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Conseil d'État, 4ème chambre, 01/03/2024, 474337, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 et 31 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision du 14 décembre 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'indemnisation du 5 avril 2022, en réparation du préjudice subi qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de procédures engagées devant la juridiction administrative ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de ce préjudice ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. M. A... demande, d'une part, l'annulation de la décision du 14 décembre 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de plusieurs procédures qu'il a engagées devant la commission des recours des militaires, le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d'appel de Marseille et, d'autre part, la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ce préjudice. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. La décision du garde des sceaux, ministre de la justice, a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. A..., qui, en formulant les conclusions analysées au point précédent, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet de la demande formée par le requérant, qui conduit le juge à se prononcer sur ses droits à indemnisation, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice s'est prononcé sur sa réclamation préalable et par laquelle il a lié le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de ce que cette décision serait signée par une autorité incompétente et serait entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat : 3. Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect. Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu notamment, de l'exercice des voies de recours, particulière à chaque instance et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement. Lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive. Lorsque des dispositions applicables à la matière faisant l'objet d'un litige organisent une procédure préalable obligatoire à la saisine du juge, la durée globale de jugement doit s'apprécier, en principe, en incluant cette phase préalable. La durée globale de jugement, en vertu des principes rappelés ci-dessus, est à prendre en compte jusqu'à l'exécution complète de ce jugement. S'agissant du litige relatif au rapport circonstancié après accident : 4. Il résulte de l'instruction que M. A..., marin-pompier au bataillon des marins pompiers de Marseille (BMPM), a demandé en mai 2017 au commandant de ce bataillon de lui communiquer le rapport circonstancié qui avait dû être rédigé à la suite de l'accident survenu dans la nuit du 3 au 4 octobre 2014. Par une décision du 5 juillet 2017, le commandant lui a opposé un refus. M. A... a alors saisi, le 24 juillet 2017, la commission des recours des militaires d'un recours contre cette décision de refus. Ce recours a été implicitement rejeté par la ministre des armées. Par une ordonnance du 30 avril 2019, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté son recours contre la décision initiale. Par une ordonnance du 11 juillet 2019, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de M. A... contre cette ordonnance. Par une décision du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille contre laquelle M. A... s'était pourvu en cassation. Par un arrêt du 1er octobre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat après cassation, a enjoint à la ministre des armées de faire établir un rapport circonstancié sur la maladie déclarée par M. A... et de l'inscrire sur le registre des constatations de son unité d'affectation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Le 5 novembre 2021, M. A... a demandé à la cour administrative de Marseille l'exécution de cet arrêt. Le 11 février 2022, cette cour a communiqué à M. A... les observations du ministre des armées selon lesquelles le rapport circonstancié sur la maladie de M. A... a été établi et inscrit au registre des constatations du BMPM. Le 25 février 2022, M. A... a demandé à la cour qu'il soit enjoint au ministre des armées d'établir à nouveau le rapport dès lors que l'un de ses signataires y avait porté une mention manuscrite indiquant que l'imputabilité au service restait à démontrer. Par une lettre du 3 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a informé M. A... que l'arrêt du 1er octobre 2021 n'appelait pas d'autres mesures d'exécution dès lors que le rapport circonstancié avait bien été établi, que la mention critiquée n'impliquait pas qu'il soit enjoint au ministre de rédiger un nouveau rapport et que le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille avait reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie. 5. S'il résulte de l'instruction que M. A... n'a obtenu du ministre des armées l'entière exécution de l'arrêt du 1er octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille que le 11 février 2022, date à laquelle il a reçu communication du rapport circonstancié, le caractère excessif de la durée d'une procédure juridictionnelle n'ouvre droit à la réparation que des préjudices qui résultent du mauvais fonctionnement du service public de la justice, et non de ceux qui trouvent leur origine directe dans le comportement de l'administration dans l'exécution de la décision juridictionnelle. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'arrêt du 1er octobre 2021 n'impliquait plus de mesures d'exécution à la suite de la communication, le 11 février 2022, du rapport circonstancié inscrit au registre du BMPM. En outre, le délai de communication de ce rapport n'est pas imputable à la cour administrative d'appel de Marseille. Il n'y a donc lieu, pour statuer sur sa requête, que d'examiner la durée totale de la procédure préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires et de la procédure juridictionnelle. A cet égard, il résulte de l'instruction que la durée totale de la procédure depuis la saisine de la commission de recours des militaires est de quatre ans et deux mois. En outre, la durée de la procédure devant le tribunal administratif de Marseille est d'un an et trois mois et celle de la procédure devant la cour administrative d'appel de Marseille statuant sur renvoi du Conseil d'Etat est de près de neuf mois. Aucune de ces durées ne présente de caractère excessif. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement aurait été méconnu. S'agissant des procédures relatives à la contestation de la décision de réforme et de radiation des contrôles et des conditions de placement en congé de longue durée pour maladie : 6. Il résulte de l'instruction que M. A... a saisi la commission des recours des militaires le 20 septembre 2017 d'un recours tendant à l'annulation de la décision le plaçant en congé de longue durée pour maladie à demi-solde non imputable au service pour une sixième période de six mois non renouvelable, puis, le 17 août 2018, d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2018 prononçant sa radiation des contrôles pour réforme définitive. Par un jugement du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé les décisions de la commission des recours des militaires rejetant les recours de M. A... et, d'autre part, enjoint à l'Etat de reconnaître la pathologie de M. A... imputable au service, de le placer en congé de longue durée pour maladie à pleine solde du 13 juillet 2017 au 12 janvier 2018 et, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de réexaminer les droits de M. A... au bénéfice d'un congé de longue durée pour maladie. M. A... a relevé appel de ce jugement le 22 juillet 2021 devant la cour administrative d'appel de Marseille, tout en demandant au tribunal administratif de Marseille d'assurer l'exécution de son jugement en prononçant une astreinte à l'encontre de l'Etat. Par un arrêt du 21 avril 2023, la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... dès lors que postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, le ministre des armées a assuré l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 2021 en réintégrant M. A... dans la marine nationale par une décision du 13 juillet 2022 et en le plaçant en congé de longue durée pour maladie pour une affection présumée imputable au service, par une décision du 25 octobre 2022. 7. Il résulte de l'instruction que les procédures devant la commission des recours des militaires ont duré respectivement onze et sept mois. Les procédures devant le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d'appel de Marseille ont duré respectivement deux ans et deux mois et un an et neuf mois. Aucune de ces durées n'est excessive, et la durée globale de la procédure, à compter de la première saisine de la commission des recours des militaires, de cinq ans et sept mois, ne présente pas non plus de caractère excessif. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement aurait été méconnu. Il n'est pas davantage fondé, en tout état de cause, à soutenir que le délai d'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille, lequel est imputable à l'administration, résulterait d'une faute lourde du tribunal administratif dans l'exercice de la fonction juridictionnelle, et à demander réparation du préjudice qu'il invoque à ce titre. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2023 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat-rapporteure. Rendu le 1er mars 2024. La présidente : Signé : Mme Maud Vialettes La rapporteure : Signé : Mme Catherine Fischer-Hirtz Le secrétaire : Signé : M. Jean-Marie BauneECLI:FR:CECHS:2024:474337.20240301
