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CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 29/11/2021, 20MA03681, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 755 945,60 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis. Par jugement n° 1804192 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 300 euros, a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, et a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 septembre 2020 et 13 juillet 2021, Mme D..., représentée par Me Barthelemy, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a limité le montant des condamnations mises à la charge de l'Etat à la somme de 2 300 euros. 2°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 57 000 et 696 895,60 euros. 3°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D... soutient que : - sa requête est recevable, dès lors qu'elle n'a pas eu notification régulière de la décision du tribunal administratif de Montpellier ; - la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée ; elle est restée sans contact avec sa hiérarchie pendant la gestion des évènements, et seule à devoir assurer la sécurité de 15 élèves ; - l'absence de soutien de sa hiérarchie a aggravé son stress post-traumatique ; - le défaut de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie est fautif ; les congés pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 correspondent à des congés pour maladie imputables au service ; - elle est inapte à exercer ses fonctions et a droit à une mesure de reclassement ; - la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée ; - elle a subi une perte de ressources d'au moins 40 000 euros entre le 22 mars 2016 et le 31 août 2017, correspondant à la perte de son logement de fonction pour un montant de 12 000 euros, à la perte des indemnités de chef d'établissement pour un montant de 5 737,50 euros, au passage à demi-traitement pour un montant de 19 500 euros, aux intérêts d'emprunt souscrits pour palier ses pertes de revenus pour un montant de 648 euros et aux frais de déménagement pour un montant de 3 000 euros. - elle a engagé des frais médicaux pour un montant de 1 100 euros ; - son préjudice de douleur s'élève à la somme de 3 000 euros ; - elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 %, consolidé au 1er septembre 2017 et a droit, à ce titre, au versement d'une indemnité de 3 000 euros ; - elle a subi une perte de gains professionnels futurs ; elle a perdu 29 238 euros par an d'indemnités de chef d'établissement, et 32 653 euros par an sur les quatre dernières années de travail (2034-2038) ; les droits à formation GRETA perdus s'élèvent à la somme de 40 000 euros ; le montant total des pertes d'indemnités s'élève à la somme de 696 895,60 euros ; - la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 doit être considérée comme une période de congés pour invalidité temporaire imputable au service et comme une période de service effectif. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la requête est irrecevable en appel comme tardive ; - la faute alléguée relative à l'absence de soutien hiérarchique n'est pas établie ; - le refus de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... n'est pas fautif ; - Mme D... n'a pas été reconnue inapte à exercer ses fonctions et n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait eu droit à un reclassement ; ayant souhaité se réorienter vers l'enseignement et ayant été détachée dans le corps des professeurs agrégés à sa demande, elle a été intégrée dans ce corps le 1er septembre 2018, son ancienneté ayant été prise en compte dans son reclassement ; - la requérante n'a pas constitué de dossier de frais de changement de résidence et ne pouvait pas prétendre au versement de ces frais, compte tenu du caractère provisoire de son affectation ; - le bénéfice du logement de fonction ne lui a pas été retiré durant ses congés pour maladie, en ayant bénéficié jusqu'à son détachement dans le corps des agrégés ; - les indemnités de chef d'établissement sont conditionnées à l'exercice effectif des fonctions, et il n'y a aucun préjudice de manque à gagner à ce titre ; - elle a été placée en congés pour maladie à plein temps à compter du 24 mars jusqu'au 23 décembre 2016 et sa situation financière a été régularisée en janvier 2017 ; - la demande relative aux intérêts d'emprunt n'est pas justifiée ; - les frais de déménagement exposés sont sans lien avec l'état de santé de Mme D... ; - la demande relative aux frais médicaux n'est pas assortie de pièces justificatives ; - son préjudice d'angoisse n'excède pas 1 300 euros ; - le préjudice relatif au déficit fonctionnel n'excède pas 1 000 euros. Par ordonnance en date du 13 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. F... Point, rapporteur, - et les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public, Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., alors personnel de direction de l'éducation nationale, a été affectée de 2012 à 2018 en qualité de principale du collège Marcelin Albert de Saint-Nazaire-d'Aude. Elle a été placée en détachement dans le corps des professeurs agrégés à compter du 1er septembre 2017, puis intégrée dans ce corps à compter du 1er septembre 2018. Elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 755 945,60 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des évènements survenus à Bruxelles le 22 mars 2016. Mme D... relève appel du jugement n° 1804192 rendu le 15 juillet 2020 par le tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande et a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat à la somme de 2 300 euros. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ". 3. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Montpellier a été adressé par le greffe à Mme D... par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé à l'adresse qu'elle avait mentionnée dans sa requête introductive d'instance. En l'absence de l'intéressée, le service postal a déposé, le 21 juillet 2020, un avis l'informant de ce que le pli pouvait être retiré au bureau de poste à compter du 22 juillet 2020. Le tribunal administratif de Montpellier a accusé réception de l'avis de passage le 22 juillet 2020, avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Toutefois, il résulte de l'instruction que dans son mémoire complémentaire et sa note en délibéré enregistrés par le greffe du tribunal les 4 mars 2020 et 3 juillet 2020, Mme D... avait mentionné sa nouvelle adresse. Elle a ainsi fait connaître au greffe de la juridiction son changement d'adresse. L'avis de passage du 21 juillet 2020 ne lui étant pas opposable, la requérante est fondée à soutenir que le jugement du tribunal ne lui a pas été notifiée régulièrement, et que le courrier en cause n'a pas pu faire courir contre elle le délai d'appel. Dès lors, la requête de Mme D... enregistrée au greffe de la Cour le 24 septembre 2020 n'est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la rectrice de l'académie de Montpellier doit être écartée. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne les préjudices résultant du refus d'imputabilité au service des arrêts de travail : S'agissant de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 22 mars 2016 : 4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. /Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. /Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature, s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an ;(...) ". Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du même article disposent que " si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 5. Il résulte de l'instruction, que les arrêts de travail dont a bénéficié la requérante à compter du 24 mars 2016 ont été motivés par un " état de stress post-traumatique ", la mettant dans l'incapacité provisoire d'exercer ses fonctions. Par décision du 7 octobre 2016, le recteur de l'académie de Montpellier a refusé de retenir l'état de stress post-traumatique, sans toutefois remettre en cause les arrêts de travail présentés par Mme D.... Par la même décision, le recteur de l'académie de Montpellier a considéré que les arrêts de travail pour la période du 24 mars 2016 au 30 septembre 2016, n'étaient pas imputables au service. Par décision du 23 novembre 2016, le recteur de l'académie de Montpellier a placé Mme D... en situation de congé pour longue maladie " ordinaire " à compter du 24 mars 2016. Ces congés pour longue maladie, qui reconnaissent implicitement mais nécessairement le bien-fondé des certificats d'arrêts pour maladie présentés par Mme D... pour la période en cause, doivent être regardés comme accordés au titre de l'état de stress post-traumatique relevé dans ces certificats médicaux. Les congés pour longue maladie de Mme D... ont été prolongés par arrêtés successifs jusqu'au 3 juin 2017. Elle a ainsi bénéficié de son plein traitement jusqu'au 23 mars 2017. 6. Il ressort des conclusions du rapport d'expertise médicale établi le 18 avril 2017, que Mme D... présentait " indiscutablement un stress post-traumatique en relation avec les évènements de Bruxelles ". L'expert a relevé que le stress post-traumatique présentait un " lien de causalité direct, certain et exclusif avec les faits en cause et notamment avec l'attentat de l'aéroport de Bruxelles du 22 mars 2016, ainsi que l'attentat du métro à la station Maelbeek, en excluant la part des séquelles pouvant être en relation avec toute autre cause extérieure, et en particulier un état antérieur. ". Les conclusions de cette expertise médicale ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier sont de nature à contredire utilement les conclusions de l'examen psychiatrique pratiqué le 7 juin 2016 qui avait conclu à l'absence d'état de stress post-traumatique, ainsi que celles du docteur E... du 22 juin 2016, lequel s'est borné à recommander un congé de longue maladie. Ce dernier rapport ne se prononce pas explicitement sur l'état post-traumatique dont souffre Mme D... et les conclusions par lesquelles le médecin se prononce sur la qualification d'accident de service, qui ont trait à la qualification juridique des faits, n'ont aucune valeur probante. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que Mme D... est fondée à soutenir que l'état de stress qui a justifié ses arrêts pour maladie, et par suite, le congé pour longue maladie qui lui a été accordé à compter du 24 mars 2016, sont directement liés à la situation qu'elle a vécue le 22 mars 2016 dans le cadre du voyage scolaire à Bruxelles, activité constituant le prolongement normal du service. De tels évènements ont eu un caractère soudain et violent, de nature à faire regarder le traumatisme psychologique subi par Mme D... comme un accident de service. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le recteur de l'académie de Montpellier a refusé l'imputabilité au service de cet accident. 7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, de l'illégalité fautive de la décision du 7 octobre 2016 rejetant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 23 mars 2016, et des arrêtés la plaçant en congés pour longue maladie, en tant qu'ils lui refusent le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dispositions qui n'ont pas un effet exclusivement pécuniaire. S'agissant des pertes de ressource pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 : 8. Il résulte de ce qui précède, que l'accident de service dont a été victime Mme D... est imputable au service et qu'elle avait droit au versement de son plein traitement pour l'ensemble de ses congés de longue maladie et à la prise en charge de ses frais médicaux. Il résulte de l'instruction que Mme D... a bénéficié de son plein traitement pour la période du 14 mars 2016 au 14 mars 2017, et d'un demi-traitement pour la période du 15 mars 2017 au 30 juin 2017, date de sa reprise de service. La rectrice de l'académie de Montpellier fait valoir, sans être utilement contredite sur ce point par Mme D..., que la régularisation financière relative au versement du plein traitement, pour la période du 24 mars 2016 au 23 décembre 2016, est intervenue sur la paye du mois de janvier 2017 et qu'elle a perçu son plein traitement pour la période allant de janvier à mars 2017. Par suite, la requérante ne justifie de la réalité de son préjudice que pour la période allant du 1er avril 2017 au 1er septembre 2017, date de son détachement dans le corps des agrégés. Il résulte de l'instruction que le montant du traitement de Mme D... était, au cours de la période en cause, de 3 727,72 euros. Par suite elle a droit au versement de la somme de 9 319,30 euros, correspondant à la moitié de son traitement, non versé pour les mois d'avril à août 2017. 9. Si Mme D... soutient qu'elle a engagé des frais médicaux liés à sa prise en charge psychologique, pour un montant de 1 100 euros, elle ne verse aucune pièce justificative et n'établit pas la réalité de son préjudice sur ce point. Ses conclusions formulées à ce titre doivent, par suite, être rejetées. En ce qui concerne les autres préjudices : 10. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle. ". 11. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font, en revanche, obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. S'agissant des fautes invoquées par Mme D... : 12. Il résulte de l'instruction, que Mme D... se trouvait à Bruxelles pour accompagner un groupe de quinze élèves en voyage scolaire, quand ont eu lieu les attaques terroristes du 22 mars 2016. Mme D... devait, ce jour-là, accompagner les élèves pour une visite du siège du Parlement européen situé à proximité de la station de métro Maalbeek où se sont produites des attaques terroristes. Au cours de la matinée du 22 mars 2016, Mme D... et le groupe d'élèves, évacués du siège du Parlement européen, ont gagné le consulat général de France à Bruxelles, puis ont été transférés par les services consulaires à l'auberge de jeunesse où ils étaient hébergés. Si Mme D... fait valoir que sa hiérarchie a tardé à prendre contact avec elle et ne lui a pas apporté l'assistance nécessaire, alors même qu'elle avait sollicité l'aide des services du rectorat, il lui appartenait, en sa qualité de chef d'établissement et au regard de sa présence sur place, de prendre les décisions utiles à la sécurité des élèves. Elle n'établit pas quel type de mesures le recteur ou la directrice d'académie auraient été en mesure de prendre pour l'assister, afin de faire face aux évènements qui ont affecté le voyage scolaire. Par suite, elle n'établit pas la faute qu'elle allègue, qui aurait résulté d'un défaut d'assistance ou d'un manquement du rectorat à son pouvoir d'instruction hiérarchique. Si Mme D... fait valoir, par ailleurs, qu'elle n'a pas bénéficié d'un soutien psychologique et administratif suffisant après les évènements et que le rectorat a mis en doute la régularité de l'organisation du voyage, elle ne précise pas quelles obligations auraient été méconnues par sa hiérarchie. Ainsi, Mme D... n'établit pas l'existence d'un comportement fautif de l'administration après les évènements, à l'origine d'une aggravation de son traumatisme psychologique. 13. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / (...) ". 14. Il résulte de l'instruction que par courrier du 8 février 2018, Mme D... a présenté une demande d'intégration dans le corps des agrégés. Ainsi, la mesure par laquelle Mme D... a été intégrée dans le corps des agrégés lui a été accordée à sa demande. A supposer même que Mme D... puisse être regardée comme définitivement inapte à exercer les fonctions de chef d'établissement, elle ne démontre pas l'existence d'une faute de l'administration à l'origine de cette inaptitude. Par ailleurs, la requérante n'établit pas, par les moyens qu'elle invoque, que la mesure d'intégration dont elle a bénéficiée et qu'elle a elle-même sollicitée, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme une mesure de reclassement, serait entachée d'illégalité. 15. En l'absence de toute faute à l'origine des pertes de rémunérations liées à son détachement et à son intégration dans le corps des professeurs agrégés, Mme D... n'est pas fondée à engager sur ce point la responsabilité pour faute de l'administration. 16. Il résulte de l'instruction, que les préjudices professionnels invoqués par Mme D... sont sans lien direct avec l'illégalité fautive des décisions refusant l'imputabilité au service de son accident. 17. Si la requérante invoque, par ailleurs, un préjudice relatif aux intérêts de l'emprunt qu'elle a souscrit pour palier la perte de revenus subie entre le mois d'octobre 2016 et le mois de septembre 2020, il résulte de l'instruction que l'administration a régularisé la situation de Mme D... quant à son droit au plein traitement pour la période du 24 mars 2016 au 23 décembre 2016 en janvier 2017. Pour la période de janvier 2017 à avril 2017 et pour la période postérieure au 1er septembre 2017, Mme D... a perçu son plein traitement. Les pertes de revenus liées à l'illégalité fautive des décisions de l'administration sont ainsi limitées à la période du 1er avril au 1er septembre 2017. Dès lors, Mme D... n'établit pas un lien de causalité direct entre la nécessité de souscrire un emprunt et ces pertes de revenus. Par suite, ses conclusions indemnitaires formulées à ce titre doivent être rejetées. S'agissant des préjudices professionnels invoqués par Mme D... : 18. Mme D... invoque des préjudices professionnels résultant de sa maladie professionnelle. Elle fait état d'une perte de ressources liée à la perte du logement de fonction pour un montant de 12 000 euros, à la perte des indemnités de chef d'établissement pendant un an et demi, pour un montant de 5 737,50 euros, ainsi que des frais de déménagement et la perte des gains professionnels futurs. Il résulte de ce qui a été exposé au point 11 que ces préjudices professionnels, en l'absence de faute de la collectivité publique, ne peuvent être pris en charge que dans le cadre de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984. S'agissant des préjudices personnels : 19. Mme D..., victime d'un accident de service, peut prétendre à la réparation de l'ensemble des préjudices personnels et patrimoniaux, non compris dans le forfait, qui ont résulté de cet accident. Elle soutient que son préjudice d'angoisse et son préjudice lié à un déficit fonctionnel temporaire, dont la réalité n'est pas contestée en appel, s'élèvent à la somme de 3 000 euros chacun. Dans son rapport d'expertise du 18 avril 2017, le Dr C... a retenu une date de consolidation au 1er septembre 2017, un déficit fonctionnel temporaire de 10 % pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017, une souffrance endurée de 1 sur une échelle de 7 degrés, une absence d'incapacité permanente partielle et une absence de troubles dans la vie courante. Il y a lieu, par suite, de fixer le montant du préjudice subi par Mme D... à hauteur de de 1 000 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire et de 1 300 euros au titre de la souffrance endurée. 20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à demander à ce que le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à lui verser en réparation de ses préjudices soit porté à la somme de 11 619,30 euros. Par suite, le surplus de ses conclusions indemnitaires doit être rejeté. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 21. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à verser à Mme D... est porté à la somme de 11 619,30 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : l'Etat versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme D... est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Montpellier. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gilles Taormina, président assesseur, - M. F... Point, premier conseiller, - M. Olivier Guillaumont, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2021. 2 N° 20MA03681
