Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
5821 résultats
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/10/2020, 17MA01913, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense, sur injonction de réexamen, a rejeté sa demande de reconnaissance et d'indemnisation présentée au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) et de condamner le ministre de la défense à lui verser, dans le délai de trois mois, sous astreinte journalière de 50 euros, la somme de 589 001 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant des essais nucléaires, assortie des intérêts de droit à compter de sa demande préalable d'indemnisation du 8 avril 2011 et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1503597 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistré le 9 mai 2017 et le 22 septembre 2017, M. E..., représenté par Me H..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) * à titre principal, de condamner l'Etat (ministre de la défense) et le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) à l'indemniser, en lui versant une somme de 781 142,00 dans un délai de 3 mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir pour réparer l'intégralité de ses préjudices subis ; * à titre subsidiaire, d'enjoindre au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de procéder à l'évaluation et à l'indemnisation de ses préjudices de toute nature imputables aux maladies radio-induites dont il a été victime, dans un délai de trois mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision ; 3°) de majorer le montant de l'indemnisation des préjudices, des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même formalité ; 4°) de mettre à la charge du ministre de la défense la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - le ministre de la défense ne rapporte pas la preuve que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de sa maladie est négligeable en application du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - qu'il est nécessaire de faire application des nouvelles dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifié par l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer et portant d'autres dispositions en matière sociale et économique. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2017, la ministre des armées conclut à sa mise hors de cause. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2017, le CIVEN conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2020, Mme I... E..., Mme F... B... et M. D... E..., informent la Cour qu'ils reprennent l'instance comme ayants-droit de M. E..., né le 7 juin 1933 et décédé le 1er décembre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ; - la loi n° loi n°2017-256 du 8 février 2017 ; - la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ; - la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 et notamment son article 57 ; - le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 ; - le décret n° 67-228 du 15 mars 1967 ; - le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ; - le décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 ; - le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ; - le décret du 24 février 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me J..., substituant Me H..., représentant les ayants-droit de M. C... E.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... E..., employé de la société Solétanche, entreprise sous-traitante du Commissariat à l'énergie atomique, a été affecté, entre le 22 mars et le 31 mai 1980, sur le site des essais nucléaires de Mururoa en qualité de conducteur de travaux. Durant cette période ont eu lieu sur l'atoll de Mururoa trois essais nucléaires souterrains, Thésée le 23 mars, Boros le 1er avril et Pélops le 4 avril 1980. M. E... a subi quatre pathologies cancéreuses : des épithéliomas baso-cellulaires (cancers cutanés) à partir de 1992, un carcinome épidermoïde de la parotide en 1994, un cancer du poumon en 1997 et enfin un adénocarcinome de la prostate en 2002. Le 8 avril 2011, il a saisi le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) d'une demande tendant à être indemnisé des préjudices subis du fait de son exposition aux rayonnements ionisants résultant de ces essais nucléaires réalisés pendant sa période d'affectation sur le site des essais nucléaires de Mururoa. Par une décision du 17 mai 2013, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. E.... Par un jugement du 30 janvier 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision en estimant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le CIVEN ne pouvait être regardé comme ayant procédé à un examen suffisant de la situation particulière de M. E... et a enjoint au ministre de la défense de réexaminer sa demande d'indemnisation sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français dans un délai de 3 mois à compter de la notification du jugement. En l'absence de toute décision dans le délai ainsi imparti, M. E... a alors demandé au tribunal, par une nouvelle requête, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense, sur injonction de réexamen, a rejeté sa demande de reconnaissance et d'indemnisation présentée au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices subis. En cours d'instance, dans ses séances des 7 juillet et 7 septembre 2015, le CIVEN a procédé au réexamen de la situation de M. E... et, par une décision du 16 septembre 2015, le président du CIVEN a rejeté la demande d'indemnisation de celui-ci au motif que la probabilité d'une relation de cause à effet entre l'exposition de M. E... aux rayons ionisants et la survenue de ses maladies pouvait être considéré comme négligeable. M. E... a relevé appel du jugement du 9 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur la demande de mise hors de cause de la ministre des armées : 2. L'article 53 II de la loi n° 2013-1168 de programmation militaire pour les années 2014-2019 du 18 décembre 2013 précise que le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires est une autorité administrative indépendante et qu'il a compétence pour décider d'attribuer ou non des indemnisations au titre de la loi du 5 janvier 2010 modifiée. La décision du 16 septembre 2015 rejetant la demande de M. E... a d'ailleurs été prise par le président du CIVEN organisme qui a succédé à l'Etat dans l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à demander, ainsi d'ailleurs qu'en avait décidé le tribunal, à ce que sa mise hors de cause soit prononcée dans la présente instance. Sur les textes applicables: 3. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. (...). ". 4. Aux termes de l'article 2 de la même loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : (...) entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française (...) ". 5. Le V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige, énonce que : " Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) ". 6. Aux termes de l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique : " I.- Au premier alinéa du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, les mots et la phrase : " à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé. " sont supprimés. / II. -Lorsqu'une demande d'indemnisation fondée sur les dispositions du I de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a fait l'objet d'une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires réexamine la demande s'il estime que l'entrée en vigueur de la présente loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision. Il en informe l'intéressé ou ses ayants droit s'il est décédé qui confirment leur réclamation et, le cas échéant, l'actualisent. Dans les mêmes conditions, le demandeur ou ses ayants droit s'il est décédé peuvent également présenter une nouvelle demande d'indemnisation, dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi (...) ". 7. Il résulte du II de l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, cité au point précédent, d'une part, que le législateur a confié au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires la mission de réexaminer l'ensemble des demandes d'indemnisation ayant fait l'objet d'une décision de rejet de la part du ministre ou du comité, s'il estime que l'entrée en vigueur de cette loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision et, d'autre part, que les victimes ou leurs ayants-droit peuvent, dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, présenter au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires une nouvelle demande d'indemnisation. Compte tenu de son office, il appartient au juge du plein contentieux, saisi d'un litige relatif à une décision intervenue après réexamen d'une ancienne demande d'indemnisation ou en réponse à une demande postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, de statuer en faisant application des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 dans leur rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 et, s'il juge illégale la décision contestée, de fixer le montant de l'indemnité due au demandeur, sous réserve que ce dernier ait présenté des conclusions indemnitaires chiffrées, le cas échéant, après que le juge l'a invité à régulariser sa demande sur ce point. En revanche, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 que le législateur a entendu que, lorsque le juge statue sur une décision antérieure à leur entrée en vigueur, il se borne, s'il juge, après avoir invité les parties à débattre des conséquences de l'application de la loi précitée, qu'elle est illégale, à l'annuler et à renvoyer au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires le soin de réexaminer la demande. 8. Les dispositions du I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 citées au point 6 ont supprimé les dispositions du premier alinéa du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, qui excluaient le bénéfice de la présomption de causalité dans le cas où le risque attribuable aux essais nucléaires pouvait être considéré comme négligeable. Le législateur a ainsi entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la pathologie de l'intéressé résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'a subi aucune exposition à de tels rayonnements. 9. Mais l'article 57 de la loi du 17 juin 2020 a rendu applicable le b du 2° du I de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 aux demandes déposées devant le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de cette loi du 28 décembre 2018, article 232 qui prévoit la modification du premier alinéa du V de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français en ces termes : " V.- Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique. ". Il s'ensuit qu'est applicable au cas d'espèce la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2018. Au fond : 10. Aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2018, applicable aux instances en cours au lendemain de la publication de cette loi, comme en l'espèce : " I- Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'État conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. (...) III.- Lorsqu'une demande d'indemnisation fondée sur le I de l'article 4 a fait l'objet d'une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, le demandeur ou ses ayants droit, s'il est décédé, peuvent présenter une nouvelle demande d'indemnisation avant le 31 décembre 2020.". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné :/ 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ;/ 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française./ Un décret en Conseil d'État délimite les zones périphériques mentionnées au 1°. ". L'article 4 de ladite loi dispose que : " I. Les demandes d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (...). V. Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 1333-11 du code de la santé publique : " I.- Pour l'application du principe de limitation défini au 3° de l'article L. 1333-2, la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants résultant de l'ensemble des activités nucléaires est fixée à 1mSv par an, à l'exception des cas particuliers mentionnés à l'article R. 1333-12./ (...). ". 11. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée, dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique, à 1 mSv par an. 12. Il résulte de l'instruction que M. E... a séjourné sur des lieux et pendant une période définie par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010. Les pathologies dont il souffre figurent sur la liste annexée au décret du 15 septembre 2014. Il bénéficie donc d'une présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenue de sa maladie. 13. En revanche, M. E... ne peut utilement soutenir que le CIVEN ne démontre pas que la pathologie dont il souffre résulterait exclusivement d'une cause étrangère, dès lors cette notion ne s'appliquait qu'aux décisions prises en application des dispositions de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer, dispositions modifiées par l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. 14. Il est constant que trois essais nucléaires souterrains ont eu lieu durant la période d'affectation de M. E... à Mururoa, entre le 22 mars et le 31 mai 1980. Il a par ailleurs présenté un cancer cutané, un cancer des glandes salivaires et un cancer du poumon, après sa présence sur ce territoire. Cependant, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet de mesures de surveillance de la contamination externe, par le port de deux dosimètres individuels externes en avril et mai 1980 et la mise en place d'un dosimètre collectif d'ambiance sur la zone de vie " Kathie " à Mururoa, lieu de vie de l'intéressé sur laquelle il résidait. Et d'après la " Recommandation dossier n° 518" en date du 17 septembre 2013 et produite par le CIVEN, la présence de l'intéressé durant la période en cause en Polynésie française, a conduit à lui attribuer, selon la fiche individuelle de surveillance dosimétrique archivée à son nom, des doses de rayonnement reçues égales à 0 millisievert, résultats nuls auxquels le CIVEN a ajouté une dose forfaitaire totale de 0,4 mSv ainsi que la dose forfaitaire de 0,5 mSv pour tenir compte de ses entrées en zone contrôlée, soit une dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée à 1 mSv par an. Par ailleurs, l'administration indique avoir procédé à deux examens d'anthropogammamétrie dont les fiches produites au dossier par le CIVEN font apparaître des indices de tri respectifs de 0,80 et de 0,85, soit des résultats inférieurs à 2, considérés comme normaux. Elle se prévaut en outre, de ce que dans la base de vie portuaire " Kathie " à Mururoa où résidait M. E..., les résultats des relevés mensuels de la dosimétrie d'ambiance sur toute sa période d'affectation, sont égaux à 0. Certes M. E... soutient que, lors des opérations de forage et de carottage auxquelles il a participé pour les manoeuvres, il a été arrosé par des gouttes d'eau présentes le long du câble, utilisant un chiffon pour éviter qu'elles n'atteignent l'ouvrier aux commandes de la foreuse mais que ces gouttes retombaient sur son visage non protégé et qu'il a pénétré en zone contrôlée une demi-journée en avril 1980 et une demi-journée en mai 1980 . Mais ce faisant, M. E... ne remet pas sérieusement en cause les mesures opérées par l'administration laquelle, dans ces conditions, doit être regardée comme démontrant que l'exposition du requérant l'a été à une dose annuelle imputable aux essais nucléaires constamment inférieure à 1 mSv et donc comme ayant renversé la présomption de causalité instituée par les dispositions de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010. 15. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation attaquée du CIVEN. Par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires, aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La ministre des armées est mise hors de cause. Article 2: La requête de M. E... est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... E..., Mme F... B... et M. D... E... ayants-droit de M. C... E..., au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient : - M. A..., président, - M. Ury, premier conseiller, - Mme G..., première conseillère. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. N° 17MA01913 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 13/10/2020, 18MA02467, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 58 000 euros à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 1602020 du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Montpellier a fait partiellement droit à cette demande en condamnant La Poste à verser à M. B... une somme de 3 000 euros. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 mai 2018 et 26 décembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 mars 2018 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ; 2°) de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 58 000 euros à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices qu'il a subis ; 3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité pour faute de La Poste est engagée du fait de l'illégalité des décisions des 18 juillet 2011 et 27 mars 2012 refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa rechute du 8 décembre 2003 ; - la décision du 14 janvier 2004 refusant cette reconnaissance est entachée d'un vice de procédure constituant une illégalité fautive ; - la reconnaissance tardive de l'imputabilité au service tant de cette rechute que de la dépression dont il souffre constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de La Poste ; - l'exécution tardive des jugements du tribunal administratif de Montpellier des 7 juillet 2010 et 5 juin 2013 constitue également une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste ; - il a été victime d'une discrimination liée à son état de santé ainsi que de faits de harcèlement moral ; - La Poste doit être condamnée à lui verser la somme totale de 35 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis du fait des différentes fautes ainsi commises ; - la responsabilité sans faute de la Poste est engagée compte tenu de ses souffrances physiques et morales, ainsi que de son préjudice d'agrément, liés à ses accidents de service et à la maladie professionnelle dont il souffre depuis 2006 ; - La Poste doit être condamnée à lui verser la somme totale de 23 000 euros au titre de ces souffrances et de ce préjudice d'agrément. Par des mémoires en défense enregistrés les 11 et 14 octobre 2019, La Poste, représentée par Me E..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 3 000 euros, au rejet des conclusions de l'intéressé et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; - les conditions d'engagement de sa responsabilité sans faute ne sont pas réunies ; - les préjudices allégués ne sont pas établis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D..., - les conclusions de M. Roux, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant M. B.... Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 8 octobre 2020. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., fonctionnaire de La Poste, relève appel du jugement du 23 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a fait partiellement droit à sa demande indemnitaire en condamnant La Poste à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du caractère tardif de l'examen de sa demande de mi-temps thérapeutique. Par la voie de l'appel incident, La Poste demande la réformation de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser cette somme de 3 000 euros à M. B.... Sur la responsabilité pour faute de La Poste : En ce qui concerne la rechute du 8 décembre 2003 : 2. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime, le 2 juin 1999, d'une chute de vélo, reconnue imputable au service, lui ayant occasionné un traumatisme du genou droit. La demande de l'intéressé tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa rechute, survenue le 8 décembre 2003, de cet accident de service a été rejetée par une décision de son employeur du 14 janvier 2004. Par une décision n° 309307 du 19 novembre 2008, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le jugement n° 0404106 du 20 juin 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier avait rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision du 14 janvier 2004. Après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, cette décision a finalement été annulée par un jugement n° 0805587 du 7 juillet 2010 en raison d'un vice de procédure. A la suite de ce jugement d'annulation, la demande de M. B... mentionnée ci-dessus a été rejetée une nouvelle fois par une décision de son employeur du 18 juillet 2011 qui a ensuite été retirée par une décision du 27 mars 2012 refusant également de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute du 8 décembre 2003. M. B... a, par la suite, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la désignation d'un expert en vue notamment de déterminer si cette rechute était imputable à l'accident de service dont il a été victime le 2 juin 1999. Par une décision du 15 février 2013, prise au vu notamment du rapport établi par l'expert désigné à la demande de M. B..., la rechute du 8 décembre 2003, caractérisée par un syndrome rotulien du genou droit, a finalement été reconnue imputable à cet accident de service. 3. En premier lieu, la décision du 14 janvier 2004 mentionnée au point précédent a été annulée par un jugement, devenu irrévocable, du 7 juillet 2010 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier pour un motif tiré du défaut de consultation de la commission de réforme. Cette illégalité constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de La Poste. 4. En second lieu, lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service. 5. Il résulte de l'instruction que la date de consolidation de l'état de santé de M. B..., à la suite de l'accident de service du 2 juin 1999, a été fixée au 26 janvier 2000 et que, postérieurement à cette consolidation, l'intéressé a présenté des douleurs au niveau de son genou droit. Par ailleurs, il résulte des rapports d'expertise établis respectivement le 17 juillet 2007 par le docteur Hatt et le 12 juillet 2012 par le professeur Chammas que les troubles dont M. B... a souffert le 8 décembre 2003 présentent un lien direct et certain avec cet accident de service, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu La Poste dans sa décision du 15 février 2013 évoquée au point 2. Dans ces conditions, l'appelant est fondé à soutenir que les décisions du 18 juillet 2011 et du 27 mars 2012 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de ces troubles, au demeurant qualifiés de " rechute " par les médecins mentionnés ci-dessus, étaient, avant leur retrait respectivement par des décisions du 27 mars 2012 et du 14 février 2013, entachées d'une erreur d'appréciation. L'intervention de ces décisions illégales constitue une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste. 6. Les illégalités entachant la décision du 14 janvier 2004, qui ne pouvait être légalement prise pour les motifs exposés au point 5, et les décisions du 18 juillet 2011 et du 27 mars 2012, qui étaient entachées d'une erreur d'appréciation, sont directement à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence invoqués par M. B.... En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les négligences fautives dont l'existence serait révélée par l'illégalité de ces décisions, ni en tout état de cause, que l'exécution tardive invoquée du jugement du 7 juillet 2010, seraient à l'origine d'un préjudice distinct. 7. En l'espèce, compte tenu du long délai qui s'est écoulé entre la demande de l'intéressé et la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa " rechute ", le 15 février 2013, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en condamnant La Poste à lui verser une somme de 5 000 euros à ce titre. En ce qui concerne la maladie professionnelle : 8. Il résulte de l'instruction que M. B... a sollicité, le 23 mars 2010, la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome dépressif dont il souffre depuis 2006. La décision implicite rejetant cette demande a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2013 pour un vice de procédure tiré de l'absence de consultation de la commission de réforme. Cette demande présentée par M. B... au cours de l'année 2010 a finalement été satisfaite par une décision du 20 octobre 2015. 9. Alors même qu'aucune injonction en ce sens n'avait été prononcée par le jugement du 5 juin 2013 évoqué au point précédent, il appartenait à l'autorité compétente de La Poste, à la suite de ce jugement, de statuer à nouveau sur la demande présentée le 23 mars 2010 par M. B.... Il résulte de l'instruction que l'intéressé a été contraint, à la suite de cette annulation contentieuse, de saisir la présidente du tribunal administratif de Montpellier, le 10 avril 2015, d'une demande tendant à l'exécution de ce jugement. En statuant le 20 octobre suivant sur la demande de M. B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, soit plus de deux ans après l'intervention du jugement du 5 juin 2013, La Poste, qui n'a pas exécuté ce jugement dans un délai raisonnable, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. 10. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'autre faute invoquée à cet égard par M. B..., tenant au caractère tardif de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, serait à l'origine d'un préjudice distinct, M. B... est en droit de prétendre à la réparation de ses préjudices avec lesquels la faute relevée au point précédent présente un lien direct de causalité. 11. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. B..., en raison de la faute relevée au point 9, en condamnant La Poste à lui verser une somme de 3 000 euros à ce titre. En ce qui concerne la demande de mi-temps thérapeutique : 12. Les premiers juges ont estimé que le retard avec lequel La Poste a pris position sur la demande de mi-temps thérapeutique de M. B... constitue une négligence fautive de nature à engager sa responsabilité. Ils ont, en conséquence, condamné La Poste à réparer les préjudices subis par M. B... du fait de ce retard en lui versant une somme globale de 3 000 euros. 13. En se bornant à soutenir que M. B... " ne démontre pas qu'il devait obligatoirement faire l'objet d'un placement sur un mi-temps thérapeutique " et à faire état de la circonstance que les décisions rejetant la demande présentée à cette fin par l'intéressé ont été annulées pour des motifs de légalité externe par le jugement déjà évoqué du 5 juin 2013, La Poste n'apporte en appel aucun élément susceptible d'infirmer la solution retenue, sur ce point, par les premiers juges.[0] Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par La Poste. En ce qui concerne le harcèlement moral et la discrimination : 14. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à toute discrimination et à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations ou les agissements de harcèlement allégués sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 15. D'une part, en se bornant à soutenir qu'il aurait été " stigmatisé en raison de son état de santé ", M. B... ne soumet à la Cour aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé. 16. D'autre part, si M. B... invoque les illégalités et fautes commises par La Poste dans le cadre de la gestion de son dossier médical depuis son accident de service du 2 juin 1999 et argue du caractère vexatoire de certains termes contenus dans la décision du 14 janvier 2004, ces seuls éléments ne sauraient suffire à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. Sur la responsabilité sans faute de La Poste : 17. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celleci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées cidessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 18. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... est en droit de prétendre, même en l'absence de faute commise par La Poste, à la réparation des préjudices personnels subis, tels que les souffrances physiques ou morales ainsi que le préjudice d'agrément, en lien direct et certain tant avec les accidents de service dont il a été victime qu'avec sa maladie professionnelle. 19. D'une part, M. B... n'établit pas, en se bornant à se référer au rapport d'expertise établi le 30 août 2007 par le docteur Doat dans lequel il fait état de ses difficultés à jardiner et à faire du vélo, la réalité du préjudice d'agrément qu'il prétend avoir subi. 20. D'autre part, il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise versés aux débats, que M. B... a notamment souffert, du fait de ses accidents de service et de sa maladie professionnelle, d'un syndrome rotulien, de douleurs lombaires ainsi que d'un syndrome anxio-dépressif. Il sera fait une juste appréciation des douleurs physiques et morales ainsi subies par l'intéressé en lui allouant une somme globale de 4 000 euros à ce titre. 21. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, pour la Cour, de porter à la somme totale de 15 000 euros le montant de l'indemnité que La Poste a été condamnée à verser à M. B... par le jugement attaqué. Sur les intérêts : 22. M. B... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité mentionnée au point précédent à compter du 21 décembre 2015, date de réception de sa demande préalable par La Poste. Sur les frais liés au litige : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste le versement, à M. B..., de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D É C I D E : Article 1er : L'indemnité que La Poste a été condamnée à verser à M. B... est portée à la somme de 15 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2015. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La Poste versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à La Poste. Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Chazan, président de chambre, - Mme F..., première conseillère, - M. D..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 13 octobre 2020. 6 N° 18MA02467
