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CAA de DOUAI, 2ème chambre, 10/10/2023, 22DA01862, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier Philippe Pinel à lui verser la somme de 46 362,27 euros en réparation des préjudices financiers et moraux qu'elle a subis, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ses intérêts à compter du 26 février 2020, et de mettre à sa charge le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002636 du 30 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à verser à Mme A... la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 27 février 2021, au titre des préjudices subis et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, Mme A..., représentée par Me Anne-Sophie Chartrelle, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 10 000 euros ; 2°) de condamner le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à lui verser la somme de 46 362,27 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 26 février 2020 ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - ayant préalablement obtenu satisfaction sur ce point, elle n'avait pas saisi le tribunal de conclusions tendant au versement d'une rente viagère et c'est à tort qu'il a considéré le contraire et qu'il a déclaré ces prétendues conclusions comme dépourvues d'objet ; - la responsabilité du centre hospitalier Philippe Pinel est engagée tant sur le terrain de la responsabilité sans faute que sur celui de la responsabilité fautive ; - l'illégalité fautive de la décision du 22 décembre 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie l'a contrainte à solliciter prématurément son placement en retraite pour invalidité et l'a privée de la possibilité de bénéficier, dans le cadre d'un congé de longue durée, d'une année supplémentaire à plein traitement et de trois années à demi-traitement ; elle a donc subi un préjudice financier qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 1 362,27 euros ; - le centre hospitalier Philippe Pinel est responsable non seulement de l'apparition de ses troubles psychologiques, compte tenu des conditions de travail dans laquelle il l'a placée, mais aussi de leur aggravation, compte tenu de la façon dont il a géré sa situation administrative ; elle a donc subi un préjudice moral qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 45 000 euros. La requête a été communiquée à l'établissement public de santé mentale de la Somme qui, malgré une mise en demeure communiquée le 6 mars 2023, n'a pas produit de mémoire en défense. Par ordonnance du 27 avril 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Anne-Sophie Chartrelle, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... était cadre de santé et titulaire de la fonction publique hospitalière. À partir de 2010, elle a présenté un syndrome dépressif. Elle a été successivement placée en congé de maladie ordinaire du 9 mars 2010 au 25 novembre 2010, en disponibilité pour convenance personnelle du 1er janvier 2011 au mois d'août 2011, en congé de longue maladie du 10 octobre 2011 au 9 octobre 2012, en congé de longue durée du 10 octobre 2012 au 9 octobre 2016 et en retraite pour invalidité à compter du 10 octobre 2016. Le 22 novembre 2014, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Par une décision du 22 décembre 2015, le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a rejeté cette demande. Par un jugement définitif n° 1600547 du 11 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision. Par une décision du 13 juin 2019, le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a rétroactivement placé Mme A... en congé de longue durée imputable au service pour la période du 10 octobre 2012 au 9 octobre 2016. Par un courrier du 26 février 2020, Mme A... a adressé au centre hospitalier une réclamation indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa maladie et de l'illégalité de la décision portant refus de reconnaissance de son imputabilité au service. Le silence gardé par l'établissement a fait naître une décision implicite de rejet. Mme A... relève appel du jugement n° 2002636 du 30 juin 2022 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 10 000 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Mme A... ne conteste pas que, préalablement à l'enregistrement de sa requête contentieuse au greffe du tribunal administratif d'Amiens, elle a obtenu, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, l'attribution d'une rente viagère avec effet au 10 octobre 2016. Elle n'établit pas davantage ni même n'allègue avoir contesté la rente lui ayant ainsi été attribuée, que ce soit dans son principe, son montant ou ses modalités. Dans ces conditions, et à supposer même qu'elle n'ait pas entendu en saisir les premiers juges, c'est sans entacher leur jugement d'irrégularité que ces derniers ont pu constater que ses demandes en la matière n'avaient plus d'objet. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier Philippe Pinel : 3. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière qui instituent, en faveur des fonctionnaires hospitaliers victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. S'agissant de la responsabilité sans faute pour risque : 4. Il résulte de l'instruction, notamment des documents à caractère médical produits par Mme A..., qu'elle a développé, à compter de l'année 2010, un syndrome dépressif majeur, se manifestant par des idées noires, des troubles de la concentration, une perte de l'estime de soi, des ruminations anxieuses quotidiennes, des troubles du sommeil et un repli sur soi avec des difficultés à sortir. Ces troubles sont apparus alors que Mme A... était chargée d'un projet de réorganisation du secteur d'hospitalisation à domicile du centre hospitalier Philippe Pinel dans lequel elle avait été récemment affectée et alors que ce projet était à l'origine de très vives tensions avec ses équipes. Les différents praticiens ayant examiné Mme A... et ayant eu à connaître de sa situation n'ont relevé aucun antécédent, ni aucune autre cause au développement de cette affection. Le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a reconnu son imputabilité au service par une décision du 13 juin 2019. Il en va de même de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui l'a admise au bénéfice d'un rente d'invalidité par une décision du 4 août 2020. Dans ces conditions, Mme A... doit être regardée comme ayant contracté une maladie professionnelle qui, en elle-même, oblige le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à réparer intégralement les préjudices patrimoniaux et personnels en résultant, autres que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle. S'agissant de la responsabilité pour faute : 5. Si, ainsi qu'il vient d'être dit, le syndrome dépressif développé par Mme A... est en lien direct avec les difficultés professionnelles qu'elle a rencontrées à partir de son affectation dans le secteur d'hospitalisation à domicile du centre hospitalier Philippe Pinel fin 2009, elle n'apporte, en revanche, aucun élément de nature à établir que des fautes de cet établissement dans l'organisation ou le fonctionnement du service auraient directement et certainement concouru à ces difficultés et, par suite, à l'apparition ou à l'aggravation de son affection. En revanche, il est constant que la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... a été annulée pour un motif d'erreur de droit par un jugement définitif n° 1600547 du 11 septembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens et, qu'à la suite du réexamen que l'exécution de ce jugement imposait, l'établissement a finalement reconnu l'imputabilité au service par une décision du 13 juin 2019. Cette illégalité constitue une faute qui oblige le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à réparer intégralement les préjudices en résultant certainement et directement. En ce qui concerne l'indemnisation de Mme A... : S'agissant du préjudice financier : 6. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 35 du décret du 19 avril 1988 : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ". 7. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été radiée des cadres pour invalidité et a été admise à faire valoir ses droits à la retraite, par une décision du directeur du centre hospitalier Philippe Pinel du 14 novembre 2016, avec effet au 10 octobre 2016. Cette décision a été prise à la suite d'une demande de sa part, formulée par un courrier daté du 27 février 2016 adressé à la direction des ressources humaines du centre hospitalier Philippe Pinel. Contrairement à ce que soutient Mme A..., il résulte des dispositions citées au point précédent de l'article 35 du décret du 19 avril 1988 que le refus par l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ne rendait pas inéluctable son admission à la retraite pour invalidité, ni ne l'exposait, en l'absence de demande de sa part, à l'interruption de toute rémunération. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que Mme A... avait déjà formulé, avant de se raviser, une demande d'admission à la retraite pour invalidité dans le courant de l'année 2014, alors que ses droits à congé de longue durée étaient encore loin d'être expirés. Il s'ensuit que la demande qu'elle a réitérée le 27 février 2016 doit être regardée comme ayant eu un caractère volontaire et ne résulte pas directement ni nécessairement du refus de l'établissement de reconnaître l'imputabilité au servie de sa maladie. Mme A... n'est dès lors pas fondée à demander une indemnisation du préjudice financier de 1 362,27 euros qu'elle estime avoir subi, correspondant à la différence entre ce qu'elle aurait dû percevoir en étant placée en congé de longue durée imputable au service et ce qu'elle a perçu en étant placée à la retraite pour invalidité. S'agissant du préjudice moral : 8. Il résulte de l'instruction que Mme A... a développé un syndrome dépressif majeur qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, est imputable au service. Ce syndrome s'est manifesté par des idées noires, des troubles de la concentration, une perte de l'estime de soi, des ruminations anxieuses quotidiennes, des troubles du sommeil et un repli sur soi avec des difficultés à sortir. Il a en outre conduit à l'interruption de la vie professionnelle de Mme A... qui a successivement été placée en congé de longue maladie, en congé de longue durée puis en retraite pour invalidité permanente et définitive. L'illégalité du refus de l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie l'a en outre astreinte à effectuer des démarches contentieuses afin d'être rétablie dans ses droits. Il s'ensuit que Mme A... a subi, du fait de sa maladie professionnelle dont le centre hospitalier Philippe Pinel doit assurer la réparation au titre de la responsabilité sans faute pour risque et du fait de l'illégalité fautive de la décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de cette même maladie, un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité globale de 10 000 euros. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, doit seulement être condamné à verser à Mme A..., en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la maladie qu'elle a contractée en service et de l'illégalité fautive du refus de l'établissement de reconnaître son imputabilité au service, la somme de 10 000 euros. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité à ce même montant la condamnation qu'il a prononcée à l'encontre du centre hospitalier Philippe Pinel. Ses conclusions tendant à la réformation du jugement attaqué doivent dès lors être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles relatives aux intérêts et à la capitalisation des intérêts, que les premiers juges ont à raison fait courir à compter respectivement du 27 février 2020, date de la réception par l'établissement de sa requête indemnitaire préalable, et du 27 février 2021, date du premier anniversaire de celle-ci. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public de santé mentale de la Somme, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'établissement public de santé mentale de la Somme. Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01862
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 12/10/2023, 21BX04190, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours tendant à revaloriser son taux d'invalidité. Par une ordonnance n° 2101264 du 14 septembre 2021, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 novembre 2021 et 17 mars 2023, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Pau du 14 septembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 28 avril 2021 ; 3°) de fixer son taux d'invalidité à 40 % ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 890 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le premier juge a estimé que sa demande ne comportait qu'un seul moyen de légalité externe inopérant, alors qu'était également contesté le taux d'invalidité fixé par l'administration à 30 % au lieu de 40 % retenu par l'expert cardiologue ; si ce moyen n'est pas identifié distinctement par rapport à la chronologie des faits, il n'en était pas moins explicitement soulevé, alors que la demande a été présentée sans le concours d'un avocat ; - la décision du 28 avril 2011 est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été précédée d'une audition en visio-conférence, alors que celle-ci avait été sollicitée ; entendu uniquement par téléphone, il a ainsi été privé d'une garantie ; - elle est entachée d'un second vice de procédure, tenant à l'irrégularité de la composition de la commission ; la décision ne permettant pas de connaître cette composition, il a été privé d'une garantie ; - le taux de 30 % est entaché d'une erreur d'appréciation, d'autant que la décision a été prise au vu de l'estimation du médecin conseil de l'administration qui ne l'a pas reçu et a seulement fait une étude sur pièces ; le médecin expert a, quant à lui, retenu, après auscultation, 40 %, en prenant en compte son état général et les implications de la blessure, qui consistent en un suivi et un traitement à vie et en un contrôle de la fréquence cardiaque lors de la pratique du sport ; cette différence de taux a pour conséquence une indemnité moindre et la privation d'une demi-part supplémentaire de quotient familial. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 20 décembre 2022 et 11 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le tribunal n'a pas dénaturé les écritures en considérant que le motif de rejet qui avait été opposé à sa demande n'était pas utilement contesté et que la requête ne comportait pas de moyen opérant ; - M. B... a été auditionné et, même si l'audition avait eu lieu en présentiel, il n'aurait pas pour autant été expertisé par la commission, dès lors que cette dernière était suffisamment informée par les pièces du dossier, et notamment par l'expertise du 8 septembre 2020 ; l'audition par téléphone offre des garanties équivalentes à l'audition par visio-conférence ; - aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre n'impose que le nom des membres de la commission figure dans la décision ; le procès-verbal de la commission est communiqué ; - le taux de 30 % est plus conforme à l'invalidité du requérant que le taux de 40 %, puisqu'il ressort notamment de l'expertise qu'il ne suit aucun traitement anti-angineux et ne présente aucune douleur thoracique, ni dyspnée, et que l'évolution favorable de son infirmité lui permet une pratique sportive avec un cardio-fréquence-mètre. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - l'arrêté du 30 octobre 2019 relatif aux règles de fonctionnement de la commission de recours de l'invalidité et aux modalités d'examen des recours administratifs préalables obligatoires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Marcel, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant-chef dans l'armée de terre, a sollicité, le 9 janvier 2020, une pension militaire d'invalidité après que lui a été diagnostiqué un infarctus du myocarde consécutif à sa participation, le 25 juillet 2018, à une activité sportive réglementaire. Par un arrêté ministériel du 26 octobre 2020, une pension lui a été concédée avec un taux d'invalidité de 30 %. M. B... a saisi la commission de recours de l'invalidité pour contester le taux retenu et demander qu'il soit porté à 40 %. Par une décision du 28 avril 2021, la commission a rejeté son recours. Par une ordonnance du 14 septembre 2021 dont M. B... relève appel, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ". 3. Pour rejeter la requête de M. B..., la présidente du tribunal administratif de Pau a estimé qu'en se bornant à indiquer que la décision de refus était injustifiée et inacceptable car il avait été auditionné par la commission par téléphone en raison de la situation sanitaire sans être reçu par l'expert de ladite commission, l'intéressé ne contestait pas utilement le motif de rejet opposé à sa demande, et elle a considéré que la requête ne comportait ainsi aucun moyen opérant. Il ressort toutefois des écritures présentées, au demeurant sans ministère d'avocat, par M. B... devant le tribunal que celui-ci contestait le taux d'invalidité de 30 % retenu pour le calcul de sa pension, en se fondant sur l'expertise du médecin cardiologue qui, après examen, avait retenu un taux de 40 %. Ce moyen n'était pas inopérant. Par conséquent, c'est à tort que la présidente du tribunal a rejeté la demande dont elle était saisie comme reposant seulement sur un moyen de procédure tiré d'une audition par téléphone. Son ordonnance du 14 septembre 2021 doit, dès lors, être annulée. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Pau. Sur la régularité de la décision de la commission de recours : 5. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Dès réception du recours, le président de la commission en informe l'autorité dont émane la décision contestée. Le président de la commission transmet à l'autorité compétente les recours ne relevant pas de la compétence de la commission et en informe l'intéressé. Le président informe également le demandeur, par tout moyen conférant date certaine de réception, qu'il peut être auditionné par la commission s'il en formule la demande dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle il a reçu cette information. S'il ne manifeste pas son souhait d'être auditionné dans ce délai, la commission rend sa décision sur le fondement des éléments du dossier. Si le demandeur souhaite être auditionné, une convocation lui est adressée au moins un mois avant la séance, par tout moyen conférant date certaine de réception. Lorsque le demandeur, qui a fait part de son souhait d'être auditionné par la commission, justifie d'un motif légitime l'empêchant d'être présent lors de l'audition, le président ajourne l'examen du recours et reporte l'audition à une date ultérieure. (...) ". Aux termes de l'article R. 711-12 de ce code : " La commission ne peut statuer qu'après que le demandeur a été mis à même de présenter des observations écrites sur les éléments recueillis auprès de l'autorité mentionnée à l'article R. 711-10, dans un délai de quinze jours à compter de leur réception par lui. Si l'intéressé demande à être auditionné, il peut se faire assister de la personne de son choix. / Le président de la commission peut décider de recourir à une audition par visio-conférence, notamment si le demandeur en a formulé le souhait ou s'il est domicilié en dehors du territoire métropolitain. ". 7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 8. Il résulte de l'instruction que M. B... a été entendu par la commission de recours de l'invalidité et mis en mesure de présenter toutes les observations qu'il a pu estimer utiles sur son infirmité. En l'absence de toute précision au soutien de son argumentation, la seule circonstance que cette audition a eu lieu par téléphone et non par visio-conférence, ainsi qu'il l'avait demandé dans son courrier du 27 janvier 2021, ne l'a privé effectivement d'aucune garantie et est demeurée sans incidence sur la décision de la commission de recours. 