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 3ème chambre, 29/11/2021, 15LY03630, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Par une requête enregistrée sous le n° 1207816, Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite, née le 5 juin 2012, par laquelle le préfet délégué pour la défense et la sécurité auprès du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a rejeté sa demande tendant au retrait de pièces de son dossier administratif ; d'enjoindre à l'administration de procéder effectivement à un tel retrait dans un délai déterminé par le tribunal, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Par une requête enregistrée sous le n° 1306973, Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande, présentée le 26 février 2013 pour son compte par le syndicat Sud Intérieur, tendant à sa réintégration dans les services du SGAP de Lyon, du tribunal administratif de Lyon, de la cour administrative d'appel de Lyon ou de la préfecture du Rhône, d'autre part, la décision du 16 septembre 2013 du sous-directeur des personnels du ministère de l'intérieur rejetant sa demande de réintégration, formulée le 9 juillet 2012, sur un poste administratif dans la police nationale ; d'enjoindre au ministre de l'intérieur, d'une part, de produire, dans un délai de quinze jours, la motivation justifiant ce refus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, avec fixation d'un délai maximum de trente jours pour produire cette motivation, d'autre part, de produire au-delà du délai maximum précité un arrêté la réintégrant dans les services du SGAP de Lyon, du tribunal administratif de Lyon, de la cour administrative d'appel de Lyon ou de la préfecture du Rhône, sur un poste aménagé en adéquation avec son statut de travailleur handicapé. Par l'article 4 de son jugement du 16 septembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, la décision du 16 septembre 2013 du sous-directeur des personnels à la direction des ressources humaines relevant du secrétariat général du ministère de l'intérieur, ayant rejeté la demande de réintégration de Mme C..., et, d'autre part, la décision du 18 octobre 2013 du directeur des ressources et des compétences de la police nationale du ministère de l'intérieur ayant rejeté, sur le fondement de cette précédente décision, la demande de réintégration présentée le 26 février 2013 pour le compte de Mme C... par le syndicat Sud Intérieur. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 17 novembre 2015, le ministre de l'intérieur demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement ; 2°) de rejeter la requête de Mme C... en tant qu'elle demande l'annulation des décisions des 16 septembre et 18 octobre 2013. Il soutient que : - le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors que M. A..., sous-directeur des personnels à la direction des ressources humaines, était bien compétent pour signer la décision du 16 septembre 2013 rejetant la demande de réintégration de Mme C... ; - la circonstance que Mme C... ait demandé en 2012 sa réintégration sur un poste administratif est sans incidence sur la compétence dévolue à M. A... sur cette demande, dès lors que l'intéressée avait été intégrée, depuis le 1er janvier 2010, dans le corps des adjoints administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer ; - il s'en rapporte à ses observations présentées dans un mémoire enregistré le 17 avril 2015 devant le tribunal administratif de Lyon. Mme C... a produit des écritures, enregistrées le 15 janvier 2019, pouvant être regardées comme un mémoire tendant au rejet de la requête du ministre de l'intérieur. Par une requête n° 19LY03407 enregistrée le 27 juin 2019, Mme C... a demandé la récusation des magistrats de la cour administrative d'appel de Lyon et le renvoi, pour cause de suspicion légitime, du jugement de la requête à une autre juridiction. Par ordonnance du 9 septembre 2019, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de Mme C... tendant au renvoi, pour cause de suspicion légitime, à une autre juridiction, du jugement de la requête d'appel n° 15LY03630 du ministre de l'intérieur. Par ordonnance du 30 décembre 2019, la présidente de la quatrième chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a rejeté la requête de Mme C.... Par ordonnance du 31 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2020. Vu le jugement et les décisions attaqués et les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2006-1760 du 23 décembre 2006 ; - le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ; - l'arrêté du 12 août 2013 portant organisation interne du secrétariat général du ministère de l'intérieur ; - l'arrêté du 12 août 2013 relatif aux missions et à l'organisation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Tallec, président, - et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Adjointe administrative de la police nationale initialement affectée au service central de documentation criminelle à Ecully (Rhône) puis ensuite au secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) de Lyon à compter du 1er janvier 2004, Mme G... C... a été placée en congé de longue durée du 5 août 2002 au 4 août 2003, du 21 novembre 2003 au 20 mars 2004, et du 27 septembre 2004 au 26 février 2008 puis, à nouveau, du 5 mai 2008 au 4 août 2008, après avoir été affectée, à compter du 27 février 2008, à la cellule " REM " (rémunérations) du bureau de la gestion statutaire et des rémunérations du SGAP de Lyon. A l'expiration de ses droits à congé de longue durée, compte tenu de congés antérieurement accordés pour la même affection, elle a été placée en position de disponibilité d'office pour maladie du 5 août 2008 au 30 août 2009, puis admise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 31 août 2009, par un arrêté en date du 11 juin 2009 du préfet délégué pour la sécurité et la défense de la zone de défense Sud-Est qui a été confirmé par jugement n° 0907457 du 21 juillet 2010 du tribunal administratif de Lyon, lui-même confirmé par un arrêt définitif n° 11LY00229 du 7 février 2012 de la cour administrative d'appel de Lyon. Par jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 novembre 2010, le tribunal administratif de Lyon a annulé, pour vice de procédure, l'arrêté du 29 juillet 2008 par lequel Mme C... a été placée en congé de longue durée pour une durée de trois mois à compter du 5 mai 2008. Par arrêté en date du 17 février 2011, le préfet de zone de défense et de sécurité Sud-Est a placé à nouveau l'intéressée en congé de longue durée pour une période de trois mois, à compter du 5 mai 2008. Par jugement n° 1104529 du 18 décembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de ce nouvel arrêté. 2. Par lettre du 9 juillet 2012 adressée au préfet délégué pour la sécurité et la défense placé auprès du préfet du Rhône, préfet de la zone de défense Sud-Est, Mme C... a sollicité sa réintégration sur un poste administratif dans la police nationale en application de l'article L. 33 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Lors de sa séance du 20 février 2013, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la réintégration de l'intéressée. Par courrier du 26 février 2013, le secrétaire national du syndicat Sud Intérieur, mandaté par Mme C..., a demandé au directeur général de la police nationale la réintégration de cette dernière dans les services du SGAP de Lyon, ou dans les services de la préfecture du Rhône ou du tribunal administratif de Lyon ou de la cour administrative d'appel de Lyon. Par courrier du 16 septembre 2013, le sous-directeur des personnels du ministère de l'intérieur a rejeté la demande de réintégration de Mme C... du 9 juillet 2012. Par courrier du 18 octobre 2013, le directeur des ressources et des compétences de la police nationale du ministère de l'intérieur, en réponse au courrier du 26 février 2013 du secrétaire national du syndicat Sud Intérieur, a informé ce dernier que la commission de réforme ayant estimé que Mme C... était inapte à la reprise de ses fonctions, il avait été décidé de réserver une suite défavorable à la demande de réintégration de l'intéressée. Par l'article 4 du jugement n° 1207816-1306973 du 16 septembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 16 septembre 2013 du sous-directeur des personnels à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur et du 18 octobre 2013 du directeur des ressources et des compétences de la police nationale du ministère de l'intérieur. Le ministre de l'intérieur relève appel de l'article 4 de ce jugement. Sur le bien-fondé de l'article 4 du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 14 du décret n° 2013-728 du 12 août 2013, la direction des ressources humaines du secrétariat général du ministère de l'intérieur a pour mission " 2° d'assurer la gestion et le management des corps de fonctionnaires et des agents de l'administration centrale et déconcentrée, à l'exception...des personnels relevant statutairement de la direction générale de la police nationale ". Au sein de cette direction, la sous-direction des personnels est chargée, aux termes de l'article 13 de l'arrêté du 12 août 2013 portant organisation interne du secrétariat général du ministère de l'intérieur : " de la gestion des personnels relevant de la compétence du secrétariat général, à l'exception de la gestion administrative et statutaire des corps des préfets, des sous-préfets et des administrateurs civils. Elle est chargée de l'évaluation et du suivi des besoins, pour ces personnels, en termes d'emploi, d'effectifs, de compétences et de management dans les services de l'administration centrale, les préfectures et les autres services territoriaux relevant du ministère. (...) Elle détermine le nombre des recrutements à réaliser et assure, sous réserve des attributions déconcentrées à l'échelon territorial, la gestion des carrières. (...) ". 4. Aux termes de l'article 36 du décret n° 2006-1760 du 23 décembre 2006 : " Au 1er janvier 2010, les adjoints administratifs de la police nationale sont intégrés dans le corps des adjoints administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer. Les intéressés sont reclassés à identité de grade et d'échelon, avec conservation de l'ancienneté d'échelon acquise. Les services accomplis dans le corps des adjoints administratifs de la police nationale sont assimilés à des services accomplis dans le corps d'intégration. ". 5. A la date de la demande de réintégration formulée par Mme C..., le corps des adjoints administratifs de la police nationale, à laquelle elle appartenait avant sa mise à la retraite pour invalidité, avait disparu, en raison de son intégration dans celui des adjoints administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer. Par suite, Mme C... ne pouvait être regardée comme étant au nombre des personnels " relevant statutairement de la direction générale de la police nationale ", au sens des dispositions citées au point 3. En conséquence, le service compétent pour statuer sur sa demande était la sous-direction des personnels de la direction des ressources humaines du secrétariat général du ministère de l'intérieur. Il en résulte que le signataire de la décision du 16 septembre 2013, M. B... A..., sous-directeur des personnels de la direction des ressources humaines du secrétariat général du ministère de l'intérieur, qui disposait d'une délégation régulière de signature de la part du ministre, était bien compétent pour se prononcer sur la demande de Mme C.... 6. Il suit de là que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a, pour annuler la décision du 16 septembre 2013 du sous-directeur des personnels à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, et, par la voie de l'exception d'illégalité, celle du 18 octobre 2013 du directeur des ressources et des compétences de la police nationale du ministère de l'intérieur, retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. 7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal que devant la cour. 8. En premier lieu, pour refuser de faire droit à sa demande de réintégration, le sous-directeur des personnels de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur a rappelé à Mme C... les dispositions de l'article L. 33 du code des pensions civiles et militaires de retraite et l'avis émis par la commission de réforme, qui avait estimé qu'elle n'était pas apte à reprendre ses fonctions. La décision du 16 septembre 2013, qui comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et permet à l'intéressée de comprendre les raisons pour lesquelles sa demande n'est pas satisfaite, est dès lors suffisamment motivée au regard des prescriptions du code des relations entre le public et l'administration. 9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs ". Il ressort des termes mêmes de l'avis défavorable émis par la commission de réforme sur la demande de Mme C... que celui-ci repose principalement sur le rapport de l'expert psychiatre ayant procédé à l'examen de l'intéressée, qui avait été porté à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré du non-respect des dispositions précitées doit être écarté. 10. En troisième lieu, aux termes de de l'article R. 45 du code des pensions civiles et militaires, la commission doit comprendre " Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, à savoir deux praticiens de médecine générale, et pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un spécialiste de l'affection dont est atteint le fonctionnaire ". Il ressort des pièces versées au dossier que les praticiens ayant siégé à la commission sont le docteur E..., généraliste, et le docteur D..., spécialiste en psychiatrie, tous les deux inscrits sur la liste des médecins agréés du Rhône. Si Mme C... fait valoir qu'elle ne souffre pas de troubles psychiatriques, mais est atteinte de cervicarthrose, et qu'aucun spécialiste de cette affection n'a pris part à la délibération de la commission, il est constant que ce sont des troubles psychiatriques qui ont conduit à sa mise à la retraite pour invalidité et que l'intéressée a également demandé sa réintégration en se prévalant d'un rapport d'examen psychologique établi le 29 juin 2012 par le docteur H..., médecin spécialiste en neurologie et psychiatrie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. 11. En quatrième lieu, si Mme C... fait valoir que la commission n'aurait consacré que dix minutes à l'examen de sa situation, il ressort du message adressé quelques jours après la séance par la directrice des ressources humaines du SGAP au syndicat Sud, qui l'avait interrogée sur ce point, que la durée totale de la séance a été de vingt minutes et aucune disposition législative ou réglementaire n'impose une durée minimale d'examen des dossiers soumis à la commission. Si elle soutient que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu, il ressort des pièces versées au dossier qu'elle a pu transmettre à la commission tous les éléments utiles pour lui permettre d'apprécier le bien-fondé de sa demande, notamment de nombreux documents relatifs à son état de santé établis par divers praticiens, il n'est ni établi ni même allégué que les membres de la commission n'auraient pas pu examiner ces éléments avant la séance et il est constant qu'elle a pu s'exprimer devant la commission, accompagnée d'une autre personne. Enfin, si elle entend invoquer l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces stipulations ne s'appliquent pas aux avis émis par une commission administrative. 