Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05055, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... A..., veuve B..., a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du ministre de la défense du 2 mars 2016 refusant sa demande de pension de conjoint survivant formulée le 4 février 2013. Par un jugement n° 17/00086 du 24 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019 par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, Mme A..., représentée par Me D..., demande : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 24 janvier 2019 ; 2°) de lui accorder le bénéfice de la pension demandée à compter de la date de décès de son époux ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que le décès de son époux a pour cause la gangrène dont il était affecté, laquelle est imputable à la blessure à la main au titre de laquelle il percevait une pension militaire d'invalidité et, subsidiairement, que le taux d'invalidité de son époux avant son décès doit être porté à 85%. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour le 5 décembre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme A.... Elle soutient que Mme A... ne remplit pas les conditions pour obtenir le bénéfice de la pension de conjoint survivant, faute d'établir le lien de causalité entre le décès de son époux et la blessure pensionnée, à un taux qui en tout état de cause est inférieur à 85%, et que sa demande subsidiaire tendant à ce que le pension militaire d'invalidité dont bénéficiait son époux soit relevée à 85% est irrecevable. Mme A... a produit un mémoire, enregistré le 30 avril 2021, qui n'a pas été communiqué. Par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 29 mai 2020, Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme E... A... est veuve de M. F... B..., né le 1er mai 1929 et décédé le 16 mars 2009, titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive en tant que victime civile de guerre, pour mutilation de la main gauche, perte de deux phalanges du pouce, perte de l'annulaire et de l'auriculaire avec un métacarpien, au taux de 65%, à compter du 23 novembre 1952, à la suite d'une blessure par explosion de grenade survenue en 1943. Par décision du 2 mars 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande par laquelle Mme A... sollicitait le bénéfice d'une pension en qualité de conjoint survivant de victime civile. Celle-ci relève appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit fait droit à sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 209 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur, s'appliquant aux victimes civiles de la guerre : " En cas de décès de la victime, ses ayants droit peuvent, dans les mêmes conditions que les ayants droit des militaires, se prévaloir des dispositions du livre Ier y compris celles prévues par le 2° de l'article L. 43 en faveur des conjoints survivants des invalides à 85 % et au-dessus (...) ". Aux termes de l'article L. 43 de ce même code, dans la même version : " Ont droit à pension : / 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les conjoints survivants de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension ; / 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension. (...) ". Aux termes de l'article L. 45 de ce même code enfin : " Les demandes de pension autres que les pensions de réversion, formulées par les conjoints survivants ou orphelins de militaires décédés dans leur foyer, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné l'ancien militaire ou marin pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. / Le rapport visé à l'alinéa précédent fera ressortir d'une façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service. / Les postulants à pension y joindront tous documents utiles pour établir la filiation de l'affection, cause du décès, par rapport aux blessures ou aux maladies imputables au service dans les conditions définies à l'article L. 2 (...) ". 3. En premier lieu, pour établir le lien entre le décès de son époux et l'accident dont il a été victime en 1943, Mme A... se borne à produire un certificat médical en date du 17 mars 2009, établi par le docteur Bannani, se présentant comme le médecin assurant le suivi de l'intéressé, qui affirme que le décès de M. B... est lié à des complications infectieuses secondaires à une gangrène de l'avant-bras gauche en rapport avec son ancien accident de guerre, et un certificat du même médecin, en date du 16 mars 2009, faisant état d'une amputation totale de la main gauche. Il résulte, toutefois, du rapport du médecin en chef président de la commission consultative médicale, qu'aucune aggravation de l'état de santé de M. B... n'a été constatée depuis que lui a été reconnu le droit à pension et Mme A... n'apporte aucun élément permettant de retracer l'évolution de la blessure de son défunt époux, en particulier s'agissant de la nécessité de procéder à l'amputation de l'ensemble de la main gauche, qui aurait été constatée par le docteur Bannani, ni sur les circonstances du décès. Le lien de causalité entre le décès de M. B... et la blessure survenue en 1943 et au titre de laquelle il était bénéficiaire d'une pension n'est, dans ces conditions, pas établi. 4. En second lieu, si, postérieurement au décès de son époux, Mme A... pouvait demander la révision du taux de pension militaire d'invalidité accordée à celui-ci, afin d'obtenir elle-même une pension en qualité de conjointe survivante de victime en jouissance d'une pension définitive correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension, sur le fondement du 2° de l'article L. 43 précité, elle n'a pas présenté une telle demande aux services du ministre de la défense antérieurement au jugement du tribunal des pensions de Marseille. Sa demande, présentée à titre subsidiaire, était en conséquence irrecevable. 5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté ses demandes. Sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doit être, par suite, rejetée. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... veuve B..., à Me D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme C..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 28 mai 2021. 2 N° 19MA05055
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05435, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... E... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du ministre de la défense du 2 mars 2016 refusant d'accéder à sa demande de pension de conjoint survivant, formulée le 18 mars 2014, et de faire droit à sa demande. Par un jugement n° 18/00071 du 23 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 24 octobre 2019 par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, Mme E..., représentée par Me B..., demandait à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 23 août 2019 ainsi que la décision du ministre de la défense du 6 octobre 2015 refusant de lui accorder le bénéfice de la pension demandée. Elle soutenait que : - elle avait droit à cette pension dès lors qu'elle établissait qu'elle était mariée à M. D..., avant son décès, survenu le 15 août 1956 au cours d'événements de guerre, dès lors que le mariage religieux célébré en 1955 avait été transcrit sur les registres de l'état-civil algérien par jugement du 8 octobre 2006 ; - ce mariage avait été reconnu par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui, par courrier du 18 mars 2010, a reconnu son époux " mort pour la France ". Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par des mémoires en défense, enregistrés par le greffe de la Cour le 21 janvier 2020, 20 juillet 2020 et 16 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme E.... Elle soutient que : - les moyens soulevés, postérieurement à la clôture de l'instruction, le 22 janvier 2020, sont irrecevables ; - l'ensemble des moyens soulevés ne sont en tout état de cause pas fondés. Par des mémoires, enregistrés par le greffe de la Cour le 5 mars 2020 et le 24 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me B..., réitère ses conclusions, par les mêmes moyens. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me B..., représentant Mme E.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... E... a formulé le 18 mars 2014 une demande d'attribution d'une pension en tant que conjointe survivante de M. F... D..., décédé le 15 août 1956 en Algérie au cours d'un fait de guerre, et reconnu " Mort pour la France " par décision du 18 mars 2010. Par décision du 6 octobre 2015, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Mme E... relève appel du jugement du 23 août 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit fait droit à sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur, s'appliquant aux victimes civiles de la guerre : " Ont droit à pension : / 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les conjoints survivants de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension ; / 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension. / Dans les trois cas, il y a droit à pension si le mariage est antérieur soit à l'origine, soit à l'aggravation de la blessure ou de la maladie, à moins qu'il ne soit établi qu'au moment du mariage l'état du conjoint pouvait laisser prévoir une issue fatale à brève échéance. (...) ". 3. Aux termes de l'article L. 241 de ce code, relatif au droit à pension des militaires autochtones et de leurs ayants cause : " - La preuve du mariage et de la filiation est faite par la production soit d'actes régulièrement inscrits suivant les prescriptions des textes régissant l'état civil des autochtones musulmans, soit, à défaut, au moyen d'un acte établi par le cadi ". Ces dispositions ont été complétées, en ce qui concerne les modalités d'établissement des actes de l'état civil relatifs au mariage, par les dispositions de la loi du 11 juillet 1957 relative à la preuve du mariage contracté en Algérie suivant les règles du droit musulman, dont l'article 6 dispose que la transcription d'un mariage sur le registre de l'état-civil ne produit d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette transcription, et dont l'article 7 dispose qu'un mariage peut être inscrit sur les registres de l'état-civil au vu d'un jugement rendu, dans les conditions qu'il précise, et qu'un mariage ainsi constaté et transcrit est réputé produire ses effets à compter de la date de célébration retenue par ce jugement. Si un jugement déclaratif de mariage rendu par une juridiction algérienne postérieurement à l'accession de l'Algérie à l'indépendance n'est pas opposable à l'Etat français, lorsque celui-ci n'a pas été mis en cause dans l'instance, il constitue, le cas échéant, un élément de preuve susceptible d'être retenu par le juge administratif pour apprécier si la matérialité ou la date du mariage est établie de façon certaine. 4. Il résulte de l'instruction que, pour établir qu'elle était l'épouse de M. D... à la date du décès de celui-ci, Mme E... produit, d'une part, un jugement du 8 octobre 2006 par lequel le tribunal de Cherchell, en Algérie, a authentifié son mariage avec M. D... " en 1955 ", et ordonne de l'inscrire à l'état-civil avec effet rétroactif à cette date et, d'autre part, une fiche d'état-civil algérien, datée du 12 septembre 2019, indiquant que Mme A... E... a contracté mariage en 1955 avec M. D..., sans préciser la date exacte de ce mariage. 5. Il n'est pas contesté que l'Etat français n'a pas été appelé dans l'instance ayant donné lieu au jugement du tribunal de Cherchell du 8 octobre 2006. Par suite, le jugement ne lui est pas opposable et ne constitue qu'un élément de preuve susceptible d'être retenu par le juge pour apprécier si la date du mariage est établie de façon certaine. Si une copie d'acte de décès de M. D..., établi par un officier de l'état-civil français le 21 mai 2010, mentionne qu'il est l'époux de Mme E... et une décision du 18 mars 2010 de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, rendue à la demande de Mme E..., le reconnaît " Mort pour la France ", de telles productions, qui n'emportent aucun droit pour Mme E... ni ne valent reconnaissance de son état-civil, ne permettent pas de corroborer les énonciations de ce jugement. Dans ces conditions, à défaut d'autres éléments permettant de corroborer ses affirmations, la requérante n'établit pas de façon certaine par les seules justifications versées au dossier, la matérialité et la date exacte de son mariage et donc qu'elle était effectivement mariée avec M. D... avant son décès, et n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme C..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 28 mai 2021. 2 N° 19MA05435