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/10/2020, 16MA03129, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C..., représenté par le cabinet d'avocats Teissonniere-Topaloff- Lafforgue-Andreu et Associés, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 17 mai 2013 par laquelle le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté sa demande, présentée en qualité d'ayant-droit de M. A... C..., tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Par un jugement n° 1204541 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 17 mai 2013 du ministre de la défense et des anciens combattants et a enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de présenter à M. D... C... une proposition d'indemnisation, dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 1er août 2016 et le 11 octobre 2017, le ministre de la défense demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1204541 du tribunal administratif de Nice ; 2°) de rejeter la requête de M. D... C.... Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. A... C... avait fait l'objet d'une contamination ; - le tribunal administratif a commis une erreur de droit en statuant en excès de pouvoir, alors que le litige dont il était saisi relève, par nature et à titre exclusif, du plein contentieux ; - le risque que la pathologie cancéreuse de l'intéressé soit attribuable aux essais nucléaires est négligeable en l'espèce ; - l'absence de surveillance médicale spécifique concernant l'intéressé était justifiée dès lors qu'il n'était pas exposé à un risque de contamination ; - les mesures de protection mises en place à l'attention des populations étaient incontestablement adaptées, et ne peuvent faire l'objet d'une remise en question permettant de contribuer à l'établissement d'un risque avéré de contamination dans le cas d'espèce. Par des mémoires, enregistrés le 16 novembre 2016, le 20 octobre 2017 et le 18 décembre 2017, le CIVEN demande à la Cour de faire droit au recours du ministre. Il soutient que les moyens du recours sont fondés et que les conditions d'exposition de M. A... C... à des rayonnements ionisants justifient que sa demande d'indemnisation soit rejetée. Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 février 2017 et le 19 septembre 2017, M. D... C..., représenté par Me F..., demande à la Cour : 1°) de rejeter le recours du ministre ; 2°) d'annuler la décision portant rejet de la demande de reconnaissance et d'indemnisation présentée en qualité d'ayant-droit de M. A... C..., tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; 3°) de constater qu'en date du 4 septembre 2017, le CIVEN a adressé à M. D... C... une proposition d'indemnisation, au titre de l'action successorale, d'un montant de 38 654 euros qu'il entend accepter ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que: - les moyens du recours ne sont pas fondés ; - le ministre de la défense ne rapporte pas la preuve que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de son père est négligeable en application du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, et ne renversait donc pas la présomption de causalité dont il bénéficie ; - il est nécessaire de faire application des nouvelles dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifié par l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer et portant d'autres dispositions en matière sociale et économique ; - il a accepté l'offre d'indemnisation qui lui a été présentée par le CIVEN en exécution du jugement attaqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ; - la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ; - la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ; - la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 et notamment son article 57 ; - le décret n°66-450 du 20 juin 1966 ; - le décret n°67-228 du 15 mars 1967 ; - le décret n°2010-653 du 11 juin 2010 ; - le décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 ; - le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ; - le décret du 24 février 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me G..., substituant Me F..., représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. Le ministre de la défense relève appel du jugement n° 1204541 du 17 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. D... C..., sa décision du 17 mai 2013 ayant rejeté la demande d'indemnisation présentée par l'intéressé en qualité d'ayant-droit de son père décédé, tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, le tribunal administratif de Nice a été saisi par M. D... C... de conclusions tendant exclusivement à l'annulation de la décision du 17 mai 2013 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation, au motif que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de son père, M. A... C..., était négligeable, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de saisir le CIVEN à fin de réexaminer sa demande. Le tribunal a considéré que le ministre n'établissait pas que le risque en cause était négligeable et qu'ainsi, la présomption de responsabilité posée par le législateur n'était pas renversée. Par suite, en annulant la décision contestée et en enjoignant au CIVEN de présenter à M. D... C... une proposition d'indemnisation des préjudices subis par son père, dans un délai de trois mois, le tribunal, qui a intégralement fait droit aux conclusions dont il était saisi, ne s'est pas mépris sur son office. 3. En deuxième lieu, eu égard au rôle dévolu au CIVEN par les dispositions législatives citées ci-dessous au point 7, et aux moyens d'investigation dont cet organisme dispose, le tribunal administratif n'a pas davantage méconnu son office en lui enjoignant de présenter à l'intéressé une proposition d'indemnisation au lieu de se prononcer lui-même sur l'évaluation des préjudices subis. Dès lors, l'administration n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée : 4. M. A... C..., militaire du contingent, a exercé ses fonctions d'aide-moniteur de sport au centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) à Mururoa et à Fangataufa, en Polynésie française, du 22 mai 1975 au 19 juillet 1976. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, du 5 juin 1975 au 11 juillet 1976, il a été procédé à quatre essais nucléaires souterrains réalisés à Moruroa et Fangataufa. M. A... C... a contracté une leucémie myéloblastique, diagnostiquée en 1995, qui a entraîné son décès en 1996 à l'âge de 39 ans. M. D... C... a adressé au ministre de la défense, une demande d'indemnisation des préjudices subis par son père décédé, en sa qualité d'ayant-droit, sur le fondement des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Par une décision du 17 mai 2013, le ministre a rejeté sa demande. Par sa requête, l'intéressé a demandé aux premiers juges d'annuler cette décision et d'enjoindre à l'Etat de faire procéder à l'indemnisation intégrale des préjudices subis par M. A... C... à la suite de son exposition aux rayonnements ionisants ayant causé son décès. 5. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, dans sa rédaction issue de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi (...). Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit (...) ". 6. Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : (...) entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française (...) ". 7. L'article 57 de la loi du 17 juin 2020 a rendu applicable le b du 2° du I de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 aux demandes déposées devant le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de cette loi du 28 décembre 2018, Dans leur rédaction issue de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, les dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relatives au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) énoncent que : " Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique (...) ". Il s'ensuit qu'est applicable au cas d'espèce la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2018. 8. Aux termes de l'article L.1333-2 du code de la santé publique : " Les activités nucléaires satisfont aux principes suivants : (...) 3° Le principe de limitation, selon lequel l'exposition d'une personne aux rayonnements ionisants résultant d'une de ces activités ne peut porter la somme des doses reçues au-delà des limites fixées par voie réglementaire, sauf lorsque cette personne est l'objet d'une exposition à des fins médicales ou dans le cadre d'une recherche mentionnée au 1° de l'article L. 1121-1. ". 9. Aux termes de l'article R. 1333-11 du même code : " Pour l'application du principe de limitation défini au 3° de l'article L. 1333-2, la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants résultant de l'ensemble des activités nucléaires est fixée à 1 mSv par an, à l'exception des cas particuliers mentionnés à l'article R. 1333-12 (...) ". 10. La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, modifiée par l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, a instauré une présomption de causalité au bénéfice de toute personne s'estimant victime des rayonnements ionisants provoqués par les essais nucléaires français dès lors qu'elle justifie souffrir d'une maladie inscrite sur la liste fixée par le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 et avoir séjourné dans l'une des zones géographiques et au cours d'une période déterminée par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Ainsi, le législateur a entendu qu'un demandeur, dès lors qu'il satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie, bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. En outre, cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que l'intéressé a reçu une dose inférieure à la limite prévue par la réglementation. 11. Il résulte de l'instruction que M. A... C... remplit les conditions de lieu, de temps et de maladie fixées par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 et le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014. Dès lors, il bénéficie de la présomption de causalité entre sa maladie et l'exposition à des rayonnements dus aux essais nucléaires français. 12. En premier lieu, si un risque de contamination externe est peu probable au regard du caractère souterrain des essais nucléaires effectués pendant le séjour de M. A... C..., qui n'était pas affecté à un poste de travail radiologiquement exposé, néanmoins, ce dernier n'a pas bénéficié d'une surveillance suffisante concernant les risques d'exposition interne permettant d'apprécier sa potentielle exposition totale. En effet, en l'absence de dosimétrie individuelle interne par tout examen de contrôle pratiqué sur l'intéressé pour les périodes comprises entre le 22 mai 1975 au 19 juillet 1976, période marquée, ainsi qu'il a été dit plus haut, par quatre essais nucléaires souterrains réalisés à Moruroa et Fangataufa, il ne peut être totalement exclu qu'il ait fait l'objet d'une contamination interne par quelque voie que ce soit. 13. Or, selon la procédure par laquelle le CIVEN apprécie le droit à indemnisation des victimes des essais nucléaires ayant présenté une demande en application de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, " le comité décide : - en cas de dosimétrie individuelle nulle, d'attribuer à chaque dosimètre, la valeur du seuil de détection (0,2 mSv) ; - en l'absence de dosimétrie individuelle, d'attribuer la valeur seuil pour chaque mois de présence lors des campagnes d'essais nucléaires atmosphériques (...) ". 14. Il s'ensuit que pour la période du 22 mai 1975 au 19 juillet 1976, période de présence de l'intéressé, ce dernier aurait dû se voir attribuer, de manière forfaitaire, une dose minimale de 2,8 millisieverts (mSv). Ainsi, M. A... C... a reçu une dose annuelle de rayonnements ionisants résultant des essais nucléaires français, supérieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants, soit un millisievert (mSv) par an. Et l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, n'établissant pas de manière formelle que M. A... C... a reçu, sur les périodes précitées, une dose efficace inférieure à cette limite posée par la réglementation, la présomption de causalité prévue par la loi n'est pas renversée de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que M. D... C... était fondé à soutenir que la décision du 17 mai 2013 du ministre de la défense est entachée d'excès de pouvoir. 15. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, annulé la décision du 17 mai 2013 et d'autre part, enjoint au CIVEN de présenter à M. D... C... une proposition d'indemnisation dans un délai de trois mois. Sur les frais liés au litige : 16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. D... C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le recours de la ministre des armées est rejeté. Article 2 : L'Etat (ministère des armées) versera à M. D... C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. D... C... et au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient : - M. B..., président, - M. Ury, premier conseiller, - Mme E..., première conseillère. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. 2 N° 16MA03129
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 7ème chambre, 15/10/2020, 19LY04055, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Grenoble d'annuler la décision du 1er août 2012, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision pour aggravation de pension militaire d'invalidité. Par un jugement du 21 janvier 2015, ce tribunal a renvoyé l'affaire au tribunal des pensions militaires de la Savoie, lequel, par un jugement du 1er juillet 2016, a fait droit à la demande de M. B.... Par un arrêt du 1er décembre 2017, la cour régionale des pensions de la Savoie, sur appel du ministre de la défense, a annulé ce jugement. Procédure devant la cour Par une décision n° 417107 du 12 juin 2019, le Conseil d'État, statuant en cassation, a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions du 1er décembre 2017 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon. Par un mémoire, enregistré le 13 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er septembre 2020, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de la Savoie du 1er juillet 2016 en tant qu'il a accordé à M. B... la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " baisse de l'acuité auditive bilatérale " ; 2°) de confirmer sa décision du 1er août 2012 en ce qu'a été rejetée la demande de révision de pension pour cette même infirmité. Elle soutient que : - le tribunal ne pouvait, sans erreur de droit, retenir les conclusions du rapport d'expertise du 30 novembre 2015 qui décrivait l'état de M. B... à cette date et non à celle de sa demande de révision de pension ; - l'expertise du 14 septembre 2011 établit tous les éléments d'appréciation pour fixer à 15 % le taux de la gêne fonctionnelle générée par l'hypoacousie bilatérale de M. B... à la date de sa demande de révision ; - en tout état de cause, l'hypoacousie d'origine traumatique n'a pu s'aggraver du fait du service depuis 1984, date de radiation des cadres de M. B... ; - la déficience auditive dont M. B... fait état depuis 2011 résulte de l'évolution physiologique normale ; - aucune aggravation de la perte de sélectivité ne peut être retenue au-delà du taux plafond de 10 % fixé par le guide-barème du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la ministre des armées ; 2°) de confirmer le jugement du tribunal des pensions militaires de la Savoie du 1er juillet 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'appréciation de l'aggravation de ses pertes auditives doit s'étendre sur la période du 8 février 1983 au 13 janvier 2011, le taux de son infirmité d'hypoacousie perceptive bilatérale ayant été rehaussé en dernier lieu à 25 % à cette première date ; - il établit l'aggravation de cette infirmité à compter de cette date ; - la valeur de ses pertes auditives résultant de la moyenne des constats effectués par les audiogrammes qu'il a subis conduit à un taux d'infirmité de 30 % conforme à celui retenu par l'expertise judiciaire du 30 novembre 2015 homologuée par le tribunal de première instance ; - il ne peut être soutenu médicalement que l'hypoacousie d'origine sono-traumatique n'est pas évolutive ; - le caractère indicatif du guide-barème exclut d'opposer le taux-plafond de 10 % à la perte de sélectivité. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Engagé volontaire dans l'armée de terre le 4 juillet 1952, M. A... B... a été radié sur sa demande des cadres au grade de lieutenant-colonel le 5 mai 1984. A la suite d'une blessure reçue en service le 5 mai 1972, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée par un arrêté du 19 mars 1985 au taux global de 50 % pour une baisse de l'acuité auditive bilatérale au taux, en dernier lieu, de 25 %, et pour des vertiges et des acouphènes, aux taux respectifs de 10 + 5 % et 10 + 10 %. Par une décision du 1er août 2012, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. B..., formée le 13 janvier 2011, tendant à la révision de sa pension pour aggravation des infirmités. Sur renvoi du tribunal des pensions militaires de Grenoble saisi initialement, et après avoir ordonné une expertise médiale conduite le 30 novembre 2015, le tribunal des pensions militaires de la Savoie, par un jugement du 1er juillet 2016, a fait droit à la demande de M. B... en fixant les taux d'invalidité respectivement à 45 % pour l'hypoacousie bilatérale, 15 % pour les acouphènes et sifflements bilatéraux, et 20 % pour les vertiges positionnels paroxystiques. Sur appel de la ministre des armées en tant que le tribunal avait fait droit aux demandes de M. B... de révision de sa pension pour aggravation de la baisse de l'acuité auditive bilatérale, la cour régionale des pensions militaires de la Savoie a annulé ce jugement par un arrêt du 1er décembre 2017, lui-même annulé sur pourvoi de M. B... par une décision du 12 juin 2019 du Conseil d'État statuant en cassation, qui a renvoyé l'affaire à la cour régionale des pensions de Lyon, laquelle l'a transférée à la cour en exécution du décret du 28 décembre 2018. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; (...). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " 3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " 5. L'arrêté initial du 19 mars 1985 concédant à l'intéressé une pension définitive, qui constate par ailleurs un droit à pension ouvert à compter du 30 juillet 1979, a reconnu que M. B..., à la suite d'une séance d'entraînement au tir de missiles le 5 mai 1972, était atteint, au titre d'une première infirmité, sous le n° 4073 de la nomenclature, d'hypoacousie bilatérale constituée pour première composante d'une perte auditive de 55 décibels (dB) à l'oreille droite et 35 db à l'oreille gauche, pour un taux d'invalidité de 15 %, et pour seconde composante d'une perte de sélectivité, pour un taux de 10 %, l'ensemble totalisant un taux de 25 % au titre de cette infirmité. 6. Il résulte de l'instruction, et notamment des bilans audiométriques réalisés le 21 juin 2011 par le docteur Barlatier, le 14 septembre 2011 par le docteur Benezeth, et le 28 juillet 2015 par l'expertise judiciaire du 30 novembre 2015, que les pertes auditives de M. B... ont été mesurées à ces dates respectives à 58 dB, 48,75 %, et 52,5 dB pour l'oreille droite, et 56 dB, 45% et 51,25 dB pour l'oreille gauche. Constatant dans son rapport le caractère superposable des courbes obtenues lors de ces différents examens, l'expert judiciaire, qui, contrairement à ce qu'affirme l'administration, s'est par sa méthode de rapprochement de l'ensemble de ces données et par les termes utilisés dans ses conclusions, placé à la date de la demande de l'intéressé, établit une altération marquée, particulièrement pour l'oreille gauche, des capacités auditives de M. B.... 7. Toutefois, d'une part, il n'est pas contesté qu'à la date de l'arrêté initial du 19 mars 1985 l'état de santé de M. B... consécutif à l'accident du 5 mai 1972 générateur de l'infirmité pensionnée, d'origine traumatique isolée, était consolidé sans qu'il n'allègue avoir été exposé, avant sa radiation des cadres, à un environnement de service susceptible de l'aggraver. 8. D'autre part, par la production d'éléments relatifs à des tiers ou des études générales, seulement susceptibles de montrer que les séquelles de traumatismes sonores ne régressent que très rarement dans le temps, il n'établit pas un caractère évolutif défavorable spontané de l'infirmité reçue en service à l'âge de trente-neuf ans. Enfin, nonobstant la circonstance qu'elle se produit sur un terrain déjà altéré, il n'apporte pas d'éléments qui infirmeraient l'attribution par l'expert de l'administration de l'étiologie de la dégradation de ses capacités auditives subsistantes au vieillissement physiologique documenté dans la science médicale. Par suite, M. B... n'établit pas le lien de filiation, au sens de l'article L. 121-2-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précité, entre les pertes de capacité auditives additionnelles à l'infirmité pensionnée dont il souffre et cette dernière. Dès lors, il n'est pas fondé à demander, à ce titre, l'annulation du refus du ministre de la défense du 1er août 2012 en tant qu'il a rejeté sa demande de révision à ce titre. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de la Savoie a annulé dans cette mesure la décision du 1er août 2012 en litige et fixé à 45 % le taux d'invalidité pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", dont 15 % pour perte de sélectivité. Par suite, le jugement du 1er juillet 2016 doit être annulé et les conclusions de M. B... rejetées, dont celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 16/00009 du 1er juillet 2016 du tribunal des pensions militaires de la Savoie est annulé en tant qu'il fixe à 45 % pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " (dont 15 % pour perte de sélectivité) le taux d'invalidité de M. B.... Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 1er août 2012 et à la révision du taux d'invalidité de son infirmité n° 4073 pour hypoacousie bilatérale fixé par l'arrêté du 19 mars 1985 sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Burnichon, premier conseiller. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. N° 19LY04055 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/10/2020, 19MA04847, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2017, M. D... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 17 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/00124 du 17 janvier 2019, le tribunal des pensions a rejeté la requête de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, sous le n° 19/00007, par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, M. B... demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 17 janvier 2019 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision de rejet de sa demande de pension d'invalidité et de lui reconnaitre un droit à pension au titre de l'infirmité " état dépressif majeur compliqué de conduites addictives. Personnalité sensitive " en appliquant le barème le plus favorable ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale judiciaire afin de déterminer l'imputabilité au service de son infirmité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que son état dépressif majeur est la conséquence de traumatismes psychologiques subis en opération extérieure (opération Licorne entre 2002 et 2003), d'un harcèlement professionnel subi au sein de sa compagnie et de l'inaptitude professionnelle du fait d'un accident de parachute entraînant une coxarthrose invalidante. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par des mémoires, enregistrés par la Cour le 20 novembre 2019 et le 26 mai 2020, la ministre des armées conclut à la confirmation du jugement précité 17 janvier 2019. Elle soutient que M. B... n'établit aucun lien entre son infirmité et le service, alors que les conditions de la présomption légale d'imputabilité ne sont pas réunies, et qu'une expertise ne présenterait aucune utilité. Par un mémoire, enregistré le 25 février 2020, M. B..., représenté par Me A..., maintient les conclusions présentées devant la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D... B..., né le 24 juin 1975, a souscrit un contrat d'engagement dans la Légion étrangère à compter du 28 juin 1999 et été rayé des contrôles de l'armée active le 29 juillet 2017, au grade de caporal-chef. Le 22 juillet 2015, il a formé une demande de pension militaire d'invalidité pour une dépression sévère. Par une décision du 17 juillet 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées et à ce qu'il lui soit concédé une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " état dépressif majeur compliqué de conduites addictives. Personnalité sensitive ". 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". 3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle-seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 4. M. B... soutient que son infirmité, évaluée au taux de 40%, dont 30 % imputables au service, par le docteur Aubry, psychiatre mandaté par l'administration pour examiner la dépression sévère dont il se prévaut, est la conséquence directe de plusieurs événements, qui relèvent tous du service. Il s'agit, d'abord, de traumatismes subis durant sa participation à l'opération extérieure Licorne, du 15 décembre 2002 au 29 mars 2003, et, ensuite, d'un accident de parachute survenu en juin 2002, ayant entraîné une coxarthrose de la hanche droite qui l'a rendu inapte à son poste de militaire " de terrain ", prétexte selon lui à un harcèlement moral de la part de ses camarades et de ses supérieurs hiérarchiques. Il fait valoir que son livret médical ne mentionne aucune pathologie psychiatrique avant son retour de l'opération Licorne, à l'occasion duquel est mentionnée " une baisse de moral qui doit être suivie ", et que la notion de troubles dépressifs apparaît de manière récurrente à compter de mai 2010. Il soutient, en outre, que la douleur, malencontreusement attribuée à sa hanche gauche, qui a été relevée lors d'une visite médicale le 24 juin 2002, mais n'a pas été prise en compte avant 2008, révèle un fait de service responsable de sa coxarthrose de la hanche droite. 5. Il résulte, toutefois, de l'instruction, que si le docteur Aubry note dans son rapport du 1er mars 2017 : " depuis un événement traumatique survenu en 1999 (accident pendant un saut, de nuit, en exercice) - décompensation dépressive (et peut-être sensitive) ", et conclut à un " état dépressif majeur, compliqué d'alcoolo-dépendance " et à l'existence d'une " personnalité sensitive ", cet événement traumatique de 1999 ne ressort d'aucune des pièces produites par M. B... au soutien de sa demande. En effet, lors de sa demande, M. B... datait le fait de service à l'origine de sa pathologie au 24 décembre 2004 alors que dans ses écritures devant le tribunal des pensions, il faisait état d'une douleur de la hanche gauche lors de la visite du 24 juin 2002, évoquant une " probable tendinopathie ou conflits névralgiques " mais qui ne présente aucune relation avec la coxarthrose de la hanche droite qui a été diagnostiquée en 2008. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été victime d'un quelconque harcèlement moral dans son régiment, la seule circonstance qu'il fasse référence à un supposé harcèlement lors de visites médicales ne suffisant pas à en établir la réalité. Enfin, si une " baisse de moral " a été notée au retour de l'intéressé de sa mission dans le cadre de l'opération Licorne en 2003, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir l'existence de traumatismes à l'origine de son état dépressif majeur, alors que, de surcroît, aucune autre référence à une quelconque dysthymie n'est mentionnée entre cette date et 2010. 6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de tout élément permettant d'apporter un début de preuve du rattachement entre des faits de service et l'infirmité au titre de laquelle il demande un droit à pension, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a refusé de faire droit à sa demande, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise médicale judiciaire pour déterminer l'imputabilité au service de l'infirmité. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient : - M. Badie, président de chambre, - M. Ury, premier conseiller, - Mme C..., première conseillère. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. 2 N°19MA04847
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/10/2020, 19MA05291, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 31 octobre 2017, Mme E... C... épouse F... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille qui a transmis cette demande au tribunal des pensions militaires de Nîmes, d'annuler la décision du 26 janvier 2015 par laquelle la caisse nationale militaire de sécurité sociale a refusé la prise en charge de frais de transport et d'hébergement pour une cure thermale à Lons-le-Saunier du 24 juillet au 12 août 2017. Par un jugement n° 18/00013 du 8 mars 2019, le tribunal des pensions militaires de Nîmes a reconnu un droit à prise en charge des frais d'hébergement mais non de l'intégralité de ses frais de transport et a infirmé la décision attaquée dans cette mesure, en condamnant l'Etat (ministère des armées) au versement des frais d'hébergement. Procédure devant la Cour : Par un recours, enregistré le 13 mai 2019, sous le n° 19/00008, par la Cour régionale des pensions militaires de Nîmes, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 8 mars 2019 et demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il reconnaît à Mme E... C... épouse F... un droit à prise en charge des frais d'hébergement. Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu à Mme E... C... épouse F... le droit à remboursement des frais d'hébergement dès lors que se trouve dans la ville où elle réside un établissement de cure thermale correspondant aux soins qui doivent lui être prodigués. Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour régionale des pensions militaires de Nîmes, le 26 septembre 2019, Mme E... C... épouse F..., représentée par Me D..., conclut à la confirmation du jugement du 8 mars 2019, et donc au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le tribunal a correctement interprété l'article D. 212-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, lequel renvoie à l'article D. 211-13 qui prévoit une limitation des seuls frais de transport dans le cas où le curiste ne choisit pas l'établissement le plus proche. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 juillet 2019, Mme E... C... épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me D..., représentant Mme F.... Considérant ce qui suit : 1. La ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Nîmes du 8 mars 2019 par lequel celui-ci a reconnu à Mme F..., à l'occasion d'une cure thermale à Lons-le-Saunier effectuée après accord de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, du 24 juillet au 12 août 2017, le droit à la prise en charge de ses frais d'hébergement. 2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l'ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée. ". Aux termes de l'article D. 212-8 du même code: " Outre la prise en charge des frais de surveillance médicale et de traitement dans les établissements thermaux, les pensionnés effectuant une cure thermale au titre de l'article L. 212-1 ont droit, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement sur justification de tels frais et au remboursement de leurs frais de transport dans les conditions fixées à l'article D. 211-13, sauf s'ils résident dans la commune où se trouve l'établissement de cure. Le montant de l'indemnité forfaitaire d'hébergement est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. Les pensionnés résidant dans l'immédiate proximité de la station thermale peuvent demander, soit la prise en charge de leurs frais de transport quotidien, sur la base du tarif le plus économique, s'ils se déplacent tous les jours pour se rendre sur leur lieu de cure, soit, s'ils ont choisi un hébergement dans la station pour la durée de la cure, le versement de l'indemnité forfaitaire d'hébergement, sur justification des frais, et le remboursement des frais de transport entre leur domicile et le lieu d'hébergement. " . Et aux termes de l'article D. 211-13 du même code : " Les frais de transport en matière de cure thermale sont pris en charge, quel que soit le moyen de transport utilisé, sur la base du tarif le plus économique, compte tenu des réductions dont les intéressés peuvent bénéficier à titre personnel. Lorsque selon l'avis du médecin chargé du contrôle des soins, le pensionné n'a pas choisi l'établissement thermal agréé, approprié à sa pathologie, le plus proche de son domicile ou de sa résidence provisoire, le remboursement des frais de transport est calculé par rapport au trajet qui aurait été effectué si l'établissement le plus proche avait été choisi. ". 3. Mme F... a choisi de réaliser sa cure à Lons-le-Saunier et non dans l'établissement de Camoins-les-Bains à Marseille où elle réside. Elle n'établit pas, par le seul certificat médical du 23 août 2018 qu'elle produit et qui fait état d'intolérances à l'eau soufrée, que ce choix serait motivé par des raisons médicales. Il est constant que ces deux stations thermales sont toutes les deux agréées pour les orientations thérapeutiques spécialisées en " rhumatologie ". Dans ces conditions, l'intéressée aurait pu effectuer sa cure dans un établissement situé dans la commune de son domicile. Par suite, en application des dispositions combinées des articles D. 212-8 et D.2 11-13 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et conformément à l'avis daté du 12 juin 2017 du médecin chargé du contrôle des soins, le remboursement des frais de transport ne pouvait être calculé que par rapport au trajet qui aurait été effectué si l'établissement thermal de Camoins-les-Bains avait été choisi par Mme F.... 4. Par ailleurs, il résulte clairement des dispositions précitées de l'article D. 212-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que les pensionnés effectuant une cure thermale, sauf s'ils résident dans la commune où se trouve un établissement de cure dans lequel ils peuvent bénéficier de soins, ont droit au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement sur justification des frais de surveillance médicale et de traitement. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme F... ne pouvait prétendre au versement de l'indemnité forfaitaire d'hébergement prévue par l'article D. 212-8 dès lors qu'elle réside à Marseille, dans la même commune où se trouve l'établissement thermal de Camoins-les-Bains et où elle aurait pu effectuer sa cure si elle n'avait fait un autre choix. Ainsi, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Sur les frais liés au litige : 6. Mme C... épouse F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Etant partie perdante à l'instance, ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 18/00013 du 8 mars 2019 du tribunal des pensions militaires de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 2 : Les conclusions de Mme F... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à Me D... et à Mme E... C..., épouse F.... Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient : - M. A..., président, - M. Ury, premier conseiller, - Mme B..., première conseillère. Lu en audience publique, le 15 octobre 2020. N°19MA05291 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 13/10/2020, 19NT04100, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement du 6 février 2015, le tribunal départemental des pensions de Maine et Loire a annulé, à la demande de l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Sarthe, le certificat émis par le directeur des services des retraites de l'Etat le 18 mars 2011 suspendant en totalité, à compter du 28 avril 2001, le versement des arrérages de la pension militaire d'invalidité de M. A..., dont les biens sont administrés depuis le 28 avril 2001, date de sa disparition, par l'UDAF. Par un arrêt du 7 avril 2017, la cour régionale des pensions d'Angers a, après avoir réformé le jugement du 6 février 2015 pour avoir retenu un motif d'annulation erroné en droit, confirmé l'annulation du certificat du 18 mars 2011 au motif que le directeur des services des retraites de l'Etat ne pouvait pas procéder à la suspension du versement des arrérages de pension d'invalidité de M. A... avant le 28 avril 2002. Par une décision n° 411142 du 17 mai 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé cet arrêt de la cour régionale des pensions d'Angers en tant qu'il retient la date du 28 avril 2002 comme date de suspension du paiement des arrérages de la pension de M. A.... Le Conseil d'Etat a ensuite renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour régionale des pensions de Rennes. En application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, cette juridiction a transmis l'affaire en l'état à la cour administrative d'appel de Nantes le 22 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires et des victimes de guerre ; - le décret n°2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1928, habitant la commune de Juigné (Sarthe), était titulaire d'une pension militaire d'invalidité accordée par un arrêté du 30 décembre 1960 avec effet à compter du 5 avril 1955 par suite d'une blessure subie en 1948 au cours de son service militaire et ayant entrainé une incapacité de 75 %. M. A... a disparu de son domicile le 28 avril 2001, son corps n'ayant été retrouvé dans la Sarthe que le 22 septembre 2017, date de la constatation de son décès. Auparavant, ayant été informé de cette disparition, le ministre de l'économie et des finances a mis fin, le 30 juin 2009, au versement de la pension militaire d'invalidité de M. A..., lequel avait continué à être assuré jusqu'à cette date. Puis, par un jugement du 25 mai 2010, le tribunal d'instance de La Flèche avait, sur le fondement de l'article 112 du code civil, constaté que ce pensionné se trouvait en état de présomption d'absence et avait désigné l'UDAF de la Sarthe pour le représenter et administrer ses biens. Par un arrêté du 18 mars 2011, le directeur du service des retraites de l'Etat a suspendu en totalité le paiement des arrérages de la pension à compter du 28 avril 2001 puis le 5 mai 2011, le trésorier-payeur général de la Loire-Atlantique a émis un titre de perception afin de recouvrer la somme de 30 680 euros correspondant au montant des arrérages de la pension militaire d'invalidité versée à M. A... pendant la période du 28 avril 2001 au 30 janvier 2009. Par un jugement du 6 février 2015, le tribunal départemental des pensions du Maine-et-Loire a annulé l'arrêté du 18 mars 2011 en raison du non-respect des dispositions de l'article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000. Par un arrêt du 7 avril 2017, la cour régionale des pensions militaires d'Angers a, après avoir réformé ce jugement du tribunal des pensions militaires du Maine-et-Loire en censurant le motif initialement retenu par les premiers juges, a cependant prononcé l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2011 en tant qu'il a suspendu le paiement des arrérages de la pension à compter du 28 avril 2001 et non du 28 avril 2002. Par une décision du 17 mai 2019, le Conseil d'Etat a censuré la solution ainsi retenue par le juge d'appel et a renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour régionale des pensions d'Angers, laquelle l'a transférée à la cour en application des dispositions du décret du 28 décembre 2018 visé ci-dessus. 2. Aux termes de l'article L. 66 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version alors en vigueur : " Lorsqu'un pensionné a disparu de son domicile et que plus de trois ans se sont écoulés sans qu'il ait réclamé les arrérages de sa pension, son conjoint ou les enfants âgés de moins de vingt et un ans qu'il a laissés peuvent obtenir, à titre provisoire, la liquidation des droits de réversion qui leur seraient ouverts ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un pensionné disparaît de son domicile et que plus de trois ans s'écoulent à compter soit de la première échéance non acquittée soit, si le paiement des arrérages n'a pas été interrompu du fait de la disparition du pensionné, à compter de la première échéance qui suit cette disparition, celle-ci entraîne, à titre provisoire, l'ouverture de droits propres au profit de ses ayants cause. L'ouverture de ces droits propres a pour conséquence nécessaire la suspension, à compter de la date à laquelle ils sont ouverts, des droits propres du pensionné. Dans ces conditions, le directeur du service des retraites a pu, à bon droit, décider, par l'arrêté critiqué du 18 mars 2011, que la suspension du paiement de la pension militaire d'invalidité de M. A... prendrait effet à compter du 28 avril 2001, date de la disparition de ce dernier. 3. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 février 2015, le tribunal départemental des pensions de Maine-et-Loire a annulé l'arrêté du 18 mars 2011 en tant qu'il prenait effet à compter du 28 avril 2001. DECIDE : Article 1er : Le jugement du 6 février 2015 du tribunal départemental des pensions de Maine-et-Loire est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2011 suspendant le versement des arrérages de la pension militaire de M. A... à compter du 28 avril 2001. Article 2 : La demande de l'UDAF de la Sarthe tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2011, dans la mesure mentionnée à l'article 1er, est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'Union départementale des associations familiales de la Sarthe. Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gélard, premier conseiller, - Mme B..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 13 octobre 2020. Le rapporteur, F. B... Le président, O. COIFFET La greffière, E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT04100
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 9ème chambre, 19/10/2020, 436620, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 mai, le 27 août, le 4 septembre et le 20 novembre 2018, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 avril 2018 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a rejeté sa demande de révision de sa pension en lui refusant d'inclure dans les bases de liquidation de sa pension de retraite la bonification d'ancienneté pour son enfant prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par un jugement n° 1802383 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 10 décembre 2019 et 10 mars 2020, M. B... A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision du 5 juin 2020 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la suite de sa radiation des cadres de l'armée d'active pour faire valoir ses droits à la retraite, M. B... A... a demandé la révision de sa pension de retraite afin que soit prise en compte, dans les bases de liquidation, la bonification d'ancienneté prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2018 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a rejeté sa demande de révision. 2. Aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions. " Aux termes de l'article L. 12 ter du même code, dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " Les fonctionnaires, élevant à leur domicile un enfant de moins de vingt ans atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois, dans la limite de quatre trimestres ". 3. En instituant la bonification d'ancienneté pour enfant handicapé prévue à l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite, le législateur a, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de la loi du 21 août 2003, entendu faire bénéficier de cet avantage tous les fonctionnaires, y compris les fonctionnaires militaires. 4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que M. A... ne pouvait bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires au motif que cet avantage n'avait été étendu aux militaires que par l'article 25 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que, en refusant d'accorder à M. A... la bonification prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa version issue de la loi du 21 aout 2003 susvisée au motif que cet avantage était réservé aux fonctionnaires civils, le ministre a commis une erreur de droit. M. A... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 5 avril 2018 rejetant sa demande de révision de pension. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La décision du 5 avril 2018 du ministre de l'action et des comptes publics est annulée. Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.ECLI:FR:CECHS:2020:436620.20201019
Conseil d'Etat
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 30/07/2020, 19DA01489