9. En second lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La commission est présidée par un officier général ou un contrôleur général des armées, qui peut être le président de la commission des recours des militaires. Elle comprend en outre : - le directeur des ressources humaines du ministère de la défense ou son représentant ; / - le directeur du service des retraites de l'Etat ou son représentant ; / - un médecin chef des services relevant des dispositions de l'article L. 4138-2, de l'article L. 4211-1, ou du 2° de l'article L. 4141-1 du code de la défense, ou son suppléant ; / - un officier supérieur, ou son suppléant ; / - deux personnalités qualifiées membres d'une association de pensionnés au titre du présent code, ou leurs suppléants ". Aux termes de l'article R. 711-8 de ce code : " La commission ne siège valablement que si quatre au moins des sept membres, dont le président, sont présents. En cas de partage égal des voix, celle du président, ou de son suppléant le cas échéant, est prépondérante ". 10. Il ressort du procès-verbal de la commission de recours que les sept membres prévus par les dispositions citées au point précédent ont siégé lors de la séance du 28 avril 2021. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la commission de recours aurait été irrégulièrement composée. Sur le taux d'invalidité : 11. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général ". Aux termes de l'article L. 125-3 de ce code : " (...) L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité. (...) ". 12. Il résulte du guide-barème applicable aux pensions militaires d'invalidité que les myocardites, myocardiopathies et fibroses myocardiques sont évaluées entre 10 et 30 % en l'absence de trouble du rythme et d'insuffisance cardiaque, selon le retentissement fonctionnel (précordialgies, syncopes, lipothymies...), entre 30 et 40 % en cas de troubles du rythme, selon la gravité, le caractère permanent ou paroxystique, ou encore en fonction du degré de l'insuffisance cardiaque pour celles qui sont associées à une telle infirmité. 13. Il résulte de l'instruction que le médecin cardiologue qui a examiné M. B... le 8 septembre 2020 a constaté, à l'issue de son examen clinique, que sa tension artérielle était normale, que son pouls était régulier, que la fraction d'éjection du ventricule gauche était préservée et qu'il n'existait aucune valvulopathie. Il a également relevé que les résultats des examens subis par M. B... (test d'effort et holter ECG) en juillet 2019 n'avaient mis en évidence aucune anomalie et que le traitement anti-agrégant et hypolipémiant administré avait permis d'atteindre un LDL-C à 0,56 g/l. L'évolution de l'infirmité lui paraissait favorable puisque M. B... a pu reprendre une activité sportive avec un cardio-fréquence-mètre. En l'absence de pièces médicales remettant en cause ces constatations médicales, et alors que M. B... ne suit aucun traitement anti-angineux et ne présente ni douleur thoracique, ni dyspnée, ni état antérieur ainsi que l'a relevé le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du ministère des armées, le requérant ne saurait se prévaloir du taux de 40 % avancé par le médecin cardiologue, qui apparait excessif au regard des troubles dont il demeure atteint. Dans ces conditions, la commission de recours de l'invalidité n'a pas méconnu les dispositions précitées en confirmant le taux de 30 % reconnu aux séquelles de l'infarctus du myocarde dont a été victime M. B.... 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander que soit rehaussé le taux d'invalidité qui lui a été reconnu pour les séquelles de son infarctus du myocarde. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Pau du 14 septembre 2021 est annulée. Article 2 : La demande de M. B... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 octobre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX04190
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 10/10/2023, 21NC01472, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 janvier 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé le 28 août 2019 à l'encontre de la décision du 5 août 2019 par laquelle la ministre a refusé d'agréer sa candidature à un recrutement dans un emploi de la fonction publique civile. Par un jugement n° 2000580 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 18 mai 2021, M. C..., représenté par Me Rattaire, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 7 janvier 2020 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui délivrer l'agrément sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 60 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges n'ont pas relevé d'office le moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du principe selon lequel le non-respect du délai de deux mois, à la suite d'une demande formée par un fonctionnaire à son administration, vaut acceptation de la demande ; - la décision attaquée du 7 janvier 2020 est entachée d'un défaut de motivation et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - elle a méconnu le principe du contradictoire au regard des dispositions de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 et qui ne peut être purgée puisque la décision attaquée est intervenue après la naissance d'une décision implicite d'agréement, née le 29 juillet 2019 ; - elle est entachée d'une erreur de droit car seule la nécessité impérieuse de service public pouvait justifier un refus d'agrément ; - elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation : la situation des effectifs à l'unité de Saint-Dizier était de 105 % dans sa qualification de sorte que sa présence n'était pas indispensable sur ce site ; le ministre ne saurait invoquer sa spécialité dans le nucléaire puisqu'il a été muté par la suite sur un site non nucléaire ; - la décision constitue une sanction disciplinaire déguisée entachée d'un détournement de procédure. Une mise en demeure de produire a été adressée à la ministre des armées le 18 janvier 2022. Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2022 à midi. Un mémoire en défense du ministre des armées a été enregistré à la cour le 14 septembre 2023, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de la défense ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 2 mai 2019, alors qu'il était affecté à l'escadron de la sécurité incendie et sauvetage de la base aérienne 113 de Saint-Dizier, M. C... a reçu une réponse favorable à sa candidature à un emploi d'officier de garde de sapeur-pompier professionnel par la voie du détachement auprès du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Marne. Il a donc formulé une demande d'agrément à sa hiérarchie le 14 mai 2019, laquelle a été enregistrée le 29 mai 2019. Par une décision du 5 août 2019, la ministre des armées a refusé l'agrément de sa candidature à un emploi de la fonction publique civile. Le 28 août 2019, M. C... a saisi la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 5 août 2019. Par une décision du 7 janvier 2020, notifiée à M. C... le 22 janvier 2020, la ministre des armées a rejeté ce recours administratif préalable. M. C... relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 janvier 2020. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. M. C... soutient que le jugement attaqué est irrégulier au motif que les premiers juges ont omis de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le non-respect du délai de deux mois, à la suite d'une demande formée par un fonctionnaire à son administration, vaut acceptation de la demande. Toutefois un tel moyen, qui était soulevé par le requérant en première instance et auquel le tribunal a répondu au point 5 du jugement, n'est en tout état de cause pas d'ordre public et n'avait pas à être soulevé d'office. Quant à l'appréciation de la naissance éventuelle d'un agrément tacite, elle relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". Aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent (...). La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) ". 4. La décision par laquelle le ministre de la défense refuse de délivrer l'agrément nécessaire à l'intégration d'un militaire sur un emploi civil n'a pas à être motivée dès lors qu'elle ne refuse pas un avantage qui constitue un droit. Toutefois, la décision par laquelle le ministre chargé de la défense rejette le recours administratif préalable formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle doit être motivée en vertu des dispositions rappelées au point précédent. 5. La décision litigieuse du 7 janvier 2020 de rejet du recours préalable formé par M. C... devant la commission des recours des militaires rappelle les textes applicables, les éléments pertinents de la carrière de l'intéressé et indique le motif du refus de sa demande d'agrément de sa candidature dans un emploi de la fonction publique civile, à savoir la situation des effectifs dans la spécialité " pompier de l'armée de l'air " au sein de l'unité de Saint-Dizier. Cette décision précise, en outre, que le site sur lequel est affecté le requérant présente un caractère sensible. Par suite, cette décision est suffisamment motivée et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle de M. C.... 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4125-8 du code de la défense : " La procédure d'instruction des recours est écrite. La commission ne peut statuer qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites sur les éléments recueillis auprès de l'autorité mentionnée à l'article R. 4125-3, dans un délai de quinze jours à compter de leur réception par lui. Si elle l'estime nécessaire, la commission peut convoquer l'intéressé. Lors de son audition, ce dernier peut se faire assister d'un militaire de son choix en position d'activité, à l'exclusion de toute autre personne. Les membres de la commission ainsi que les rapporteurs procèdent à toute mesure utile à l'examen des recours ". 7. Si le requérant fait valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, il ressort des termes mêmes des visas de la décision litigieuse qui précise " vu la réplique de l'auteur du recours " que le requérant a été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de celle-ci. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté. 8. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense, dans sa version applicable au litige : " Le militaire, à l'exception du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 511-3 du code de la fonction publique : " Hormis les cas où le détachement et la mise en disponibilité sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord du service, de l'administration ou de l'organisme public ou privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu'en raison des nécessités du service ou, le cas échéant, d'un avis rendu par la commission de déontologie mentionnée à l'article 25 octies. Elle peut exiger de lui qu'il respecte un délai maximal de préavis de trois mois. Son silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) / 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". 9. D'une part, il résulte des dispositions précitées que le code de la défense a institué une procédure spécifique de détachement applicable aux militaires souhaitant accéder à l'une des trois fonctions publiques civiles. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'article 14 de la loi du 13 juillet 1983, dont les militaires ne relèvent pas, pour soutenir que le silence de l'administration pendant deux mois valait acceptation de sa demande d'agrément. 10. D'autre part, le bénéfice de l'accès des militaires à des emplois civils est subordonné non seulement à la réunion, par les militaires qui le demandent, de certaines conditions de grade et de durée de services, mais encore à l'agrément du ministre qui peut l'accorder ou le refuser après avoir procédé à un examen particulier de la demande et pour des motifs tirés notamment des besoins du service et de la gestion des effectifs. Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les motifs, tirés du besoin du service et de la gestion des effectifs, fondant un refus d'agrément opposé par le ministre des armées. 11. Il résulte du point précédent que, contrairement à ce que soutient le requérant, la légalité du refus d'agrément n'est pas soumise à la condition d'une nécessité impérieuse de service public mais à des besoins du service et de la gestion des effectifs sur lesquels s'est fondée la décision litigieuse. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 12. Enfin, pour refuser l'agrément sollicité par M. C..., la ministre des armées s'est fondée sur la situation des effectifs de pompiers sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier et sur les compétences et l'expérience du requérant qu'il convenait de préserver au sein de la base aérienne. Il ressort des termes de la décision litigieuse que la base aérienne de Saint-Dizier était, toutes qualifications confondues, en sous-effectif à hauteur de 10 % tandis qu'au niveau national ce sous-effectif était de 4 %, et que si l'effectif de pompiers dans la spécialité nucléaire était en revanche de 105 %, la ministre a toutefois considéré qu'il avait une nécessité de conserver M. C... sur cette base dans l'escadron de la sécurité incendie et sauvetage (ESIS) en raison de son expérience et de ses qualités professionnelles, dès lors qu'il était immédiatement employable. Il ressort en effet d'un courriel d'octobre 2019 produit par le requérant que l'escadron d'affectation de M. C... était à cette date en sous-effectif pour le personnel réellement employable, les jeunes recrues restant à former. Si le requérant soutient qu'il a ensuite fait l'objet d'un ordre de mutation le 5 mars 2020 à compter du 31 août 2020 à l'ESIS de la base d'Orléans, cette circonstance postérieure à la décision en litige est sans incidence sur sa légalité dès lors qu'elle ne révèle pas d'éléments de nature à remettre en cause le bien-fondé des motifs de la décision en litige à la date à laquelle elle a été prise. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que les besoins du service ont bien motivé la décision de refus d'agrément. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la ministre des armées a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation. 13. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée constitue une sanction déguisée. M. C... n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un climat de confiance dégradé avec ses supérieurs. Il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir une intention punitive de la part de sa hiérarchie au travers du refus d'agrément. Le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté. 14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 janvier 2020 de la ministre des armées. Ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre, - Mme Samson-dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. B... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M. B... 2 N° 21NC01472
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/10/2023, 454135, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : 1° Sous le n° 454135, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 1er juillet 2021 et 14 mars 2022, M. C... E... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 7 juillet 2017 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 454137, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et le 14 mars 2022, M. C... D... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 6 septembre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 3° Sous le n° 454138, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et le 14 mars 2022, M. F... G... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 30 décembre 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 4° Sous le n° 454139, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 2021 et 14 mars 2022, M. B... A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 relative aux conséquences des détachements et des mises à disposition dans le calcul de la pension des policiers ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier la convention de prolongation de sa mise à disposition auprès de l'Organisation internationale de police criminelle - Interpol du 10 avril 2018 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces des dossiers que MM. E..., D..., G... et A... sont des fonctionnaires de police, mis à disposition de l'organisation internationale Interpol. Lors du renouvellement de leurs conventions de mise à disposition, l'administration leur a refusé le bénéfice des bonifications d'ancienneté réservées aux fonctionnaires des services actifs de police qui leur étaient accordées antérieurement, à savoir la bonification spéciale des fonctionnaires de police (BSFP) prévue par la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police et l'avantage en matière de pension de retraite institué par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. L'administration a fondé ce refus sur une note du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 disposant notamment que " le policier mis à disposition ne bénéficie pas du classement en catégorie active, ni de la BSFP, même s'il exerce des tâches analogues à celles exercées par un policier. Il s'agit de l'application de l'article L. 73 du code des pensions qui ne reconnaît le maintien des avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services actifs, seulement aux fonctionnaires détachés dans un emploi similaire ". Par quatre requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, M. E... et autres demandent au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler cette disposition de la note de service du 4 juillet 2016 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier en conséquence leur convention de mise à disposition, en tant qu'elle reproduit les dispositions contestées. Sur les conclusions tendant à l'annulation partielle de la note du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016 : 2. Aux termes, d'une part, de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat. " Aux termes de l'article 41 de la même loi : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir. / (...) ". 3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " La police nationale comprend des personnels actifs, ainsi que des personnels administratifs, techniques et scientifiques. / Les sujétions et obligations particulières applicables aux personnels actifs de la police nationale sont définies à l'article 19 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. " Aux termes de l'article R. 411-2 du même code : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : / 1° De protection des personnes et des biens ; / 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; / 3° De police administrative ; / 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ; / 5° De recherche de renseignements ; / 6° De maintien de l'ordre public ; / 7° De coopération internationale ; / 8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ; / 9° De formation des personnels. / (...) ". En ce qui concerne le bénéfice de la bonification spéciale des fonctionnaires de police : 4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police (...) bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités. " Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les services actifs de police sont ceux qui impliquent l'exercice de fonctions de la nature de celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure cité ci-dessus. 5. L'avantage d'ancienneté, dit " bonification spéciale des fonctionnaires de police " ou " bonification du 1/5ème ", prévu par les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 8 avril 1957 est attaché à la nature des fonctions que ces agents exercent en position d'activité. Il suit de là qu'un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition a droit au bénéfice de la bonification d'ancienneté pour autant que les fonctions qu'il exerce soient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police conformément aux dispositions rappelées au point 3 ci-dessus. En ce qui concerne le bénéfice du classement de l'emploi dans la catégorie active : 6. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I. - La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". La liste des emplois du ministère de l'intérieur classés dans la catégorie active est fixée par le tableau annexé à l'article R.* 34 du même code, et comprend tous les grades des corps des personnels actifs de police. 