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX02979, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Saint-Denis d'annuler la décision du 3 août 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de cervicalgies. Par un jugement n° 1901577 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 13 juillet 2021 et des mémoires enregistrés les 3 mai, 24 mai et 2 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Lemée, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de lui accorder un droit à pension au taux de 10 % pour l'infirmité de cervicalgies, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise avant dire droit. Il soutient que : - la présentation de sa requête par l'application Télérecours citoyens vaut signature électronique ; - il limite sa demande aux cervicalgies, et le litige pour lequel l'administration invoque l'autorité de la chose jugée ne portait pas sur cette infirmité ; - l'infirmité de " cervicalgies avec mobilité quasi normale " retenue par l'administration ne correspond ni aux limitations conséquentes en rotation et en flexion avec douleurs et névralgies cervico-brachiales intermittentes décrites par l'expert, ni à l'imagerie mettant en évidence un état très dégradé du rachis cervical ; les névralgies ont été confirmées par une IRM réalisée en urgence pour suspicion d'AVC et sont évaluées à 15 à 40 % par le guide barème ; les imageries médicales et l'expertise démontrent une immobilisation partielle de la tête et du tronc ; il présente une limitation fonctionnelle dans ses activités sportives ; les cervicalgies doivent ainsi être évaluées à 10 % ; - selon le docteur D..., l'atteinte des dorsales et des cervicales constitue une complication de la blessure initiale ; s'il a quitté le service actif le 6 juin 2000, il a servi dans la réserve opérationnelle durant plus de deux mois par an de 2002 à 2018 ; il a continué à sauter en parachute jusqu'en 2007 et a participé à trois opérations extérieures en 2011, 2012 et 2015 ; le traumatisme lombaire du 3 mai 1989 a causé des lésions sur l'ensemble du rachis, même si le vieillissement a pu les aggraver ; ainsi, l'infirmité de cervicalgies est en lien avec l'accident du 3 mai 1989. Par des mémoires en défense enregistrés les 8 février, 13 mai, 14 juin et 18 juillet 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête d'appel non signée est irrecevable ; - la présente instance ne saurait concerner d'autres pathologies que celle qui a fait l'objet de la décision du 3 août 2018 ; - la précédente demande de pension pour l'infirmité de cervicalgies a été rejetée par une décision du 12 septembre 2012, et le recours contentieux de M. B... a été définitivement rejeté ; eu égard à l'autorité de la chose jugée, la nouvelle demande présentée le 4 novembre 2016 pour la même infirmité était irrecevable, alors même que l'administration l'a instruite ; - le taux de 10 % ouvrant droit à pension correspond à des signes fonctionnels non décrits par l'expert ; les névralgies cervico-brachiales intermittentes ne correspondent pas à celles pour lesquelles le guide barème retient un taux de 15 à 40 % ; - les radiographies témoignent de lésions arthrosiques dégénératives dues au vieillissement, lesquelles ne trouvent pas leur origine dans un traumatisme particulier et ne constituent pas le prolongement des lombalgies indemnisées ; en l'absence de preuve de l'existence d'un fait précis à l'origine de l'affection invoquée, les multiples microtraumatismes subis par les militaires servant dans les unités parachutistes ne sauraient être regardées comme des circonstances particulières de service pour l'application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; M. B... ne démontre pas avoir été victime d'un traumatisme durant ses périodes de réserve ; l'imputabilité des cervicalgies au traumatisme lombaire du 3 mai 1989 n'est pas établie, et au demeurant, M. B... est pensionné pour des lombalgies en lien avec un accident survenu le 2 juin 1982. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Lemée, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans l'armée le 26 janvier 1972 et radié des cadres pour admission à la retraite le 6 juin 2000 au grade de capitaine, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 10 % par arrêté du 16 janvier 2012, avec jouissance à compter du 26 janvier 2001, pour l'infirmité de lombalgies chroniques avec raideur du rachis en lien avec une blessure survenue en service et constatée le 2 juin 1982. Le 4 novembre 2016, il en a sollicité la révision pour la prise en compte de l'infirmité de cervicalgies. Par une décision du 3 août 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande sans qu'il soit besoin de rechercher l'origine de cette infirmité, au motif que le taux d'invalidité était inférieur à 10 %. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Saint-Denis. La procédure a été transmise au tribunal administratif de La Réunion en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. M. B... relève appel du jugement du 29 mars 2021 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " 3. La première demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... pour l'infirmité de cervicalgies a été rejetée par une décision du 12 septembre 2012 au motif que le taux de 10 % n'était pas atteint, après une expertise réalisée le 9 juin 2011 qui n'a rattaché les cervicalgies à aucun événement survenu en service. Dans sa seconde demande enregistrée le 4 novembre 2016, M. B... a invoqué une aggravation de son état. L'expert qui l'a examiné le 2 mai 2018 a constaté à l'examen clinique un enraidissement du rachis cervical avec une limitation de l'inclinaison latérale, de la rotation ainsi que de l'extension et de la flexion, alors que les radiographies mettaient en évidence une ostéophytose (excroissance osseuse en lien avec une cervicarthrose) C6-C7, des lésions étagées d'arthrose entre C4 et D7 et une hernie C4-C5. Si l'expert a relevé que M. B... avait été victime de nombreux microtraumatismes dans le cadre de son activité de parachutiste, il a précisé que les cervicalgies ne pouvaient être rattachées à aucun traumatisme particulier, ce que le requérant, pensionné pour des lombalgies en lien avec une blessure constatée le 2 juin 1982, ne conteste pas utilement en invoquant un autre traumatisme du 3 mai 1989, non documenté, ayant causé des douleurs intenses au niveau lombaire, et en indiquant, sans se prévaloir d'aucun accident, qu'il a continué à sauter en parachute jusqu'en 2007 dans le cadre de ses services dans la réserve opérationnelle. Dans ces circonstances, et alors que les cervicalgies sont en lien avec des lésions dégénératives d'arthrose documentées pour la première fois par une radiographie du 1er décembre 2008, l'existence d'un lien de causalité avec une blessure ou un accident survenu en service ne peut être regardée comme établie. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ni d'ordonner une nouvelle expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02979
Cours administrative d'appel
Bordeaux
Conseil d'État, 6ème chambre, 06/03/2024, 464086, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 24 avril 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les cervicalgies, la discarthrose cervicale et les séquelles de la fracture du gros orteil droit dont il souffre. Par un jugement n° 1903894 du 30 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 20NT02718 du 15 mars 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... contre ces jugements. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 mai et 12 juillet 2022, M. A... demande au Conseil d'État : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui a servi dans la Légion étrangère de 2001 à 2004, a demandé, le 8 janvier 2015, le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre, d'une part, des cervicalgies à caractère chronique, discarthrose cervicale étagée de C4 à C7 qu'il impute à l'accident de service dont il a été victime le 13 mai 2002 à Djibouti et, d'autre part, des séquelles fonctionnelles qu'il a conservées à la suite d'une fracture de la deuxième phalange du gros orteil droit survenue le 22 octobre 2003 en Côte d'Ivoire dans le cadre d'un entraînement sportif. Par une décision du 24 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif, d'une part, que la première infirmité entraînait un taux d'invalidité de 20 %, inférieur au minimum de 30 % ouvrant droit à pension pour les maladies contractées en temps de paix, et, d'autre part, que la seconde infirmité entraînait un taux d'invalidité de 8 %, inférieur au seuil de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension au titre des accidents de service. M. A... a attaqué cette décision devant le tribunal administratif d'Orléans qui, par un jugement du 30 juin 2020, a rejeté sa demande. Par un arrêt du 15 mars 2022 contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre ces deux jugements. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 5 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4, les pensionnés ou postulants à pension à raison d'infirmités résultant de blessures reçues ou de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service accompli : / (...) Soit (...) au cours d'opérations ouvrant droit au bénéfice de campagne double ou en captivité, ont droit à pension si l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 % (...) ". S'agissant des cervicalgies : 5. En premier lieu, en jugeant, en se fondant notamment sur un avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commission de réforme sur le droit à pension d'invalidité du 26 aout 2016 ainsi que sur les conclusions d'une expertise du 20 novembre 2018 diligentée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité, que le requérant n'établissait pas que les pathologies diagnostiquées en 2007 présenteraient un lien direct et certain avec l'accident qu'il a subi dans le cadre de ses fonctions le 13 mai 2002, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en estimant qu'un supplément d'instruction sur ce point ne présenterait pas un caractère utile, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des circonstances de l'espèce qui n'est entachée ni d'une dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis, ni d'une erreur de droit. 7. Enfin, aux termes de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dont les dispositions n'étaient pas applicables à la date à laquelle M. A... a présenté sa demande : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-5, ont droit à pension, dès que l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 %, les militaires dont les infirmités résultent de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service lorsque celui-ci est accompli (...) 3° En opérations extérieures (...) ". 8. S'il appartient au juge administratif, saisi d'une demande dirigée contre une décision refusant le bénéfice d'une pension, de rechercher si des dispositions législatives et réglementaires intervenues postérieurement au fait générateur à la date duquel les droits à pension de l'intéressé doivent être normalement appréciés sont susceptibles d'affecter ces droits dès lors que le législateur a entendu leur donner une telle portée, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions de l'article L. 121-6 soulevé par le requérant devant les juges du fond était inopérant dès lors que la cour avait jugé que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les cervicalgies et l'accident invoqué n'était pas établi. Il convient, par suite et ainsi que le soutient le ministre des armées, de l'écarter pour ce motif, qui doit être substitué à celui retenu par les juges du fond. S'agissant des séquelles de la fracture de l'orteil droit : 9. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ". Il incombe, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile. 10. En estimant, au vu notamment des éléments fournis par l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité dans son rapport du 20 novembre 2018, qu'une nouvelle expertise relative au taux d'invalidité de cette infirmité ne présenterait pas un caractère utile, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des circonstances de l'espèce qui n'est entachée ni d'une dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis, ni d'une erreur de droit. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 6 mars 2024. Le président : Signé : M. Stéphane Hoynck La rapporteure : Signé : Mme Laëtitia Malleret La secrétaire : Signé : Mme Laïla KouasECLI:FR:CECHS:2024:464086.20240306
