Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de LYON, 7ème chambre, 25/08/2020, 19LY01809, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 29 mai et 23 juin 2017 par lesquelles la ministre des armées a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre ainsi que les arrêtés des 10 juillet 2017, 19 mars et 16 mai 2018 par lesquels elle a été placée et maintenue en disponibilité d'office pour maladie, d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre à compter du 29 juin 2016 et de prendre en charge ses arrêts de maladie à ce titre, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte, et à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte. Par jugement n° 1705471 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions des 29 mai et 23 juin 2017 par lesquelles la ministre des armées a rejeté la demande du 29 juin 2016 de Mme B... tendant à la reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre ainsi que les arrêtés des 10 juillet 2017 et 16 mai 2018 par lesquels la même autorité a placé Mme B... en disponibilité d'office et a enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la demande du 29 juin 2016 de Mme B... tendant à la reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 mai 2019 et le 13 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 13 mars 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'injonction formulée à titre principal ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées en date du 29 mai 2017 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, ensemble la décision de rejet de sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle en date du 23 juin 2017 ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 29 juin 2016 et d'en tirer les conséquences qui s'y attachent notamment en termes de prise en charge de ses arrêts maladie à plein traitement, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué s'est mépris dans le choix du moyen à retenir pour régler le litige dès lors qu'il appartenait au tribunal de se prononcer prioritairement sur le moyen qui était susceptible de faire droit à sa demande d'injonction tendant à la reconnaissance de maladie professionnelle ; - le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du ministre ne pouvait être regardé comme inopérant ; - les décisions en litige sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors que sa pathologie est en lien avec l'exercice de ses anciennes fonctions d'agent de service hospitalier. Par un mémoire enregistré le 6 février 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme B... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 février 2020 la clôture de l'instruction a été fixée au 26 mars 2020. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Mme C... B..., employée par l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes depuis le 1er décembre 2000 en tant qu'agent des services hospitaliers, puis, en raison de ses problèmes de santé, en tant qu'adjoint administratif de 2ème classe affectée au service restauration depuis novembre 2012, a fait l'objet d'un congé maladie ordinaire à compter du 20 juin 2016 en raison d'une tendinopathie des épaules. Le 29 juin 2016, elle a présenté une déclaration de maladie professionnelle pour cette pathologie. Par décisions des 29 mai 2017 et 23 juin suivant, la ministre des armées lui a refusé le bénéfice des dispositions de l'article 34-2 de la loi du 11 janvier 1984. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 29 mai et 23 juin 2017 ainsi que les arrêtés des 10 juillet 2017, 19 mars et 16 mai 2018 par lesquels elle a été placée et maintenue en disponibilité d'office pour maladie, d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre à compter du 29 juin 2016 et de prendre en charge ses arrêts de maladie à ce titre, et à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 mars 2019 ayant fait droit à sa demande tendant à l'annulation des décisions des 29 mai 2017 et 23 juin suivant, en tant qu'il n'a pas retenu l'imputabilité au service de sa pathologie et qu'il a rejeté ses conclusions présentées à titre principal tendant à enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie diagnostiquée le 20 juin 2016. 2. Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il en résulte que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé. 3. La portée de la chose jugée et les conséquences qui s'attachent à l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l'annulation. C'est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l'autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d'un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé. Il est, à cet égard, loisible au requérant d'assortir ses conclusions à fin d'annulation de conclusions à fin d'injonction, tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ou à ce qu'il lui enjoigne de reprendre une décision dans un délai déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code. 4. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L.911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L.911- 2 du même code. 5. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant. 6. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée. En statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale. 7. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale. Il s'ensuit que la requête ainsi présentée par Mme B... est recevable. 8. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi modifiée du 13 juillet 1983, selon lesquelles le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, doivent être regardées, compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, comme entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. Toutefois, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. La pathologie de Mme B... a emporté la nécessité d'un arrêt de travail à compter du 20 août 2016, date où elle a été diagnostiquée. Par suite, sa situation est entièrement régie, en l'absence de disposition contraire dans l'ordonnance du 19 janvier 2017, par les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction applicable à la date du 20 juin 2016. 9. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la maladie de Mme B... a été diagnostiquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) /2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 10. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie présentée par Mme B..., la ministre des armées, comme l'a retenu à bon droit le tribunal, s'est bornée à relever que la pathologie présentée par Mme B... " n'entre pas dans le cadre du tableau n° 57A des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale ", sans procéder à une analyse du lien de causalité entre l'affection présentée par l'intéressée et le service. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient Mme B..., la ministre des armées n'a pas présenté, dans son mémoire en défense devant le tribunal, une demande de substitution du motif retenu dans la décision en litige par celui de l'absence de lien de causalité direct et certain, motif qui ne peut pas résulter du rapport d'expertise du docteur Poirier, rhumatologue agréé qui a examiné l'intéressée dans le cadre de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Compte tenu de ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif n'a pas retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant au caractère imputable au service de sa pathologie et par suite, elle n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'injonction formulée à titre principal. Il en résulte que ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées. 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE: Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020 à laquelle siégeaient : M. Seillet, président, Mme Burnichon, premier conseiller, Mme Rémy-Néris, premier conseiller. Lu en audience publique, le 25 août 2020. N° 19LY01809
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 1ère chambre, 01/10/2020, 19PA02227, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 643 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime. Par un jugement n° 1502165/5-1 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 24 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014 et de la capitalisation de ces intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de M. D.... Par un arrêt n° 16PA01283 du 5 juin 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre des armées contre ce jugement ainsi que l'appel incident de M. D.... Par une décision n° 422920 du 28 juin 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi du ministre des armées, annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 16PA02125 en date du 5 juin 2018 et renvoyé cette affaire devant la même Cour. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 12 avril 2016 et un mémoire enregistré le 4 octobre 2019, le ministre des armées demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1502165/5-1 du 11 février 2016 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. D... une somme supérieure à 500 euros et de rejeter le surplus de la demande présentée par M. D.... Il soutient que : - aucune faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service n'est à l'origine de l'accident dont M. D... a été victime ; - les consignes avaient été rappelées aux militaires qui étaient en charge de s'assurer du bon fonctionnement de leurs armes et de leur nettoyage régulier ; - les manquements du caporal L. constituent une faute personnelle et ne révèlent aucune faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ; - s'agissant d'un accident dont la victime est agent public, et en l'absence de toute faute de l'Etat, le droit à indemnisation de M. D... est limité aux préjudices extra patrimoniaux distincts de l'atteinte à son intégrité physique, les préjudices correspondant aux déficits fonctionnels temporaire et permanent ainsi qu'à la perte de chance de devenir sous-officier étant déjà indemnisés par la pension militaire d'invalidité ; - le protocole transactionnel signé par M. D... le 18 mai 2014 fait obstacle à ses demandes indemnitaires complémentaires ; - subsidiairement, si une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service était reconnue, il y aurait lieu de déduire de la somme allouée à M. D..., le montant de la pension militaire d'invalidité qui lui est servie ; en conséquence, aucune somme ne lui est due. Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2016, M. C... D..., représenté par Me E..., demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement attaqué pour porter l'indemnisation mise à la charge de l'Etat de la somme de 24 500 euros à celle de 789 724 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande amiable, et de leur capitalisation ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'Etat a commis une faute d'organisation et de surveillance à l'origine de l'accident ; - il a droit à la réparation de l'ensemble de ses préjudices ; - la transaction du 18 mai 2014 ne portait que sur l'indemnisation de ses souffrances ; - il a subi un déficit fonctionnel temporaire total et reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 3 % et d'un préjudice esthétique et il a perdu une chance sérieuse de devenir sous-officier. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., caporal au sein du régiment d'infanterie de chars de marine de Poitiers, affecté sur la base opérationnelle avancée de Zouar au Tchad, a été blessé par des éclats de balles à la tête, le 7 avril 2012, à l'âge de 26 ans, à la suite d'une erreur de manipulation de son arme par un autre militaire, le caporal L., qui a été reconnu coupable des chefs de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, d'usage illicite de stupéfiants et de violation de consignes par militaire, par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Paris du 1er avril 2014. M. D... a obtenu le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 40 %, à compter du 18 juillet 2012. Il a également présenté une demande d'indemnisation des préjudices subis, qui a été rejetée par le ministre de la défense. Par un jugement du 11 février 2016, le tribunal administratif de Paris, saisi par M. D... sur le fondement de la responsabilité pour faute, a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 24 500 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant pour lui de cet accident. Par un arrêt du 5 juin 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la ministre des armées contre ce jugement, ainsi que l'appel incident formé par M. D... tendant à ce que le montant de l'indemnité soit porté à la somme de 789 724 euros. Par une décision du 28 juin 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi du ministre des armées, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour. 2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 3. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 5. En premier lieu, M. D... fait valoir que l'accident à l'origine de ses blessures s'est produit alors que les soldats avaient reçu l'ordre de nettoyer leurs armes, malgré des conditions climatiques extrêmes, la température extérieure étant supérieure à 63°C, et malgré la fatigue résultant d'une semaine d'opérations dans le désert. Il relève également que les opérations de nettoyage ont été réalisées dans la zone de bivouac, où les soldats étaient rassemblés et soutient que ces circonstances caractérisent une faute dans l'organisation du service. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces circonstances étaient exceptionnelles s'agissant d'une opération militaire au Tchad. En outre, il ressort du jugement de la 10ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris en date du 1er avril 2014 que les mesures de sécurité qui devaient être réalisées avant de démonter et de nettoyer 1'arme avaient été rappelées. Dans ces conditions, alors que le nettoyage de son arme afin de s'assurer de son bon fonctionnement fait partie des tâches habituelles dévolues aux soldats, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le fait d'avoir ordonné le nettoyage des armes malgré les circonstances serait constitutif d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 6. En deuxième lieu, M. D... fait valoir que le caporal L. fumait régulièrement du cannabis et que l'administration, qui ne pouvait l'ignorer, a manqué à son devoir de surveillance. Il ne l'établit toutefois pas, alors qu'il ressort au contraire du jugement correctionnel précité que la date de la consommation de cannabis par le caporal L. est indéterminée, celui-ci soutenant avoir consommé pour la dernière fois avant son départ en opération et un témoin ayant indiqué l'avoir déjà vu fumer en France mais jamais sur le théâtre des opérations. 7. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamné, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à verser à M. D... une somme supérieure à 500 euros en réparation des préjudices résultant pour lui de l'accident dont il a été victime. 8. Enfin, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander, sur le fondement de la responsabilité pour faute, la majoration des sommes que l'Etat a été condamné à lui verser. Par ailleurs, sur le fondement de la responsabilité sans faute, il y a lieu de relever d'office que les premiers juges ont fait une juste appréciation de son préjudice esthétique évalué à 0 sur 7 par l'expert, en fixant à 500 euros la réparation due à ce titre, laquelle n'est plus contestée par le ministre dans le dernier état de ses écritures. Dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre en première instance, les conclusions d'appel incident présentées par M. D... ne peuvent qu'être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 24 500 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. D... par le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 11 février 2016 est ramenée à la somme de 500 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Les conclusions incidentes de M. D... et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. C... D.... Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - Service du contentieux d'appel déconcentré). Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diemert, président-assesseur, - M. A..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 1er octobre 2020. Le rapporteur, F. A...Le président, J. LAPOUZADE La greffière, M. B... La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA02227
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25/09/2020, 441546, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2019 de la ministre des armées lui refusant le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile de la guerre, a produit un mémoire, enregistré le 22 juillet 2019 au greffe du tribunal des pensions de Toulouse, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité. Par application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, la procédure a été transférée, à compter du 1er novembre 2019, au tribunal administratif de Toulouse. Par une ordonnance du 30 juin 2020, enregistrée le 1er juillet au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, avant qu'il soit statué sur la demande de M. B..., a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction issue du I de l'article 49 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Par la question prioritaire transmise, et par un mémoire enregistré le 30 juillet 2020, M. B... soutient que ces dispositions, applicables au litige, portent atteinte : - au principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits et de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'elles instituent entre les victimes civiles de la guerre une différence de traitement qui n'est pas justifiée par des motifs d'intérêt général, d'abord, selon qu'elles ont ou non la nationalité française et depuis quelle date, ensuite, selon qu'elles sont victimes de la guerre d'Algérie ou d'un autre conflit, enfin, selon qu'elles ont demandé le bénéfice d'une pension avant le 14 juillet 2018 ou à compter de cette date ; - à la garantie des droits, qui résulte de l'article 16 de la même Déclaration, dès lors que par la règle de recevabilité des demandes de pension qu'elles instaurent, sans motif d'intérêt général suffisant, elles privent de garantie légale l'exigence constitutionnelle d'égalité dans l'application de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, elles portent atteinte à des situations légalement acquises constituées d'un droit de créance, et elles remettent en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus d'une situation née sous l'empire de textes antérieurs ; - à l'article 62 de la Constitution, dès lors qu'elles méconnaissent l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, notamment son article L. 113-6 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Guillaume de La Taille Lolainville, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 2. Par une ordonnance du 30 juin 2020, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a décidé de transmettre au Conseil d'Etat la question, que M. B... avait soulevée à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2019 de la ministre des armées lui refusant le bénéfice d'une pension de victimes civiles de guerre, de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Sur l'intervention : 3. Eu égard au caractère accessoire, par rapport au litige principal, d'une question prioritaire de constitutionnalité, une intervention, aussi bien en demande qu'en défense, n'est recevable à l'appui du mémoire par lequel il est demandé au Conseil d'Etat de renvoyer une telle question au Conseil constitutionnel qu'à la condition que son auteur soit également intervenu dans le cadre de l'action principale. Le Groupe d'information et de soutien des immigrés, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et l'Association pour la défense des étrangers se bornent à intervenir au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B..., sans être intervenus au soutien de la demande, présentée par ce dernier, tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2019 de la ministre des armées. Par suite, leur intervention n'est pas recevable. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 4. Dans sa rédaction issue du I de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose, dans ses trois premiers alinéas, que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre. / Le bénéfice de la pension prévue au premier alinéa met fin au versement de toute allocation versée par les autorités françaises destinée à réparer les mêmes dommages. / Le montant des pensions servies au bénéficiaire à raison des mêmes dommages dans les cas non prévus au deuxième alinéa est, le cas échéant, déduit du montant des pensions servies en application du premier alinéa ". Ces dispositions ont supprimé la condition de nationalité française mise au bénéfice de ce régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions antérieures, issues de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, cette condition ayant été jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 avec effet à compter du 9 février 2018. Les dispositions de ces alinéas de l'article L. 113-6 sont applicables, en vertu du II de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018, aux demandes tendant à l'attribution d'une pension déposées à compter du 9 février 2018 ainsi qu'aux instances en cours au 14 juillet 2018. 5. Toutefois, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction résultant de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-2 du même code, à la date du dépôt de la demande, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 ont eu pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. 6. La question prioritaire de constitutionnalité soulevée met en cause la conformité des dispositions de ce dernier alinéa de l'article L. 113-6 au principe d'égalité, à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 62 de la Constitution. 7. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 8. Les victimes civiles de la guerre d'Algérie n'étant pas dans la même situation que les victimes d'autres conflits, la circonstance que, par les dispositions critiquées qui sont en rapport direct avec l'objet de la loi, le législateur ait mis un terme pour l'avenir au régime d'indemnisation dont elles pouvaient bénéficier ne traduit pas une violation du principe d'égalité. Les dispositions critiquées, par ailleurs, n'instituent aucune différence de traitement selon la nationalité du demandeur. Si elles conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps et n'est pas, par elle-même, contraire au principe d'égalité devant la loi. Il s'ensuit que l'invocation par M. B... du principe d'égalité devant la loi, qui n'est pas nouvelle, ne soulève pas une question présentant un caractère sérieux. 9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de la même Déclaration : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. " Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire de textes antérieurs. 10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont mis un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. Ce faisant, le législateur, qui n'a privé de garantie légale aucune exigence constitutionnelle, n'a ni porté atteinte à des situations légalement acquises, ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire de textes antérieurs. A cet égard, la circonstance que le législateur ait simultanément supprimé pour le passé, s'agissant des demandes de pension déposées à compter du 9 février 2018 et des instances en cours au 14 juillet 2018, la condition de nationalité qui figurait dans le texte antérieur, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n°2017-690 QPC du 8 février 2018, est dépourvue d'incidence. Ainsi, l'invocation par M. B... de la garantie des droits résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui n'est pas nouvelle, ne soulève pas une question présentant un caractère sérieux. 11. En troisième lieu, aux termes de l'article 62 de la Constitution : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application. / Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. " 12. Par ses décisions n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 et n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, invoquées par M. B..., le Conseil constitutionnel a jugé contraires au principe d'égalité d'abord la date à laquelle devait être remplie la condition de nationalité pour pouvoir prétendre au bénéfice d'une pension de victime civile de la guerre d'Algérie en vertu de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964, puis la condition de nationalité elle-même. Les dispositions critiquées du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre se bornent à mettre un terme pour l'avenir à l'application du régime d'indemnisation, sans rétablir de condition de nationalité. Par suite, elles ne peuvent être regardées comme méconnaissant l'autorité des décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Dès lors, l'invocation de l'article 62 de la Constitution, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. 13. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....D E C I D E : -------------- Article 1er : L'intervention du Groupe d'information et de soutien des immigrés, de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et de l'Association pour la défense des étrangers n'est pas admise. Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Toulouse. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B..., au Groupe d'information et de soutien des immigrés, premier intervenant dénommé et à la ministre des armées. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif de Toulouse.ECLI:FR:CECHR:2020:441546.20200925
Conseil d'Etat