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05153, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bastia d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " lombo-sciatique ". Par un jugement n° 18/00020 du 21 janvier 2019, le tribunal des pensions militaires de Bastia a rejeté la requête de M. C.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 29 janvier 2019. Par cette requête et un mémoire enregistré le 1er février 2021, M. E... C..., représenté par Me A..., demande à la Cour : - d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Bastia du 21 janvier 2019 ; - de lui accorder l'aggravation de sa pension au titre de l'infirmité " lombo-sciatique " au taux de 40% ; - à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ; - de laisser les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que l'expertise du médecin expert du centre de réforme a constaté une aggravation de son infirmité " lombo-sciatique " dont le tribunal n'a pas, à tort, tenu compte. Par deux mémoires en défense enregistrés le 3 juillet 2019 et le 18 février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. La ministre fait valoir que les moyens de M. C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 22 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2021 à 12 heures. M. C... bénéficie de l'aide juridictionnelle par une décision du 28 mars 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, notamment son article 8 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. - et les observations de Me D..., substituant Me A..., pour M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 1er mai 1943, engagé volontaire le 25 octobre 1961 a été rayé des contrôles au 2 mai 1982. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au titre de trois infirmités. Un arrêté du 12 février 2018, lui accorde une aggravation de 10% de son infirmité " séquelles de traumatisme du genou gauche avec choc rotulien : mise en place d'une prothèse totale du genou, boiterie, instabilité, hydarthrose, craquements, amyotrophie cuisse, flexion diminuée, cicatrices opératoires sensibles ", mais lui refuse la reconnaissance de l'aggravation de l'infirmité " lombo-sciatique " de 30% à 40%. Il relève appel du jugement n° 18/00020 du 21 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Bastia a rejeté sa requête contre la décision du 12 février 2018 en tant que lui est refusée l'aggravation de sa pension au titre de l'infirmité " lombo-sciatique " au taux de 40%. Sur la révision de la pension : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. ". Aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : (...) / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". 3. Il résulte de l'instruction que le docteur Arrighi, médecin mandaté par l'administration pour se prononcer sur le taux d'invalidité provoqué par l'infirmité en cause et son éventuelle imputabilité au service, mentionnait, le 12 décembre 2008, une lombosciatique à bascule avec une limitation du périmètre de marche de 100 mètres, des réflexes achilléens abolis et des réflexes rotuliens diminués, une dysurie, une amyotrophie surale bilatérale, une mise sur les talons difficiles et des paresthésies douloureuses à recrudescence nocturne avec notamment à l'éléctromyogramme le diagnostic d'une atteinte radiculaire L4 L5 D et G compensée. Il proposait alors un taux de 30%. Lors de l'instruction de la nouvelle demande, le docteur Arrighi a procédé à l'examen de M. C... duquel il ressortait une lombosciatique à bascule avec une limitation du périmètre de marche de 100 mètres, des réflexes achilléens abolis et des réflexes rotuliens diminués, une dysurie, une amyotrophie surale bilatérale, une mise sur les talons difficiles, parésie (perte de motricité) L5G ( gauche) et des paresthésies douloureuses à recrudescence nocturne L5 , avec les mêmes résultats d'électromyogramme, et concluant à une aggravation de l'infirmité, plus particulièrement de l'atteinte 5G, et a proposé un taux de 40%. Cependant, ni ces constatations cliniques du docteur Arrighi du 7 octobre 2016 qui sont similaires à celles de la précédente expertise réalisée, ni le certificat du docteur Césari-Spadoni lequel fait état le 20 mai 2015 " de lombalgies irradiation dans le membre inférieur droit en L4 sur une arthrose lombaire articulaire postérieure avec des modifications épidurales antérieures en L4L5 séquelles d'une intervention chirurgicale pour canal lombaire étroit en janvier 2008 ", ne permettent de constater un élément objectif d'augmentation de la gêne fonctionnelle par rapport à la précédente expertise. Ainsi, elles ne justifient pas l'aggravation à un taux de 10% de l'infirmité pensionnée en raison de l'atteinte L5 G relevée par l'expert. Dans ces conditions, aucune aggravation de l'état de M. C... justifiant la révision de sa pension, c'est-à-dire dépassant le minimum de 10 % par rapport au taux précédent prévu par les dispositions de l'article L. 29 du code précité, n'est mise en évidence à la date de la demande de pension, contrairement à ce que soutient le requérant, sans qu'il soit besoin de faire procéder à un complément d'expertise. 4. Il résulte de ce qui ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Bastia du 21 janvier 2019. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. B..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2021. 2 N° 19MA05153
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05246, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision du 28 août 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical sur fracture ancienne de C7 ". Par un jugement n° 18/00035 du 11 juin 2019, le tribunal des pensions militaires de Montpellier a rejeté la requête de M. C.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Montpellier a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 31 juillet 2019. Par cette requête et deux mémoires enregistrés le 24 octobre 2019 et le 26 juin 2020, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour : - d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Montpellier du 11 juin 2019 ; - de lui accorder la révision de sa pension au titre de l'aggravation de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical sur fracture ancienne de C7 " au taux de 25% ; - à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale ; - de porter à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais de justice. Il soutient que l'infirmité résultant des séquelles de son traumatisme cervical sur fracture ancienne s'est aggravée dans une proportion de 25% ; le tribunal a mal apprécié les éléments de son dossier médical. Par deux mémoires en défense enregistrés les 28 avril et 7 juillet 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. La ministre fait valoir que les moyens de M. C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 15 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2020 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, notamment son article 8 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 16 novembre 1956, a été incorporé le 2 juin 1975 et rayé des contrôles de l'armée active le 19 mars 1993 au grade de sergent. Il relève appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa requête contre la décision du 28 août 2018 qui lui refuse la révision de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical sur fracture ancienne de C7 " due à une vertèbre fracturée le 30 août 1980 à l'occasion d'un parcours du combattant. Sur la révision de la pension : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. ". Aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : (...) / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". 3. Il résulte de l'instruction et notamment de l'avis du docteur Beghadi du 19 juillet 2016 que M. C... souffre de paresthésies qui ont une origine radiculaire cervicale en relation avec le canal cervical étroit, étant retrouvé à l'IRM, les céphalées étant en rapport avec la névralgie d'Arnold droite (lésion des nerfs occipitaux) confirmant le compte rendu de cet IRM qui fait état d'un rétrécissement du canal cervical sans signe de myopathie cervico-thoracique et rétrécissement des récessus latéraux droit et gauche aux trois étages C3-C4, C4-C5, C5-C6. Il présente également une discarthrose avec ostéophytose marginale et arthrose inter-apophysaire postérieure, détectée lors d'une radiographie du 18 décembre 2014. Dans son avis du 10 juillet 2017, le docteur Saint-Germes Léger, expert mandaté par l'administration pour examiner M. C..., indique que l'intéressé présente des cervicalgies avec raideur et irradiation aux deux membres supérieurs à type de paresthésies et hyperesthésie des cinquièmes doigts sur canal cervical rétrécie par cervicarthrose et tassement de C7 avec atteinte des récessus sans atteinte médullaire à l'IRM. L'expert a conclu à une aggravation, aboutissant à taux global de 20% de l'infirmité pensionnée, dont 5% au titre d'un état antérieur, en raison de l'arthrose de l'intéressé, maladie dégénérative non imputable à la fracture ancienne de la vertèbre C7, soit 15 % de taux imputable. Il en résulte que M.C..., actuellement pensionné au taux de 15% et qui n'apporte aucun élément de nature à contredire les conclusions médicales de l'expert, ne peut prétendre qu'à l'aggravation de son infirmité dans une proportion de 5%, montant inférieur au taux de 10%, qui est le degré d'invalidité minimum par rapport au pourcentage antérieur exigé par les dispositions précitées de l'article 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, pour la révision de la pension. 4. Il résulte de ce qui ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du 11 juin 2019. Sur les frais liés au litige : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2021. 2 N° 19MA05246
