Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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Conseil d'État, 9ème chambre, 21/12/2021, 439916, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait de l'absence de prise en compte de l'ensemble des éléments de sa carrière pour le calcul de sa pension de retraite. Par un jugement n° 1602579 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 20DA00555 du 1er avril 2020, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par Mme A... contre ce jugement. Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 17 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la CNRACL à lui verser la somme de 400 000 euros ; 3°) de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de Mme A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... était agent titulaire au sein du centre hospitalier d'Arras, où elle exerçait des fonctions de sage-femme. Sa mise à la retraite et sa radiation des cadres, sollicitées le 11 mai 2011, lui ayant été accordées à compter du 1er septembre 2011, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a procédé à la liquidation de sa pension de retraite par une décision du 29 mars 2012. Le 20 août 2012, Mme A... a demandé en vain à la caisse la révision des bases de liquidation retenues. Le 5 février 2016, elle lui a demandé de l'indemniser du préjudice de pension subi. Sa demande ayant été rejetée par décision du 19 février 2016, Mme A... a demandé au tribunal administratif de condamner la CNRACL à lui verser la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 janvier 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande indemnitaire. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. / (...) ". 3. Il est constant que le délai dont disposait Mme A... pour se pourvoir contre la décision implicite de rejet de la CNRACL de sa demande du 20 août 2012 tendant à la révision des bases de liquidation de sa pension était expiré lorsque l'intéressée a présenté à la CNRACL, le 5 février 2016, une demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice que lui aurait causé la liquidation de sa pension sur des bases erronées. Or, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que les conclusions de Mme A... dirigées contre le refus opposé le 19 février 2016 par le directeur de la caisse à cette demande indemnitaire, sont exclusivement fondées sur les illégalités qui, selon la requérante, auraient entaché la décision de liquidation de sa pension. Ainsi, ces conclusions tendent en réalité à remettre en question une décision dont l'objet est exclusivement pécuniaire et qui est devenue définitive, avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables. Ces conclusions n'étaient par suite pas recevables. Il y a lieu de substituer ce motif de pur droit et qui ne nécessite l'appréciation d'aucune circonstance de fait nouvelle, aux motifs retenus par le tribunal administratif dans le jugement attaqué dont il justifie, à lui seul, le dispositif. 3. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les moyens soulevés contre les motifs par lesquels le tribunal a rejeté la demande indemnitaire de Mme A... sont inopérants. 4. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A... ne peut qu'être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Caisse des dépôts et consignations. Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 21 décembre 2021. Le président : Signé : M. Thomas Andrieu Le rapporteur : Signé : M. Cyril Martin de Lagarde La secrétaire : Signé : Mme C... D...ECLI:FR:CECHS:2021:439916.20211221
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, , 21/12/2021, 19MA05626, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal régional des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision en date du 15 mars 2018 par laquelle le directeur du département des soins et suivi du blessé et du pensionné de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a rejeté sa demande de prise en charge des frais d'une cure thermale à Axe-les-Thermes, au titre de l'année 2018. Par un jugement n°18 /00017 du 8 octobre 2019, le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, M. B..., représenté par Me Sinard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal régional des pensions militaires de Montpellier du 8 octobre 2019 ; 2°) d'annuler ce refus du 15 mars 2018 ; 3°) de faire droit à sa demande de prise en charge. Il soutient que : - l'établissement de cure thermale dont il demande la prise en charge des frais est agréé pour les orientations thérapeutiques relatives aux affections respiratoires et de la sphère ORL; - l'affection au titre de laquelle il bénéficie d'une pension d'invalidité justifie un traitement par crénothérapie et la prise en charge des frais y afférents, conformément à l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. C... pour statuer par ordonnance dans les cas prévus à l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % pour acouphènes, a demandé le 26 février 2018 la prise en charge des frais de cure thermale à la station d'Axe-les-Thermes au titre de l'année 2018. Par décision du 15 mars 2018, le directeur du département des soins et du suivi du blessé et du pensionné de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a rejeté cette demande. M. B... relève appel du jugement du tribunal régional des pensions militaires de Montpellier, en date du 8 octobre 2019, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus et à la prise en charge de ces frais. 2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l'ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée. / Les soins, produits et prestations pris en charge par l'Etat sont ceux prévus aux articles L. 162-1-7, L. 162-17 et L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans les conditions définies par ces articles ou par les dispositions du présent code. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ". L'article D. 212-8 du même code précise que : " Outre la prise en charge des frais de surveillance médicale et de traitement dans les établissements thermaux, les pensionnés effectuant une cure thermale au titre de l'article L. 212-1 ont droit, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement sur justification de tels frais et au remboursement de leurs frais de transport dans les conditions fixées à l'article D. 211-13, sauf s'ils résident dans la commune où se trouve l'établissement de cure ". 4. Pour refuser de faire droit à la demande de M. B... tendant à la prise en charge des frais de cure thermale à Axe-les-Thermes, le directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale s'est fondé sur le motif, que les premiers juges ont entièrement repris à leur compte, tiré de ce que l'infirmité au titre de laquelle il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité ne nécessite pas un traitement par crénothérapie. 5. Il ne résulte pas de l'instruction que l'infirmité de M. B..., qui ne verse aucune prescription médicale au soutien de ses prétentions, nécessiterait un traitement en cure thermale. S'il affirme que plusieurs études démontrent les bienfaits d'une cure pour le traitement des patients souffrant d'acouphènes et que cette infirmité ressortit de la catégorie des affections de type oto-rhino-laryngologique, il n'assortit cette allégation d'aucune documentation ou référence. Ainsi la circonstance que l'établissement de cure thermale choisi par M. B... serait, d'après les orientations thérapeutiques mentionnées dans la brochure commerciale de la station, agréé pour le traitement des pathologies rhumatismales et des voies respiratoires, et notamment pour les otites et surdités moyennes de l'oreille, est sans incidence sur ses droits à prise en charge tirés des dispositions citées au point 2 de l'article L.212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il suit de là qu'en application des dispositions législatives précitées, M. B... ne peut prétendre à la prise en charge des frais de cure thermale à la station d'Axe-les-Thermes et qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement querellé, le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa demande. 6. Sa requête, qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit donc être rejetée, en application de ces dispositions. O R D O N N E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des armées. Copie en sera adressée à la caisse militaire nationale de sécurité sociale. Fait à Marseille le 21 décembre 2021. N° 19MA056263
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 17MA03936, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 947 238 euros en réparation de préjudices résultant d'agissements survenus à l'occasion de son service. Par un jugement n° 1504411 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par un arrêt avant dire droit n° 17MA03936 du 21 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel formé par M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juillet 2017, a d'une part annulé ce jugement, et d'autre part, après avoir évoqué l'affaire, ordonné la réalisation d'une expertise aux fins de déterminer la date de consolidation du syndrome dépressif de M. A... ainsi que la durée et le taux du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances physiques et psychiques en relation directe avec cette pathologie, et notamment de son préjudice sexuel. Par ordonnance du 13 juin 2019, la président de la Cour a désigné le docteur C... en qualité d'expert. L'expert a remis son rapport le 11 octobre 2019. Ce rapport a été communiqué aux parties, qui ont été invitées à produire leurs observations, le 14 octobre 2019. Par ordonnance du 15 octobre 2019, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais de l'expertise à la somme de 1 200 euros toutes taxes comprises. Par deux mémoires enregistrés le 5 novembre 2019 et le 28 juillet 2021, M. A... a produit des observations sur ce rapport, et maintenu ses précédentes écritures tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 947 238 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de ses préjudices, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en refusant illégalement l'imputabilité au service de sa maladie, l'administration a commis une illégalité fautive ; - la date de consolidation retenue par l'expert est erronée et arbitraire, la cotation à retenir au titre des souffrances endurées sur une période de seize années doit être fixée à 5 / 7, et non à 3 / 7 comme l'a estimé l'expert, et son préjudice sexuel, qui doit être évalué en fonction du retentissement subjectif, a perduré après la consolidation ; - les montants qui lui seront alloués au titre de la réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux seront fixés sous réserve des sommes versées en exécution du jugement à intervenir sur sa demande de pension militaire d'invalidité. Par des mémoires, enregistrés les 8 janvier 2020 et 17 novembre 2020, la caisse nationale militaire de sécurité sociale indique que le montant des prestations servies au titre des dépenses de santé actuelles de M. A... est de 1 794, 32 euros. Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2021, la ministre des armées a produit des observations sur le rapport d'expertise, et conclu à ce que la Cour réduise à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de M. A.... La ministre soutient que : - en raison de l'imputabilité au service du syndrome dépressif de M. A..., seuls peuvent être réparés, au titre de la responsabilité sans faute, les souffrances endurées avant consolidation, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique, le préjudice d'établissement et le préjudice sexuel ; - compte tenu de l'évaluation par l'expert des souffrances endurées, la somme réclamée par le requérant à ce titre est manifestement excessive ; - faute de présenter un caractère permanent, d'après le rapport d'expertise, le préjudice sexuel ne peut être indemnisé ; - le préjudice de carrière est déjà indemnisé forfaitairement par la pension militaire d'invalidité, en cas de responsabilité sans faute de l'Etat et, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait la responsabilité pour faute de l'Etat, les prétentions indemnitaires relatives à ce chef de préjudice devraient être réduites, faute pour le requérant de justifier d'une perte de revenus professionnels, et de démonter un lien de causalité directe entre le syndrome dépressif et une perte de chance dans son évolution de carrière, ainsi qu'une impossibilité de travailler à l'issue de son congé de longue maladie ; - en tout état de cause, une éventuelle pension militaire d'invalidité devra être déduite des sommes à allouer au titre de la responsabilité pour faute. Par ordonnance du 8 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 juillet 2021 à 12 heures puis reportée au 1er septembre 2021, à 12 heures, par ordonnance du 29 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., médecin chef du service de sante´ des armées, atteint d'un syndrome dépressif, a été placé en congé de longue maladie à compter du 25 mars 2011. Par décision du 18 avril 2014, le ministre de la défense a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité qu'il avait présentée au titre de ce syndrome dépressif, le recours présenté par l'intéressé à l'encontre de cette décision étant actuellement pendant devant le tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité de Paris. Par décision du 7 septembre 2015, prise en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 novembre 2014, l'affection ayant justifié ce congé a été reconnue imputable au service. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Toulon la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 947 238 euros en réparation intégrale, d'une part, de son préjudice de carrière et, d'autre part, des souffrances psychiques et physiques, qu'il estime avoir subis en raison de cette maladie professionnelle. Saisie de l'appel de M. A... contre le jugement du 20 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande, la Cour a, par arrêt avant dire droit du 21 mai 2019, d'une part annulé ce jugement, et d'autre part, après avoir évoqué l'affaire, ordonné la réalisation d'une expertise aux fins de déterminer la date de consolidation du syndrome dépressif de M. A... ainsi que la durée et le taux du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances physiques et psychiques en relation directe avec cette pathologie, et notamment de son préjudice sexuel. Sur le cadre juridique applicable : 2. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, reprises aux articles L. 125-2 à L. 132-3 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, devenu l'article L. 133-1 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais d'assistance par une tierce personne. 3. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. En outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. Sur la responsabilité pour faute 4. Aux termes de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense, issu de la loi du 4 août 2014 : " Aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un militaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral mentionnés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ou militaire ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Ces dispositions, qui n'étaient pas en vigueur à la date des faits en cause, s'inspirent du principe selon lequel aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions d'exercice de son service susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour l'application de ce principe, il appartient au militaire qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 5. En premier lieu, la seule circonstance qu'au cours de l'exercice de ses fonctions, un militaire a développé une maladie ayant justifié son placement en congé de longue durée, et ayant été reconnue à ce titre imputable au service n'est pas, par elle-même, de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont le militaire aurait été l'objet. En pareille hypothèse, contrairement aux affirmations du requérant, il ne revient pas à l'administration de rapporter la preuve que cette pathologie trouverait une cause étrangère à des faits de harcèlement moral. 6. En deuxième lieu, pour soutenir avoir été la victime de faits de harcèlement moral à compter de son affectation en 2000, en tant que chef du service d'anesthésie, à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Bégin de Saint-Mandé, puis à partir de son affectation en 2002 à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) du Val-de-Grâce, M. A... fait état de la répétition d'attitudes vexatoires et déplacées, de remarques verbales et de brimades relatives à ses qualités professionnelles et personnelles, de la dévalorisation de ses compétences, des pressions exercées par sa hiérarchie et des oppositions de celle-ci à toutes ses initiatives professionnelles, ainsi que de l'interruption de ses perspectives d'avancement. 7. Toutefois, et d'une part, au cours de son affectation à l'HIA Bégin, si les témoignages d'anciens médecins anesthésistes ou anesthésistes-réanimateurs du service d'anesthésie et de réanimation de cet établissement permettent d'établir l'existence d'un différend entre la direction et les médecins de ce service, que M. A... dirigeait alors, au sujet d'un repos dit de sécurité, ni ces pièces ni aucun autre élément de l'instruction ne sont de nature à faire présumer la commission, à son encontre, d'agissements répétés de harcèlement moral. Il est constant qu'à cette période, la direction de l'établissement n'avait pas autorisé la prise de cette catégorie de repos, pourtant pratiquée par M. A... et par son service à son initiative. Il est tout aussi constant que c'est pour ce motif que M. A... s'est vu infliger le 19 février 2002 une sanction de dix jours d'arrêt, assortie d'un sursis de trois mois par la décision prise le 9 mars 2002 par le ministre de la défense sur recours de l'intéressé, décision n'ayant remis en cause ni le principe ni la matérialité des faits sanctionnés, et du reste non contestée devant le juge. La circonstance que le repos de sécurité était pratiqué au cours de la même période à l'HIA du Val-de-Grâce et qu'il sera plus tard appliqué à l'ensemble des hôpitaux d'instruction des armées, n'est en tout état de cause pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la sanction disciplinaire ainsi infligée. M. A..., qui ne soutient pas avoir désobéi à un ordre manifestement illégal, ne peut ainsi se prévaloir de cette sanction pour faire présumer de faits de harcèlement moral. Si, enfin, M. A... indique dans ses écritures relatives à son affectation à l'HIA Bégin, en contradiction avec les termes de son recours préalable, mentionnant à ce titre l'HIA du Val-de-Grâce, que deux de ses collègues se sont suicidés, qu'un autre a commis une tentative de pendaison dans son bureau, et que deux autres collègues ont été placés en congés de longue durée ou de longue maladie, du fait d'agissements fautifs de ses supérieurs, il n'apporte aucun élément susceptible d'en faire présumer l'existence. 8. A supposer que M. A... considère comme constitutive d'un agissement de harcèlement moral sa mutation d'office à l'HIA du Val-de-Grâce, alors qu'il n'avait sollicité que son changement de poste au sein du même HIA, compte tenu des difficultés relationnelles avec sa direction, il admet lui-même ne pas avoir contesté cette mutation, ni devant sa hiérarchie, ni devant le juge et n'affirme pas qu'elle n'aurait pas été décidée dans l'intérêt du service. 