12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 : " Une liste de médecins agréés généralistes et spécialistes est établie dans chaque département par le préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du Conseil départemental de l'ordre des médecins et du ou des syndicats départementaux des médecins. Les médecins agréés sont choisis, sur leur demande ou avec leur accord, parmi les praticiens âgés de moins de soixante-treize ans ayant au moins trois ans d'exercice professionnel, dont, pour les généralistes, un an au moins dans le département pour lequel la liste est établie. Cet agrément est donné pour une durée de trois ans. Il est renouvelable. Lorsque l'intervention d'un médecin agréé est requise en vertu des dispositions du présent décret, l'autorité administrative peut se dispenser d'y avoir recours si l'intéressé produit sur la même question un certificat médical émanant d'un médecin qui appartient au personnel enseignant et hospitalier d'un centre hospitalier régional faisant partie d'un centre hospitalier et universitaire ou d'un médecin ayant dans un établissement hospitalier public la qualité de praticien hospitalier. ". 13. Mme C... fait valoir que, contrairement à ce qui est mentionné dans l'avis de la commission, le docteur I..., psychiatre, qui a procédé, à la demande du médecin inspecteur régional du SGAP de Lyon, à son examen le 9 novembre 2012, en vue d'établir son aptitude éventuelle, n'avait pas la qualité de médecin agréé et que l'administration n'a pas répondu à la question posée par le syndicat Sud, relative à l'âge de ce praticien. Toutefois, ces circonstances sont sans incidence sur la régularité de la procédure suivie, et la légalité du refus de sa réintégration, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait que l'intéressée soit examinée par un médecin figurant sur la liste des médecins agréés dans le département du Rhône, avant que son cas soit examiné par la commission. Le moyen ainsi soulevé est inopérant et ne peut donc qu'être écarté. 14. En sixième lieu, si Mme C... soutient que l'administration était tenue de se prononcer sur sa demande de réintégration, il est constant que, par la décision du 18 septembre 2013, le sous-directeur des personnels du ministère de l'intérieur a expressément opposé un refus à cette demande, si bien que le moyen tiré de l'erreur de droit manque en fait, et ne peut qu'être écarté. 15. En septième lieu, Mme C... fait valoir que le refus de la réintégrer est fondé sur un arrêté du 29 juillet 2008 la plaçant en congé de longue durée, annulé par jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 novembre 2010. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1. du présent arrêt, cette décision administrative, annulée pour vice de procédure, ne peut être regardée comme ayant servi de fondement légal au refus de réintégration litigieux, dès lors que Mme C... a fait l'objet d'une mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, par arrêté du 11 juin 2009, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon, puis par la cour administrative d'appel de céans. 16. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application du 2° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application des 3° et 4° du même article 34. ". Aux termes de l'article L. 33 du même code : " Le fonctionnaire dont la mise à la retraite a été prononcée en vertu des articles L. 27 ou L. 29 et qui est reconnu, après avis de la commission de réforme prévue à l'article L. 31, apte à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut être réintégré dans un emploi de son grade s'il existe une vacance. ". 17. Mme C... soutient qu'elle est apte, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique, à reprendre des fonctions au sein d'un service administratif et fait en particulier valoir qu'elle ne souffre d'aucune pathologie psychiatrique. Elle produit, à l'appui de son argumentation, les conclusions d'une expertise réalisée le 9 mai 2012 par le docteur F... rhumatologue, l'expertise du 29 juin 2012 du docteur H..., neurologue et psychiatre, mentionnée au point 10 du présent arrêt, ainsi que plusieurs attestations émanant de divers praticiens, généralistes et spécialistes, établies entre 2004 et 2013. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à contredire les conclusions du psychiatre, du 9 novembre 2012, ayant examiné l'intéressée de manière approfondie, qui a considéré qu'en raison des graves troubles de la personnalité dont elle était affectée, ayant entrainé en 2009 son admission à la retraite pour invalidité, Mme C... était inapte à reprendre ses fonctions, et précisant même qu'" une reprise de l'activité professionnelle serait non seulement vaine mais aussi délétère ". Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté. 18. En neuvième et dernier lieu, Mme C... se prévaut de sa qualité de travailleur handicapé, résultant d'une décision du 29 septembre 2010 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, de la Maison départementale des personnes handicapées du Rhône. Toutefois, la reconnaissance de cette qualité n'emporte par elle-même aucun droit à être réintégré sur le fondement des dispositions de l'article L. 33 du code des pensions civiles et militaires de retraite et la circonstance que l'administration n'aurait, durant sa carrière, pas pris véritablement en compte son état de santé est sans incidence sur le refus de réintégration litigieux. De plus, aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que le refus de faire droit à sa demande traduirait une discrimination à son encontre. 19. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions susmentionnées du 16 septembre 2013 du sous-directeur des personnels à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, et du 18 octobre 2013 du directeur des ressources et des compétences de la police nationale du ministère de l'intérieur, relatives à la demande de réintégration de Mme C.... DÉCIDE : Article 1er : L'article 4 du jugement n° 1207816-1306973 du 16 septembre 2015 du tribunal administratif de Lyon est annulé. Article 2 : Les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation des décisions du 16 septembre 2013 du sous-directeur des personnels à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, et du 18 octobre 2013 du directeur des ressources et des compétences de la police nationale du ministère de l'intérieur, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme G... C.... Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Sophie Corvellec, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe le 29 novembre 2021. 3 N° 15LY03630
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 8ème chambre, 06/12/2021, 19PA03693, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... E... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 26 février 2014 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'œil droit ". Par un jugement n° 14/00024 du 29 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 26 février 2014 et a concédé à M. E... une pension militaire d'invalidité au taux de 38 % pour l'infirmité " séquelles de traumatisme à l'œil droit " à compter du 18 août 2014, date de sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par la ministre des armées enregistrée à son greffe le 8 juillet 2019. Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03693 le 1er novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 4 juin 2020 et 3 mai 2021, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 14/00024 du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer la décision de la ministre des armées du 26 février 2014. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que contrairement aux règles générales de procédure que doivent respecter les juridictions des pensions au nombre desquelles figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application, il ne fait mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs ; - le jugement est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 6 et L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors que l'évaluation d'une affection, qui détermine le droit à pension, doit se faire par référence à la gêne fonctionnelle présentée à la date de la demande de pension militaire d'invalidité, soit en l'espèce le 19 septembre 2012 ; or le professeur Rigal-Sastoume a pris en compte des éléments cliniques nouveaux à la date du 25 août 2016 tels que la pseudophakie et l'opération de la cataracte, postérieurs à la date de la demande ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que M. E... présentait une baisse d'acuité visuelle de l'œil droit antérieurement à l'accident du 9 mars 2012 dont il se prévaut et la baisse d'acuité visuelle de l'œil droit mesurée à 1,5/10ème le 25 août 2016, date de l'expertise judiciaire, soit 4 ans après la demande de pension, ne peut encore moins être imputée à l'exécution du service dans les suites du fait du 9 mars 2012 ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors que le droit à pension, quand il est accordé, court à compter de la date de la demande, soit le 19 septembre 2012, et non le 18 août 2014, date retenue à tort par les premiers juges. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 9 novembre 2021, M. E..., représenté par Me Solassol, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et demande, en outre, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - la mention " conformément à la loi " figurant dans le jugement attaqué permet de considérer qu'il est suffisamment motivé en droit ; - pour qu'une infirmité puisse être évaluée, il est nécessaire que la lésion soit consolidée et qu'il existe des séquelles de l'accident initial, les éléments postérieurs à la demande de bénéfice de la pension militaire d'invalidité peuvent ainsi être pris en compte sans méconnaître les dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - il ne présentait pas d'état antérieur susceptible d'interférer avec le traumatisme oculaire qu'il a subi le 9 mars 2012 ; - le guide barème établi par le ministère des armées précise que la cataracte ouvre droit à la reconnaissance d'un taux d'invalidité de 65 % et qu'une baisse de l'acuité visuelle de 10/10 à 2/10ème justifie une invalidité de 52 % ; - contrairement à ce que soutient l'administration, elle n'est pas dans l'impossibilité de faire procéder à l'exécution judiciaire du jugement rendu en première instance. M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 22 janvier 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Solassol, avocat de M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... E..., né le 19 septembre 1984, est entré au service de l'armée de terre le 3 mai 2005 et a été affecté à la conduite des engins blindés. Lors d'une manœuvre réalisée le 9 mars 2012, le tendeur d'une bâche l'a frappé violemment à l'œil droit, lui occasionnant une blessure entraînant son évacuation immédiate à l'hôpital de Clermont-Ferrand. Par une demande enregistrée le 19 septembre 2012, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour des séquelles de traumatisme de l'œil droit résultant du fait précité du 9 mars 2012 ayant donné lieu à la rédaction d'un rapport circonstancié. Par décision du 26 février 2014, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'œil droit, avec désinsertion irienne, plaie sclérale, opérées : opacités corticales, remaniement cicatriciel inter-papillomaculaire. CV : scotome paracentral. Acuité visuelle actuelle de l'œil droit 5/10ème " provient d'une affection d'origine étrangère au service, dont l'évolution est indépendante de celui-ci et qui n'a pas été aggravée par lui. M. E... a formé un recours contre cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, lequel a ordonné le 8 juillet 2016 une mesure d'expertise confiée au professeur Jean-Claude Rigal-Sastourne, qui a rendu son rapport le 3 janvier 2017. Par jugement n° 14/00024 du 29 mars 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 26 février 2014 et a concédé à M. E... une pension militaire d'invalidité au taux de 38 % pour l'infirmité " séquelles de traumatisme à l'œil droit " à compter du 18 août 2014. Sur la régularité du jugement : 2. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. 3. Or, si dans le jugement du 29 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 26 février 2014 et a concédé à M. E... une pension militaire d'invalidité au taux de 38 % pour l'infirmité " séquelles de traumatisme à l'œil droit " à compter du 18 août 2014, il ne mentionne les textes sur lesquels il se fonde ni dans ses visas ni dans ses motifs, la seule mention " après en avoir délibéré conformément à la loi " ne suffisant pas à répondre à cette exigence de motivation contrairement à ce que soutient M. E... en défense. La ministre des armées est, par suite, fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité. Le jugement n° 14/00024 du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé et il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. E.... Sur le droit de M. E... à bénéficier d'une pension militaire d'invalidité : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ". Aux termes de l'article L. 6 du même code, alors en vigueur : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 9 du même code, alors en vigueur : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. (...) ". Aux termes de l'article L. 26 du même code, alors en vigueur : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". Il résulte de ces dispositions, nonobstant la circonstance que, pour l'exercice de son office, le juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité statue en plein contentieux, que lorsqu'est sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de pension, laquelle lie le contentieux ultérieur. 6. Il résulte de l'instruction que M. E... a, par une demande enregistrée le 19 septembre 2012, sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour " traumatisme grave de l'œil droit " résultant du fait de service du 9 mars 2012 ayant donné lieu à la rédaction d'un rapport circonstancié précisant que lors d'une manœuvre, le tendeur d'une bâche est venu frapper violemment son œil droit avec le bout en métal, qu'il est immédiatement tombé par terre, a ressenti une vive douleur à son œil droit et a été évacué par les pompiers sur l'hôpital de Clermont-Ferrand. Les infirmités rattachables à ce traumatisme éprouvé lors de cette opération d'entraînement peuvent ainsi être à l'origine de blessures ouvrant droit à M. E... au bénéfice d'une pension au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 19 septembre 2012, date de sa demande, et il résulte de ce qui a été indiqué au point 5 du présent arrêt que seuls les éléments médicaux établissant l'état de santé de l'intéressé à la date de sa demande de concession de pension, soit le 19 septembre 2012, peuvent utilement être pris en compte. 7. Il résulte de l'instruction que dans le certificat médical établi par le docteur F... le 18 février 2005, l'acuité visuelle de l'œil droit de M. E... a été évaluée à 5/10ème sans correction et à 10/10ème après correction. Suite au fait de service du 9 mars 2012 consigné dans le rapport circonstancié précité, M. E... a été hospitalisé pendant une durée de quatre jours au CHU de Clermont-Ferrand avant son transfert à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce pour " contusion oculaire droite très sévère avec hypotonie oculaire, hémorragie antérieure et infra vitréenne, désinsertion de l'iris et contusion rétinienne laissant une acuité visuelle droite à 2/10ème Parinaud 10 ", hôpital au sein duquel il a séjourné jusqu'au 19 mars 2012, date à laquelle il a été relevé que sa " rétine maculaire plissée est le siège d'un œdème post contusif très sévère ". Il a ensuite été réopéré au Val-de-Grâce le 27 mars 2012 par le docteur B... pour réinsertion de l'iris de l'œil droit. Dans son expertise réalisée le 20 juin 2013, le docteur A... mentionne avoir relevé une acuité visuelle à droite avec correction de 5/10ème, un cristallin en place avec quelques opacités, l'absence de pseudophakie et que la cataracte n'est pas opérée et il a conclu à un taux d'invalidité de 32,5 %. Ce taux d'invalidité est d'ailleurs celui qui est également retenu par le docteur du centre médical des armées de Montlhéry dans le certificat médical de consolidation établi le 17 septembre 2014 qui précise que le traumatisme de l'œil droit par choc direct a été compliqué d'une désinsertion de l'iris et d'un traumatisme maculaire ayant nécessité une chirurgie ophtalmique de réinsertion de l'iris et que l'acuité visuelle séquellaire de l'œil droit est inférieure à 1/20ème. Cette mesure ressort également du certificat médical du 5 novembre 2013 du professeur Fénolland, qui a relevé une acuité visuelle à droite de 1/10ème avant et après correction en précisant que la baisse de vision est en rapport avec un volumineux œdème maculaire à droite en cours de bilan et de l'expertise médicale réalisée le 17 juin 2014 par le docteur D..., qui a relevé une acuité visuelle de l'œil droit sans correction inférieure à 1/20ème et avec correction d'1/10ème et a considéré que la perte fonctionnelle de son œil droit est en lien direct avec le traumatisme du 9 mars 2012. 