7. Eu égard à l'objet des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite citées au point 6., les fonctionnaires relevant des différents corps et grades des personnels actifs de la police nationale, qui sont, dans leur ensemble, classés dans la catégorie active par le tableau annexé au même code conformément à l'article R*. 34, en bénéficient lorsqu'ils sont mis à disposition, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point 2. ci-dessus de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 en vertu desquelles le fonctionnaire mis à disposition est réputé occuper son emploi, sans que le ministre de l'intérieur puisse utilement, pour leur en dénier le bénéfice, se prévaloir des dispositions de l'article L. 73 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui ne s'appliquent qu'à certains fonctionnaires détachés. 8. Il résulte de ce qui est dit aux points 5. et 7. que la note de service contestée est illégale en tant qu'elle prévoit que les services accomplis par les fonctionnaires actifs de police placés en position de mise à disposition ne sont pas pris en compte, d'une part, pour l'attribution de la bonification spéciale des fonctionnaires de police, sans distinction selon la nature des fonctions exercées par le fonctionnaire de police dans l'organisme qui l'accueille et, d'autre part, pour le bénéfice du classement de l'emploi dans la catégorie active en application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les requérants sont fondés à en demander, pour ce motif, l'annulation dans cette mesure. Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de modifier les conventions de mise à disposition des requérants au profit de l'organisation internationale Interpol : 9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". 10. L'exécution d'un jugement annulant un acte réglementaire n'implique pas que le juge enjoigne à l'administration de revenir sur les mesures individuelles qu'elle a prises en application de cet acte. Par suite, les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de modifier les conventions de mise à disposition au profit de l'organisation internationale Interpol ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions relatives aux frais d'instance : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Dans la note de service du ministre de l'intérieur du 4 juillet 2016, les phrases : "le policier mis à disposition ne bénéficie pas du classement en catégorie active, ni de la BSFP, même s'il exerce des tâches analogues à celles exercées par un policier. Il s'agit de l'application de l'article L. 73 du code des pensions qui ne reconnaît le maintien des avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services actifs, seulement aux fonctionnaires détachés dans un emploi similaire " sont annulées. Article 2 : L'Etat versera à chacun des requérants une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... E..., à M. C... D..., à M. F... G..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 27 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 11 octobre 2023. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Alain Seban La secrétaire : Signé : Mme Anne-Lise CalvaireECLI:FR:CECHR:2023:454135.20231011
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 03/10/2023, 22MA01202, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Marseille, premièrement, d'annuler la décision du 17 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, deuxièmement, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux de son invalidité à 30 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 octobre 2016, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit, troisièmement, d'ordonner à la ministre des armées la communication au tribunal de son livret médical militaire et enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003816 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 avril 2022, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2022 ; 2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " cervicalgies aggravées par des discopathies étagées de C3 à C7, avec névralgie cervico-brachiale gauche sur le trajet C7 ", liée à l'accident de service survenu en Nouvelle-Calédonie, au taux de 30 % à compter du 21 octobre 2016, date de sa demande ; 3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il a rapporté la preuve, qui peut être en la matière fournie par tout moyen, du lien direct entre sa maladie et le service au cours duquel a eu lieu l'accident le 1er novembre 2011 en Nouvelle-Calédonie, compte tenu de l'absence d'affection lors de son incorporation dans la légion étrangère en 2009, des mentions du rapport circonstancié, d'un témoignage et de l'avis d'un médecin expert, et en l'absence de tout élément relatif à une maladie constitutionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qui y sont présentés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Ravenaux, substituant Me Stark, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ancien légionnaire, a demandé le 21 octobre 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, au titre, d'une part, de " séquelles d'entorse du ligament latéral externe de la cheville droite ", d'autre part, de " séquelles de tendinite achiléenne et des péroniers latéraux de la cheville gauche ", et enfin, de " cervicalgies sur canal cervical étroit congénital aggravé par des discopathies étagées de C3 à C7, avec névralgie cervicobrachiale gauche sur le trajet, céphalées responsables de malaises ". Par une décision du 17 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement du 22 mars 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant que par celle-ci, la ministre a rejeté sa demande de pension concernant la troisième infirmité invoquée. Sur le cadre juridique applicable : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version en vigueur au jour de la demande de pension de M. A... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve, qui peut être rapportée par tout moyen, ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. Ces principes n'interdisent pas aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité au service doit, par dérogation à ces principes, être regardée comme établie. 4. Par ailleurs, au sens des dispositions citées au point 2, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. En l'absence de tout fait précis de service ayant causé un traumatisme qui serait à l'origine de l'infirmité litigieuse, celle-ci doit être qualifiée de maladie. Sur les droits à pension de M. A... : 5. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment d'un rapport circonstancié établi le 4 novembre 2011, et des mentions concordantes de son livret médical militaire, que le 1er novembre 2011, à 6 heures 30, M. A... a été victime à Nouméa d'un malaise lors d'une course à pied avec céphalée pariéto-occipitale droite latérale ayant nécessité l'arrêt de l'effort. Si ce livret indique que le 4 novembre 2011, un repos sportif a été prescrit au militaire et qu'il est observé, le 7 novembre 2011, qu'il a dormi tout le week-end, et s'est plaint alors d'une sensation d'engourdissement du membre supérieur et de cervicalgies sous la pression des doigts, ce même document, dont les mentions sont confirmées par le certificat médical du 1er octobre 2014, précise que les résultats de l'examen tomodensitométrique se sont avérés normaux. Ni cette pièce ni aucune autre du dossier d'instance, pas même le témoignage du 4 février 2020 d'un militaire en mission en Nouvelle-Calédonie en même temps que l'intéressé, évoquant une blessure lors du stage commando, " au niveau du cou lors de l'entraînement sur la piste nautique ", en contradiction avec le rapport circonstancié de cet événement, ne mettent au jour, concernant cette course à pied du 1er novembre 2011, un fait précis de service à l'origine d'une lésion soudaine ayant procuré à M. A... une blessure et de l'affection au titre de laquelle celui-ci sollicite une pension. 6. D'autre part, ni la circonstance que les premiers symptômes de la maladie de M. A... sont apparus au cours du service, ni celle qu'avant son incorporation, il a été déclaré médicalement apte sans réserve, ne peuvent suffire à établir un lien de causalité, direct et certain, entre le service et cette affection. Certes, l'appréciation portée par le médecin auteur du certificat du 1er octobre 2014, ainsi que les mentions du constat provisoire et de la décision en litige, selon lesquelles M. A... présenterait un canal cervical rétréci d'origine congénitale et acquis par arthrose, sont sérieusement contredites par l'analyse du médecin expert du 22 juillet 2020, qui identifie les causes possibles d'un tel rétrécissement dans des situations physiques qui sont étrangères à celle de l'intéressé. Toutefois, alors que cette dernière analyse médicale ne se prononce pas sur les causes possibles de la maladie de M. A..., et qu'il résulte des mentions du livret médical de M. A..., que celui-ci a souffert le 16 juillet 2010 d'une contracture cervicale droite et gauche, sans lésion ni traumatisme, que ni ce document, ni d'ailleurs l'argumentation de l'intéressé, ne rattachent à un fait précis de service ou à des conditions particulières de service, l'ensemble des éléments de l'instruction ne permet pas de considérer comme rapportée par le requérant la preuve, qui pourtant lui incombe, de l'imputabilité de sa maladie au service. 7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 janvier 2019 et à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de lui accorder des droits à pension, au taux d'invalidité de 30 %. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023. N° 22MA012022