CAA de PARIS, 7ème chambre, 29/09/2020, 20PA01136, 20PA01148, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 mai 2018 par laquelle le préfet de police l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 27 juin 2017, ainsi que la décision du 15 mai 2018 lui notifiant un trop perçu de 15 851,12 euros correspondant aux rémunérations perçues entre juin 2017 et mai 2018. Par un jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision d'admission à la retraite du 14 mai 2018, mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la Cour : I-Par une requête, enregistrée le 31 mars 2020 sous le n° 20PA01136, le ministre de l'intérieur demande à la Cour : 1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le Tribunal administratif de Paris. Il soutient que : - la décision du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite n'a pas été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a été précédée d'un avis de la commission de réforme et du service des retraites de l'État du ministère de l'économie et des finances ; - il s'en réfère pour le surplus aux écritures en défense produites par le préfet de police le 27 novembre 2018 en première instance. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le préfet de police n'a pas produit en première instance les justificatifs de l'existence des avis émis par la commission de réforme et par le service des retraites de l'État du ministère de l'économie et des finances ; - l'avis de la commission de réforme, dont certaines mentions semblent avoir été occultées, est irrégulier en ce qu'il fait état d'une pathologie dont elle n'est pas atteinte et d'une indemnisation de celle-ci qui n'existe pas ; - la commission de réforme était irrégulièrement composée faute de comporter un membre médecin spécialiste de la pathologie en cause et d'indiquer le nom du représentant de l'administration employeur qui a siégé ; - l'avis rendu par le ministre de l'économie et des finances est entaché d'erreurs de fait sur la perception d'un demi-traitement et sur la date de réception de la demande d'avis ; - son admission à la retraite est entachée d'une rétroactivité illégale. II- Par une requête, enregistrée le 1er avril 2020 sous le n° 20PA01148, le ministre de l'intérieur demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris. Il soutient que les moyens d'appel dirigés contre le jugement sont sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions aux fins d'annulation de Mme C.... Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2020, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande de sursis n'est pas motivée par la simple référence aux écritures de l'instance n° 20PA001138 ; - les moyens ne sont pas sérieux dès lors que le préfet de police n'a pas produit en première instance les justificatifs de l'existence des avis émis par la commission de réforme et par le service des retraites de l'État du ministère de l'économie et des finances ; - l'avis de la commission de réforme, dont certaines mentions semblent avoir été occultées, est irrégulier en ce qu'il fait état d'une pathologie dont elle n'est pas atteinte et d'une indemnisation de celle-ci qui n'existe pas ; - la commission de réforme était irrégulièrement composée faute de comporter un membre médecin spécialiste de la pathologie en cause et d'indiquer le nom du représentant de l'administration employeur qui a siégé ; - l'avis rendu par le ministre de l'économie et des finances est entaché d'erreurs de fait sur la perception d'un demi-traitement et sur la date de réception de la demande d'avis ; - son admission à la retraite est entachée d'une rétroactivité illégale. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Stoltz - Valette, rapporteur public, - et les observations de Me D... pour Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... C..., agent spécialisé de la police technique et scientifique affectée à l'institut national de police scientifique, été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 27 juin 2017 par un arrêté du préfet de police du 14 mai 2018. Par lettre du 15 mai 2018 le préfet de police l'a ensuite informée qu'un titre de perception sera prochainement émis à son encontre pour un montant de 15 851,12 euros correspondant aux rémunérations indûment perçues entre juin 2017 et mai 2018. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris, saisi par Mme C..., en tant qu'il a annulé l'arrêté du 14 mai 2018. Il demande en outre que soit prononcé le sursis à exécution de ce jugement. Sur la jonction : 2. Les requêtes nos 20PA01136 et 20PA01148 concernant le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris : 3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance (...). ". L'article L. 31 du même code précise que : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme (...). Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...). ". Enfin l'article R. 49 bis du même code dispose que : " Dans tous les cas, la décision d'admission à la retraite pour invalidité, prise en application de l'article L. 31, est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget. ". 4. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le ministre de l'intérieur que la décision du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite a été précédée d'un avis émis par la commission de réforme compétente le 27 juin 2017 ainsi que d'un avis conforme émis par le ministre chargé du budget le 26 avril 2018. 5. Dès lors le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence d'avis émis par la commission de réforme et par le ministre chargé du budget pour annuler la décision attaquée du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le Tribunal administratif et devant la Cour. Sur les autres moyens soulevés par Mme C... : 7. Aux termes de l'article R. 45 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La commission de réforme instituée à l'article L. 31 est composée comme suit : 1° A l'administration centrale de chaque département ministériel : Le directeur ou chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; Le contrôleur budgétaire ou son représentant ; Deux représentants titulaires du personnel à la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire intéressé appartenant au même grade ou au même corps que ce dernier ou, éventuellement, leurs suppléants élus par les représentants du personnel titulaires et suppléants de cette commission ;/ Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, à savoir deux praticiens de médecine générale, et pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un spécialiste de l'affection dont est atteint le fonctionnaire. (...) ". 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. 9. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme ayant émis l'avis du 27 juin 2017 relatif à l'admission à la retraite pour invalidité de Mme C..., si elle comportait deux médecins généralistes agréés, ne comportait aucun médecin spécialiste de l'affection dont est atteinte l'intéressée. La présence d'un médecin spécialiste constituant une garantie, Mme C... est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. 10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par Mme C..., que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision attaquée du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite. Sur le sursis à exécution : 11. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 février 2020, les conclusions de la requête du ministre de l'intérieur enregistrée sous le n° 20PA01148 tendant à ce qu'il soit sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Sur les frais liés à l'instance : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme globale de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à raisons des frais de justice exposés dans les deux instances. DÉCIDE : Article 1er : La requête n° 20PA01136 du ministre de l'intérieur est rejetée. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du ministre de l'intérieur n° 20PA01148 tendant au sursis à exécution du jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris. Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans les instances n° 20PA01148 et n° 20PA01136. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... C... et au préfet de police. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Jardin, président de chambre, - Mme A..., président assesseur, - M. Segretain , premier conseiller, Lu en audience publique, le 29 septembre 2020. Le rapporteur, P. A...Le président, C. JARDIN Le greffier, C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20PA01136, 20PA01148
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 7ème chambre, 31/07/2020, 18PA01561, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 décembre 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux du 2 novembre 2015 tendant à la reprise de son ancienneté militaire. Par un jugement n° 1600875 du 6 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mai 2018 et le 23 janvier 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2018 ; 2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2015 ; 3°) d'annuler l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 23 septembre 2015 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier faute de mention du visa du code de la défense ; - en application des dispositions de l'article 12 du décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation et de l'article 17 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat, il pouvait bénéficier d'une reprise d'ancienneté des services accomplis en qualité de sous-officier ; - il n'existe ni différence de situation, ni motif d'intérêt général justifiant qu'il soit traité différemment de certains anciens militaires qui, contrairement à lui, ont vu leur ancienneté reprise par leurs administrations. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ; - le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ; - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - et les observations de Me C..., représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A... a été titularisé, par arrêté du 23 septembre 2015 de la garde des sceaux, ministre de la justice, dans le grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale au 2ème échelon, à compter du 24 juin 2015. Par décision du 17 décembre 2015, la garde des sceaux, a rejeté son recours gracieux, formé le 2 novembre 2015, tendant à la reprise de son ancienneté militaire. M. A... relève appel du jugement n° 1600875 du 6 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 décembre 2015. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". 3. Le requérant soutient que le jugement est irrégulier faute de mention du visa du code de la défense. Toutefois, si les motifs du jugement attaqué reproduisent le texte des dispositions de l'article 17 du décret du 11 novembre 2009, lequel se réfère à plusieurs articles du code de la défense, les premiers juges n'ont pas fondé leur décision sur des dispositions de ce code. Dans ces conditions, le jugement attaqué satisfait aux dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Sur les conclusions à fin d'annulation : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : (...) 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils " ; qu'aux termes de l'article R. 396 du même code alors en vigueur : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : / - remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; / - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans " ; 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense dans sa version applicable au litige : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4139-4 du même code dans sa version applicable au litige : " Durant le détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3, le militaire perçoit une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. Aucune promotion n'est prononcée durant ce détachement et le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration ou de sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil. ". Enfin, aux termes de l'article L. 4139-14 dans sa version applicable au litige : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : / 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) / 8° Lors de la titularisation dans la fonction publique ou, pour les militaires qui ne répondent pas aux obligations fixées au premier alinéa de l'article L. 4139-1 leur permettant d'être détachés, dès la nomination dans un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre. ". 6. Ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée. En revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite. 7. En premier lieu, M. A... a été recruté en qualité de militaire du 7 juin 1988 au 31 décembre 2012, date à laquelle il a été radié des cadres. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice du 4 juillet 2013 que le requérant a bénéficié d'un recrutement au titre des emplois réservés sur le fondement de l'article L. 4139-3 précité à compter du 24 juin 2013 en qualité d'élève conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation. Il suit de là que M. A... doit être regardé comme ayant opté pour la cessation de l'état de militaire avant ce recrutement sans avoir sollicité son détachement. Ainsi, M. A... ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 4139-3, citées au point 5, qui réservent toute reprise d'ancienneté au seul militaire placé en position de détachement dans l'attente de sa titularisation. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 17 décembre 2015 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux du 2 novembre 2015 tendant à la reprise de son ancienneté militaire méconnaîtrait ces dispositions. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat : " Les corps de fonctionnaires classés dans la catégorie B par leurs statuts particuliers et inscrits par eux en annexe au présent décret relèvent des dispositions de celui-ci (...) ". Le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ne figure pas dans l'annexe du décret du 11 novembre 2009. Dans ces conditions, M. A... ne saurait bénéficier des mesures de reclassement prévues par l'article 17 de ce décret pour les militaires dont les services ne peuvent être pris en compte, lors de leur titularisation, en application des dispositions des articles L. 4139-1, L. 4139-2 et L. 4139-3 du code de la défense. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article 12 du décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation : " Les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation qui avaient la qualité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire sont classés lors de leur titularisation, conformément aux dispositions du décret du 11 novembre 2009 susvisé. ". M. A... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées dès lors qu'elles ne s'appliquent qu'aux conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation qui avaient la qualité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire, ce qui n'est pas le cas de l'intéressé. 10. En quatrième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que des collègues de M. A..., également anciens militaires, auraient bénéficié d'une reprise d'ancienneté lors de leur nomination au titre des emplois réservés est sans incidence sur la légalité de la décision contestée prise conformément aux dispositions légales et réglementaires précitées. Dès lors, le moyen tiré d'un prétendu manquement au principe d'égalité entre fonctionnaires ne peut qu'être écarté. 11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du requérant à fin d'annulation de la décision du 17 décembre 2015 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux du 2 novembre 2015, ainsi que par voie de conséquences celles tendant à l'annulation de l'arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice du 23 septembre 2015, ne peuvent qu'être rejetées. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient : - M. Jardin, président de chambre, - Mme D..., premier conseiller, - Mme Notarianni, premier conseiller, Lu en audience publique, le 31 juillet 2020. Le rapporteur, A. D... Le président, C. JARDINLe greffier, C. BUOT La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 18PA01561
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 7ème chambre, 25/08/2020, 19LY04044, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Lyon d'annuler la décision du 24 mai 2017, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/00015 du 9 avril 2019, le tribunal des pensions militaires a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2019, et un mémoire, enregistré le 29 juin 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires du 9 avril 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 24 mai 2017 ; 3°) de porter le taux de sa pension d'invalidité à 50 % ; 4°) le cas échéant, qu'une expertise soit ordonnée ; 5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais de justice. Il soutient que : - il justifie, par la production de certificats médicaux, l'aggravation de son état neuro-psychiatrique ; - le médecin désigné par la commission de réforme avait admis une aggravation au taux indemnisable de 10 % ; - le rapport d'expertise du 4 avril 2016 a été dénaturé ; - il souffre d'une hypertension artérielle induite qui n'était pas relevée lors de la précédente expertise en 2012. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 juillet 2020 (non communiqué), la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - l'expertise du 4 avril 2016 ne révèle pas d'aggravation de l'état de santé du requérant ; - le lien de filiation entre l'infirmité de M. C... et son hypertension artérielle n'est pas établie. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 M. A... C... a été supplétif de l'armée française en Algérie du 1er juin 1959 au 30 avril 1962. Une pension militaire d'invalidité pour un syndrome psycho-traumatique de guerre lui a été concédée au taux de 25 % à compter du 8 mars 2007. Ce taux a été porté, pour aggravation, à 30 % à compter du 26 août 2009, puis au taux de 40 % et à titre définitif à compter du 19 mars 2012 par un arrêté du 8 juillet 2013. Le 9 avril 2014, M. C... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de son infirmité. Cette demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 24 mai 2017. Par un jugement du 9 avril 2019, le tribunal des pensions militaires de Lyon a rejeté son recours contre ce refus et sa demande tendant à porter le taux de sa pension à 50 %. M. C... demande à la cour l'annulation de ce jugement, de la décision du 24 mai 2017 et que le taux de sa pension soit fixé à 50 %. 2 Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / (...) 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; / 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense (...) ". L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " Aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle. 3 D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " 4 Il est en premier lieu constant que l'infirmité unique au titre de laquelle a été concédée à compter du 8 mars 2007 la pension militaire d'invalidité dont l'intéressé demande la révision consiste en un syndrome psycho-traumatique, à expression anxieuse dominante, avec troubles du sommeil. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des expertises médicales du 12 décembre 2012 et du 4 avril 2016, que l'hypertension relevée par les experts, d'ailleurs constatée depuis 2012, antérieurement à la précédente révision, trouve un lien de filiation avec cette infirmité et en serait une aggravation, contrairement à ce qu'affirme le requérant. 5 En second lieu, il résulte du rapprochement de ces deux expertises, sans qu'aucun des documents médicaux produits par M. C... à l'instance ne l'infirme, une stabilité, appréciée à travers son interrogatoire et les examens cliniques, de l'état, certes sévère, du syndrome dont est affecté l'intéressé entre le 19 mars 2012, date d'effet de la révision opérée par l'arrêté du 8 juillet 2013, et la date du 9 avril 2014 à laquelle il a présenté sa demande de révision ayant abouti à la décision en litige. Si notamment le requérant fait essentiellement état d'un sommeil plus perturbé, l'expert a relevé dans ses conclusions du 4 avril 2016 que, dans un tableau clinique psychotraumatique chronique, cette manifestation, sans facteur retrouvé, s'était ainsi aggravée depuis les trois années précédant l'examen, soit à une date à laquelle cette branche de l'infirmité a nécessairement été prise en compte par la révision précédente au regard de la description faite par l'expert qui l'a examiné le 12 décembre 2012 et qui reste semblable à celle réalisée à l'issue de l'expertise du 4 avril 2016, qui au surplus ne lie pas l'appréciation de la ministre par ses conclusions. Il ne saurait enfin être tiré de la modification de la posologie d'un des médicaments antidépresseurs prescrits à M. C..., laquelle relève de l'adaptation de la thérapie aux caractéristiques de cette substance dans un traitement au long cours, une aggravation de l'état de santé objectif de l'intéressé. 6 Dans ces conditions, M. C... n'établit pas, à la date de sa demande de révision, d'aggravation de l'infirmité au titre de laquelle il est pensionné. 7 Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre, M. Seillet, président assesseur, Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 25 août 2020. N° 19LY04044
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANCY, 4ème chambre, 22/09/2020, 19NC03785, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Strasbourg d'annuler la décision du 3 juillet 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 15/00001 du 19 octobre 2015, le tribunal des pensions a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 16/0004 du 22 septembre 2016, la cour régionale des pensions de Colmar a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 406621 du 4 octobre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour régionale des pensions de Metz. Procédure devant la cour : Par sa requête, enregistrée le 28 janvier 2016 devant la cour régionale des pensions de Colmar, M. A..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Strasbourg du 19 octobre 2015 ; 2°) d'annuler la décision de rejet du ministre de la défense du 3 juillet 2014 ; 3°) de faire droit à sa demande de pension pour l'infirmité résultant de la brûlure thermique de l'articulation métacarpo-phalangienne du pouce gauche au taux de 10%. M. A... soutient que : - son invalidité, qui est la séquelle de la brûlure occasionnée durant son service le 26 novembre 1998, est supérieure au taux de 5% ; - le ministre de la défense a méconnu les dispositions des articles L. 4 et L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - le tribunal des pensions a jugé que l'existence d'un lien entre l'infirmité rizarthrose débutante de M. A... et l'accident survenu en service lors d'un exercice de soudage occasionnant une brûlure n'était pas établie ; - la requête, qui ne constitue qu'une reproduction littérale de ses conclusions de première instance, n'est pas susceptible de remettre en cause le jugement motivé du tribunal. Par des mémoires, enregistrés les 2 février 2018 et 28 mai 2018 devant la cour régionale des pensions de Metz, postérieurement à la décision du Conseil d'Etat, la ministre des armées conclut aux mêmes fins que précédemment. Elle soutient que : - les juridictions des pensions peuvent rejeter une demande de vérification médicale complémentaire dès lors que le requérant ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause le jugement attaqué ; - dès lors que son taux d'invalidité pour l'infirmité nouvelle est inférieur à 10%, la pension du requérant ne peut pas être révisée. Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2018, M. A..., représenté par Me C..., conclut aux mêmes fins que précédemment et à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée. Il soutient que : - compte tenu des contradictions entre les deux expertises médicales sur lesquelles le jugement s'est fondé, une nouvelle expertise médicale doit être ordonnée afin d'évaluer l'imputabilité au service de l'infirmité nouvelle ; - son taux d'invalidité pour cette infirmité nouvelle est de 10%. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et notamment son article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité mixte au taux de 40 % au titre de troubles psychiques évoluant avec des acouphènes. Le 29 août 2013, M. A... a demandé au ministre de la défense une pension militaire d'invalidité pour une infirmité nouvelle. Par une décision du 3 juillet 2014, la demande de M. A... a été rejetée. Après avoir ordonné une expertise médicale avant-dire droit, le tribunal des pensions de Strasbourg a débouté M. A... de son recours par un jugement du 19 octobre 2015. M. A... a fait appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions de Colmar. Par un arrêt du 22 septembre 2016, la cour régionale des pensions de Colmar a confirmé le jugement rendu par le tribunal des pensions de Strasbourg. Par une décision du 4 octobre 2017, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour régionale des pensions de Metz. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607, la cour régionale des pensions de Metz a transmis à la cour administrative d'appel de Nancy le dossier de M. A... afin qu'il soit statué sur sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. M. A... fait état d'une infirmité résultant de douleurs de l'articulation proximale du pouce gauche associées à des difficultés de préhension. Il soutient, pour justifier l'imputabilité au service de l'affection dont il souffre, avoir subi une brûlure thermique du deuxième degré en regard de l'articulation métacarpo-phalangienne du premier doigt de la main gauche le 26 novembre 1998, alors qu'il utilisait un chalumeau. 5. Toutefois, le rapport établi par le Dr Boeri, chirurgien orthopédique et traumatologue, à la suite de l'expertise prescrite par un jugement avant-dire droit du tribunal des pensions de Strasbourg du 18 mai 2015, conclut que M. A... souffre d'une chondropathie débutante de la première articulation métarpo-phalangienne gauche sans rhizarthrose associée dont l'étiologie est d'origine dégénérative et non traumatique qui ne peut ainsi pas être rattachée de manière directe et certaine à l'accident subi le 26 novembre 1998. De plus, le rapport d'expertise établi par le Dr Hoechstetter, rhumatologue, le 28 octobre 2013, bien qu'il concluait à l'existence d'une rhizarthrose débutante, a également exclu le lien entre cette dernière et l'accident de service de 1998. Si ces deux expertises diffèrent sur le diagnostic de rhizarthrose, elles concluent toutefois à l'absence de lien entre les douleurs de M. A... et son accident et ne comportent ainsi pas des contradictions telles qu'elles justifieraient le recours à une nouvelle expertise. 6. Par conséquent, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, pour l'application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, de l'existence d'un fait précis de service à l'origine des douleurs dont il souffre. 7. Dès lors que l'infirmité nouvelle pour laquelle M. A... a présenté sa demande n'est pas reconnue imputable au service, le moyen relatif au taux qui doit être affecté à cette infirmité est inopérant. 8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Strasbourg a rejeté sa demande de pension à ce titre. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. 2 N° 18NC02439