8. Il résulte de ces différents éléments que, quand bien même il y aurait eu une amélioration ponctuelle de l'acuité visuelle de l'œil droit de M. E..., relevée sur un seul examen entre son accident mentionnant le 9 mars 2012 2/10ème, qui se serait améliorée postérieurement à la demande de pension le 20 juin 2013 pour atteindre 5/10ème avec correction selon le docteur A..., sans qu'aucun élément au dossier ne vienne d'ailleurs corroborer cette amélioration, la dégradation de l'acuité visuelle de l'œil droit de M. E... directement liée au fait de service du 9 mars 2012 est suffisamment établie par les mesures également postérieures à la demande de pension, concluant à 1/10ème ou à 1/20ème avant et après correction les 5 novembre 2013, 17 juin 2014 et 17 septembre 2014, du 5 novembre 2013 du professeur Fénolland qui peuvent, par suite, être considérées comme révélant une situation antérieure existant à la date de la demande de concession de pension, à savoir le 19 septembre 2012. Par ailleurs, il est possible de considérer en retenant l'expertise réalisée le 20 juin 2013 par le docteur A... et le certificat médical de consolidation établi le 17 septembre 2014 par le médecin du centre médical des armées de Montlhéry qui peuvent, tous deux, être regardés, compte tenu des termes dans lesquels ils sont rédigés, comme faisant référence uniquement aux conséquences traumatiques du fait de service du 9 mars 2012 telles qu'elles existaient à la date du 19 septembre 2012 que le traumatisme de l'œil droit par choc direct est à l'origine d'un taux d'invalidité de 32,5 %. Il suit de là qu'il y a lieu d'attribuer à M. E... une pension militaire d'invalidité dont le taux doit être fixé en application de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à 35 % à compter du 19 septembre 2012, date de sa demande de pension, avec les intérêts moratoires de droit à compter de cette même date. 9. Il résulte de ce qui précède que M. E... est seulement fondé à demander l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'œil droit " au taux global d'invalidité de 35 % à compter du 19 septembre 2012, date de sa demande de pension, avec les intérêts moratoires de droit à compter de cette même date et de rejeter le surplus des conclusions de la requête du ministre de la défense ainsi que le surplus de la demande de première instance et des conclusions d'appel de M. E.... Sur les frais d'expertise : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Sur les frais liés à l'instance : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Solassol, conseil de M. E..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 14/00024 du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : Il est attribué à M. E... une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'œil droit " au taux global d'invalidité de 35 % à compter du 19 septembre 2012, date de sa demande de pension. Article 3 : La décision du ministre de la défense du 26 février 2014 est annulée. Article 4 : L'Etat versera à M. E... les intérêts au taux légal sur les arrérages de sa pension militaire d'invalidité relative à l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'œil droit " à compter du 19 septembre 2012, date de dépôt de sa demande de pension militaire d'invalidité. Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris sont mis à la charge de l'Etat. Article 6 : L'Etat est condamné à verser à Me Solassol, conseil de M. E... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées est rejeté. Article 8 : Le surplus de la demande de première instance et des conclusions d'appel de M. E... est rejeté. Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 3 N° 19PA03693
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 8ème chambre, 06/12/2021, 19PA03973, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... G... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ". Par un jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015, a reconnu l'aggravation de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique " de M. G... et a fixé le taux d'invalidité à 80 % à compter du 6 décembre 2013, date de sa demande. Procédure devant la Cour : Par un recours et un mémoire enregistrés les 9 décembre 2019 et 19 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que contrairement aux règles générales de procédure que doivent respecter les juridictions des pensions au nombre desquelles figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application, il ne fait mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs ; - le jugement est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 6 et L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors que l'évaluation d'une affection, qui détermine le droit à pension, doit se faire par référence à la gêne fonctionnelle présentée à la date de la demande de pension militaire d'invalidité, soit en l'espèce le 6 décembre 2013 ; or le professeur E... a pris en compte des éléments médicaux depuis 2012 jusqu'à ce jour ; - l'aggravation de 5 % retenue par le docteur A... du taux d'invalidité liée à l'infirmité de M. G... ne peut, en application des dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, être prise en compte dès lors que le supplément d'invalidité doit être au moins supérieur de 10 points au pourcentage d'invalidité antérieure ; - le docteur E..., qui décline son évaluation suivant plusieurs postes de préjudice, se fonde sur la nomenclature de droit commun Dintilhac étrangère au droit particulier des pensions pour lequel s'applique uniquement le guide barème des invalidités ; - en application des dispositions de l'article L. 152-1 (ancien article L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, lors d'une demande de révision de pension pour aggravation, doivent être comparés les éléments objectifs de la gêne fonctionnelle à la date de la demande avec ceux ressortant de l'expertise précédente, de sorte qu'en l'espèce la comparaison des cinq dernières expertises réalisées entre 1995 et 2017 permet de démontrer l'absence d'aggravation des symptômes de M. G... ; - l'absence d'aggravation exclut la requalification de l'infirmité de M. G... en " syndrome post-traumatique ". Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2020, M. G..., représenté par Me Haulshalter, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et demande en outre : 1°) à titre subsidiaire, de fixer le taux d'invalidité de son infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ", qui doit être requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique " à 80 % à compter du 6 décembre 2013, date de sa demande, et de condamner l'État à lui verser la pension afférente assortie des intérêts moratoires ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 27 octobre 2015, date de réception de son recours, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - une substitution de motifs peut être faite puisque le tribunal des pensions militaires d'invalidité s'est nécessairement fondé sur les dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - les rapports d'expertise du professeur E... et du docteur A... constituent un faisceau d'indices graves et concordants prouvant l'aggravation de son état sur la période de 18 ans entre 1995 et 2013 qui a précédé sa demande d'aggravation et qu'il souffre de troubles intenses justifiant l'attribution d'un taux d'invalidité de 80 % ; - la notion de perte d'autonomie au sens des textes applicables n'exige pas qu'une mesure de protection judiciaire ait été mise en place pour qualifier des troubles de très intenses ; - l'infirmité dont il souffre doit être requalifiée en syndrome de stress post-traumatique comme s'accordent tous les experts sur ce point ; - compte tenu de la durée excessive de la procédure d'instruction de sa demande qui a débuté en décembre 2013, le tribunal a pu légitimement forger son opinion sur l'ensemble des pièces médicales du dossier. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 juin 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Haulshalter, avocat de M. G.... Considérant ce qui suit : 1. M. D... G..., né le 25 novembre 1938, est entré au service de l'armée de l'air le 1er février 1959, a été muté au Maroc puis en août 1959 en Algérie et a été rayé des contrôles le 23 mai 1961. Une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 10 % en 1962, révisée plusieurs fois jusqu'à être portée à 60 % à compter du 11 septembre 1995 par arrêté du 23 septembre 2002 au titre de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ", résultant d'une maladie contractée à l'occasion du service constatée le 22 avril 1959 comme étant liée à la " guerre d'Algérie ou [aux] combats Tunisie Maroc ". Par une demande enregistrée le 6 décembre 2013, il a sollicité la révision de ses droits à pension pour aggravation de son infirmité. Par décision du 30 septembre 2015, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif de l'absence d'aggravation de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ". M. G... a formé un recours contre cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, lequel a ordonné deux mesures d'expertise confiées au docteur A... qui a rendu son rapport le 2 octobre 2017, puis au professeur E... qui a rendu son rapport le 28 mars 2019. Par jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 et a reconnu l'aggravation de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique " de M. G... et a fixé le taux d'invalidité à 80 % à compter du 6 décembre 2013, date de sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. 3. Or, si dans le jugement du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2015 et a porté le taux de la pension militaire d'invalidité concédée à M. G... à 80 % à compter du 6 décembre 2013 pour l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé " requalifiée en " syndrome de stress post-traumatique ", il ne mentionne les textes sur lesquels il se fonde ni dans ses visas ni dans ses motifs, quand bien même le tribunal des pensions militaires d'invalidité s'est nécessairement fondé sur les dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre comme le soutient M. G... en défense. Par suite, en l'absence de motif de droit mentionné dans le jugement contesté, la demande de substitution de motifs de M. G... ne peut qu'être écartée. Ainsi la ministre des armées est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité. Le jugement du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé et il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. G.... Sur le droit de M. G... à bénéficier d'une révision du taux de sa pension militaire d'invalidité : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 6 décembre 2013, date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Il appartient aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie en motivant expressément leur décision sur ce point en mentionnant les éléments sur lesquels ils se fondent. 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 6 du même code, alors en vigueur : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 26 du même code, alors en vigueur : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". Il résulte de ces dispositions, nonobstant la circonstance que, pour l'exercice de son office, le juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité statue en plein contentieux, que lorsqu'est sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de pension, laquelle lie le contentieux ultérieur. 6. Il résulte de l'instruction que M. G... a, par une demande enregistrée le 6 décembre 2013, sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " syndrome neuro-asthénique aggravé ", résultant du fait de service lié à la " guerre d'Algérie ou [aux] combats Tunisie Maroc " constaté par un rapport circonstancié le 22 avril 1959 ainsi qu'il ressort de l'arrêté A 503 du 23 septembre 2002. L'aggravation de cette infirmité peut ouvrir droit, à condition d'être supérieure de 10 % au moins du pourcentage antérieur, à une révision du droit à pension militaire d'invalidité en application des dispositions de l'article L. 9 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 6 décembre 2013, date de la demande de révision, et il résulte de ce qui a été indiqué au point 5 du présent arrêt que seuls les éléments médicaux établissant l'état de santé de l'intéressé à la date de sa demande peuvent utilement être pris en compte. 7. Il résulte de l'instruction que dans le certificat médical accompagnant la demande de révision de la pension concédée à M. G... établi le 4 décembre 2013, le docteur H... se borne à mentionner que l'intéressé présente une aggravation des affections dont il souffre. L'examen de M. G... réalisé le 7 mai 2015 par le docteur F... à la demande du ministre de la défense a permis de montrer le maintien des troubles anxieux et des angoisses déjà révélés dans les expertises précédentes réalisées par les docteurs C... et B..., respectivement les 16 novembre 1999, 11 février 1998 et 22 mai 1995, ainsi que la peur des déplacements en extérieur et des troubles du sommeil avec des réveils nocturnes, comme le montrait déjà l'expertise réalisée par le docteur C..., ainsi que des difficultés d'endormissement et le fait qu'il sursaute au bruit des balles des chasseurs, comme le montrait déjà l'expertise du docteur B... du 22 mai 1995, qui avait relevé que l'intéressé avait un endormissement lent et sursautait au moindre bruit et enfin un syndrome d'évitement des films de guerre et de la violence ainsi qu'une fatigabilité importante, déjà révélés par l'expertise du docteur B... du 11 février 1998. Le docteur F... conclut son expertise en indiquant qu'elle a constaté une " réactivation " de la neuro-asthénie et un rapprochement de la symptomatologie actuelle avec un syndrome de stress post-traumatique occasionnant une gêne fonctionnelle qui peut être quantifiée à un taux d'invalidité qui doit être maintenu à 60 %. L'autre expertise concomitante à la demande de révision de la pension du 6 décembre 2013 a été réalisée le 18 avril 2017 par le docteur A..., qui a relevé dans son rapport déposé le 2 octobre 2017 des symptômes d'anxiété de fond, d'agoraphobie, de cauchemars répétitifs et de vives appréhensions des situations de guerre, tous ces symptômes ayant déjà été relevés lors des expertises réalisées par les docteurs C... et B..., respectivement les 16 novembre 1999, 11 février 1998 et 22 mai 1995. Le docteur A... conclut que le handicap de M. G... peut être considéré comme légèrement aggravé compte tenu de la majoration au fil du temps de la souffrance psychique de l'intéressé justifiant l'attribution d'une invalidité à hauteur de 65 %, soit une aggravation de l'infirmité de 5 %, inférieure au minimum d'évolution de 10 points requis pour ouvrir droit à la révision de la pension au sens des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. De plus, si M. G... se prévaut de la circonstance qu'il a " tout le temps peur " et qu'il ne peut plus se " déplacer sans [sa] femme depuis environ 18 mois ", ce qu'il a fait valoir lors de son examen par le docteur A... le 18 avril 2017, d'une part, cette peur ressortait déjà des expertises précitées réalisées en 1995, 1998 et 1999, lesquelles mentionnaient déjà un fort sentiment d'insécurité et une peur de la foule ainsi qu'une méfiance vis-à-vis d'autrui, et, d'autre part, cette impossibilité de se déplacer seul depuis 18 mois, qui couvre une période postérieure à la date de la demande de révision de la pension, ne peut, par suite, pas être prise en compte. Par ailleurs, si le professeur E... a souligné dans son expertise, dont le rapport a été déposé le 28 mars 2019, que " M. G... produit le certificat médical précité du docteur H... établi le 5 décembre 2013, un suivi par le professeur B... en 1995 qui justifie une augmentation du taux d'invalidité de 80 % " et " présente une aggravation des symptômes envahissants de souvenirs répétitifs, involontaires, d'une réactivation physiologique importante lors de l'exposition à des indices du traumatisme et d'un évitement persistant concernant les rappels externes de ce dernier " et s'il conclut que l'état de santé de M. G... s'est aggravé et que les symptômes psychopathologiques augmentent malgré le traitement psychothérapique réalisé, ces éléments ne permettent pas à eux seuls, compte tenu des comparaisons faites précédemment par rapport aux symptômes relevés lors des expertises réalisées par les docteurs C... et B... respectivement les 16 novembre 1999, 11 février 1998 et 22 mai 1995 de considérer comme établie l'aggravation de l'infirmité dont souffre M. G.... 8. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de requalifier l'intitulé de l'infirmité concernée, par les éléments médicaux que produit M. G..., et dont, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, seuls ceux établissant l'état de santé de l'intéressé à la date de sa demande de révision de pension peuvent utilement être pris en compte, il ne justifie pas de l'existence d'une aggravation de l'infirmité dont il souffre et pour laquelle il bénéficie déjà de la concession d'une pension militaire d'invalidité à un taux de 60 %. 9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées ainsi que la demande de première instance et les conclusions d'appel de M. G..., y compris, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme à verser à son conseil soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 15/00024 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 4 N° 19PA03973
