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Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 21/11/2012, 347280, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 7 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hassine B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt n° 09/00044 du 17 juin 2010 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a, d'une part, déclaré irrecevable sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 06/62 du 19 mars 2009 du tribunal des pensions des Bouches-du-Rhône et, d'autre part, dit que ce jugement concernait en réalité M. Hassen C ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Ghestin d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 37 ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur, - les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. B, - les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ghestin, avocat de M. B ;1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que le tribunal des pensions des Bouches-du-Rhône a été saisi, par un mémoire enregistré le 18 juillet 2006, d'une demande présentée au nom de M. " C ou B Hassine ", domicilié chez M. D, écrivain public, qui a été enregistrée sous le n° 06/62 au nom de M. Hassine B alors qu'elle émanait, en réalité, de M. Hassen C ; que M. Hassine B a présenté, pour sa part, par l'intermédiaire de M. D, une demande à ce même tribunal, enregistrée le 6 juin 2008 sous le n° 08/054 ; que, par lettre enregistrée au tribunal le 15 juin 2008, M. Hassen C a déclaré se désister de sa demande enregistrée sous le n° 06/62 ; que le tribunal n'ayant pas corrigé l'erreur de nom affectant cette demande, il a, par jugement du 19 mars 2009 donné acte à M. Hassine B de son désistement de l'instance concernant la requête n° 06/62 ; que ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 juin 2010 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a, d'une part, déclaré irrecevable sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 06/62 du 19 mars 2009 du tribunal des pensions des Bouches-du-Rhône et, d'autre part, dit que ce jugement concernait en réalité M. Hassen C ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions de pension : " Les jugements des tribunaux départementaux des pensions sont notifiés par le greffier de la juridiction par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le même jour à chacune des parties (...). La notification est faite au demandeur à son domicile et au commissaire du Gouvernement à son adresse administrative " ; qu'aux termes de l'article 11 du même décret : " Les décisions du tribunal départemental des pensions sont susceptibles d'appel devant la cour régionale des pensions soit par l'intéressé, soit par l'Etat " ; qu'il résulte de ces dispositions que toute partie à l'instance devant le Tribunal des pensions peut faire appel des jugements rendus par celui-ci ; 3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et qu'il n'est pas contesté que M. Hassine B a été regardé par le tribunal des pensions des Bouches-du-Rhône comme partie à l'instance n° 06/62, alors qu'elle concernait en réalité M. Hassen C ; qu'il a d'ailleurs reçu, à son adresse, la notification du jugement du 19 mars 2009 rendu par le tribunal dans cette instance, laquelle comportait la mention des voies et délai de recours ; qu'il était, par suite, recevable, à former appel contre ce jugement devant la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence ; qu'en jugeant le contraire, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; 5. Considérant que M. B a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Ghestin, avocat de M. B, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la SCP Ghestin ;D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence du 17 juin 2010 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Ghestin, avocat de M. B, une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Hassine B et au ministre de la défense.ECLI:FR:CESJS:2012:347280.20121121
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 05/12/2012, 355693, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistré les 9 et 26 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10/00024 du 15 novembre 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement du 17 novembre 2010 du tribunal départemental des pensions de la Dordogne lui accordant la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant-chef de l'armée de l'air en fonction de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale et, d'autre part, rejeté sa demande ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ; Vu le décret n° 59-237 du 20 février 1959 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Marc Perrin de Brichambaut, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de M. B, - les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public, La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de M. B ; Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées (...) par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet. Les décisions de rejet des demandes de pensions sont prises dans la même forme " ; qu'en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, la décision prise sur ce fondement ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " La notification des décisions prises en vertu de l'article L. 24, premier alinéa, du présent code, doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification et que les décisions confirmatives à intervenir n'ouvrent pas de nouveau délai de recours " ; que le délai contentieux de six mois prévu à l'article 5 du décret du 20 février 1959 court du jour où la décision prise en application du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre a été notifiée au pensionné dans les formes prévues à l'article L. 25 du même code ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle oppose à l'intéressé la tardiveté de son recours, de justifier devant le juge de la date à laquelle elle a notifié la décision contestée et du respect des formes prescrites pour cette notification par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B a demandé le 19 avril 2007 au ministre de la défense de recalculer la pension militaire qui lui avait été concédée à titre définitif par un arrêté du 5 décembre 1995 en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale ; que, par lettre du 29 mai 2007, le ministre lui a indiqué qu'il recherchait les moyens de donner une suite à sa demande et qu'il en serait tenu informé dès que possible ; qu'en l'absence de réponse, M. B a saisi le 18 juin 2009 le tribunal départemental des pensions de la Dordogne ; Considérant que pour juger que la requête de M. B devant le tribunal départemental des pensions était irrecevable, la cour régionale des pensions s'est bornée à relever que M. B avait saisi cette juridiction après l'expiration du délai prévu à l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; qu'en statuant ainsi, sans que le ministre ait apporté la preuve, qui lui incombe, de la régularité de la notification de l'arrêté de concession, la cour régionale des pensions a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Bordeaux du 15 novembre 2011 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Toulouse. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Guy B et au ministre de la défense.ECLI:FR:CESJS:2012:355693.20121205
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 21/11/2012, 351007, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi et le nouveau mémoire, enregistrés le 18 juillet 2001 et le 22 octobre 2012 au secrétariat du Conseil d'Etat, présentés par M. Raphaël B, demeurant ...); M. B demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt n° 10/03733 du 7 juin 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n°08-20 du 25 mai 2010 du tribunal des pensions de Nanterre, en tant qu'il lui a refusé la qualification de blessures " en service commandé "; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : -le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes, -les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de la justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ; 2. Considérant que, pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. B soutient qu'en refusant de reconnaître à ses blessures la qualification de blessures " en service commandé ", alors qu'il était en mission et participait à un conflit armé au moment où il les a subies, la cour régionale des pensions de Versailles a méconnu les dispositions des articles L.2, L3, L.25, L.26, L.36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit; qu'en statuant ainsi, la cour a également dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; 3. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. B est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Raphaël B. Copie en sera adressée pour information au ministre de la défense. ECLI:FR:CESJS:2012:351007.20121121
Conseil d'Etat
