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CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 12MA04074, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nice, en principal, de condamner l'Etat à lui verser, une somme de 55 542 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 12 488 euros au titre du rappel sur pensions et/ ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, une somme forfaitaire au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de dépense engagés en vain dont ceux d'avocat, soit une somme totale de 77 940 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit de l'union européenne, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur la compatibilité du régime des articles L. 12 et L. 24 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 0903667 du 6 août 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 octobre 2012, le 16 avril 2013, le 10 décembre 2013, le 4 novembre 2014, le 29 mai 2015 et le 11 juin 2015, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 6 août 2012 du tribunal administratif de Nice ; 2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser les sommes suivantes : - 55 452 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008 ; - 12 488 euros au titre du rappel sur pensions et/ ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser ; - 5 000 euros forfaitaires au titre de son préjudice moral ; - 5 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocat ; 3°) à titre subsidiaire, de procéder avant dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 4°) à titre plus subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'ensemble des règles communautaires et sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par ladite Cour le 17 juillet 2014 ; 5°) dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A...soutient que : - le régime institué par la combinaison des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite engendre une discrimination indirecte dans la rémunération des travailleurs contraire à l'article 141 du traité instituant la communauté européenne, ainsi qu'à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, associé à l'article 1er du premier protocole additionnel ; en outre, en appliquant ce régime sans exercer de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, les juridictions nationales ont commis une violation des traités européens susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; - l'attitude de l'administration dans le traitement de sa demande de départ anticipé avec bonification méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégés par le droit de l'Union européenne ; - le Conseil d'Etat a méconnu l'article 257 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne saisissant pas la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la validité de la législation relative aux pensions au regard de l'interdiction des discriminations ; - le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 rendu par une formation de jugement ne présentant pas les garanties requises d'impartialité, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 17 juillet 2014 ; Par des mémoires en défense, enregistrés au greffe de la Cour le 14 janvier 2013, le 31 octobre 2014 et le 11 juin 2015, le ministre de l'économie et des finances publiques conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'elle est irrecevable, que le principe de la responsabilité de l'Etat doit être écarté et que les préjudices ne sont en tout état de cause pas justifiés. Par des mémoires, enregistrés au greffe de la Cour le 25 avril 2013 et 18 février 2015, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête ; Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole, - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n°14 sur la politique sociale, - la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978, - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003, - le code des pensions civiles et militaires de retraite, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ; Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Renouf, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de MeC..., représentant M.A.... 1. Considérant que M.A..., professeur d'éducation physique et sportive depuis 1966 et père de quatre enfants, a sollicité, le 19 novembre 2002, de son administration, sa mise à la retraite à l'âge légal avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par un arrêté du 28 janvier 2003, le service des pensions l'a admis à la retraite à compter du 5 janvier 2004 ; que, cependant, par courrier du 11 avril 2003, il s'est vu refuser sa demande de bonification pour enfants ; qu'après avoir épuisé les voies de recours pour contester ce refus de bonification de pension, M. A...a exercé un recours devant le tribunal administratif de Paris, par la suite renvoyé au tribunal administratif de Nice, en responsabilité de l'Etat du fait des lois et de ses juridictions ; que, par un jugement du 6 août 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de l'intéressé ; que M. A...fait appel de ce jugement devant la Cour ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce concerne le départ anticipé à la retraite : 7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Sur la rétroactivité de la loi : 9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. A...a présenté, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant, il ne pouvait avoir engagé, à la date de publication de la loi, une action contentieuse en vue de contester la légalité de la décision lui refusant le bénéfice de la bonification, dès lors qu'à cette date sa pension n'avait pas été liquidée et qu'une telle décision n'était susceptible d'intervenir qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 11. Considérant, d'une part, que M. A...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 12. Considérant, d'autre part, que M. A...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ; 13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, au Garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président-assesseur, - Mme Péna, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 octobre 2015. Le rapporteur, P. RENOUFLe président, S. GONZALES Le greffier, C. LAUDIGEOIS La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, '' '' '' '' 2 N° 12MA04074
Cours administrative d'appel
Marseille
Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 12MA03799, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, en principal, de condamner l'État à lui verser, une somme de 166 758 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 17 216 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, une somme forfaitaire au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de dépense engagés en vain dont ceux d'avocat, soit une somme totale de 193 974 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit de l'union européenne, enfin, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur la compatibilité du régime des articles L. 12 et L. 24 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, enfin de condamner l'État à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 0903900 du 3 juillet 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 août 2012, 15 mars 2013, 4 novembre 2014, 17 février 2015 et 11 juin 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour : 1°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser avant-dire droit la somme provisionnelle de 7 500 euros ; 2°) à titre subsidiaire : - de condamner l'État à lui verser les sommes de : - 54 648 euros au titre des bonifications non perçues depuis la date de départ à la retraite, - 166 758 euros au titre des bonifications pour enfant capitalisées, - 5 000 euros au titre de ses frais de défense sur les procédures dont les frais irrépétibles ne seront pas compris dans la somme allouée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, - 3 000 euros au titre du préjudice moral ; - de procéder avant-dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 3°) à titre plus subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'ensemble des règles communautaires et sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par ladite Cour le 17 juillet 2014 ; 4°) dans le dernier état de ses écritures, M. B...demande également que l'État, ou le cas échéant, Orange, ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL lui versent 12 000 euros en réparations de son préjudice matériel et moral, et la mise à la charge de l'État ou de qui il appartiendra, des entiers dépens, dont les frais d'expertise, outre la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... soutient que : - le régime institué par la combinaison des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite engendre une discrimination indirecte dans la rémunération des travailleurs contraire à l'article 141 du traité instituant la communauté européenne, ainsi qu'à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, associé à l'article 1er du premier protocole additionnel ; en outre, en appliquant ce régime sans exercer de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, les juridictions nationales ont commis une violation des traités européens susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; - l'attitude de l'administration dans le traitement de sa demande de départ anticipé avec bonification méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégés par le droit de l'Union européenne ; - le Conseil d'Etat a méconnu l'article 257 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne saisissant pas la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la validité de la législation relative aux pensions au regard de l'interdiction des discriminations ; - le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 rendu par une formation de jugement ne présentant pas les garanties requises d'impartialité, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 17 juillet 2014 ; Par des mémoires en défense, enregistrés au greffe de la Cour les 14 janvier 2013, 31 octobre 2014 et 19 mai 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'elle est irrecevable ; que le principe de la responsabilité de l'Etat doit être écarté et que les préjudices ne sont en tout état de cause pas justifiés. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 7 mai 2013, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête ; il soutient que celle-ci n'est pas fondée et que la demande de question préjudicielle de l'est pas davantage ; Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ; - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n° 14 sur la politique sociale ; - la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Péna, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C...représentant M. B.... 1. Considérant que M. B..., enseignant de l'éducation nationale, depuis 1975 et père de cinq enfants, nés de deux unions différentes, a sollicité, le 23 janvier 2004, de son administration sa mise à la retraite anticipée avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que le 21 novembre 2005 il a finalement obtenu le bénéfice de la retraite anticipée, sans bonification ; qu'ayant épuisé les voies de recours pour contester son refus de bonification de pension, M. B... a exercé un recours devant le Conseil d'État, renvoyé au tribunal administratif de Montpellier, en responsabilité de l'État du fait du fait des lois et de ses juridictions ; que, par un jugement du 3 juillet 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de l'intéressé ; que M. B... fait appel de ce jugement devant la Cour ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce concerne le départ anticipé à la retraite : 7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Sur la rétroactivité de la loi : 9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. B...a présenté, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant, il ne pouvait avoir engagé, à la date de publication de la loi, une action contentieuse en vue de contester la légalité de la décision lui refusant le bénéfice de la bonification, dès lors qu'à cette date sa pension n'avait pas été liquidée et qu'une telle décision n'était susceptible d'intervenir qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 11. Considérant, d'une part, que M. B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 12. Considérant, d'autre part, que M. B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ; 13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de M. B... tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président assesseur, - Mme Péna, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 octobre 2015. '' '' '' '' N° 12MA037992
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 4ème chambre, 13/10/2015, 13NT01536, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'accident de service dont il a été victime le 22 juillet 2003, la somme totale de 423 986,73 euros, assortie des intérêts à compter de la date d'enregistrement de la requête et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1004895 du 27 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à M. F...une somme de 56 221 euros, assortie des intérêts à compter du 19 juillet 2010 et de la capitalisation de ces intérêts. Procédure devant la cour : I) Par une requête, enregistrée le 30 mai 2013, sous le n°13NT01536, M. D...F..., représenté par MeA..., demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 27 mars 2013 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 56 221 euros la somme que l'Etat est condamné à lui verser au titre des préjudices subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 22 juillet 2003 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 322 492,77 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 800 euros au titre des frais d'expertise ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les circonstances de l'accident dont il a été victime le 22 juillet 2003 font apparaître que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; - l'indemnité telle qu'évaluée par le tribunal administratif de Rennes ne répare pas l'intégralité de ses préjudices ; - les préjudices qu'il a subi doivent être évalués de la manière suivante : une somme de 3041,80 euros au titre de la perte de rémunérations pour la période de 5 mois et 10 jours du 22 juillet au 2 décembre 2003, une provision de 3000 au titre des dépenses de santé futures, une somme de 329 478 au titre des pertes de gains professionnels futurs, 20 000 au titre de l'incidence professionnelle, 721 au titre du déficit fonctionnel temporaire, 5 000 au titre des souffrances, 50 000 au titre du déficit fonctionnel permanent, 10 000 pour le préjudice d'agrément, 10 000 au titre du préjudice esthétique, 10 000 au titre du préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2014, le ministre de la défense conclut à l'annulation du jugement attaqué. Il soutient que : - le requérant n'a subi ni perte de revenu ni incidence professionnelle et ne peut prétendre à aucune indemnisation à ces titres ; - le montant total des arrérages échus de la pension militaire d'invalidité et du capital représentatif de cette pension absorbe en totalité l'indemnité due au titre des déficits fonctionnels temporaire et permanent ; - les autres sommes que réclame M. F...sont soit surévaluées, soit non justifiées. Une ordonnance du 21 février 2014 a fixé la clôture de l'instruction au 21 mars 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. II) Par une requête, enregistrée le 10 juin 2013 sous le n° 13NT01669, le ministre de la défense demande à la cour d'annuler le jugement du 27 mars 2013 du tribunal administratif de Rennes. Il soutient que : - le requérant n'a subi aucune perte de revenu ni d'incidence professionnelle et ne peut prétendre à aucune indemnisation à ces titres ; - le montant total des arrérages échus de la pension militaire d'invalidité absorbe en totalité l'indemnité de 50 721 euros due au titre des déficits fonctionnels temporaire et permanent ; - les autres sommes que réclame M. F...sont soit surévaluées, soit non justifiées. Une mise en demeure a été adressée le 29 janvier 2015 à M.F.... Une ordonnance du 21 mars 2014 a prononcé la clôture de l'instruction au 4 avril 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lainé, président de chambre, - les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public, - les observations de MeB..., représentant M.F.... 1. Considérant que les requêtes nos 13NT01536 et 13NT01669, respectivement présentées par M. F...et le ministre de la défense, sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ; 2. Considérant que M.F..., alors quartier-maître sous contrat de volontariat dans la marine nationale, a été victime le 22 juillet 2003 d'une projection d'un corps étranger métallique dans l'oeil gauche, alors qu'il participait à des travaux de matelotage sur un câble d'acier ; que cet accident, à la suite duquel il a perdu l'acuité visuelle de son oeil gauche, a été reconnu comme imputable au service ; qu'il a obtenu une pension d'invalidité à compter du 27 août 2003 au taux de 65 % ; qu'à la suite de l'apparition d'une seconde infirmité consistant en une défiguration par pupille blanche et déformée ainsi que strabisme divergent, le taux d'invalidité a été porté à 75 % à compter du 27 août 2006, représentant un montant annuel à la date d'entrée en jouissance de 4 751,74 euros ; qu'en outre une indemnité transactionnelle d'un montant de 3 500 euros a été proposée par le ministre de la défense en réparation des conséquences de l'accident ; que M. F...a toutefois, d'une part, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'expertise en référé, dont le rapport a été remis le 16 novembre 2009, d'autre part, saisi le ministre de la défense afin de demander l'indemnisation de la totalité des préjudices qu'il estime avoir subis puis, en l'absence de réponse, a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 423 986,73 euros ; que, par un jugement du 27 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes, après avoir jugé que la faute consistant à n'avoir pas mis d'équipement de sécurité à disposition de M. F...pour effectuer les travaux de matelotage qui lui avaient été confiés engageait la responsabilité de l'Etat, l'a condamné à verser à l'intéressé une indemnité de 56 221 euros sous réserve de la provision déjà accordée ; que par une requête n° 13NT01536, M. F...demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande indemnitaire, tandis que par une requête n° 13NT01669 le ministre de la défense, tout en admettant que la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée, demande à la cour d'annuler ce même jugement ; 3. Considérant qu'il est constant que la responsabilité de l'Etat est engagée pour la faute ayant consisté à laisser M. F...effectuer les travaux de matelotage sur un câble en acier sans mettre à sa disposition les protections adéquates qui auraient empêché les conséquences sus-décrites de l'accident survenu ; Sur l'indemnisation des préjudices : 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) " ; 5. Considérant, d'une part, qu'eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille ; que lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne ; 6. Considérant, d'autre part, qu'en instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission ; que, cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices ; qu'en outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans une faute de l'administration, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale ; que, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif ; En ce qui concerne les préjudices couverts par la pension militaire d'invalidité : S'agissant des préjudices patrimoniaux : 7. Considérant que M.F..., dont l'état de santé est consolidé au 2 décembre 2003, demande l'indemnisation des pertes de revenus subies jusqu'à cette date ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'il a perçu l'intégralité de sa solde de quartier-maître de 2ème classe durant la période d'incapacité temporaire qui s'est étendue du 22 juillet au 2 décembre 2003 ; que, par suite, le chef de préjudice invoqué n'est pas établi ; 8. Considérant que M. F...fait valoir qu'il a subi une perte de revenu à partir de la date de consolidation de son état de santé ; qu'il résulte de l'instruction qu'après une brève reprise de son activité