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 2ème chambre, 11/03/2024, 473488, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 13 mars 2018 par laquelle la direction générale des finances publiques a suspendu le paiement des arrérages de la pension qui lui a été attribuée le 26 février 2018 du montant de la rente viagère d'invalidité servie par la CNP Assurances à compter du 1er janvier 2002, ainsi que le titre de pension qui fait application de cette minoration et, d'autre part, d'annuler la décision du 7 juillet 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande de révision de sa pension. Par un jugement nos 2003848, 2010344 du 19 juillet 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21MA04023 du 5 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 466845 du 10 mars 2023, le Conseil d'État, statuant au contentieux, n'a pas admis le pourvoi formé par M. B... contre cet arrêt. Recours en révision et en rectification d'erreur matérielle Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 avril et 26 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'État : 1°) de réviser ou, à titre subsidiaire, de rectifier pour erreur matérielle la décision du 10 mars 2023 ; 2°) de déclarer nulle et non avenue cette décision ; 3°) statuant à nouveau sur son pourvoi, d'annuler l'arrêt du 5 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille ; 4°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur, - les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : Sur le recours en révision : 1. Aux termes de l'article R. 834-1 du code de justice administrative : " Le recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat ne peut être présenté que / (...) / 3°) Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision ". 2. À l'appui de son recours en révision, M. B... soutient que le Conseil d'État, statuant au contentieux, a omis de se prononcer sur les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'insuffisance de motivation tenant à ce qu'en faisant application des dispositions des articles L. 112 et L. 219 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la cour administrative d'appel s'est non seulement méprise sur la règle applicable en faisant application de dispositions abrogées mais n'a pas appliqué les dispositions en vigueur qui permettaient de faire droit à ses prétentions. Toutefois, cette circonstance, qui constitue seulement un cas d'ouverture du recours en rectification d'erreur matérielle, n'est pas de nature à rendre recevable le recours en révision sur le fondement du 3° de l'article R. 834 1 du code de justice administrative. Sur le recours en rectification d'erreur matérielle : 3. Aux termes des dispositions de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification (...) ". Le recours en rectification d'erreur matérielle n'est ouvert qu'en vue de corriger des erreurs de caractère matériel qui ne sont pas imputables aux parties et qui ont pu avoir une influence sur le sens de la décision. Les appréciations d'ordre juridique auxquelles se livre le Conseil d'Etat pour statuer sur l'argumentation des parties ne sont pas susceptibles d'être remises en cause par la voie du recours en rectification d'erreur matérielle. 4. A l'appui de son recours en rectification d'erreur matérielle, M. B... soulève le moyen énoncé au point 2. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, le Conseil d'État, statuant au contentieux, qui n'avait pas à détailler l'argumentation du requérant, a bien visé et analysé les moyens soulevés par M. B.... 5. Il résulte de tout ce qui précède que le recours en révision et en rectification d'erreur matérielle présenté par M. B... n'est pas recevable et doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 29 février 2024 où siégeaient : M. Jean-Yves Ollier, assesseur, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur. Rendu le 11 mars 2024. Le président : Signé : M. Jean-Yves Ollier Le rapporteur : Signé : M. Hadrien Tissandier La secrétaire : Signé : Mme Catherine XavierECLI:FR:CECHS:2024:473488.20240311
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 05/03/2024, 471604, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté sa demande de pension de victime civile de la guerre d'Algérie, et de lui accorder la pension sollicitée à compter du 2 février 2016. Par un jugement n° 1905560 du 6 octobre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 20BX03962 du 22 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a présenté le 2 février 2016 une demande tendant à l'octroi d'une pension au titre de victime civile de la guerre d'Algérie. Sa demande ayant été implicitement rejetée par la ministre des armées, il a formé un recours que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté par un jugement du 6 octobre 2020. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement. 2. Aux termes des dispositions de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, applicables à la date de la demande et reprises aux articles L.113-6 et L.124-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " (...) les personnes (...) ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause de nationalité française à la même date, droit à pension. / Ouvrent droit à pension, les infirmités ou le décès résultant : / 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements d'Algérie mentionnés à l'alinéa premier ; / 2° De maladies contractées du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements précités ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires de la loi du 13 juillet 1963, que les dommages physiques ouvrant droit à pension sur leur fondement, qui comprennent les infirmités résultant de blessures et de maladies survenues du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence, incluent les affections d'ordre psychique trouvant leur origine dans de tels actes. 3. Par suite, en jugeant que la maladie psychiatrique dont est atteint M. B..., qu'il impute aux circonstances de la disparition de son père en Algérie en juin 1962, ne pouvait ouvrir droit à pension au titre de ces dispositions au motif qu'elles excluent une telle maladie de leur champ d'application, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. 4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 22 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 12 février 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 5 mars 2024. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Julien Eche La secrétaire : Signé : Mme Eliane EvrardECLI:FR:CECHR:2024:471604.20240305
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX03380, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Poitiers, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Poitiers, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1902723 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, M. C..., représenté par Me Gomez (Lavalette avocats conseils), demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 25 juin 2019 ; 3°) d'enjoindre à la ministre de reconnaître la rechute de son état de santé comme imputable au service, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) d'ordonner une expertise judiciaire pour apprécier l'imputabilité de son état à l'accident de saut en parachute de juin 2016 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens qu'il présentait ; il n'a pas examiné l'insuffisance de motivation de la décision de la ministre et n'a pas justifié sa décision de ne pas recourir à une expertise ; - l'avis médical n'est pas suffisamment circonstancié et n'a pas recherché le lien entre ses douleurs et son état dépressif et l'accident de service de juin 2016 ; il y a lieu d'ordonner une expertise. Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - l'appel est tardif, dès lors qu'il a été présenté plus de deux mois après la décision d'aide juridictionnelle du 22 avril 2021 ; - la requête ne respecte pas l'article R. 412-2 du code de justice administrative, dès lors que l'inventaire détaillé est celui de première instance, et qu'aucune pièce n'a été jointe au dossier d'appel. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 avril 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment son article 51 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D... ; - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique ; - les observations de Me Lagrue, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., caporal-chef au sein de l'armée de terre, a été victime le 15 juin 2016, à l'âge de 27 ans, d'un accident au cours d'un saut en parachute, qui lui a occasionné des dorsalgies et cervicalgies et un traumatisme crânien sans perte de connaissance. Aucune lésion osseuse n'a été décelée dans l'immédiat, mais un scanner a révélé le 20 juillet 2016 une fracture parcellaire du plateau inférieur de D7. Il a présenté le 31 janvier 2017 une demande de pension militaire d'invalidité pour quatre infirmités, dorsalgies, cervicalgies, syndrome dépressif et céphalées temporales gauches quasi-permanentes. Par une décision du 25 juin 2019, la ministre a rejeté sa demande. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Poitiers, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Poitiers. Il relève appel du jugement du 7 janvier 2021 qui a rejeté sa demande. Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...), lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (... ) / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / (...)." Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. (...) ". Aux termes de l'article 69 du décret du 28 décembre 2020 : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ". 3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont seuls, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, vocation à contester une telle décision. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C... s'est vu notifier le jugement attaqué le 9 janvier 2021. La lettre de notification de ce jugement mentionne expressément que le délai d'appel, prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, est de deux mois. Ce délai a été interrompu par le dépôt, le 4 mars 2021, d'une demande d'aide juridictionnelle. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 22 avril 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à l'intéressé. Si cette décision mentionne le nom du conseil du requérant, et si celui-ci a pu avoir connaissance de cette décision, aucune pièce du dossier ne permet toutefois de connaître la date à laquelle elle a été notifiée à M. C.... Dans ces circonstances, en l'absence de preuve de la date d'une telle notification, le délai de recours contentieux n'avait pas recommencé à courir à l'encontre de M. C.... Par suite, contrairement à ce que soutient le ministre des armées, aucune tardiveté ne peut être opposée à sa requête d'appel, enregistrée le 6 août 2021 au greffe de la cour. 5. En second lieu, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. ". Aux termes de l'article R. 414-5 du même code issu du décret 2020-1245 du 9 octobre 2020 : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1, R. 412-2 et R. 611-1-1, le requérant est dispensé de produire des copies de sa requête, de ses mémoires complémentaires et des pièces qui y sont jointes. Il est également dispensé de transmettre l'inventaire détaillé des pièces lorsqu'il utilise le téléservice mentionné à l'article R. 414-2 ou recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application mentionnée à l'article R. 414-1. /Le requérant transmet chaque pièce par un fichier distinct, à peine d'irrecevabilité de sa requête. Cette obligation est applicable à la transmission des pièces jointes aux mémoires complémentaires, sous peine pour le requérant de voir ces pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. /Chaque fichier transmis au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 porte un intitulé commençant par le numéro d'ordre affecté à la pièce qu'il contient par l'inventaire détaillé. Lorsque le requérant recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application, l'intitulé du fichier décrit également le contenu de cette pièce de manière suffisamment explicite. Chaque pièce transmise au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 porte un intitulé décrivant son contenu de manière suffisamment explicite. /Les obligations fixées au précédent alinéa sont prescrites au requérant sous peine de voir la pièce écartée des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. (...) 6. Ces dispositions relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. 7. M. C... n'a pas produit en appel d'autres pièces que la décision attaquée. Dans ces conditions, la circonstance qu'il ait cru devoir rappeler, par la production de son bordereau d'inventaire de première instance, les pièces dont il se prévalait, dont la cour était saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne saurait nécessiter aucune régularisation, qui ne lui a donc pas été demandée. Par suite, la seconde fin de non-recevoir du ministre ne peut davantage être accueillie. Sur la régularité du jugement : 8. Contrairement à ce que soutient M. C..., le tribunal s'est prononcé, aux points 2 et 3 de son jugement, sur son moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision de rejet de sa demande de pension, qu'il a regardé comme inopérant dès lors que l'article L.151-6 du code ne prévoit la motivation que des décisions accordant une pension. La circonstance qu'un tel raisonnement serait erroné n'affecte pas la régularité du jugement, mais son bien-fondé. 9. En reprenant les conclusions de l'expertise médicale estimant que le taux d'invalidité pour les dorsalgies et cervicalgies n'atteignait pas 10 % et que les autres pathologies n'atteignaient pas 30 %, le tribunal s'est nécessairement estimé suffisamment informé, et a pu se borner à indiquer qu'il n'était pas besoin d'ordonner une expertise sans entacher son jugement d'une insuffisance de motivation sur ce point. Par suite, le jugement n'est pas irrégulier. Sur la motivation de la décision attaquée : 10. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 11. Si l'article L.151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que " la décision comportant attribution de pension est motivée ", en l'absence de dispositions spécifiques applicables aux décisions de rejet de telles demandes, celles-ci sont soumises au code des relations entre le public et l'administration, qui exige notamment à l'article L. 211-2 que soient motivées les décisions qui " refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Les décisions de refus de pension entrent dans cette catégorie et doivent donc être motivées, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. 12. Toutefois, il ressort de la décision en litige, qui vise les dispositions des articles L. 121-4 et L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qu'elle s'est fondée, après avoir reconnu l'imputabilité au service de l'accident du 15 juin 2016, sur le taux d'invalidité, après expertise médicale réglementaire, inférieur au minimum de 10 % pour les infirmités 1 et 2 résultant d'un accident, sur le taux d'invalidité inférieur au minimum de 30 % pour la maladie psychologique (infirmité 3) et a estimé que les céphalées (infirmité 4) n'entraînaient aucune gêne fonctionnelle, ce qui ne justifiait pas de rechercher l'origine des infirmités 3 et 4. Par suite, cette décision est suffisamment motivée. Sur l'opportunité d'une expertise : 13. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension de M. C... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". 14. Il ressort de l'expertise réglementaire du Dr A..., effectuée le 4 septembre 2018, que l'accident de saut en parachute du 15 juin 2016 a occasionné pour M. C... une fracture du rebord antérieur du plateau inférieur de D7, une atteinte cervicale et un traumatisme crânien avec retentissement neurologique, suivis de trois semaines de rééducation et un arrêt longue maladie de janvier 2017 à décembre 2018 avec céphalées et douleurs dorsales. Toutefois l'examen médical auquel il a été procédé n'a pas retrouvé de contractures ou déformations osseuses, ni d'amyotrophie, ni de déficit sensitivomoteur au niveau des membres inférieurs et supérieurs, et a constaté la présence des réflexes rotuliens. Le médecin agréé a conclu que les dorsalgies et les cervicalgies correspondaient chacune à un taux d'invalidité inférieur à 10 %, qu'il n'a donc pas cherché à préciser davantage. Par ailleurs, une médecin neurologue a été sollicitée pour examiner un état de stress post-traumatique ou un syndrome subjectif des traumatisés crâniens, et a estimé le 17 octobre 2018 qu'il n'y avait pas de traumatisme crânien prouvé et que les céphalées chroniques étaient en rapport avec un état dépressif réactionnel à l'accident, dont elle a fixé globalement le taux à 20 %. Dans ces conditions, l'imputabilité à l'accident de l'ensemble des affections dont souffre M. C... est suffisamment établie. 15. Toutefois, pour l'application du 2° de l'article L.121-5 précité, les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer si le taux global d'invalidité résultant d'une part de la maladie correspondant aux céphalées chroniques et à l'état dépressif réactionnel lié, d'autre part des deux blessures reconnues imputables au service à raison du même accident, atteindrait au moins 30 %. Il y a donc lieu d'ordonner une expertise sur ce point. 16. La circonstance que M. C... ait par ailleurs sollicité de l'Etat une indemnité au titre des autres préjudices que l'atteinte à son intégrité physique, demande qui a d'ailleurs fait déjà l'objet d'une expertise par son assureur-vie, ne lui permet pas de solliciter que l'expertise ordonnée dans la présente instance porte sur d'autres points que ceux utiles à la détermination de son droit à pension militaire d'invalidité. 17. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'ordonner une expertise sur la question relevée au point 15. DÉCIDE : Article 1er : Avant dire-droit sur les conclusions de la requête de M. C..., il sera procédé à une expertise par un médecin traumatologue. Article 2 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier médical de M. C... et des expertises précédemment réalisées ; - examiner M. C..., décrire les gênes occasionnées par les pathologies dont il souffre, indiquer le cas échéant si la situation a évolué depuis sa demande de pension, et déterminer les taux d'invalidité afférents aux blessures en lien avec l'accident de juin 2016, en distinguant les cervicalgies et les dorsalgies. Article 3 : Pour l'accomplissement de la mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du code de justice administrative, tous documents utiles, et notamment tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé. Il pourra également entendre toute personne dont il estimerait l'audition utile. Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Après avoir prêté serment, il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. S'il lui apparaît nécessaire de faire appel au concours d'un sapiteur, il sollicitera l'autorisation du président de la cour, comme le prévoit l'article R. 621-2 du code de justice administrative. Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport sous forme dématérialisée dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec l'accord de ces dernières, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024. La présidente-assesseure, Anne MeyerLa présidente, rapporteure, Catherine D... La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03380
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 20/02/2024, 23MA01286, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par un premier recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2007077, M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 23 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au maire de la commune de Sainte-Tulle de reconnaître cette imputabilité, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et d'ordonner avant dire droit une expertise médicale psychiatrique ayant pour objet de décrire son état de santé et d'indiquer l'existence d'antécédents psychiatriques avant 2015 et l'imputabilité au service de son état de santé actuel. Par un deuxième recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2007852, M. A... B... a demandé d'annuler une décision par laquelle le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de lui verser un demi-traitement. Par un troisième recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2104332, M. A... B... a demandé au tribunal, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 10 mai 2021 du rejet, par le maire de la commune de Sainte-Tulle, de ses demandes tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie médicalement constatée le 11 janvier 2016 et au versement de son traitement, d'autre part d'enjoindre à la commune de Sainte-Tulle, à titre principal, de lui verser un plein traitement, rétroactivement depuis le 11 janvier 2019 jusqu'à la notification de l'arrêté de la commune se prononçant sur l'imputabilité au service de sa maladie, ou, à titre subsidiaire, de lui verser un demi-traitement pour la période du 11 janvier 2021 au 15 avril 2021, et en tout état de cause de prendre une décision sur sa demande d'imputabilité au service de sa maladie médicalement constatée le 11 janvier 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un quatrième recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2104555, M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le maire de la commune