Cour Administrative d'Appel de Versailles, 1ère Chambre, 23/10/2012, 10VE01088, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril 2010 et 6 août 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Gaston A, demeurant ..., par Me Gonthier, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour, tant en son nom qu'en sa qualité d'ayant droit des membres de sa famille : 1°) d'annuler l'ordonnance n°0706942 du 15 mars 2010 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'internement et de la déportation de son père, de sa soeur et de sa grand-mère ; 2°) de condamner solidairement la SNCF et l'Etat à verser à M. A la somme de 495 000 euros en réparation de son préjudice et au titre du préjudice subi par sa famille, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2006 avec capitalisation des intérêts à chaque anniversaire ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SNCF, in solidum, une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. A soutient, en premier lieu, que la juridiction administrative est compétente dès lors que le requérant recherche la responsabilité de l'Etat à raison des faits commis par des fonctionnaires dans l'accomplissement de leur service ; que les atteintes portées aux libertés individuelles et au respect de la personne humaine du fait des mesures prises par les services de l'Etat à l'égard des membres de la famille A, trouvent leur fondement dans l'application de l'article 1er de la loi du 4 octobre 1940, ce qui exclut l'application de la théorie de la voie de fait ; que s'agissant, en second lieu, de la SNCF, la juridiction administrative est bien compétente ratione materiae ; que, d'une part, les trois membres de sa famille déportés ont été transportés par la SNCF non pas en qualité d'usagers mais, contre leur volonté, en qualité d'usagers d'un service public administratif ; que c'est ainsi que le gouvernement de l'Etat d'alors entendait la notion de service public ; que, d'autre part, la SNCF était bien titulaire de prérogatives de puissance publique ; qu'elle vérifiait que les wagons étaient fermés et plombés et était en situation de monopole ; qu'enfin, les dommages dont il est demandé réparation ont été causés dans l'exercice de prérogatives de puissance publique et lui sont directement imputables ; que s'agissant, en troisième lieu, de la responsabilité de l'Etat, les autorités administratives chargées de l'internement puis du transfert des prisonniers ne pouvaient ignorer la destination finale qui leur était réservée ; que, dans le cadre du droit de la guerre et de la convention de la Haye, l'Etat aurait dû s'opposer, à tout le moins protester contre leur internement et leur déportation en leur qualité de civils ; que, de surcroît, il a été porté atteinte à leur liberté individuelle et à leurs droits fondamentaux ; que le fait d'interner les victimes et de les remettre à la SNCF en vue de leur déportation afin de faciliter leur assassinat est une faute de service de l'Etat, qui doit en outre répondre de la participation de certains de ses agents à la commission d'un crime contre l'humanité, ou qui se sont rendus coupables de complicité de crime contre l'humanité ; que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande en condamnation dès lors que le requérant n'a jamais été personnellement indemnisé, directement par l'Etat, notamment parce que le décret de 1999, relatif à l'indemnisation des victimes de spoliation, prévoyait que ce texte ne s'appliquait qu'aux personnes qui étaient âgées de moins de vingt et un ans lorsque la déportation est intervenue ; que s'agissant de la responsabilité de la SNCF, le rapport Bachelier établit que la SNCF a livré des wagons en mauvais état et que, chargée d'exécuter des transports de déportés, elle a accepté, sans jamais protester, de transporter des civils dont de nombreuses femmes et enfants dans des wagons à bestiaux sans eau ni nourriture ; que le transport des membres de la famille de M. A, dans des conditions contraires à la dignité de la personne humaine, constitue non seulement une faute de service et un acte illégal au regard du cadre juridique qui régissait les relations de la SNCF et des autorités d'occupation, mais peut surtout être qualifié de crime contre l'humanité ou de complicité de crime contre l'humanité ; ........................................................................................................ Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialiste ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ; Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu l'avis du Conseil d'Etat n°315499 du 16 février 2009 publié au journal officiel de la République française du 10 mars2009 ; Vu la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n°49637 et suivants, rendue dans les affaires J. H. et autres contre France et déclarant ces requêtes irrecevables ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2012 : - le rapport de Mme Belle, premier conseiller, - les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public, - et les observations de Me Gonthier ; Considérant que M. A, relève appel de l'ordonnance du 15 mars 2010 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait du transfert à Drancy et de la mort en déportation à Auschwitz de son père, de sa grand-mère et de sa soeur ; Sur la compétence de la juridiction administrative au regard des conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité pour faute d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice, par cette personne morale de droit privé, de prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ; qu'à l'époque des faits, la SNCF était une personne morale de droit privé soit une société d'économie mixte exploitant le service public industriel et commercial des transports ferroviaires dans le cadre de la convention approuvée par le décret-loi du 31 août 1937 ; Considérant que, toutefois, M. A fait valoir, à l'appui de son moyen tiré de la compétence de la juridiction administrative, en premier lieu, que la SNCF a apporté son concours à une opération de police administrative et en deuxième lieu qu'elle a agi comme mandataire de l'Etat ; que, toutefois, la déportation de personnes en raison de leur origine ne peut être regardée comme une opération de police administrative à laquelle la SNCF aurait participé ; qu'en second lieu, la SNCF n'avait pas davantage reçu de mandat de l'Etat pour procéder aux transports qui ont conduit à la déportation de personnes d'origine juive et ne peut être regardé comme ayant eu recours à des prérogatives de puissance publique dans l'organisation de ces transports ; que, par suite, la juridiction administrative n'était pas compétente pour se prononcer sur les conclusions dirigées par M. A contre la SNCF et ce quelles que soient les conditions dans lesquelles se sont déroulées ces opérations ; Sur la responsabilité de l'Etat : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant " gouvernement de l'Etat français " qui " établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif " que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; qu'au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation à partir de la France de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiements à destination des camps de transit, qui ont été, durant la seconde guerre mondiale, la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; Considérant que, pour compenser les préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés a organisé la tutelle, confiée en cas de besoin aux services de l'Etat, des enfants mineurs, quelle que soit leur nationalité, dont l'un des parents ou le tuteur avait été déporté de France pour des motifs politiques ou raciaux ; qu'après de premières aides prévues par l'ordonnance du 11 mai 1945 réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, la loi du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre, dont les dispositions sont désormais reprises dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a étendu le régime des pensions de victimes civiles de la guerre aux personnes déportées pour des motifs politiques ou raciaux ainsi qu'à leurs ayants cause lorsqu'elles étaient décédées ou disparues ; que l'application de cette loi, initialement réservée aux personnes de nationalité française, a été progressivement étendue, à compter de 1947, par voie de conventions bilatérales puis de modifications législatives et, en dernier lieu, par la loi du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, à toutes les personnes de nationalité étrangère ; que la loi du 9 septembre 1948 définissant le droit et le statut des déportés et internés politiques, elle aussi reprise dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a prévu le versement d'un pécule aux personnes de nationalité française internées ou déportées pour des motifs autres qu'une infraction de droit commun et leur a accordé le régime de la présomption d'origine pour les maladies sans condition de délai ; que l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialiste, ainsi d'ailleurs que les autres mesures d'indemnisation et de réparation prises par cet Etat et la République d'Autriche, ont également contribué à réparer les préjudices subis ; que le décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites a, quant à lui, prévu l'attribution d'une telle réparation, sous forme d'une indemnité en capital ou d'une rente viagère mensuelle, aux personnes mineures à l'époque des faits dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites sous l'Occupation et a trouvé la mort en déportation ; qu'enfin, l'Etat a versé en 2000 une dotation à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dont l'un des objets statutaires est de contribuer au financement et à la mise en oeuvre d'actions de solidarité en faveur de ceux qui ont souffert de persécutions antisémites ; que ce dispositif a par ailleurs été complété par des mesures destinées à indemniser les préjudices professionnels des personnes déportées et, en ce qui concerne leurs biens, à les restituer ou à indemniser leur spoliation ; que tel est le cas, en particulier, des indemnités qui sont prises en charge par l'Etat et les institutions financières au titre de la spoliation des biens et dont le principe et le montant sont fixés sur la proposition de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites pendant l'Occupation (CIVS) créée par le décret du 10 septembre 1999 ; Considérant que prises dans leur ensemble, ces mesures doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il a été possible, l'indemnisation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des préjudices de toute nature causés par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; que la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait toutefois se borner à des mesures d'ordre financier ; qu'elle appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises ; qu'ainsi, après que le Parlement eut adopté la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du tribunal international de Nuremberg, le Président de la République a, le 16 juillet 1995, solennellement reconnu, à l'occasion de la cérémonie commémorant la grande rafle du " Vélodrome d'hiver " des 16 et 17 juillet 1942, la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant " gouvernement de l'Etat français " avait considérées comme juives ; qu'enfin, le décret du 26 décembre 2000 a reconnu d'utilité publique la Fondation pour la mémoire de la Shoah, afin notamment " de développer les recherches et diffuser les connaissances sur les persécutions antisémites et les atteintes aux droits de la personne humaine perpétrées durant la seconde guerre mondiale ainsi que sur les victimes de ces persécutions " ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu bénéficier d'une indemnisation suffisante pour réparer un dommage dont le caractère exceptionnel ne peut, au demeurant, permettre une réparation intégrale ; Considérant, par ailleurs, que si le requérant soutient qu'il n'a jamais été personnellement et directement indemnisé par l'Etat notamment parce que le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation prévoyait que ce texte ne s'appliquait qu'aux personnes qui étaient âgées de moins de vingt et un ans lorsque la déportation est intervenue, ce moyen manque en droit dès lors que ce texte ne prévoit aucune condition semblable ; que, s'il entend demander par là le bénéfice du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites en application de l'article 1er dudit décret, le bénéfice de ces dispositions n'est pas ouvert aux personnes qui avaient moins de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue ; que, dans cette situation, les orphelins de plus de vingt et un ans, et, qui, comme M. A, étaient déjà engagés dans l'armée, se trouvaient objectivement dans une situation différentes de celle des orphelins mineurs de moins de vingt et un ans et pouvaient, dès lors, être traités différemment ; que, par suite, M. A, qui ne démontre pas au surplus qu'il ne pouvait plus prétendre au bénéfice d'aucun des nombreux dispositifs d'indemnisation applicables, n'est pas fondé à soutenir que c'est illégalement qu'il n'a pas bénéficié de ces dispositions ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la prescription éventuelle des créances que le requérant détiendrait sur l'Etat, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ; Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SNCF ou de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; DECIDE : Article 1er : La requête de M. A est rejetée. '' '' '' '' N° 10VE01088 2
Cours administrative d'appel
Versailles
Cour Administrative d'Appel de Versailles, 1ère Chambre, 23/10/2012, 10VE01098, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Maurice A et Mme Jacqueline A épouse B élisant domicile chez Me Archambault, ..., par Me Archambault, avocat à la Cour ; M. et Mme A demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0703744 du 15 mars 2010 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'engagement de la responsabilité de la SNCF et de l'Etat et à leur condamnation solidaire à verser aux consorts A la somme de 300 000 euros ; 2°) de condamner in solidum l'Etat et la SNCF à payer une somme de 200 000 euros au titre du préjudice subi par M. Nisson C, à M. Maurice A et à Mme Jacqueline A, de condamner in solidum l'Etat et la SNCF à payer une somme de 50 000 euros à chacun au titre du préjudice subi par Mme Jacqueline A et M. Maurice A ; 3°) à titre subsidiaire, s'il était fait droit à la prescription invoquée par le ministre de la défense, de constater la violation par l'Etat des engagements pris en son nom par le Président de la République le 16 juillet 1995, de constater le caractère fautif de la violation de ces engagements, de constater la responsabilité de l'Etat et de l'obliger à indemniser les requérants de la violation de ses engagements ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SNCF in solidum une somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. et Mme A soutiennent, en premier lieu, que la juridiction administrative est compétente à l'égard de la SNCF ; qu'en effet, leur père, M. Nisson C, a été déporté au camp de Drancy par transport en train de la SNCF dans le cadre d'une opération de police administrative ; que la compétence pour juger de l'action en responsabilité à l'encontre d'une personne privée qui apporte son concours à une opération de police administrative est celle du juge administratif ; que la SNCF a apporté son concours à une opération de police administrative ; qu'en deuxième lieu, la SNCF a agi comme mandataire de l'Etat ; qu'en l'espèce, la convention approuvée par décret-loi du 31 août 1937 liant l'Etat français à la SNCF place cette dernière sous son contrôle ; que le mandant étant l'Etat, soit une personne publique, le contentieux des relations existant entre le mandataire, la SNCF, et les cocontractants ou tiers dans le cadre de la réalisation de la mission qui leur est confiée relève de la juridiction administrative ; qu'en troisième lieu, la réquisition ou le mandat n'exonèrent pas la SNCF de ses fautes ; qu'elle a transporté les personnes dans des conditions inhumaines ; que selon les règles du droit de la guerre, elle aurait dû refuser de transporter des personnes dans de telles conditions ; qu'elle a également violé, en exécutant ces transports, les règles de droit international ; que la SNCF a accepté, sans jamais protester, ainsi qu'en attestent les archives, de transporter des civils dont de nombreuses femmes et enfants dans des wagons à bestiaux sans eau ni nourriture ; qu'en acceptant cette exécution dans des conditions inhumaines et dégradantes, elle a agi en violant la convention d'armistice du 22 juin 1940 et la convention de la Haye du 18 octobre 1907 et son règlement ; qu'en quatrième lieu, les préjudices dont la réparation est demandée n'ont jamais été indemnisés ; qu'en estimant qu'ils ont été réparés, le tribunal a méconnu le principe de réparation intégrale du dommage ; que, certes, les requérants ont bénéficié de mesures de réparation légales mais que ces mesures n'ont pu réparer l'intégralité de leur préjudice ; qu'en effet, par l'intervention du décret n° 2000-657du 13 juillet 2000, les orphelins de parents déportés ont seulement bénéficié d'une aide matérielle mais pas de la réparation de l'intégralité de leur préjudice ; qu'à supposer même que l'on considère que cette somme indemnise le préjudice moral, elle serait insuffisante pour réparer l'intégralité du préjudice ; que le préjudice qui n'a pas encore été réparé peut toujours l'être par les voies de droit commun comme l'a indiqué la jurisprudence dans des affaires similaires ; que si l'ordonnance attaquée du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a vocation à réparer un préjudice collectif, les requérants demandent la réparation du préjudice individuellement subi par leurs parents dont ils sont les ayants droit, ainsi que de leur propre préjudice puisqu'ils ont également souffert pendant la période de collaboration ; qu'en cinquième lieu, les requérants n'ont pas bénéficié de l'indemnisation résultant de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne ; que le tribunal se fonde à tort sur cet accord puisqu'ils n'ont perçu aucune aide à ce titre ; qu'à supposer qu'il l'aient perçue de la part de l'Allemagne, l'indemnisation qu'ils sont en droit de percevoir de la part de la France ne peut s'analyser comme une double indemnisation au titre du même préjudice ; qu'à titre subsidiaire, si la Cour estime l'action des requérants prescrite, l'Etat sera condamné pour ne pas avoir respecté son engagement de ne pas opposer la prescription pris par le président de la République lors de son allocution du 16 juillet 1995 commémorant la " rafle du vélodrome d'hiver " ; qu'enfin, les conditions d'une indemnisation sont réunies, soit la faute reconnue par l'Etat, le lien de causalité et le préjudice et, dès lors, la perte d'une chance doit être appréciée comme équivalente au montant de l'indemnisation réclamée ; ........................................................................................................ Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialiste ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ; Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu l'avis du Conseil d'Etat n°315499 du 16 février 2009 publié au journal officiel de la République française du 10 mars 2009 ; Vu la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n° 49637 et suivants, rendue dans les affaires J. H. et autres contre France et déclarant ces requêtes irrecevables ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2012 : - le rapport de Mme Belle, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ; Considérant que M. A et sa soeur, Mme A, relèvent appel de l'ordonnance du 15 mars 2010 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la SNCF et de l'Etat à les indemniser au titre du préjudice qu'ils ont subi du fait de la déportation de leur père à Drancy puis à Auschwitz ; Sur la compétence de la juridiction administrative au regard des conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité pour faute d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice, par cette personne morale de droit privé, de prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ; qu'à l'époque des faits, la SNCF était une personne morale de droit privé, soit une société d'économie mixte exploitant le service public industriel et commercial des transports ferroviaires dans le cadre de la convention approuvée par le décret-loi du 31 août 1937 ; Considérant que, toutefois, M. A et Mme A font valoir, à l'appui de leur moyen tiré de la compétence de la juridiction administrative, en premier lieu, que la SNCF a apporté son concours à une opération de police administrative et, en deuxième lieu, qu'elle a agi comme mandataire de l'Etat ; que, toutefois, en premier lieu, la déportation de personnes en raison de leur origine ne peut être regardée comme une opération de police administrative à laquelle la SNCF aurait participé ; qu'en second lieu, la SNCF n'avait pas davantage reçu de mandat de l'Etat pour procéder aux transports qui ont conduit à la déportation de personnes d'origine juive et ne peut être regardée comme ayant eu recours à ses prérogatives de puissance publique dans l'organisation de ces transports ; que, par suite, la juridiction administrative n'était pas compétente pour se prononcer sur les conclusions dirigées par M. A et Mme A contre la SNCF ; Sur les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant " gouvernement de l'Etat français " qui " établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif " ; que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; qu'au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine, tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu, avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation à partir de la France de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiements à destination des camps de transit, qui ont été, durant la seconde guerre mondiale, la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; Considérant que pour compenser les préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés a organisé la tutelle, confiée en cas de besoin aux services de l'Etat, des enfants mineurs, quelle que soit leur nationalité, dont l'un des parents ou le tuteur avait été déporté de France pour des motifs politiques ou raciaux ; qu'après de premières aides prévues par l'ordonnance du 11 mai 1945 réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, la loi du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre, dont les dispositions sont désormais reprises dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a étendu le régime des pensions de victimes civiles de la guerre aux personnes déportées pour des motifs politiques ou raciaux ainsi qu'à leurs ayants cause lorsqu'elles étaient décédées ou disparues ; que l'application de cette loi, initialement réservée aux personnes de nationalité française, a été progressivement étendue, à compter de 1947, par voie de conventions bilatérales puis de modifications législatives et, en dernier lieu, par la loi du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, à toutes les personnes de nationalité étrangère ; que la loi du 9 septembre 1948 définissant le droit et le statut des déportés et internés politiques, elle aussi reprise dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a prévu le versement d'un pécule aux personnes de nationalité française internées ou déportées pour des motifs autres qu'une infraction de droit commun et leur a accordé le régime de la présomption d'origine pour les maladies sans condition de délai ; que l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialiste, ainsi d'ailleurs que les autres mesures d'indemnisation et de réparation prises par cet Etat et la République d'Autriche, ont également contribué à réparer les préjudices subis ; que le décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites a, quant à lui, prévu l'attribution d'une telle réparation, sous forme d'une indemnité en capital ou d'une rente viagère mensuelle, aux personnes mineures à l'époque des faits dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites sous l'Occupation et a trouvé la mort en déportation ; qu'enfin, l'Etat a versé en 2000 une dotation à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dont l'un des objets statutaires est de contribuer au financement et à la mise en oeuvre d'actions de solidarité en faveur de ceux qui ont souffert de persécutions antisémites ; que ce dispositif a par ailleurs été complété par des mesures destinées à indemniser les préjudices professionnels des personnes déportées et, en ce qui concerne leurs biens, à les restituer ou à indemniser leur spoliation ; que tel est le cas, en particulier, des indemnités qui sont prises en charge par l'Etat et les institutions financières au titre de la spoliation des biens et dont le principe et le montant sont fixés sur la proposition de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites pendant l'Occupation (CIVS) créée par le décret du 10 septembre 1999 ; Considérant que prises dans leur ensemble, ces mesures doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il a été possible, l'indemnisation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du préjudice moral subi par les victimes et leurs ayants-droit et des préjudices de toute nature causés par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; que la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait, toutefois, se borner à des mesures d'ordre financier ; qu'elle appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises ; qu'ainsi, après que le Parlement eut adopté la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du Tribunal international de Nuremberg, le Président de la République a, le 16 juillet 1995, solennellement reconnu, à l'occasion de la cérémonie commémorant la grande rafle du " Vélodrome d'hiver " des 16 et 17 juillet 1942, la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant " gouvernement de l'Etat français " avait considérées comme juives ; qu'enfin, le décret du 26 décembre 2000 a reconnu d'utilité publique la Fondation pour la mémoire de la Shoah, afin notamment " de développer les recherches et diffuser les connaissances sur les persécutions antisémites et les atteintes aux droits de la personne humaine perpétrées durant la seconde guerre mondiale ainsi que sur les victimes de ces persécutions " ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'auraient bénéficié que d'une aide matérielle pour réparer un dommage dont le caractère exceptionnel ne peut, au demeurant, permettre une réparation intégrale ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la prescription éventuelle des créances que les requérants détiendraient sur l'Etat, que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ; Sur les conclusions de M. A et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SNCF ou de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. A et Mme A épouse B demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; DECIDE : Article 1er : La requête de M. A et Mme A épouse B est rejetée. '' '' '' '' N° 10VE01098 2
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 29/10/2012, 329649, Inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance du 9 juillet 2009, enregistrée le 10 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Kaddour B ; Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2008 au greffe du tribunal administratif de Marseille, présentée par M. Kaddour B, demeurant ... et tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant la demande qu'il avait présentée le 17 février 2008 tendant à ce que sa pension militaire de retraite soit revalorisée ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ; Vu la loi n° 81-734 de finances du 3 août 1981 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, notamment son article 211 ; Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. B, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. B ;1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B, ressortissant algérien, a été admis à compter du 1er septembre 1962 au bénéfice d'une pension militaire de retraite dont le taux a été fixé en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 et l'article 26 de la loi n° 81-734 de finances rectificative du 3 août 1981 ; qu'il a saisi le 17 février 2008 l'administration d'une demande de revalorisation de sa pension, puis a saisi le 16 décembre 2008 le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cette décision ; que cette demande a été transmise par le président de ce tribunal au Conseil d'Etat ; que, par arrêté du 16 août 2011, l'administration a procédé à l'octroi d'une pension au taux de droit commun et aux rappels des arrérages correspondants à compter du 24 juin 2011 ; que M. B demande, dans le dernier état de ses écritures, que sa pension de retraite soit revalorisée à compter du 1er janvier 2004 ; Sur le non-lieu à statuer concernant la période postérieure au 24 juin 2011 : 2. Considérant que par arrêté du 16 août 2011, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a accordé à M. B une pension au taux de droit commun et fixé au 24 juin 2011 la date de jouissance de cette pension revalorisée ; qu'il a ainsi fait droit partiellement à la demande de M. Hakmi ; qu'il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions de ce dernier relatives à cette période ; Sur la période du 17 février 2008 au 23 juin 2011 : 3. Considérant que, lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions de l'article 62 de la Constitution, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ; 4. Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution, les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981, ainsi que les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII ; qu'il a jugé que : " afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision " ; 5. Considérant qu'à la suite de cette décision l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France ; que son paragraphe VI prévoit que " le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances " ; qu'enfin, aux termes du XI du même article : " Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 " ; 6. Considérant que M. B a demandé le 17 février 2008 à bénéficier d'une pension au taux de droit commun ; que, par application des dispositions de l'article 211 précité, il a droit à cette pension et aux rappels d'arrérages correspondant à compter de cette date ; Sur la période antérieure au 17 février 2008 : S'agissant du taux de la pension : 7. Considérant que, dans l'exercice du contrôle de conformité des lois à la Constitution qui lui incombe selon la procédure définie à l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a le pouvoir d'abroger les dispositions législatives contraires à la Constitution ; que les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe le contrôle de la compatibilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, s'il n'a pas fait droit à l'ensemble des conclusions du requérant en tirant les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative prononcée par le Conseil constitutionnel, d'examiner, dans l'hypothèse où un moyen en ce sens est soulevé devant lui, s'il doit, pour statuer sur les conclusions qu'il n'a pas déjà accueillies, écarter la disposition législative en cause du fait de son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou, le cas échéant, une règle du droit de l'Union européenne dont la méconnaissance n'aurait pas été préalablement sanctionnée ; 8. Considérant qu'à cette fin, lorsqu'est en litige une décision refusant au requérant l'attribution d'un droit auquel il prétend et qu'est invoquée l'incompatibilité de la disposition sur le fondement de laquelle le refus lui a été opposé avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, il incombe au juge, en premier lieu, d'examiner si le requérant peut être regardé comme se prévalant d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel et, en second lieu, quand tel est le cas, si la disposition législative critiquée doit être écartée comme portant atteinte à ce bien de façon discriminatoire et, par suite, comme étant incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; 9. Considérant que, pour la période antérieure au 17 février 2008, le taux de la pension de M. B a été calculé en application des dispositions combinées de l'article 26 de la loi du 3 août 1981, qui prévoyaient notamment que les pensions attribuées aux ressortissants algériens sur le budget de l'Etat n'étaient pas révisables à compter du 3 juillet 1962 et continuaient d'être payées sur la base des tarifs en vigueur à cette même date, et de l'article 68 de la loi du 20 décembre 2002, dont le paragraphe II dispose que " Lorsque, lors de la liquidation initiale des droits directs ou à réversion, le titulaire n'a pas sa résidence effective en France, la valeur du point de base de sa prestation, telle qu'elle serait servie en France, est affectée d'un coefficient proportionnel au rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence et des parités de pouvoir d'achat de la France. Les parités de pouvoir d'achat du pays de résidence sont réputées être au plus égales à celles de la France (...) " ; 10. Considérant que M. B soutient que ces dispositions sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité ; 11. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; 12. Considérant que les pensions de retraite constituent, pour les militaires et agents publics, une rémunération différée destinée à leur assurer des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité de leurs fonctions passées ; que M. B peut ainsi se prévaloir d'un droit patrimonial, qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge d'écarter l'application des dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 et de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; 13. Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes du premier alinéa précité de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 que les pensions perçues par les ressortissants algériens ne sont pas revalorisables dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que, dès lors, et quelle qu'ait pu être l'intention initiale du législateur manifestée dans les travaux préparatoires de ces dispositions, cet article crée une différence de traitement entre les retraités en fonction de leur seule nationalité ; que, d'autre part, il résulte du I et du II de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 que les prestations servies aux ressortissants algériens sont calculées en fonction des parités relatives de pouvoir d'achat entre la France et l'Etat de résidence lors de la liquidation initiale des droits ; que la différence de situation existant entre d'anciens militaires selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions militaires de retraite, une différence de traitement ; que, ces dispositions étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elles ne pouvaient justifier le refus opposé par le ministre de la défense à la demande présentée par M. B ; S'agissant des rappels d'arrérage : 14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, issu de la loi du 20 septembre 1948, en vigueur à la date d'ouverture des droits de M. B, dans sa rédaction issue de la loi du 31 juillet 1962, applicable à M. B eu égard à la date de sa demande : " Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de liquidation ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu, en aucun cas, au rappel de plus de deux années d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension " ; que les demandes tendant à la revalorisation des arrérages d'une pension cristallisée s'analysent comme des demandes de liquidation de pension au sens de ces dispositions ; qu'il suit de là que M. B ne peut prétendre au versement des arrérages de sa pension revalorisée qu'à compter du 17 février 2006 ; Sur les intérêts : 15. Considérant que M. B a droit aux intérêts légaux sur les rappels d'arrérages de sa pension à compter du 17 février 2008, pour les arrérages dus à cette date et, pour les arrérages postérieurs à cette date, au fur et à mesure de leurs échéances successives ; Sur les conclusions tendant au prononcé d'une injonction sous astreinte : 16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de prononcer l'astreinte demandée, d'enjoindre au ministre chargé des pensions de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la liquidation de la pension de M. B, conformément à la présente décision ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 17. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B de la somme de 2 000 euros ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B relative à la période postérieure au 24 juin 2011. Article 2 : L'Etat versera à M. B, conformément aux motifs de la présente décision, les arrérages correspondant à la revalorisation de sa pension de retraite pour la période comprise entre le 17 février 2006 et le 24 juin 2011. Article 3 : Les arrérages versés pour la période postérieure au 16 février 2006 porteront intérêts au taux légal à compter du 17 février 2008, puis au fur et à mesure de l'échéance des arrérages. Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'économie et des finances de procéder, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la liquidation de la pension de retraite de M. B selon les modalités fixées par la présente décision. Article 5 : L'Etat versera à M. B une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté. Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Kaddour B, au ministre de la défense et au ministre de l'économie et des finances.ECLI:FR:CESJS:2012:329649.20121029
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 29/10/2012, 329646, Inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance du 9 juillet 2009, enregistrée le 10 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. B ; Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2008 au greffe du tribunal administratif de Marseille, présentée par M. Abdelkader B, demeurant ... et tendant à ce que sa pension militaire de retraite soit revalorisée ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ; Vu la loi n° 81-734 de finances du 3 août 1981 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, notamment son article 211 ; Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. B, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. B ;1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B, ressortissant algérien, a été admis par arrêté du 20 janvier 1986 au bénéfice d'une pension militaire de retraite dont le taux a été fixé en application de l'article 26 de la loi n° 81-734 de finances du 3 août 1981 ; qu'il a saisi le 16 décembre 2008 le tribunal administratif de Marseille d'une demande de revalorisation de sa pension ; que cette demande a été transmise par le président de ce tribunal au Conseil d'Etat ; que, par arrêté du 19 septembre 2011, l'administration a procédé à l'octroi d'une pension au taux de droit commun et aux rappels des arrérages correspondants à compter du 16 décembre 2008 ; que M. B demande, dans le dernier état de ses écritures, que sa pension de retraite soit revalorisée à compter du 1er janvier 2004, période non couverte par la prescription prévue par l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; Sur le non-lieu à statuer concernant la période postérieure au 16 décembre 