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 8ème chambre, 06/12/2021, 19PA03672, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 18 avril 2014 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " troubles de la personnalité ", " douleur de la hanche gauche. Début d'ostéonécrose " et " Douleur du genou gauche. Radio normale " et " Douleur cheville gauche. Légère raideur. Radio normale " en tant que l'infirmité " troubles de la personnalité " n'a pas été retenue. Par un jugement n° 15/00003 du 26 janvier 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 18 avril 2014 et a concédé à M. B... une pension militaire d'invalidité au taux de 50 % à titre définitif pour " troubles de la personnalité - trouble de l'adaptation - symptômes de souffrance psychologique " à compter du 29 mars 2012, date de sa demande, et a condamné l'Etat à lui verser les intérêts moratoires qui courront sur les arrérages de la pension dus et revalorisés, à compter du 29 mars 2012 date de la demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête et un mémoire complémentaire présentés par la ministre des armées enregistrés à son greffe les 6 juillet 2018 et 30 septembre 2019 et le mémoire en défense présenté par M. B... enregistré à son greffe le 11 septembre 2019. Par cette requête et ce mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 19PA03672 le 1er novembre 2019 et un mémoire enregistré le 1er juillet 2020, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 15/00003 du 26 janvier 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer la décision de la ministre des armées du 18 avril 2014. Elle soutient que : - le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est irrégulier dès lors que contrairement aux règles générales de procédure que doivent respecter les juridictions des pensions au nombre desquelles figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application, il ne fait mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs ; - le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par le mémoire enregistré au greffe de la Cour le 1er novembre 2019 et un mémoire enregistré le 13 mars 2020, M. B..., représenté par Me Haushalter, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et à ce que la somme de 2 000 euros à verser à son conseil soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - l'appel de la ministre des armées est irrecevable pour tardiveté ; - le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris s'est nécessairement fondé sur les dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la preuve de l'imputabilité de l'infirmité " troubles de la personnalité - trouble de l'adaptation - symptômes de souffrance psychologique " est établie. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 14 novembre 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Haushalter, avocat de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. D... B..., né le 8 octobre 1967, engagé volontaire pour 12 mois à compter du 3 décembre 1985, a été affecté au 18ème régiment de transmission, puis muté au 42ème BCS de Nouméa le 14 mai 1986. Il a été rayé des contrôles le 10 septembre 1987. Par une demande enregistrée le 29 mars 2012, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour les infirmités suivantes : " épaule, hanche, genou et cheville gauches ". L'infirmité relative à l'épaule gauche avait déjà fait l'objet d'une décision de rejet du ministre de la défense le 10 février 2005 et d'une procédure contentieuse confirmant cette décision en dernier lieu par le Conseil d'Etat dans sa décision du 8 février 2012. Suite à sa saisine le 30 juin 2013, par le docteur A..., psychothérapeute personnel de M. B..., le ministre de la défense a, par décision du 18 avril 2014, rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité aux motifs que l'infirmité " troubles de la personnalité " résulte d'une affection étrangère au service dont l'évolution est indépendante de celui-ci et n'a pas été aggravée par lui, que pour les infirmités " douleur de la hanche gauche. Début d'ostéonécrose ", la preuve d'imputabilité au service n'est pas établie en l'absence de fait de service légalement constaté et la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer, l'infirmité invoquée n'ayant pas été constatée pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice et que pour les infirmités " Douleur du genou gauche. Radio normale " et " Douleur cheville gauche. Légère raideur. Radio normale ", le taux d'invalidité, après expertise médicale réglementaire, est inférieur au minimum indemnisable de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension. M. B... a formé un recours contre cette décision en tant que l'infirmité " troubles de la personnalité " n'a pas été retenue devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, lequel a ordonné deux mesures d'expertise le 10 février 2017 confiées aux docteurs Carzon et C... qui ont rendu leurs rapports respectivement les 18 mai 2017 et 12 mai 2017. Par jugement n° 15/00003 du 26 janvier 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 18 avril 2014 et a concédé à M. B... une pension militaire d'invalidité au taux de 50 % à titre définitif pour " troubles de la personnalité - trouble de l'adaptation - symptômes de souffrance psychologique " à compter du 29 mars 2012, date de sa demande, et a condamné l'Etat à lui verser les intérêts moratoires qui courront sur les arrérages de la pension dus et revalorisés, à compter du 29 mars 2012 date de la demande. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à cet aspect du litige : " L'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) / L'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé ". 3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué n° 15/00003 du 26 janvier 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a été notifié dans un courrier portant un tampon postal indiquant la date du 25 mai 2018 à la ministre des armées, information dont la vraisemblance est corroborée par la lettre de notification du jugement datée du 14 mai 2018. Par suite, quand bien même M. B... a eu notification de ce jugement le 5 février 2018, soit à une date très antérieure, et la somme dont son conseil a obtenu le bénéfice par le jugement attaqué au titre des frais liés à l'instance a été versée à ce dernier dès le 14 mai 2018 suite à la facture qu'il a établie le 9 février 2018 et à la présentation par celui-ci du jugement dont il avait reçu notification, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que la ministre des armées aurait reçu, quant à elle, notification de ce jugement par ledit tribunal avant le 25 mai 2018. Par suite, le recours de la ministre des armées enregistré au greffe de la Cour régionale des pensions militaires le 6 juillet 2018 soit avant l'expiration du délai d'appel de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre n'était pas expiré. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense par M. B... tirée de la tardiveté de la requête ne peut qu'être écartée. Sur la régularité du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris : 4. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. 5. Or, si dans le jugement n°15/00003 du 26 janvier 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision de la ministre des armées du 18 avril 2014 et a concédé à M. B... une pension militaire d'invalidité au taux de 50 % à titre définitif pour " troubles de la personnalité - trouble de l'adaptation - symptômes de souffrance psychologique " avec les intérêts moratoires à compter du 29 mars 2012, il ne mentionne les textes sur lesquels il se fonde ni dans ses visas ni dans ses motifs. Ainsi la ministre des armées est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité. Par suite, le jugement n° 15/00003 du 26 janvier 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé et il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. B.... Sur le droit de M. B... à bénéficier d'une pension militaire d'invalidité : 6. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 7. D'une part, il résulte de l'instruction qu'il n'est ni soutenu ni allégué que les infirmités dont M. B... se prévaut auraient fait l'objet d'une inscription au registre des constatations d'une blessure ou d'une maladie survenue pendant le service dans les délais prévus par les dispositions précitées de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par suite, la présomption légale d'imputabilité ne peut s'appliquer en l'espèce à la situation de l'intéressé à qui il appartient d'apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre les infirmités alléguées et un fait précis ou des circonstances particulières de service. 8. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur C... établi le 12 mai 2017, que M. B... ne présente aucun antécédent psychiatrique personnel pathologique, mais qu'il présente un trouble d'adaptation en relation avec le service. L'expert conclut que l'examen psychiatrique de l'intéressé révèle un trouble de l'adaptation, une réduction des déplacements avec baisse de l'autonomie et que les symptômes de souffrance psychologique sont imputables au service dès lors que la décompensation " revendicative " est en relation avec les conséquences fonctionnelles du trouble en relation avec le service pour 4/5ème. L'expert considère que l'imputabilité au service de cet état mental est établie par des documents attestant de la présence de l'intéressé en service couvrant la période d'apparition du trouble entraînant un taux d'invalidité de 20 % pour la douleur et de 30 % pour le trouble de l'adaptation. 9. M. B... se prévaut des bilans psychologiques effectués au moment de son incorporation en 1985, puis en 1986 et 1987, qui ont conduit à une évaluation d'un critère P2 qui correspond à des troubles mineurs de l'adaptation ou de difficultés d'ordre psycho-social et conjoncturel qui nécessitent de manière temporaire une limitation de l'aptitude à servir ou à l'emploi. Il ajoute qu'il a eu une mauvaise appréciation d'ensemble de son commandant d'unité indiquant notamment qu'il " n'a pas su s'affirmer comme un bon chef d'équipe (...) ne mérite pas la confiance de ses chefs " et que les troubles de la personnalité dont il souffre traduisent la recrudescence d'un sentiment de non reconnaissance des séquelles de luxation survenue en service alors même que sa souffrance s'accroît et qu'il développe un sentiment d'injustice profonde suite au rejet définitif de sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité relative à l'épaule gauche par la décision du ministre de la défense du 10 février 2005 confirmée en dernier lieu par le Conseil d'Etat dans sa décision du 8 février 2012. 10. Toutefois, il résulte de ces différents éléments, d'une part, que la fragilité psychologique dont M. B... se prévaut était préexistante puisqu'elle a été relevée au moment de son incorporation dans l'armée par la mention P2 apposée sur son évaluation et il n'est pas établi qu'elle résulterait ou aurait été aggravée par le fait ou à l'occasion du service et, d'autre part, que l'absence de reconnaissance des séquelles de luxation de l'épaule dont il a été victime au cours de sa période d'engagé volontaire ne saurait, à elle seule, établir que l'infirmité " troubles de la personnalité " pour laquelle il sollicite le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité serait une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service. Par ailleurs, les conditions de la présomption d'imputabilité prévue par l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur ne sont pas davantage remplies. 11. Dans ces conditions, la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 18 avril 2014 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité en tant que l'infirmité " troubles de la personnalité " n'a pas été retenue ne peut qu'être rejetée. 12. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées ainsi que la demande de première instance et les conclusions d'appel de M. B..., y compris, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme à verser à son conseil soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 15/00003 du 26 janvier 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 4 N° 19PA03672
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 25/11/2021, 19BX02229, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions des 16 décembre 1993 et 5 mai 2017 par lesquelles le ministre de la défense a refusé de faire droit à ses demandes d'homologation en blessures de guerre des brûlures de sa main droite et de l'état post-traumatique dont il a souffert à la suite de l'évènement survenu le 1er août 1971 au Tchad et a refusé de lui attribuer la médaille des blessés de guerre. Par un jugement n° 1701280, 1701281 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mai 2019 et le 14 octobre 2020, M. A..., représenté par Me Tucoo-Chala, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 28 mars 2019 ; 2°) d'annuler les décisions des 16 décembre 1993 et 5 mai 2017 par lesquelles le ministre de la défense a refusé de faire droit à ses demandes d'homologation en blessures de guerre des brûlures de sa main droite ainsi que de l'état post-traumatique dont il a souffert à la suite de l'évènement survenu le 1er août 1971 au Tchad et a refusé de lui attribuer la médaille des blessés de guerre ; 3°) de lui accorder l'homologation de ses blessures comme blessures de guerre et la médaille des blessés de guerre ; 4°) à titre subsidiaire d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa situation ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les décisions sont entachées d'incompétence de l'auteur des actes ; - la jurisprudence Czabaj ne peut être appliquée à des décisions antérieures à cette jurisprudence ; - ses blessures répondent à la définition des blessures de guerre de l'article L. 4123-4 du code de la défense et à l'instruction du 8 mai 1963 ; - en conséquence la médaille des blessés de guerre doit lui être attribuée conformément à l'article D. 355-16 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2020, le ministre des armées, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable pour ne pas avoir été précédée du recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des miliaires ; - les conclusions dirigées contre la décision du 16 décembre 1993 sont irrecevables car tardives ; - aucun des moyens n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Fabienne Zuccarello, - les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public, - et les observations de Me Tucoo-Chala, représentant M. A.... Une note en délibéré présentée pour M. A..., représenté par Me Tucoo-Chala, a été enregistrée le 29 octobre 2021. Considérant ce qui suit : 1. Alors qu'il était affecté au Tchad à compter du 1er juillet 1971 en vue d'assurer une mission de maintien de l'ordre, de reconnaissance et de fouilles, M. A..., sergent et chef de bord d'un engin blindé de type automitrailleuse faisant partie de l'escadron blindé du 6ème régiment interarmées d'Outre-Mer, a été victime, le 1er août 1971, de l'explosion d'une grenade d'autodéfense au phosphore. En 1993 il a présenté au ministre de la défense une demande tendant à ce que les blessures subies lors de cet accident soient homologuées en tant que blessures de guerre mais, par une décision du 16 décembre 1993, le ministre a refusé. Puis, en 2015, M. A... a formulé une demande tendant à ce que son état post traumatique, lié à sa blessure datant de 1971, soit homologué en tant que blessure de guerre et que l'insigne des blessés de guerre lui soit attribué. Par une décision du 5 mai 2017 le ministre de la défense a refusé. M. A... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant, notamment, à l'annulation des décisions des 16 décembre 1993 et 5 mai 2017 et il relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 décembre 1993 : 2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 3. Si cette règle de l'exercice d'un recours juridictionnel dans un délai raisonnable résulte d'une jurisprudence postérieure à la décision attaquée, il appartient en principe au juge administratif de faire application de la règle jurisprudentielle nouvelle à l'ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance, sauf si cette application a pour effet de porter rétroactivement atteinte au droit au recours. Par suite, la circonstance que ladite règle, soit postérieure à la décision attaquée, ne saurait faire obstacle à son application au présent litige dès lors qu'il n'en résulte aucune atteinte au droit au recours de l'intéressé. 4. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les juges de première instance, M. A... a, dans le cadre de sa demande du 14 décembre 2015 d'homologation de son état de stress post-traumatique en blessure de guerre, joint la décision attaquée du 16 décembre 1993. Aussi M. A... doit être regardé comme ayant eu connaissance de cette décision au plus tard le 14 décembre 2015, date à partir de laquelle il disposait d'un délai d'un an pour la contester. Dans ces conditions, le ministre des armées était fondé à soutenir que les conclusions à fin d'annulation de cette décision, présentées pour la première fois le 30 juin 2017 dans la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, soit plus d'un an après en avoir pris connaissance, étaient tardives. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 mai 2017 : 5. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par le colonel Patrick Justel, chef du bureau " Pilotage synthèse ", lequel disposait d'une délégation du directeur des ressources humaines de l'armée de terre du 1er juillet 2016, régulièrement publiée, aux fins de signer tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des décrets, relevant de son service. 6. En deuxième lieu, en application des dispositions de l'article L. 132-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de celles de l'instruction du 1er janvier 1917, reprises par l'instruction du 8 mai 1963, il faut entendre par blessure de guerre au sens de la réglementation applicable à l'homologation des blessures de guerre toute lésion présentant un certain degré de gravité résultant d'une action extérieure, se rattachant directement à la présence de l'ennemi, c'est à dire au combat, ou s'y rattachant indirectement en constituant une participation effective à des opérations de guerre, préparatoires ou consécutives au combat. 