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 10/10/2023, 22DA01020, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie et d'enjoindre à cette dernière de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1904163 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Ahmed Akaba, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le mémoire en défense produit par la ministre des armées en première instance devait être écarté des débats dès lors qu'il méconnaissait les dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative ; - le lien entre sa pathologie et les faits de violence allégués durant la guerre d'Algérie est établi et lui donne par suite droit au bénéficie d'une pension en qualité de victime civile. Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable en raison de l'insuffisance de sa motivation et que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023. Par ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur ; - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., née le 27 septembre 1958 à Foum El Guerza en Algérie, a demandé le 18 août 2017 l'attribution d'une pension en qualité de victime civile de guerre, en raison d'une blessure à l'œil gauche qu'elle impute à un fait de violence survenu durant la guerre d'Algérie. Mme A... fait appel du jugement n° 1904163 du 31 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 juillet 2018 lui refusant le bénéfice de cette pension. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes des deux derniers alinéas de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Les parties et mandataires inscrits dans l'application doivent adresser tous leurs mémoires et pièces au moyen de celle-ci, sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. (...) / Lorsque les parties et mandataires inscrits dans l'application transmettent, à l'appui de leur mémoire, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire qui en est dressé. S'ils transmettent un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Ces obligations sont prescrites aux parties et mandataires inscrits dans l'application sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. " 3. Il résulte de ces dispositions que la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. 4. Mme A..., en soutenant que le jugement attaqué est irrégulier au motif que le mémoire en défense de la ministre des armées enregistré le 28 novembre 2019 n'était pas conforme aux prescriptions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur, doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des dispositions de même portée, citées au point 2, applicables aux mémoires en défense. 5. Il résulte des pièces du dossier que l'intitulé de chaque signet au sein du fichier unique global de pièces jointes au mémoire en défense de la ministre des armées enregistré le 28 novembre 2019 correspondait au même numéro d'ordre que celui figurant sur l'inventaire détaillé de ces pièces. Dès lors, ce mémoire était conforme aux prescriptions des dispositions citées au point 2. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 6. D'une part, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". 7. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 124-20 du même code qu'il appartient aux postulants qui se prévalent des dispositions de l'article L. 113-6 de ce même code de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits mentionnés au même article. Cette preuve, qui implique l'existence d'un lien de causalité direct et déterminant, ne saurait résulter d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une hypothèse médicale. 8. En vue d'établir le lien entre les dommages physiques dont elle a été victime et un fait de guerre mentionné à l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, Mme A... produit plusieurs certificats médicaux indiquant qu'elle est suivie depuis de nombreuses années par le service d'ophtalmologie du centre hospitalier régional universitaire de Rouen pour un traumatisme à l'œil gauche avec un corps étranger intraoculaire, qui a donné lieu à plusieurs opérations chirurgicales. Toutefois, Mme A... ne produit aucun document, de nature médicale ou autre, qui serait contemporain des faits allégués. En outre, les certificats médicaux, notamment celui du Pr C... précisant que Mme A... a été " victime en 1962 d'un traumatisme à l'œil gauche ", ainsi que les différentes attestations de membres de sa famille et de Mme Louisa Mameri, présidente nationale du collectif Harkis, qui se bornent à imputer le traumatisme oculaire de Mme A... à la guerre d'Algérie, sont insuffisamment circonstanciés pour permettre de justifier de la réalité des faits de violence allégués et de leur lien de causalité avec les dommages physiques subis par Mme A.... De plus, la description par l'intéressée des circonstances des faits présente des contradictions et imprécisions puisque, dans le formulaire de sa demande de pension datée du 30 août 2017, Mme A... précisait que son traumatisme était survenu " suite à l'explosion d'une grenade dans un camp militaire entraînant la projection d'un corps étranger dans l'œil ", en " janvier 1962 ", " à Alger ou à Foum El Guerza " tandis que, dans sa requête devant le tribunal des pensions de Rouen, Mme A... indiquait que " la date et le lieu des faits étaient erronés " et qu'elle aurait été victime d'une " balle perdue le 11 décembre 1960 à Alger dans le quartier de Belcourt " et qu'elle se serait vu refuser les soins en Algérie en raison de sa situation d'enfant de harkis. Dans ces conditions, et dès lors, notamment, que les recherches effectuées par les services de la ministre des armées auprès des archives de la brigade de gendarmerie de Biskra territorialement compétente pour la commune de Foum El Guerza et auprès du service historique de la défense se sont révélées infructueuses, Mme A... n'établit pas que l'infirmité invoquée trouve son origine dans une blessure causée par l'un des faits mentionnés à l'article L. 113-6 du code des pensions militaires et des victimes de guerre. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction ainsi que, en toute hypothèse, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur ; - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01020
Cours administrative d'appel
Douai
Conseil d'État, 6ème chambre, 11/10/2023, 456136, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Vienne d'ordonner une expertise avant-dire droit et d'annuler la décision du ministre de la défense du 19 octobre 2016 rejetant sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a réformé ce jugement et ordonné une expertise. Par un arrêt n° 19BX04087 du 23 mars 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre le jugement du tribunal des pensions militaires de la Vienne. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 25 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et d'enjoindre à l'Etat de porter le taux de sa pension à 55 % à compter du 16 septembre 2013 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à son avocat, la SCP Delamarre, Jéhannin, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 10 juillet 1937, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % avec effet au 22 avril 1991 pour une asbestose en lien avec son exposition à l'amiante alors qu'il était affecté en Algérie en qualité de mécanicien d'escadrille militaire, entre le 11 février 1957 et le 19 novembre 1958. Par une décision du 19 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension, au motif qu'après expertise médicale, aucune aggravation n'avait été constatée. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'une expertise soit ordonnée. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a réformé ce jugement et ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 29 août 2019. Par un arrêt du 23 mars 2021 contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal des pensions militaires de la Vienne. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version alors applicable : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 29, alors en vigueur, du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 26, alors applicable, du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport rendu le 29 août 2019 par l'expert désigné par la cour régionale des pensions, ainsi que des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué, d'une part, que des scanners effectués en 2003 puis en 2013 ont mis en évidence une progression des épaississements pleuraux ainsi qu'une nette augmentation des plaques pleurales par rapport à ce qui avait été observé en 1991, d'autre part, que M. A..., qui a développé un syndrome d'anxiété lié à l'éventualité d'être atteint, à terme, d'un mésothéliome, présente une dyspnée de grade II ainsi qu'une toux et une expectoration chroniques auxquelles s'ajoute, comme principal symptôme fonctionnel de l'asbestose, une douleur thoracique invalidante en hémi ceinture dans l'hémichamp thoracique droit évoluant par poussées. Si l'expert a estimé pouvoir conclure à une majoration " d'environ 10 %, ce qui permet de fixer ce taux d'incapacité fonctionnelle à 55 % ", son constat portait sur l'aggravation des lésions pleurales et non sur l'aggravation de la gêne fonctionnelle en résultant. Dès lors, en se fondant sur l'absence d'aggravation des signes fonctionnels, qualifiés de minimes dans ce rapport d'expertise, pour juger que les éléments au dossier ne suffisaient pas à justifier une majoration d'au moins 10 % du taux de pension de 45 % qui avait été attribué à M. A... en 1991, la cour administrative d'appel, qui n'était pas liée par les conclusions du rapport d'expertise, n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 4. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 7 septembre 2023 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 11 octobre 2023. Le président : Signé : M. Cyril Roger-Lacan Le rapporteur : Signé : M. Cédric Fraisseix La secrétaire : Signé : Mme Angélique RajaonariveloECLI:FR:CECHS:2023:456136.20231011