2008 : 2. Considérant que par arrêté du 19 septembre 2011, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a accordé à M. B une pension au taux de droit commun et fixé au 16 décembre 2008 la date de jouissance de cette pension revalorisée ; qu'il a ainsi fait droit partiellement à la demande de M. B ; qu'il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions de ce dernier relatives à cette période ; Sur la période du 1er janvier 2004 au 15 décembre 2008 : 3. Considérant que, dans l'exercice du contrôle de conformité des lois à la Constitution qui lui incombe selon la procédure définie à l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a le pouvoir d'abroger les dispositions législatives contraires à la Constitution ; que les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe le contrôle de la compatibilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, s'il n'a pas fait droit à l'ensemble des conclusions du requérant en tirant les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative prononcée par le Conseil constitutionnel, d'examiner, dans l'hypothèse où un moyen en ce sens est soulevé devant lui, s'il doit, pour statuer sur les conclusions qu'il n'a pas déjà accueillies, écarter la disposition législative en cause du fait de son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou, le cas échéant, une règle du droit de l'Union européenne dont la méconnaissance n'aurait pas été préalablement sanctionnée ; 4. Considérant qu'à cette fin, lorsqu'est en litige une décision refusant au requérant l'attribution d'un droit auquel il prétend et qu'est invoquée l'incompatibilité de la disposition sur le fondement de laquelle le refus lui a été opposé avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, il incombe au juge, en premier lieu, d'examiner si le requérant peut être regardé comme se prévalant d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel et, en second lieu, quand tel est le cas, si la disposition législative critiquée doit être écartée comme portant atteinte à ce bien de façon discriminatoire et, par suite, comme étant incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; 5. Considérant que, pour la période antérieure au 16 décembre 2008, le taux de la pension de M. B a été calculé en application des dispositions combinées de l'article 26 de la loi du 3 août 1981, qui prévoyaient notamment que les pensions attribuées aux ressortissants algériens sur le budget de l'Etat n'étaient pas révisables à compter du 3 juillet 1962 et continuaient d'être payées sur la base des tarifs en vigueur à cette même date, et de l'article 68 de la loi du 20 décembre 2002, dont le paragraphe II dispose que " Lorsque, lors de la liquidation initiale des droits directs ou à réversion, le titulaire n'a pas sa résidence effective en France, la valeur du point de base de sa prestation, telle qu'elle serait servie en France, est affectée d'un coefficient proportionnel au rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence et des parités de pouvoir d'achat de la France. Les parités de pouvoir d'achat du pays de résidence sont réputées être au plus égales à celles de la France (...) " ; 6. Considérant que M. B soutient que ces dispositions sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; 8. Considérant que les pensions de retraite constituent, pour les militaires et agents publics, une rémunération différée destinée à leur assurer des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité de leurs fonctions passées ; que M. B peut ainsi se prévaloir d'un droit patrimonial, qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge d'écarter l'application des dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 et de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; 9. Considérant d'une part qu'il ressort des termes mêmes du premier alinéa précité de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 que les pensions perçues par les ressortissants algériens ne sont pas revalorisables dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que, dès lors, et quelle qu'ait pu être l'intention initiale du législateur manifestée dans les travaux préparatoires de ces dispositions, cet article crée une différence de traitement entre les retraités en fonction de leur seule nationalité ; que d'autre part il résulte du I et du II de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 que les prestations servies aux ressortissants algériens sont calculées en fonction des parités relatives de pouvoir d'achat entre la France et l'Etat de résidence lors de la liquidation initiale des droits ; que la différence de situation existant entre d'anciens militaires selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions militaires de retraite, une différence de traitement ; que, ces dispositions étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elles ne pouvaient justifier le refus opposé par le ministre de la défense à la demande présentée par M. B de bénéficier d'une pension au taux de droit commun ; 10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont se prévaut le ministre chargé du budget : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures " ; que M. B ayant fait sa demande de pension le 16 décembre 2008, les droits de celui-ci au rappel des arrérages de sa pension se limitent à la période postérieure au 1er janvier 2004 ; 11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant a droit, comme il le soutient, au bénéfice d'une pension militaire de retraite au taux de droit commun pour la période du 1er janvier 2004 au 15 décembre 2008 ; Sur les intérêts : 12. Considérant que M. B a droit aux intérêts légaux sur les rappels d'arrérages de sa pension à compter du 16 décembre 2008, pour les arrérages dus à cette date et, pour les arrérages postérieurs à cette date, au fur et à mesure de leurs échéances successives ; Sur les conclusions tendant au prononcé d'une injonction sous astreinte : 13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de prononcer l'astreinte demandée, d'enjoindre au ministre chargé des pensions de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la liquidation de la pension de M. B, conformément à la présente décision ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B de la somme de 2 000 euros ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B relative à la période postérieure au 16 décembre 2008. Article 2 : L'Etat versera à M. B, conformément aux motifs de la présente décision, les arrérages correspondant à la revalorisation de sa pension de retraite pour la période comprise entre le 1er janvier 2004 au 15 décembre 2008. Article 3 : Les arrérages versés pour la période postérieure au 1er janvier 2004 porteront intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2008, puis au fur et à mesure de l'échéance des arrérages. Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'économie et des finances de procéder, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la liquidation de la pension de retraite de M. B selon les modalités fixées par la présente décision. Article 5 : L'Etat versera à M. B une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté. Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelkader B, au ministre de la défense et au ministre de l'économie et des finances.ECLI:FR:CESJS:2012:329646.20121029
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 15/11/2012, 338148, Inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance n° 09PA06300 du 19 mars 2010, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 mars 2010, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par Mme Zohra C et M. Mohamed D ; Vu le pourvoi, enregistré le 3 novembre 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté pour Mme Zohra C, veuve E, demeurant ..., et M. Mohamed D, demeurant à la même adresse ; ils demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance n° 0201399 du 31 décembre 2008 par lequel le vice-président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à la revalorisation et à la réversion de la pension militaire d'invalidité de M. E et l'article 5 de cette ordonnance par lequel, après avoir annulé la décision du ministre de la défense statuant sur la demande de revalorisation de la pension concédée à Mme C, en tant qu'elle ne procédait à cette revalorisation qu'à compter du 15 octobre 1999 et enjoint à l'Etat de verser à l'intéressée pour la période postérieure au 1er janvier 1997 une somme égale aux arrérages correspondant à la différence entre le montant de la pension de réversion revalorisée à compter du 1er janvier 1997 et celui déjà versé, il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur avocat de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ; Vu la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 ; Vu la décision n° 2001-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes, - les observations de Me Bertrand, avocat de M. D et de Mme C, - les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à Me Bertrand, avocat de M. D et de Mme C ; 1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'après la constatation par décision judiciaire du décès de M. E, sous-lieutenant de l'armée française porté disparu en service le 22 avril 1962, sa veuve, Mme C, ressortissante algérienne, a obtenu la concession, d'une part, d'une pension militaire d'invalidité par un arrêté en date du 3 août 1966 et, d'autre part, d'une pension militaire de retraite par un arrêté du 12 septembre 1966, cristallisées aux taux en vigueur au 3 juillet 1962 ; que, par un courrier du 3 septembre 2001, reçu par l'administration le 15 octobre 2001, Mme C a sollicité la décristallisation du taux de ses pensions à compter du 3 juillet 1962 ; que, par un arrêté du 15 