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 30/07/2020, 19DA01489 et 19DA01505, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A..., par deux requêtes distinctes, a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er septembre 2016 par laquelle le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé sa mise à la retraite d'office pour atteinte de la limite d'âge, ensemble la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au même recteur de réexaminer sa situation, de le réintégrer en situation d'activité au sein de l'école de Breteuil et de reconstituer sa carrière ainsi que ses relevés de pension et d'autre part de condamner l'Etat à lui verser la somme de 222 810 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises dans la gestion de sa carrière et notamment sa mise à la retraite d'office, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement commun n° 1700500, 1701149 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 1er septembre 2016 portant mise à la retraite d'office et rétroactive pour limite d'âge de M. A..., ensemble la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux, et a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence et a renvoyé l'intéressé devant le recteur de l'académie d'Amiens pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit au titre de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention de l'arrêté du 1er septembre 2016 jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique en exécution du jugement. Le tribunal a aussi enjoint au recteur de l'académie d'Amiens de réintégrer juridiquement M. A... et de procéder à sa reconstitution de carrière et de ses droits sociaux, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Il a enfin mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des requêtes. Procédure devant la cour : I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juin 2019 et le 15 mai 2020, sous le n° 19DA01489, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour d'annuler les articles 1er à 4 de ce jugement. ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2019 et le 2 avril 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas reconnu la faute au titre du manquement au droit à l'information sur les retraites prévues par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et en ce qu'il n'a pas reconnu l'intégralité du préjudice qu'il a subi du fait des fautes de l'Etat et limité son préjudice moral à 2 000 euros ; 3°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, au titre du préjudice moral et du trouble dans ses conditions d'existence du fait de l'ensemble des fautes commises par le ministre de l'éducation nationale ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- II. Par une requête, enregistrée le 29 juin 2019, sous le n°19DA01505 M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour : 1°) à la réformation du jugement du 26 mars 2019 en ce qu'il n'a pas reconnu la faute au titre du manquement au droit à l'information sur les retraites prévue par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et en ce qu'il n'a pas reconnu l'intégralité de son préjudice du fait des fautes de l'Etat, en limitant son préjudice moral à la somme de 2 000 euros ; 2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, représentant le préjudice moral et le trouble dans ses conditions d'existence qu'il a subis du fait de l'ensemble des fautes commises par le ministre de l'éducation nationale ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ; - le décret n° 54-832 du 13 août 1954 ; - le décret n° 2009-1052 du 26 août 2009 ; - le décret n°2009-1744 du 30 décembre 2009 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ; - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ; - et les observations de Me B..., représentant M. C... A.... Des notes en délibéré présentées par Me B... pour M. A... ont été enregistrées dans les requêtes sous les ns°19DA01489 et 19DA01505 le 25 juin 2020. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui est né le 21 mars 1956, a été recruté comme fonctionnaire à compter du 20 octobre 1986, dans le corps des instituteurs. Par un arrêté du recteur de l'académie d'Amiens du 1er septembre 2016, il a été admis à la retraite pour atteinte de la limite d'âge, avec effet au 22 mars 2016. M. A... a formé un recours gracieux contre cet arrêté, rejeté par une décision du 17 novembre 2016. Par une première requête enregistrée sous le n°1700500, M. A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2016 et la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux. Il a par la suite adressé au ministre de l'éducation nationale une demande indemnitaire préalable le 24 janvier 2017, qui a été implicitement rejetée. Par une seconde requête enregistrée sous le n°1701149, M. A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 222 810 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 26 mars 2019, le tribunal administratif a partiellement fait droit à ses demandes. D'une part, le tribunal a annulé l'arrêté du 1er septembre 2016 ainsi que la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux, et a enjoint au recteur de l'académie d'Amiens de réintégrer juridiquement M. A... puis de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. D'autre part, il a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence. Il a également renvoyé M. A... devant le recteur de l'académie d'Amiens pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit au titre de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention de l'arrêté du 1er septembre 2016 jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique en exécution du jugement. Par la première requête susvisée, enregistrée sous le n° 19DA01489, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse relève appel de ce jugement et demande l'annulation des articles 1er à 4 du jugement. En défense, M. A... a formé des conclusions d'appel incident identiques à celles qu'il a présentées dans le cadre de sa requête d'appel principal. Par la seconde requête susvisée, enregistrée sous le n°19DA01505, M. A... demande la réformation du même jugement en ce qu'il n'a pas retenu la faute de l'Etat résultant du manquement au droit à l'information sur les retraites prévues par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande de réparation de ses préjudices. Il demande aussi que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qu'il a subis. Sur la jonction : 2. Les requêtes susvisées n°19DA01489 et n°19DA01505, présentées par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et par M. A..., concernent la situation d'un même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement. Sur la régularité du jugement : 3. Le tribunal administratif d'Amiens a omis de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie d'Amiens dans l'affaire n° 1700500, tirée de la tardiveté de la requête de première instance. Si le tribunal administratif a bien mentionné cette fin de non-recevoir dans les visas du jugement, il a toutefois omis de l'examiner expressément, alors qu'il a annulé les décisions contestées. 4. Le tribunal administratif ne peut, à peine d'irrégularité de son jugement, faire droit à une demande dont il est saisi sans avoir écarté un moyen invoqué en défense. Le jugement est donc irrégulier. Toutefois, cette irrégularité ne porte que sur une partie divisible des conclusions dont les premiers juges étaient saisis. En principe, à la différence du défaut de réponse à une partie des conclusions, le défaut de réponse à un moyen entraîne l'annulation totale du jugement. Il en va autrement lorsque, comme en l'espèce, le moyen auquel il n'a pas été répondu a été présenté à l'appui de conclusions divisibles. En l'espèce, la fin de non-recevoir sur laquelle le tribunal administratif a omis de se prononcer se rattache aux conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., et non à ses conclusions indemnitaires. Les deux types de conclusions étaient d'ailleurs présentés, en première instance, par deux requêtes distinctes. 5. Il n'y a donc lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens qu'en tant qu'il a statué sur les conclusions aux fins d'annulation et celles accessoires à fin d'injonction, ce qui conduit la cour, dès lors, à annuler uniquement son article 1er, par lequel il a annulé l'arrêté du 1er septembre 2016 et la décision du 17 novembre 2016 rejetant le recours gracieux de M. A... et son article 3 par lequel il a accueilli ses conclusions accessoires à fin d'injonction, en enjoignant au recteur de l'académie d'Amiens de le réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière. Par voie de conséquence, il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation partielle sur les demandes de première instance de M. A... à fin d'annulation et d'injonction, c'est-à-dire celles de sa requête enregistrée devant le tribunal administratif sous le n° 1700500, et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel pour le surplus, à savoir pour le volet indemnitaire du litige. Sur les conclusions à fin d'annulation : 6. La cour statue par la voie de l'évocation partielle sur les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2016 portant mise à la retraite d'office et rétroactive pour limite d'âge et de la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux. En ce qui concerne l'examen de la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie d'Amiens et tirée de la tardiveté de ces conclusions : 7. L'arrêté du 1er septembre 2016 en litige a été notifié à M. A... le 9 septembre 2016. Cette notification portait mention des délais et voies de recours contentieux, conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative. M. A... a formé un recours gracieux contre cet arrêté dans le délai de recours, le 23 septembre 2016. Si le recours gracieux de M. A... a été rejeté par une décision du 17 novembre 2016, qui lui a été notifiée le 7 décembre 2016, le délai de recours de deux mois a recommencé à courir, la mention des voies et délais de recours dans la décision initiale suffisant à faire courir les délais à l'égard de la décision de rejet du recours gracieux, même si la notification de cette dernière le 7 décembre 2016 ne comportait pas les mentions requises. Le délai de recours a donc recommencé à courir, en l'espèce, à compter du 8 décembre 2016, pour s'achever le 8 février 2018 à minuit. A cet égard, l'article 18 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, prévoit expressément que l'obligation d'accuser réception des demandes des administrés n'est pas applicable aux relations de l'administration avec ses agents, de sorte que l'absence d'accusé de réception ne peut faire obstacle à l'expiration du délai de recours de deux mois applicable à ces derniers. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a adressé une première requête aux fins d'annulation, enregistrée le 11 janvier 2017 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, dans le délai de recours contentieux. Par une lettre du 18 janvier 2017, accusant réception de sa requête, le greffe du tribunal administratif d'Amiens lui a toutefois demandé de la régulariser dans le délai de 15 jours, car elle n'était, selon le greffe, pas régulière au regard des obligations liées à l'usage de l'application Télérecours quant aux signets utilisés pour les pièces jointes, en application des dispositions des articles R. 412-2 et R. 414-3 du code de justice administrative. M. A... n'a donné aucune suite à cette demande, dans le délai de 15 jours qui lui avait été imparti. La présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a alors pris une ordonnance le 17 février 2017, rejetant cette première requête pour irrecevabilité manifeste. M. A... n'a pas contesté cette ordonnance, qui lui a été notifiée le 24 février suivant. Son conseil s'est contenté d'un échange téléphonique avec le greffe, suivi d'un courrier adressé au greffe postérieurement à la notification de cette ordonnance, ce qui ressort de la lettre du 27 février 2017 qu'il a également adressée au greffe du tribunal, dans laquelle il fait référence à cet échange téléphonique et à la notification le 24 février 2017 de l'ordonnance du 17 février 2017. 