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05302, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C..., veuve B..., a saisi le tribunal des pensions de Nîmes d'une demande qu'il a regardée comme tendant au bénéfice de la réversion de la retraite de combattant de son époux décédé. Par un jugement n° 18/00007 du 14 juin 2019, le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juillet et 12 septembre 2019, sous le n°19/00012 par la Cour régionale des pensions de Nîmes, Mme C... doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019. Elle doit être regardée comme soutenant qu'elle avait droit à une pension de réversion dès lors que son époux décédé avait lui-même droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité et percevait la retraite du combattant. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par des mémoires en défense, enregistrés par le greffe de la Cour le 16 octobre 2020 et le 4 janvier 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme C.... Elle soutient : - à titre principal, que la requête de Mme C... est irrecevable dès lors qu'elle ne formule pas de conclusions et de moyens à l'appui de sa demande, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, dans le délai de recours contre le jugement attaqué ; - subsidiairement, que le tribunal des pensions de Nîmes était incompétent pour traiter sa demande, - en tout état de cause, elle n'aurait pu bénéficier d'une pension de réversion sur le fondement de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que son époux ne bénéficiait pas d'une pension militaire d'invalidité. Par un mémoire, enregistré le 24 novembre 2020 par la Cour, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B..., son époux décédé ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer la demande de pension militaire d'invalidité introduite par M. B... et, le cas échéant, la réversion de celle-ci à son bénéfice. Elle soutient que : - sa requête d'appel était suffisamment motivée ; - c'est à tort que le tribunal des pensions de Nîmes s'est déclaré incompétent pour connaître de sa demande en première instance. Par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 23 octobre 2019, Mme A... C..., veuve B..., a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; -la loi du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C..., veuve B..., de nationalité algérienne, doit être regardée comme relevant appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté sa demande d'attribution d'une pension au titre d'ayant-droit de son époux décédé. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté la requête de Mme C... au motif qu'il n'était pas compétent pour connaître de la demande de réversion de la retraite de combattant de l'époux défunt de la requérante, M. B.... Il résulte, toutefois, des écritures de Mme C... devant le tribunal des pensions, auxquelles était jointe la décision du 13 novembre 2017 par laquelle la ministre des armées avait rejeté la demande de pension militaire d'invalidité formée par M. B..., qu'elle a entendu en outre, en qualité d'ayant-droit de son défunt époux, contester la décision de rejet de la demande de pension militaire d'invalidité engagée par ce dernier de son vivant et en demander la réversion à son bénéfice. 3. Le tribunal des pensions de Nîmes s'est déclaré à raison incompétent pour connaître de la demande de Mme C... tendant au bénéfice de la réversion de la retraite de combattant de son époux décédé, et n'était pas tenu de transmettre cette demande au tribunal administratif, une telle demande étant manifestement irrecevable dès lors que Mme C... n'avait pas fait une demande préalable de réversion, et alors, en outre, que la retraite du combattant ne peut faire l'objet d'une réversion. Toutefois, la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision de rejet de la demande de pension militaire d'invalidité engagée par ce dernier de son vivant et en demandant la réversion à son bénéfice, relevait bien des compétences du tribunal des pensions. L'intéressée est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Nîmes s'est déclaré incompétent pour statuer sur son recours et à demander, pour ce motif et en cette part, l'annulation de son jugement du 14 juin 2019. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la seconde demande présentée par Mme C... devant le tribunal des pensions de Nîmes. Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées aux requêtes d'appel et de première instance de Mme C... : 5. Si, dans les mémoires produits par Mme C... devant les premiers juges comme dans son mémoire produit en appel dans le délai de recours, auxquels elle a joint des pièces relatives à une demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité formée avant son décès par son époux, Mme C... doit être regardée comme contestant la décision refusant d'accorder à son époux le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, elle n'y formule aucun moyen à l'appui de ces conclusions, s'en remettant à la " volonté judicieuse " de la Cour. Le mémoire produit en appel, postérieurement au délai de recours, par Me D..., ne développe au demeurant pas davantage de moyens au soutien de ces conclusions. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par la ministre, qui fait valoir que la requête de Mme C... devant les premiers juges est dépourvue de l'exposé de moyens, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, doit être accueillie. 6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 13 novembre 2017 par laquelle la ministre des armées avait rejeté la demande de pension militaire d'invalidité formée par M. B... ne peut qu'être rejetée. Doivent être rejetées, par suite, ses conclusions à fin d'injonction en vue de lui accorder le bénéfice de réversion de cette pension. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 est annulé en tant qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision de rejet de la demande de pension militaire d'invalidité engagée par M. B.... Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal des pensions de Nîmes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., veuve B..., à Me D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme E..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 28 mai 2021. 2 N° 19MA05302
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 17/05/2021, 18BX03327, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 août 2014 de la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-Ouest qui l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service, ensemble la décision implicite de rejet du 22 décembre 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014, et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de le placer à la retraite pour invalidité imputable au service. Par un jugement avant-dire-droit du 5 mars 2018, ce tribunal a ordonné un supplément d'instruction avant de statuer sur les conclusions en annulation de la requête n° 1500576 présentée par M. F.... Par un jugement n° 1500576 du 9 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 31 août 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 avril 2020, M. F..., représenté par Me G..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n°1500576 du tribunal administratif de Toulouse du 9 juillet 2018 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2014 par lequel la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-Ouest l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service ainsi que la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 de son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de le placer à la retraite pour invalidité imputable au service, le cas échéant sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée par la cour dans son arrêt n°11BX02684 alors que l'appréciation de l'imputabilité au service de son invalidité, alors même que l'objet de cette affaire était disciplinaire, s'imposait aux premiers juges dans le cadre de sa mise à la retraite pour invalidité, la cour ayant estimé qu'il devait être tenu pour établi que sa pathologie est liée au fait qu'il a tenté en vain de raisonner son collègue pour l'empêcher d'attenter à ses jours ; - les premiers juges ont irrégulièrement apprécié la régularité de la procédure suivie devant la commission de réforme , faute d'avoir vérifié s'il avait été mis en mesure, conformément à l'article R. 49 al. 5 du code des pensions civiles et militaires, de prendre connaissance des rapports établis par les médecins agréés ; - les premiers juges ont irrégulièrement apprécié la composition de la commission de réforme, sans rechercher si la spécialité du médecin siégeant au sein de la commission de réforme correspondait effectivement aux affections invalidantes dont il est atteint, alors qu'aucun spécialiste des maladies mentales n'était présent lors de la réunion de la commission de réforme et que sa pathologie psychiatrique est principalement la cause de sa mise à la retraite pour invalidité, justifiant un taux d'invalidité évaluée à 70 %, les affectations rhumatologiques ayant un caractère subsidiaire ; - en posant une condition d'exclusivité du lien de causalité entre les pathologies contractées en service et sa mise à la retraite, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; à supposer que sa pathologie psychiatrique soit également en lien avec des difficultés personnelles et que son affectation rhumatologique soit apparue antérieurement à sa titularisation en 1990, son état s'est dégradé pendant ses années de service ; - l'arrêté du 19 août 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 constituent des décisions défavorables qui devaient être motivées dès lors qu'elles lui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; elles ne sont pas motivées en droit et en fait ; - les décision contestées le plaçant à la retraite pour invalidité non imputable au service ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas eu connaissance de la possibilité de contester les résultats de l'expert devant le comité médical supérieur ni qu'il pouvait se faire assister par un médecin de son choix devant le comité médical ; il n'a pas été informé qu'il pouvait prendre connaissance des rapports établis par les médecins agréés ; - l'arrêté du 19 août 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 contestés ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que la composition du comité médical et de la commission de réforme est irrégulière, la présence d'un spécialiste des maladies mentales s'imposait davantage que celle d'un médecin rhumatologue ; le procès-verbal de la séance de la commission de réforme ne contient aucune information sur le respect de la règle de quorum fixée par l'article 19 du décret du 14 mars 1986, notamment si les deux praticiens de médecine générale ou le médecin spécialiste se sont abstenus de prendre part au vote ; - eu égard aux motifs de l'arrêt de la cour n°11BX02684 du 9 mai 2012, l'administration ne pouvait considérer que l'affection psychiatrique dont il souffre n'est pas imputable au service sans méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cet arrêt ; - l'arrêté du 19 août 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 sont entachés d'erreur d'appréciation, dès lors que l'administration s'est crue liée par les avis rendus par le comité médical et par la commission de réforme ; l'affection psychiatrique est liée directement au suicide d'un collègue survenu le 29 janvier 1991, auquel il a assisté, qui a déclenché un syndrome de stress post-traumatique ; il justifie n'avoir pas d'antécédent avant cet incident traumatisant ; les éléments d'expertise sur lesquels l'administration s'est appuyée sont erronés ; ses affectations rhumatologiques sont imputables au service, dès lors que sa première cure d'hernie discale est intervenue en mars 1991 et que le professeur Lazorthes a indiqué dès 1996 que son métier est relativement exposé aux contraintes mécaniques rachidiennes ; ces problèmes se sont aggravés en 1993 à la suite d'une agression imputable au service ; - le lien de causalité entre les pathologies dont il reste atteint et le service n'a pas à être exclusif, il suffit qu'il soit direct ; l'existence d'un état antérieur ne suffit pas à exclure tout lien avec le service. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés. Une clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2020. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D... A..., - les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique, - et les observations de M. F..., requérant. Une note en délibéré présentée par le requérant, Monsieur F..., a été enregistrée le 9 avril 2021. Considérant ce qui suit : 1. M. B... F..., gardien de la paix dont la dernière affectation était la direction départementale de la police aux frontières de Toulouse, souffre d'un état dépressif ayant justifié son placement en congé de longue maladie à compter du 26 juillet 2004. Par un arrêté du 19 août 2014, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone Sud-Ouest l'a mis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 28 juillet 2014. Après avoir rejeté implicitement le recours gracieux formé le 20 octobre 2014 par M. F... contre l'arrêté du 19 août 2014, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité a réitéré son rejet du recours gracieux de M. F... par une décision expresse du 24 décembre 2014. M. F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 août 2014 l'admettant à la retraite pour invalidité non imputable au service, ensemble les décisions rejetant son recours gracieux. M. F... relève appel du jugement du 9 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2014 et de la décision du 24 décembre 2014 rejetant son recours gracieux. Sur les conclusions en annulation : En ce qui concerne la régularité de la procédure : 2. L'arrêté contesté du 19 août 2014, par lequel le préfet de la zone de défense Sud-Ouest a admis M. F... à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 26 juillet 2014, a été pris à la suite de l'avis du comité médical interdépartemental qui a conclu, le 20 mai 2014, à l'inaptitude définitive de l'intéressé à l'exercice de ses fonctions d'actif dans la police nationale, sans possibilité de reclassement, et de l'avis du même jour par lequel la commission de réforme a conclu à son inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et à son placement à la retraite pour invalidité non imputable au service. 3. Aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans leur rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme (...). Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...). ". 4. Aux termes des dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / (...) 6. L'application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " (...) Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix (...) ". 5. Le dossier mentionné par les dispositions précitées de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 doit contenir le rapport du médecin agréé qui a examiné le fonctionnaire. Si ces dispositions n'exigent pas que l'administration procède de sa propre initiative à la communication des pièces médicales du dossier d'un fonctionnaire avant la réunion de la commission de réforme, elles impliquent que ce dernier ait été informé de la possibilité d'obtenir la consultation de ces pièces. 6. En l'espèce, avant la réunion de la commission de réforme, le 20 mai 2014, M. F... a été informé par courrier du 24 avril 2014, reçu le 30 avril suivant, de la tenue de cette réunion et de ce qu'il pouvait consulter la partie administrative de son dossier. Si M. F... reproche aux premiers juges de ne pas s'être assurés qu'il avait été informé de la faculté de prendre connaissance des conclusions des rapports établis par les médecins agréés en vue de la réunion de la commission, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a été informé le 30 avril 2014 de la possibilité de demander la communication de la partie médicale de son dossier, avant la réunion du comité médical prévue le même jour que celle de la commission de réforme et sur le même ordre du jour, de sorte qu'il doit être regardé comme ayant été mis en mesure d'accéder à son dossier, y compris dans ses éléments médicaux, et n'ayant ainsi été privé d'aucune garantie. 7. Aux termes des dispositions de l'article 7 du décret précité du 14 mars 1986 : " (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; / - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. / L'avis du comité médical est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. / Le secrétariat du comité médical est informé des décisions qui ne sont pas conformes à l'avis du comité médical. ". 8. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a reçu notification le 30 avril 2014 de la lettre du 24 avril 2014 par laquelle le secrétariat du comité médical interdépartemental l'a informé de la date du 20 mai 2014 à laquelle le comité médical allait examiner son dossier, de ses droits concernant la communication de son dossier médical, de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix et de faire appel devant le comité médical supérieur en cas de contestation de sa part de l'avis émis par le comité médical interdépartemental. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé n'a pas eu connaissance de la possibilité de porter une contestation devant le comité médical supérieur ni qu'il pouvait se faire assister par un médecin de son choix manque en fait. 9. Aux termes des dispositions de l'article 12 du décret précité du 14 mars 1986 : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : /1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; /2. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ;/ 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; toutefois, s'il n'existe pas de commission locale ou si celle-ci n'est pas départementale, les deux représentants du personnel sont désignés par les représentants élus de la commission administrative paritaire centrale, dans le premier cas et, dans le second cas, de la commission administrative paritaire interdépartementale dont relève le fonctionnaire ; / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 19 du même décret, dans sa rédaction issue du décret n°2000-610 du 28 juin 2000 : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. /Les avis sont émis à la majorité des membres présents. /Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. (...) ". 10. Il ne résulte pas des dispositions précitées dont se prévaut M. F... que l'ensemble des membres de la commission de réforme doit signer l'avis qu'elle rend, lequel a, en l'espèce, été signé par le président, les représentants du personnel, le représentant de l'administration, le médecin spécialiste, et les deux autres médecins du comité médical. En l'absence du directeur général des finances publiques, la commission de réforme a siégé ce jour-là, conformément aux règles de quorum prévues par les dispositions précitées, avec cinq de ses six membres de droit et rendu, à l'issue du vote, un avis défavorable à la demande de M. F.... Il s'ensuit que le non-respect de la règle de quorum manque en fait. Le fait que chacun des praticiens ait signé le procès-verbal ne signifie pas qu'ils aient tous voté mais qu'ils étaient présents et ont approuvé ce procès-verbal tel qu'il était rédigé, procès-verbal qui doit être regardé comme faisant foi et attestant que l'avis retranscrit est conforme au vote. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du vote doit être écarté. 11. La présence d'un spécialiste dans la composition de la commission de réforme, préalablement à la mise en retraite pour invalidité d'un agent, a pour objet d'éclairer cette commission sur la pathologie dont souffre l'agent et constitue pour celui-ci une garantie destinée à ce que la décision rendue soit médicalement justifiée. Il ressort des pièces du dossier que M. F... présentait depuis de nombreuses années un tableau dépressif sévère ainsi qu'une pathologie rhumatologique. Si l'appréciation des affections qui, selon l'administration, rendaient M. F... inapte à exercer ses fonctions, requérait l'avis de spécialistes et si lors de sa réunion du 20 mai 2014, la commission de réforme ne comportait que le docteur Daumas, rhumatologue, cependant la présence d'un spécialiste lors d'une réunion de la commission de réforme n'est prescrite à peine d'irrégularité de la procédure que si cette présence est nécessaire à l'appréciation par la commission des éléments médicaux qui lui sont soumis. Il résulte des pièces du dossier que l'intéressé a été examiné à deux reprises par le docteur Peresson, spécialiste en psychiatrie, qui a conclu, dans ses rapports du 3 mars 2009 et du 27 mars 2014, à l'évolution et à l'aggravation d'une pathologie présente depuis 1990, dont les symptômes avaient été accentués à bas bruit durant plusieurs années, et devait se voir reconnaître une invalidité pour inaptitude absolue et définitive à ses fonctions de gardien de la paix non imputable au service. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la commission de réforme a pu s'estimer suffisamment informée et régulièrement émettre un avis sans s'adjoindre un spécialiste en maladies mentales. Par suite, l'absence d'un spécialiste en psychiatrie au sein de la commission de réforme n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis rendu et n'a pas privé l'intéressé d'une garantie. En ce qui concerne la motivation des décisions contestées : 12. M. F... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation en droit et en fait de l'arrêté contesté du 19 août 2014 et de la décision expresse de rejet de son recours gracieux, au regard des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, désormais repris aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges. En ce qui concerne le bien-fondé des décisions contestées : 13. Par son arrêt du 9 mai 2012 n°11BX02684, la cour a annulé l'arrêté du 2 mai 2007 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé la révocation de M. F... au motif du caractère manifestement disproportionné de la sanction par rapport à la gravité des faits reprochés. Elle a ainsi réglé un litige ayant un objet distinct de la présente requête, relative à la légalité de l'arrêté du préfet de la zone de défense Sud-Ouest qui a admis M. F... à la retraite pour invalidité non imputable au service. Si cet arrêt indique notamment qu'" il doit être tenu pour établi que M. F... est atteint d'un stress post-traumatique pour avoir tenté vainement de raisonner son collègue pour l'empêcher d'attenter à ses jours ", cette mention, subsidiaire pour l'appréciation du contexte et de la gravité de la faute alors en litige devant la cour, ne s'imposait pas dans l'appréciation par les premiers juges de l'imputabilité au service de son invalidité eu égard, ainsi qu'il vient d'être dit, aux objets distincts des procédures disciplinaire et d'admission à la retraite pour invalidité. Ainsi qu'en ont jugé à bon droit les premiers juges, le requérant ne peut, par suite, se prévaloir dans le cadre de la présente instance de l'autorité de la chose jugée par cet arrêt. 14. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. 15. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de faire droit à la demande de M. F... tendant à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-Ouest s'est fondée sur l'avis du comité médical interdépartemental du 20 mai 2014, qui a émis un avis défavorable, ainsi que sur l'avis de la commission de réforme du même jour, laquelle a également émis un avis défavorable à la demande de M. F..., le déclarant inapte totalement et définitivement à tout poste de travail dans la police nationale sans possibilité de reclassement, d'une part, au regard des expertises du docteur Daumas du 18 mars 2014 fixant respectivement à 10 % et 5 % une lombosciatique gauche et une tendinopathie de l'épaule gauche, d'autre part, au regard de l'expertise réalisée par le docteur Peresson le 27 mars 2014 au titre de l'évolution et de l'aggravation d'une pathologie psychiatrique non imputable au service, au taux de 70 %. Il ressort de l'avis médical de l'expert psychiatre qui a examiné M. F..., et au vu duquel se sont prononcés le comité médical interdépartemental et la commission de réforme, qu'il souffre d'un syndrome anxio-dépressif chronique et d'une lourde pathologie psychiatrique évoquant une bipolarité et des troubles de la personnalité, sans lien avec le suicide d'un collège survenu en janvier 1991, qui le rendent inapte de manière définitive à l'exercice de toute fonction d'actif dans la police nationale. Au soutien du moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté contesté, le requérant persiste à soutenir en appel que sa pathologie psychiatrique est apparue postérieurement à son entrée en service et trouve son origine dans le traumatisme subi en janvier 1991 pour avoir assisté au suicide d'un collègue de travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des témoignages produits ainsi que des certificats et compte rendus d'examens médicaux, dont celui établi le 5 août 2015 par le docteur Mouillard, médecin inspecteur régional