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A..., par deux requêtes distinctes, a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er septembre 2016 par laquelle le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé sa mise à la retraite d'office pour atteinte de la limite d'âge, ensemble la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au même recteur de réexaminer sa situation, de le réintégrer en situation d'activité au sein de l'école de Breteuil et de reconstituer sa carrière ainsi que ses relevés de pension et d'autre part de condamner l'Etat à lui verser la somme de 222 810 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises dans la gestion de sa carrière et notamment sa mise à la retraite d'office, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement commun n° 1700500, 1701149 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 1er septembre 2016 portant mise à la retraite d'office et rétroactive pour limite d'âge de M. A..., ensemble la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux, et a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence et a renvoyé l'intéressé devant le recteur de l'académie d'Amiens pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit au titre de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention de l'arrêté du 1er septembre 2016 jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique en exécution du jugement. Le tribunal a aussi enjoint au recteur de l'académie d'Amiens de réintégrer juridiquement M. A... et de procéder à sa reconstitution de carrière et de ses droits sociaux, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Il a enfin mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des requêtes. Procédure devant la cour : I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juin 2019 et le 15 mai 2020, sous le n° 19DA01489, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour d'annuler les articles 1er à 4 de ce jugement. ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2019 et le 2 avril 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas reconnu la faute au titre du manquement au droit à l'information sur les retraites prévues par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et en ce qu'il n'a pas reconnu l'intégralité du préjudice qu'il a subi du fait des fautes de l'Etat et limité son préjudice moral à 2 000 euros ; 3°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, au titre du préjudice moral et du trouble dans ses conditions d'existence du fait de l'ensemble des fautes commises par le ministre de l'éducation nationale ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- II. Par une requête, enregistrée le 29 juin 2019, sous le n°19DA01505 M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour : 1°) à la réformation du jugement du 26 mars 2019 en ce qu'il n'a pas reconnu la faute au titre du manquement au droit à l'information sur les retraites prévue par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et en ce qu'il n'a pas reconnu l'intégralité de son préjudice du fait des fautes de l'Etat, en limitant son préjudice moral à la somme de 2 000 euros ; 2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, représentant le préjudice moral et le trouble dans ses conditions d'existence qu'il a subis du fait de l'ensemble des fautes commises par le ministre de l'éducation nationale ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ; - le décret n° 54-832 du 13 août 1954 ; - le décret n° 2009-1052 du 26 août 2009 ; - le décret n°2009-1744 du 30 décembre 2009 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ; - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ; - et les observations de Me B..., représentant M. C... A.... Des notes en délibéré présentées par Me B... pour M. A... ont été enregistrées dans les requêtes sous les ns°19DA01489 et 19DA01505 le 25 juin 2020. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui est né le 21 mars 1956, a été recruté comme fonctionnaire à compter du 20 octobre 1986, dans le corps des instituteurs. Par un arrêté du recteur de l'académie d'Amiens du 1er septembre 2016, il a été admis à la retraite pour atteinte de la limite d'âge, avec effet au 22 mars 2016. M. A... a formé un recours gracieux contre cet arrêté, rejeté par une décision du 17 novembre 2016. Par une première requête enregistrée sous le n°1700500, M. A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2016 et la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux. Il a par la suite adressé au ministre de l'éducation nationale une demande indemnitaire préalable le 24 janvier 2017, qui a été implicitement rejetée. Par une seconde requête enregistrée sous le n°1701149, M. A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 222 810 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 26 mars 2019, le tribunal administratif a partiellement fait droit à ses demandes. D'une part, le tribunal a annulé l'arrêté du 1er septembre 2016 ainsi que la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux, et a enjoint au recteur de l'académie d'Amiens de réintégrer juridiquement M. A... puis de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. D'autre part, il a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence. Il a également renvoyé M. A... devant le recteur de l'académie d'Amiens pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit au titre de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention de l'arrêté du 1er septembre 2016 jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique en exécution du jugement. Par la première requête susvisée, enregistrée sous le n° 19DA01489, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse relève appel de ce jugement et demande l'annulation des articles 1er à 4 du jugement. En défense, M. A... a formé des conclusions d'appel incident identiques à celles qu'il a présentées dans le cadre de sa requête d'appel principal. Par la seconde requête susvisée, enregistrée sous le n°19DA01505, M. A... demande la réformation du même jugement en ce qu'il n'a pas retenu la faute de l'Etat résultant du manquement au droit à l'information sur les retraites prévues par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande de réparation de ses préjudices. Il demande aussi que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qu'il a subis. Sur la jonction : 2. Les requêtes susvisées n°19DA01489 et n°19DA01505, présentées par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et par M. A..., concernent la situation d'un même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement. Sur la régularité du jugement : 3. Le tribunal administratif d'Amiens a omis de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie d'Amiens dans l'affaire n° 1700500, tirée de la tardiveté de la requête de première instance. Si le tribunal administratif a bien mentionné cette fin de non-recevoir dans les visas du jugement, il a toutefois omis de l'examiner expressément, alors qu'il a annulé les décisions contestées. 4. Le tribunal administratif ne peut, à peine d'irrégularité de son jugement, faire droit à une demande dont il est saisi sans avoir écarté un moyen invoqué en défense. Le jugement est donc irrégulier. Toutefois, cette irrégularité ne porte que sur une partie divisible des conclusions dont les premiers juges étaient saisis. En principe, à la différence du défaut de réponse à une partie des conclusions, le défaut de réponse à un moyen entraîne l'annulation totale du jugement. Il en va autrement lorsque, comme en l'espèce, le moyen auquel il n'a pas été répondu a été présenté à l'appui de conclusions divisibles. En l'espèce, la fin de non-recevoir sur laquelle le tribunal administratif a omis de se prononcer se rattache aux conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., et non à ses conclusions indemnitaires. Les deux types de conclusions étaient d'ailleurs présentés, en première instance, par deux requêtes distinctes. 5. Il n'y a donc lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens qu'en tant qu'il a statué sur les conclusions aux fins d'annulation et celles accessoires à fin d'injonction, ce qui conduit la cour, dès lors, à annuler uniquement son article 1er, par lequel il a annulé l'arrêté du 1er septembre 2016 et la décision du 17 novembre 2016 rejetant le recours gracieux de M. A... et son article 3 par lequel il a accueilli ses conclusions accessoires à fin d'injonction, en enjoignant au recteur de l'académie d'Amiens de le réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière. Par voie de conséquence, il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation partielle sur les demandes de première instance de M. A... à fin d'annulation et d'injonction, c'est-à-dire celles de sa requête enregistrée devant le tribunal administratif sous le n° 1700500, et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel pour le surplus, à savoir pour le volet indemnitaire du litige. Sur les conclusions à fin d'annulation : 6. La cour statue par la voie de l'évocation partielle sur les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2016 portant mise à la retraite d'office et rétroactive pour limite d'âge et de la décision du 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux. En ce qui concerne l'examen de la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie d'Amiens et tirée de la tardiveté de ces conclusions : 7. L'arrêté du 1er septembre 2016 en litige a été notifié à M. A... le 9 septembre 2016. Cette notification portait mention des délais et voies de recours contentieux, conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative. M. A... a formé un recours gracieux contre cet arrêté dans le délai de recours, le 23 septembre 2016. Si le recours gracieux de M. A... a été rejeté par une décision du 17 novembre 2016, qui lui a été notifiée le 7 décembre 2016, le délai de recours de deux mois a recommencé à courir, la mention des voies et délais de recours dans la décision initiale suffisant à faire courir les délais à l'égard de la décision de rejet du recours gracieux, même si la notification de cette dernière le 7 décembre 2016 ne comportait pas les mentions requises. Le délai de recours a donc recommencé à courir, en l'espèce, à compter du 8 décembre 2016, pour s'achever le 8 février 2018 à minuit. A cet égard, l'article 18 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, prévoit expressément que l'obligation d'accuser réception des demandes des administrés n'est pas applicable aux relations de l'administration avec ses agents, de sorte que l'absence d'accusé de réception ne peut faire obstacle à l'expiration du délai de recours de deux mois applicable à ces derniers. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a adressé une première requête aux fins d'annulation, enregistrée le 11 janvier 2017 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, dans le délai de recours contentieux. Par une lettre du 18 janvier 2017, accusant réception de sa requête, le greffe du tribunal administratif d'Amiens lui a toutefois demandé de la régulariser dans le délai de 15 jours, car elle n'était, selon le greffe, pas régulière au regard des obligations liées à l'usage de l'application Télérecours quant aux signets utilisés pour les pièces jointes, en application des dispositions des articles R. 412-2 et R. 414-3 du code de justice administrative. M. A... n'a donné aucune suite à cette demande, dans le délai de 15 jours qui lui avait été imparti. La présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a alors pris une ordonnance le 17 février 2017, rejetant cette première requête pour irrecevabilité manifeste. M. A... n'a pas contesté cette ordonnance, qui lui a été notifiée le 24 février suivant. Son conseil s'est contenté d'un échange téléphonique avec le greffe, suivi d'un courrier adressé au greffe postérieurement à la notification de cette ordonnance, ce qui ressort de la lettre du 27 février 2017 qu'il a également adressée au greffe du tribunal, dans laquelle il fait référence à cet échange téléphonique et à la notification le 24 février 2017 de l'ordonnance du 17 février 2017. 9. Ensuite, M. A... a déposé une deuxième requête, enregistrée au greffe du tribunal le 27 février 2017, après l'expiration du délai de recours contentieux le 8 février 2017, qui était tardive. Les premiers juges ont pourtant ignoré les éléments précisés au point 7, en considérant implicitement, ce qui ne correspond pas à la réalité, que la date d'enregistrement de la requête était le 11 janvier 2017, ainsi que cela ressort clairement des visas du jugement en litige n° 1700500, alors que la première requête de M. A..., enregistrée le 11 janvier 2017, avait donné lieu à une décision juridictionnelle devenue définitive, s'agissant de l'ordonnance précitée du 17 février 2017 qui a nécessairement dessaisi le tribunal administratif du premier litige. Par suite, la requête sur laquelle la cour est appelée à statuer est nécessairement celle enregistrée le 27 février 2017, qui était tardive, comme le fait valoir le recteur de l'académie d'Amiens, et donc irrecevable. Il y a lieu par suite de rejeter pour ce motif les conclusions d'annulation et d'injonction présentées par M. A... à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 1700500 devant le tribunal administratif d'Amiens. Sur les conclusions indemnitaires : 10. Dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu d'examiner les conclusions indemnitaires présentées par M. A..., en examinant cette fois-ci les arguments des deux requêtes d'appel, celle du ministre de l'éducation et celle de M. A..., tant à titre incident, en défense de la première requête, que dans la requête d'appel principal dont est saisie la cour. En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation : 11. Le ministre oppose une fin de non-recevoir selon laquelle un fonctionnaire n'est pas recevable à former des conclusions indemnitaires, en se fondant exclusivement sur l'illégalité d'une décision expresse définitive à objet purement pécuniaire, pour réclamer l'allocation de la même somme. Toutefois, l'arrêté du recteur de l'académie d'Amiens du 1er septembre 2016 en litige, admettant M. A... à la retraite pour atteinte de la limite d'âge à compter du 22 mars 2016, ne constitue pas une décision à objet purement pécuniaire. La fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée. En ce qui concerne les fautes de l'Etat : 12. D'une manière générale, à partir d'un certain âge, tout fonctionnaire ou agent contractuel est mis d'office à la retraite. Cet âge limite d'activité varie en fonction de la catégorie de l'emploi : active, c'est-à-dire lorsque l'emploi présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles, ou est sédentaire. Toutefois, certains agents, fonctionnaires et contractuels, peuvent poursuivre, sous conditions, leur activité professionnelle au-delà de cet âge limite d'activité. En l'espèce est en cause la question de la limite d'âge pour le corps des instituteurs. 13. Tout d'abord, le ministre de l'éducation et de la jeunesse conteste le fait que les premiers juges aient retenu une faute de l'Etat, résultant de l'inconventionalité de la réglementation nationale qui fixe à 60 ans la limite d'âge pour le corps des instituteurs. La directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail a pour objet, en vertu de ses articles 1er et 2, de proscrire les discriminations professionnelles directes et indirectes, y compris les discriminations fondées sur l'âge. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, elle ne consacre pas elle-même le principe de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, mais se borne à le mettre en œuvre. Ainsi, le principe de non-discrimination en fonction de l'âge doit être considéré comme un principe général du droit communautaire. 14. Les mesures d'âge peuvent être cependant justifiées dans trois hypothèses. D'abord, l'article 2, paragraphe 5, dispose que la directive " ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Ensuite, aux termes de l'article 4, paragraphe 1, les Etats membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement ne constitue pas une discrimination " lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée. ". Enfin, l'article 6, paragraphe 1, consacré spécifiquement aux différences de traitement fondées sur l'âge, permet aux Etats membres d'en instituer " lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. ". 