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème chambre, 13/10/2023, 467579, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1908935 du 9 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21LY00382 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur la demande de pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite et annulé la décision de refus dans cette mesure, et, d'autre part, rejeté le surplus de l'appel de Mme B.... Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 septembre 2022 et 15 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des armées demande au Conseil d'État : 1°) d'annuler les articles 1er à 4 de cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de Mme B.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme A... B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B..., qui s'est engagée dans la gendarmerie nationale le 3 mars 2009, a sollicité le 20 mai 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour, d'une part, des séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite caractérisées par une diminution modérée de la flexion dorsale et un appui douloureux à la marche, d'autre part, une maladie épileptique. Par un jugement du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande. Le ministre des armées se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 de l'arrêt du 13 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon, par lesquels cette cour a annulé ce jugement en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision du 27 juillet 2018 refusant d'accorder une pension militaire d'invalidité à Mme B... au taux de 10 % au titre de son infirmité à la cheville droite, a annulé cette décision dans cette mesure et a enjoint au ministre des armées d'attribuer à l'intéressée une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 20 mai 2016 et de procéder à la liquidation du rappel de ses droits. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites (...) soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) ". 3. Après avoir relevé que l'intéressée avait contracté deux entorses, l'une en service le 6 avril 2009 lors d'une séance d'entraînement, dont était rapportée la preuve de l'imputabilité au service, l'autre en dehors du service en septembre 2009, et énoncé que la part causale étrangère au service n'était susceptible de remettre en cause l'imputabilité au service de l'ensemble de l'infirmité, d'un taux global de 10 %, que si cette cause étrangère avait été déterminante dans l'apparition de la pathologie, la cour s'est fondée sur ce qu'aucun élément du rapport d'expertise médicale ne permettait de déterminer l'imputabilité respective des séquelles à chacun des deux accidents pour en déduire que la part imputable au second ne pouvait être regardée comme ayant eu un effet déterminant dans l'apparition de l'infirmité et qu'une pension militaire d'invalidité devait en conséquence être attribuée à Mme B... au taux de 10 %. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à l'intéressée d'apporter, par tous moyens de nature à emporter la conviction du juge, la preuve de l'imputabilité au service de l'ensemble d'une infirmité entraînant une invalidité au taux minimal d'ouverture d'un droit à pension, la cour a méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve. 4. Par suite, le ministre des armées est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation des articles 1er à 4 de l'arrêt attaqué. 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme B... à ce titre et à celui de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.D E C I D E : -------------- Article 1er : Les articles 1er à 4 de l'arrêt du 13 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon. Article 3 : Les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des armées et à Mme A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur. Rendu le 13 octobre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve La secrétaire : Signé : Mme Michelle BailleulECLI:FR:CECHS:2023:467579.20231013
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/09/2023, 21NT03609, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 29 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à ce qu'une pension militaire d'invalidité lui soit allouée en qualité de conjointe survivante à la suite du décès de son mari, M. A... C..., ancien militaire. Par un jugement n° 1905823 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021, Mme C..., représentée par le cabinet d'avocats Teissonnière et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 29 juin 2018 ; Elle soutient que : - la légalité de la décision contestée doit s'apprécier au regard des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018, lesquelles instituent une présomption d'imputabilité pour les pathologies correspondant au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; - les pièces médicales qu'elle produit attestent que son mari, qui est décédé d'un cancer broncho-pulmonaire, remplissait toutes les conditions requises pour bénéficier de cette présomption ; - à supposer que la présomption d'imputabilité ne puisse pas être reconnue, les éléments du dossier révèlent une probabilité suffisante que la pathologie dont son mari est décédé, est en rapport avec son activité professionnelle ; l'administration n'établit pas que d'autres facteurs en seraient la cause déterminante ; - en rejetant sa demande aux motifs que l'existence d'un lien direct et déterminant ne serait pas établi la ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit ; le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né en 1946, a exercé ses fonctions de mécanicien embarqué au sein de la marine nationale entre 1966 et 1986. A la suite d'un scanner effectué le 8 octobre 2008, qui a révélé la présence de plaques pleurales chez cet ancien marin, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée pour cette infirmité au taux de 30 %. L'intéressé est décédé le 17 août 2017. Son épouse a contesté devant le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, la décision du 29 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à ce qu'une pension militaire d'invalidité lui soit allouée en qualité de conjointe survivante. Elle relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 juin 2018 : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". L'article L. 121-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la demande présentée par Mme C..., dispose que : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires (...) Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". Aux termes de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le droit à pension est ouvert au conjoint (...) survivant (...) : (...) 3° Lorsque le décès du militaire résulte de maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit. ". Aux termes de l'article R. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité (...) est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". 3. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. C..., qui bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité depuis le 26 novembre 2008 pour l'infirmité " plaques pleurales calcifiées ", est décédé le 17 août 2017. Par un courrier reçu le 1er septembre 2017, Mme C... a sollicité une pension militaire d'invalidité en sa qualité de conjointe survivante. Par une décision du 29 juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Pour contester la légalité de cette décision, la requérante se prévaut des dispositions de la loi susvisée du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions, instituant une présomption d'imputabilité au service pour toutes les maladies désignées par les tableaux des maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale, et contractées dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions. En l'absence de précision contraire de ce texte, ces dispositions législatives n'ont toutefois pas vocation à s'appliquer avant l'entrée en vigueur de cette loi parue au Journal officiel de la République le 15 juillet 2018. Il s'ensuit que la présomption prévue à l'article L. 121-2 dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018 n'est pas applicable à la demande déposée le 1er septembre 2017 par Mme C.... 5. Lorsque le demandeur d'une pension ne peut bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il incombe à l'intéressé d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 6. Selon le tableau 30 bis des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale, constitue une maladie professionnelle un cancer broncho-pulmonaire apparu dans un délai de 40 ans chez un salarié ayant exercé pendant au moins dix ans des travaux d'entretien ou de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante. Il n'est pas contesté que, sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord, de même que les réacteurs et moteurs des avions de l'aéronavale et que ces matériaux d'amiante avaient tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. En outre, il est admis, sur le plan scientifique, que l'inhalation de poussières d'amiante, sur une durée longue, peut, à plus ou moins long terme, et parfois vingt à trente ans après l'exposition, être la cause de cancers bronchiques mortels. 7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a travaillé en qualité de mécanicien embarqué sur des bâtiments de la marine nationale de 1966 à 1986, soit pendant plus de 20 ans. Par ailleurs, alors que des plaques pleurales calcifiées avaient été diagnostiquées chez cet ancien marin, les examens qui ont été effectués lors de son hospitalisation au début du mois d'août 2017 ont permis de diagnostiquer un adénocarcinome métastasé. Dans son certificat du 23 août 2017, la pneumologue du centre hospitalier de Bretagne Sud évoque un diagnostic en faveur " d'une métastase d'un adénocarcinome peu différencié pouvant s'accorder avec une origine digestive haute, une différenciation pancréato biliaire ou encore pulmonaire malgré la négativité du TTF1". Elle souligne l'existence d'un nodule de 8 mm au niveau du lobe supérieur du poumon droit et ajoute que l'intéressé ne présentait pas d'antécédent notable autre que son exposition à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre de son activité professionnelle, ce que confirme la pneumologue qui suivait régulièrement M. C.... En défense, l'administration n'apporte aucun élément de nature à établir que d'autres facteurs seraient la cause déterminante de la pathologie dont l'intéressé est décédé. Dans ces conditions, et compte tenu de la durée d'exposition et des fonctions exercées, de surcroît en milieu confiné, par son mari décédé, Mme C... doit être regardée comme établissant un lien suffisant entre la pathologie à l'origine du décès de son mari et son activité professionnelle. En conséquence, la requérante est fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante, la ministre des armées a entaché sa décision d'illégalité. 8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur l'octroi d'une pension militaire d'invalidité à Mme C... : 9. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de renvoyer Mme C... devant le ministre des armées afin qu'il détermine le montant de la pension militaire d'invalidité à laquelle elle peut prétendre en qualité de conjointe survivante, sur la base d'un taux d'invalidité de 100 % correspondant selon le guide-barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre aux affections cancéreuses malignes " en évolution dont la caractéristique commune est de faire peser une menace certaine sur l'existence de l'individu ". DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905823 du tribunal administratif de Rennes en date du 26 octobre 2021, ainsi que la décision de la ministre des armées du 29 juin 2018 sont annulés. Article 2 : Mme C... est renvoyée devant le ministre des armées pour le calcul de la pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante à laquelle elle peut prétendre sur la base d'une infirmité de 100 %. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT03609