9. D'autre part, au titre de son affectation à l'HIA du Val-de-Grâce, M. A... ne livre aucune précision sur les conditions dans lesquelles il aurait été affecté d'abord au poste de chef du service, puis à celui d'adjoint au chef de ce service, et ne permet donc pas de présumer qu'il s'agirait d'une rétrogradation, susceptible de constituer un agissement de harcèlement moral. Il en va de même de son affectation au poste de chef du département de la formation continue de l'école du Val-de-Grâce, liée à la fermeture du centre d'instruction des infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat (CIIADE) dont il était directeur, selon la ministre des armées qui n'est pas sur ce point contredite. Le courriel daté du 12 mars 2010, à lui envoyé par le médecin général inspecteur et dont copie a été adressée à l'ensemble du personnel du service, se borne à lui demander, en des termes ni discourtois ni excédant les limites du pouvoir hiérarchique, d'adapter son emploi du temps à celui de l'école du Val-de-Grâce et de se conformer à ses directives. Ni cette pièce ni aucun autre élément de l'instruction ne fait apparaître des propos ou agissements de ses supérieurs hiérarchiques, de nature à dévaloriser sa manière de servir. Ses allégations selon lesquelles il aurait été l'objet d'insultes, en salle de réveil, en présence de collègues, infirmières et malades, sa boîte aux lettres professionnelle aurait été retirée sans information préalable, et sa place de stationnement supprimée, ne sont pas assorties des précisions suffisantes pour en apprécier le caractère plausible. Par ailleurs, la note de service du 5 février 2017, par laquelle le chef du département d'anesthésie-réanimation du Val-de-Grâce, dont M. A... était l'adjoint, a fixé les dates de trois réunions pour le même mois, alors que le requérant indique avoir été jusqu'alors chargé d'organiser les réunions de service, ne permet pas de considérer qu'il se serait vu retirer cette prérogative. Si M. A... verse au dossier une attestation d'un médecin ayant été affecté six mois, en 1991, au service d'anesthésie-réanimation de l'HIA du Val-de-Grâce, selon lequel l'ambiance dans le service était délétère du fait du professeur de médecine qui le dirigeait, ce document n'est de pas de nature à éclairer utilement les conditions de travail dans ce même service au cours de la période postérieure. Aucun des éléments d'appréciation dans la notation de M. A... pour l'année 2003, retenus par les différents notateurs appelés à se prononcer, n'est, par son contenu ou sa formulation, susceptible de se rattacher à un agissement de harcèlement moral ou d'en faire présumer l'existence. Il ne résulte pas de l'instruction, pas même de la lettre adressée le 8 décembre 2009 par le chef de l'école du Val-de-Grâce à un général, que la sanction de dix jours avec trois mois de sursis, dont le ministre de la défense avait décidé le 3 mars 2002 qu'elle ne figurerait pas au dossier du militaire, aurait influé sur ses conditions d'avancement ou sur tout autre décision relative à sa carrière. Il ne résulte pas davantage des éléments de l'instance que la carrière de M. A... aurait été illégalement bloquée. Enfin, l'attestation établie le 17 juillet 2012 par un médecin, non plus qu'aucune autre pièce du dossier, ne montre que M. A..., professeur agrégé de médecine, aurait été entravé dans ses activités universitaires et de recherche. 10. Les éléments de fait apportés par M. A..., pris isolément ou cumulativement, ne sont ainsi pas de nature à caractériser des agissements répétés de harcèlement moral dont il aurait été l'objet et qui auraient été à l'origine du syndrome dépressif dont il a souffert à compter de l'année 2000. 11. Enfin, si M. A... invoque en cause d'appel la faute commise par l'Etat du fait de l'illégalité du refus de reconnaître l'imputabilité au service de son affection au titre de son congé de longue durée, ni sa demande d'indemnisation préalable, ni sa demande devant le tribunal ne fondaient ses prétentions indemnitaires sur un tel fait générateur. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est du reste pas allégué, que le syndrome dépressif dont M. A... sollicite la réparation des conséquences dommageables, qui ne trouve pas son origine dans l'illégalité de cette décision de refus, reconnue par jugement définitif du tribunal administratif de Toulon du 21 novembre 2014, aurait été aggravé par cette mesure. Il en va de même du retard avec lequel le ministre de la défense a reconnu l'imputabilité au service de son affection par décision du 7 septembre 2015. De tels faits, présentés à tort par M. A... comme dommageables, ne sont pas davantage rattachables à un harcèlement moral. 12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander la réparation intégrale de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'Etat. Ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice de carrière, qui recouvre les pertes de revenus ainsi que les pertes futures de pension de retraite, et qui est une conséquence de l'atteinte à son intégrité physique et psychique, que l'Etat aurait été condamné à réparer si l'affection avait été regardée comme la conséquence d'une faute, ne peuvent donc qu'être rejetées. Sur la responsabilité sans faute : 13. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs plus contesté par la ministre des armées dans le dernier état de ses écritures, que le syndrome dépressif de M. A..., dont les troubles sont apparus au cours de l'année 2000, et qui a justifié son placement en congé de longue durée à compter du 25 mars 2011, a été reconnu imputable au service par décision du 7 septembre 2015. L'imputabilité au service de cette affection a du reste été confirmée par le rapport d'expertise du 11 juin 2019 rendu sur jugement avant dire droit du tribunal des pensions militaires de Paris, l'expert qualifiant l'affection de dépression chronique séquellaire. M. A... peut ainsi prétendre, ainsi qu'il a été dit au point 3, à l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette infirmité imputable au service, et autres que ceux qu'une pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. 14. A ce titre, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par arrêt avant dire droit, que la date de consolidation de l'affection de M. A... peut être fixée au 25 mars 2011, date de son placement dans la position de congé de longue durée qui lui a permis de s'éloigner utilement et durablement du service. En produisant un certificat médical dit " de consolidation " établi le 21 avril 2017 par un praticien hospitalier exerçant dans le groupe hospitalier Thiais-Fresnes-Rungis, fixant la date de consolidation de son état de santé psychique au 15 avril 2016, sans autre précision, M. A... ne conteste pas efficacement les conclusions sur ce point du rapport d'expertise. La circonstance, également avancée par le requérant, qu'il ait dû après le 25 mars 2011 continuer d'être médicalement pris en charge tous les deux mois et traité de manière médicamenteuse, ne suffit pas à considérer que ses troubles ne seraient pas encore consolidés à cette date. 15. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la Cour, que depuis l'apparition de ses troubles dépressifs, en 2000, jusqu'au 25 mars 2011, date de leur consolidation, M. A... a subi des souffrances physiques et psychiques évaluées à 3 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, lequel correspond également aux troubles d'ordre sexuel subis avant comme après la consolidation, compte tenu des traitements médicamenteux reçus par M. A..., et de la réparation qui lui est due, en condamnant l'Etat à lui verser la somme globale de 10 000 euros. Sur les intérêts : 16. M. A... a droit aux intérêts de la somme de 10 000 euros, en application de l'article 1153 du code civil, à compter du 2 juillet 2015, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par la commission des recours des militaires. Sur les frais d'expertise : 17. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance de la présidente de la Cour du 15 octobre 2019 à 1 200 euros, à la charge de l'Etat. Sur les frais liés à l'instance 18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation de ses souffrances physiques et psychiques. Cette somme produira intérêts à compter du 2 juillet 2015. Article 2 : Les frais d'expertise, pour un montant de 1 200 euros, sont mis à la charge de l'Etat. Article 3: L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre des armées et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Copie en sera transmise à l'expert. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 17MA039364
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 19MA05503, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Nîmes d'annuler la fiche descriptive des infirmités du 10 juillet 2018, le titre de pension temporaire visant l'arrêté du 2 juillet 2018 ainsi que ledit arrêté et de lui accorder une pension d'invalidité, au taux de 30 %, au titre de l'infirmité dite " Douleur et raideur de l'épaule droite séquellaires de luxations récidivantes traitées par mise en place d'une butée. Pseudarthrose de la butée nécessitant l'ablation des vis. Omarthrose de l'épaule ". Par un jugement du 14 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe le 13 août 2019. Par cette requête et des mémoires, enregistrés les 13 mai et 30 juillet 2020, et le 15 février 2021, M. B..., représenté par Me Mattler, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Nîmes du 14 juin 2019 ; 2°) d'annuler la fiche descriptive des infirmités du 10 juillet 2018, le titre de pension temporaire visant l'arrêté du ministre des armées du 2 juillet 2018 ainsi que ledit arrêté ; 3°) de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 30 % dont 25 % imputables au service et de le renvoyer devant l'autorité compétente pour la mise en œuvre des dispositions financières liées à cette pension ; 4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale, en désignant un spécialiste en chirurgie orthopédique ; 5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions dirigées contre le titre de pension temporaire et l'arrêté du 2 juillet 2018 ; - la fiche descriptive des infirmités du 10 juillet 2018 a été signée par une autorité incompétente ; - le titre de pension est irrégulier, faute d'être signé de son auteur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - l'arrêté de concession de pension est illégal par voie de conséquence des irrégularités entachant ces actes ; - l'avis rendu par la commission consultative médicale est irrégulier, faute de l'avoir entendu et examiné, de présenter des garanties d'impartialité et, pour le ministre, d'établir l'identité des membres qui y ont siégé, leur qualité, et la régularité de leur désignation ; - l'avis du médecin expert du 29 septembre 2017 ne lui est pas opposable faute d'être conforme aux articles R. 10 à 13 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu'à l'instruction ministérielle 606 B du 20 juillet 1976, faute de démontrer que ce médecin, qui ne présente pas de garantie d'impartialité, a été désigné parmi les médecins militaires ou médecins civils agréés qu'il a été mandaté à cet effet et que le requérant a été informé de sa faculté de produire au médecin expert tout certificat médical ou document qu'il aurait jugé utile ou encore de se faire assister à l'expertise par son médecin traitant ; - l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 6 mars 2018, non visé dans les décisions en litige, est irrégulier car il ne présente aucune garantie d'impartialité et a été émis sans rencontrer ni examiner le requérant ; - s'il ne peut plus remettre en cause l'absence d'imputabilité au service de son accident survenu le 6 juillet 2009, compte tenu de la décision de rejet du 10 mai 2012, devenue définitive, cet état antérieur, fixé à 8% d'invalidité, a été aggravé par le second accident du 9 septembre 2013, quant à lui imputable au service ; - le taux d'invalidité qui en résulte doit être de 30 %, les conclusions contraires de l'expert désigné par l'administration n'étant pas motivées et l'expert qui l'a examiné depuis lors à la demande de l'administration ayant conclu à un tel taux, dont 22 % imputables au service ; - c'est à tort que la commission consultative médicale a considéré qu'il existait un antécédent médical, antérieur à son incorporation le 1er juillet 2008, alors que son livret militaire comporte sur ce point une erreur, qui ne lui est pas opposable, et que le premier incident traumatique, qu'il n'a pas déclaré, est survenu en service, en 2008 ; - il a fourni au tribunal suffisamment d'éléments pour justifier, à tout le moins, une expertise médicale. Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juillet, 11 août, 23 octobre, et 21 décembre 2020 et les 14 janvier et 24 mars 2021, la ministre des armées conclut, à titre principal, au rejet de la requête et subsidiairement, à ce que soit étudiée l'opportunité d'une mesure d'expertise médicale. La ministre soutient que : - les moyens de l'incompétence du signataire de la fiche descriptive des infirmités et du défaut de signature et des nom et prénom de l'auteur du titre de pension manquent en fait ; - en tout état de cause, les vices propres entachant les décisions en litige sont inopérants, s'agissant d'un contentieux de la pleine juridiction ; - il n'a pas été statué sur une demande de révision de pension puisque M. B... n'était pas déjà titulaire d'une pension militaire d'invalidité ; - les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit en ne statuant que sur la fiche descriptive des infirmités ; - ils n'ont pas davantage commis d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation en estimant que le rejet le 10 mai 2012 de la précédente demande de pension formulée par M. B... avait acquis un caractère définitif et emportait reconnaissance par l'intéressé d'un état antérieur global au 9 septembre 2013 ; - les deux expertises médicales produites par le requérant, respectivement les 18 janvier et 8 mars 2019, ne peuvent être prises en compte, la première ne relevant d'aucune des hypothèses décrites par les articles R. 11 et R. 60 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et la seconde ayant été réalisée dans le cadre de la demande de renouvellement de pension formée le 12 octobre 2018. Par ordonnance du 9 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2021, à 12 heures. Par lettre du 3 novembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens tirés de l'irrégularité en la forme et en la procédure du titre de pension du 2 juillet 2018 et de la fiche descriptive des infirmités du 10 juillet 2018. M. B... a présenté des observations sur le moyen relevé d'office par la Cour, enregistrées le 8 novembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Mattler, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., capitaine de l'armée de terre, a demandé le 12 octobre 2015 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, au titre de l'infirmité de type " Douleur et raideur de l'épaule droite séquellaires de luxations récidivantes traitées par mise en place d'une butée. Pseudarthrose de la butée nécessitant l'ablation des vis. Omarthrose de l'épaule ". Par décision du 10 juillet 2018, la ministre des armées lui a attribué une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %, dont 10 % imputables au service, pour la période du 12 octobre 2015 au 11 octobre 2018. Par jugement du 14 juin 2019 dont M. B... relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision en ce qu'elle a fixé le taux d'invalidité à 10 %, du titre de pension temporaire visant l'arrêté de la ministre des armées du 2 juillet 2018 portant concession de la pension ainsi que de cet arrêté, et d'autre part à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % dont 22 imputables au service. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance qu'au soutien de ses prétentions dirigées contre l'arrêté de la ministre des armées du 2 juillet 2018 et le titre de pension visant cet arrêté, M. B... aurait invoqué des moyens tirés des vices propres à ces décisions. Ainsi, en rejetant la demande de M. B..., le tribunal, qui a du reste expressément rejeté ses conclusions tendant au prononcé d'une mesure d'expertise, s'est prononcé sur l'ensemble des conclusions dont il était saisi, sans entacher son jugement d'omission à statuer. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la régularité de la décision du 10 juillet 2018 : 3. D'une part et ainsi qu'il vient d'être dit, à l'appui de sa demande portée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Nîmes, M. B... n'a développé aucun moyen tiré de l'irrégularité de la fiche descriptive des infirmités du 10 juillet 2018 et du titre de pension du 2 juillet 2018. Il suit de là qu'il n'est pas recevable, pour la première fois en appel, après l'expiration du délai de recours contentieux, lequel a commencé de courir au plus tard à la date d'enregistrement de sa demande, à contester la régularité en la forme et en la procédure de ces décisions. Sont ainsi irrecevables ses moyens tirés de l'irrégularité des avis rendus par le médecin-expert et par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, respectivement les 29 septembre 2017 et 6 mars 2018, et de l'avis de la commission consultative médicale du 31 mai 2018, ainsi que le moyen tiré du défaut de signature et des nom et prénom de l'auteur du titre de pension. 4. D'autre part, la décision du 10 juillet 2018 a été signée par M. D... A..., administrateur civil hors classe, adjoint au sous-directeur des pensions, qui a reçu, par décision du 4 juin 2018 de la directrice des ressources humaines du ministère de la défense, publiée au Journal officiel de la République française du 7 juin 2018 et suffisamment précise quant à son champ d'application, délégation à l'effet de signer au nom de la ministre des armées, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction des pensions du service de l'accompagnement professionnel et des pensions, parmi lesquelles figurent les décisions relatives aux pensions militaires d'invalidité. La directrice des ressources humaines du ministère de la défense avait elle-même compétence pour déléguer ainsi sa signature, en application de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Conformément à l'article 1er du même décret, la circonstance qu'à la date de la signature de la fiche descriptive des infirmités, la dénomination de " ministre de la défense " a été remplacée par celle " ministre des armées " est sans incidence sur la validité desdites délégation et subdélégation. 5. M. B... n'est donc pas fondé à demander l'annulation pour irrégularité de la fiche descriptive des infirmités du 10 juillet 2018 ni à soutenir que doit être annulé, par voie de conséquence, l'arrêté portant concession temporaire de pension. En ce qui concerne les droits à pension de M. B... : 6. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction alors applicable : " Ouvrent droit à pension : / (...) 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". L'article L. 4 du même code dispose que : " En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. ". L'article L. 7 du code précise que : " Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable ". Il résulte des dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité que la règle de prise en compte du taux global posée par l'article L. 4 s'applique, pour déterminer le taux d'invalidité à retenir pour l'octroi initial d'une pension à raison de l'aggravation par le fait du service d'une infirmité étrangère au service, quelle que soit l'époque à laquelle cette aggravation a été constatée. 7. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que prétend M. B..., sa demande de pension militaire d'invalidité du 12 octobre 2015, qui portait sur l'aggravation, à la suite d'un exercice obligatoire de service le 9 septembre 2013, d'une infirmité dont l'imputabilité au service avait été rejetée par décision du 10 mai 2012, devenue définitive, ne constituait pas une demande de révision de pension, mais une demande d'attribution de pension, soumise aux dispositions citées au point 6. 8. Il résulte également de l'instruction qu'au cours de sa scolarité à l'école militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, M. B... a été victime le 6 juillet 2009, lors d'un corps à corps, d'une blessure à l'épaule droite, au titre de laquelle il a déposé le 5 janvier 2010 une demande de pension militaire d'invalidité. Par décision du 10 mai 2012, devenue définitive, le ministre de la défense a rejeté cette demande au motif que l'infirmité correspondant aux séquelles de luxation gléno-humérale droite résultait d'une affection d'origine étrangère au service dont l'évolution était indépendante de celui-ci et n'avait pas été aggravée par lui. Ainsi, pour contester le taux de 10 % auquel une pension militaire d'invalidité lui a été accordée, sur sa demande formée le 12 octobre 2015, M. B... n'est pas recevable, comme il l'admet lui-même d'ailleurs, à remettre en cause tant la motivation que le bien-fondé de la décision de rejet du 10 mai 2012, en se prévalant de l'imputabilité au service d'antécédents à la blessure du 6 juillet 2009. Si, pour soutenir la même contestation, M. B... se prévaut d'une chute dans un fossé dont il aurait été victime au cours de l'été 2008, ainsi que de l'examen sur dossier réalisé par un expert médical le 18 janvier 2019, qui y fait référence, sur la foi de ses déclarations, le rapport de ce spécialiste, comme les autres pièces du dossier, notamment un rapport d'expertise du 27 janvier 2011 et un bon de consultation de médecin-chef du 23 décembre 2016, montrent que cet accident, dont la date précise de survenance demeure indéterminée et qui a été à l'origine de luxations et de subluxations de l'épaule droite, jusqu'à la blessure du 6 juillet 2009, n'a volontairement pas été déclaré par l'intéressé, lequel justifie son abstention en invoquant tantôt sa rapide rémission, tantôt sa volonté d'éviter une mauvaise notation au cours de sa scolarité à l'école des officiers. Il ne résulte ni de la décision de rejet du 10 mai 2012, ni d'aucune pièce du dossier, que le taux d'invalidité de 2% imputable au service alors accordé par le ministre de la défense soit lié à une autre blessure que celle procurée par l'accident du 6 juillet 2009. Dans la mesure où la réalité de la chute de 2008 n'est corroborée ni par un rapport circonstancié, ni par une mention dans le registre des constatations des blessures et infirmités, où le livret militaire de M. B..., dont il ne peut invoquer les prétendues erreurs, compte tenu de ses propres carences, mentionne de multiples luxations de l'épaule droite avant comme après son incorporation et où celle-ci date du 1er septembre 2008, d'après les indications de son état signalétique et des services, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'affections antérieures à sa blessure du 6 juillet 2009 et prétendument liées à des faits de service ou des circonstances particulières de service, postérieurs à son incorporation. 