professionnelle à compter du 2 décembre 2003, il a été radié des contrôles de l'activité de personnel non officier à compter du 10 février 2004, au vu d'un certificat d'inaptitude du 30 décembre 2003, alors que par une décision du 26 novembre 2003, il avait obtenu le renouvellement de son contrat pour un an à compter du 10 février 2004, sous réserve de vérification des aptitudes requises ; qu'il en est résulté un préjudice financier dont le requérant n'établit toutefois pas qu'il n'aurait pas été intégralement compensé par les allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues durant cette même période ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait nécessairement obtenu, après le 10 février 2005, un nouveau renouvellement de son contrat de volontariat et aurait mené à bien une carrière militaire ; qu'enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que les conséquences de l'accident dont a été victime M. F... auraient empêché ce dernier d'exercer une activité professionnelle offrant un niveau de rémunération équivalent à celui auquel il aurait éventuellement pu prétendre dans la marine nationale ; que, par suite, la perte de revenus invoquée à compter de la date de consolidation de son état santé ne présente pas de caractère certain et ne peut être indemnisée ; 9. Considérant, en revanche que l'accident dont a été victime M. F...a été à l'origine d'une inaptitude à servir dans l'armée suivie d'une longue période de chômage ; que le handicap visuel dont il est atteint l'a contraint à envisager un nouveau métier et accroit la pénibilité de l'exercice d'une activité professionnelle ; que le tribunal administratif de Rennes a ainsi fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle de l'accident subi en l'évaluant à la somme de 20 000 euros ; S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. F...a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 22 juillet au 15 août 2003, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 25 % du 16 août au 2 décembre 2003, date de la consolidation de son état de santé ; que les premiers juges n'ont pas fait une appréciation exagérée du préjudice ainsi subi par l'intéressé en l'évaluant à la somme demandée de 721 euros ; 11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert a évalué à 25 % l'atteinte à l'intégrité physique et psychique subie par M. F...et résultant des séquelles permanentes de l'accident du 22 juillet 2003 ; que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du déficit fonctionnel permanent subi en l'évaluant à la somme de 50 000 euros ; 12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnisation à laquelle peut prétendre M. F...au titre de l'incidence professionnelle ainsi que des déficits fonctionnels temporaire puis permanent s'élève à 70 721 euros ; que, toutefois, cette somme étant inférieure au capital représentatif de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée, les préjudices correspondant sus-énumérés doivent être regardés comme entièrement réparés par cette pension et ne sauraient, par suite, donner lieu à une indemnisation complémentaire ; En ce qui concerne les préjudices non couverts par la pension militaire d'invalidité : S'agissant des préjudices patrimoniaux : 13. Considérant que si M. F...soutient qu'il doit être indemnisé des dépenses de santé futures qu'il pourrait être amené à exposer, il n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à établir le caractère certain de ce préjudice qui, par suite, ne peut être indemnisé ; S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. F...a subi des souffrances physiques à la suite de l'accident dont il a été victime, évaluées à 2 sur 7 par l'expert et dont le tribunal administratif a fait une juste appréciation en estimant leur réparation à 2 500 euros ; qu'en outre, il était depuis longtemps membre actif d'un club de tir de fléchettes et a été contraint à renoncer à cette activité, qui était son principal loisir, en raison de la perte de vision de son oeil gauche ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en évaluant sa réparation à la somme de 2 000 euros ; 15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert a évalué le préjudice esthétique permanent de M. F...à 1/7, le médecin miliaire l'ayant quant à lui évalué à 2/7 ; que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à l'intéressé une somme de 2 000 euros à ce titre ; 16. Considérant que le préjudice moral invoqué, alors même qu'il tient principalement à l'abandon de tout espoir de réaliser une carrière professionnelle dans la marine, ne peut être regardé, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, comme déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées ; qu'eu égard au bouleversement de la vie de M. F...qu'implique son infirmité due à l'accident de service en cause, la réparation de ce préjudice doit être évaluée à la somme de 10 000 euros ; 17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité complémentaire due à M. F...s'élève à la somme globale de 16 500 euros au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer ; qu'en outre, il convient de déduire de cette somme celle déjà obtenue au titre de l'indemnité transactionnelle de 3 500 euros accordée par l'Etat ; qu'ainsi le ministre de la défense est fondé à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mars 2013 en tant qu'il condamne l'Etat à verser à M. F... une indemnité supérieure à 16 500 euros ; Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 18. Considérant que M. F...a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes qui lui sont dues au titre de l'indemnisation de ses préjudices à compter du 19 juillet 2010, date de réception de sa réclamation préalable ; 19. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. F...dans sa demande introductive d'instance du 26 novembre 2010 devant le tribunal administratif de Rennes ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 19 juillet 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; Sur les frais d'expertise : 20. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais d'expertise exposés dans le cadre de l'instance en référé, liquidés et taxée à la somme de 575 euros, ont été mis à la charge définitive de l'Etat ; que par suite les conclusions de M. F...tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 800 euros au titre des frais d'expertise qu'il été contraint de supporter sont dépourvues objet ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 21. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente, la somme que demande M. F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; DÉCIDE : Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à payer à M. F...par le tribunal administratif de Rennes est ramenée à 16 500 euros, sous réserve de la somme déjà versée au titre de l'indemnité transactionnelle. Cette somme sera assortie des intérêts à compter du 19 juillet 2010. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 19 juillet 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Le jugement n° 1004895 du 27 mars 2013 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F...et du recours du ministre de la défense est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F...et au ministre de la défense. Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - Mme Loirat, président-assesseur, - M.E..., faisant fonction de premier conseiller. Lu en audience publique, le 13 octobre 2015. Le président rapporteur, L. LAINÉL'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé, C. LOIRAT Le greffier, M. C... La République mande et ordonne au ministre de la défense et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. '' '' '' '' 13NT01536, 13NT01669
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de PARIS, 4ème chambre, 20/10/2015, 14PA00355, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C...A..., M. E...A...et M. D...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 75 000 euros, 75 000 euros et 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2011 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice que leur a causé le décès de leur fils et frère, M. F...A.... Par un jugement n° 1122978/6-2 du 26 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme de 12 500 euros chacun à Mme C...A...et M. E...A..., et la somme de 4 000 euros à M. D...A..., ainsi que les intérêts au taux légal à compter du11 mars 2011 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 11 mars 2012. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 janvier 2014, 27 février 2015 et 29 septembre 2015, Mme et MMA..., représentés par Me B...Rappaport, demandent à la Cour : 1°) à titre principal, de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1122978 du 26 novembre 2013 en tant que celui-ci a limité aux sommes de 12 500 et 4 000 euros les indemnités au versement desquelles l'Etat a été condamné ; 2°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 75 000 euros, 75 000 euros et 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2011 et la capitalisation de ces intérêts ; 3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la clôture de l'instruction pénale en cours ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun d'eux de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'instruction, qui s'est conclue le 29 juin 2015 par une ordonnance de non-lieu, n'a pas permis d'établir l'existence d'une faute de Guillaume A...qui serait à l'origine de l'accident, dès lors qu'il est impossible de déterminer l'identité du pilote au moment de cet accident ; - à la supposer établie, la faute de la victime est absorbée par la faute commispar l'administration militaire dans l'encadrement et le contrôle du détachement dans lequel était affecté M. F...A...; -.l'hypothèse d'une défaillance technique ne peut être exclue compte tenu des éléments issus de l'instruction ; Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2014, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Hamon, - les conclusions de M. Cantie, rapporteur public, - et les observations de Me Rappaport, avocat des consorts A...; 1. Considérant que Mme C...A...et MM E...et D...A...relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité aux sommes respectives de 12 500 euros pour les parents de la victime et 4 000 euros pour le frère, les indemnités mises à la charge de l'Etat en réparation du préjudice moral résultant du décès accidentel du lieutenant GuillaumeA..., lors d'un accident aérien survenu le 6 mai 2007 en Egypte dans le cadre d'une mission de la Force Multinationale d'Observateurs au Sinaï ; 2. Considérant que les dispositions de l'article L. 4123-2 du code de la défense, qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, ne font pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'État qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'il en va de même s'agissant du préjudice moral subi par ses ayants droits ; Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer : 3. Considérant que le juge administratif ne peut, sans méconnaître sa compétence, subordonner sa décision à l'intervention d'une décision définitive du juge pénal ; qu'en tout état de cause, l'instruction pénale relative à l'accident en litige s'étant conclue par une ordonnance de non-lieu rendue le 29 juin 2015, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur la présente requête dans l'attente d'un jugement pénal se prononçant sur les causes de l'accident doivent être rejetées ; Sur les conclusions indemnitaires : 4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports concordants et circonstanciés de l'expert judiciaire diligenté par le juge pénal, du bureau d'enquête accidents défense-air et de la délégation générale pour l'armement, que le bimoteur à hélices de transport régional de type Twin Otter, à bord duquel le lieutenant A...exerçait la fonction de co-pilote, n'a subi aucune défaillance technique avant de percuter le sol et n'a émis aucun signal de détresse ; que l'accident est imputable à une erreur de pilotage, dans le cadre d'un vol délibéré à très basse altitude, au surplomb de la route nationale reliant Le Caire à Tabah, qui en l'absence de toute condition atmosphérique particulière ou situation de détresse de nature à justifier de telles manoeuvres, est constitutif d'une faute qui est imputable tant au pilote qu'au co-pilote de l'aéronef ; 5. Considérant qu'il résulte également de l'instruction, que les négligences multiples observées dans l'encadrement de l'unité militaire à laquelle appartenait le lieutenantA..., qui ont donné lieu à 17 sanctions disciplinaires, ont concouru au non respect des consignes de sécurité en vol, et constituent également une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à hauteur de la moitié des conséquences dommageables de l'accident ; 6. Considérant, enfin, que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les parents et le frère de M. A...du fait de son décès, en condamnant l'Etat à verser à chacun de ses parents une indemnité de 12 500 euros et à son frère une somme de 4 000 euros ; 7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...A..., M. E...A...et M. D...A...ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme et MM A...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme C...A..., à M. E...A..., à M. D...A...et au ministre de la défense. Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Even, président de chambre, - Mme Hamon, président assesseur, - M. Dellevedove, premier conseiller, Lu en audience publique, le 20 octobre 2015. Le rapporteur, P. HAMONLe président, B. EVEN Le greffier, A-L. CALVAIRE La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. '' '' '' '' 2 N° 14PA00355
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 7ème SSJS, 14/10/2015, 387981, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante: M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat à lui payer les arrérages de sa pension d'invalidité afférents à la période du 1er août 2008 au 17 mars 2013 ou à défaut du 1er janvier 2009 au 17 mars 2013 en prenant en compte l'indice nouveau majoré de 589, soit l'indice brut 710. Par un jugement n° 1301338 du 18 décembre 2014 le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 février et 15 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Henrard, maître des requêtes, - les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B...;1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa version en vigueur du 1er janvier 2004 au 18 décembre 2008 : " Les pensions sont revalorisées chaque année par décret en Conseil d'Etat conformément à l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix à la consommation hors du tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l'année considérée. / (...) " ; qu'aux termes du même article dans sa version en vigueur à compter du 19 décembre 2008 : " Les pensions sont revalorisées dans les conditions prévues à l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale. " ; qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 53 du même code : " (...) lorsque par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures " ; 2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B...a bénéficié à compter du 1er juillet 2008 d'une pension d'invalidité liquidée sur la base de l'indice nouveau majoré 587 ; qu'au 1er août 2008, est intervenue une revalorisation des grilles indiciaires des fonctionnaires ; qu'un nouvel arrêté de pension prenant en compte cette revalorisation n'a été pris que le 18 mars 2013 sans portée rétroactive ; que M. B...a alors demandé à l'administration de réviser sa pension afin qu'elle soit calculée sur la base de l'indice arrêté dès 2008 ; que, compte tenu du refus de l'administration, M B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sur le fondement de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, de réviser sa pension et de condamner en conséquence l'Etat à lui payer les arrérages de sa pension d'invalidité afférents à la période du 1er août 2008 au 17 mars 2013 ou, à défaut, du 1er janvier 2009 au 17 mars 2013 et liquidés sur la base de l'indice nouveau majoré 589 ; qu'en rejetant sa demande en se fondant sur les dispositions de l'article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives aux conditions de revalorisation des pensions, alors que le litige concernait une demande de révision de pension présentée sur le fondement de l'article L. 53 du même code, le tribunal a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du 18 décembre 2014 ; 3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 décembre 2014 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Clermont Ferrand. Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.ECLI:FR:CESJS:2015:387981.20151014
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème SSJS, 23/10/2015, 370469, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A...B...a demandé au tribunal des pensions de Paris la révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 12/00002 du 24 mai 2012, le tribunal des pensions a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 12/17531 du 16 mai 2013, la cour régionale des pensions de Paris a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement. Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juillet et 8 novembre 2013 et le 22 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes, - les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. B...; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande " ; qu'il résulte de ces dispositions que c'est à cette date qu'il faut se placer pour évaluer le taux des infirmités à raison desquelles la pension ou sa révision est demandée ; 2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris et des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour écarter l'existence de tout lien de causalité entre les infirmités déjà pensionnées et la gonarthrose dont se prévalait M. B...à l'appui de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, la cour s'est fondée sur le rapport de l'expertise du 23 novembre 2011 que le tribunal des pensions de Paris avait ordonnée ; que si cette expertise mentionne la pose de deux prothèses de hanches en 2003 et en 2009, son auteur a conclu que l'infirmité invoquée ne pouvait résulter de la pathologie des hanches en raison de leurs " mobilités tout à fait correctes " à la date de la rédaction de son rapport ; qu'en omettant de s'interroger sur l'état de cette infirmité à la date de la demande présentée par M. B...le 21 décembre 2005, alors qu'à cette date, une seule de ses hanches avait fait l'objet d'une opération, la cour a commis une erreur de droit ; que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; 3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 16 mai 2013 de la cour régionale des pensions de Paris est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour régionale des pensions de Paris. Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de la défense.ECLI:FR:CESJS:2015:370469.20151023
