ; - la seconde infirmité de M. E... ne s'est pas aggravée, au regard de l'expertise réglementaire du 2 septembre 2017, et l'administration a fait une exacte application de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le certificat médical du 17 avril 2019 ne comporte aucune évaluation de l'aggravation selon le guide barème des invalidités et n'est pas contemporain à la demande de révision de pension de sorte qu'il n'est pas opposable. Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2022, M. E..., représenté par Me Zillig, conclut : 1°) à titre principal, au rejet de la requête d'appel de la ministre des armées ; 2°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg, dans toutes ses dispositions, y compris financières ; 3°) à titre subsidiaire, à ce que le taux d'invalidité soit portée à 55 % avec effet au 19 juillet 2019 ; 4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à défaut de justification par la signataire de la requête d'appel d'une délégation de signature, la requête d'appel devra être déclarée irrecevable ; - le jugement est motivé et répond aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative car le médecin traitant est parfaitement identifié au regard des pièces du dossier, le certificat visé ne peut être que le plus récent, soit celui du 17 avril 2019 et les premiers juges font expressément référence à l'expertise qui a relevé une aggravation de la composante thymique justifiant une majoration du taux d'invalidité de 20 à 30 % ; - les premiers juges n'ont pas statué au-delà de ce que les textes leur permettaient en fixant un taux global d'invalidité de la pension à 60 % car cela correspond à la demande présentée en première instance et n'ont pas commis d'erreur de calcul au regard des dispositions de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le taux global de la pension devra en toute hypothèse être au minimum à hauteur de 55 %. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. E... a, alors qu'il était âgé de neuf ans, subi le 28 novembre 1968 une blessure au niveau de la tête à la suite de l'explosion d'une fusée éclairante. Par un arrêté du 19 septembre 1995, il s'est ainsi vu octroyer une pension militaire d'invalidité définitive sur la base d'un taux d'invalidité global de 50 % pour deux infirmités intitulées : " Enfoncement voûte crânienne frontale médiane d'environ 4 cm de diamètre. Cicatrice linéaire frontale droite de 7 cm environ - Blessure reçue le 28/11/1968 - Guerre 1939-1945 ", au taux de 30 % et " subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses - Blessure reçue le 28/11/1968 - Guerre 1939/1945 ", au taux de 20 % avec un correctif de 5 %. Par une demande du 15 octobre 2015, réceptionnée le 27 octobre 2015, M. E... a demandé une révision de sa pension d'invalidité au motif de l'aggravation de la seconde infirmité. Par une décision du 19 juillet 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension. Par un jugement n° 2000334 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la ministre des armées 19 juillet 2019 et l'a enjoint de procéder à la révision de la pension militaire d'invalidité dont bénéficie M. E... en retenant un taux global d'invalidité de 60 %, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La ministre des armées relève appel du jugement du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg. Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " (...) Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat ". 3. Par une décision du 4 janvier 2021, régulièrement publiée le 6 janvier 2021 au journal officiel de la république française, Mme C... A..., administratrice civile, adjointe au chef du service des pensions et des risques professionnels a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du ministre des armées, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des décrets, relevant des attributions du service. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la requête d'appel doit être écarté. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 5. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant et la circonstance que le jugement ne mentionne pas certains éléments, tels que le nom du médecin traitant, la date d'un certificat médical ou les bases de calcul, est sans incidence sur la motivation de celui-ci. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'insuffisance de motivation. 6. En deuxième lieu, l'article 2 du jugement contesté fixe un taux global d'invalidité de 60 % de sorte que les premiers juges n'ont pas omis de fixer eux-mêmes les droits à pension militaire d'invalidité de M. E.... Dans ces conditions, la ministre n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont méconnu leur office de juge du plein contentieux. 7. En troisième lieu, la ministre des armées soutient que le tribunal ne pouvait annuler en totalité la décision du 19 juillet 2019 au motif qu'elle se prononçait sur les deux infirmités pensionnées de M. E... alors que la contestation de cette décision par ce dernier ne portait que sur l'infirmité " F... subjectif post-commotionne (...) ". Toutefois, une décision relative à une pension militaire d'invalidité est indivisible en cas d'infirmités multiples et la modification du taux de l'une des infirmités entraine nécessairement l'annulation de la décision dans son ensemble. Par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif. 8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté serait irrégulier. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions d'annulation : 9. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. E... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". " Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) /3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples ". Aux termes de l'article L. 9 du même code, recodifié à l'article L. 125-3 du même code : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 14 du même code, alors applicable : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. " 10. D'une part, il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. L'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. D'autre part, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que lors de l'expertise du 2 septembre 2017, le psychiatre désigné par l'administration à la suite de la demande de révision de M. E... a estimé que l'infirmité " F... subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses " s'était, à la date de la demande, aggravée depuis 1995 à hauteur de 10 %. 12. Si dans son avis du 20 mars 2019, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, a considéré, au contraire, qu'il y avait lieu de maintenir le taux de l'infirmité à 20 % au motif que les deux expertises médicales des 19 octobre 1994 et 2 septembre 2017 font état des mêmes symptômes mais d'une manière différente, cet avis, émanant d'un médecin généraliste, est insuffisamment circonstancié pour remettre en cause les éléments précis de l'expertise du médecin psychiatre, quant à l'évolution de l'infirmité en litige, en particulier quant au trouble thymique non mentionné lors de la première expertise. Dans ces conditions, il y a lieu de porter le taux de l'infirmité de M. E... " F... subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses " de 20 à 30 %. 13. Ainsi, le taux global de la pension militaire d'invalidité de M. E... doit être déterminé en retenant les infirmités et taux suivants : première infirmité " Enfoncement voûte crânienne frontale médiane d'environ 4cm de diamètre. Cicatrice linéaire frontale droite de 7cm environ " au taux de 30 %, seconde infirmité " F... subjectif post-commotionnel. Céphalées, cauchemars, irritabilité, dysmnésie, sensations vertigineuses, dyssomnie, ruminations anxieuses " au taux de 30 % + 5 %. La prise en compte successive de ces infirmités, proportionnellement à la validité restante, aboutit à un taux d'invalidité de 54,5 % (35X70/100= 24,5 % pour la seconde infirmité). Ce taux d'invalidité étant intermédiaire entre deux échelons, M. E... a par conséquent droit à une pension d'invalidité au taux global de 55 % avec effet au 27 octobre 2015 et non de 60 % comme l'a jugé le tribunal administratif de Strasbourg. 14. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 19 juillet 2019 rejetant la demande de révision de pension militaire d'invalidité par M. E.... Sur les conclusions à fin d'injonction : 15. Comme il a été dit au point 13 du présent arrêt M. E... est fondé à ce que lui soit accordée une pension militaire d'invalidité au taux global de 55 %. Le taux fixé à 60 % dans l'article 2 du jugement contesté doit en conséquence être ramené à 55 %. Sur les frais liés au litige : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. E... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Il est attribué à M. E... une pension militaire d'invalidité au taux global de 55 % avec effet au 27 octobre 2015. Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2du présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre des armées et les conclusions de M. E... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... E.... Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - Mme Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. D... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M.D... 2 N°21NC03124