9. Enfin, le rapport du médecin-expert du 29 septembre 2017, confirmé en cela par l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 6 mars 2018 et celui de la commission consultative médicale du 31 mai 2018, dont les éléments d'évaluation n'entrent pas en contradiction avec les préconisations du guide-barème, retient le taux d'invalidité de 30 %, dont 10 % imputables à l'aggravation, du fait de la subluxation de l'épaule droite du 9 septembre 2013, et de l'infirmité préexistante, non imputable quant à elle au service. Les rapports d'experts médicaux versés au dossier par M. B..., établis les 8 janvier et 8 mars 2019, soit postérieurement à la demande de pension, à partir d'un examen de son état de santé tel que constaté auxdites dates, et traduisant une détérioration de l'infirmité ainsi pensionnée, ne peuvent utilement être invoqués pour contester le taux d'invalidité imputable, ainsi que le taux d'invalidité globale, retenus par la ministre des armées au vu des pièces médicales précitées. Il en va de même de la circonstance que, par arrêté du 11 octobre 2018, M. B... a été radié des cadres pour cause d'inaptitude physique à l'exercice effectif des fonctions de son grade. Il ne résulte d'aucune autre pièce versée au dossier d'instance que ce taux de 10 % ne correspondrait pas à la nature et à l'importance de l'aggravation de l'infirmité dont souffre M. B... à la date de sa demande de pension et qui est en lien avec le service, ni que le taux global de 30 % aurait été sous-évalué. Il suit de là que M. B..., qui s'il s'y croit fondé, au regard d'éléments nouveaux postérieurs à sa demande du 12 octobre 2015, peut déposer une nouvelle demande de pension, n'est pas fondé en l'espèce à solliciter l'octroi d'une pension à un taux supérieur à 10 %. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Nîmes, qui était suffisamment informé par les éléments du dossier dont il était saisi, a rejeté sa demande de pension à un taux supérieur à 10 %. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 19MA055034
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/12/2021, 20NT02799, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905556 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 septembre 2020, le 5 février 2021 et le 5 mars 2021, M. A..., représenté par Me Nizart, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1905556 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité ; 3°) d'ordonner, subsidiairement, une expertise médicale avant-dire droit. Il soutient que : - il est atteint d'une polyglobulie, maladie de Vaquez, complétée par une apnée du sommeil pour laquelle il est appareillé ; - il a été affecté au Kosovo en opération extérieure et le taux de plombémie constaté en 2000 révèle une aggravation de cette plombémie ; le médecin de la base des fusiliers marins et commandos de Lorient a reconnu son exposition au plomb en 1999 au Kosovo ; - les conclusions du service de santé des armées sur ses antécédents de varicelle sont peu probantes et on peut s'interroger sur le fait qu'aucune radiographie n'ait détecté les micronodules disséminés dans ses poumons mais également sur l'absence de réaction des intervenants médicaux militaires comme suite à la dégradation de ses bilans sanguins entre 1995 et 2014, lorsqu'il appartenait aux unités d'intervention de la Marine, qui imposent pourtant de strictes conditions médicales ; - l'état-major du commandement des opérations spéciales connaissait son état de santé et a reconnu l'imputabilité au service de son œdème des membres inférieurs, lequel a été médicalement constaté en juillet 1999 à son retour de mission du Kosovo. Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 janvier 2021, le 22 février 2021 et le 29 mars 2021, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de M. A... n'est fondé et que la preuve de l'imputabilité au service des diverses maladies évoquées n'est pas établie ; il fait en outre valoir que M. A... ne démontre pas l'existence de deux des pathologies dont il fait état et estime qu'en l'espèce une mesure d'expertise ne se justifie pas. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, - et les conclusions de M. Pons, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ancien marin de la Marine Nationale et ancien maître principal fusilier marin, a participé entre 1999 et 2000 aux opérations en ex-Yougoslavie. Il a présenté le 29 juillet 2015 une demande de pension militaire d'invalidité au titre des infirmités résultant d'une plombémie, d'un syndrome dit " de la guerre des Balkans ", d'une apnée du sommeil, d'une maladie dite " de Vaquez " et d'une asbestose. Par une décision du 6 juillet 2016, prise après avis du 14 juin 2016 de la commission consultative médicale des anciens combattants et victimes de guerre, le ministre de la défense a rejeté cette demande. 2. Aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". 3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales du service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 4. En premier lieu, s'agissant de l'infirmité alléguée résultant de sa " plombémie ", M. A... se borne à produire un document à caractère général de l'Institut de veille sanitaire et du service de santé des armées datant du 20 août 2002 relatif à l'évaluation et la surveillance de l'exposition au plomb des militaires français au Kosovo, ainsi qu'une analyse de sang en date du 4 avril 2000 révélant un taux de plomb dans le sang légèrement supérieur aux valeurs recommandées. Ce faisant, il n'apporte aucun élément médical sur cette infirmité alléguée à la date de sa demande de pension, alors même qu'il communique par ailleurs une analyse sanguine contemporaine de sa demande de pension militaire d'invalidité. Enfin, la circonstance que le médecin de la base des fusiliers marins de Lorient ait mentionné en 2002 la plombémie du requérant sur son livret médical militaire ne suffit pas à établir, faute d'autre élément médical probant, l'existence d'une pathologie répertoriée imputable à une exposition au plomb de M. A.... 5. En deuxième lieu, s'agissant de l'infirmité résultant de la pathologie alléguée dite " syndrome de la guerre des Balkans ", M. A... n'apporte aucun élément médical probant établissant qu'il serait affecté des troubles ayant été classés sous cette appellation. S'il fait valoir que la plombémie relevée en 2000 dans ses analyses sanguines a été l'élément déclencheur de cette infirmité, il n'apporte pas davantage sur ce point d'élément probant, que ce soit sur l'existence d'une pathologie de cette nature dont il serait atteint ou sur le caractère effectif du lien qui existerait entre la plombémie révélée par ses analyses sanguines au cours de l'année 2000 et une telle affection. Enfin, si M. A... fait valoir que les conclusions du service de santé des armées sur ses antécédents de varicelle sont peu probantes et s'il s'interroge sur le fait qu'aucune radiographie n'ait détecté les micronodules disséminés dans ses poumons ou sur l'absence de réaction des services médicaux de la Marine nationale suite à la dégradation de ses bilans sanguins, lorsqu'il appartenait aux unités d'intervention de la Marine, il résulte de l'instruction que les opacités micronodulaires calcifiées disséminées dans les poumons de l'intéressé sont exclusivement dus à des antécédents de varicelle, au demeurant non contestés, remontant à l'année 1981. 6. Dans ces conditions, et faute de produire le moindre élément médical concernant le deux infirmités alléguées, résultant de la plombémie et du syndrome dit " de la guerre des Balkans ", M. A... n'établit pas l'existence des pathologies dont il fait état au soutien de sa demande de pension militaire d'invalidité. 7. En troisième lieu, s'agissant de l'apnée du sommeil et de la " maladie de Vaquez ", M. A..., pour établir l'imputabilité au service de ces maladies, fait également valoir que ces infirmités ont pour origine la plombémie dont il a souffert en 2000 mais il n'apporte aucun élément médical probant au soutien de cette affirmation, alors au demeurant que ces affections ne sont pas classées au nombre des maladies causées par le plomb et ses composés. Par ailleurs, s'il indique qu'une polyglobulie a été détectée sur sa personne dès 2002 alors qu'il était en service, il résulte de l'instruction, et notamment de l'analyse de sang faite par le service de santé des armées le 11 juin 2003, qu'il n'était pas atteint d'une telle maladie à cette époque. Au surplus, M. A... ne fait état d'aucun autre élément médical probant quant à la mutation de sa moelle osseuse qu'il impute également, mais sans en rapporter la preuve, à sa plombémie. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les pathologies dites de " l'apnée du sommeil " ou de la " maladie de Vaquez " dont M. A... fait état auraient été constatées durant le service ou auraient, en tout état de cause, pour origine un fait imputable au service. 