agréé, que sa pathologie psychiatrique est liée à des facteurs personnels et familiaux. Si le requérant soutient que le comité médical et la commission de réforme, dans leurs séances du 20 mai 2014, qui ont émis un avis sur sa situation médicale et sur lesquels la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-ouest s'est fondée, ont statué sur la base de rapports médicaux erronés et de faible valeur probante, il ne l'établit que très partiellement. Les certificats médicaux qu'il avait produit en première instance pour établir l'absence d'antécédents avant l'autolyse d'un collègue de travail, qui ne se prononcent pas sur l'influence de cet événement sur sa santé mentale ou qui ne font que relayer les propres déclarations de l'intéressé, ne permettent pas d'infirmer ou de mettre en doute les avis médicaux circonstanciés sur lesquels la commission de réforme s'est fondée pour rendre son avis. Il en est de même du jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 25 juillet 2008, qu'il présente comme de nature à l'exonérer de la production d'éléments médicaux antérieurs à 2004, qui l'a condamné pour faux en écritures pour avoir fourni un faux certificat médical à l'appui de sa demande du 2 décembre 2004 de reconnaissance d'imputabilité au service de sa pathologie psychiatrique. En admettant même que l'autolyse d'un collège de travail auquel il aurait assisté, en janvier 1991, ait pu, à cette époque, influer sur son état de santé psychique, les témoignages de ses collègues de travail et de sa hiérarchie n'attestent nullement qu'il y aurait fait la moindre allusion. Dès lors, cet événement ne saurait être regardé comme la cause prépondérante des troubles post-traumatiques, apparus au demeurant plus tardivement, dont il a souffert, et qui ont conduit l'administration à prendre l'arrêté contesté. M. F... fait valoir que ses affectations rhumatologiques sont imputables au service, dès lors que sa première cure d'hernie discale est intervenue en mars 1991, que le professeur Lazorthes a indiqué dès 1996 que son métier est relativement exposé aux contraintes mécaniques rachidiennes et que ces problèmes se sont aggravés en 1993 à la suite d'une agression imputable au service. Toutefois, le certificat médical qu'il produit en appel, rédigé le 15 décembre 2008 par un médecin généraliste, attestant que " la première consultation pour sciatique, ou pour pathologie rachidienne quelle qu'elle soit, a eu lieu le 12 novembre 1990 ", n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'administration au vu des rapports circonstanciés du docteur Daumas, rhumatologue, dont le rapport du 18 mars 2014 conclut à l'absence d'imputabilité au service de ses affectations rhumatologiques. Ainsi, il n'est pas établi que la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-ouest aurait entaché l'arrêté contesté d'un erreur d'appréciation en estimant que cette invalidité n'était pas imputable au service. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2014 par lequel la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-ouest l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service, ainsi que la décision du 24 décembre 2014 rejetant expressément son recours gracieux. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. F... ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais d'instance : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. F... demande le versement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. F... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète déléguée de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest. Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient : M. D... A..., président, Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure, Mme E... C..., première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2021. Le président-rapporteur, Didier A... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 4 2 N° 18BX03327
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 20/05/2021, 20MA04324, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 411 438 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la maladie professionnelle dont il est atteint. Par un jugement n° 1405635, 1409312 du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à lui verser la somme de 89 000 euros au titre de ses préjudices personnels et des préjudices patrimoniaux non réparés forfaitairement par la rente viagère d'invalidité. Par un arrêt n° 17MA02779 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. C..., condamné solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à indemniser M. C..., et porté à 134 000 euros le montant de l'indemnité due à l'intéressé. Par une décision n° 427325 du 18 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour. Procédure devant la Cour : Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du 28 avril 2017 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Marseille n'a pas fait droit à ses demandes fondées sur la responsabilité pour faute de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; 2°) de condamner solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 411 438 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la maladie professionnelle dont il est atteint ; 3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur les dépens ainsi que la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée dès lors que l'imputabilité au service et le caractère professionnel de la maladie ont été reconnus par décision du recteur de l'académie d'Aix-Marseille ; - la responsabilité pour faute de l'Etat est aussi engagée du fait de la méconnaissance de l'obligation de sécurité en l'absence de mise en oeuvre de mesure de prévention ; - la région a également commis une faute en s'abstenant, alors qu'elle était informée des risques liés à la vétusté et à la non-conformité des installations, d'entretenir et de mettre en conformité les locaux ; - le lien de causalité entre ses conditions de travail au lycée professionnel Léonard de Vinci et la pathologie dont il est atteint est établi ; - il est en droit d'obtenir la réparation intégrale des préjudices subis ; - la perte de gains professionnels actuels et futurs, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique et le préjudice sexuel ont été insuffisamment évalués. Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2020, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par l'AARPI Baron, Aidenbaum et Associés, demande à la cour : 1°) à titre principal, de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de fixer sa part de responsabilité à 5 % du montant total des préjudices subis ; 3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre principal, aucune faute ne peut lui être reprochée ; - elle a respecté son obligation d'entretien général de l'établissement ; - le lien de causalité entre la faute et le préjudice n'est pas établi ; - la faute de la victime et celle de l'Etat est exonératoire ; - à titre subsidiaire, sa responsabilité doit être réduite du fait de la faute de l'Etat ; - il ne peut y avoir de condamnation in solidum avec l'Etat ; - les préjudices doivent être ramenés à de plus justes proportions ; - sa part de responsabilité ne peut pas être fixée à plus de 5 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut, à titre principal, à sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire, à ce que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur soit condamnée à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Il soutient que : - le dommage a pour origine un défaut d'entretien des locaux du lycée dont la région est propriétaire ; - le fait du tiers n'est pas exonératoire ; - les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens soulevés d'office, tirés, d'une part, de ce que la responsabilité sans faute de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur est susceptible d'être engagée pour défaut d'entretien normal du lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille dont elle a la charge et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse qui sont nouvelles en appel. Par des mémoires, enregistrés les 5 mars 2021 et 30 avril 2021, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a présenté des observations en réponse à la mesure d'information effectuée par la Cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Par un mémoire, enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a présenté des observations en réponse à la mesure d'information effectuée par la Cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'éducation ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code du travail ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me D..., représentant la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., enseignant au lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille depuis 1997, a contracté une silicose diagnostiquée le 24 mai 2011 dont l'imputabilité au service a été reconnue par une décision du 4 juillet 2014. Admis à la retraite pour invalidité ainsi qu'au bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, M. C... a recherché la responsabilité solidaire de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur afin d'obtenir réparation de l'intégralité des préjudices subis. Par un jugement du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat, en sa qualité d'employeur, à verser à M. C... la somme de 89 000 euros en réparation des préjudices non réparés par la rente viagère d'invalidité. Par un arrêt du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. C..., condamné solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au paiement de l'indemnité complémentaire à verser à M. C... afin d'assurer la réparation intégrale du dommage subi par celui-ci et porté à 134 000 euros le montant de cette indemnité. Par une décision du 18 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour. 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 3. Lorsqu'un fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, impute les préjudices qu'il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l'emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public dont elle a la charge, et qu'il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu'elles soient solidairement condamnées à réparer l'intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d'une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles exposées au point précédent et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d'autre part, de mettre à la charge de l'autre collectivité publique, s'il n'a pas été mis à la charge de l'employeur et s'il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d'indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis. 4. Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu'une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées au point 2 doit être supportée par l'autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l'affirmative, pour quel montant. Sur la responsabilité : 5. Il résulte de l'instruction, et notamment de la fiche de sécurité établie le 14 février 2001, des comptes rendus de la commission d'hygiène et sécurité des 5 février 2004, 12 juin 2006 et 21 septembre 2009 ainsi que du questionnaire sur l'état des lieux des installations de ventilation annexé au dernier compte rendu confirmé par des contrôles effectués par le médecin de prévention du rectorat au mois de novembre 2012 et par le comité d'hygiène et de sécurité en 2013 à la suite de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle présentée par l'intéressé et par un rapport établi par la société Area, maître d'ouvrage délégué de la région, que depuis de nombreuses années, le matériel pédagogique des ateliers de prothèse dentaire du lycée dans lequel M. C... enseignait était défectueux et que le système d'aspiration ne fonctionnait pas ou de manière insuffisante par rapport aux besoins. Il est constant que M. C... dont l'activité se déroulait dans une atmosphère très poussiéreuse a contracté une silicose à l'occasion de son activité professionnelle en raison des dysfonctionnements du matériel et du réseau d'extraction des polluants et de distribution de l'air. Il s'ensuit que l'Etat, en s'abstenant durablement de prendre les mesures propres à mettre un terme au contexte professionnel pathogène dans lequel évoluait l'intéressé, a méconnu son obligation résultant du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail de mettre à la disposition de ses agents des locaux aménagés de manière à garantir leur sécurité et présentant des conditions d'hygiène et de sécurité garantissant leur santé. Il suit de là que M. C... est fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est également engagée à son égard sur le terrain de la faute. Sur les préjudices : En ce qui concerne la perte de revenus et de droit à la retraite : 6. D'une part, il est constant que M. C... a été placé en congé de maladie à plein traitement du 24 mai 2011 au 31 décembre 2014 puis admis à la retraite pour invalidité le 1er janvier 2015. 