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 13MA00608, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes, en principal, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 64 154 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 32 400 euros au titre du rappel sur pensions et/ ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, une somme forfaitaire au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de dépense engagés en vain dont ceux d'avocat, soit une somme totale de 103 954 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit de l'union européenne, enfin, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur la compatibilité du régime des articles L. 12 et L. 24 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par un jugement n° 0902513 du 20 décembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 février 2013, 29 novembre 2013, 4 novembre 2014, 19 février 2015 et 15 juin 2015, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme prévisionnelle de 284 142 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, 64 154 euros au titre du rappel sur pensions et/ ou bonifications non perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, 5 000 euros forfaitaires au titre de son préjudice moral et 5 500 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocat ; 3°) à titre subsidiaire, de procéder avant dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 4°) à titre plus subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'ensemble des règles communautaires et sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par ladite Cour le 17 juillet 2014 ; 5°) de condamner l'Etat à lui verser dans le dernier état de ses écritures la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... soutient que : - le régime institué par la combinaison des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite engendre une discrimination indirecte dans la rémunération des travailleurs contraire à l'article 141 du traité instituant la communauté européenne, ainsi qu'à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, associé à l'article 1er du premier protocole additionnel ; en outre, en appliquant ce régime sans exercer de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, les juridictions nationales ont commis une violation des traités européens susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; - l'attitude de l'administration dans le traitement de sa demande de départ anticipé avec bonification méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégés par le droit de l'Union européenne ; - le Conseil d'Etat a méconnu l'article 257 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne saisissant pas la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la validité de la législation relative aux pensions au regard de l'interdiction des discriminations ; - l'application rétroactive de la loi du 31 août 2003, prévue par la loi constitue une ingérence du pouvoir législatif dans l'action juridictionnelle contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; - le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 rendu par une formation de jugement ne présentant pas les garanties requises d'impartialité, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 17 juillet 2014. Par des mémoires en défense, enregistrés au greffe de la Cour le 29 avril 2013, 31 octobre 2014 et le 8 juin 2015, le ministre de l'économie et des finances publiques conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'elle est irrecevable, que le principe de la responsabilité de l'Etat doit être écarté et que les préjudices ne sont en tout état de cause pas justifiés. Par un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 18 février 2015, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête ; Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole, - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n°14 sur la politique sociale, - la directive n°79/7 (CEE) du 19 décembre 1978, - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003, - le code des pensions civiles et militaires de retraite, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ; Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Renouf, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C...représentant M.A.... 1. Considérant que M.A..., enseignant de l'éducation nationale et père de trois enfants, a sollicité, le 21 avril 2006, sa mise à la retraite anticipée avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite auprès du rectorat de l'académie de Nouvelle-Calédonie ; que le 10 mai 2006, le rectorat lui a notifié une décision de rejet de sa demande ; que M. A...a alors formé un recours en annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Nouméa, le 20 juin 2006 ; que le 26 octobre 2006 le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa requête ; que le pourvoi en cassation contre ce jugement a été déclaré non admis par le Conseil d'Etat le 16 avril 2008 ; qu'ayant épuisé les voies de recours pour contester son refus de départ anticipé à la retraite avec bonification, M. A... a sollicité auprès des ministres de l'économie et de la justice la réparation des préjudices subis du fait de la violation par la loi et par les juridictions du droit de l'Union européenne ; qu'à l'issue du silence gardé par les ministres, l'intéressé a exercé un recours devant le tribunal administratif de Paris, renvoyé au tribunal administratif de Nîmes, en responsabilité de l'Etat du fait du fait des lois et de ses juridictions ; que, par un jugement du 20 décembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de l'intéressé ; que M. A... fait alors appel de ce jugement devant la Cour ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce concerne le départ anticipé à la retraite : 7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Sur la rétroactivité de la loi : 9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a présenté sa demande tendant au bénéfice du départ à la retraite anticipé en avril 2006, soit bien après l'entrée en vigueur de la loi de 2004 ; que s'il soutient qu'il remplissait, avant l'entrée en vigueur de la loi, toutes les conditions au bénéfice du départ anticipé, les modalités de liquidation d'une pension sont celles en vigueur à la date de l'admission à la retraite ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004 doit être écarté ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 11. Considérant, d'une part, que M. A... soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 12. Considérant, d'autre part, que M. A... soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ; 13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au Garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président-assesseur, - Mme Péna, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 octobre 2015. Le rapporteur, P. RENOUFLe président, S. GONZALES Le greffier, C. LAUDIGEOIS La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, '' '' '' '' 2 N° 13MA00608
Cours administrative d'appel
Marseille
Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 10MA01167, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions des 11 décembre 2006 et 15 mai 2007 du ministre de la justice, Garde des Sceaux, de condamner l'État à lui verser, une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis en raison des conditions dans lesquelles la justice administrative a statué sur ses prétentions, augmentée de l'équivalent de la bonification à laquelle il pouvait prétendre dans la liquidation de sa pension de retraite, et, subsidiairement, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur la compatibilité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par un jugement n° 0702706-0703695 du 26 janvier 2010, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 24 mars 2010 sous le n° 10MA01167 puis régularisée le 10 mai 2010, ainsi que par des mémoires enregistrés les 9 décembre 2010, 27 mai 2011 et 5 juin 2013 M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2010 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) à titre principal, de condamner l'État à lui verser la somme de 1 851 euros par an, soit 154,33 euros par mois sous la forme d'une rente ou 51 812,28 euros à titre de rente capitalisée, outre rattrapage de 3 858,25 euros au 1er décembre 2006, avec intérêt au taux légal à compter de la réception de la première demande, en réparation du préjudice subi du fait de la violation du droit communautaire par les juridictions administratives ; la somme de 20 000 euros au titre de ses préjudices moral et financier ; la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. M. B... soutient que : - l'exigence d'une faute lourde ne s'applique pas au régime de responsabilité de l'État du fait des juridictions ; - l'application rétroactive de la loi du 31 août 2003, prévue par la loi et mise en oeuvre par les juridictions est contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; - le régime institué par la combinaison des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite engendre une discrimination indirecte dans la rémunération des travailleurs contraire à l'article 141 du traité instituant la communauté européenne, ainsi qu'à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, associé à l'article 1er du premier protocole additionnel ; en outre, en appliquant ce régime sans exercer de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne, les juridictions nationales ont commis une violation des traités européens susceptible d'engager la responsabilité de l'État ; - le refus de renvoi préjudiciel opposé, sans motivation, par les juridictions nationales porte atteinte au droit au procès équitable protégé par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de même qu'au droit à un recours effectif protégé par l'article 13 de la Convention. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 26 juillet 2010, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État conclut à sa mise hors de la cause. Par des mémoires, enregistrés au greffe de la Cour les 30 août 2010, 28 janvier 2011 et 18 février 2015, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Le ministre soutient que : - le recours est irrecevable ; - le moyen tiré de la responsabilité de l'État du fait de ses juridictions pour violation manifeste du droit de l'union européenne est infondé ; - le régime de bonification de retraite, instauré par la loi du 21 août 2003, n'est pas discriminatoire ; - le nouveau régime de bonification n'a pas de caractère rétroactif ; au surplus, ce dernier ne saurait être contraire au droit de l'Union puisque que s'il est interdit à un État membre de porter rétroactivement atteinte aux avantages d'une catégorie favorisée, il est possible de réduire ses avantages pour l'avenir ; - il n'existe aucune obligation de renvoi d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne susceptible d'engager la responsabilité de l'État du fait de ses juridictions. Par des mémoires, enregistrés au greffe de la Cour les 31 octobre 2014 et 17 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Par des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2014 et 16 juin 2015, M. B... ajoute à ses conclusions initiales des conclusions tendant à ce que la cour saisisse la Cour de justice de deux questions préjudicielles relatives à l'application, s'agissant des pensions, du principe de sécurité juridique et de confiance légitime et à l'obligation pour les juges administratifs de saisir la Cour de justice pour ce qui se rapporte aux suites de l'arrêt Griesmar de la Cour de justice du 29 novembre 2001 (aff. C-366/99). Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ; - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n° 14 sur la politique sociale ; - la directive n°79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Péna, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C...représentant M. B.... 1. Considérant que M. B..., ingénieur d'État au sein du ministère de l'équipement et du logement depuis 1978 et père de trois enfants, a sollicité, le 8 avril 2003, de son administration sa mise à la retraite anticipée avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que le silence de son administration a fait naître une décision implicite de rejet ; que M. B... a finalement obtenu, le 15 octobre 2003, le bénéfice de la retraite anticipée, sans bonification, à compter du 31 octobre 2003 ; qu'ayant épuisé les voies de recours pour contester son refus de bonification de pension, M. B... exerce un recours devant le Conseil d'État, renvoyé au tribunal administratif de Montpellier, en responsabilité de l'État du fait de ses juridictions ; que, par un jugement du 26 janvier 2010, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de l'intéressé ; que M. B... fait appel de ce jugement devant la cour ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : En ce qui concerne la bonification pour enfant : 2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; 4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ; 5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; 6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; En ce concerne le départ anticipé à la retraite : 7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; 8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Sur la rétroactivité de la loi : 9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. B...a présenté, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant, il ne pouvait avoir engagé, à la date de publication de la loi, une action contentieuse en vue de contester la légalité de la décision lui refusant le bénéfice de la bonification, dès lors qu'à cette date sa pension n'avait pas été liquidée et qu'une telle décision n'était susceptible d'intervenir qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 11. Considérant, d'une part, que M. B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 12. Considérant, d'autre part, que M. B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ; 13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; DECIDE : Article 1er : La requête de M. B...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au Garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président assesseur, - Mme Péna, premier conseiller. Lu en audience publique, le 6 octobre 2015. '' '' '' '' N° 10MA011672
Cours administrative d'appel
Marseille
Cour Administrative d'Appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 02/10/2015, 14MA00130, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. Jean-ClaudeMenguala demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 400 000 euros en réparation de préjudices subis résultant de décisions illégales prises par France Télécom à son encontre. Par un jugement n° 1103221 du 15 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2014, M.Mengual, représenté par MeB..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 400 000 euros en réparation du préjudice subi consécutif aux décisions illégales prises par France Télécom ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des dépens et de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les fautes commises par France Télécom à son encontre tiennent à une procédure disciplinaire abusive, et aux nombreuses décisions annulées par le tribunal administratif de Montpellier ; - si ces fautes ont été souvent annulées pour vice de forme, elles démontrent la volonté de France Télécom de s'opposer systématiquement et irrégulièrement à ses demandes ; la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie est intervenue au bout de 5 ans et demi de procédure ; - cette attitude a été à l'origine d'importants problèmes financiers et de troubles dans les conditions d'existence subis par lui et sa famille ; comme il a été indûment dépourvu de tout traitement pendant plus de trois ans et de son traitement complet pendant le reste du temps, sa femme a dû effectuer de nombreuses heures supplémentaires, ils ont dû faire appel à l'aide familiale, recourir à l'emprunt et subir des pénalités de la part du Trésor Public faute de pouvoir régler les impôts, et un de ses fils renoncer à ses études ; - cette attitude l'a également conduit à un état dépressif sévère, qui a nécessité son hospitalisation à plusieurs reprises et à des consultations de médecin psychiatre. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2014, la société Orange, anciennement France Télécom, représentée par la SCP d'avocats Guillaume et Antoine Delvolvé, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête n'est pas dirigée contre la société Orange, qui doit donc être mise hors de cause, puisque tant en première instance qu'en appel M. Menguala demandé la seule condamnation de l'Etat ; - en tout état de cause, à supposer qu'elle comporte des conclusions tendant à la condamnation de la société Orange, la requête n'est pas fondée et la Cour la rejettera par les mêmes motifs que ceux du jugement attaqué ; en tout état de cause, les allégations relatives au préjudice financier subi ne sont corroborées par aucune pièce. Par ordonnance du 19 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juillet 2015. Par lettre du 8 juillet 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le fait que les conclusions sont mal dirigées. Par mémoire enregistré le 9 juillet 2015, l'appelant maintient ses précédentes écritures et soutient, en réponse au moyen d'ordre public, que l'indemnisation demandée à l'Etat procède d'une erreur de plume et que l'indemnisation du préjudice est demandée à la société Orange. Par lettre du 10 juillet 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le fait que les conclusions, dirigées contre France Télécom devenu la société Orange, sont nouvelles en appel. Par mémoire enregistré le 21 juillet 2015, la société Orange soutient que les moyens d'ordre public soulevés par la Cour sont fondés et que les conclusions sont irrecevables. Par mémoire enregistré le 5 août 2015, M. Mengualsoutient, en réponse au 2ème moyen d'ordre public envoyé par la Cour, que sa demande n'est pas nouvelle en appel dès lors que le tribunal l'a traitée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : -la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; -la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; -la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; -la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ; -le code de justice administrative. La présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné le 1er septembre 2015 M. Philippe Portail, président-assesseur de la 9ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Isabelle Buccafurri, présidente de la 9ème chambre. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Busidan, - les conclusions de M. Roux, rapporteur public, - et les observations de Me Ruffelreprésentant M.Mengual. 1. Considérant que M.Mengual, fonctionnaire titulaire du grade d'agent d'exploitation du service des lignes en fonction au sein des services de l'entreprise nationale France Télécom, devenue la société Orange, relève appel du jugement rendu le 15 novembre 2013, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, qui tendait à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser de préjudices consécutifs, selon lui, à des décisions illégales prises par France Télécom ; Sur la recevabilité des conclusions : 2. Considérant que si les conclusions du requérant, présentées tant en première instance qu'en appel, ont été mal dirigées, dès lors qu'elles tendent à la seule condamnation de l'Etat à raison de fautes reprochées susceptibles d'engager exclusivement la responsabilité de la société Orange, cette fin de non-recevoir ne peut être utilement opposée en appel, dès lors que le tribunal administratif n'aurait pu la retenir sans avoir préalablement invité le requérant à régulariser sa demande sur ce point ; qu'ainsi, la société Orange, qui n'avait pas soulevé cette fin de non-recevoir en première instance et a défendu au fond, ne peut utilement faire valoir en appel qu'elle devrait être mise hors de cause, alors qu'il résulte des termes du jugement attaqué que le premier juge a examiné la demande comme recherchant également la responsabilité de cette société ; Sur le bien-fondé du jugement : 3. Considérant que les préjudices dont M. Mengualdemande réparation consistent en un préjudice financier, des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral ; qu'il soutient que ces préjudices découleraient indistinctement, d'une part, du lancement à partir de juillet 2003 d'une procédure disciplinaire abusive à son encontre et, d'autre part, de l'illégalité de nombreuses décisions prises entre le 16 septembre 2004 et le 21 mars 2006 et relatives aux congés maladies et au reclassement auxquels l'intéressé prétendait, comme du retard avec lequel a été reconnue l'imputabilité au service de son syndrome dépressif ; 4. Considérant, en premier lieu, s'agissant de la procédure disciplinaire, qu'après avoir été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 11 juillet 2003, M. Menguala fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire d'un an, dont 8 mois avec sursis, par une décision du 7 novembre 2003; qu'à la suite de l'ordonnance du 28 janvier 2004, par laquelle le juge des référés a suspendu l'exécution de cette sanction au motif de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline, France Télécom a retiré la sanction par décision du 9 septembre 2004; que si la lettre de notification de ce retrait annonce la prochaine ouverture d'une enquête interne sur les faits reprochés à M. Mengual et l'éventualité d'une nouvelle procédure disciplinaire, France Télécom n'a repris aucune sanction à l'encontre de M.Mengual ; 5. Considérant que les fautes commises par France Télécom à l'égard de M. Mengualne peuvent ouvrir droit à réparation au profit du requérant qu'à la condition qu'elles soient à l'origine de préjudices personnels, directs et certains subis par lui ; qu'il résulte de l'état des paiements des traitements servis par France Télécom entre août 2003 et mars 2010, établi par le requérant lui-même, qu'en février 2004, à la suite de l'ordonnance précitée, il a reçu une somme de 5 173 euros constituant, selon ses propres termes, les "rattrapages des sommes dues jusqu'ici"; que, par suite, M. Mengualn'établit pas la réalité d'un préjudice financier, qui serait consécutif à la procédure disciplinaire ci-dessus rappelée ; qu'alors que la sanction a été suspendue par le juge moins de trois mois après avoir été décidée, et retirée par France Télécom au bout de 10 mois, il n'établit pas davantage la réalité d'un préjudice moral ou de troubles dans les conditions d'existence qui découleraient de l'infliction, puis du retrait de la sanction disciplinaire ; 6. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions en date des 16 septembre 2004, 15 décembre 2004 et 7 février 2005, 14 novembre 2005 et 21 mars 2006, prises par France Télécom relatives aux congés sollicités par le requérant en raison de son état pathologique et à sa demande de reclassement ont toutes été annulées par le tribunal administratif de Montpellier pour vices de forme ou de procédure par des jugements en date du 27 décembre 2007 et du 5 mars 2009 ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que, sur avis favorable de la commission de réforme réunie le 4 mars 2010, France Télécom a, par une décision du 16 mars 2010, d'une part reconnu à compter du 8 novembre 2004 l'imputabilité au service de la maladie développée par M.Mengal, d'autre part invité ce dernier à déposer une demande de retraite pour invalidité, dès lors que les instances médicales l'ont estimé inapte totalement et définitivement à toutes fonctions au sein de France Télécom ; qu'en prenant ces décisions illégales, et en tardant à reconnaitre l'imputabilité au service de la maladie du requérant, France Telecom a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ; 7. Considérant que M. Mengualinvoque le fait que si France Télécom a régularisé en 2010 sa situation à compter du 8 novembre 2004, il a été privé indûment de son traitement, en partie ou en totalité, pendant de nombreuses années et que cette situation a été à l'origine des préjudices qu'il allègue ; 8. Considérant cependant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté par M.Mengal, que France Télécom a reconstitué sa carrière et lui a versé la totalité des sommes dues au titre de son traitement à compter du 8 novembre 2004 ; que d'autre part, s'il ressort des pièces versées au dossier qu'à partir de novembre 2005 l'intéressé a souvent sollicité des délais de paiement auprès du Trésor Public pour le paiement de ses dettes fiscales, ces pièces n'établissent pas que l'intéressé a dû régler des majorations ou pénalités de retard ; que, contrairement à ce qu'il allègue, elles ne justifient pas davantage le règlement d'agios ou autres frais aux établissements bancaires, ni que l'intéressé aurait dû contracter un emprunt auprès d'eux pour faire face à la baisse de ses revenus ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de chose jugée opposée en première instance par France Télécom sur le préjudice financier, M. Mengual n'établit pas la réalité du préjudice financier qu'il allègue ; 9. Considérant que M. Mengualne prouve pas non plus l'existence d'un lien de causalité entre les décisions fautives précitées et le préjudice moral allégué, qui se serait manifesté par des conséquences sur sa santé, alors que la date de l'imputabilité au service de son syndrome dépressif est antérieure à presque toutes ces décisions ; 10. Considérant, en revanche, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des courriers sus-évoqués adressés à la trésorerie et d'attestations de membres de la famille de M. Mengual selon lesquelles ils ont dû l'aider financièrement, que l'illégalité de ces décisions, et le délai de plus de cinq ans qui a couru entre la décision du 15 décembre 2004 refusant de reconnaître son affection comme maladie professionnelle et celle du 16 mars 2010 reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 8 novembre 2004, lui ont causé directement et personnellement des troubles dans les conditions d'existence ; que ces troubles concernent la période de plus de trois ans pendant laquelle il n'a perçu aucun traitement, puis la période de plus de deux années pendant laquelle il a été à demi-traitement, en méconnaissance des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée qui prévoient que si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite ; que, cependant, ces troubles dans les conditions d'existence ne peuvent s'étendre aux circonstances que son fils a arrêté ses études après l'obtention de son BTS en juin 2004, ou que sa femme aurait travaillé davantage au sein de son entreprise à compter d'août 2006, circonstances dont le lien direct avec les décisions fautives n'est, en outre, pas avéré par les pièces du dossier ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité réparant les troubles dans les conditions d'existence subis par l'appelant en l'évaluant à la somme de 3 500 euros ; 11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Mengualest fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que la condamnation de France Télécom devenu la société Orange à lui verser une indemnité de 3 500 euros ; Sur les conclusions concernant la charge des dépens : 12. Considérant que la présente instance ne comporte pas de dépens ; que, par suite, les conclusions de M. Mengualtendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la société Orange, ne peuvent être accueillies ; Sur les frais non compris dans les dépens : 13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. Mengual; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que la société Orange demande au même titre, soit mise à la charge de l'appelant qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 novembre 2013 est annulé. Article 2 : La société Orange est condamnée à verser à M. Mengualune indemnité de 3 500 (trois mille cinq cents) euros. Article 3 : La société Orange versera à M. Mengualune somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-ClaudeMengualet à la société Orange. Délibéré après l'audience du 11 septembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Portail , président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - Mme Busidan, premier conseiller, - Mme Giocanti, conseiller. Lu en audience publique, le 2 octobre 2015. '' '' '' '' 2 N° 14MA00130
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 24/09/2015, 14NC01640, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser une somme de 14 000 euros en réparation des fautes commises par son employeur dans la gestion de sa situation administrative. Par un jugement n° 1105108 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 5 août 2014 et un mémoire en réplique enregistré le 4 février 2015, MmeD... B..., représentée par MeC..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juin 2014 ; 2°) de condamner la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser une somme de 14 000 euros en réparation des fautes commises par son employeur dans la gestion de sa situation administrative ; 3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Strasbourg la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué relève de la voie de l'appel ; - l'administration a commis une faute en procédant à un rappel de 1 528,68 euros au titre d'un trop perçu pendant la période de congé de maladie du 18 mai 2004 au 17 mai 2005, alors que sa pathologie a été reconnue comme imputable au service jusqu'au 2 septembre 2005 ; - l'appréciation de cette pathologie par son employeur présente un caractère manifestement fautif ; - l'administration lui a reconnu un taux d'invalidité de 5 % par une décision du 19 avril 2006, près de cinq mois après que la commission de réforme a rendu son avis le 22 novembre 2005 ; - placée en congé de maladie ordinaire du 3 septembre 2005 au 2 septembre 2006, ses droits à congés n'étaient pas pour autant épuisés le 3 septembre 2006 dès lors qu'elle a subi une intervention chirurgicale sans rapport avec sa pathologie initiale et pour laquelle elle a été arrêtée du 1er mars au 14 mai 2006 ; - le titre de recette émis le 21 mars 2007 pour un montant de 7 709,60 euros est injustifié ; - l'administration n'a pas répondu à son courrier du 20 décembre 2006 demandant que l'ensemble de ses congés depuis le 18 mai 2004 soient reconnus comme imputables au service ; - elle n'a pas respecté ses obligations en ce qui concerne la saisine du comité médical et de la commission de réforme ; - le délai de saisine de ces organismes était anormalement long ; - aucun poste adapté ne lui a été proposé en vue d'une reprise d'activité le 18 mai 2005 ou, à défaut, le 2 septembre 2005, date retenue pour la consolidation de son état de santé ; - la carence de l'administration a eu pour effet de la priver des droits à congés dont elle aurait pu bénéficier à la suite de l'intervention chirurgicale précitée ; - elle a été invitée à reverser le trop-perçu de façon brutale ; - les fautes reprochées à l'administration sont à l'origine d'un préjudice matériel et d'un préjudice moral. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 décembre 2014 et le 1er avril 2015, la communauté urbaine de Strasbourg, devenue Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me A..., conclut, à titre principal, à ce que la cour se déclare incompétente et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Eurométrompole de Strasbourg fait valoir que : - le jugement attaqué ne peut être contesté que par la voie d'un pourvoi en cassation ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, - et les conclusions de M. Collier, rapporteur public. 