8. En quatrième et dernier lieu, s'agissant de l'infirmité résultant de l'asbestose dont M. A... affirme être atteint du fait de ses affectations successives sur des bâtiments de la Marine nationale, l'intéressé, qui ne fait état d'aucun symptôme ni d'aucun signe fonctionnel particulier révélant la présence d'une telle pathologie, ne conteste pas ne pas être atteint de cette maladie et n'apporte, en première instance comme en appel, aucun élément à l'encontre de la décision en tant qu'elle rejette sa demande de pension militaire d'invalidité sur ce point. 9. Si M. A... fait valoir, enfin, que l'état-major du commandement des opérations spéciales a reconnu l'imputabilité au service de son œdème des membres inférieurs, qui a été médicalement constaté en juillet 1999 à son retour de mission du Kosovo, il résulte de l'instruction, à supposer même que cet état-major ait une compétence pour reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie, que les éléments médicaux qu'il apporte sur ce point apparaissent sans rapport avec les cinq types d'infirmités résultant de la plombémie, du syndrome dit " de la guerre des Balkans ", de l'apnée du sommeil, de la maladie dite " de Vaquez " et de l'asbestose, qui seules fondaient la demande de pension militaire d'invalidité présentée le 29 juillet 2015. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale subsidiairement sollicitée, qui, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, ne présente pas un caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Rivas, président-assesseur, - M. Guéguen, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021. Le rapporteur, J.-Y. GUEGUEN Le président, L. LAINÉ Le greffier, V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 4 N° 20NT02799
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/12/2021, 19NC02562, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 8 novembre 2017 par laquelle le directeur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du malaise dont elle a été victime le 31 mars 2017. Par un jugement n° 1706693 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 août 2019, Mme A... C... B..., représentée par Me Derrendinger, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1706693 du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 8 novembre 2017 ; 3°) d'enjoindre au directeur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg de reconnaître l'imputabilité au service de son malaise ; 4°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que l'imputabilité au service de son malaise doit être reconnue en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dès lors qu'il est survenu dans le temps et le lieu du service et dans l'exercice de ses fonctions, que le lien entre cet accident et la maladie de Sneddon évoquée par le médecin agréé n'est ni certain, ni exclusif, que ses autres problèmes de santé résultent directement de ses conditions de travail, et qu'aucune faute personnelle ne lui est reprochée. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2020, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par la SELARL CM Affaires publiques, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros à leur verser soit mise à la charge de Mme B.... Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Rees, président, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Blacher, pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Considérant ce qui suit : 1. Agent titulaire des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et affectée depuis le 1er février 2016 à l'accueil du service de psychiatrie, Mme B... a été victime, le 31 mars 2017, peu après la prise de son service, d'un malaise. Le 11 avril 2017, elle a transmis à l'établissement une déclaration d'accident de service, mais par une décision du 8 novembre 2017, le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, au vu de l'avis défavorable de la commission de réforme départementale, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ce malaise. Mme B... relève appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction : 2. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 régissant respectivement la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Le IV de l'article 10, pour la fonction publique hospitalière, dispose ainsi que : " A l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : a) Au deuxième alinéa du 2°, les mots : " ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions " sont remplacés par les mots : ", à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service " ; b) Au 4°, le deuxième alinéa est supprimé ; c) Après le quatrième alinéa du 4°, est inséré un alinéa ainsi rédigé : " Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue durée ". 3. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 mai 2020. 4. Le malaise dont Mme B... a été la victime étant survenu le 31 mars 2017, il s'ensuit que, contrairement à ce qu'elle soutient, les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont applicables au présent litige. 5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 6. Il est constant que Mme B... a été victime, le 31 mars 2017, dans le temps et le lieu du service et dans l'exercice de ses fonctions, d'un infarctus cérébelleux droit dans le territoire de l'artère cérébelleuse supérieure. Toutefois, le malaise est survenu une demi-heure seulement après la prise de son service, et il avait été précédé de céphalées et de nausées dès son réveil, avant de rejoindre son poste de travail. Par ailleurs, si Mme B... soutient qu'elle ne connaissait aucun problème de santé avant la dégradation de ses conditions de travail à partir du mois d'octobre 2016, en raison d'un sous-effectif dans son service, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'examen établi par le médecin agréé le 5 juillet 2017, qu'elle présentait déjà des facteurs de risques multiples, comprenant une hypertension artérielle, un tabagisme actif de 15 cigarettes par jour, qui n'a été sevré que postérieurement à son malaise, des migraines sans aura et une obésité morbide. En revanche, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que la surcharge de travail supportée par l'intéressée a pu être de nature à provoquer son malaise. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, en particulier pas des certificats médicaux des 3 et 4 octobre 2017 que produit la requérante, qui se bornent à rapporter ses propres déclarations à ce sujet, que son hypertension artérielle, diagnostiquée le 1er mars 2017, et constituant l'un des facteurs de risques ayant pu déclencher son malaise, serait elle-même imputable à la dégradation de ses conditions de travail à partir du mois d'octobre 2016. Enfin, Mme B... ne conteste pas les autres facteurs de risques relevés lors de ses examens médicaux. Dans ces conditions, et à supposer que son malaise ne soit pas également lié au syndrome de Sneddon, que le médecin agréé indique suspecter chez elle, sans le diagnostiquer de manière catégorique, il n'est pas établi que ce malaise serait lié à l'exécution du service. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son malaise. 7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme B..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais de l'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme B... en application de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 :Les conclusions des Hôpitaux universitaires de Strasbourg tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. N° 19NC02562 3
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 7ème chambre, 21/12/2021, 445640, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 29 août 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire de retraite d'ayant-cause. Par un jugement n° 1802884 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2020 et 22 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 4 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ; - l'arrêté interministériel du 30 décembre 2010 portant application du décret du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme F... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme F... a demandé par courrier du 17 septembre 2012 au ministre de la défense de lui octroyer le bénéfice d'une pension en sa qualité d'ayant-cause de M. C..., bénéficiaire d'une pension militaire de retraite du 1er octobre 1956, date de sa radiation des cadres, au 5 avril 1983, date de son décès. Par une décision du 29 août 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Mme F... se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un nouveau mémoire, il lui appartient de faire application des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction. A ce titre, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé - il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une ordonnance du 13 décembre 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a clos l'instruction le 13 janvier 2021 à midi. Il ne ressort pas des énonciations du mémoire produit par la ministre des armées le 7 février 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas soutenu par Mme F... que cette pièce contiendrait soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait rendu son jugement au terme d'une procédure irrégulière faute de lui avoir communiqué cette production. 4. En second lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie. Si, en l'espèce, l'avocat de Mme F... avait, par courrier du 11 février 2020, sollicité le report de l'audience prévue le 13 février au motif qu'il participait à un mouvement de grève national contre la réforme des retraites, ces circonstances ne constituaient pas un motif exceptionnel de nature à imposer aux premiers juges, eu égard aux exigences du débat contradictoire, de faire droit à la demande de report. Ainsi, et contrairement à ce que soutient Mme F..., le tribunal n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure en refusant de reporter l'audience. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu par Mme F..., c'est par des motifs exempts de dénaturation que les premiers juges ont constaté que la copie intégrale de l'acte de naissance de M. C... qu'elle a produit ne faisait état d'aucun mariage avec la requérante. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, le tribunal administratif n'a pas relevé dans les énonciations de son jugement qu'une telle mention ne figurait pas sur l'acte de naissance A... la requérante. 