7. D'autre part, il résulte de l'instruction et, en particulier de ses bulletins de salaire, de ses avis d'imposition et de l'attestation de l'agent comptable du centre de formation d'apprentis, qu'en sus de son activité d'enseignant en lycée professionnel, M. C... exerçait une activité régulière de formateur en centre de formation d'apprentis qu'il a été dans l'impossibilité de poursuivre en raison de la pathologie professionnelle dont il était atteint. 8. Si, du fait du maintien de son plein traitement jusqu'à la date de sa mise à la retraite, il n'a subi aucune perte de rémunération liée à son emploi d'enseignant en lycée professionnel, M. C... est fondé à demander que soit mise à la charge de l'Etat une indemnité de 30 191,63 euros réparant la perte de revenus résultant de l'arrêt de son activité d'enseignant en centre de formation d'apprentis entre le 24 mai 2011, date du début de son congé maladie et le 31 décembre 2014, veille de son départ à la retraite. En revanche, M. C... n'établissant pas qu'il aurait pu continuer à exercer cette activité après sa mise à la retraite et faute d'élément démontrant l'éventuelle incidence de la cessation de cette activité sur ses droits à pension, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs. En ce qui concerne les autres préjudices : 9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. C... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total du 21 juin 2011 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, le 12 décembre 2012. Il sera fait une juste appréciation du préjudice en l'évaluant à la somme de 9 000 euros. 10. M. C... a enduré des souffrances, fixées par l'expert à 5 sur une échelle de 1 à 7, qu'il y a lieu d'estimer à la somme de 15 560 euros. 11. Les premiers juges ont fait une évaluation suffisante du préjudice esthétique temporaire du requérant, fixé par l'expert à 1 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant une indemnité de 500 euros. 12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. C... subit un déficit fonctionnel permanent imputable à la silicose de 40 %. Il y a lieu, compte tenu de son âge à la date de la consolidation de son état de santé, de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 65 000 euros. 13. M. C... ne peut plus pratiquer les activités sportives et de loisirs auxquelles il s'adonnait, et plus particulièrement la plongée, la chasse sous-marine et la bicyclette. Il y a lieu d'évaluer son préjudice d'agrément à 5 000 euros. 14. Les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation suffisante du préjudice esthétique permanent de la victime, fixé par l'expert à 1 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant une indemnité de 500 euros qu'il y a lieu de porter à 1 100 euros. 15. Il y a lieu d'indemniser le préjudice sexuel de M. C..., retenu par l'expert, par la somme de 2 000 euros. 16. Il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices subis par M. C... doit être réparé par une indemnité de 128 351,63 euros. Sur l'obligation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur : 17. M. C... a mis en cause dès la première instance l'ensemble des personnes publiques - son employeur et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur - dont la responsabilité était susceptible d'être engagée. Dans ce cas particulier, et dès lors que l'Etat a, dès la première instance, conclu que la réparation financière qui pourrait être mise à sa charge devrait être supportée par la région, il incombe à la cour de procéder à la répartition finale de la dette entre ces personnes publiques. 18. Ainsi que cela a été exposé au point 5, la pathologie dont souffre M. C... a été provoquée par l'inhalation répétée de poussières de silice en raison du caractère défectueux des systèmes d'aspiration et de ventilation équipant les ateliers de prothèse dentaire du lycée professionnel Léonard de Vinci. Il résulte de l'instruction que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, informée depuis au moins l'année 2005 du caractère défectueux de ces installations, n'a pas pris en temps utile les mesures propres à y remédier et manqué, ainsi, à son obligation d'entretien normal de ces installations dont elle est maître d'ouvrage. Eu égard au caractère prépondérant de ce manquement dans la survenue de la pathologie de M. C..., il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de la condamner à garantir l'Etat de 90 % des condamnations mises à sa charge par le présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur le versement à M. C... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sur le même fondement doivent, en revanche, être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. C... par l'article 1er du jugement du 28 avril 2017 du tribunal administratif de Marseille est portée à 128 351,63 euros. Article 2 : La région Provence-Alpes-Côte d'Azur est condamnée à garantir l'Etat à hauteur de 90 % de la condamnation prononcée à son encontre. Article 3 : Le jugement du 28 avril 2017 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : La région Provence-Alpes-Côte d'Azur versera à M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 où siégeaient : - M. Alfonsi, président de chambre, - Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, - Mme E..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2021. 8 N° 20MA04324 kp
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 17/05/2021, 20MA00249, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 avril 2017 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a refusé de reconnaître les faits survenus le 12 décembre 2016 comme un accident de service. Par un jugement n° 1706725 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision et enjoint à l'Etat de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme F... dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 janvier 2020 et 26 février 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille et de rejeter les conclusions présentées par Mme F... devant le tribunal. Il soutient que : - l'erreur de fait entachant la décision du recteur, qui n'a pas mentionné la conversation du 12 décembre 2016 entre Mme F... et l'inspectrice de l'éducation nationale, est sans incidence sur la légalité de la décision dès lors que ni cette conversation, ni celle du 9 décembre 2016, ne constituent des accidents de service ; - dans l'hypothèse où la Cour considérerait que cette erreur de fait peut remettre en cause la légalité de la décision, il demande qu'un motif de fait faisant état des deux conversations téléphoniques soit substitué au motif erroné retenu par le recteur ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas applicables à la situation de Mme F... ; - Mme F... n'a pas été victime d'un accident de service. Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2020, Mme F..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sont infondés. Par ordonnance du 1er mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mars 2021. Un mémoire présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et enregistré le 24 mars 2021 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guy Fédou, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. G... Grimaud, rapporteur, - les conclusions de M. E... Thielé, rapporteur public, - et les observations de Me D..., représentant Mme F.... Considérant ce qui suit : 1. Mme F..., professeure des écoles chargée de la direction de l'école de Châteauneuf-de-Chabre, s'est entretenue téléphoniquement à propos de difficultés rencontrées dans la détermination des horaires scolaires et périscolaires de l'école avec un conseiller pédagogique du directeur académique des services de l'éducation nationale des Hautes-Alpes le 9 décembre 2016, puis, le 12 décembre 2016, avec l'inspectrice de l'éducation nationale chargée de la circonscription à laquelle appartient la commune de Val de Buëch-Méouge, à laquelle est rattachée la commune déléguée de Châteauneuf-de-Chabre. Mme F... a ensuite été placée en congé de maladie à sa demande à compter du 12 décembre 2016 et jusqu'au 14 janvier 2017. Le 19 janvier 2017, Mme F... a déposé une demande de reconnaissance d'accident de travail concernant les faits intervenus le 9 et le 12 décembre 2016. Le 27 avril 2017, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a refusé d'imputer la pathologie aux faits survenus le 9 décembre 2016. Mme F... ayant présenté un recours gracieux contre cette décision le 22 mai 2017, et ce recours ayant été rejeté implicitement, elle a sollicité du tribunal administratif de Marseille l'annulation de ces décisions rejetant sa demande. Par son jugement du 18 novembre 2019, le tribunal a fait droit à cette demande et enjoint au recteur de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, en vigueur à la date des faits invoqués par Mme F... : " Le fonctionnaire en activité a droit : / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...).". 3. En premier lieu, les droits à congé de maladie imputable au service de Mme F... doivent être appréciés à la date où sont intervenus les faits dont elle demande la reconnaissance comme accident de service. En l'absence, au sein de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, de dispositions transitoires étendant le bénéfice des nouvelles dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 relatives au congé pour invalidité temporaire imputable au service aux accidents survenus avant son entrée en vigueur, les dispositions qui précèdent sont donc seules applicables à sa situation. 4. En deuxième lieu, constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions, tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire détachent cet événement du service. 5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Val de Buëch-Méouge a décidé de modifier les horaires des temps d'activité périscolaires à compter de la rentrée scolaire 2016, ce dont les services de l'inspection académique des Hautes-Alpes n'ont pas été informés, de telle sorte qu'est apparue une discordance entre les horaires arrêtés par ce service et ceux arrêtés par la commune pour les temps d'activité périscolaires, se traduisant par un écart de quinze minutes entre la fin des cours et le début de ces activités, pendant lequel les conditions de surveillance des élèves et les responsabilités afférentes n'étaient pas précisément fixées. Le 9 décembre 2016, M. C..., conseiller pédagogique départemental chargé du suivi de la mise en place des aménagements des rythmes scolaires auprès du directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale, a indiqué par téléphone à l'une des enseignantes de l'école que les horaires des temps d'activité périscolaires ne seraient, pour ce motif, pas validés. Mme F... ayant pris contact avec M. C..., celui-ci lui aurait rappelé cette difficulté et indiqué, selon ses dires : " nous nous porterons à charge contre vous s'il arrivait quelque chose pendant ce quart d'heure ". Mme F... a ensuite été appelée, le 12 décembre 2016, par Mme A..., inspectrice de l'éducation nationale chargée de la circonscription, qui lui a rappelé la procédure régissant les changements d'horaires scolaires, lui aurait fait part du mécontentement de parents d'élèves pour diverses raisons, et lui aurait, toujours selon ses dires, demandé : " comment se fait-il que j'entende autant parler de vous en ce moment ' ". Mme F... précise s'être " effondrée " à la suite de ce second appel téléphonique. 