décembre 2003, le ministre de la défense a révisé le taux de ces pensions mais n'a procédé à la liquidation des arrérages correspondants qu'à compter du 15 octobre 1999 ; que, par une ordonnance du 31 décembre 2008, le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de Mme C et de M. D, son fils, après s'être déclaré incompétent pour statuer sur cette demande en tant qu'elle était relative à la revalorisation de la pension militaire d'invalidité, a annulé l'arrêté ministériel du 15 décembre 2003 en tant qu'il avait limité la liquidation des arrérages dus au titre de la pension de retraite aux deux années précédant la date de dépôt de la demande, ordonné qu'ils soient liquidés pour la période allant du 1er janvier 1997 au 15 octobre 1999 et rejeté le surplus de la demande ; que Mme C et M. D se pourvoient en cassation contre cette ordonnance en tant qu'elle leur est défavorable ; que, par la voie du pourvoi incident, le ministre de la défense et des anciens combattants conclut à son annulation en tant qu'elle ordonne la revalorisation de la pension concédée à Mme C à compter du 1er janvier 1997 et la liquidation des arrérages dus pour la période du 1er janvier 1997 au 15 octobre 1999 ; Sur le pourvoi principal : Sur les conclusions dirigées contre l'article 1er de l'ordonnance attaquée : 2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans leur rédaction issue de la loi du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant diverses dispositions relatives à la défense, que les contestations auxquelles donne lieu l'application du livre 1er de ce code, relatif aux pensions militaires d'invalidité, sont jugées en premier et dernier ressort par le tribunal départemental des pensions ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'article 1er de l'ordonnance attaquée, par lequel les conclusions de leur demande tendant à la revalorisation de la pension militaire d'invalidité qui a été concédée à Mme C du chef de son époux décédé, ont été rejetées par le vice-président de la 5e section du tribunal administratif de Paris comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre l'article 5 de l'ordonnance attaquée : 3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, en vigueur à la date d'ouverture des droits à pension de Mme C, dans sa rédaction résultant de la loi du 31 juillet 1962, applicable à l'intéressée eu égard à la date de sa demande de décristallisation : " Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de liquidation ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu, en aucun cas, au rappel de plus de deux années d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension " ; que les demandes tendant à la revalorisation des arrérages d'une pension cristallisée s'analysent comme des demandes de liquidation de pension au sens de ces dispositions ; 4. Considérant que les requérants soutiennent que le vice-président de la 5ème section du tribunal administratif a entaché son ordonnance d'erreur de droit en estimant que les droits à revalorisation de la pension étaient prescrits pour la période antérieure au 1er janvier 1997 ; que le tribunal a relevé que si le IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 avait réservé l'application de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, il avait néanmoins prévu que le dispositif spécifique s'appliquait sous réserve des contentieux présentés, en définitive, devant les tribunaux avant le 5 novembre 2003 ; qu'il en a déduit que les dispositions de l'article L. 74 n'étaient pas applicables à Mme C ; qu'il a cependant opposé à cette dernière les règles relatives à la prescription quadriennale prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics et rejeté, pour ce motif, sa demande tendant à la revalorisation du taux de sa pension pour la période du 3 juillet 1962 au 15 octobre 1997 ; 5. Considérant, toutefois, que l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 n'a eu ni pour objet ni pour effet d'écarter l'application aux litiges tels que celui porté devant le juge par Mme C et M. D des dispositions de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'opposant au rappel de plus de deux années d'arrérages d'une pension cristallisée à compter de la date du dépôt de la demande de revalorisation de cette pension ; que le tribunal a relevé qu'il était constant que l'administration avait reçu le 15 octobre 2001 la demande de Mme C tendant à la décristallisation du taux de sa pension ; que, dès lors, la créance était prescrite pour la période antérieure au 15 octobre 1999 ; que, par suite, il y a lieu de substituer au motif erroné retenu par le tribunal pour rejeter la demande de Mme C et de M. D pour la période antérieure au 1er janvier 1997 et tiré de la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, le motif, qui ne nécessite l'appréciation d'aucune circonstance de fait, tiré de la prescription biennale prévue par l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 6. Considérant, d'autre part, que les requérants font valoir que le tribunal ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter leur demande relative au bénéfice de la pension militaire de retraite de M. E, dès lors qu'en leur qualité d'héritiers de ce dernier, ils justifiaient d'une créance devant être regardée comme un bien ; que toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite qu'en raison du caractère personnel d'une pension de retraite, celle-ci n'est due qu'au titulaire du droit à pension qui en fait la demande ; que ce droit ne constitue ainsi pas une créance qui pourrait être regardée comme un bien transmis aux héritiers lors du décès de ce bénéficiaire, hors le cas où ce dernier s'est prévalu de ce droit avant son décès, sans qu'un refus définitif ne lui ait été opposé ; que le tribunal a relevé que M. E était décédé le 22 avril 1962, antérieurement à la mise en oeuvre des mesures de cristallisation des pensions des anciens militaires originaires d'Algérie, et que ses droits se sont éteints à la date de son décès ; qu'il en a déduit que ni Mme C, ni M. D, n'avaient un intérêt à agir, en leur qualité d'héritiers, pour demander la revalorisation de la pension militaire de retraite qui était personnellement servie à M. E et le paiement des arrérages correspondants ; qu'en statuant ainsi, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ; 7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme C, et de M. D, dont le pourvoi incident formé contre le même article de l'ordonnance attaquée a d'ailleurs été rejeté par la décision n° 325528 du 6 décembre 2011 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, doit être rejeté, y compris leurs conclusions tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à leur avocat de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Sur le pourvoi incident du ministre de la défense et des anciens combattants : 8. Considérant que, par la décision précitée du 6 décembre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a fait droit au pourvoi principal du ministre de la défense et des anciens combattants ; qu'il a annulé les articles 2, 3 et 4 de l'ordonnance attaquée puis, réglant l'affaire au fond, a rejeté la demande présentée par Mme C et M. D tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2003 du ministre de la défense en tant qu'il a refusé de revaloriser la pension de militaire de retraite servie pour la période antérieure au 15 octobre 1999 et à la liquidation des arrérages correspondants ; que, par suite, les conclusions du pourvoi incident du ministre sont devenues sans objet ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de Mme C et de M. D est rejeté. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident du ministre de la défense et des anciens combattants. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Zohra C, à M. Mohamed D et au ministre de la défense. Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'économie et des finances.ECLI:FR:CESJS:2012:338148.20121115
Conseil d'Etat
Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 31/10/2012, 11NT00026, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 5 janvier et 27 avril 2011, présentés pour M. Alain Y et Mme Catherine X, demeurant ... par Me Madignier, avocat au barreau de Lyon ; M. Y et Mme X demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 09-3638 du tribunal administratif de Rennes en date du 2 décembre 2010 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant du refus opposé à la demande d'admission de M. Y à faire valoir ses droits à la retraite avec jouissance immédiate d'une pension ; 2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 51 017 euros en réparation de leurs préjudices ; 3°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites à l'article 141 du Traité instituant les Communautés européenne ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; .................