6. En second lieu, aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " 7. Aux termes de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicable aux demandes de pension de réversion : " I. - (...) les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. (...) / V. - Les demandes de pensions présentées en application du présent article sont instruites dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et par le code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) / VIII. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les mesures d'information des bénéficiaires ainsi que les modalités de présentation et d'instruction des demandes mentionnées aux III, IV et V./ (...) ". 8. Aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) le droit à pension de veuve est reconnu :/ (...) ; 2° (...) si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années ". 9. Aux termes, enfin, de l'article 3 du décret du 30 décembre 2010, pris pour l'application des dispositions précitées de la loi de finances pour 2011 : " Un arrêté conjoint des ministres chargés de la défense, des affaires étrangères, des anciens combattants et du budget énumère les pièces justificatives à produire à l'appui de toute demande visée à l'article 1er ". L'annexe 3 de l'arrêté du 30 décembre 2010 pris pour l'application de ce décret cite, parmi les pièces exigées pour une demande de pension d'un ayant cause, " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ". 10. Pour juger que les pièces produites par Mme F... au soutien de sa demande ne permettaient pas d'établir la réalité de son union dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 9, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la circonstance, d'une part, que l'additif à l'acte de mariage produit par la requérante, daté du 16 octobre 2018, a été établi sur la seule foi des déclarations de l'intéressée, postérieurement au décès de M. C..., survenu en 1983, et d'autre part, que la copie intégrale de l'acte de naissance de l'intéressé ne faisait état d'aucun mariage avec Mme F.... En jugeant que ces pièces étaient insuffisamment probantes pour établir la réalité de l'union entre Mme F... et M. C..., faute de transcription de ce mariage sur un registre d'état civil, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit. 11. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Sur les frais de l'instance : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de Mme F... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme D... F... et à la ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 6 décembre 2021 où siégeaient : M. Benoît Bohnert, assesseur, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 21 décembre 2021. Le président : Signé : M. Benoît Bohnert Le rapporteur : Signé : M. Guillaume Leforestier La secrétaire : Signé : Mme E... B...ECLI:FR:CECHS:2021:445640.20211221
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 19MA05731, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités de type " acouphènes droits permanents " et " hypoacousie de l'oreille droite ". Par un jugement n° 18/00044 du 29 août 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a annulé la décision du 9 février 2018 en tant qu'elle refuse une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " dureté de l'oreille droite ", a fait droit à la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... à ce titre, à compter du 3 juin 2016, suivant le taux d'invalidité de 10 %, et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par le ministre des armées, enregistré à son greffe le 14 octobre 2019. Par ce recours, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 29 août 2019 en ce qu'il a annulé sa décision du 9 février 2018 refusant à M. B... une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " dureté de l'oreille droite " et en ce qu'il a accordé à celui-ci un droit à l'indemnisation pour cette infirmité à compter du 3 juin 2016, suivant le taux d'invalidité de 10 % ; 2°) de rejeter la demande de M. B.... La ministre soutient que : - le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé au regard de l'exigence posée par les articles L. 151-6 et L. 711-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, faute de mettre en évidence l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 du même code et de se prononcer sur la nature de l'infirmité pensionnée ; - l'infirmité de type " dureté de l'oreille droite " n'est pas imputable au service car il n'y a pas eu fait précis de service, le fait générateur de l'infirmité n'a pas donné lieu à une constatation médicale qui lui était contemporaine et la pathologie constatée est en relation directe et déterminante avec une maladie d'origine constitutionnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet et 29 septembre 2021, M. B... conclut au rejet du recours. Il soutient que les infirmités d'acouphènes et de surdité de l'oreille droite sont à l'origine d'une gêne fonctionnelle s'exprimant dans sa vie professionnelle et personnelle. Par une ordonnance du 13 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021, à 12 heures. Un mémoire, enregistré le 25 octobre 2021, a été présenté par la ministre des armées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., sergent-chef de la Légion étrangère, a demandé le 3 juin 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, au titre de deux infirmités, l'une de type " Acouphènes droits permanents ", l'autre de type " Hypoacousie de l'oreille droite ". Par décision du 9 février 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande. Par jugement du 29 août 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, après avoir ordonné avant dire droit une expertise médicale par jugement du 10 janvier 2019, a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de pension au titre de l'infirmité de type " Hypoacousie de l'oreille droite " et jugé que M. B... avait droit à une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité, à compter du 3 juin 2016. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du même code, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 3. En outre, l'article L. 4 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. 4. Il résulte de l'instruction que la demande de pension de M. B..., présentée au titre de l'hypoacousie de l'oreille droite diagnostiquée pour la première fois par un spécialiste en otorhinolaryngologie le 8 août 2012, se fonde sur la circonstance que cette infirmité trouverait son origine dans le parcours de tirs auquel il a participé le 19 janvier 2012 en Nouvelle-Calédonie. Alors que le rapport de l'expert rendu le 6 mars 2019, sur jugement avant dire droit du tribunal du 10 janvier 2019, retient que la surdité est en relation directe et certaine avec les exercices de tirs répétés auxquels M. B... s'est livré au cours de l'année 2012, le tribunal a considéré, par le jugement querellé, que des éléments médicaux permettaient de relier cette infirmité au fait de service du 19 janvier 2012. 5. Toutefois, le livret médical de M. B... qui mentionne, à partir de ses déclarations, qu'au 26 mars 2012, il se plaignait depuis trois semaines de sensation désagréable à l'oreille droite, ne fait état ni de surdité, ni d'un fait précis ou de circonstances particulières de service. Si, le 8 août 2012, M. B... a consulté un spécialiste en otorhinolaryngologie qui a diagnostiqué pour la première fois une perte auditive légère à l'oreille droite, et a relevé dans ses antécédents une exposition au bruit par le tir, le certificat médical daté du même jour n'identifie aucune cause de cette infirmité et ne le rattache pas davantage à un fait précis de service. Ainsi, aucun des éléments de l'instruction, contemporains du fait de service auquel l'intimé impute son infirmité, ne fait état de celle-ci ou de ses liens avec un fait précis ou des circonstances particulières de service. Le registre des constatations et le rapport circonstancié du 28 mai 2015, qui indiquent à partir des déclarations de M. B..., qu'il a ressenti des sifflements à l'oreille droite après un parcours de tirs le 19 janvier 2012, ne font pas référence à une perte d'audition et ont été établis longtemps après le fait indiqué, sans qu'aucune pièce versée au dossier ne fasse état d'une enquête qui aurait été effectuée à ce propos. En l'absence d'inscription au registre des constatations, de rapport circonstancié ou de constat médical antérieur à 2015, aucun document officiel n'atteste l'existence d'un choc sonore le 19 janvier 2012. Dans ces conditions, les séances de tir auxquelles M. B... a participé dans le cadre des conditions générales de service auxquelles il était exposé au sein de son unité, ne peuvent être retenues au titre de faits précis de service. Dès lors, en l'absence de circonstances particulières permettant de leur imputer l'affection invoquée, l'intéressé ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'imputabilité au service de l'hypoacousie dont il souffre. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension pour l'infirmité de type " Dureté de l'oreille droite ". Il y a donc lieu d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande de M. B.... DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 18/00044 en date du 29 août 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension pour l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite, est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille tendant à obtenir une pension d'invalidité pour l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 19MA057313
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17/12/2021, 448614