6. Si Mme F... indique avoir été victime, au cours des conversations téléphoniques des 9 et 12 décembre 2016, de termes agressifs et méprisants de la part de ces deux interlocuteurs, elle ne fait précisément référence qu'aux propos ci-dessus reproduits et au contexte dans lequel ils sont intervenus, marqué par des tensions liées à la mauvaise articulation des horaires scolaires et périscolaires. Toutefois, pour regrettables que soient les propos de M. C... et de Mme A..., le manque de tact et de mesure qu'ils manifestent ne suffit pas, en l'absence d'autres éléments susceptibles d'établir le caractère pathogène des conversations en cause, à faire regarder ces deux conversations téléphoniques comme des évènements survenus à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service et dont il serait résulté une lésion au sens de la législation sur les accidents de service, la seule circonstance que le certificat médical établi par le Dr Bergeron le 12 décembre 2016 évoque, en se fondant sur les dires de sa patiente, " un syndrome dépressif réactionnel aux difficultés dans le travail " et que les conclusions du rapport d'expertise établi par le Dr Méric pour la commission de réforme mentionnent " un lien de cause à effet entre les lésions invoquées et l'accident du 12 décembre 2016 " étant par elle-même sans incidence sur cette qualification, qui ne saurait découler du seul constat de l'état de santé de l'intéressée, de l'existence de difficultés professionnelles et de l'absence d'antécédents médicaux. 7. En troisième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée, est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 8. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la Cour de substituer au motif initial de refus opposé à Mme F..., fondé sur la seule prise en compte des faits survenus le 9 décembre 2016, un nouveau motif tiré de ce que ni ces faits, ni ceux survenus le 12 décembre 2016, ne constituaient un accident de service. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'un tel motif fait une exacte application des dispositions précitées et est, par suite, de nature à justifier légalement le rejet de la demande, que le recteur aurait également rejetée s'il avait entendu initialement se fonder sur ce motif. Cette substitution de motifs ne prive par ailleurs Mme F... d'aucune garantie procédurale. Il y a lieu par suite, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la substitution de motifs demandée. 9. Lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par l'intimé en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel. 10. Si Mme F... soutenait devant le tribunal que le recteur avait entaché sa décision d'une inexacte application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3 ci-dessus que ces dispositions ne lui étaient pas applicables et que ce moyen devait en tout état de cause être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 27 avril 2017 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a refusé de reconnaître l'imputabilité de la pathologie de Mme F... à un accident de service. Il en résulte qu'il est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille et le rejet de la demande de première instance de Mme F.... Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par Mme F... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1706725 du tribunal administratif de Marseille du 18 novembre 2019 est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée. Article 3 : Les conclusions de Mme F... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à Mme B... F.... Délibéré après l'audience du 26 avril 2021, où siégeaient : - Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. G... Grimaud, premier conseiller, - M. François Point, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2021. 2 N° 20MA00249 my
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 18/05/2021, 19NT04063, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Rennes d'annuler la décision du 23 septembre 2016 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/00013 du 4 juin 2019, ce tribunal a réformé cette décision en ce qu'elle a considéré que " l'infirmité qualifiée de séquelles de la cataracte traumatique bilatérale opérée [que présente M. C...] n'était pas aggravée " mais a rejeté sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 et 10 juillet 2019, puis les 14 octobre et 8 décembre 2020, au greffe de la cour régionale des pensions de Rennes puis au greffe de la présente cour, sous le n° 19NT04063, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes du 4 juin 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande ; 2°) de dire qu'il a droit à compter du 11 janvier 2016 à une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % pour cécité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation ; - il ne pouvait être décidé que l'aggravation de son handicap était liée à la dégénérescence maculaire liée à l'âge dont il souffre dès lors que le médecin-expert ne s'est pas prononcé en ce sens et a conclu à la majoration de son taux d'invalidité ; l'aggravation de son infirmité est liée à son âge et non à une pathologie nouvelle, de sorte que sa demande ne pouvait être rejetée sur le fondement de l'article L. 29 ( devenu l'article L. 154-1) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre compte tenu de sa cécité pratique le rendant quasiment aveugle ; - compte tenu de sa cécité pratique, il peut prétendre à l'application des dispositions de l'article L. 215 (devenu l'article L. 154-3) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui vise non seulement les accidents mais également les maladies sans se référer à la notion d'imputabilité au fait initial. Par des mémoires, enregistrés les 23 septembre 2019 et 29 octobre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et notamment son article 51 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. A la suite de l'explosion d'une grenade, le 9 mai 1947, M. C..., qui était alors âgé de dix ans, a perdu l'usage de son oeil gauche et sa vision de l'oeil droit a été réduite. Ayant le statut de victime civile de la guerre 1939-1945, il perçoit une pension militaire d'invalidité. Le 10 janvier 2016, il a demandé une revalorisation de cette pension afin de prendre en compte l'aggravation de déficience visuelle et du rétrécissement de son champ de vision. Par une décision du 23 septembre 2016, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Rennes, qui a ordonné une expertise confiée au docteur Jambon. Par un jugement n° 17/00013 du 4 juin 2019, ce tribunal a réformé la décision de la ministre des armées en ce qu'elle a considéré que les séquelles de la cataracte traumatique bilatérale dont M. C... était atteint ne s'étaient pas aggravées mais a rejeté la demande de l'intéressé tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions et demande à la cour de porter le taux de la pension militaire d'invalidité qu'il perçoit au titre de sa cécité de 86 % à 100 %. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande présentée par M. C... : " Toute décision comportant attribution de pension doit être motivée et faire ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2 (...). Toute décision comportant rejet de pension doit être également motivée et faire ressortir qu'il n'est pas établi que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2 (...) ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ". 3. La décision de la ministre des armées du 23 septembre 2016 refusant la revalorisation de la pension militaire d'invalidité accordée à M. C... vise le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, notamment ses articles L. 29, L. 4 et L. 5, ainsi que la demande présentée par l'intéressé et les avis de la commission consultative médicale du 15 juin 2016 et de la commission de réforme de Rennes du 22 septembre 2016. Elle indique qu'aucune aggravation n'a été constatée après expertise réglementaire pour les séquelles de cataracte traumatique bilatérale dont il souffre et que l'infirmité d'asthénopie qu'il invoque est inexistante. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette motivation doit être regardée comme suffisante. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande présentée par M. C... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée (...) ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 5. Il est constant que, lors de l'examen réalisé le 29 mars 2016, le docteur Jambon a constaté une aggravation par détérioration de l'acuité visuelle de l'oeil droit de M. C..., celle-ci étant désormais réduite à 1/10ième alors qu'en 2007 elle avait été évaluée à 4/10ième. Cet expert a également indiqué que l'intéressé, qui se plaignait d'un rétrécissement accru de son champ visuel et de la baisse de son acuité visuelle, lui avait signalé qu'il était suivi pour une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Le requérant soutient que la ministre ne pouvait cependant prendre en compte cet élément dès lors que l'expert avait conclu à la majoration de sa pension militaire d'invalidité. Si le docteur Jambon a en effet estimé que " le taux d'invalidité à retenir pour une acuité visuelle à moins de 1/20ième à l'oeil gauche et 1/10ième à l'oeil droit est de 100% ", la ministre s'est bornée, ainsi qu'il lui incombait de le faire, à vérifier que l'intéressé entrait bien dans le champ d'application de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier et notamment du certificat établi le 17 juillet 2015 par le docteur Fajnkuchen, ophtalmologiste, que M. C... était suivi au centre d'imagerie et de laser depuis le 11 février 2015 pour une DMLA " exsudative ". Prenant en compte cet élément, la commission consultative médicale, puis la ministre qui a suivi l'avis rendu par cette instance, ont ainsi estimé que l'aggravation de la détérioration de l'acuité visuelle de M. C... était liée en partie à une dégénérescence maculaire liée à l'âge et ne permettait pas de lui accorder la majoration sollicitée au titre de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. A l'appui de ses conclusions, M. C..., qui n'a pas développé la forme la plus courante de la DMLA, dite " sèche " par opposition à la DMLA " humide " (ou exsudative), n'apporte aucun élément de nature à établir que la DMLA dont il souffre serait uniquement liée au vieillissement et ne constituerait pas une pathologie distincte de l'infirmité pensionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne peut qu'être écarté. 