7. En l'espèce, l'accident dont a été victime M. A... en 1971, et auquel il rattache son stress post traumatique, s'est produit lors d'une opération dans la zone du Borkou au Tchad, lorsqu'une grenade d'autodéfense au phosphore s'est dégagée et dégoupillée dans le tube de lancement de son engin blindé. M. A... s'en est saisi pour la jeter au loin mais celle-ci lui a explosé dans les mains, occasionnant, notamment, des brûlures, à sa main droite. Il ressort de la fiche rédigée par un colonel en 1993 que cet accident s'est produit alors que certains éléments de son unité se regroupaient au bivouac non loin de la localité de Yarda. Si le requérant soutient qu'il agissait dans le cadre d'une opération de maintien de l'ordre et que son service était nécessairement en position de combat, cependant aucun élément au dossier ne vient contredire les circonstances de l'accident, lors de l'installation d'un bivouac au milieu d'un groupe d'hommes au repos, qui ne peuvent être regardées comme se rattachant directement à la présence de l'ennemi, c'est-à-dire au combat, non plus que comme s'y rattachant indirectement dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une opération préparatoire ou consécutive au combat. La seule circonstance que l'unité de M. A... ait été qualifiée d'unité combattante ne suffit pas à regarder l'opération particulière en cause comme une opération de guerre. Par suite, c'est à bon droit que le ministre a refusé, par la décision du 5 décembre 2017 contestée, de faire droit à sa demande d'homologation en blessure de guerre de l'état de stress post-traumatique dont il a souffert à la suite de l'évènement survenu le 1er août 1971 au Tchad. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 355-16 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ont droit au port de la médaille des blessés de guerre : 1° Les militaires atteints d'une blessure de guerre, physique ou psychique, constatée par le service de santé des armées et homologuée par le ministre de la défense (...) ". En application de ces dispositions, l'attribution de la médaille des blessés de guerre nécessite préalablement une homologation de la blessure de guerre. A défaut de détenir une telle homologation, c'est à bon droit que le ministre a refusé d'attribuer à M. A... la médaille des blessés de guerre. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes d'annulation des décisions des 16 décembre 1993 et 5 mai 2017. Sur les autres conclusions : 10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions du requérant en injonction doivent être rejetées. 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 octobre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Marianne Hardy, présidente, Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure, Mme Charlotte Isoard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2021. La rapporteure, Fabienne Zuccarello La présidente, Marianne Hardy La greffière, Sophie Lecarpentier La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX02229
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 1ère chambre, 26/11/2021, 20NT02223, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 en raison de la réintégration dans les bases d'imposition d'une pension d'invalidité. Par un jugement n° 1801213 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 juillet 2020 et 5 mai 2021 M. A..., représenté par Me Paillet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge sollicitée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la procédure d'imposition est irrégulière car la réponse que lui a adressée le service à ses observations à la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; - pour contester son imposition, il peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, des avis de dégrèvement, des courriels des services des impôts d'Avignon et de La Rochelle des 28 juillet et 11 octobre 2017, de la brochure pratique de l'année 2005 et de l'instruction publiée au BOI-RSA-CHAMP-20-30-20 paragraphe 230. Par un mémoire en défense enregistré le 26 janvier 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, perçoit chaque année depuis 2007 une pension d'invalidité en vertu d'un contrat d'assurance conclu au titre d'un régime complémentaire de prévoyance. Par une proposition de rectification du 19 décembre 2016 établie à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration lui a fait savoir qu'elle estimait que les revenus tirés de cette pension d'invalidité n'étaient pas affranchis de l'impôt sur le revenu et qu'elle les réintégrait en conséquence dans les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des années 2013, 2014 et 2015. Après avoir présenté une réclamation qui a été rejetée par l'administration fiscale le 19 mars 2018, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des impositions en litige. Par un jugement du 30 juin 2020, le tribunal a rejeté cette demande. M. A... fait appel de ce jugement. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". 3. D'une part, il résulte de l'instruction que la réponse aux observations du contribuable du 9 mai 2017 mentionne notamment que " la brochure pratique des impôts citée dans votre réclamation concernait uniquement, à la rubrique des " traitements et salaires ", les indemnités de maladie, d'accident et de maternité qui étaient ou non à déclarer. Ainsi, l'information qui vous a été fournie à partir de cette documentation ne visait que les seules indemnités désignées ci-dessus et non la pension d'invalidité. ". La circonstance que ces motifs seraient erronés est sans influence sur le caractère suffisant de la motivation. 4. D'autre part, cette même réponse aux observations du contribuable indique que M. A... ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'a pas formellement pris position sur le caractère non imposable des revenus fournis par Générali Vie, le dégrèvement non motivé accordé sur l'imposition des revenus des années 2002 et 2003 ne constituant pas une prise de position formelle sur l'appréciation de sa situation au regard d'un texte fiscal. Par conséquent, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration a répondu à son observation selon laquelle le bénéfice de l'exonération avait été précédemment accordé par le service en sa qualité de travailleur non salarié. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable du 9 mai 2017 doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions : Sur l'application de la loi fiscale : 5. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l'article 239 bis AA ou à l'article 239 bis AB (...) ". Aux termes de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 5. a. Les revenus provenant de traitements publics et privés, indemnités, émoluments, salaires et pensions ainsi que de rentes viagères autres que celles mentionnées au 6 sont déterminés conformément aux dispositions des articles 79 à 90. / (...) b bis. Les dispositions du a sont applicables aux prestations servies sous forme de rentes ou pour perte d'emploi subie, au titre des contrats d'assurance groupe ou des régimes mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article 154 bis. / (...) ". 6. Selon l'article 79 du même code, les pensions concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu, à l'exception de celles visées, notamment, par l'article 81 du code général des impôts. La pension versée à une personne relevant du régime des travailleurs non-salariés en exécution d'un contrat de prévoyance souscrit de manière facultative n'entre dans aucun des cas d'exonération prévus à cet article 81. Aux termes de l'article 81 du code général des impôts : " Sont affranchis de l'impôt : / (...) 4° a. Les pensions servies en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ainsi que la retraite du combattant (...) / 8° Les indemnités temporaires, à hauteur de 50 % de leur montant, ainsi que les prestations et rentes viagères, servies aux victimes d'accidents du travail ou à leurs ayants droit ; / 9° Les allocations, indemnités et prestations servies, sous quelque forme que ce soit, par l'Etat, les collectivités et les établissements publics, en application des lois et décrets d'assistance et d'assurance ; / (...) ". 7. Il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 5 et 6 que les pensions perçues au titre des années 2013 à 2015 par M. A..., dont il n'est pas contesté qu'il relevait du régime des travailleurs non-salariés, au titre d'un contrat facultatif d'assurance souscrit auprès de la compagnie Générali Vie, n'entraient dans aucun des cas d'affranchissement prévus à l'article 81 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré dans les bases de l'impôt sur le revenu des années 2013, 2014 et 2015 la pension d'invalidité perçue par M. A.... Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale : 8. Il résulte de l'instruction que les avis de dégrèvement pour les années 2002 et 2003 ne sont pas motivés. Ils ne sauraient donc être regardés comme constituant une prise de position formelle de l'administration sur la situation de M. A.... Au vu de leurs termes, il en est de même des courriels des services des impôts d'Avignon et de La Rochelle des 28 juillet et 11 octobre 2017. Au demeurant, les dégrèvements accordés en 2002 et 2003 concernaient des indemnités journalières et non des pensions d'invalidité. Quant à la brochure administrative reprenant l'instruction publiée au BOI-RSA-CHAMP-20-30-20 paragraphe 230, elle ne s'applique qu'aux salariés, alors qu'il est constant que M. A... est un gérant majoritaire de société. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir des éléments précités sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales. 9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - Mme Perrot, présidente de chambre, - M. Geffray, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2021. La rapporteure P. PicquetLa présidente I. Perrot La greffière A. Marchais La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 4 N° 20NT02223 1
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de PARIS, 8ème chambre, 06/12/2021, 19PA03698, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 25 mai 2016 rejetant ses demandes du 16 novembre 2011 de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités " tympan cicatriciel avec vaste perforation " et " vertiges avec instabilité ". Par un jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 25 mai 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle n'a pas reconnu une aggravation de l'infirmité " tympan cicatriciel avec vaste perforation " de 10 % et de l'infirmité " vertiges avec instabilité " de 30 % et lui a accordé compte tenu du taux initial de pension militaire d'invalidité un taux de 20 % pour la première infirmité et de 25 % pour la seconde. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête et un mémoire complémentaire présentés par la ministre des armées enregistrés à son greffe les 9 septembre et 3 octobre 2019. Par cette requête et ce mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 19PA03698 le 1er novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 9 juin et 30 juillet 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que contrairement aux règles générales de procédure que doivent respecter les juridictions des pensions au nombre desquelles figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application, il ne fait mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs ; - les premiers juges entérinent, sans fondement, le taux d'aggravation de 10 % pour l'infirmité " tympan cicatriciel avec vaste perforation " portant le taux global de cette pathologie à 20 % en méconnaissance des dispositions des articles L. 151-6 et L. 154-1 (anciens articles L. 26 et L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors que les éléments relatifs à la gêne fonctionnelle, retenus par l'expert, sont déjà connus puisque révélés par les expertises antérieures ; - les premiers juges ont retenu à tort l'aggravation de l'infirmité " vertiges avec instabilité " à hauteur de 30 % alors qu'elle est imputable pour moitié au vieillissement physiologique ; or en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'aggravation ne peut être prise en compte que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable à la pathologie au titre de laquelle M. C... est indemnisé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; - en application des dispositions de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, seul prévaut l'état de santé présenté par l'intéressé à la date d'introduction de sa demande de révision de sa pension. Par des mémoires enregistrés les 18 mai et 10 juillet 2020, M. C..., représenté par Me de Villèle, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et demande à la Cour de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 31 octobre 2019. Par un courrier du 7 octobre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la requête de la ministre des armées. Le 19 octobre 2021, la ministre des armées a présenté des observations en réponse à cette communication. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 25 mai 1936, a été blessé alors qu'il était soldat suite à une explosion dans une embuscade en 1957 pendant la guerre d'Algérie. Par arrêté du 8 novembre 2004, lui a été concédée à compter du 1er avril 2004 une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 35 % au titre de quatre infirmités constatées pour les première, deuxième et quatrième le 2 juillet 1957 qui résultent d'une maladie contractée par le fait du service et pour la troisième en relation médicale directe et déterminante avec la quatrième infirmité : " Tympan cicatriciel avec vaste perforation ", " Acouphènes à type de sifflements permanents ", " Vertiges avec instabilité " et " Hypoacousie gauche post-otitique, cophose totale dont 36,5 décibels déjà documentaire soit 64 décibels " pour lesquelles un taux de 10 % a été reconnu pour chacune. Par deux demandes enregistrées les 11 mars et 23 avril 2014, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation des infirmités " tympan cicatriciel avec vaste perforation " et " vertiges avec instabilité ". Par décision du 25 mai 2016, le ministre de la défense a rejeté ses demandes pour absence d'aggravation des infirmités " tympan cicatriciel avec vaste perforation " et " vertiges avec instabilité ". M. C... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, lequel a ordonné une expertise réalisée par le docteur B... qui a rendu son rapport le 25 septembre 2018. Par un jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 25 mai 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle n'a pas reconnu une aggravation de l'infirmité " tympan cicatriciel avec vaste perforation " de 10 % et de l'infirmité " vertiges avec instabilité " de 30 % et lui a accordé, compte tenu du taux initial de pension militaire d'invalidité, un taux de 20 % pour la première infirmité et de 25 % pour la seconde dès lors que l'aggravation n'est due que pour 15 % à l'infirmité initiale. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à cet aspect du litige : " L'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) / L'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé ". 3. Il résulte de l'instruction que le jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019 a été notifié à la ministre des armées le 4 juillet 2019, date figurant sur le tampon apposé par la sous-direction des pensions et que la ministre des armées mentionne dans ses écritures. Or, si le cachet de la poste mentionne un envoi de la requête d'appel le 3 septembre 2019, elle n'a été enregistrée au greffe de la Cour régionale des pensions militaires de Paris que le 9 septembre 2019, soit après l'expiration du délai légal de deux mois ci-dessus mentionné. Par suite, dès lors que cet envoi n'a pas été effectué, compte tenu du délai normal d'acheminement du courrier, en temps utile pour parvenir à destination avant l'expiration du délai imparti, la requête d'appel de la ministre des armées est tardive et ne peut, par suite, qu'être rejetée. Sur les frais liés à l'instance : 4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. C... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03698