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/09/2023, 22MA00441, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de réformer la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité et de faire droit à cette demande pour aggravation en fixant le taux d'invalidité à tout le moins à 90 % au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire droit. Par un jugement n° 1910176 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 4 février 2022, M. A..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 1910176 du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille et, par voie de conséquence, d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 2°) en conséquence, de faire droit à sa demande de révision et de fixer le taux d'invalidité ; 3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance. Il soutient que : - l'administration rejette l'idée même d'une aggravation de l'infirmité d'hypoacousie d'origine sono-traumatique dont elle considère sur la foi de " connaissances médicales " qu'elle ne produit pas, qu'elle aurait un caractère stationnaire ; aussi, outre que la motivation de la décision de l'administration manque en fait, elle n'est étayée d'aucune précision quant aux connaissances médicales mentionnées, ni d'aucune pièce médicale ; - la motivation de cette décision contredit de surcroît manifestement les conclusions de l'expertise que l'administration avait ordonnée ; en effet, dans les conclusions d'expertise du 15 avril 2019, le docteur C... indique que l'audiométrie confirme l'aggravation de la surdité, l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale et l'aggravation des acouphènes ; - si le ministère des armées considère également que l'infirmité invoquée n'est pas imputable au service et que la baisse récente de l'hypoacousie résulte du vieillissement physiologique des oreilles qui entraîne une affection distincte de l'infirmité 4073, il ne rapporte nullement la preuve qu'elle ne serait pas imputable au service ; les expertises médicales constatant une aggravation de l'hypoacousie bilatérale, celle-ci ayant été reconnue comme imputable au service, il n'avait pas à être à nouveau réalisé la démonstration de son imputabilité au service, contrairement à ce qu'avance le tribunal administratif dans sa décision du 7 décembre 2021 ; ni le constat provisoire, ni le rapport d'expertise médicale ne démontrent en quoi l'aggravation de son infirmité auditive est due au vieillissement ; - si l'administration prétend ainsi que le tableau n° 42 des maladies professionnelles du régime de la sécurité sociale a " reconnu et acté " le " caractère stationnaire et régressif des hypoacousies sono-traumatiques ", de sorte qu'il ne serait pas possible que son état se soit aggravé mais qu'il serait a contrario susceptible de s'améliorer, cet argument est inopérant et manque de sérieux, dès lors que l'expert mandaté par l'administration elle-même fait état d'une aggravation de l'hypoacousie et à aucun moment d'une " presbyacousie liée aux facteurs de risques présents chez le requérant " ; ainsi deux expertises, l'une civile et l'autre mandatée par l'administration, corroborent une aggravation de sa surdité et non une " infirmité nouvelle ", et ces deux mêmes expertises estiment nécessaire la révision du taux d'invalidité accordé au titre de ses infirmités ; - concernant le tableau des maladies professionnelles, il est à noter que le décret encadrant le régime de ces troubles est en date du 10 avril 1963, qu'il n'a pas été modifié depuis le décret n° 2003-924 du 25 septembre 2003 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale, et ne s'applique pas aux pensions militaires d'invalidité ; dès lors, il semble que les " connaissances médicales généralement admises " dont se prévaut la ministre des armées sont cantonnées à ce qu'elles étaient en 2003 ; - il n'est fait mention à aucun moment dans les différentes expertises médicales ayant été pratiquées de " facteurs de risques ", encore moins en ce qu'elles aient pu entraîner l'apparition d'une infirmité nouvelle ; il s'agit ainsi d'un raisonnement par probabilité au regard de la personne du requérant en lieu et place d'examens médicaux circonstanciés retenant l'existence d'une hypoacousie s'aggravant du fait de l'accident traumatique. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête d'appel n'est pas motivée conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 6 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 23 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, M. A... a été invité à transmettre à la Cour l'ensemble des pièces mentionnées dans les bordereaux communiqués par son conseil en cause d'appel. En réponse à cette mesure d'instruction, des pièces ont été produites le 15 juin 2023 par M. A.... Un mémoire, enregistré le 21 juin 2023, présenté par le ministre des armées, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 30 janvier 1944, a été radié des contrôles le 15 septembre 1989 au grade de gendarme. Il a subi une blessure de guerre, survenue le 5 mai 1985 alors qu'il assurait la sécurité de l'ambassade de France à Beyrouth au Liban. A ce titre, il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée par une décision du 3 juillet 2015 suivant l'arrêté de pension du 22 juin 2015, au taux global de 90 %, soit 70 % au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale (...) ", 30 % + 5 au titre de l'infirmité " Acouphènes (...) ", et 25 % + 10 au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme complexe du coup de pied droit (...) ". Par une demande enregistrée le 20 décembre 2017, il a sollicité une révision de pension pour aggravation des infirmités " hypoacousie " et " acouphènes ". Par une décision du 2 septembre 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 3. D'une part, il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. D'autre part, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de l'intéressé pour évaluer ses droits à révision de pensions militaires d'invalidité. Enfin, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, pour rejeter la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A..., l'administration a relevé qu'aucune aggravation des infirmités pensionnées n'avait été constatée et que, s'agissant de la nouvelle baisse auditive médicalement objectivée, il s'agissait d'une infirmité distincte non imputable au service car postérieure et, par conséquent, étrangère à celui-ci, l'évolution récente de l'hypoacousie résultant du vieillissement physiologique des oreilles. Pour justifier cette position, elle s'est fondée tant sur l'avis émis le 3 juin 2019 par la commission consultative médicale que sur celui émis par la commission de réforme le 27 août 2019, selon lesquels l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale que présente l'intéressé, par rapport aux constatations ayant donné lieu à la fixation du taux d'invalidité de 70 % au titre de cette affection, est liée à la presbyacousie, c'est-à-dire une infirmité distincte, liée au vieillissement physiologique de l'appareil auditif. Alors que ces avis sont corroborés par l'analyse réalisée le 5 août 2020 par le médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale, certes plus de deux ans après la demande de révision mais dont les conclusions peuvent être prises en compte dès lors que, évoquant des facteurs de risque anciens présentés par M. A..., elles ne reposent pas sur des données postérieures à cette demande, l'appelant ne produit pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments médicaux de nature à contredire de telles conclusions. A cet égard, il ne résulte nullement des conclusions de l'expertise médicale diligentée par l'administration à la suite de la demande de révision de M. A..., et pas davantage du certificat médical établi le 4 décembre 2017 par le praticien assurant le suivi médical de l'intéressé, que l'aggravation médicalement objectivée de l'hypoacousie bilatérale serait imputable au service, et non au vieillissement à l'origine d'une nouvelle infirmité distincte de l'infirmité pensionnée. Par suite, le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une aggravation de ses infirmités en lien avec l'accident de service survenu le 5 mai 1985. 6. Enfin, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait se référer au tableau n° 42 des maladies professionnelles du régime général de la sécurité, M. A... se bornant à réitérer ce moyen en cause d'appel dans les mêmes termes qu'en première instance. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait droit à sa demande de révision doivent être rejetées, ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat des entiers dépens de l'instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 19 septembre 2023. N° 22MA00441 2
Cours administrative d'appel
Marseille