6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 215 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande présentée par M. C... : " Les victimes civiles de guerre qui avaient perdu un oeil ou un membre, ou étaient atteintes de surdité totale unilatérale, avant le fait de guerre ayant causé la perte du second oeil ou d'un second membre ou la surdité totale de l'autre oreille, et qui présentent ainsi une invalidité absolue, obtiennent une pension d'invalidité d'un taux égal à celui qui leur serait attribué si toutes leurs infirmités étaient imputables à un fait de guerre./ Ce taux est également celui de la pension allouée aux victimes civiles qui, déjà pensionnées pour la perte d'un oeil ou d'un membre ou pour surdité totale unilatérale, viennent à perdre le second oeil ou un second membre, ou à être atteintes de surdité de l'autre oreille, par suite d'un accident postérieur à la liquidation de leur pension et présentent, de ce fait, une incapacité absolue, sans être indemnisées par un tiers pour cette seconde infirmité. Dans ce cas, le recours de l'Etat s'exerce contre le tiers responsable de l'accident. ". Par ailleurs, conformément au guide-barème des invalidités applicable au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " sont atteints de cécité complète, ceux dont la vision est abolie (...). Sont considérés comme atteints de quasi-cécité ou cécité pratique : 1°- ceux dont la vision centrale est égale ou inférieure à un vingtième d'un oeil, celle de l'autre étant inférieure à un vingtième, qu'il y ait ou non déficience des champs visuels ; 2°- ceux qui, gardant pour l'oeil le meilleur une acuité au plus égale à 2/10, présentent en même temps une altération du champ visuel des deux côtés telle que celui-ci n'excède pas 10 degrés dans le secteur le plus étendu. ". 7. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'expertise réalisée par le docteur Jambon, que si M. C... est aveugle de l'oeil gauche depuis l'accident dont il a été victime en 1947, son oeil droit présente une acuité visuelle de 1/10ième. Par suite, et sans qu'il soit besoin de vérifier s'il remplit les autres conditions fixées à l'article L. 215 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il ne peut être regardé comme ayant perdu son second oeil, au sens de ces dispositions. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui accorder la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité la ministre des armées aurait méconnu ce texte. 8. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Rennes a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs, ses conclusions tendant à ce que la cour reconnaisse qu'il a droit à compter du 11 janvier 2016 à une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % pour cécité, ne peuvent qu'être écartées. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 avril 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mai 2021. Le rapporteur, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT04063
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 12/05/2021, 19DA01976, 19DA01994, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... veuve H..., Mme A... H... et M. D... H..., agissant en qualité d'ayants droits de M. F... H..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, qui a transmis leur requête au tribunal administratif de Lille, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 289 288 euros au titre de l'action successorale, en réparation des préjudices subis par M. F... H... en raison de son exposition à des radiations ionisantes lors de son séjour sur le site d'expérimentations nucléaires de Mururoa du 26 juillet 1979 au 21 juillet 1980. Ils ont également demandé que l'Etat leur verse la somme de 200 000 euros au titre de leurs préjudices personnels et que le montant total de l'indemnisation porte intérêts avec capitalisation à compter de leur première demande d'indemnisation. Par un jugement n° 1704598 du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser les sommes de 20 000 euros à Mme E... C..., de 15 000 euros à Mme A... H... et de 15 000 euros à M. D... H..., ces sommes portant intérêts à compter du 27 février 2017 et capitalisation à compter du 27 février 2018 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Procédure devant la cour : I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19DA01976, le 22 août 2019 et un mémoire enregistré le 13 avril 2021, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter les demandes des ayants droits de M. F... H.... ------------------------------------------------------------------------------------------------ II. Par une requête enregistrée sous le n° 19DA01994 le 25 août 2019, Mme E... C... veuve H..., Mme A... H... et M. D... H..., représentés par Me B... G..., demandent à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille du 26 juin 2019 ; 2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 252 611 euros au titre de l'action successorale, avec intérêts à compter de la première demande d'indemnisation et capitalisation à compter de la même date ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. -------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes de la ministre des armées et des ayants droit de M. F... H... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 2. M. F... H... était électrotechnicien de l'armée de l'air. Il a notamment été affecté sur le site d'essais nucléaires de Mururoa du 26 juillet 1979 au 21 juillet 1980, puis sur les sites de lancement du plateau d'Albion de juillet 1982 à juillet 1986. M. H... est décédé le 13 août 1997, des suites d'un adénocarcinome bronchique supérieur droit. Les ayants droits de M. H... ont introduit une action indemnitaire le 23 février 2017 au titre de la responsabilité sans faute de l'Etat en raison des maladies imputables au service. Faute de réponse de la ministre des armées, ils ont saisi la juridiction administrative de conclusions indemnitaires. Par jugement du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser la somme de 20 000 euros à Mme E... C..., veuve de M. F... H..., la somme de 15 000 euros à Mme A... H..., sa fille ainsi que la même somme à M. D... H..., son fils, ces sommes portant intérêts à compter du 27 février 2017 et capitalisation la première fois le 27 février 2018 puis à chaque échéance annuelle. Les ayants droits de M. H... et la ministre des armées font appel de ce jugement. Mme C... est décédée, en cours d'instance, le 17 janvier 2020 et ses enfants ont repris l'instance. Sur les préjudices propres à M. H... : 3. Les ayants droits de M. H... ont renoncé expressément dans leurs dernières écritures à leurs conclusions au titre de l'action successorale en réparation des préjudices propres de M. H..., le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1810908 du 26 juin 2019 condamnant le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires à verser la somme de 60 370 euros à Mme C... à ce titre, étant devenu définitif. Par suite, il y a lieu de donner acte aux ayants droits de M. H... de leur désistement partiel de ces conclusions. Sur les préjudices propres des ayants-droits de M. H... : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et le lien de causalité : 4. D'une part, en instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. 5. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français dans sa version applicable : " I. - Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. / II. - Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit... ". 6. Les dispositions de la loi du 5 janvier 2010 citées au point 5 ne font pas obstacle à ce qu'une action de droit commun soit engagée pour la réparation de leurs préjudices propres par les ayants droits d'une personne dont le préjudice direct est intégralement réparé au titre de la loi du 5 janvier 2010. Ainsi si le jugement définitif du tribunal administratif de Lille du 26 juin 2019 a condamné le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires à la réparation intégrale du préjudice direct de M. H..., ses ayants droits peuvent néanmoins aussi demander la réparation de leurs préjudices propres conformément aux principes rappelés au point 4, dans le cadre d'une action présentée en l'espèce au titre d'un régime de responsabilité sans faute résultant de la garantie que l'Etat doit aux militaires contre les risques que comporte leur mission. 7. M. H... a été affecté du 26 juillet 1979 au 21 juillet 1980 sur le site de Mururoa, au centre d'essais du Pacifique en Polynésie-Française. Sur cette période, treize essais nucléaires souterrains ont été effectués. Toutefois, compte-tenu de ses fonctions, l'intéressé ne travaillait pas en zone contrôlée et n'était donc pas directement soumis à des rayonnements ionisants. De ce fait, il ne bénéficiait d'aucune dosimétrie individuelle. Son examen d'anthropogammamétrie, effectué sur le site le 17 juillet 1980, fait apparaître un indice de tri normal de 0,88, le seuil pour un résultat douteux étant fixé à 2. La ministre des armées fait également valoir que la dosimétrie d'ambiance était de 0 milli sievert dans la zone vie de Mururoa sur toute la période de présence de M. H.... Néanmoins, il résulte des pièces produites par les appelants et non sérieusement contestées que la décontamination des retombées des essais nucléaires aériens sur l'atoll de Mururoa n'a commencé qu'à partir de 1981, soit après l'affectation sur site de M. H.... Les appelants soutiennent également, sans être contredits, que M. H... a survolé la zone des essais et qu'il est arrivé sur l'atoll, trois semaines après un incident ayant entraîné une fuite radioactive. De nombreux certificats médicaux produits attestent également de son exposition professionnelle à la radiation. M. H... était affecté sur les zones de lancement d'engins nucléaires du plateau d'Albion, tant avant son affectation à Mururoa que de juillet 1982 à juillet 1986. Par ailleurs, il résulte des éléments médicaux produits qu'il avait arrêté de fumer depuis plus de vingt ans, au moment où son cancer s'est déclaré et n'avait jamais eu une consommation tabagique importante auparavant. Il résulte de ces éléments que M. H... avait un facteur de risque cancéreux lié à l'irradiation résultant de son activité professionnelle alors qu'aucun autre facteur de risque n'est relevé et que le facteur tabagique doit être écarté. Dans ces conditions, le lien entre le préjudice résultant de l'affection cancéreuse et le risque lié aux missions confiées à M. H... en tant qu'agent de l'Etat doit être considéré comme établi. D'ailleurs, le tribunal des pensions d'Arras puis la cour régionale des pensions militaires d'Amiens ont retenu l'imputabilité au service de la maladie. Les ayants droits de M. H..., sont donc fondés à demander la condamnation de l'Etat à les indemniser de leurs préjudices propres. En ce qui concerne l'évaluation des préjudices : 8. Mme C... fait valoir qu'elle s'est totalement mobilisée pour soutenir et assister son mari durant sa maladie qui a nécessité de nombreuses hospitalisations et soins, loin de leur domicile et sollicite la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral. Mais compte tenu de son âge à la date du décès de son mari et des circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer l'appréciation faite par les premiers juges qui ont fixé l'indemnisation du préjudice moral de Mme C... à la somme de 20 000 euros. 9. Les enfants de M. H... soulignent que la maladie brutale de leur père a bouleversé leur vie familiale en leur ôtant la présence de leur père. Ils sollicitent chacun la somme de 30 000 euros au titre de leur préjudice moral. Eu égard à leur âge de dix-neuf ans et de onze ans et demi au moment de son décès, il y a lieu également de confirmer l'appréciation des premiers juges qui a alloué à chacun des deux enfants la somme de 15 000 euros au titre de leur préjudice moral. Sur les frais liés à l'instance : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts H... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées, enregistrée sous le n° 19DA01976, est rejetée. Article 2 : Il est donné acte du désistement des ayants droits de M. H... de leurs conclusions au titre de l'action successorale pour la réparation des préjudices propres de M. H.... Article 3 : L'Etat versera aux consorts H..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... G..., pour Mme A... H... et pour M. D... H... et à la ministre des armées. Copie en sera adressée pour information au comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires 1 4 N°19DA01976, 19DA01994 1 3 N°"Numéro"
Cours administrative d'appel
Douai