Vu la procédure suivante : M. B... K... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation des préjudices causés par la perte d'audition due à l'exposition au bruit dans l'exercice de ses fonctions. Par un jugement n° 1604919 du 19 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 19BX00464 du 12 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. K... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier et 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexis Goin, auditeur, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. K... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. K..., né le 30 août 1944, a été militaire dans l'armée de l'air du 1er octobre 1962 au 1er septembre 1992. L'exposition au bruit des réacteurs d'avions gros porteurs qu'il a subie dans le cadre de ses fonctions lui a causé une hypoacousie bilatérale de perception, pour laquelle il a s'est vu reconnaître le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % par un jugement du 17 mars 1993 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault, portée à 25 % puis à 100 % par un jugement du 8 avril 2013 du tribunal des pensions de Nouméa. Il a demandé, par un courrier du 22 février 2016, reçu le 24 février 2016, au ministre de la défense l'indemnisation des préjudices non réparés par cette pension. Sa demande ayant été implicitement rejetée, il a formé, le 3 juin 2016, un recours préalable devant la commission des recours des militaires, lequel a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices, non réparés par la pension, causés par la perte d'audition due à l'exposition au bruit dans l'exercice de ses fonctions. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a rejeté son appel contre ce jugement. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. ". Selon l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ". 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 4. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les contestations auxquelles donne lieu l'application du présent livre et du livre II sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions, ou le tribunal des pensions dans les collectivités d'outre-mer, et en appel par la cour régionale des pensions, ou la cour des pensions d' outre-mer dans les collectivités d'outre-mer, du domicile de l' intéressé. " 6. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 5 que le recours formé devant une juridiction statuant sur les contestations en matière de pensions militaires d'invalidité porte sur le fait générateur de la créance née dans le chef de l'Etat du fait d'une infirmité imputable au service, pour l'ensemble des préjudices liés à cette infirmité y compris ceux que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer. Il s'ensuit que l'exercice d'un tel recours interrompt le cours de la prescription, par application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 citée au point 2, pour ceux des préjudices, non réparés par la pension militaire d'invalidité, pour lesquels le titulaire de la pension peut demander, ainsi qu'il a été dit au point 4, une indemnité complémentaire. 7. Pour estimer, après avoir relevé que l'infirmité dont souffre M. K... était consolidée au plus tard le 29 mai 2009, que la prescription de la créance née du préjudice non réparé par sa pension militaire d'invalidité était acquise le 22 février 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a nécessairement retenu que le délai de prescription n'avait pas été interrompu par le recours de l'intéressé devant le tribunal des pensions de Nouméa, formé le 29 mai 2009 et jugé le 8 avril 2013, relatif au montant de la pension militaire d'invalidité qui lui avait été accordée à raison de cette infirmité. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le recours formé en matière de pensions militaires d'invalidité interrompt le cours de la prescription de la créance même à l'égard des préjudices que la pension n'a pas pour objet de réparer, la cour a commis une erreur de droit. 8. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. K... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. K... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 12 novembre 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. K... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... K... et à la ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. I... J..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. E... N..., Mme A... L..., M. D... H..., M. F... M..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur. Rendu le 17 décembre 2021. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl Le rapporteur : Signé : M. Alexis Goin La secrétaire : Signé : Mme G... C...ECLI:FR:CECHR:2021:448614.20211217
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 19MA05497, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler la décision du 1er juin 2018 du ministre de la défense qui refuse la révision de sa pension pour aggravation pour l'infirmité " séquelles de fracture de l'astragale de l'avant-pied droit. Limitation de la dorsi-flexion du pied à angle droit gênant l'accroupissement, les montées ou les descentes d'escalier, les craquements articulaires à la mobilisation. Pincements tibio-astragalien antérieur et déminéralisation de type algodystrophique des os du tarse ". Par un jugement n° 18/00026 du 14 juin 2019 le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté la requête de M. B.... Procédure devant la Cour : La cour d'appel de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe 12 août 2019. Par cette requête, et des pièces complémentaires enregistrées le 28 octobre 2019, M. B... relève appel du jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 juin 2019. Il soutient qu'il est fondé à faire appel du jugement au regard des nouveaux examens pratiqués, radio de la cheville, radio du rachis lombaire, radio du bassin, et des résultats de l'imagerie par résonnance magnétique. Par lettre du 28 octobre 2019, il demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par des mémoires enregistrés le 9 octobre 2020 et le 22 janvier 2021, la ministre des armées, dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour de rejeter la requête. La ministre fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable faute de présenter des conclusions et des moyens d'appel, et que les pièces produites le 12 août 2019 ont été produites après le délai de recours de deux mois. A titre subsidiaire, la ministre soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés. Par ordonnance du 26 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021 à 12 heures. Un mémoire produit par M. B... le 25 février 2021 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Ury, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 24 octobre 1954, a servi dans l'armée de l'air du 7 novembre 1973 au 4 août 2000, et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 5 août 2000. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de fracture de l'astragale de l'avant-pied droit. Limitation de la dorsi-flexion du pied à angle droit gênant l'accroupissement, les montées ou les descentes d'escalier, les craquements articulaires à la mobilisation. Pincements tibio-astragalien antérieur et déminéralisation de type algodystrophique des os du tarse ", au taux de 20% à titre définitif, à compter du 27 février 2001. Il a sollicité le 31 mars 2017 la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité pensionnée. Il relève appel du jugement n° 18/00026 du 14 juin 2019 par lequel le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté sa requête contre la décision du 1er juin 2018 du ministre de la défense qui refuse la révision de sa pension pour aggravation de son infirmité. Sur la recevabilité de la requête : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable au litige : " l'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) ". L'article R. 731-3 du même code dispose que : " (...) cette requête précise l'objet de la demande et les moyens invoqués sous peine d'irrecevabilité. Sous réserve du cas où le demandeur dépose un recours contre une décision implicite, il produit la copie de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative alors applicable : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Il en résulte qu'un défaut de motivation de la requête ne peut être couvert que jusqu'à l'expiration du délai de recours. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 711-1 du code des pensions militaires et des victimes de guerre dans la rédaction, applicable au litige : " Les recours contentieux contre les décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II sont introduits, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de justice administrative, sous réserve du présent chapitre ". L'article L. 711-5 du même code dispose que : " Le demandeur comparaît en personne et peut présenter des observations orales. Il peut se faire assister ou représenter par la personne de son choix ". Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 ". 4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 711-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, que depuis la loi du 31 mars 1919, le législateur a entendu accorder le droit au pensionné, d'être représenté par la personne de son choix ou de ne pas être représenté dans les litiges visés à l'article L. 711-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi, alors même que l'article R. 811-7 du code de justice administrative ne mentionne pas de dispense de ministère d'avocat pour ces contentieux, l'obligation d'avoir recours à ce ministère ne s'impose pas devant les cours saisies d'appel de ces litiges. 5. D'une part, s'il a sollicité le 28 octobre 2019 le bénéfice de l'aide juridictionnelle, M. B... n'a pas donné suite au dossier de demande d'aide juridictionnelle envoyé par le greffe et réceptionné le 3 octobre 2021, pour retourner au service le formulaire renseigné par ses soins en vue de formaliser sa demande afin de bénéficier de cette aide. 6. D'autre part, dans sa requête du 12 août 2019, M. B... mentionne seulement son souhait de faire appel contre le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard dont il joint la copie. L'appel du requérant ne satisfait pas aux conditions ci-dessus énoncées par les dispositions du code de justice administrative citées au point 2. En outre, si M. B... a produit le 28 octobre 2019 diverses pièces relatives à son état de santé, ces documents, qui sont produits après le délai de recours de deux mois, ne contiennent aucun moyen de droit critiquant le jugement attaqué. Dès lors que la requête du 12 août 2019 ne contient l'exposé d'aucun moyen de droit contre le jugement litigieux, elle est dépourvue de motivation au regard des règles précédemment énoncées. N'ayant pas été régularisée, elle est manifestement irrecevable et ne peut qu'être rejetée. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 19MA054972
Cours administrative d'appel
Marseille