15. Dans un arrêt du 12 janvier 2010 (aff. C-229/08), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une limite d'âge inférieure au droit commun constitue une différence de traitement selon l'âge affectant les conditions d'emploi et de travail au sens des dispositions précitées des articles 1er et 2 de la directive 2000/78 CE du Conseil du 27 novembre 2000. La Cour précise néanmoins qu'une telle mesure peut cependant être justifiée si elle est nécessaire, aux termes du paragraphe 5 de l'article 2 de la directive, notamment à la sécurité publique ou si, en vertu du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive, elle est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l'emploi et constitue un moyen approprié et nécessaire pour atteindre ces objectifs. 16. S'agissant ensuite de la législation et de la réglementation nationales, aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires : " Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'annexe de ce code prévoit que les instituteurs sont placés dans une catégorie active, conformément à l'article 1er du règlement d'administration publique du 2 février 1937 pour l'exécution de l'article 75 de la loi du 31 mars 1932 et détermine les emplois classés dans la catégorie B (risque particulier ou fatigues exceptionnelles). La limite d'âge applicable à cette catégorie est de soixante ans. 17. Cette limite d'âge de 60 ans est donc dérogatoire au droit commun mentionné à l'article 1er de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public qui dispose que : " Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'Etat est fixée à soixante-sept ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans. (...) ". Le corps des professeurs des écoles n'a pas été classé en catégorie active et relève de cette limite d'âge de droit commun. 18. Tout justiciable peut, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. Lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 19. En l'espèce, M. A... apporte des éléments suffisants susceptibles de faire présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement des personnes. En réponse, le ministre chargé de l'éducation se borne à faire valoir devant la cour que la différence de traitement selon l'âge est justifiée dès lors que les membres du corps des instituteurs ne se trouveraient pas dans une situation objectivement comparable à celle des membres des autres corps enseignants et notamment du corps des professeurs des écoles. Il ajoute que cette différence de traitement, qui est nécessaire à la protection de la santé des membres du corps des instituteurs, est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l'emploi et constitue un moyen approprié et nécessaire pour atteindre ces objectifs au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive. Le ministre ne démontre cependant pas quelle pourrait être la différence de situation objective entre ces deux corps qui justifierait une telle différence de traitement, ni en quoi la protection de la santé des membres du corps des instituteurs serait en jeu plus que pour les professeurs des écoles, ni encore en quoi une différence de traitement fondée sur l'âge serait en l'espèce objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif relevant de la politique sociale ou de l'emploi. Sur ce dernier point, toutefois les moyens de réaliser cet objectif doivent être appropriés et nécessaires et les Etats membres jouissent d'une certaine latitude. 20. Les Etats membres disposent d'une large marge d'appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et de l'emploi. Sont ainsi acceptés les dispositifs de mise à la retraite d'office des travailleurs ayant atteint l'âge permettant la liquidation d'une retraite de type contributif, dans le cadre d'une politique nationale visant à promouvoir l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations. Un tel objectif de répartition des emplois entre générations est d'ailleurs largement admis dans l'objectif d'établir une structure d'âge équilibrée afin de favoriser l'embauche et la promotion des jeunes. Il résulte des dispositions de l'article 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier par son arrêt n° C-411/05 du 16 octobre 2007 et ses arrêts n° C-159/10 et n° C-160/10 du 21 juillet 2011, qu'au nombre de ces objectifs légitimes figure, compte tenu de la marge d'appréciation dont disposent les Etats membres en matière de politique sociale, la politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations. Un tel objectif justifie objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge, telle que l'existence d'une limite d'âge plus basse pour un cadre d'emplois. En l'espèce, le ministre chargé de l'éducation pas plus qu'en première instance, n'apporte aucun commencement d'un début d'explication à cet égard. M. A... est donc fondé à soutenir que la limite d'âge de soixante ans qui s'applique aux instituteurs est incompatible avec l'objectif de non-discrimination en fonction de l'âge prévu par la directive du 27 novembre 2000, dès lors que cette mesure n'est pas nécessaire, notamment, à la sécurité publique, ni n'est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l'emploi. 21. Par conséquent, il appartenait au recteur de l'académie d'Amiens d'écarter l'application des règles de droit national prévoyant une limite d'âge à 60 ans pour les instituteurs, de sorte que M. A... est fondé à soutenir que tant de l'arrêté du 1er septembre 2016 que la décision 17 novembre 2016 rejetant son recours gracieux sont illégaux pour ce motif. Cette illégalité constitue une première faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard. 22. Ensuite, M. A... n'a été informé de sa mise à la retraite d'office que par un courrier du 18 juillet 2016, peu de temps avant la rentrée scolaire, alors que cette mesure avait un effet rétroactif au 22 mars 2016. Dans ces conditions, M. A... est aussi fondé à soutenir que l'Etat a commis une deuxième faute dans sa manière de gérer sa mise à la retraite d'office, de nature à engager sa responsabilité, ce qui a été jugé à bon droit par le tribunal administratif et n'est pas contesté devant la cour par le ministre de l'éducation et de la jeunesse. 23. Pour le reste, M. A... fait valoir une troisième faute de l'Etat résultant du manquement au droit à l'information sur les retraites prévu par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, qui prévoit dans sa rédaction applicable : " I.- Les assurés bénéficient gratuitement d'un droit à l'information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes. / (...) III.- Toute personne a le droit d'obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l'ensemble des droits qu'elle s'est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires. / Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d'adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l'assuré au regard de l'ensemble des droits qu'il s'est constitués dans ces régimes. L'assuré bénéficie d'un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l'informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d'échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés. /IV.- Dans des conditions fixées par décret, à partir d'un certain âge et selon une périodicité déterminée par le décret susmentionné, chaque personne reçoit, d'un des régimes auquel elle est ou a été affiliée, une estimation indicative globale du montant des pensions de retraite auxquelles les durées d'assurance, de services ou les points qu'elle totalise lui donnent droit, à la date à laquelle la liquidation pourra intervenir, eu égard aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur. Cette estimation indicative globale est accompagnée d'une information sur les dispositifs mentionnés aux articles L. 161-22, L. 351-15 et L. 241-3-1. (...) ". 24. Aux termes de l'article R. 161-2-1-8 de ce code, encore dans sa rédaction applicable : " Sous réserve de l'application des dispositions du 2° de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en œuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), l'estimation mentionnée à l'article D. 161-2-1-7 est adressée, à l'initiative des organismes ou services, aux bénéficiaires atteignant, à partir du 1er juillet 2011, chaque année, l'âge de 55 ans. / La périodicité mentionnée au huitième alinéa de l'article L. 161-17 est fixée à cinq ans à compter de l'âge fixé au premier alinéa du présent article. / Les dispositions du sixième alinéa de l'article D. 161-2-1-5 et celles du II et du III de l'article D. 161-2-1-6 relatives à l'envoi du relevé de situation individuelle sont applicables à l'envoi de l'estimation. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 26 août 2009 portant création du service des retraites de l'Etat : " (...) II. - Le service des retraites de l'Etat est responsable du processus de gestion des pensions de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat. A ce titre : / 1° Il tient les comptes individuels de retraite, y enregistre et contrôle les droits à pension et assure l'information des ressortissants du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, notamment au regard du droit à l'information sur les retraites ; (...) ". 25. M. A... soutient à nouveau qu'il n'a pas bénéficié des informations prévues par les dispositions précitées. Cette affirmation, qui n'est pas non plus infirmée par les pièces du dossier, n'est pas sérieusement remise en cause en défense, de sorte qu'il est établi que l'Etat a aussi commis une troisième faute à cet égard. En ce qui concerne le lien de causalité : 26. S'agissant du lien de causalité entre les trois fautes susvisées et les préjudices invoqués par M. A..., la première faute résultant de l'édiction de l'arrêté du 1er septembre 2016 plaçant M. A... à la retraite d'office, par application des dispositions nationales fixant la limite d'âge du corps des instituteurs, alors que ces dispositions méconnaissent les dispositions de la directive précitée du 27 novembre 2000, présente un lien de causalité direct et certain avec l'ensemble des préjudices invoqués par l'intéressé. M. A... n'a pas lui-même commis une faute à l'origine de ses préjudices, comme l'allègue le ministre chargé de l'éducation, en soutenant que la différence de traitement dont se plaint le requérant a été créée de son propre fait puisqu'il lui aurait été loisible d'intégrer le corps des professeurs des écoles prévu par le décret n° 90-680 du 1er août 1990, dès lors que le ministre n'offre même pas de démontrer que M. A... aurait eu une chance sérieuse d'intégrer ce corps. Une telle faut n'étant pas établie, elle ne peut dès lors exonérer l'Etat de sa responsabilité, même partiellement. 27. Pour ce qui concerne la deuxième faute de l'Etat, résultant de la mauvaise manière de gérer la mise à la retraite d'office de M. A..., il n'existe pas de lien de causalité direct entre cette faute et les pertes de revenus dont il demande l'indemnisation, qui ont trait à sa date de départ à la retraite pour atteinte de la limite d'âge et cela n'est pas contesté par M. A... devant la cour. En revanche, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qu'il invoque par ailleurs sont imputables à cette faute. 28. Enfin, le tribunal administratif a considéré, s'agissant de la troisième faute invoquée, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'absence d'information délivrée par le service des retraites de l'Etat et la mise à la retraite d'office de M. A.... L'article 1-1 de de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public prévoit à cet égard que : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. (...) ". L'article 1-3 de la même loi dispose quant à lui : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique. (...) " et aux termes du I de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 : " La demande de prolongation d'activité est présentée par le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge. Il en est accusé réception. / La demande est accompagnée d'un certificat médical appréciant, au regard du poste occupé, l'aptitude physique de l'intéressé. Il est délivré par le médecin agréé prévu à l'article 1er du décret du 14 mars 1986 susvisé ou, le cas échéant, lorsque les statuts particuliers le prévoient, par le médecin habilité à apprécier l'aptitude physique du fonctionnaire. (...) ". 29. M. A... soutient que le défaut d'information sur ses droits à la retraite l'a empêché de demander son maintien en activité dans les délais prévus par les dispositions précitées. Toutefois, le défaut d'information, qui présente un caractère fautif, ne présente pas un lien de causalité avec le fait qu'il n'a pas demandé son maintien en activité dans les délais impartis. En effet, comme le faisait d'ailleurs valoir le recteur de l'académie d'Amiens en première instance, les informations contenues dans les documents qui auraient être adressés à M. A... sont déterminées par l'article D. 161-2-1-4 précité du code de la sécurité sociale. Or, ni parmi ces éléments d'information, ni parmi les données mentionnées à l'article R. 161-11 du même code dans sa rédaction applicable, auxquelles il est renvoyé, il n'est prévu que ces informations précisent la limite d'âge applicable à la situation de l'intéressé ou les conditions pour bénéficier d'un report de limite d'âge ou d'un maintien en activité. Dans ces conditions, la troisième faute de l'Etat, pour non transmission des informations précitées, ne présente pas un lien de causalité direct avec les préjudices invoqués par M. A.... Sur l'indemnisation du préjudice : En ce qui concerne le préjudice matériel : 30. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. 31. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction. La réparation intégrale du préjudice de l'intéressé peut également comprendre, à condition qu'il justifie du caractère réel et certain du préjudice invoqué, celle de la réduction de droits à l'indemnisation du chômage qu'il a acquis durant la période au cours de laquelle il a été employé du fait de son éviction de son emploi avant le terme contractuellement prévu. 32. Le tribunal administratif d'Amiens a d'abord jugé, à l'article 2 du jugement attaqué, que M. A... est en droit d'être indemnisé de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention illégale de l'arrêté du 1er septembre 2016 le plaçant d'office à la retraite jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique en exécution du jugement qui a annulé cet arrêté. La situation est différente devant la cour, qui ne peut annuler l'arrêté du 1er septembre 2016 compte tenu de la tardiveté de la requête de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté, qui demeure dans l'ordonnancement juridique, ce qui exclut la reconstitution de la carrière de M. A... ainsi que la réintégration de ce dernier par voie de conséquence d'un telle annulation. Si l'article 2 du jugement attaqué, en tant qu'il a renvoyé M. A... devant le recteur de l'académie d'Amiens pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit au titre de la perte de revenus qu'il a subie du fait de l'intervention de l'arrêté du 1er septembre 2016, jusqu'à sa réintégration dans les cadres de la fonction publique, ne peut être confirmé, puisqu'il n'y aura pas de réintégration, il n'y a pas lieu de l'annuler purement et simplement comme le demande le ministre de l'éducation et de la jeunesse, dès lors qu'en raison de sa mise à la retraite d'office illégale par application d'une limite d'âge inconventionnelle, et compte tenu du lien de causalité direct entre cette illégalité et les préjudices invoqués, M. A... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, et notamment à être indemnisé des pertes de revenus qu'il aurait eu une chance sérieuse de percevoir sur la période en cause. 33. S'agissant de la détermination de la période d'éviction et donc d'indemnisation à prendre en compte, la date à laquelle débute cette période est nécessairement la date d'effet de l'arrêté illégal du 1er septembre 2016 plaçant d'office M. A... à la retraite à compter du 22 mars 2016. Il n'y a pas lieu d'aller jusqu'à la date à laquelle M. A... aurait atteint la limite d'âge de mise à la retraite en application du droit commun, soit 67 ans compte tenu de sa date de naissance en 1956, pour ne pas indemniser un préjudice seulement éventuel. M. A... ne justifiant pas d'une chance sérieuse de percevoir des revenus à un horizon aussi lointain, le terme de la période à prendre en compte peut être fixé à la date à laquelle il aurait lui-même souhaité poursuivre son activité, soit jusqu'à l'âge de 62 ans. M. A... pourrait ainsi prétendre au versement de cette somme en réparation du préjudice résultant de ses pertes de revenus sur la période considérée, soit, compte tenu des montants respectifs de son traitement mensuel brut de 2398,90 euros, la somme de 2039 euros nets, et du montant net de la pension qui lui est servie depuis le 22 mars 2016, la somme de 1 239 euros. Il justifierait dès lors d'un préjudice de 800 euros nets du 22 mars 2016 au 22 mars 2018, pendant 24 mois, auquel s'ajouterait un autre préjudice matériel tiré de la minoration de sa pension de retraite comme il l'a soutenu en première instance. 34. Toutefois, M. A... limite ses demandes indemnitaires en cause d'appel à la somme de 10 000 euros, en se bornant à critiquer l'évaluation faite par les premiers juges des autres préjudices invoqués, à savoir le préjudice moral et celui résultant des troubles dans ses conditions d'existence. Le tribunal administratif les a évalués à la somme de 2 000 euros. Dès lors qu'il ne fait pas valoir d'éléments nouveaux devant la cour, cette somme de 2 000 euros correspond à une juste appréciation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. La cour ne pouvant pas statuer ultra petita sur les conclusions indemnitaires, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, elle ne peut allouer à M. A... une somme supérieure à la somme de 10 000 euros. M. A... n'étant de surcroît pas susceptible d'être réintégré, puisqu'il n'est pas recevable à demander l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2016 le plaçant d'office à la retraite, il n'y a donc pas de possibilité de fixer avec certitude la fin de la période d'éviction. Il y a lieu dès lors d'allouer à M. A..., pour la réparation intégrale de son préjudice, une indemnisation forfaitaire tous préjudices et intérêts confondus. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et notamment du calcul du préjudice matériel hypothétique de M. A..., en supposant qu'il exerce son activité professionnelle jusqu'à 62 ans, ainsi qu'il a été dit au point qui précède, et aussi en tenant compte aussi de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, il y a lieu de fixer la réparation intégrale du préjudice à la somme de 10 000 euros tous préjudices et intérêts confondus. Cette condamnation n'aura pas pour effet d'aggraver le sort de M. A... sur son seul appel puisque la cour est saisie de conclusions du ministre de l'éducation et de la jeunesse demandant l'annulation des articles 1er à 4 du jugement attaqué, y compris, donc, l'article 2 du jugement en litige. 35. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité son indemnisation à hauteur de 2 000 euros. Par conséquent, la somme à laquelle l'Etat est condamné, est portée à 10 000 euros tous préjudices et intérêts confondus. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement commun n° 1700500, 1701149 du 26 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens sont annulés. Article 2 : Les conclusions d'annulation et d'injonction présentées par M. A... à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 1700500 devant le tribunal administratif d'Amiens sont rejetées. Article 3 : La somme de 2 000 euros toutes taxes comprises que l'Etat a été condamné à verser à M. A... par l'article 2 du jugement précité est portée à la somme de 10 000 euros tous préjudices et intérêts confondus et l'article 2 du jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire à ce qui précède. Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens et la cour est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à M. C... A... N°19DA01489,19DA01505 14
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de LYON, 7ème chambre, 06/08/2020, 18LY02538, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Centre-Est Dijon l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 13 mars 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service. Par un jugement n° 1701627 lu le 25 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a : - annulé l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la mise à la retraite pour invalidité de Mme A... ; - enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; - mis à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour Par requête enregistrée le 5 juillet 2018, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour, le cas échéant après avoir ordonné avant dire droit une expertise judiciaire tendant à déterminer le taux d'invalidité qu'elle présente et si l'infirmité est imputable au service : 1°) d'annuler ce jugement n° 1701627 du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon ; 2°) d'annuler les décisions susmentionnées ; 3°) d'enjoindre à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont estimé à tort que sa demande ne tendait à l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2017 qu'en tant seulement qu'il n'avait pas reconnu l'imputabilité au service de son invalidité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, alors qu'elle avait sollicité l'annulation totale des décisions contestées ; - l'avis de la commission de réforme est insuffisamment motivé, de sorte qu'elle a été privée d'une garantie substantielle ; - la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence d'avis conforme du ministre chargé du budget, dès lors que la formalité prévue par l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires a été méconnue et alors qu'en méconnaissance de l'article L. 31 du même code, la commission de réforme ne s'est pas prononcée sur le taux d'invalidité ; - l'administration, en modifiant le procès-verbal de la commission de réforme, a commis un faux de sorte que cette pièce ne peut être prise en considération au soutien de la décision en litige ; - son invalidité aurait nécessairement dû être reconnue comme imputable au service puisqu'elle résulte directement de la dépression dont elle a été victime en 2012. Par ordonnance du 4 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2019. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un mémoire, enregistré après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions de la requête dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué, qui ne fait pas grief à Mme A..., dont les seules conclusions recevables sont celles dirigées contre l'article 2 du jugement qui ne fait pas droit à sa demande principale d'injonction. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Seillet, président assesseur, - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., capitaine au sein du corps des personnels de commandement de l'administration pénitentiaire, affectée au centre de détention de Joux-la-Ville, été placée en congé de longue maladie du 13 mars 2012 au 13 mars 2014, à la suite d'une tentative de suicide, puis en congé de longue durée jusqu'au 12 mars 2017. Par une demande du 9 mai 2016, elle a demandé à être mise à la retraite pour invalidité et, par un arrêté du 25 janvier 2017, dont l'intéressée a pris connaissance le 2 février 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est Dijon a admis Mme A... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 13 mars 2017, en mentionnant que cette invalidité n'était pas imputable au service. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, annulé l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité (article 1er) et, d'autre part, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois (article 2). Sur la recevabilité des conclusions de la requête : 2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale. 3. Il ressort des pièces soumises au tribunal administratif de Dijon que Mme A... a présenté au tribunal des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en litige et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme imputable au service. A l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, Mme A... soulevait non seulement des moyens touchant à la légalité externe de la décision contestée mais également un moyen touchant à sa légalité interne. Il ressort des énonciations du jugement du tribunal administratif de Dijon que, pour annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la mise à la retraite pour invalidité de Mme A..., le tribunal s'est fondé sur un moyen de légalité externe, sans se prononcer sur le moyen de légalité interne. Ce dernier moyen, s'il avait été fondé, aurait été de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêté ministériel, le prononcé d'une injonction non pas seulement de réexaminer la situation de Mme A... mais de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité. En statuant comme il l'a fait, le tribunal a nécessairement écarté le moyen de légalité interne de l'arrêté contesté. 4. Or et d'une part, Mme A... n'est pas recevable à contester le principe même de l'annulation de l'arrêté en litige, prononcée par l'article 1er du jugement attaqué, dès lors que cette annulation ne lui fait pas grief. Les conclusions de sa requête dirigées contre cet article du jugement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. 5. D'autre part, Mme A... relevant appel du jugement du 25 juin 2018 en tant que, se bornant à enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation, ce jugement n'a fait que partiellement droit à ses conclusions à fins d'injonction, il appartient à la cour de se prononcer sur les moyens susceptibles de conduire à faire droit à la demande d'injonction principale de la requérante. Il suit de là que Mme A... est fondée à contester en appel l'article 2 du jugement qui ne fait pas droit à sa demande principale d'injonction, et qu'il appartient à la cour, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur le moyen de légalité interne, soulevé en appel, seul susceptible de conduire à faire droit à ses conclusions aux fins qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service, à l'exclusion des moyens de légalité externe insusceptibles de permettre de faire droit à ces conclusions et, par suite, inopérants. Sur la régularité du jugement attaqué : 6. Il ressort des pièces soumises au tribunal administratif de Dijon qu'à la suite de la notification à Mme A... de l'arrêté en litige, comportant la mention des voies et délais de recours, le 2 février 2017, comme en atteste la signature de cette dernière sur le document lui-même, elle n'a exercé, dans le délai de recours contentieux de deux mois ayant couru à compter de cette date, un recours gracieux, le 27 mars 2017, contre cette décision qu'" en tant qu'elle ne reconnait pas le caractère d'imputabilité au service de l'admission à la retraite de l'intéressée ". Il en ressort également qu'en première instance, comme d'ailleurs en appel, le seul moyen de légalité interne soulevé par Mme A... était tiré de ce que " l'autorité administrative aurait dû prononcer la mise à la retraite pour invalidité avec imputabilité au service " et que les conclusions aux fins d'injonction présentées dans sa demande devant le tribunal ne tendaient qu'à " qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service ". Dès lors, Mme A... ne peut soutenir qu'elle avait sollicité l'annulation totale des décisions contestées, que les premiers juges auraient, à tort, regardé les conclusions de sa demande comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant seulement qu'il n'avait pas reconnu l'imputabilité au service de son invalidité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et que le jugement serait, par suite, irrégulier. Au demeurant en l'absence de recours gracieux formé contre l'arrêté ministériel en tant qu'il prononçait sa mise à la retraite pour invalidité, des conclusions dirigées contre ces dispositions de l'arrêté auraient été irrecevables en raison de leur tardiveté à la date à laquelle Mme A... avait saisi le tribunal administratif de Dijon de sa demande, le 30 juin 2017. Sur la légalité interne de l'arrêté contesté : 7. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui s'appliquent : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...) L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension (...) ". 8. Mme A... affirme que sa tentative de suicide s'est produite après qu'elle avait travaillé sous les ordres d'une nouvelle directrice adjointe du centre pénitentiaire de Joux-la-Ville qui aurait fait preuve à son égard d'un comportement caractérisé par des attaques constantes et humiliantes et un manque de considération permanent. Il ressort toutefois de plusieurs certificats médicaux établis par un médecin psychiatre, en février 2015 et avril 2016, et produits par la requérante elle-même, qui évoque un " syndrome classique de relation au monde très pathologiquement douloureuse, de persécution chronique ", évalue son invalidité à un taux de 80 %, et indique, en particulier, que " son inaptitude aurait sans doute pu se trouver détectée dès sa visite d'embauche, probablement ", que la pathologie de nature psychique de l'intéressée, si elle a pu être favorisée par certaines conditions de son activité professionnelle, s'était déjà manifestée précédemment et trouvait son origine dans sa personnalité. Dès lors la pathologie dont souffrait Mme A..., à l'origine de son invalidité, ne pouvait être regardée comme étant imputable au service, alors que les pièces du dossier ne font apparaître aucune circonstance particulière, tenant à ses conditions de travail, susceptible de l'avoir occasionnée. Par suite, l'autorité compétente n'a commis aucune illégalité en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des affections dont se plaignait l'intéressée. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 26 juin 2020 à laquelle siégeaient : M. Arbarétaz, président de chambre, M. Seillet, président assesseur, Mme Rémy-Néris, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 août 2020. 1 2 N° 18LY02538
Cours administrative d'appel
Lyon