1. Considérant que MmeB..., agent des services techniques de la communauté urbaine de Strasbourg, devenue l'Eurométropole de Strasbourg, a été placée en congé de maladie du 18 mai 2004 au 2 septembre 2005, à raison d'une pathologie dont l'administration a reconnu l'imputabilité au service ; qu'elle a ensuite été placée en congé de maladie ordinaire jusqu'au 2 septembre 2006, puis en disponibilité d'office jusqu'au 26 février 2007, date de sa reprise d'activité ; que Mme B..., laquelle reproche à son employeur des négligences dans la gestion de sa situation administrative, a recherché la responsabilité de l'administration devant le tribunal administratif de Strasbourg ; qu'elle fait appel du jugement du 5 juin 2014 par lequel les premiers juges ont rejeté sa demande ; Sur la compétence de la cour administrative d'appel : 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa version issue du décret du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative, applicable aux décisions des tribunaux administratifs rendues à compter du 1er janvier 2014 : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ; 2° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques ; 3° Sur les litiges relatifs aux refus de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ; 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; 5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; 6° Sur les litiges relatifs au permis de conduire ; 7° Sur les litiges en matière de pensions ; 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (...) " ; que le montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du code de justice administrative est fixé à 10 000 euros ; 3. Considérant que la demande présentée par Mme B...devant les premiers juges en vue d'obtenir la condamnation de l'administration à lui verser une somme de 14 000 euros en réparation de ses préjudices ne relève d'aucun des litiges visés à l'article R. 811-1 précité du code de justice administrative, pour lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort ; qu'ainsi, le recours présenté par l'intéressée contre le jugement du 5 juin 2014 ressortit à la compétence de la cour administrative d'appel ; que, par suite, l'exception d'incompétence opposée par l'Eurométropole de Strasbourg ne peut qu'être écartée ; Sur le bien fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la période du 18 mai 2004 au 2 septembre 2005 : 4. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...) " ; 5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B... a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 18 mai 2004, à la suite d'une intervention chirurgicale du canal carpien de la main gauche ; que la commission de réforme s'étant prononcée, le 24 mars 2005, en faveur de l'imputabilité au service de la maladie de la requérante, l'administration a informé celle-ci, par un courrier du 24 mai suivant, de sa décision de reconnaitre l'origine professionnelle de sa pathologie ; que, dans sa séance du 25 novembre 2005, la commission de réforme a retenu le 2 septembre 2005 comme date de consolidation de l'état de santé de la requérante, avec un taux d'invalidité de 5 % ; 6. Considérant, en premier lieu, que MmeB..., initialement placée en congé de maladie ordinaire, reproche à l'administration de lui avoir réclamé, par courrier du 22 avril 2005, une somme de 1 528,68 euros en conséquence de la réduction de moitié de son traitement, alors que, dans son avis rendu le 24 mars précédent, la commission de réforme avait reconnu l'imputabilité de sa maladie au service, impliquant le maintien de l'intégralité de son traitement pendant toute la durée de son congé de maladie ; que, toutefois, dans le courrier précité du 24 mai 2005, l'administration a informé l'intéressée qu'une régularisation serait effectuée sur la paye du mois de mai 2005 afin de tenir compte de ce maintien du plein traitement ; que la requérante ne conteste pas que la somme litigieuse lui a été reversée et qu'elle n'a subi à ce titre aucun préjudice matériel ; qu'eu égard au bref délai dans lequel ce reversement est intervenu, le préjudice moral allégué n'est pas établi ; 7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en application de l'article 16 du décret susvisé du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, la commission de réforme est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande que son congé de maladie soit reconnu comme imputable au service, sauf dans l'hypothèse où cette imputabilité est reconnue par l'administration ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait commis une faute en décidant de consulter la commission de réforme sur la situation médicale de MmeB..., avant de reconnaitre l'imputabilité de sa maladie au service ; qu'en l'absence de précision sur la date à laquelle l'intéressée a présenté sa demande tendant à voir reconnaitre cette imputabilité, il n'est pas établi non plus que la commission de réforme, qui s'est prononcée le 24 mars 2005, aurait été saisie avec retard par l'administration ; 8. Considérant, en dernier lieu, que Mme B...reproche encore à l'administration de l'avoir informée de l'attribution d'un taux d'invalidité de 5 %, par un courrier du 19 avril 2006, alors que la commission de réforme avait rendu un avis en ce sens près de cinq mois auparavant, le 22 novembre 2005 ; que, toutefois, alors que ce courrier précise qu'une éventuelle allocation temporaire d'invalidité est subordonnée à un accord de la caisse des dépôts et consignation, la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que le retard reproché à l'administration l'aurait privée du bénéfice de cette allocation ; En ce qui concerne la période postérieure au 2 septembre 2005 : 9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a été placée en congé de maladie ordinaire, non imputable au service, pour la période du 3 septembre 2005 au 2 septembre 2006, puis en disponibilité d'office du 3 septembre 2006 au 26 février 2007 ; qu'un titre exécutoire, d'un montant de 7 709,60 euros, a été émis à son encontre le 21 mars 2007 en vue de recouvrer les sommes qui lui ont été indûment versées à compter du 3 décembre 2005, date à laquelle son traitement aurait dû être réduit de moitié, puis à compter du 3 septembre 2006, date à laquelle aucun traitement ne pouvait plus lui être versé ; 10. Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que, si elle avait été réintégrée sur un poste adapté le 18 mai 2005 ou, à défaut, le 2 septembre suivant, elle aurait été en mesure de bénéficier d'un nouveau congé de maladie à compter du mois de mars 2006 à la suite de son opération du pouce gauche, lui évitant ainsi le rappel de rémunération effectué par l'administration le 21 mars 2007 ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la suite de la première intervention chirurgicale portant sur le canal carpien, son état de santé lui aurait permis de rejoindre son poste le 18 mai 2005, alors que la commission de réforme a retenu le 2 septembre suivant pour la consolidation de cet état ; qu'en outre, il n'est pas sérieusement contesté par l'intéressée qu'à l'issue de sa première période de congé de maladie, elle a continué à transmettre à l'administration des avis d'arrêt de travail couvrant la période du 2 septembre 2005 au 25 février 2007 ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que la communauté urbaine de Strasbourg aurait commis une faute en s'abstenant de réintégrer Mme B...sur un poste adapté au cours de l'année 2005 ; 11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'avant de se prononcer sur l'imputabilité éventuelle au service des congés de maladie de Mme B...pour la période postérieure au 2 septembre 2005, la communauté urbaine de Strasbourg a diligenté une expertise médicale le 24 avril 2006, laquelle s'est tenue le 29 mai suivant ; que, par un courrier en date du 20 octobre 2006, l'administration a informé l'intéressée de la prochaine saisine de la commission de réforme, et, dans l'hypothèse où cette commission suivrait les conclusions de l'expertise, de son placement en congé de maladie ordinaire jusqu'au 2 septembre 2006, puis de son placement en disponibilité après cette date, tout en lui précisant les implications financières de ces positions ; que la commission de réforme ayant rendu, le 22 décembre 2006, un avis défavorable à une imputabilité au service pour la période de congé postérieure au 2 septembre 2005, l'administration a, par un arrêté du 21 février 2007, placé Mme B... en congé de maladie ordinaire du 3 septembre 2005 au 2 septembre 2006 puis en disponibilité d'office du 3 septembre 2006 jusqu'à sa reprise d'activité, prévue le 26 février 2007 ; que, dans ces conditions, alors que la requérante a transmis au service des avis d'arrêt de travail pour la période du 2 septembre 2005 au 25 février 2007, qu'elle ne soutient pas avoir demandé l'imputabilité de ses congés au service à une date antérieure au 24 avril 2006 et que l'administration était tenue de lui assurer une position régulière, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait commis une négligence fautive dans la gestion de la situation administrative de MmeB... ; 12. Considérant, en dernier lieu, que le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation qu'il appartient à l'administration de corriger en réclamant à l'intéressé le reversement des sommes payées à tort, sans que ce dernier puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement ; qu'ainsi, en demandant à Mme B...le remboursement du trop-perçu de rémunération pour la période du 3 septembre 2005 au 26 février 2007, par un titre exécutoire du 21 mars 2007, après l'avoir informée dès le 26 octobre 2006 des conséquences financières de son placement en congé de maladie ordinaire puis en disponibilité, l'Eurométropole de Strasbourg, qui l'a informée en outre de la possibilité d'obtenir un échelonnement du remboursement ou de bénéficier d'un congé de longue maladie permettant le maintien d'une partie de son traitement, n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, commis de faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration à son égard ; 13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'administration présentées sur le fondement des mêmes dispositions ; D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'Eurométropole de Strasbourg présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et à l'Eurométropole de Strasbourg. '' '' '' '' 2 N° 14NC01640
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Nancy