9. Ensuite, M. A... a déposé une deuxième requête, enregistrée au greffe du tribunal le 27 février 2017, après l'expiration du délai de recours contentieux le 8 février 2017, qui était tardive. Les premiers juges ont pourtant ignoré les éléments précisés au point 7, en considérant implicitement, ce qui ne correspond pas à la réalité, que la date d'enregistrement de la requête était le 11 janvier 2017, ainsi que cela ressort clairement des visas du jugement en litige n° 1700500, alors que la première requête de M. A..., enregistrée le 11 janvier 2017, avait donné lieu à une décision juridictionnelle devenue définitive, s'agissant de l'ordonnance précitée du 17 février 2017 qui a nécessairement dessaisi le tribunal administratif du premier litige. Par suite, la requête sur laquelle la cour est appelée à statuer est nécessairement celle enregistrée le 27 février 2017, qui était tardive, comme le fait valoir le recteur de l'académie d'Amiens, et donc irrecevable. Il y a lieu par suite de rejeter pour ce motif les conclusions d'annulation et d'injonction présentées par M. A... à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 1700500 devant le tribunal administratif d'Amiens. Sur les conclusions indemnitaires : 10. Dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu d'examiner les conclusions indemnitaires présentées par M. A..., en examinant cette fois-ci les arguments des deux requêtes d'appel, celle du ministre de l'éducation et celle de M. A..., tant à titre incident, en défense de la première requête, que dans la requête d'appel principal dont est saisie la cour. En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation : 11. Le ministre oppose une fin de non-recevoir selon laquelle un fonctionnaire n'est pas recevable à former des conclusions indemnitaires, en se fondant exclusivement sur l'illégalité d'une décision expresse définitive à objet purement pécuniaire, pour réclamer l'allocation de la même somme. Toutefois, l'arrêté du recteur de l'académie d'Amiens du 1er septembre 2016 en litige, admettant M. A... à la retraite pour atteinte de la limite d'âge à compter du 22 mars 2016, ne constitue pas une décision à objet purement pécuniaire. La fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée. En ce qui concerne les fautes de l'Etat : 12. D'une manière générale, à partir d'un certain âge, tout fonctionnaire ou agent contractuel est mis d'office à la retraite. Cet âge limite d'activité varie en fonction de la catégorie de l'emploi : active, c'est-à-dire lorsque l'emploi présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles, ou est sédentaire. Toutefois, certains agents, fonctionnaires et contractuels, peuvent poursuivre, sous conditions, leur activité professionnelle au-delà de cet âge limite d'activité. En l'espèce est en cause la question de la limite d'âge pour le corps des instituteurs. 13. Tout d'abord, le ministre de l'éducation et de la jeunesse conteste le fait que les premiers juges aient retenu une faute de l'Etat, résultant de l'inconventionalité de la réglementation nationale qui fixe à 60 ans la limite d'âge pour le corps des instituteurs. La directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail a pour objet, en vertu de ses articles 1er et 2, de proscrire les discriminations professionnelles directes et indirectes, y compris les discriminations fondées sur l'âge. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, elle ne consacre pas elle-même le principe de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, mais se borne à le mettre en oeuvre. Ainsi, le principe de non-discrimination en fonction de l'âge doit être considéré comme un principe général du droit communautaire. 14. Les mesures d'âge peuvent être cependant justifiées dans trois hypothèses. D'abord, l'article 2, paragraphe 5, dispose que la directive " ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Ensuite, aux termes de l'article 4, paragraphe 1, les Etats membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement ne constitue pas une discrimination " lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée. ". Enfin, l'article 6, paragraphe 1, consacré spécifiquement aux différences de traitement fondées sur l'âge, permet aux Etats membres d'en instituer " lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. ". 15. Dans un arrêt du 12 janvier 2010 (aff. C-229/08), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une limite d'âge inférieure au droit commun constitue une différence de traitement selon l'âge affectant les conditions d'emploi et de travail au sens des dispositions précitées des articles 1er et 2 de la directive 2000/78 CE du Conseil du 27 novembre 2000. La Cour précise néanmoins qu'une telle mesure peut cependant être justifiée si elle est nécessaire, aux termes du paragraphe 5 de l'article 2 de la directive, notamment à la sécurité publique ou si, en vertu du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive, elle est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l'emploi et constitue un moyen approprié et nécessaire pour atteindre ces objectifs. 16. S'agissant ensuite de la législation et de la réglementation nationales, aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires : " Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'annexe de ce code prévoit que les instituteurs sont placés dans une catégorie active, conformément à l'article 1er du règlement d'administration publique du 2 février 1937 pour l'exécution de l'article 75 de la loi du 31 mars 1932 et détermine les emplois classés dans la catégorie B (risque particulier ou fatigues exceptionnelles). La limite d'âge applicable à cette catégorie est de soixante ans. 17. Cette limite d'âge de 60 ans est donc dérogatoire au droit commun mentionné à l'article 1er de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public qui dispose que : " Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'Etat est fixée à soixante-sept ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans. (...) ". Le corps des professeurs des écoles n'a pas été classé en catégorie active et relève de cette limite d'âge de droit commun. 18. Tout justiciable peut, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. Lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 19. En l'espèce, M. A... apporte des éléments suffisants susceptibles de faire présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement des personnes. En réponse, le ministre chargé de l'éducation se borne à faire valoir devant la cour que la différence de traitement selon l'âge est justifiée dès lors que les membres du corps des instituteurs ne se trouveraient pas dans une situation objectivement comparable à celle des membres des autres corps enseignants et notamment du corps des professeurs des écoles. Il ajoute que cette différence de traitement, qui est nécessaire à la protection de la santé des membres du corps des instituteurs, est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l'emploi et constitue un moyen approprié et nécessaire pour atteindre ces objectifs au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive. Le ministre ne démontre cependant pas quelle pourrait être la différence de situation objective entre ces deux corps qui justifierait une telle différence de traitement, ni en quoi la protection de la santé des membres du corps des instituteurs serait en jeu plus que pour les professeurs des écoles, ni encore en quoi une différence de traitement fondée sur l'âge serait en l'espèce objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif relevant de la politique sociale ou de l'emploi. Sur ce dernier point, toutefois les moyens de réaliser cet objectif doivent être appropriés et nécessaires et les Etats membres jouissent d'une certaine latitude. 20. Les Etats membres disposent d'une large marge d'appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et de l'emploi. Sont ainsi acceptés les dispositifs de mise à la retraite d'office des travailleurs ayant atteint l'âge permettant la liquidation d'une retraite de type contributif, dans le cadre d'une politique nationale visant à promouvoir l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations. Un tel objectif de répartition des emplois entre générations est d'ailleurs largement admis dans l'objectif d'établir une structure d'âge équilibrée afin de favoriser l'embauche et la promotion des jeunes. Il résulte des dispositions de l'article 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier par son arrêt n° C-411/05 du 16 octobre 2007 et ses arrêts n° C-159/10 et n° C-160/10 du 21 juillet 2011, qu'au nombre de ces objectifs légitimes figure, compte tenu de la marge d'appréciation dont disposent les Etats membres en matière de politique sociale, la politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations. Un tel objectif justifie objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge, telle que l'existence d'une limite d'âge plus basse pour un cadre d'emplois. En l'espèce, le ministre chargé de l'éducation pas plus qu'en première instance, n'apporte aucun commencement d'un début d'explication à cet égard. M. A... est donc fondé à soutenir que la limite d'âge de soixante ans qui s'applique aux instituteurs est incompatible avec l'objectif de non-discrimination en fonction de l'âge prévu par la directive du 27 novembre 2000, dès lors que cette mesure n'est pas nécessaire, notamment, à la sécurité publique, ni n'est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l'emploi. 21. Par conséquent, il appartenait au recteur de l'académie d'Amiens d'écarter l'application des règles de droit national prévoyant une limite d'âge à 60 ans pour les instituteurs, de sorte que M. A... est fondé à soutenir que tant de l'arrêté du 1er septembre 2016 que la décision 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux sont illégaux pour ce motif. Cette illégalité constitue une première faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard. 22. Ensuite, M. A... n'a été informé de sa mise à la retraite d'office que par un courrier du 18 juillet 2016, peu de temps avant la rentrée scolaire, alors que cette mesure avait un effet rétroactif au 22 mars 2016. Dans ces conditions, M. A... est aussi fondé à soutenir que l'Etat a commis une deuxième faute dans sa manière de gérer sa mise à la retraite d'office, de nature à engager sa responsabilité, ce qui a été jugé à bon droit par le tribunal administratif et n'est pas contesté devant la cour par le ministre de l'éducation et de la jeunesse. 23. Pour le reste, M. A... fait valoir une troisième faute de l'Etat résultant du manquement au droit à l'information sur les retraites prévu par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, qui prévoit dans sa rédaction applicable : " I.- Les assurés bénéficient gratuitement d'un droit à l'information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes. / (...) III.- Toute personne a le droit d'obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l'ensemble des droits qu'elle s'est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires. / Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d'adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l'assuré au regard de l'ensemble des droits qu'il s'est constitués dans ces régimes. L'assuré bénéficie d'un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l'informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d'échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés. /IV.- Dans des conditions fixées par décret, à partir d'un certain âge et selon une périodicité déterminée par le décret susmentionné, chaque personne reçoit, d'un des régimes auquel elle est ou a été affiliée, une estimation indicative globale du montant des pensions de retraite auxquelles les durées d'assurance, de services ou les points qu'elle totalise lui donnent droit, à la date à laquelle la liquidation pourra intervenir, eu égard aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur. Cette estimation indicative globale est accompagnée d'une information sur les dispositifs mentionnés aux articles L. 161-22, L. 351-15 et L. 241-3-1. (...) ". 24. Aux termes de l'article R. 161-2-1-8 de ce code, encore dans sa rédaction applicable : " Sous réserve de l'application des dispositions du 2° de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), l'estimation mentionnée à l'article D. 161-2-1-7 est adressée, à l'initiative des organismes ou services, aux bénéficiaires atteignant, à partir du 1er juillet 2011, chaque année, l'âge de 55 ans. / La périodicité mentionnée au huitième alinéa de l'article L. 161-17 est fixée à cinq ans à compter de l'âge fixé au premier alinéa du présent article. / Les dispositions du sixième alinéa de l'article D. 161-2-1-5 et celles du II et du III de l'article D. 161-2-1-6 relatives à l'envoi du relevé de situation individuelle sont applicables à l'envoi de l'estimation. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 26 août 2009 portant création du service des retraites de l'Etat : " (...) II. - Le service des retraites de l'Etat est responsable du processus de gestion des pensions de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat. A ce titre : / 1° Il tient les comptes individuels de retraite, y enregistre et contrôle les droits à pension et assure l'information des ressortissants du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, notamment au regard du droit à l'information sur les retraites ; (...) ". 25. M. A... soutient à nouveau qu'il n'a pas bénéficié des informations prévues par les dispositions précitées. Cette affirmation, qui n'est pas non plus infirmée par les pièces du dossier, n'est pas sérieusement remise en cause en défense, de sorte qu'il est établi que l'Etat a aussi commis une troisième faute à cet égard. En ce qui concerne le lien de causalité : 26. S'agissant du lien de causalité entre les trois fautes susvisées et les préjudices invoqués par M. A..., la première faute résultant de l'édiction de l'arrêté du 1er septembre 2016 plaçant M. A... à la retraite d'office, par application des dispositions nationales fixant la limite d'âge du corps des instituteurs, alors que ces dispositions méconnaissent les dispositions de la directive précitée du 27 novembre 2000, présente un lien de causalité direct et certain avec l'ensemble des préjudices invoqués par l'intéressé. M. A... n'a pas lui-même commis une faute à l'origine de ses préjudices, comme l'allègue le ministre chargé de l'éducation, en soutenant que la différence de traitement dont se plaint le requérant a été créée de son propre fait puisqu'il lui aurait été loisible d'intégrer le corps des professeurs des écoles prévu par le décret n° 90-680 du 1er août 1990, dès lors que le ministre n'offre même pas de démontrer que M. A... aurait eu une chance sérieuse d'intégrer ce corps. Une telle faut n'étant pas établie, elle ne peut dès lors exonérer l'Etat de sa responsabilité, même partiellement. 