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 21/12/2023, 22BX00536, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n° 2002020 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande et a enjoint au président du conseil départemental de la Dordogne de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... et de régulariser sa situation. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 février 2022 et le 10 mai 2023, le département de la Dordogne, représenté par la SELAS Adaltys Affaires publiques, agissant par Me Heymans demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2021 précité ; 2°) de rejeter l'ensemble des demandes de Mme D... ; 3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a jugé que la maladie mentale dont souffre Mme D... est imputable au service ; la cour de céans a jugé par un arrêt devenu définitif que son employeur ne pouvait être regardé comme ayant fait preuve de harcèlement moral à son endroit ; le rapport d'expertise médicale se fonde uniquement sur le ressenti de l'intéressée pour conclure au lien entre sa pathologie et le service ; aucune faute n'est imputable à son employeur ; l'intéressée avait bien avant 2008 été placé en congés de maladie pour des troubles d'anxiété et un état dépressif ; - contrairement à ce qu'affirme à titre liminaire Mme D..., il a procédé à l'exécution du jugement contesté en versant à l'intéressée le montant des salaires qui lui sont dus. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, Mme C... D..., représentée par Me Maixant, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du département de la Dordogne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 10 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de M. Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Platel représentant le département de la Dordogne. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... D... a été recrutée en décembre 1987 par le département de la Dordogne en tant d'agent temporaire de bureau auxiliaire, puis intégrée dans le corps d'emploi des agents de bureau stagiaire et titularisée le 1er janvier 1990. Elle a été promue en qualité d'adjoint administratif territorial de 1ère classe à compter du 1er janvier 2007. Elle a été placée en congé de maladie du 11 août 2008 au 20 mai 2009 et a ensuite fait l'objet d'un temps partiel thérapeutique à 50 % jusqu'au 20 novembre 2009. Déclarée apte à reprendre son travail à temps complet à compter du 9 octobre 2009, elle a repris son emploi par intermittence avec des congés de maladie ordinaire et jusqu'à épuisement de ses droits à congés, son dernier congé de maladie ordinaire ayant été transformé en congé longue maladie, puis en congé longue durée du 25 juillet 2011 au 24 juillet 2015, prolongé jusqu'au 24 juillet 2016. La commission départementale de réforme a émis, le 3 mai 2016, un avis d'inaptitude totale et définitive de l'intéressée à toutes fonctions. Par un arrêté du 27 mai 2016, le président du conseil départemental a reconnu Mme D... inapte de façon absolue et définitive à toutes fonctions à compter du 25 juillet 2016. Estimant que sa maladie était imputable au service, ce dont l'arrêté du 27 mai 2016 ne fait pas mention, Mme D... a présenté, le 22 juillet 2016, un recours gracieux contre cet arrêté du 27 mai 2016, qui a été rejeté par courrier du 30 août 2016. Par un arrêté du 5 décembre 2016, le président du conseil départemental l'a ensuite radiée des effectifs du département de la Dordogne à compter du 25 juillet 2016. 2. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de l'arrêté du 27 mai 2016 précité et de la décision de rejet de son recours gracieux, en tant que ces décisions n'ont pas reconnu son inaptitude définitive comme imputable au service et de l'arrêté du 5 décembre 2016 la radiant des effectifs ainsi qu'une demande tendant à la condamnation du département de la Dordogne à lui verser notamment une rente viagère d'invalidité. Par deux jugements n° 1604474 et n° 1700308 des 23 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes. Par un arrêt n°s 17BX02857-17BX02860 du 19 décembre 2019, qui est devenu définitif, la Cour a annulé le jugement n° 1700308 du tribunal et l'arrêté du 5 décembre 2016 du président du conseil général de la Dordogne en tant qu'il a rejeté implicitement la demande de rente viagère d'invalidité de Mme D..., qui n'était pas forclose à présenter sa demande tendant à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service, et, en l'absence de consultation de la commission de réforme sur cette demande, a enjoint au département de la Dordogne de réexaminer sa situation. Saisie par le département de la Dordogne, la commission départementale de réforme a émis le 14 janvier 2020 un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service. Par un arrêté du 13 mars 2020, le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'invalidité de Mme D.... Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2021, dont le département de la Dordogne demande l'annulation dans la présente instance. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version, alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire en activité a droit : 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. /Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie dépressive diagnostiquée en 2009, le président du conseil départemental de la Dordogne s'est fondé sur l'absence d'élément permettant d'établir un lien direct entre la pathologie évoquée et le service. Le tribunal a estimé au contraire que le lien direct entre la pathologie mentale dont souffre Mme D... et le service était établi. 6. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année 2008, Mme D... a souffert de difficultés professionnelles et s'est plainte de relations conflictuelles avec sa hiérarchie. Son employeur a alors décidé, sur avis favorable du médecin du travail, son changement d'affectation à compter du 24 mai 2009 au centre médico-social d'Excideuil. En dépit de ce changement, ses difficultés ont perduré et, sur avis favorable du médecin du travail, Mme D... a de nouveau sollicité un changement de poste et le département de la Dordogne lui a alors adressé sept fiches de postes, Mme D... ayant accepté la proposition de poste au sein du service des personnes âgées à compter du 22 février 2011. Il ressort ainsi des pièces du dossier que son employeur a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour lui permettre d'accomplir les tâches qui lui sont confiées dans de bonnes conditions. A cet égard, les fiches d'évaluation de Mme D... ne font pas état de l'existence de conflits avec sa hiérarchie alors que le travail de cette dernière est reconnu et qu'elle a par ailleurs bénéficié d'une promotion. En outre, si les rapports d'expertise des 29 février 2016 et 13 avril 2016 du docteur A... indiquent " un syndrome dépressif sévère ( ...) et une relation conflictuelle avec son chef de service " et qu'il existe " une névrose à composante dépressive qui, selon tous les documents que nous avons consultés (courriers de psychiatres, avis du service de médecine du travail et de pathologie professionnelle (...) apparaît comme en relation certaine et directe avec les activités professionnelle ", ce rapport, qui fait mention d'éléments médicaux non produits par l'intimée, ne se fonde que sur les dires et ressentis de l'intéressée et les différents certificats médicaux de son psychiatre et de ses courriers de transmission ne s'accordent pas avec ces constatations dès lors qu'ils ne font état d'aucune relation de son état de santé avec ses fonctions. Par ailleurs, par son arrêt n° 17BX02857, 17BX02860 du 19 décembre 2019 non frappé de pourvoi en cassation, la Cour a estimé que les conditions de travail de Mme D... depuis 2004 ne caractérisaient pas une situation de harcèlement moral, en particulier que le comportement vexatoire dont s'était plainte Mme D... de la part de son employeur n'était pas établi. Enfin, il ressort des rapports médicaux produits dans le cadre de l'instance que Mme D... est décrite comme présentant une personnalité obsessionnelle et avait des antécédents médicaux dès lors qu'elle avait déjà été placée en arrêt de maladie notamment en 1997 et 2000 pour un état d'anxiété. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la pathologie anxio-dépressive, dont est atteinte la requérante, ne présente pas un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou de ses conditions de travail de nature à susciter le développement de sa maladie alors que les faits qu'elle invoquait n'ont pas été jugés par la Cour, ainsi qu'il a été dit, comme constitutifs de harcèlement moral et qu'elle a présenté des antécédents de nature à détacher la survenance ou l'aggravation de sa maladie à ses fonctions. Dans ces conditions, et conformément à l'avis du 14 janvier 2020 rendu par la commission de réforme, le président du conseil départemental de la Dordogne a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre Mme D.... 7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en litige et enjoint le département de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... ainsi qu'à en demander l'annulation pour ce motif. 8. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les autres moyens invoqués par Mme D... en première instance et en appel. Sur les autres moyens : 9. En premier lieu, aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales alors applicable : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. / (...) / L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) ". 10. Si Mme D... soutient que l'avis de la commission de réforme ne lui a pas été notifié, les dispositions précitées ne prévoient une communication que sur demande de l'intéressé et il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... aurait sollicité la communication de l'avis du 14 janvier 2020 précité, que le département de la Dordogne a produit tant en première instance qu'en appel. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure tenant à l'absence de communication de cet avis ne peut qu'être écarté. 11. En second lieu, l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le président du conseil départemental de la Dordogne en litige vise les avis de la commission de réforme rendus les 3 mai 2016 et 14 janvier 2020, lesquels ont été émis sur la base du rapport du médecin expert. La circonstance que l'arrêté contesté n'indique pas le sens des conclusions du rapport de l'expert, mention qui n'est prévue par aucun texte législatif ou règlementaire, est sans incidence sur sa légalité. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté en litige doit être rejetée, de même par voie de conséquence que ses conclusions à fin d'injonction au département de la Dordogne de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Sur les frais de l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Dordogne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... une somme à verser au département de la Dordogne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2002020 du 20 décembre 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par Mme D... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Les conclusions du département de la Dordogne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Dordogne et à Mme C... D.... Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023. La rapporteure, Caroline B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22BX00536
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/12/2023, 23MA00313, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental de secours (SDIS) des Hautes-Alpes l'a placé en retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 3 juin 2020. Par un jugement n° 2007667 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 février et 13 novembre 2023, M. A... B..., venant aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 décembre 2022 ; 2°) d'annuler cet arrêté et cette décision ; 3°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, l'arrêté en litige est : * d'une part, entaché d'une rétroactivité illégale, qui n'est nullement justifiée par la nécessité de le placer dans une situation régulière et qui lui cause un préjudice ; * d'autre part, intervenu au terme d'une procédure irrégulière, la commission de réforme s'étant réunie sur son cas sans comprendre parmi ses membres un spécialiste de l'affection dont souffrait son père, en méconnaissance de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; * est enfin insuffisamment motivé en droit et en fait au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - à titre subsidiaire, l'arrêté litigieux : * méconnaît l'article 15-II 2° du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affilés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, faute d'avoir pris en compte son placement en disponibilité et donc de lui ouvrir droit à une bonification de pension ; *est entaché d'une erreur de droit commise par le président du conseil d'administration en s'estimant lié, quant à la date de prise d'effet de l'admission à la retraite, par l'avis de la commission de réforme, alors qu'il était toujours en disponibilité d'office au jour de l'arrêté. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement public fait valoir que : - la requête d'appel est irrecevable car non motivée et émanant d'une personne qui ne justifie ni de sa qualité ni de son intérêt pour agir ; - les moyens d'appel ne sont pas fondés Par un mémoire en intervention, enregistré le 13 novembre 2023, Mme D... B..., représentée par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, conclut à l'annulation du jugement attaqué, à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 et de la décision rejetant le recours gracieux contre cet arrêté, et à ce que soient mis à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en reprenant les moyens développés par M. B.... Par une ordonnance du 27 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Morabito, représentant M. B... et Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... B..., sapeur-pompier professionnel, a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019, par un arrêté pris le 7 février 2020 par le président du conseil d'administration du SDIS des Hautes-Alpes, après avis de la commission de réforme du 26 septembre 2019. Par un jugement du 6 décembre 2022, dont M. A... B..., venant aux droits de son père, M. C... B..., relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de celui-ci tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant son recours gracieux du 3 juin 2020. Sur l'intervention de Mme D... B... : 2. Compte tenu des effets de la mesure litigieuse sur sa situation personnelle, Mme D... B..., veuve de M. C... B..., justifie d'un intérêt suffisant la rendant recevable à intervenir à l'appui des conclusions présentées par M. A... B..., son fils, contre cette même mesure. Son intervention doit donc être admise. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 3. L'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...)". 4. En outre, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée ". En ce qui concerne les moyens présentés à titre principal : 5. D'une part, aux termes de l'article 31 du décret précité du 26 décembre 2003 : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier (...) l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes, (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 6. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement des termes mêmes de l'avis rendu par la commission de réforme le 26 septembre 2019 que, pour conclure à l'inaptitude définitive et absolue à ses fonctions ainsi qu'à toute fonction, les membres de cette commission ont eu connaissance du rapport rendu le 17 avril 2019 par un médecin psychiatre désigné par l'administration concluant à l'inaptitude définitive et absolue de M. B..., en raison de la dépression majeure dont il souffrait depuis le mois de mars 2016. Ainsi, compte tenu des éléments dont disposait la commission de réforme, il n'est pas manifeste que la présence d'un spécialiste en psychiatrie était nécessaire pour éclairer l'examen de son cas. Le moyen tiré par M. B... et Mme B... de la composition irrégulière de la commission de réforme ne peut donc qu'être écarté. 7. D'autre part, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité. 8. En outre, en vertu de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986, relatif notamment à la position de disponibilité des fonctionnaires territoriaux, le fonctionnaire peut être mis en disponibilité pour raison de santé, soit d'office, soit à sa demande, d'une part, s'il a épuisé ses droits à congé de maladie, et d'autre part, dans l'attente de son éventuel reclassement. 9. Il ressort des pièces du dossier que si, par un arrêté du 3 juin 2017, M. B... a été placé d'office en disponibilité, avec conservation de son demi-traitement, à compter du 21 mars 2017 jusqu'à l'intervention de l'avis du comité médical consulté sur sa demande de congé de longue maladie, il a été placé en congé de longue maladie, par deux arrêtés du 13 décembre 2019, pour les périodes du 15 mars 2016 au 15 mars 2017, à plein traitement, et du 15 mars 2017 au 14 mars 2019 à demi-traitement. Il est donc constant qu'au 15 mars 2019, l'intéressé avait épuisé ses droits à congé de longue maladie et que, sous réserve qu'il présente une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions, il pouvait être admis à la retraite pour invalidité d'office ou à sa demande, en application des dispositions citées aux points 3 et 4. Or, alors que par son avis du 18 juillet 2019, le comité médical départemental, appelé à se prononcer sur le bénéfice d'un congé de longue maladie pour la période du 15 mars 2016 au 14 mars 2019, a conclu à l'inaptitude définitive et absolue de M. B... à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction à compter du 15 mars 2019 et à son admission à la retraite pour invalidité, la commission de réforme, par son avis du 26 septembre 2019, a estimé que cet agent était à cette dernière date inapte de manière définitive à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction. Il en résulte que, bien qu'ayant épuisé dès le 15 mars 2019 ses droits à congé de longue maladie, M. B..., qui en raison de son inaptitude définitive et absolue, ne pouvait dès cette même date bénéficier d'un reclassement, ne pouvait alors prétendre au bénéfice d'un placement en position de disponibilité pour raison de santé. Ainsi, pour contester la date de prise d'effet au 27 septembre 2019 de l'admission à la retraite pour invalidité de M. C... B... et sa radiation des cadres, qui se justifie par la nécessité de placer cet agent dans une situation régulière, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que celui-ci aurait dû être placé en disponibilité d'office pour raison de santé jusqu'à la date de signature de cette mesure. Le moyen tiré de la rétroactivité illégale de l'arrêté en litige ne peut donc qu'être écarté. En ce qui concerne les moyens présentés à titre subsidiaire : 10. Enfin, l'arrêté en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, et qui n'avait pas à préciser les raisons pour lesquelles il prenait effet au 27 septembre 2019, ni à se prononcer sur une bonification de droits à pension, est suffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette mesure doit, dès lors, être écarté. 11. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort ni des motifs de l'arrêté qu'il attaque, ni des autres pièces du dossier, que pour faire droit à la demande présentée par M. B... le 12 décembre 2018 d'admission à la retraite pour invalidité, le président du conseil d'administration du SDIS des Hautes-Alpes se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme, dont il s'est approprié les conclusions. Par suite M. B... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'incompétence négative. 12. En second lieu, dans la mesure où cet arrêté n'a pas pour d'autre objet que de se prononcer sur la demande d'admission à la retraite pour invalidité de M. B..., et de décider en conséquence sa radiation des cadres, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 15 II du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, qui ont trait aux éléments de liquidation des droits à pension des sapeurs-pompiers professionnels. 13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C... B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 l'admettant à la retraite pour invalidité et le radiant des cadres, et de la décision tacite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du SDIS des Hautes-Alpes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par l'appelant et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... et, en tout état de cause, par Mme B..., ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. B... à ce même titre. Les prétentions du SDIS des Hautes-Alpes relatives à ses frais d'instance doivent donc elles aussi être rejetées. DECIDE : Article 1er : L'intervention de Mme D... B... est admise. Article 2 : La requête de M. B... est rejetée. Article 3 : Les conclusions du SDIS des Hautes-Alpes et de Mme D... B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme D... B... et au service départemental d'incendie et de secours des Hautes-Alpes. Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. N° 23MA003132
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 21/12/2023, 23BX00712, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ainsi que le titre exécutoire émis le 21 décembre 2016 par le CHU de Poitiers pour le recouvrement de la somme de 3 419,54 euros. Par un jugement n° 1700362 du 20 juin 2019, le tribunal a annulé cette décision et ce titre exécutoire. Par un arrêt n° 19BX03404 du 3 mars 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le CHU de Poitiers à l'encontre de ce jugement et a enjoint au CHU de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. C... dans un délai de deux mois. Par un courrier enregistré le 17 octobre 2022, M. C..., représenté par la SCP Drouineau, Le Lain, Verger, Bernardeau, a saisi la cour d'une demande d'exécution de cet arrêt. Par une ordonnance n° 23BX00712 du 15 mars 2023, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par des mémoires enregistrés les 11 mai, 31 juillet, 23 août 2023 et 21 novembre 2023, M. C..., représenté par la SCP Drouineau, Le Lain, Verger, Bernardeau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'enjoindre au CHU de Poitiers, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir : 1°) de lui verser la somme de 25 985,35 euros due en application du régime juridique de l'imputabilité au service des arrêts de travail ; 2°) de lui demander le reversement de la somme de 1 934,93 euros indûment payée, afin qu'il puisse percevoir sa prime de retraite en totalité et de notifier cette demande à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) afin que cette dernière puisse régulariser sa situation ; 3°) de lui verser la somme complémentaire de 1 505,57 euros sur le compte CARPA de son conseil. Il soutient que : - le Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS) lui a versé 8 289,49 euros de compléments de salaire en 2012, et non 12 017,98 euros que le CHU a déduits des sommes dues en application du régime de la maladie professionnelle ; le calcul de l'indemnité due est ainsi erroné ; il doit être enjoint au CHU de lui verser la somme de 25 985,35 euros, et non de 20 498,74 euros, outre la déduction des 1 758,13 euros ayant donné lieu à un avis à tiers détenteur du 3 mars 2023 dont la mainlevée a été ordonnée le 16 mars suivant ; - dès lors que l'indemnité de pré-départ en retraite pour invalidité de 1 934,93 euros que le CGOS lui a versée le 25 janvier 2016 fait obstacle au versement de la totalité de la prime de départ en retraite par la CNRACL, il y a lieu d'enjoindre au CHU de Poitiers de lui demander le reversement de cette somme indûment payée afin que la CNRACL puisse régulariser sa situation ; sa mise à la retraite prématurée pour invalidité est la conséquence de la reconnaissance de la maladie professionnelle, donc de l'exécution de l'arrêt ; - la somme de 6 173,54 euros n'a été versée à l'AARPI Drouineau qu'à la fin du mois de juin 2023 ; en outre, elle est erronée car elle ne tient pas compte de son droit à une indemnité de congés payés correspondant à 30 jours par an ; il avait donc droit à 7 679,07 euros, et il y a lieu pour la cour d'enjoindre au CHU de lui verser une somme supplémentaire de 1 505,57 euros sur le compte CARPA de la SCI Drouineau ; - le comportement du CHU justifie que soit prononcée une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision de la cour sur sa demande d'exécution. Par des mémoires en défense enregistrés les 30 juin et 5 octobre 2023, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - pour l'année 2012, un excédent de rémunération de 12 017,98 euros a été versé à M. C..., et le décompte de rémunération ne mentionne pas qu'il s'agirait d'un versement du CGOS ; au demeurant, la question de l'imputation de l'indemnité versée par le CGOS relève d'un litige distinct de l'exécution de l'arrêt de la cour du 3 mars 2022 ; la somme de 1 758,13 euros correspondant à un avis à tiers détenteur adressé à la CNRACL n'ayant jamais été prélevée, M. C... n'est pas fondé à en demander la restitution ; - la demande tendant à ce qu'il lui soit enjoint d'émettre un titre exécutoire pour récupérer l'indemnité de pré-départ en retraite afin que M. C... puisse bénéficier de la totalité de sa prime de retraite par la CNRACL est sans lien avec l'exécution de l'arrêt de la cour du 3 mars 2022 ; - la somme de 6 173,54 euros a été réglée ; - la demande relative à l'indemnité de congés payés non pris pose la question du droit à une telle indemnité et ne s'inscrit pas dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 3 mars 2022. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Porchet, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. Par une première décision du 1er août 2014, le directeur général du CHU de Poitiers a rejeté la demande de M. C..., aide-soignant titulaire en congé de maladie depuis un malaise survenu sur son lieu de travail le 19 février 2011, tendant à la reconnaissance de l'asthme dont il souffrait comme maladie professionnelle. Par une ordonnance du 12 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. C..., a suspendu l'exécution de cette décision aux motifs que l'absence de convocation régulière devant la commission de réforme et l'erreur de fait invoquées étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité, et a enjoint au CHU de Poitiers de rétablir le plein traitement de son agent. L'administration a retiré la décision du 1er août 2014, et après avoir saisi la commission de réforme, a pris le 9 novembre 2015 une deuxième décision de refus de reconnaissance de l'asthme comme maladie professionnelle, puis a émis le 18 novembre 2015 un titre de recettes d'un montant de 3 419,54 euros pour le recouvrement des rappels de rémunération versés en exécution de l'ordonnance du juge des référés. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif que la seule circonstance que la première constatation médicale de l'affection était intervenue plus de sept jours après l'exposition de l'intéressé au risque professionnel ne suffisait pas à fonder légalement le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie. Le directeur général du CHU a réitéré son refus de reconnaissance d'une maladie professionnelle par une troisième décision du 12 décembre 2016, et a émis le 21 décembre 2016 un nouveau titre de recettes de 3 419,54 euros. Par un jugement du 20 juin 2019 dont l'hôpital a relevé appel, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette dernière décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif qu'un lien direct entre l'apparition de l'affection asthmatique et les conditions de travail était établi. Par un arrêt n° 19BX03404 du 3 mars 2022, la cour a rejeté l'appel du CHU de Poitiers et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie asthmatique. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision. 3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...). " 4. Par une décision du 4 juillet 2022, la directrice générale du CHU de Poitiers a reconnu l'imputabilité au service de la maladie à compter du 27 mai 2011, cette date n'étant pas contestée. Elle a également régularisé les cotisations dues aux divers organismes sociaux concernés. Alors que l'exécution du jugement impliquait une rémunération à temps plein sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le centre hospitalier a émis en cours d'instance, le 9 novembre 2023, un mandat de 20 498,74 euros au titre de la régularisation des salaires entre le 27 mai 2011 et le 31 octobre 2015, après déduction d'une somme de 1 758,13 euros correspondant à des salaires versés à tort postérieurement au 1er novembre 2015, date d'admission à la retraite de l'intéressé. Si M. C..., qui ne conteste pas l'existence de ce trop-perçu, fait valoir que le CHU avait initialement tenté de le recouvrer par un avis à tiers détenteur auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dont mainlevée avait été donnée, l'administration n'avait pas pour autant renoncé à la récupération de la somme de 1 758,13 euros, qu'elle était fondée à déduire des salaires dus en exécution du jugement. M. C... conteste en outre la déduction d'une somme de 12 017,98 euros au titre de l'année 2012, correspondant selon le CHU à un excédent de rémunération. Le requérant fait valoir que la déduction aurait dû être limitée à la somme de 8 289,49 euros que lui a versée le Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS), mais ne conteste pas avoir effectivement perçu 31 925,29 euros au lieu de 19 907,31 euros correspondant à son salaire à temps plein, comme indiqué dans le tableau élaboré par la direction des ressources humaines de l'hôpital. Enfin, M. C... n'apporte aucun élément de nature à justifier que la régularisation des sommes dues au titre de ses salaires aurait omis un droit à congés payés. Par suite, il ne démontre pas que le CHU de Poitiers lui serait redevable d'une somme supérieure à 20 498,74 euros. 5. En second lieu, si M. C... fait valoir que la prime de pré-départ en retraite pour invalidité de 1 934,93 euros que le CGOS lui a versée en 2016 ferait obstacle au versement par la CNRACL de la totalité de la prime de départ en retraite à laquelle il estime avoir droit, de sorte que le CHU devrait émettre un titre exécutoire d'un montant de 1 934,93 euros pour lui permettre de régulariser sa situation auprès de la CNRACL, ce litige est sans lien avec celui qui a été tranché par l'arrêt du 3 mars 2022. 6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour n° 19BX03404 du 3 mars 2022 a été entièrement exécuté, sous réserve du versement effectif, prévu pour le 29 décembre 2023, de la somme de 20 498,74 euros figurant sur le mandat du 9 novembre 2023. 7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de M. C... au titre des frais exposés par le CHU de Poitiers à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au versement des sommes dues au titre de la rémunération à temps plein entre le 27 mai 2011 et le 31 octobre 2015. Article 2 : Le surplus de la demande d'exécution de M. C... est rejeté. Article 3 : Les conclusions présentées par le CHU de Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier universitaire de Poitiers. Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX00712
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 19/12/2023, 21NC00089, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Besançon, d'annuler la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Besançon la demande de M. B.... Par un jugement n° 1901798 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 janvier 2021 et le 20 juin 2022, M. B..., représenté par Me Niango, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges se sont fondés sur des données inexactes ; - son état de santé s'est aggravé avant le 13 janvier 2015, date de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; c'est donc à tort que l'administration lui a refusé la révision de sa pension militaire d'invalidité alors que le taux de ses infirmités pensionnées s'est aggravé de 15,25 % : . l'administration a fondé son refus sur une simple information orale du patient à son médecin, selon laquelle il aurait décrit une aggravation de ses infirmités à compter de 2016 ; . l'expert judiciaire, dans son rapport du 31 janvier 2019, a sous-évalué l'importance de l'aggravation de ses infirmités en retenant uniquement une aggravation à hauteur de 5 % chacune, soit un taux d'invalidité de 45 % pour son épaule droite et de 30 % pour son épaule gauche alors qu'elles se sont aggravées à hauteur de 15 % chacune ; il y a lieu de retenir un taux d'invalidité de 55 % pour son épaule droite et un taux de 40 % pour son épaule gauche, soit une invalidité de 75,25 % après application de la règle de Balthazard et donc une aggravation de 15,25 % par rapport au taux pensionné par l'arrêté du 24 février 2014. Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2021, le 26 juillet 2022, le 8 août 2022 et le 25 août 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - l'administration doit se placer à la date de la demande de révision de la pension, soit le 13 janvier 2015 en l'espèce, pour évaluer le degré d'invalidité des infirmités invoquées, conformément à l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; or, les infirmités pour lesquelles l'intéressé est pensionné se sont aggravées seulement à compter de 2016, soit postérieurement à la date de la demande de révision de pension enregistrée le 13 janvier 2015 ; - en tout état de cause, même si les aggravations constatées par l'expert judiciaire étaient antérieures à 2016, il conviendrait de les rejeter en application de l'article L. 29 du même code car elles sont inférieures au taux de 10 % ; - les certificats des 13 novembre 2017 et 4 septembre 2017 doivent être écartés des débats car ils ne sont pas contemporains à la demande de révision de pension du 13 janvier 2015 et celui du 24 novembre 2020, dont le requérant se prévaut, n'a jamais été produit à l'instance ; - les données de l'examen clinique relevées le 4 novembre 2016 ne sont pas contemporaines à la demande de révision du 13 janvier 2015 et le médecin n'a pas motivé son rapport, se contentant d'indiquer les doléances de M. B... ; - seule l'expertise réalisée le 9 juillet 2015 est contemporaine à la demande de révision de la pension du requérant et cette dernière conclut à un taux d'infirmité de 25 % pour l'épaule droite et de 25 % pour l'épaule gauche ; - le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 30 octobre 2015 a constaté une amélioration de l'épaule droite et de l'épaule gauche mais ces infirmités étant indemnisées à titre définitif, les taux acquis de 40 % et de 25 % ne peuvent qu'être maintenus ; - le requérant ne saurait se prévaloir d'un certificat médical établi pour une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées car les critères d'attribution différent entre ces deux législations. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Niango, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été blessé, en 1981, à l'occasion de l'exercice de son service militaire. Par un arrêté du 19 mars 1985, une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 40 % lui a été concédée pour une infirmité relative aux " séquelles de compression sus-claviculaire droite ". Par un arrêté du 24 février 2014, sa pension a été révisée au taux de 60 % en intégrant une seconde infirmité relative à des " séquelles de réfection de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche avec acromioplastie compliquée d'un syndrome algodystrophique post-chirurgical ". Le 13 janvier 2015, l'intéressé a présenté une nouvelle demande de révision de sa pension au motif que ses infirmités se sont aggravées. Par un jugement avant dire droit du 13 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Besançon a nommé un expert judiciaire qui a rendu son rapport le 31 janvier 2019. Par une décision du 21 septembre 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande de révision de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Aux termes de l'article L. 14, alors en vigueur, de ce même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Il résulte enfin de l'article L. 9, alors en vigueur, de ce même code que : " (...) Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Enfin, quand le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite la révision de celle-ci du fait de l'apparition de nouvelles infirmités ou de l'aggravation de ses infirmités n'entrainant pas une invalidité absolue, le calcul de sa pension révisée doit s'effectuer sur la base du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités déjà pensionnées et du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités supplémentaires avec une exactitude arithmétique, sans qu'il soit possible d'arrondir à l'unité supérieure les chiffres fractionnaires intermédiaires. La règle de l'arrondi énoncée à l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne s'applique, le cas échéant, qu'une fois obtenu le degré global d'invalidité pour déterminer le taux de pension correspondant. 