de Sainte-Tulle a prolongé son placement en disponibilité d'office en raison d'une inaptitude temporaire pour une durée de douze mois à compter du 11 janvier 2021, et d'enjoindre à la commune de régulariser sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n°s 2007077, 2007852, 2104332, 2104555 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a, premièrement, joint ces quatre demandes, deuxièmement annulé l'arrêté du 23 mars 2020, la décision implicite rejetant la demande de M. B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et l'arrêté du 22 avril 2021, troisièmement enjoint au maire de Sainte-Tulle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, d'une part de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'autre part de lui verser un plein traitement à compter du 11 janvier 2019, quatrièmement mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'instance n° 2104555 et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédures devant la Cour : I - Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, sous le n° 23MA01286, la commune de Sainte-Tulle, représentée par Me Dillenschneider, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 avril 2023 ; 2°) à titre principal, de rejeter les demandes de M. B... et subsidiairement, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale psychiatrique ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune soutient que : - en considérant qu'une maladie hors tableau, n'ayant ni entraîné la mort de l'agent, ni son incapacité permanente de plus de 25 %, peut être reconnue comme maladie professionnelle, le tribunal a commis une erreur de droit ; - en jugeant qu'elle ne contestait pas les diagnostics médicaux produits par le demandeur, les premiers juges ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits de l'espèce ; - la maladie en cause n'est pas directement liée à l'exercice des fonctions ; - le tribunal ne pouvait retenir le vice de procédure entachant selon lui la décision de mise en disponibilité d'office, sans faire usage de son pouvoir d'instruction ; - les autres moyens de première instance ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Chapuis, conclut au rejet de la requête, en confirmant en tout point le jugement attaqué, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Tulle la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 19 décembre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2024, à 12 heures, puis reportée au 23 janvier 2024 à 12 heures, par une ordonnance du 8 janvier 2024. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 septembre 2023. II - Par une requête enregistrée le sous le n° 23MA01287, la commune de Sainte-Tulle, représentée par Me Dillenschneider, demande à la Cour, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement n°s 2007077, 2007852, 2104332, 2104555 rendu le 13 avril 2023 par le tribunal administratif de Marseille. La commune soutient que : - sont sérieux les moyens suivants : * en considérant qu'une maladie hors tableau, n'ayant ni entraîné la mort de l'agent, ni son incapacité permanente de plus de 25 %, peut être reconnue comme maladie professionnelle, le tribunal a commis une erreur de droit ; * en jugeant qu'elle ne contestait pas les diagnostics médicaux produits par le demandeur, les premiers juges ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits de l'espèce ; * la maladie en cause n'est pas directement liée à l'exercice des fonctions ; * le tribunal ne pouvait retenir le vice de procédure entachant selon lui la décision de mise en disponibilité d'office, sans faire usage de son pouvoir d'instruction ; - les autres moyens de première instance, que ceux retenus par le jugement attaqué, ne sont pas fondés ; - l'exécution de ce jugement présente nécessairement pour elle des conséquences difficilement réparables, en l'exposant à un risque de perte définitive des sommes mises à sa charge. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Chapuis, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Tulle la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que la commune ne justifie pas qu'elle s'exposerait à un risque de perte définitive des sommes mises à sa charge ni même que la récupération des sommes versées par la commune en exécution du jugement s'avérerait particulièrement compromise, dans la mesure où il est agent de la commune depuis de nombreuses années et y réside encore. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Dillenschneider, représentant la commune de Sainte-Tulle. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint d'animation territorial de deuxième classe, a été placé en congé de maladie ordinaire du 11 janvier 2016 au 11 janvier 2019, et à l'expiration de ces congés, en disponibilité d'office pour raison de santé, pour une durée de douze mois, par un arrêté du 25 janvier 2019. Cette mise en disponibilité a été prolongée pour une durée de douze mois, à compter du 11 janvier 2020, par un arrêté du 23 mars 2020 et pour une durée de douze mois supplémentaires, à compter du 11 janvier 2021, par un arrêté du 22 avril 2021. Par un arrêté du 23 mars 2020, pris après avis de la commission de réforme du 20 février 2020, le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... Par un jugement du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille, saisi par M. B... de quatre recours qu'il a joints, a d'une part annulé les arrêtés des 23 mars 2020 et 22 avril 2021, ainsi que la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Sainte-Tulle a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie médicalement constatée le 11 janvier 2016 et au versement de son traitement, d'autre part a enjoint au maire de la commune, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie et de verser à M. B... un plein traitement à compter du 11 janvier 2019, et a mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par sa requête n° 23MA01286, la commune de Sainte-Tulle relève appel de ce jugement, dont elle demande le sursis à exécution, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, par sa requête n° 23MA01287. 2. Les requêtes n°s 23MA01286 et 23MA01287 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité des décisions expresse et tacite refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B... : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date des décisions en litige, désormais codifié aux articles L. 822-6 à L. 822-17 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. Pour annuler les décisions par lesquelles le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., le tribunal a considéré, sur le fondement des dispositions législatives citées au point 3, d'une part que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étaient pas applicables à la demande d'imputabilité de l'intéressé, compte tenu de la date de constatation de sa maladie, le 11 janvier 2016, et d'autre part que cette pathologie était en lien direct avec le service. 6. En premier lieu, si les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, publié au journal officiel de la République française du 12 avril 2019, et pris pour l'application de cette ordonnance, les droits à congé de M. B... liés à la maladie dont il réclame l'imputabilité au service étaient constitués depuis la constatation de sa maladie, dont l'appelante ne conteste pas qu'elle a été diagnostiquée le 11 janvier 2016. Dès lors la commune ne peut utilement critiquer le jugement attaqué en se prévalant des conditions d'imputabilité des maladies professionnelles et des maladies non désignées par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, telles qu'elles résultent des dispositions de l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique, qui ne sont pas applicables au litige. 7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 13 novembre 2019, joint à l'appui de la demande d'imputabilité du 23 novembre 2019, que M. B... souffre depuis le mois d'octobre 2015 d'un syndrome dépressif réactionnel avec anxiété, d'insomnie, d'une perte de confiance en soi, avec verbalisations répétées d'un sentiment de dévalorisation et de non-reconnaissance entraînant un repli sur soi, et bénéficie, depuis le mois de janvier 2016, d'un accompagnement psychothérapeutique et médicamenteux. Il est constant que cette maladie est à l'origine de son placement en congé de maladie à compter du 11 janvier 2016, pour la durée totale de ces congés. Il ressort également de l'expertise réalisée le 6 janvier 2020 par un expert psychiatre à la demande de la commune, qui conclut à l'imputabilité de sa maladie et qui n'est pas sérieusement contredite par la commune, que l'état de santé de l'agent, qui ne présentait aucun antécédent dépressif, trouve son origine directe dans le changement de maire et d'équipe municipale en 2014 et une réorganisation des services qui se sont accompagnés, en ce qui le concerne, par un changement de bureau dépourvu de téléphone, une moindre valorisation de son rôle dans la collectivité que celle-ci concevait jusqu'alors comme " hors statut ", et, ainsi que l'a relevé le tribunal, par des difficultés et tensions observées dans son cadre de travail. Si aucune des pièces du dossier ne permet d'établir des décisions ou agissements de la part de la hiérarchie de M. B... qui auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique à son endroit, et qui partant seraient de nature à faire présumer des agissements de harcèlement moral, et si ces mêmes éléments ne font apparaître ni dysfonctionnements de service ni incidents survenus dans le cadre de celui-ci, les conditions de travail de l'intéressé ont été, en l'espèce, de nature à susciter le développement de sa maladie, ainsi que l'a considéré la commission de réforme dans son avis du 20 février 2020. 8. En troisième lieu, l'avis du psychiatre expert du 6 janvier 2020, ainsi que celui du psychiatre du 15 février 2020 qui ne se prononce que sur l'aptitude de M. B... à l'exercice de ses fonctions, en soulignant pour le premier la personnalité psychorigide de l'intéressé tout en indiquant sa bonne volonté et son dévouement dans le travail, et faisant état pour le second de sa personnalité histrionique, ne mettent pas au jour un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière, de nature à détacher la survenance de sa maladie du service. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire droit, que la commune de Sainte-Tulle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions de son maire refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., et lui a enjoint non seulement de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie mais encore de lui verser un plein traitement à compter du 11 janvier 2019. En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 22 avril 2021 prolongeant la disponibilité d'office de M. B... pour une durée de douze mois à compter du 11 janvier 2021 : 10. Aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix ". 