27. Pour ce qui concerne la deuxième faute de l'Etat, résultant de la mauvaise manière de gérer la mise à la retraite d'office de M. A..., il n'existe pas de lien de causalité direct entre cette faute et les pertes de revenus dont il demande l'indemnisation, qui ont trait à sa date de départ à la retraite pour atteinte de la limite d'âge et cela n'est pas contesté par M. A... devant la cour. En revanche, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qu'il invoque par ailleurs sont imputables à cette faute. 28. Enfin, le tribunal administratif a considéré, s'agissant de la troisième faute invoquée, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'absence d'information délivrée par le service des retraites de l'Etat et la mise à la retraite d'office de M. A.... L'article 1-1 de de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public prévoit à cet égard que : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. (...) ". L'article 1-3 de la même loi dispose quant à lui : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique. (...) " et aux termes du I de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 : " La demande de prolongation d'activité est présentée par le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge. Il en est accusé réception. / La demande est accompagnée d'un certificat médical appréciant, au regard du poste occupé, l'aptitude physique de l'intéressé. Il est délivré par le médecin agréé prévu à l'article 1er du décret du 14 mars 1986 susvisé ou, le cas échéant, lorsque les statuts particuliers le prévoient, par le médecin habilité à apprécier l'aptitude physique du fonctionnaire. (...) ". 29. M. A... soutient que le défaut d'information sur ses droits à la retraite l'a empêché de demander son maintien en activité dans les délais prévus par les dispositions précitées. Toutefois, le défaut d'information, qui présente un caractère fautif, ne présente pas un lien de causalité avec le fait qu'il n'a pas demandé son maintien en activité dans les délais impartis. En effet, comme le faisait d'ailleurs valoir le recteur de l'académie d'Amiens en première instance, les informations contenues dans les documents qui auraient être adressés à M. A... sont déterminées par l'article D. 161-2-1-4 précité du code de la sécurité sociale. Or, ni parmi ces éléments d'information, ni parmi les données mentionnées à l'article R. 161-11 du même code dans sa rédaction applicable, auxquelles il est renvoyé, il n'est prévu que ces informations précisent la limite d'âge applicable à la situation de l'intéressé ou les conditions pour bénéficier d'un report de limite d'âge ou d'un maintien en activité. Dans ces conditions, la troisième faute de l'Etat, pour non transmission des informations précitées, ne présente pas un lien de causalité direct avec les préjudices invoqués par M. A.... Sur l'indemnisation du préjudice : En ce qui concerne le préjudice matériel : 30. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. 31. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction. La réparation intégrale du préjudice de l'intéressé peut également comprendre, à condition qu'il justifie du caractère réel et certain du préjudice invoqué, celle de la réduction de droits à l'indemnisation du chômage qu'il a acquis durant la période au cours de laquelle il a été employé du fait de son éviction de son emploi avant le terme contractuellement prévu. 32. Le tribunal administratif d'Amiens a d'abord jugé, à l'article 2 du jugement attaqué, que M. A... est en droit d'être indemnisé de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention illégale de l'arrêté du 1er septembre 2016 le plaçant d'office à la retraite jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique en exécution du jugement qui a annulé cet arrêté. La situation est différente devant la cour, qui ne peut annuler l'arrêté du 1er septembre 2016 compte tenu de la tardiveté de la requête de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté, qui demeure dans l'ordonnancement juridique, ce qui exclut la reconstitution de la carrière de M. A... ainsi que la réintégration de ce dernier par voie de conséquence d'un telle annulation. Si l'article 2 du jugement attaqué, en tant qu'il a renvoyé M. A... devant le recteur de l'académie d'Amiens pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit au titre de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention de l'arrêté du 1er septembre 2016, jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique, ne peut être confirmé, puisqu'il n'y aura pas de réintégration, il n'y a pas lieu de l'annuler purement et simplement comme le demande le ministre de l'éducation et de la jeunesse, dès lors qu'en raison de sa mise à la retraite d'office illégale par application d'une limite d'âge inconventionnelle, et compte tenu du lien de causalité direct entre cette illégalité et les préjudices invoqués, M. A... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, et notamment à être indemnisé des pertes de revenus qu'il aurait eu une chance sérieuse de percevoir sur la période en cause. 33. S'agissant de la détermination de la période d'éviction et donc d'indemnisation à prendre en compte, la date à laquelle débute cette période est nécessairement la date d'effet de l'arrêté illégal du 1er septembre 2016 plaçant d'office M. A... à la retraite à compter du 22 mars 2016. Il n'y a pas lieu d'aller jusqu'à la date à laquelle M. A... aurait atteint la limite d'âge de mise à la retraite en application du droit commun, soit 67 ans compte tenu de sa date de naissance en 1956, pour ne pas indemniser un préjudice seulement éventuel. M. A... ne justifiant pas d'une chance sérieuse de percevoir des revenus à un horizon aussi lointain, le terme de la période à prendre en compte peut être fixé à la date à laquelle il aurait lui-même souhaité poursuivre son activité, soit jusqu'à l'âge de 62 ans. M. A... pourrait ainsi prétendre au versement de cette somme en réparation du préjudice résultant de ses pertes de revenus sur la période considérée, soit, compte tenu des montants respectifs de son traitement mensuel brut de 2398,90 euros, la somme de 2039 euros nets, et du montant net de la pension qui lui est servie depuis le 22 mars 2016, la somme de 1 239 euros. Il justifierait dès lors d'un préjudice de 800 euros nets du 22 mars 2016 au 22 mars 2018, pendant 24 mois, auquel s'ajouterait un autre préjudice matériel tiré de la minoration de sa pension de retraite comme il l'a soutenu en première instance. 34. Toutefois, M. A... limite ses demandes indemnitaires en cause d'appel à la somme de 10 000 euros, en se bornant à critiquer l'évaluation faite par les premiers juges des autres préjudices invoqués, à savoir le préjudice moral et celui résultant des troubles dans ses conditions d'existence. Le tribunal administratif les a évalués à la somme de 2 000 euros. Dès lors qu'il ne fait pas valoir d'éléments nouveaux devant la cour, cette somme de 2 000 euros correspond à une juste appréciation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. La cour ne pouvant pas statuer ultra petita sur les conclusions indemnitaires, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, elle ne peut allouer à M. A... une somme supérieure à la somme de 10 000 euros. M. A... n'étant de surcroît pas susceptible d'être réintégré, puisqu'il n'est pas recevable à demander l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2016 le plaçant d'office à la retraite, il n'y a donc pas de possibilité de fixer avec certitude la fin de la période d'éviction. Il y a lieu dès lors d'allouer à M. A..., pour la réparation intégrale de son préjudice, une indemnisation forfaitaire tous préjudices et intérêts confondus. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et notamment du calcul du préjudice matériel hypothétique de M. A..., en supposant qu'il exerce son activité professionnelle jusqu'à 62 ans, ainsi qu'il a été dit au point qui précède, et aussi en tenant compte aussi de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, il y a lieu de fixer la réparation intégrale du préjudice à la somme de 10 000 euros tous préjudices et intérêts confondus. Cette condamnation n'aura pas pour effet d'aggraver le sort de M. A... sur son seul appel puisque la cour est saisie de conclusions du ministre de l'éducation et de la jeunesse demandant l'annulation des articles 1er à 4 du jugement attaqué, y compris, donc, l'article 2 du jugement en litige. 35. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité son indemnisation à hauteur de 2 000 euros. Par conséquent, la somme à laquelle l'Etat est condamné, est portée à 10 000 euros tous préjudices et intérêts confondus. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement commun n° 1700500, 1701149 du 26 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens sont annulés. Article 2 : Les conclusions d'annulation et d'injonction présentées par M. A... à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 1700500 devant le tribunal administratif d'Amiens sont rejetées. Article 3 : La somme de 2 000 euros toutes taxes comprises que l'Etat a été condamné à verser à M. A... par l'article 2 du jugement précité est portée à la somme de 10 000 euros tous préjudices et intérêts confondus et l'article 2 du jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire à ce qui précède. Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens et la cour est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à M. C... A... N°19DA01489,19DA01505 14
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANCY, 1ère chambre, 23/07/2020, 18NC01213, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 43 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux résultant d'un accident de service survenu le 13 février 2012 et des frais médicaux afférents. Par un jugement no 1601748 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 3 000 euros. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 avril 2018 et le 4 février 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du Châlons-en-Champagne du 13 février 2018 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 54 900 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux et des frais médicaux, assortie des intérêts à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier faute de comporter les signatures requises ; - la carence de l'administration à prendre des mesures de nature à protéger sa sécurité et sa santé est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - ses frais médicaux n'ont pas été pris en charge ; - il a été placé, à compter du 20 février 2012, en congé de longue maladie, puis de longue durée pour une pathologie, reconnue imputable au service, ayant conduit à son inaptitude définitive à reprendre ses fonctions de brigadier au sein de l'établissement pénitentiaire de Villenauxe-la-Grande ; - l'Etat est responsable même sans faute des préjudices extrapatrimoniaux qu'il a subis du fait de l'accident de service ; - sa pathologie lui a occasionné un déficit fonctionnel temporaire ; - il a enduré des souffrances physiques et psychiques et subi un préjudice moral ; - il appartient au juge d'ordonner une expertise avant-dire droit. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°82-453 du 28 mai 1982 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller, - les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... est agent titulaire de l'administration pénitentiaire, affecté en dernier lieu au centre de détention de Villenauxe-la-Grande en qualité de brigadier. A la suite d'un accident survenu le 13 février 2012, reconnu imputable au service, M. A... a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 20 février 2012 puis en congé de longue maladie et en congé de longue durée. Sur sa demande, il a été admis à la retraite à compter du 11 octobre 2015. Après le rejet de la demande préalable qu'il avait formée le 30 mai 2016, il a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par un jugement du 13 février 2018, n'a condamné l'Etat à lui verser qu'une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des souffrances endurées consécutivement à l'accident de service survenu le 13 février 2012. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et porte le montant des indemnités demandées à la somme de 51 900 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux outre une somme de 3 000 euros en remboursement des frais médicaux exposés. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". 3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. Sur le droit à réparation des suites de l'accident de service : 4. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées ci-dessus, qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. En revanche, ces dispositions ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat : 5. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". En outre, aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Selon l'article 3 du même texte : " Dans les administrations et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... n'a informé sa hiérarchie de l'altercation survenue en service le 13 février 2012 que le 18 février suivant, date de son courrier relatant ces faits ainsi que la fouille de son vestiaire par un de ses supérieurs et il n'est pas contesté que le directeur du centre de détention de Villenauxe-la-Grande a diffusé dès le 20 février 2012 une lettre circulaire intimant aux agents de prévenir et faire cesser toute situation de harcèlement. 7. Par ailleurs, il ne résulte ni de la note de service du 18 septembre 2009 portant réorganisation du travail ni d'aucune autre pièce du dossier que pendant la période précédant le placement de M. A... en congé de maladie, la charge de travail de ce dernier se serait accrue d'une manière excessive au regard des dispositions précitées visant à assurer la protection de la santé et de l'intégrité physique des agents. 8. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de prise en charge, par l'administration, d'un accident antérieur survenu le 13 novembre 2011, également reconnu comme imputable au service, seraient constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. 9. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne saurait prétendre à la réparation intégrale des préjudices qu'il impute à l'accident de service selon les conditions du droit commun de la responsabilité pour faute. En ce qui concerne l'application du régime légal de réparation : 10. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 11. En l'espèce, M. A... ne démontre pas qu'il aurait été amené à exposer des frais et honoraires médicaux directement entraînés par la maladie ou l'accident et qui n'auraient pas été pris en charge. En particulier, ni la nature précise des actes médicaux effectués, ni le montant des honoraires et frais médicaux restés à la charge du demandeur, ni même le lien entre ces actes et l'accident de service survenu le 13 février 2012 ne sont établis par les pièces du dossier. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander à être indemnisé de ces frais, qu'il évalue forfaitairement à la somme de 3 000 euros. En ce qui concerne le droit à réparation des préjudices non pris en compte par le régime légal : 12. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi par le docteur Maczyta le 3 juin 2015, que M. A... présente une névrose à composante dépressive de nature chronique et peu évolutive. Compte tenu du taux d'incapacité de 15 % retenu par ce rapport, et qui n'est pas contesté en défense, et de l'absence de consolidation de l'état de M. A... à la date du présent arrêt, il y a lieu d'estimer le préjudice correspondant au déficit fonctionnel temporaire subi entre le 13 février 2012 et la date du présent arrêt à la somme de 4 500 euros. 13. En deuxième lieu, compte tenu de la durée de la pathologie psychiatrique et de sa conséquence sur la perte d'activité, il y a lieu de porter l'indemnisation allouée à M. A... au titre de son préjudice moral à la somme de 3 000 euros. 14. En dernier lieu, en se bornant à faire valoir qu'il a été déclaré définitivement inapte à toute fonction et qu'il est régulièrement suivi par un médecin psychiatre, M. A... n'établit pas qu'ainsi qu'il le soutient, l'existence de souffrances imputables à son placement en congé de maladie et à sa mise à la retraite et de nature à lui ouvrir droit à réparation. 15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner, avant-dire droit, une expertise, que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à lui verser soit portée à la somme de 7 500 euros. Sur les frais liés à l'instance : 16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 17. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La somme de 3 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. A... par le jugement du 13 février 2018 est portée à 7 500 euros. Article 2 : Le jugement n° 1601748 du 13 février 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice. N° 18NC01213 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 30/07/2020, 18DA01394, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 mai 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord, en ce qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé au 21 janvier 2014 et refuse de lui reconnaître un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, ensemble la décision en date du 27 juillet 2015 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de lui reconnaître un taux d'incapacité permanent partielle de 10 % et de prendre en charge ses frais médicaux au-delà du 21 janvier 2014 ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous peine d'astreinte. Par un jugement n° 1508713 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2018 et le 29 mai 2020, Mme C... D..., représentée par Me A... B..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille du 18 mai 2015 ainsi que la décision du 27 juillet 2015 rejetant son recours gracieux contre cette décision ; 3°) d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de lui reconnaître un taux d'incapacité permanente partielle de 10% et de prendre en charge au titre de la maladie professionnelle ses soins au-delà du 21 janvier 2014, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. --------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, - et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... D..., adjointe administrative en fonction au centre pénitentiaire de Bapaume, a fait l'objet d'un traitement prophylactique à compter du 21 juillet 2010, à la suite d'un contact avec un détenu atteint de la tuberculose. Ne tolérant pas ce traitement, elle a développé une hépatite médicamenteuse qui a été reconnue comme maladie professionnelle par décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille du 24 juillet 2014. Mme D... a toutefois demandé une expertise complémentaire, contestant la date de consolidation fixée au 24 janvier 2014 et l'absence de taux d'incapacité permanente partielle. Le directeur interrégional des services pénitentiaires a néanmoins confirmé sa première décision le 18 mai 2015. Il a ensuite rejeté le 27 juillet 2015 le recours gracieux formé par Mme D.... Celle-ci relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 18 mai 2015 et du 27 juillet 2015. Sur la légalité externe des décisions en litige : 2. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, applicable à la date des décisions contestée, désormais codifiées au code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :/ -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / -infligent une sanction ; / -subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / -retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / -opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / -refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / -refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; / -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire.". D'autre part aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 3. La reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, ainsi que la date de consolidation des dommages et le cas échéant, le taux d'incapacité permanente demeurant à cette date en lien avec la maladie ou l'accident constituent, en application des dispositions citées au point 2 de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, des avantages dont l'attribution constituent un droit dès lors que le fonctionnaire remplit les conditions pour les obtenir. En particulier, la date de consolidation constitue la date à partir de laquelle les frais médicaux ne sont plus pris en charge par l'administration et à partir de laquelle les arrêts maladie ne donnent plus lieu de plein droit à la perception du traitement à taux plein. De même, un taux d'incapacité permanente partielle d'au moins 10% permet au fonctionnaire de prétendre à une allocation temporaire d'invalidité en application de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984. Par suite, les décisions refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident et celles prises pour la mise en oeuvre de ces dernières fixant la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente doivent être motivées conformément aux dispositions rappelées au point 2 de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifiées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. 4. En l'espèce, la décision contestée du 18 mai 2015 confirmait l'imputabilité au service de l'hépatite médicamenteuse contractée à la suite du traitement prophylactique contre la tuberculose de Mme D..., fixait la date de consolidation au 24 janvier 2014 et considérait qu'aucun taux d'incapacité permanente partielle ne résultait de cette maladie. Cette décision vise les textes dont elle fait application, cite le premier avis de la commission de réforme du 4 juillet 2014, précise qu'aucun taux d'incapacité permanente partielle n'était proposé, rappelle que le dossier a été réexaminé à la demande de Mme D... et que la commission de réforme, lors de sa séance du 17 avril 2015, a confirmé l'avis du 4 juillet 2014, pour considérer que la maladie est reconnue comme maladie professionnelle. Cette décision est donc suffisamment motivée, compte tenu des exigences du secret médical qui s'oppose à ce que les éléments médicaux justifiant les propositions de la commission de réforme soient détaillés dans les décisions prises sur avis de cette commission. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 18 mai 2015 ne peut donc qu'être écarté. 5. La décision également contestée du 27 juillet 2015 rejette le recours gracieux formé par Mme D... contre la décision du 18 mai 2015. La première décision en litige étant suffisamment motivée, le rejet du recours gracieux, qui ne constitue pas en l'espèce un recours administratif préalable obligatoire et qui confirme la première décision, n'avait par suite pas à comporter les motifs le justifiant. Cette seconde décision, si elle ne vise pas les textes dont elle fait application, comporte, d'ailleurs, les éléments de droit et les circonstances de fait qui la rendent compréhensible à sa simple lecture. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 27 juillet 2015 doit, en tout état de cause, être écarté. Sur la légalité interne : 6. La commission de réforme, lors de sa séance du 4 juillet 2014, s'était fondée sur une première expertise qui retenait une hépatite médicamenteuse, suite à un traitement bacillaire guéri. Cette expertise ne faisait pas état de séquelles résultant de cette hépatite, mais retenait un taux d'incapacité permanente partielle de 10%. La commission de réforme suggérait de suivre cette expertise sur l'imputabilité au service de la maladie et sur la date de consolidation mais ne proposait aucun taux d'incapacité permanente partielle. Le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille s'est approprié cet avis de la commission de réforme par sa décision du 24 juillet 2014. A la demande de Mme D..., une nouvelle expertise a été diligentée. Celle-ci fait état d'un bilan hépatique normal dès septembre 2010 et d'une échographie abdominale, y compris hépatique, normale. Elle conclut à cet égard à l'absence d'hépatite chronique et à l'absence de signe de tuberculose active. Elle confirme aussi la date du 24 janvier 2014 comme date de consolidation et l'absence de séquelle justifiant une incapacité permanente partielle. Sur cette base, la commission de réforme, puis le directeur interrégional ont confirmé leurs précédents avis et décision. Pour remettre en cause ces éléments, l'appelante produit un certificat médical d'un médecin généraliste, attestant seulement qu'elle doit effectuer un suivi hépatique au moyen de prises de sang. Les derniers éléments communiqués, postérieurs aux décisions contestées, confirment une surcharge en fer mais ne permettent pas d'imputer ce fait à l'hépatite médicamenteuse, le bilan sanguin produit se limitant à indiquer que ce taux n'est pas en lien avec une infection virale B ou C. De même, la fiche de visite du médecin de prévention, si elle proscrit certaines situations de travail en lien avec la scoliose antérieure de l'intéressée, ne démontre pas le lien direct entre les affections que subit Mme D... et la maladie reconnue imputable au service. Ces pièces ne suffisent à démontrer que l'état de santé de Mme D... lié à ses maladies professionnelles n'est pas stabilisé.et nécessite un traitement. Elles n'établissent pas non plus que Mme D... souffre de séquelles des affections reconnues comme maladies professionnelles entraînant une incapacité permanente partielle. Par suite, c'est par une exacte appréciation des faits de l'espèce que le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille a reconnu l'imputabilité au service de l'affection de Mme D... en fixant la date de consolidation au 24 janvier 2014 et en ne retenant aucune incapacité permanente partielle. 7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande par le jugement du 15 mai 2018. Par suite, il y a lieu de rejeter sa requête, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice. 1 2 N°18DA01394 1 3 N°"Numéro"
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