4. En l'espèce, l'arrêté du 24 février 2014 du ministre des armées portant concession à titre définitif d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 60 % à M. B... et pour lequel ce dernier sollicite une révision, indemnise la première infirmité " séquelles de compressions sus-claviculaires droites-Antépulsion et abduction limitée à 40°. Rétropulsion à 30°. Importante amyotrophie du deltoïde. Paralysie sensitive motrice du circonflexe droit chez un sujet droitier " au taux de 40 % et la seconde infirmité " séquelles de réfection de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche avec acromioplastie compliquée d'un syndrome algodystrophique post-chirurgical. Abduction à 20° antépulsion à 20° et limitation sévère des mouvements de rotation " au taux de 25 % avec un correctif de 5 %. 5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire du 31 janvier 2019 que si les deux infirmités de M. B... se sont aggravées, à hauteur de 5 % chacune, soit un taux d'invalidité de 45 % pour son épaule droite et de 30 % pour son épaule gauche, ces aggravations ont été constatées à compter de 2016, soit postérieurement au 13 janvier 2015, date de la demande de révision de sa pension, alors qu'une évolution stable de ses infirmités avait été remarquée depuis 2012. 6. Si le requérant fait valoir que ses infirmités se sont aggravées avant sa demande de révision, il résulte de l'expertise du 9 juillet 2015 du médecin généraliste, désigné dans le cadre de l'instruction de la demande de révision de M. B..., que les deux infirmités se sont améliorées par rapport à 2014 au regard des amplitudes articulaires des épaules droite et gauche, l'expert évaluant le taux de ses infirmités respectivement à 25 % (épaule droite) et 25 % (épaule gauche). Il résulte également de l'avis émis le 30 octobre 2015 par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commissions de réforme sur le droit à pension d'invalidité, qu'une amélioration des amplitudes articulaires des deux épaules a été constatée, les abductions étant désormais à 90°. Enfin, les certificats produits par le requérant des 30 septembre et 4 novembre 2016 et des 4 septembre et 13 novembre 2017, ne sont pas contemporains à la date de la demande de révision de M. B... et ne sont, au surplus, pas de nature à démontrer que le taux des infirmités se serait aggravé de 10 %. 7. Dans la mesure où à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité aucune aggravation supérieure au taux de 10 %, ouvrant droit à révision selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'a été constatée pour les deux infimités pensionnées, le ministre de la défense a pu légalement refuser de réviser la pension militaire d'invalidité de M. B.... 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus du 21 septembre 2016 du ministre de la défense de réviser sa pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. A... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M.A... 2 N° 21NC00089
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 21/12/2023, 21BX04554, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel la ministre des armées lui a attribué une pension militaire d'invalidité, en tant qu'il a limité à 10 % le taux d'invalidité imputable au service, et de fixer ce taux à 30 %, après avoir constaté le caractère définitif de son droit à pension. Par un jugement n° 1905983 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2021 et le 10 mai 2022, M. C..., représenté par Me Maumont, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 en tant qu'il fixe le taux d'invalidité imputable au service à 10 % ; 3°) de fixer ce taux à 30 %, après avoir constaté le caractère définitif de son droit à pension ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire afin de se prononcer sur le taux d'invalidité ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - selon le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre, le syndrome de stress post traumatique est une blessure de guerre ; or, il résulte des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qu'il existe une présomption d'imputabilité au service lorsque la blessure constatée a eu lieu dans le temps et sur le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ; s'il a rencontré des difficultés d'ordre psychologique avant l'opération extérieure en Afghanistan, qui s'est déroulée du 11 avril 2012 au 30 juillet 2012, il a été déclaré " apte à servir et faire campagne en tout lieu sans restriction ", notamment en opérations extérieures, lors de ses visites d'aptitude des 16 juin 2010 et 3 janvier 2012 ; c'est en raison d'une nouvelle décompensation psychique consécutive à cette opération, lors de laquelle il a vécu deux épisodes de guerre, qu'il est devenu inapte aux opérations extérieures ; alors qu'il n'a bénéficié d'aucun suivi psychologique, ni sas de décompression à la suite de ces évènements, les médecins qui l'ont examiné à son retour ont relevé une modification notable de son état antérieur, du fait de situations de stress intenses et prolongées ; les troubles qu'il en conserve sont particulièrement invalidants, comme en attestent ses proches ; le neuropsychiatre qui l'a reçu dans le cadre de l'instruction de sa demande a retenu un taux d'invalidité imputable au service de 30 % et a évalué l'état antérieur à 5 % ; l'attribution d'un taux minimum, qui plus est à titre temporaire, est peu compréhensible ; l'expertise médicale réglementaire, qui met en évidence une affection pouvant être qualifiée de modérée et non de légère, doit prévaloir ; en outre, il s'est vu proposer, par protocole transactionnel, le 6 août 2021, une indemnisation en réparation des préjudices subis à la suite de l'opération extérieure en Afghanistan entre avril et juillet 2012, ce qui montre que l'état de stress post traumatique est bien consécutif à sa participation à l'opération " PAMIR " ; - si la cour devait estimer qu'il existe un doute sur le taux d'incapacité qu'il y a lieu de retenir, une mesure d'expertise présenterait un caractère d'utilité, d'autant que le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité et la commission consultative médicale ont rendu leur avis sans respecter le principe du contradictoire. Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version en vigueur à la date de la demande de pension, ne prévoit pas de présomption d'imputabilité au service ; en outre, la présomption légale concerne les appelés du contingent alors que l'intéressé servait en qualité d'engagé sous contrat ; il appartient ainsi à l'intéressé d'établir que son infirmité a été éprouvée ou aggravée par le fait ou à l'occasion du service ; - le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a estimé que l'intéressé présentait des troubles importants du comportement chez une personnalité hyper-expressive, en grandes difficultés relationnelles, et que ses revendications portent essentiellement sur l'indifférence de l'institution le concernant ; il a donc estimé qu'une petite partie seulement des symptômes pouvaient être indemnisés, à hauteur de 10 %, et que la seconde infirmité, tenant à un syndrome anxiodépressif, qui préexistait à la mission en Afghanistan et qui peut être évaluée à 25 %, était sans relation médicale avec le service ; la coexistence de ces deux pathologies a été confirmée par la commission consultative médicale ; - la pension d'invalidité ne peut être définitive tant que la maladie n'est pas regardée comme incurable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; d'ailleurs, l'expert qui avait examiné M. C... dans le cadre de l'instruction de sa demande a, en vue du renouvellement de sa pension, revu l'intéressé et conclu qu'à la date du 30 janvier 2020, le taux d'incapacité est de 25 %, dont 10 % imputable au service, ce qui confirme l'existence de deux pathologies distinctes. Par une ordonnance du 25 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2022 à 12 heures. Un mémoire, présenté par la ministre des armées, a été enregistré le 28 juin 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction. Par lettre du 26 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré ce que la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux était irrecevable faute d'avoir été précédée du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. C... et le ministre des armées ont présenté des observations en réponse à ce moyen relevé d'office, enregistrées respectivement les 3 et 8 novembre 2023. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment son article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2018-1292 du 28 décembre 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A... ; - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique ; - les observations de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 23 juillet 1972, a été appelé au sein de l'armée de terre le 1er juin 1993, puis a servi par des engagements successifs à compter du 4 mars 1997. Il a été radié des contrôles le 1er février 2014 au grade de caporal-chef de première classe. Le 24 janvier 2017, il a présenté une demande de pension militaire d'invalidité pour " troubles du comportement " après avoir réalisé une mission en Afghanistan d'avril à juillet 2012. Par un arrêté du 20 mai 2019, M. C... s'est vu concéder, pour une période de trois ans, une pension d'invalidité mixte au taux global de 10 % à raison d'un " état de stress post-traumatique modeste avec hyper vigilance et troubles du sommeil ". Insatisfait du taux retenu, qu'il souhaitait voir porter à 30 %, M. C... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux afin d'obtenir l'annulation de l'arrêté ministériel du 20 mai 2019, en tant qu'il a retenu un taux d'invalidité de 10 %. M. C... relève appel du jugement du 16 novembre 2021 qui a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les recours contentieux contre les décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II sont précédés d'un recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 711-1 du même code : " Tout recours contentieux formé à l'encontre des décisions individuelles prises en application des dispositions du livre Ier et des titres Ier à III du livre II du présent code est précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif préalable obligatoire examiné par la commission de recours de l'invalidité, placée conjointement auprès du ministre de la défense et du ministre chargé du budget. (...) ". Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er novembre 2019, en application de l'article 6 du décret du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense 3. Il résulte de l'instruction que M. C... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux le 4 décembre 2019, soit postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions des articles L. 711-2 et R. 711-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre instaurant un recours administratif préalable avant la saisine du juge. Il n'est pas établi que l'intéressé ait saisi la commission de recours de l'invalidité avant d'introduire sa demande de première instance devant le tribunal. Si la notification de la décision du 27 mai 2019 ne mentionne pas l'existence et le caractère obligatoire de ce recours administratif préalable, cette circonstance a pour seule conséquence d'empêcher le délai de recours de courir, mais ne régularise pas l'absence de recours préalable obligatoire. Par suite, la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux était irrecevable. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de sa requête d'appel, que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que lui soit accordée une pension militaire d'invalidité à titre définitif à un taux de 30 %, ainsi qu'à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023. Le rapporteur, Olivier A... La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX04554
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/12/2023, 22MA01129, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux de l'infirmité " acouphènes gauches permanents " à 20 %, et celui de l'infirmité " hypoacousie bilatérale " à 10 %, et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit. Par un jugement n° 2009932 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2022, et les 9 et 10 mars 2023, M. B..., représenté par Me Uzan-Kauffman, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 mars 2022 ; 2°) de juger que les infirmités d'acouphènes gauches permanents et d'hypoacousie se sont aggravées à raison d'un degré d'invalidité supplémentaire de 20 % et qu'il présente une perte de sélectivité justifiant un droit à pension de 10 % ; 3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise judiciaire afin de décrire les infirmités dont il est atteint, de dire si celles-ci présentent un lien avec le service et d'évaluer le pourcentage d'invalidité qui doit être retenu ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de Me Uzan-Kauffman. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a considéré l'administration et à ce qu'a jugé le tribunal, des acouphènes permanents qui résultent d'un traumatisme sonore peuvent s'aggraver et il incombe en conséquence à l'administration d'établir l'existence d'une cause étrangère à ce traumatisme pour dénier toute imputabilité de l'aggravation de ces séquelles ; - il a été soumis à des agressions sonores constantes, en service, depuis 2008 et les conditions générales de service ne constituent pas une cause d'exclusion de l'imputabilité au service ; - s'agissant de l'hypoacousie, sa contestation ne portait pas sur le taux d'invalidité, mais sur la perte de sélectivité, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ; - cette perte de sélectivité s'est aggravée depuis 2008 et doit se voir attribuer un taux d'invalidité de 10 %. Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 février et 27 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 13 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2023, à 12 heures, puis par une ordonnance du 10 février 2023, a été reportée au 10 avril 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans l'armée de terre le 5 janvier 2007 et radié des contrôles le 27 mars 2021, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, au taux de 50 %, pour l'infirmité liée à son état de stress post-traumatique, et pour l'infirmité d'acouphènes permanents, dont il a demandé le 3 août 2018 la révision pour aggravation de cette seconde infirmité et pour apparition d'une infirmité nouvelle liée à une hypoacousie bilatérale. Par une décision du 2 janvier 2020, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par une décision du 16 octobre 2020, la commission du recours de l'invalidité a rejeté le recours de M. B... contre cette décision. Par un jugement du 8 avril 2022, dont il relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision et à ce que lui soient attribués les taux d'invalidité supplémentaire de 20 % et de 10 % au titre de l'aggravation de ses acouphènes permanents et de l'infirmité nouvelle d'hypoacousie bilatérale. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour aggravation des acouphènes permanents : 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités se trouve augmenté d'au moins dix points. Il résulte de ces mêmes dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère ne vienne aggraver l'état de l'intéressé et qu'ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de pension. 3. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport du médecin, expert en oto-rhino-laryngologie, établi le 20 juin 2019 après examen de M. B..., que l'aggravation des acouphènes gauches permanents dont il souffre depuis son accident de service survenu en opération extérieure en Afghanistan le 18 août 2008, est en relation directe et certaine, non seulement avec ce fait de service, qui a justifié que cette infirmité soit reconnue imputable au service et ait ouvert droit à pension, mais encore avec les traumatismes sonores répétés par tirs à l'arme de guerre qu'il a subis dans le cadre de ses fonctions. Ce même rapport, corroboré dans cette mesure par l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, propose de retenir, au titre de cette aggravation, le taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, portant le taux de la pension de M. B... à 20 %. Certes, contrairement à ce qu'a considéré la commission de recours de l'invalidité et à ce que soutient le ministre des armées, aucune disposition non plus qu'aucun principe ne font obstacle à ce que l'aggravation de traumatismes sonores, dont les acouphènes permanents, si elle est seulement due à l'évolution physiologique, justifie une révision du taux de pension du militaire. Cependant, l'exposition de M. B... à des nuisances sonores causées par des exercices de tirs, qui constituent des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires de l'armée de terre sur un théâtre d'opération ou d'entraînement soumis, à cet égard, à des contraintes et sujétions identiques quelle que soit l'unité à laquelle ils appartiennent ou la mission qui leur est assignée, ne peut fonder l'imputabilité au service de la part d'aggravation de ses acouphènes qui leur est attribuée par l'expert. Ainsi, le taux d'invalidité supplémentaire lié à l'aggravation des acouphènes permanents de M. B... et directement imputable au service étant nécessairement inférieur à 10 % suivant les éléments d'appréciation retenus par le médecin expert et non contredits par l'intéressé, celui-ci n'est pas fondé à prétendre à ce titre à la révision de sa pension. Sur la régularité et le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour hypoacousie bilatérale : En ce qui concerne la régularité : 4. Le guide-barème des invalidités, qui constitue l'annexe 2 au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicable au présent litige, précise, en ce qui concerne les diminutions d'acuité auditive : " Pour tenir compte des pertes de sélectivité importantes qui peuvent être la conséquence d'une atteinte post-traumatique ou toxique, ces taux seront majorés de 10 lorsque, pour la meilleure oreille (celle dont la PA est la moins accentuée), la différence des seuils d'audition sur les fréquences 4 000 et 1 000 Hz (4 000 - 1 000) est égale ou supérieure à 50 dB, à la condition toutefois que la perte auditive moyenne en dB (PA) de la meilleure oreille soit inférieure à 60 dB, car la gêne fonctionnelle qui résulte d'une perte de sensibilité supérieure n'est que fort peu aggravée par la perte de sélectivité ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque les conditions qu'elles prévoient sont réunies, la perte de sélectivité ne peut être retenue que sous la forme d'une majoration du taux de l'hypoacousie, et non d'une infirmité distincte. 