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 : - le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ; - et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ; 1. Considérant que M. Y, fonctionnaire affecté au centre hospitalier régional universitaire de Rennes et père de trois enfants, a, par un courrier en date du 31 mars 2008, demandé à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales à pouvoir bénéficier de la jouissance immédiate de sa pension en application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, cette demande ayant fait l'objet d'une décision de rejet en date du 10 juin 2008, l'intéressé a saisi le ministre de la fonction publique le 29 octobre 2008 d'une demande indemnitaire, qui a été implicitement rejetée ; qu'estimant la responsabilité de l'Etat engagée du fait des lois, M. Y et son épouse Mme X ont saisi le tribunal administratif de Paris de conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis et, subsidiairement, à la saisine par le tribunal de la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ; que, par une ordonnance du 14 mai 2009, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la demande de M. et Mme Y au tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement en date du 2 décembre 2010, a rejeté cette demande ; que ces derniers relèvent appel de ce jugement ; Sur la responsabilité : 2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 : "I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3°) Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article" ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité de l'Union européenne : "Chaque Etat membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. / Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail" ; que, cependant, l'article 6 de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité instituant la Communauté européenne, après avoir rappelé les règles fixées par l'article 141 du traité, précise en son paragraphe 3 que : "Le présent article ne peut empêcher un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle" ; qu'eu égard à l'objet du droit, ouvert par la loi, d'entrer en jouissance immédiate de sa pension avant d'avoir atteint l'âge de la retraite, le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il est garanti par l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne n'interdisait pas que la réglementation nationale fixe, par une disposition également applicable aux deux sexes, une durée minimale de deux mois à l'interruption d'activité ouvrant droit à cette entrée en jouissance et prévoie, parmi les positions statutaires donnant droit à son bénéfice, le congé de maternité, alors même que, de ce fait et en raison du caractère facultatif des autres congés, pour la plupart non rémunérés et dont certains n'étaient pas encore ouverts aux hommes à la date à laquelle leurs enfants sont nés, le dispositif nouveau devrait bénéficier principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ; qu'il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de la méconnaissance, d'une part, de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'article 14 de la même convention ; 4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ouvrent aux fonctionnaires une bonification d'un an par enfant afin de compenser les inconvénients causés à leur carrière par l'interruption de leur service, à l'occasion d'une naissance, d'une adoption ou de périodes consacrées à l'éducation des enfants ; que, dès lors que cet avantage est ouvert tant aux hommes qu'aux femmes, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il a été interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt n° C366-99 du 29 novembre 2001 ; qu'eu égard à l'objet de cette bonification, ce principe n'interdisait pas que l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 6 du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003, prévoie parmi les positions statutaires donnant droit à son bénéfice, le congé de maternité, pour les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut ; que, dans ces conditions, M. Y n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article R. 13 du même code dont il lui a été fait application ne seraient pas compatibles avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et à la directive n° 86/378 du Conseil du 25 juillet 1986 ; 5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que M. et Mme Y ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme Y de la somme demandée au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. Y et de Mme X est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain Y et Mme Catherine X, et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, chargé du budget. '' '' '' '' 2 N° 11NT00026
Cours administrative d'appel
Nantes
Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 23/10/2012, 11PA02810, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2011, présentée pour M. Tahar B, demeurant ..., par Me de Chastellier ; M. B demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 0920839/6-2 en date du 15 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2009 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a rejeté sa demande tendant à obtenir la reconnaissance de la qualité de combattant ; 2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2009 susmentionnée ; 3°) d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui reconnaître la qualité de combattant et de lui délivrer une carte de combattant ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocat en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; ..................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2012 : - le rapport de M. Boissy, rapporteur, - et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ; 1. Considérant que M. B, de nationalité algérienne, a présenté une demande tendant à la reconnaissance de la qualité de combattant qui lui a été refusée par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, par une décision du 6 novembre 2009 ; que, par la présente requête, M. B fait appel du jugement du 15 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 6 novembre 2009 ; Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 29 avril 2008, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Paris le 30 avril 2008, le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, a donné délégation à M. Jean-Louis C, directeur du service départemental de Paris de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, et signataire de la décision du 6 novembre 2009, à l'effet de signer toutes décisions concernant l'organisation et le fonctionnement du service sur lesquels il a autorité à l'exception des actes présentant un caractère réglementaire général ou de principe, des correspondances destinées aux ministres, parlementaires, conseillers de Paris maire de Paris et maires adjoints, des instructions aux chefs de service des administrations civiles de l'Etat dans le département et des nominations des membres des comités, conseils, commissions et assemblées ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée manque en fait ; 3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ont également vocation à l'attribution de la carte du combattant, dans les conditions prévues à l'article L. 253 bis, les militaires des forces armées françaises ainsi que les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de présentation de leur demande qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code : " Sont considérés comme combattants : (...) E.- Pour les autres opérations ou missions, définies à l'article L. 253 ter du présent code. / I.- Sont considérés comme combattants les militaires des forces armées françaises (...) qui : / 1° Soit ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ; pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre des opérations mentionnées aux paragraphes A, B, C et D ci-dessus se cumulent entre eux et avec ceux des opérations et missions visées au présent paragraphe (...) " ; qu'en vertu des articles L. 253, L. 253 bis, R. 223 et R. 224 D du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ont notamment vocation à obtenir la qualité de combattant les militaires des armées françaises qui, entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962, ont accompli en Algérie des services d'une durée d'au moins quatre mois, qui ont servi en unité combattante pendant 90 jours, qui ont pris part à neuf actions de feu ou de combat collectives, ou à cinq actions de feu ou de combat individuelles, ou qui, sans condition de durée, ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en unité combattante ou qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre ; 4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'extrait des " services tenant lieu d'état signalétique et des services et de livret militaire " établi par les services du ministère de la défense le 24 avril 1997, produit par M. B lui-même, et de la " vérification de la demande de carte du combattant " en date du 6 novembre 2007, que l'intéressé a servi en qualité d'appelé, du 28 juin 1955 au 11 novembre 1957, en effectuant son service au sein du 3ème régiment de tirailleurs algériens, basé en République Fédérale d'Allemagne, pour la période allant du 1er août 1955 au 13 septembre 1957, et qu'il n'a été présent en Algérie que du 28 juin au 30 juillet 1955, au sein du centre de sélection n° 11, et du 15 septembre au 11 novembre 1957, en permission libérable ; qu'il ne ressort en revanche pas des pièces du dossier que le 3ème régiment de tirailleurs algériens ou que le centre de sélection n° 11 aient été reconnus comme unités combattantes pendant la période au cours de laquelle M. B y était affecté ou que l'intéressé aurait participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France ; que, dans ces conditions, M. B n'établit pas qu'il remplirait effectivement l'une des conditions susanalysées lui ouvrant droit à la reconnaissance de la qualité de combattant ; 5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ; Sur les conclusions aux fins d'injonction : 6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. B, n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction, susvisées, présentées le requérant doivent être rejetées ; Sur les conclusions tendant à l'application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 7. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à l'avocat de M. B une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B est rejetée. '' '' '' '' 2 N° 11PA02810
Cours administrative d'appel
Paris