11. Pour annuler l'arrêté du 22 avril 2021 prolongeant la mise en disponibilité d'office de M. B..., pris après avis de la commission de réforme du 15 avril 2021, le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions réglementaires citées au point précédent, l'intéressé n'a pas été informé de la possibilité dont il disposait de se faire entendre par la commission de réforme ainsi que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. 12. La commune de Sainte-Tulle, en se bornant à soutenir que les premiers juges ne pouvaient retenir un tel motif pour annuler l'arrêté en litige, sans faire usage de leur pouvoir d'instruction à l'égard du centre de gestion des Bouches-du-Rhône, auprès duquel est placé le secrétariat de la commission départementale de réforme, mais en indiquant également, en cause d'appel, avoir elle-même demandé au centre de gestion communication de la lettre d'information adressée à M. B... avant la séance de cette commission, ne conteste pas efficacement l'irrégularité de procédure entachant sa décision, dès lors que sa demande de communication n'a reçu aucune réponse. 13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Tulle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté. Sur la demande de sursis à exécution du jugement : 14. Le présent arrêt rejetant l'appel formé par la commune contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 avril 2023, sa requête n° 23MA01287 tendant au sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans l'instance n° 23MA01286, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Sainte-Tulle et non compris dans les dépens. En revanche, M. B... a obtenu, dans les deux instances n°s 23MA01286 et 23MA01287, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sainte-Tulle, en application de ces dispositions, et au titre de ces deux instances, la somme de 2 000 euros à verser à Me Chapuis, avocat de M. B..., sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23MA01287 de la commune de Sainte-Tulle. Article 2 : La requête n° 23MA01286 de la commune de Sainte-Tulle est rejetée. Article 3 : La commune de Sainte-Tulle versera à Me Chapuis, avocat de M. B..., la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Tulle, à Me Chapuis et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 6 février 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024. N° 23MA01286, 23MA012872
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 27/02/2024, 22TL21083, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier sous le n° 2001298, d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa réclamation préalable du 16 décembre 2019, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts de droit à compter du dépôt de sa demande préalable et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2001298-2104761 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté sa demande indemnitaire. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 mai 2022, M. B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°2001298 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa réclamation préalable reçue le 16 décembre 2019 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts de droit à compter du dépôt de sa demande préalable ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement contesté est mal fondé ; en analysant séparément, et non dans leur ensemble, les différents agissements dont il a été victime, le tribunal n'a pas tiré les conclusions qui s'imposaient des éléments du dossier au titre du harcèlement moral ; le tribunal a écarté le caractère imputable au service de sa pathologie sans tenir compte des pièces médicales produites ; - il a été victime de harcèlement moral, à défaut, d'une gestion fautive de sa carrière par sa hiérarchie, ce qui engage la responsabilité pour faute de l'Etat ; - il a droit, même sans faute, à la réparation des préjudices imputables à son syndrome anxiodépressif d'origine professionnelle ; - il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en le fixant à la somme de 20 000 euros ; l'atteinte à l'intégrité physique peut être évaluée à la somme de 40 000 euros ; il a subi un préjudice de carrière, qui sera réparé par le versement d'une somme de 20 000 euros ; une somme de 10 000 euros lui sera octroyée au titre de l'atteinte à sa réputation et la perte du bénéfice de 46 heures 26 d'aménagement et réduction du temps de travail et d'heures supplémentaires acquises au 1er janvier 2019 sera réparée par le versement d'une somme de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré, l'existence d'un fait accidentel n'étant pas établie ; le requérant n'a jamais expressément sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un trouble anxiodépressif mais d'un accident ; ni la commission de réforme, ni le préfet n'ont été mis à même de se prononcer sur l'imputabilité de cette maladie ; - il oppose la prescription quadriennale aux éventuels préjudices antérieurs à l'année 2015 ; - M. B... ne saurait se prévaloir de l'existence d'un harcèlement moral ou de fautes dans la gestion de sa carrière et ne justifie de la réalité d'aucun préjudice ; - le requérant ne peut se prévaloir de la qualité de fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle. Par une ordonnance du 26 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., brigadier-chef de la police nationale, affecté au sein de la circonscription de sécurité publique de Narbonne, a présenté une demande indemnitaire préalable en date du 5 décembre 2019 afin d'obtenir la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis et résultant de la dégradation de ses conditions de travail. Du silence gardé par l'administration sur cette demande est née une décision implicite de rejet. Par un jugement du 8 avril 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté cette demande indemnitaire. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 applicable à l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". 3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 4. M. B... expose d'abord avoir été victime de faits de harcèlement moral sur une période allant de 2006 à 2013, et avoir alors subi des reproches injustifiés, remarques vexatoires et violences verbales, une mutation d'office en 2007 réduisant ses responsabilités, un aménagement de ses horaires nuisant à sa vie privée, une baisse arbitraire de notation et une procédure disciplinaire injustifiée. Toutefois, il ne produit, sur ce point, qu'un récit détaillé, rédigé par ses soins, à lui seul, insuffisant pour étayer ses allégations. 5. Il expose ensuite que ses conditions de travail se sont de nouveau dégradées à compter de l'année 2016. Il précise avoir été victime de la vindicte de son chef d'unité, qui aurait rédigé des comptes-rendus défavorables sans lui en faire part, aurait émis des reproches injustifiés, fantaisistes et de mauvaise foi, notamment des observations orales. Il ne résulte cependant pas de l'instruction que le comportement du chef d'unité à l'égard de l'intéressé aurait excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, notamment sa demande d'explication en date du 4 décembre 2018 sur le départ anticipé du service de M. B... le 2 décembre 2018. 6. M. B... indique encore que le 15 octobre 2018, il a signalé à sa hiérarchie des faits de harcèlement sexuel impliquant un brigadier à l'égard d'une adjointe de sécurité et que ce brigadier a obtenu le soutien d'un officier supérieur, et entrepris de le discréditer sans qu'il n'ait reçu aucun soutien de sa hiérarchie. Or, ainsi que l'a jugé le tribunal, ses allégations quant au désaveu de la hiérarchie dont il aurait fait l'objet ne sont pas étayées et sont mêmes contredites par les pièces produites en appel par le ministre. 7. La circonstance que M. B... se soit vu retirer, le 15 janvier 2019, 46 heures 26 d'aménagement et réduction du temps de travail et d'heures supplémentaires acquises au 1er janvier 2019 n'est pas, en elle-même, de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral alors qu'il résulte de l'instruction que l'administration s'est engagée, dès le 4 février suivant, à corriger l'erreur commise en abondant à nouveau les heures indûment prélevées sur les comptes de l'intéressé. De même, le rejet de sa candidature au poste de chef de bureau d'ordre et d'emploi ne saurait, en lui-même, faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 8. Enfin, s'il se prévaut d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre jours avec sursis, dont il a fait l'objet le 26 janvier 2010 qui a été annulée par un jugement n° 1002171 du tribunal administratif de Montpellier du 6 juin 2012 pour erreur de fait, et de la circonstance qu'il a été placé en congés maladie en raison d'un syndrome anxiodépressif, ces deux éléments, ne peuvent à eux seuls faire présumer d'une situation de harcèlement moral. 9. Les éléments de fait allégués aux points précédents qui, pris isolément, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ne sont pas davantage de nature, considérés dans leur ensemble, à faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Par suite et alors même que l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 fait obstacle à ce que le ministre oppose la prescription quadriennale pour la première fois en appel, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. 10. M. B... soutient, à titre subsidiaire, que l'administration l'aurait " mis au placard " et serait responsable d'une gestion fautive de sa carrière. Or, il n'établit pas, par ses seules allégations, identiques à celles invoquées pour les faits présumés de harcèlement moral, l'existence de telles fautes commises par l'administration. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 11. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 12. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 13. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 14. D'une part, il résulte du formulaire de sa déclaration d'accident de travail, daté et signé le 23 janvier 2019, que M. B... a indiqué comme date et heure de l'accident " 22/01/2019 à 11 H 50 ", avec comme circonstances détaillées, une " accumulation de stress professionnel du fait d'actes managéri[aux] aux conséquences morales violentes, portant atteinte psychologiquement : surcharge de travail, déconsidération au vu du grade, de la fonction et des requêtes exercées, ignorance, mépris, réflexions verbales infondées sur la façon de travailler, atteinte, obstruction au droit de recours administratif, suppression non conforme d'un quota d'heures de repos, le 22 janvier 19 angoisse au moment de prendre son service, pose un titre de congé et se rend chez son médecin ", la nature décrite de l'accident étant une " altération des conditions de travail " et l'élément matériel associé des " violences managériales professionnelles ". Le rapport, daté du 28 mars 2019, du docteur C..., psychiatre qui assure le suivi de M. B... depuis l'année 2015 et signataire du certificat médical du 22 janvier 2019 mentionnant, au titre des constatations effectuées, une décompensation anxio-thymique et un stress professionnel intense, indique que son patient souffre depuis de nombreux mois d'un syndrome anxiodépressif sévère en lien avec une situation de travail complexe et que cet effondrement est " actuellement exacerbé par de nouveaux évènements professionnels stressants, récemment évoqués par le patient et vécus comme particulièrement injustes, excessifs et destructeurs ". Par ailleurs, M. B... indique lui-même dans ses écritures avoir fait l'objet d'un arrêt de travail pour asthénie physique et morale du 8 au 20 novembre 2018 en lien avec le désaveu ressenti après la dénonciation à sa hiérarchie directe de faits de harcèlement sexuel ainsi que d'un traitement antidépresseur prescrit à compter 15 janvier 2019 à la suite du rejet de sa candidature au poste de chef de bureau d'ordre et d'emploi. Dès lors et ainsi que le relève la commission de réforme, dans son avis du 15 avril 2021, eu égard à cet état antérieur et en l'absence d'un fait soudain survenu le 22 janvier 2019 susceptible d'être qualifié d'accident, M. B... ne peut être regardé comme victime d'un accident de service. 15. D'autre part, il résulte de l'instruction que la maladie contractée par l'intéressé n'a pas été préalablement reconnue imputable au service par une décision du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud. Par suite, M. B... n'ayant pas été reconnu comme victime d'une maladie professionnelle, il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité sans faute de l'Etat en cette qualité. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 16. La décision implicite de rejet de la réclamation préalable de M. B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de l'intéressé qui, en formulant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa requête n°2001198 le caractère d'un recours de plein contentieux. Par suite, ainsi que l'ont à bon droit opposé les premiers juges, ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa demande indemnitaire préalable doivent être rejetées. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire et celle tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable. Sur les frais liés au litige : 18. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande M. B... sur ce fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret Le greffier, F. Kinach La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°22TL21083
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX01593, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Bigorre à lui verser une somme globale de 41 049,23 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de la perte de rémunération et du préjudice moral qu'elle aurait subis du fait du refus de l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 24 décembre 2011 ou, à défaut, d'ordonner une expertise en vue de déterminer le caractère d'imputabilité au service de ces arrêts de travail. Par un jugement n° 1800908 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 avril 2021, 15 mars 2023 et 19 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Marcel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 11 février 2021 ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Bigorre à lui verser l'indemnité demandée en première instance, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts ; 3°) à défaut, d'ordonner une expertise sur le caractère d'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 24 décembre 2011 ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bigorre la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'arrêts de travail n'est pas une décision à objet purement pécuniaire ; sa demande indemnitaire est recevable ; - ainsi que l'a reconnu le tribunal, elle n'a pu faire aucune observation et n'a pu donner les éléments médicaux pertinents faute d'avoir été informée de la date de la séance de la commission de réforme ; rien ne permet d'affirmer, contrairement à ce qu'il a estimé, que la décision aurait été identique si la procédure avait été respectée, deux certificats médicaux des 3 octobre 2013 et 16 janvier 2014 retenant le lien de causalité entre l'arrêt de travail de septembre 2012 et l'accident de service du 10 novembre 2011 et la cour ayant annulé la décision la mettant à la retraite pour invalidité ; aucun document médical n'a conclu en sens inverse et le centre hospitalier n'a pu se fonder que sur l'avis de la commission de réforme, qui ne l'a ni examinée ni entendue ; l'avis médical qu'elle a sollicité le 17 avril 2013 d'un médecin généraliste confirme le lien de ses arrêts de travail avec l'accident de service dont elle a été victime ; si cet avis n'apparaissait pas suffisant à la cour, il y a lieu d'ordonner une expertise ; - l'administration a dénaturé l'avis de la commission de réforme ; celle-ci aurait dû faire appel à l'avis d'un médecin expert et la procédure est contraire à l'article 16 du décret du 19 avril 1988 ; - elle a subi une rechute de son accident de service lorsqu'elle a été contrainte de reprendre le travail le 18 septembre 2012 ; elle a été en arrêt de travail pour " lombalgie hyper-algique " jusqu'au 24 septembre 2012, prolongé régulièrement jusqu'au 31 décembre 2016 ; avant son accident de service, elle ne souffrait d'aucun problème de santé ; les résultats du scanner réalisé le 4 décembre 2020 démontrent une aggravation de l'état de santé postérieure au 21 août 2012, date de réalisation d'une IRM du rachis lombaire ; le médecin qu'elle a consulté le 17 avril 2023 estime que tous ses arrêts de travail sont en lien avec les deux accidents de service du 10 novembre 2011 et 1er août 2012, ce dernier ayant été déclaré le 18 septembre 2012 ; - le préjudice financier résultant d'une rémunération à demi-traitement du 1er août 2012 au 25 mars 2015 s'élève à 16 049,20 euros, et l'ampleur de son préjudice moral, alors qu'elle a été contrainte de changer de logement avec sa fille et de vendre ses meubles, justifie une indemnisation à hauteur de 25 000 euros. Par des mémoires en défense enregistrés les 27 octobre 2022, 20 avril 2023 et 21 mai 2023, le centre hospitalier de Bigorre, représenté par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la demande de Mme A... était irrecevable dès lors que la demande indemnitaire est fondée sur l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2013 rejetant l'imputabilité au service des arrêts de travail et des soins postérieurs au 24 décembre 2011 et que cette décision est devenue définitive ; un recours de pleine juridiction est irrecevable si le demandeur était en mesure d'introduire un recours pour excès de pouvoir ayant les mêmes effets ; l'objet de l'action engagée par Mme A... est purement pécuniaire ; - la décision prise le 17 décembre 2013 est fondée sur l'avis de la commission de réforme du 22 octobre 2013, défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts postérieurs au 24 décembre 2011, ce qu'ont confirmé l'avis du comité médical du 17 juin 2014, l'avis de la commission de réforme du 24 mars 2015 et la décision de la CNRACL du 22 septembre 2016 favorable à une mise à la retraite pour invalidité ; l'expertise menée en 2016 a conclu à l'existence de lésions dégénératives lombaires ; c'est à juste titre que le tribunal a estimé que si Mme A... n'avait pas bénéficié du délai nécessaire pour préparer sa défense avant la séance de la commission de réforme du 22 octobre 2013, cette irrégularité était restée sans incidence sur le sens de la décision prise ; elle ne peut soutenir en dernier lieu avoir fait l'objet d'une rechute le 1er août 2012 alors qu'elle n'avait fait état que d'une prolongation de son arrêt de travail initial ; - Mme A... a bénéficié d'un indu de rémunération en cumulant un demi-traitement et les arrérages de sa pension de retraite ; alors qu'elle n'a jamais communiqué les pièces qui lui étaient demandées et ne s'est pas présentée à plusieurs reprises devant les médecins experts, témoignant d'une volonté d'obstruction manifeste, elle ne saurait se prévaloir d'un préjudice moral ; - au vu des nombreuses pièces du dossier, l'expertise sollicitée, qui ne peut porter au demeurant sur des questions de droit, est inutile. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Marcel, représentant Mme A..., et celles de Me Herrmann, représentant le centre hospitalier de Tarbes-Lourdes, venant aux droits du centre hospitalier de Bigorre. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., alors âgée de 49 ans, a été titularisée aide-soignante au centre hospitalier de Bigorre le 1er juillet 2011 et a été affectée en gériatrie. Le 10 novembre 2011, alors qu'elle manipulait un patient, elle a été victime d'un lumbago. Par une décision du 17 décembre 2013, cet accident a été reconnu imputable au service, de même que les arrêts de travail et soins pour la période du 10 novembre au 24 décembre 2011, mais pas les arrêts de travail postérieurs à cette date. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Pau pour obtenir la condamnation du centre hospitalier de Bigorre à réparer les préjudices subis du fait du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 24 décembre 2011. Par un jugement du 11 février 2021 dont Mme A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Sur la responsabilité du centre hospitalier de Bigorre : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 (...) ". Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / (...) / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. " 3. Alors que Mme A... soutient ne pas avoir été informée de la date de la réunion de la commission de réforme et de son droit à prendre connaissance de son dossier au préalable, le centre hospitalier de Bigorre produit un courrier du 18 octobre 2013 convoquant l'intéressée à la séance de la commission de réforme du 22 octobre suivant et comportant ces informations. Toutefois, le centre hospitalier ne justifie pas de la réception de ce courrier par Mme A..., ni d'ailleurs du respect du délai réglementaire pour informer l'agent de la date de la séance de la commission. L'absence de cette information était de nature à priver l'agent d'une garantie. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la séance du 22 octobre 2013, que Mme A... aurait été entendue par la commission de réforme, ni qu'elle aurait été représentée. Dans ces conditions, la décision du 17 décembre 2013, dont Mme A... peut exciper de l'illégalité au soutien de ses conclusions indemnitaires alors même que cette décision serait devenue définitive, est entachée d'un vice de procédure. 4. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise. 5. En l'espèce, postérieurement à son accident survenu le 10 novembre 2011, Mme A... a repris le travail pendant plusieurs mois avant d'être à nouveau arrêtée à compter du 1er août 2012 par son médecin généraliste, notamment pour des douleurs lombaires. Si son médecin traitant a estimé, dans deux certificats médicaux des 22 mai et 13 octobre 2012, que, bien que Mme A... ait repris le travail, son état de santé n'était toujours pas consolidé et que le nouvel arrêt s'expliquait par une rechute de son accident de service, et si une consultation expertale demandée par Mme A... en date du 14 avril 2023 a considéré que tous les arrêts de travail, intervenus entre 2012 et 2015 et justifiés par des problèmes lombaires, devaient être regardés comme des rechutes de l'accident de service, il résulte de l'instruction qu'une expertise médicale, réalisée le 26 août 2016, dans le cadre d'une mise à la retraite pour invalidité, a constaté que Mme A... présentait des lésions lombaires dégénératives et invalidantes. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Bigorre aurait pris, dans le cadre d'une procédure régulière, la même décision refusant de reconnaître imputables au service les arrêts de travail et les soins postérieurs au 24 décembre 2011. 6. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'une décision identique à celle qui a été édictée le 17 décembre 2013, portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... postérieurs au 24 décembre 2011, aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière. Il n'existe dès lors pas de lien entre la faute commise par le centre hospitalier et le dommage dont Mme A... demande réparation. 7. Il résulte ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, ni d'ordonner une expertise qui n'apparaît pas utile à la solution du litige, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Tarbes-Lourdes venant aux droits du centre hospitalier de Bigorre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le centre hospitalier au même titre. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Tarbes-Lourdes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier de Tarbes-Lourdes. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX01593
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX04306, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 17 juillet 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de stress post-traumatique, et d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de cette infirmité avec un taux d'invalidité de 50 %. Par un jugement n° 1902970 du 28 septembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021, M. D..., représenté par la SELARL MDMH, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 juillet 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de son état de stress post-traumatique avec un taux d'invalidité de 50 %, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale avant dire droit pour l'évaluation du taux d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - eu égard au contexte dans lequel il a exercé ses fonctions en Côte d'Ivoire, le tribunal a commis une erreur de droit en recherchant si des " conditions éprouvantes de service porteuses d'une dimension traumatique " permettaient de retenir l'imputabilité au service de l'affection ; au demeurant, il a également commis une erreur de fait et d'appréciation ; - la crainte de bombardements et le risque de mort constituent des circonstances particulières expliquant sa pathologie, conformément aux critères fixés par le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et aux " données admises par la science " ; alors qu'il a exercé ses fonctions sur un territoire affecté par des bombardements, il a nécessairement croisé des victimes, ce qui est corroboré par le témoignage du lieutenant-colonel A... ; le seul fait de risquer sa vie dans le cadre de bombardements imprévisibles, après avoir appris la mort de militaires français, suffit à établir l'existence d'un facteur de stress majeur ; l'expert a constaté les symptômes d'un stress post-traumatique, sans qu'aucune autre circonstance ou un état antérieur ne puisse les expliquer ; c'est ainsi à tort que le tribunal a jugé que sa pathologie ne trouvait pas sa cause directe et essentielle dans le service et s'est fondé sur sa qualité de militaire pour apprécier strictement l'existence de conditions particulières de service à l'origine de l'affection ; - l'expert a conclu que sa pathologie avait été " réactivée et aggravée " par les difficultés professionnelles et a retenu des troubles très intenses imputables au fait du 6 novembre 2004 pour un taux de 50 %. Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir qu'il ne ressort pas du témoignage du lieutenant-colonel A... que M. D... aurait été exposé à un fait traumatique précis ou à des situations répétées d'extrême tension à l'origine d'un syndrome de stress post-traumatique, au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat (n° 366628 du 22 septembre 2014). M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Clavier, représentant M. D.... Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 6 février 2024. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., engagé dans l'armée de terre le 3 octobre 2000, a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 9 janvier 2017, suivi d'un congé de longue maladie puis d'un congé de longue durée jusqu'au 2 juillet 2020, et radié des cadres le 3 juillet 2020 au grade d'adjudant-chef. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 10 % par arrêté du 5 septembre 2011, avec jouissance à compter du 26 mai 2011, pour une infirmité de séquelles d'épitrochléite (tendinite) traumatique du coude droit. Le 12 mars 2018, il en a sollicité la révision pour la prise en compte d'une infirmité nouvelle de stress post-traumatique. Par une décision du 17 juillet 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. D... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Poitiers. Il relève appel du jugement de rejet du 28 septembre 2021. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées l'article L. 4123 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit (...) en opération extérieure, (...), les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 3. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient au juge de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 4. En premier lieu, il est constant que le dossier de M. D... ne comporte aucun constat de troubles psychiques contemporains ou postérieurs à son affectation en Côte d'Ivoire du 14 octobre 2004 au 12 février 2005 dans le cadre de l'opération extérieure Licorne, ce qui fait obstacle au bénéfice de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il appartenait donc au juge, ainsi qu'il est exposé au point précédent, de rechercher si la pathologie était imputable à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit en procédant à cette recherche ne peut qu'être écarté. 5. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. D..., initialement en congé de maladie à compter du 9 janvier 2017 pour des lombalgies chroniques invalidantes, a été hospitalisé durant une semaine en mars 2017 dans le service de psychiatrie du centre hospitalier de Niort pour un état dépressif sévère. Par lettre du 7 juin 2017, un médecin de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué a indiqué à son psychiatre traitant qu'il allait proposer une mise en congé de longue maladie pour dépression, mais également pour troubles de stress post-traumatique, en relevant que M. D... aurait vécu pratiquement en direct le bombardement du camp Descartes à Bouaké le 6 novembre 2004 lors de l'opération Licorne, et que " le patient dit avoir participé à la gestion des blessés et des corps à l'issue ". Cette lettre décrit une symptomatologie anxiodépressive d'installation progressive face à une accumulation de difficultés personnelles et professionnelles, physiques et psychiques (absences au travail pour des démarches de procréation médicalement assistée jugées abusives, lombalgies chroniques nécessitant une chirurgie, mutation non souhaitée), et précise que " la sédentarisation et la mise à distance du travail ont réactivé des symptômes de la lignée traumatique " avec des reviviscences diurnes et nocturnes et un sommeil agité témoignant d'une symptomatologie hyper-adrénergique, sans que l'on puisse faire de lien de cause à effet avec la symptomatologie dépressive. L'expert qui a examiné M. D... le 29 mars 2019 a conclu à un taux global d'invalidité de 80 %, dont 30 % pour le syndrome dépressif non imputable au service et 50 % pour un état de stress post-traumatique dont le fait générateur serait le bombardement de Bouaké le 6 novembre 2004 ayant causé 10 morts et 33 blessés au sein de la force française Licorne. 6. Dans sa relation des faits transmise par son épouse à l'administration lors de l'instruction de sa demande de congé de longue maladie, M. D... a indiqué qu'il était arrivé en mission à Bouaké le 4 ou le 5 novembre 2004 avec un convoi logistique, qu'il avait appris peu après son départ pour Yamoussoukro le 6 novembre que des personnels présents dans le convoi logistique avaient été tués dans le bombardement, que le mandat avait été " très compliqué psychologiquement " compte tenu notamment des tensions avec la population ainsi que de l'évacuation des blessés, des corps et des matériels détruits, et qu'aucun suivi n'avait été prévu au retour en France. Toutefois, le responsable hiérarchique de M. D... au moment des faits, interrogé par l'administration, a indiqué qu'après avoir procédé à des recherches dans ses archives, il peut affirmer avec certitude que lors de l'attaque du 6 novembre 2004, M. D... n'était pas à Bouaké mais à Tombokro, qu'il n'a pas pu voir les corps ou les cercueils, mais peut-être des blessés légers soignés à l'antenne chirurgicale de Tombokro, que la mission qu'il indique avoir effectuée s'est déroulée du 25 au 28 octobre, et qu'il a participé à l'évacuation du matériel plusieurs jours après l'attaque sur Bouaké. Si cet unique témoignage confirme que " la situation était très compliquée " pour les forces françaises avec l'annonce d'un mouvement de population le 7 novembre au matin, il précise que la foule n'est pas venue jusqu'aux camps et que personne n'a eu à ouvrir le feu à Tombokro. L'exposition de M. D... à une ou plusieurs situations traumatisantes n'apparaît donc pas caractérisée. Dans ces circonstances, le tribunal, qui n'était pas tenu de suivre les conclusions de l'expertise, a fait une exacte application des principes exposés au point 3 en jugeant qu'en l'absence de circonstances particulières de service à l'origine de son affection, il n'établissait pas que sa pathologie trouvait sa cause directe et essentielle dans le service. 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande au regard de l'obligation de recours administratif préalable entrée en vigueur le 1er novembre 2019, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais exposés à l'occasion de l'instance d'appel ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX04306
Cours administrative d'appel
Bordeaux