5. En jugeant, au point 6 de son jugement, qu'il résultait de l'instruction que le taux d'invalidité correspondant à l'infirmité " hypoacousie bilatérale " était nul, le tribunal, qui a ainsi considéré que M. B... ne souffre à cet égard d'aucune gêne fonctionnelle, a implicitement mais nécessairement écarté son argumentation, qui était ainsi inopérante, tirée de l'existence d'une perte de sélectivité qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ne constitue pas une infirmité distincte. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est entaché d'une omission à statuer. En ce qui concerne le bien-fondé : 6. Il résulte du rapport du médecin expert en oto-rhino-laryngologie du 20 juin 2019 non seulement qu'au jour de sa demande de révision, l'hypoacousie dans les fréquences aigües dont souffre M. B... correspond à un taux d'invalidité nul, mais encore que ces troubles sont dus aux traumatismes sonores causés par les tirs répétés à arme de guerre et ne sont associés à aucune perte de sélectivité. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, alors même qu'en 2009, le médecin expert avait relevé une perte de sélectivité à l'oreille droite et proposait à ce titre un taux d'invalidité de 10 %, il ne résulte ni de l'examen d'expert réalisé en 2011, qui n'a alors isolé aucune perte de sélectivité, ni de ceux du 10 janvier 2018, qu'au jour de sa demande de révision, son hypoacousie bilatérale se serait aggravée à raison d'un degré d'invalidité supérieur à 10 %, et que cette affection serait associée à une perte de sélectivité susceptible de justifier la majoration de ce taux, dans les conditions énoncées au point 4. Par suite M. B... n'est pas fondé à solliciter la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre d'une hypoacousie bilatérale avec perte de sélectivité. 7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise judiciaire, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Uzan-Kauffman et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. N° 22MA011292
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/12/2023, 23NT01523, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la présidente de l'université de Bretagne Sud a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie et a procédé au retrait de l'arrêté du 25 novembre 2019 le plaçant en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. Par un jugement n°2005327 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. D..., représenté par Me Matel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2020 de la présidente de l'université de Bretagne Sud refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) de mettre à la charge de l'université de Bretagne Sud une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le jugement attaqué a retenu une circonstance particulière de nature à détacher sa pathologie du service : * il n'y a aucune simultanéité entre ses premiers arrêts de travail et l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, sa maladie résulte d'une surcharge de travail et de la dégradation de ses relations avec son supérieur hiérarchique ; * plusieurs médecins ont estimé que sa pathologie présentait un lien direct et exclusif avec le service et aucun état pathologique antérieur n'a été constaté. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, la présidente de l'université de Bretagne Sud conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. D... sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique ; - et les observations de Me Matel pour M. D... et de Me Allaire pour l'université de Bretagne Sud. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., enseignant à l'institut universitaire technologique (IUT) de Vannes, composante de l'université de Bretagne Sud, a été placé en congé de maladie ordinaire du 3 au 20 avril 2018. Il a été de nouveau placé en congé de maladie ordinaire du 14 au 30 juin 2018, puis, à compter du 6 août 2018, en raison d'un état anxio-dépressif. Le 12 juillet 2018, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Parallèlement à cette demande, il a été placé en congé de longue maladie du 6 août 2018 au 5 août 2019, puis en congé de longue durée. Après avis de la commission départementale de réforme, le président de l'université de Bretagne Sud a, par un arrêté du 25 novembre 2019, placé M. D... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. Par une décision du 18 novembre 2020, la présidente de l'université de Bretagne Sud a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressé et a procédé au retrait de l'arrêté du 25 novembre 2019 le plaçant en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. Le requérant relève appel du jugement du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 de la présidente de l'université de Bretagne Sud. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande d'expertise sollicitée par l'administration, le Dr F..., psychiatre, a estimé dans son rapport du 12 septembre 2018 que " M. D... ne présentait pas d'antécédent susceptible de constituer un état pathologique antérieur et que le lien entre la symptomatologie de syndrome anxio-dépressif majeur présentée et le contexte professionnel était direct et certain ". La contre-expertise demandée par la commission de réforme conduite par le Dr A... a conclu que : " l'état pathologique n'est pas antérieur à la maladie professionnelle et il n'y a donc pas lieu dans ce cas d'établir un taux d'incapacité permanente partielle. ". La commission de réforme, lors de sa séance du 17 octobre 2019, a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de M. D... à compter du 30 juin 2017 en précisant qu'il n'existait " pas d'état antérieur au vu des deux expertises ". Rien ne permet de remettre en cause les avis concordants rendus par les différents praticiens ayant eu à connaître du cas de M. D..., sa maladie doit donc être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. 5. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. D... a été convoqué, le 29 mars 2018, à un entretien avec le directeur de l'IUT pour un comportement inadapté à l'égard de plusieurs collègues de sexe féminin. Réunie le 26 novembre 2018, la commission disciplinaire lui a infligé une interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche à l'université de Bretagne Sud pendant une durée d'un an, avec privation de la moitié de son traitement. M. D... a fait appel de cette sanction devant le conseil national de l'enseignement supérieur. Si les premiers troubles du syndrome anxio-dépressif du requérant sont apparus dès juin 2017, ainsi que l'attestent les certificats médicaux des 20 août et 6 novembre 2018 des Dr B..., médecin traitant de M. D..., et du Dr C..., psychiatre, le premier arrêt maladie de M. D... est intervenu le 3 avril 2018, soit juste après sa convocation à un entretien avec le directeur de l'IUT, qui devait se tenir le 5 avril 2018 et a été reporté au 26 avril suivant. La demande initiale de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie de M. D... est intervenue le 12 juillet 2018, soit près de 4 mois après la découverte des faits fautifs portés à la connaissance de l'agent. Comme le relève le Dr C... le 6 novembre 2018, une nette aggravation des troubles voire une décompensation aigüe a été constatée à compter d'avril 2018, à la suite de l'engagement de la procédure disciplinaire à l'encontre de M. D..., qui a constitué l'élément déclencheur de son placement en arrêt de travail et un facteur déterminant dans la décompensation dépressive de l'intéressé. Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que les faits à l'origine de la sanction auraient été favorisés par les conditions d'exercice des fonctions de l'intéressé. Par ailleurs, il est constant que l'administration disposait de plusieurs témoignages précis et circonstanciés de personnes sans lien entre elles, justifiant l'engagement d'une procédure disciplinaire dont il n'est ni allégué ni établi qu'elle se serait déroulée dans des conditions irrégulières. Aucun élément ne permet davantage de révéler, de la part de l'employeur, une volonté délibérée de porter atteinte aux droits, à la dignité, ou d'altérer la santé de M. D.... Dans les circonstances de l'espèce, l'engagement de la procédure disciplinaire, concomitante aux premiers arrêts de travail du requérant, constitue une circonstance particulière de nature à détacher la pathologie du service. C'est donc sans commettre d'erreur d'appréciation que l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de M. D.... 6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Bretagne Sud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme réclamée par la commune de Pleyben au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'université de Bretagne Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à l'université de Bretagne Sud. Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gelard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. Le rapporteur F. PONS Le Président O. COIFFET La greffière I. PETTON La République mande et ordonne la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01523
Cours administrative d'appel
Nantes