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 3ème chambre, 19/11/2021, 20NT02669, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... F..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses quatre enfants mineurs, B..., H..., I... et C... F..., et K... G... F... ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à verser à M. D... F... la somme de 351 338,79 euros, à Mme G... F... la somme de 22 500 euros, à M. D... F... en sa qualité de représentant légal de ses quatre enfants mineurs la somme de 7 500 euros chacun, en réparation des préjudices qu'ils déclarent avoir subis à la suite de la prise en charge de M. D... F... en conséquence de l'accident de la circulation dont il a été victime le 27 juin 2013. La caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à lui verser la somme de 275 888,62 euros, assortie des intérêts avec capitalisation, au titre des dépenses de santé qu'elle a prises en charge pour le compte de son assuré M. F..., la somme de 50 074,77 euros au titre des dépenses de santé post-consolidation déjà exposées, le remboursement des frais de soins futurs sur présentation des justificatifs correspondants et dont le montant a été évalué à la somme de 295 419 euros et la somme de 1 066 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de gestion. La ministre des armées a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à verser à l'État la somme de 52 062,94 euros correspondant aux indemnités versées à M. F... et aux charges patronales afférentes au titre de la période d'indisponibilité de l'intéressé, imputable à la faute commise par l'établissement hospitalier sur la période allant du 10 juin 2014 au 5 février 2015. Par un jugement n° 1701737 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier public du Cotentin à verser : - une somme globale de 218 473,42 euros à M. F..., une somme de 4 000 euros à Mme F... et une somme de 6 000 euros à M. F... en sa qualité de représentant légal de ses quatre enfants mineurs, - une somme globale de 280 069,34 euros à la caisse nationale militaire de sécurité sociale au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018 et capitalisation de ces intérêts ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; - une somme globale de 13 405 euros à l'État (ministère des armées). Par ce même jugement, le tribunal a mis à la charge définitive du centre hospitalier public du Cotentin les frais et honoraires d'expertise, d'un montant de 1 500 euros. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 27 août 2020, le centre hospitalier public du Cotentin, représenté par Me Boizard, demande à la cour : A titre principal : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 juin 2020 ; 2°) d'ordonner une contre-expertise et, dans l'attente de ses résultats, de sursoir à statuer ; A titre subsidiaire : 3°) de réformer le jugement en tant qu'il porte sur l'indemnisation des chefs de préjudice de M. et Mme F... et de leurs enfants, A... la caisse nationale militaire de sécurité sociale et de l'État (ministère des armées) ; 4°) de ramener les demandes formulées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à de plus justes proportions. Il soutient que : - à titre principal, s'il n'est pas contesté qu'une faute a été commise pour ne pas avoir mis en œuvre les soins appropriées, une contre-expertise avant-dire droit, confiée à un collège d'experts composé d'un chirurgien orthopédiste et d'un chirurgien vasculaire, s'impose néanmoins afin de définir le taux de perte de chance dès lors que l'expert n'a pas répondu, sur ce point, aux dires qui lui avaient été présentés ; - à titre subsidiaire, le taux de perte de chance devant être fixé à 20 % et non à 75 % comme retenu par les premiers juges, le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il indemnise les chefs de préjudice suivant : Pour M. D... F... : - en ce qui concerne les frais de dépenses de santé actuelles : le jugement attaqué sera confirmé s'agissant des dépenses concernant le forfait hospitalier ; si M. F... entend obtenir le remboursement des frais d'acquisition d'un fauteuil roulant, il devra fournir les justificatifs, ce qui ne pourra donner lieu en outre qu'à un remboursement partiel compte tenu des séquelles que l'intéressé aurait gardées en l'absence de faute ; - en ce qui concerne les frais divers, présentés à tort par les intimés comme des dépenses de santé actuelles : les frais de location d'un téléviseurs devront être limités à la somme de 280,50 euros (soit 56,10 euros après application du taux de perte de chance), faute de connaître exactement toutes les dates de location ; pour les frais de transport d'un montant total de 532,05 euros, il n'est présenté aucun justificatif alors que s'agissant des dépenses de taxi, il n'est pas établi que des frais soient restés à la charge de l'intimé dès lors que l'organisme tiers-payeur sollicite le remboursement de tels frais pour la période du 4 mai 2014 au 30 janvier 2015 pour un montant de 3 939,87 euros ; - en ce qui concerne les pertes de gains professionnels actuels, ce poste de préjudice sera écarté dès lors que le requérant n'a subi aucun préjudice, les primes ayant été versées à l'intéressé pendant les périodes d'hospitalisation correspondant à celles strictement nécessaires à l'amputation et le lien de causalité entre les pertes de prime et la faute retenue à son encontre n'étant pas établi ; - en ce qui concerne les dépenses de santé futures : l'expert ne retient pas la nécessité d'achats de fauteuils roulant postérieurement à la consolidation ; les frais d'aménagement de la douche à l'italienne seront pris en charge sur présentation des justificatifs de dépenses engagées et dans la limite de la perte de chance ; - en ce qui concerne l'incidence professionnelle, si elle peut être évaluée à 20 000 euros, soit 4 000 euros après application du taux de perte de chance, ce chef de préjudice doit être réservé dans l'attente de la production de la créance des tiers payeurs ; - la demande pour frais de véhicule adapté n'est pas justifiée et, en tout état de cause, l'indemnisation, par capitalisation à compter de 2025, ne saurait dépasser la somme de 1 310,50 euros ; - le déficit fonctionnel temporaire en lien avec les hospitalisations sera indemnisé, après application du taux de perte de chance, à 262,40 euros ; - les souffrances endurées, le préjudice sexuel et le préjudice esthétique seront indemnisés respectivement à hauteur de 4 000 euros, 400 euros et 4 000 euros après application du taux de perte de chance ; - le déficit fonctionnel permanant sera indemnisé, après application du taux de perte de chance, à 6 952 euros ; - le préjudice d'agrément sera indemnisé à hauteur de 2 400 euros après application du taux de perte de chance ; Pour les victimes indirectes : - alors qu'aucun préjudice économique n'est établi, le préjudice moral de Mme F... peut être évalué, après application du taux de perte de chance de 20 %, à la somme de 1 600 euros et celui de chacun des enfants à la somme de 1 000 euros ; Pour la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) : - en ce qui concerne les dépenses de santé actuelle, seules celles qui sont en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier donnent droit à remboursement au titre des débours ; dans ces conditions, la caisse ne saurait demander le remboursement des frais d'hospitalisation à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Percy du 3 juillet 2013 au 14 septembre 2013, ni celui des frais de transport qui sont insuffisamment détaillés et des frais de soins, hormis l'acte de kinésithérapie du 16 septembre 2014 d'un montant de 12,26 euros ; les débours concernant les frais de pharmacie devront être affectés du taux de perte de chance ; - en ce qui concerne les dépenses de santé futures échues, l'imputabilité des arrérages, hors frais d'appareillage, n'est pas établie et les frais d'appareillage ne sont pas suffisamment détaillés ; - en ce qui concerne les dépenses futures à échoir, s'il accepte la capitalisation, celle-ci devra néanmoins être calculée selon le barème officiel publié au Journal officiel de la République française du 27 décembre 2011 ; dans ces conditions, le montant capitalisé s'élève à 223 811,01 euros auquel il convient d'appliquer le taux de perte de chance ; Pour le ministère des armées : - la demande formée par la ministre des armées tendant au remboursement des soldes et indemnités maintenues pendant la période du 10 juin 2014 au 5 février 2015 (27 196,04 euros) et les charges patronales y afférentes (24 866 euros) sera écartée, faute d'établir le lien de causalité avec la perte de chance d'avoir pu éviter l'amputation ; à titre subsidiaire, la demande de la ministre devra être affectée du taux de 20 %. Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2021, M. D... F..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses quatre enfants mineurs, B..., H..., I... et C... F..., et K... G... F..., représentés par Me Letertre, concluent : 1°) au rejet de la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, à ce que le montant de la réparation que le centre hospitalier public du Cotentin doit être condamné à leur verser soit porté, après application du taux de perte de chance fixé à 75 %, aux sommes suivantes : - à M. D... F... : 461 785 euros ; - à Mme G... F... : 22 500 euros ; - à chacun des quatre enfants de M. F... : 7 500 euros. 3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier public du Cotentin la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la réalisation d'une contre-expertise ne présente aucune utilité ; - le taux de perte de chance doit être confirmé à hauteur de 75 % ; - en ce qui concerne la réparation des chefs de préjudice, le jugement du tribunal administratif devra être réformé comme suit : * s'agissant des préjudices subis par M. D... F... : * la caisse n'ayant pris en charge que 50 % du forfait hospitalier, il est en droit d'obtenir, après application du taux de perte de chance, le remboursement de la quote-part correspondante ; * les frais divers, comprenant, d'une part, les frais de location de téléviseur, et d'autre part, les billets de train, taxi et indemnités kilométriques s'élèvent respectivement aux sommes de 440 euros et 532,05 euros ; après application du taux de perte de chance, ce poste de préjudice sera indemnisé à hauteur de 729 euros ; * les dépenses de santé futures qui s'élèvent à la somme totale de 50 000 euros, doivent être indemnisées à hauteur de 40 000 euros après application du taux de perte de chance ; * l'incidence professionnelle qui doit être évaluée à 50 000 euros, sera indemnisée à hauteur de 40 000 euros après application du taux de perte de chance ; * les dépenses liées à la réduction de l'autonomise sont constituées par l'achat de deux véhicules à boîte automatique ; après la reprise de l'ancien véhicule et après application du taux de perte de chance, le centre hospitalier devra être condamné à lui verser la somme de 30 750 euros ; * le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 1 422 euros après application du taux de perte de chance ; * les souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 30 000 euros après application du taux de perte de chance ; * le préjudice sexuel sera indemnisé à hauteur de 1 500 euros après application du taux de perte de chance ; * le préjudice esthétique permanent sera indemnisé à hauteur de 30 000 euros après application du taux de perte de chance ; * le déficit fonctionnel permanent sera indemnisé à hauteur de 156 300 euros après application du taux de perte de chance ; * le préjudice d'agrément sera indemnisé à hauteur de 18 750 euros après application du taux de perte de chance ; * s'agissant des préjudices de Mme G... F... : elle a subi un préjudice économique et un préjudice d'affection qui devront, chacun, être indemnisés à hauteur de 11 250 euros après application du taux de perte de chance ; * s'agissant des préjudices des enfants de M. F... : ils ont subi un préjudice moral que le centre hospitalier devra indemnisé en versant à chacun des enfants la somme de 7 500 euros après application du taux de perte de chance. Par un mémoire enregistré le 12 avril 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a condamné le centre hospitalier public du Cotentin, après application du taux de perte de chance de 75 %, à verser à l'État la somme totale de 13 405,15 euros. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. L'hirondel, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Eustache, représentant le centre hospitalier public du Cotentin. Considérant ce qui suit : 1. Dans la nuit du 26 au 27 juin 2013, M. D... F..., alors âgé de 34 ans, a été victime vers 2 heures du matin d'un accident de la circulation alors qu'il conduisait sa moto. Il a été admis au centre hospitalier public du Cotentin à 3 h 21 pour finalement être transféré en hélicoptère au centre hospitalier universitaire de Caen à 9 h 41. À son arrivée, M. F..., en choc hémorragique, a été transféré en urgence au bloc opératoire. Malgré une tentative de conservation du membre inférieur gauche, l'équipe de chirurgie vasculaire a décidé de procéder à une amputation transfémorale, le 29 juin 2013. Par courrier du 12 juin 2015, M. F... a présenté une réclamation préalable indemnitaire au centre hospitalier public du Cotentin en invoquant la faute caractérisée, selon lui, par le retard de son transfert vers le centre hospitalier universitaire de Caen ayant conduit à l'amputation de sa jambe gauche. A la suite d'une expertise amiable, l'assureur du centre hospitalier public du Cotentin a adressé, le 3 mai 2016, une offre d'indemnisation à M. F... qui l'a refusée. Par une ordonnance du 5 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a ordonné une expertise médicale confiée au Dr J... qui a déposé son rapport le 27 juillet 2017. M. F..., agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de ses quatre enfants mineurs, et son épouse Mme G... F... ont demandé au même tribunal de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à les indemniser de leurs préjudices. Par un jugement du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a fait partiellement droit à leur demande en retenant la responsabilité du centre hospitalier public du Cotentin dans la prise en charge de M. F... et en fixant le taux de perte de chance à 75 %. Il a alloué, respectivement, à M. D... F..., à Mme F... et aux quatre enfants de l'intéressé les sommes de 218 473,42 euros, 4 000 euros et 6 000 euros. Le centre hospitalier a également été condamné à verser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale la somme globale de 280 069,34 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018 et la capitalisation de ces intérêts et à l'État (ministre des armées) une somme globale de 13 405 euros. Le centre hospitalier public du Cotentin relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. et Mme F... demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs prétentions indemnitaires. Sur la responsabilité du Centre hospitalier public du Cotentin : 2. La responsabilité pour faute retenue par le tribunal administratif à l'encontre du centre hospitalier public du Cotentin n'est pas contestée à hauteur d'appel et il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été retenue à tort par le tribunal. Sur la perte de chance : 3. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. 4. Selon la note du Dr E..., sur laquelle se fonde le centre hospitalier, les chances de récupération sont maximales lorsque la revascularisation intervient dans un délai de six heures suivant le début de l'ischémie, les chances s'amenuisant ensuite pour devenir très incertaines au-delà de douze heures. Il résulte du rapport d'expertise qu'alors que l'accident de M. F... est survenu à environ 2 heures du matin et que la victime est arrivée au centre hospitalier public du Cotentin à 3 h 31, un scanner avec opacification des vaisseaux aurait dû être réalisé dans un délai d'une heure, compte tenu de son état de santé, ce qui aurait permis une prise en charge au bloc opératoire vers 5 heures, soit trois heures après l'accident. L'angioscanner, qui a révélé que l'intéressé souffrait d'ischémie, n'a été, en fait, réalisé qu'à 5 h 26. L'établissement hospitalier requérant ne saurait valablement soutenir que le diagnostic d'ischémie est difficile à établir dès lors qu'il a été posé par l'équipe médicale du centre hospitalier public du Cotentin, puis confirmé par le centre hospitalier universitaire de Caen. La décision de transférer M. F... au centre hospitalier universitaire de Caen n'a été, ensuite, prise qu'à 6 heures. Le transfert a été, de plus, retardé, par les modalités de déplacement retenues, l'intéressé ayant été héliporté pour une arrivée à Caen à 9 h 20, soit 7 h 20 après l'accident initial, alors que par voie routière, il serait arrivé à 7 h 15, soit 5 h 15 après cet accident, dans les délais permettant, selon la note précitée du Dr E..., une chance de récupération maximale. En outre, il ressort du rapport de l'expert qu'au moment de l'accident, M. F... présentait un score de MESS (Mangled Extremity Severity Score) compris entre 6 et 7, score qui n'est pas sérieusement contesté et qui ne plaide pas pour l'indication d'une amputation. Enfin, les lésions osseuses de la jambe gauche étaient simples et accessibles à un traitement conventionnel, autre élément militant pour la conservation du membre. Pour fixer le taux de perte de chance, l'expert s'est alors fondé sur la littérature médicale " récente ", dont les références sont portées dans son rapport, selon laquelle les chances d'éviter l'amputation après pontage, comme dans le cas de M. F... qu'il a décrit, sont de 75 %. L'expert a, en outre, répondu aux dires des parties pour justifier ce taux. Le centre hospitalier n'apporte, au soutien de ses allégations, aucun article médical venant contredire ceux ayant servi de référence à l'expert. Dans ces conditions, alors même que l'expert aurait indiqué en cours d'expertise que le taux de perte de chance pouvait être estimé à 20 %, il convient de fixer, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, ni sursoir à statuer, le taux de perte de chance d'éviter le dommage tel qu'il s'est produit à 75 %. Sur les préjudices : 5. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expertise, que si M. F... a subi à la suite de son accident dix périodes d'hospitalisation, seules trois d'entre elles à savoir celles du 10 juin au 19 juillet 2014, du 7 au 27 septembre 2014 et du 11 au 31 janvier 2015 dans le service de médecine physique et de réadaptation (MPR) de Percy présentent un lien de causalité avec la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier public du Cotentin dès lors qu'elles sont liées à l'aggravation de l'état de santé de M. F... ayant conduit à l'amputation du membre inférieur gauche. 6. D'autre part, il résulte du même rapport d'expertise, que la consolidation est intervenue le 31 janvier 2015. En ce qui concerne la victime, M. D... F... : S'agissant des préjudices à caractère patrimonial : Avant consolidation : Quant aux dépenses de santé restées à sa charge : 7. Si M. F... demande à être indemnisé du forfait hospitalier dont il se serait acquitté du fait de ses hospitalisations, il n'a produit, ni en première instance, ni davantage en appel, aucun élément justifiant que des frais seraient effectivement restés à sa charge à ce titre. Quant aux pertes de gains professionnels actuels : 8. M. F... sollicite l'indemnisation de la perte de la prime spécifique " MITHA " (militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées) et de la prime " TAOPC " (temps d'activité obligatoire professionnel des militaires) au titre de la période allant du 10 juin 2014 au 31 janvier 2015 pour un montant total de 2 517 euros. Toutefois, selon l'expert, même en l'absence de faute dans la prise en charge de l'intéressé, la date de consolidation serait demeurée identique compte tenu des séquelles qu'il aurait conservées. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le requérant aurait été dans la capacité de reprendre son emploi entre le 10 juin 2014 et le 5 février 2015 si la faute retenue n'avait pas été commise. Dans ces conditions, l'absence de versement de prime durant cette période ne présente pas un lien de causalité direct et certain avec la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier. Par suite, les conclusions des intimés tendant à ce que le centre hospitalier public du Cotentin soit condamné à rembourser à M. F... les primes qu'il n'a pu percevoir doivent être rejetées. Quant aux frais divers : 9. M. F... justifie, par la production de trois factures, qu'il a exposé une somme de 280,50 euros au titre de son abonnement au service de télévision lors de ses séjours au service de médecine physique et de réadaptation (MPR) de Percy durant les périodes d'hospitalisation retenues au point 5. Les autres factures produites ne sont pas directement la conséquence de la faute commise par le centre hospitalier public du Cotentin et doivent, par suite, rester à la charge du patient. Compte tenu du taux de perte de chance, il y a lieu de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à verser à M. F... la somme de 210,37 euros. Par ailleurs, si le requérant sollicite le remboursement de la somme de 532,05 euros au titre des frais de transport qu'il aurait engagés et qui seraient restés à sa charge, les relevés de compte qu'il produit sont, à eux seuls, insuffisants pour établir l'existence et l'étendue de ce préjudice, dont la réalité est contestée par le centre hospitalier. Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la somme de 210,37 euros mise à la charge du centre hospitalier public du Cotentin, après application du taux de perte de chance, en réparation de ce chef de préjudice. Après consolidation : Quant aux dépenses de santé : 10. Aux termes de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension. Les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l'État dans les conditions prévues par le présent code, tant que l'infirmité en cause nécessite l'appareillage. / Les produits et prestations pris en charge par l'État sont ceux prévus à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans les conditions définies par cet article ou par les dispositions du présent code (...) ". 11. En premier lieu, si M. F... sollicite le remboursement de l'achat de deux fauteuils de douche, il n'a toutefois produit, en première instance comme en appel, qu'une seule facture datée du 1er septembre 2017 d'un montant de 43,89 euros. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande, mais seulement à hauteur d'un seul fauteuil de douche. Il suit de là qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à verser à M. F..., après application du taux de perte de chance, la somme de 32,92 euros au titre des dépenses de santé restées à la charge de ce dernier. 12. En second lieu, M. F... demande, au titre du remboursement des dépenses à intervenir postérieurement à l'arrêt de la cour, à ce que le centre hospitalier public du Cotentin soit condamné à lui verser, avant application du taux de perte de chance, la somme forfaitaire de 50 000 euros concernant l'aménagement d'une douche, l'achat de crèmes pour éviter les échauffements et diverses dépenses liées à la prothèse. 13. D'une part, s'il résulte du rapport d'expertise que l'installation d'une douche à l'italienne est nécessaire, M. F... a toutefois indiqué qu'il s'était adapté à la salle de bains de son actuel logement dont il est locataire. S'il a produit un devis daté du 7 mars 2020 concernant l'installation d'une douche à l'italienne pour un montant de 1 287,65 euros, cette dépense correspond toutefois, selon ses dires, à des travaux à effectuer dans un logement futur. Dès lors que M. F... n'établit, ni même n'allègue, qu'il aurait acquis ou serait en voie d'acquérir un nouveau logement, la demande d'indemnisation qu'il présente à ce titre doit être rejetée. Il lui appartiendra seulement, lorsque ces travaux seront réalisés et s'il l'estime utile, d'en demander, dans la limite du taux de perte de chance de 75 %, le remboursement auprès du centre hospitalier public du Cotentin sur présentation de justificatifs. 14. D'autre part, M. F... n'établit pas, tant en première instance qu'en appel, que l'achat de crèmes lui soit indispensable pour éviter les échauffements alors qu'au surplus, il n'apporte aucun justificatif d'une telle dépense venant établir qu'il utilise effectivement ce produit. 15. Enfin, si l'expert retient la nécessité de changer tous les deux ans la prothèse provisoire puis définitive de l'intimé, M. F... ne justifie pas du montant qui resterait à sa charge à ce titre, alors qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre que les dépenses de prothèse sont intégralement prises en charge par la caisse nationale militaire de sécurité sociale. La demande d'indemnisation présentée à ce titre ne peut dès lors qu'être rejetée. Quant à l'incidence professionnelle : 16. L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser les préjudices périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore au préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap. 17. M. F... soutient, d'une part, avoir subi une perte de chance professionnelle, qu'il qualifie de considérable, dès lors qu'il n'aura plus qu'un emploi sédentaire et qu'il ne pourra plus assurer des missions extérieures ou des missions intérieures et séjour à l'étranger, ce qui constitue le cœur de son métier et, d'autre part, que son emploi sera plus pénible dès lors que les locaux de l'armée ne sont pas toujours aux normes d'accessibilité pour les handicapés. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'intéressé, qui exerçait les fonctions d'infirmier militaire, pourra poursuivre sa carrière au sein de l'armée. De plus, il résulte du rapport d'expertise qu'une reconversion sur un poste sédentaire aurait été nécessaire, même en l'absence de faute, compte tenu de la pathologie séquellaire du membre inférieur droit dont reste atteint M. F... du fait de son accident de la circulation de juin 2013. Si néanmoins, M. F... subit une pénibilité accrue au travail et une dévalorisation sur le marché du travail compte tenu de l'amputation de sa jambe gauche à hauteur de cuisse, il y a lieu de maintenir la somme allouée à ce titre par les premiers juges, soit la somme de 15 000 euros après application du taux de perte de chance. Quant aux frais d'adaptation du véhicule : 18. Il résulte du rapport d'expertise que le handicap de M. F... nécessite l'utilisation d'un véhicule équipé d'une boîte automatique. Si le requérant sollicite le remboursement de l'achat de deux véhicules comportant une boîte automatique pour un montant total, avant application du taux de perte de chance, de 41 000 euros, il est constant, ainsi qu'il résulte du même rapport d'expertise, que l'intéressé a déclaré avoir bénéficié d'un véhicule avec boîte automatique à compter de mars 2015 dont les frais ont été pris en charge par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Il s'ensuit que M. F... est seulement fondé à obtenir la prise en charge de ses dépenses futures consistant au surcoût représenté par un véhicule équipé d'une boîte automatique. Toutefois, alors que le montant est contesté par le centre hospitalier, M. F... n'établit pas le surcoût représenté par l'installation d'une boîte automatique pour le modèle de voiture dont il fait usage. Il n'établit pas davantage le solde restant à sa charge dès lors qu'il a pu bénéficier en 2015 d'une aide de la MDPH. Dans ces conditions, M. F... est seulement fondé à obtenir, dans le cadre d'un renouvellement tous les sept ans de son véhicule, l'indemnisation du surcoût lié à l'installation d'une boîte automatique sur présentation d'un justificatif du montant de ce surcoût pour le modèle de voiture qu'il aura acquis et d'une attestation de non-prise en charge de cet équipement par la MDPH, cette somme devant être affectée du taux de perte de chance de 75 %. S'agissant des préjudices à caractère extrapatrimonial : Avant consolidation : Quant au déficit fonctionnel temporaire : 19. Il résulte du rapport d'expertise que M. F... a subi, du fait de l'amputation de sa jambe gauche, un déficit fonctionnel temporaire total pendant 79 jours au titre des périodes allant du 10 juin au 19 juillet 2014, du 7 au 27 septembre 2014 et du 11 au 31 janvier 2015. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme de 1 185 euros, après application du taux de perte de chance. Quant aux souffrances endurées : 20. Il résulte du rapport d'expertise que, dans le cadre d'une prise en charge normale, les souffrances endurées par M. F... auraient pu être évaluées à 3 sur une échelle de 7 mais qu'à la suite du défaut de prise en charge tel qu'imputable au centre hospitalier, l'intensité de ces souffrances doit être réévaluée pour être estimée à 6 sur une même échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en portant la somme allouée par les premiers juges à 20 000 euros, soit 15 000 euros après application du taux de perte de chance. Après consolidation : Quant au déficit fonctionnel permanent : 21. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. F... aurait été atteint d'un déficit fonctionnel permanent estimé à 20 % si le membre inférieur gauche avait été conservé compte tenu d'une raideur du genou droit et de la cheville droite, de la laxité du genou droit et des séquelles qui auraient été conservées au niveau du genou gauche à la suite du pontage et de la consolidation osseuse secondaire du tibia gauche. L'expert prévoit, cependant, une majoration du déficit fonctionnel permanent de 40% en raison de l'amputation du segment moyen/distal du fémur avec un appareillage bien toléré et une hanche mobile et des répercussions psychologiques. Dans ces conditions, compte tenu de l'âge de 36 ans de M. F... à la date de la consolidation, et au retentissement de ces séquelles dans ses conditions d'existence, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en ramenant la somme allouée par les premiers juges à 145 000 euros, soit 108 750 euros après application du taux de perte de chance. Quant au préjudice esthétique permanent : 22. Il résulte du rapport de l'expert que, du fait de l'amputation, le préjudice esthétique subi par M. F... doit être évalué à 6 sur une échelle de 7 mais que l'intéressé aurait, néanmoins gardé, sans l'intervention de la faute médicale retenue à l'encontre du centre hospitalier, un préjudice esthétique évalué à 3 sur une même échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en portant la somme allouée par les premiers juges à 20 000 euros, soit 15 000 euros après application du taux de perte de chance. Quant au préjudice sexuel : 23. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal aurait fait une insuffisante appréciation du préjudice sexuel subi par M. F... du fait de son amputation, en l'estimant à la somme de 2 000 euros, soit 1 500 euros après application du taux de perte de chance, ce qui n'est au demeurant pas contesté par les parties. Quant au préjudice d'agrément : 24. Il résulte du rapport d'expertise que M. F... ne pourra plus pratiquer certaines activités sportives, comme par exemple, la course à pieds, auxquelles il s'adonnait compte tenu de son métier. En évaluant à 12 000 euros, soit 9 000 euros après application du taux de perte de chance, la somme devant être versée par le centre hospitalier public du Cotentin à M. F..., les premiers juges ont fait une évaluation qui n'est ni exagérée ni insuffisante de ce chef de préjudice. En ce qui concerne les proches de la victime : S'agissant des droits à réparation de Mme G... F... : Quant au préjudice économique : 25. Mme F... soutient avoir subi un préjudice économique en lien avec l'amputation dont son époux a fait l'objet dès lors qu'elle a été dans l'obligation d'abandonner l'emploi de salarié qu'elle occupait précédemment. Toutefois, elle n'établit pas la réalité de ses allégations. En particulier, alors qu'elle était recrutée en qualité d'infirmière sur des contrats à durée déterminée, les deux certificats de travail qu'elle a produits, selon lesquels elle a été embauchée du 6 mars au 20 avril 2013, puis du 29 avril au 8 juin 2013 ne permettent pas, à eux seuls, d'établir qu'elle a perdu une chance sérieuse d'obtenir un renouvellement de ces contrats du fait de l'accident médical dont a été victime son mari alors qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme F... occupait, lors de cet accident, un poste d'aide à l'encadrement scolaire dans une école. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté la demande du fait de ce chef de préjudice. Quant au préjudice moral et d'affection : 26. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et d'affection subi par Mme F... en le fixant, compte tenu de l'ampleur de la perte de chance perdue, à la somme de 6 000 euros. S'agissant du préjudice moral subi par les enfants mineurs de M. F... : 27. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par B..., H..., I... et Lilian F..., en l'estimant, pour chacun d'eux, à la somme de 3 750 euros après application du taux de perte de chance. En ce qui concerne les droits de la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) : 28. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) ". 29. En application de ces dispositions, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la CNMSS est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier public du Cotentin à prendre en charge 75 % de toutes les dépenses qu'elle a exposées qui sont en lien avec les complications dont a été victime M. F.... Avant consolidation : 30. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 5, que seules les hospitalisations dans le service de médecine physique et de réadaptation (MPR) de Percy du 10 juin au 19 juillet 2014, du 7 au 27 septembre 2014 et du 11 au 31 janvier 2015 présentent un lien de causalité directe avec la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier public du Cotentin. La CNMSS a justifié, par la production d'un état des débours suffisamment détaillé ainsi que d'une attestation d'imputabilité établie le 30 mai 2018, avoir pris en charge pour le compte de M. F..., à compter de l'aggravation de son état de santé et jusqu'à la date de consolidation, des frais hospitaliers au titre des deux premières périodes d'hospitalisation rappelées ci-dessus à hauteur respectivement de 26 910 euros et 13 800 euros. En revanche, et malgré une mesure d'instruction effectuée par les premiers juges et alors que la caisse qui a été régulièrement appelée dans la présente instance n'a présenté aucun mémoire, elle ne produit pas l'état des débours justifiés par le médecin conseil correspondant à l'hospitalisation de M. F... du 11 au 31 janvier 2015. Par ailleurs, si la CNMSS a sollicité la somme de 15 155,82 euros au titre des frais de transport, il résulte de l'état des débours produit que ces frais d'ambulance portent sur la période du 3 juillet 2013 au 1er mai 2014, soit sur une période antérieure aux hospitalisations dans le service de médecine physique et de réadaptation (MPR) de Percy. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette demande. En outre, si la CNMSS justifie de frais de taxis d'un montant de 3 939,87 euros au titre de la période du 4 mai 2014 au 30 janvier 2015, de frais de soins de kinésithérapie au titre de la période du 16 septembre 2013 au 8 janvier 2015 pour un montant de 2 041,30 euros, des actes de biologie au titre de la période du 19 septembre 2013 au 18 novembre 2014 pour un montant de 331,49 euros ainsi que des actes d'imagerie et d'échographie pour un montant global de 85,59 euros, elle ne démontre toutefois pas, ainsi que le relève le centre hospitalier, que ces frais sont directement imputables au retard fautif dans la prise en charge du patient. Par suite, les demandes à ce titre doivent être rejetées. En revanche, la CNMSS justifie, par la production d'un état des débours suffisamment détaillé ainsi que d'une attestation d'imputabilité établie le 30 mai 2018, avoir pris en charge des frais pharmaceutiques, qui ne sont d'ailleurs pas contestés par le centre hospitalier, pour un montant global de 3 530,53 euros. Il s'ensuit que le montant des dépenses de santé actuelles engagées par la caisse en lien avec l'amputation dont a été victime M. F... s'élèvent à la somme de 33 180,40 euros, après application du taux de perte de chance, qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier public du Cotentin. Après consolidation : Quant aux arrérages échus : 31. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la CNMSS a produit un relevé détaillé récapitulant l'ensemble des prestations servies à son assuré pour un montant total de 50 074,77 euros et sur lequel apparaît des frais d'orthoprothèse engagés entre le 15 mars 2016 et le 24 avril 2018 pour un montant de 49 086,25 euros. Elle a également produit une attestation du médecin conseil, chef du service médical placé auprès d'elle, qui mentionne, notamment, les soins d'orthoprothèse qui ont été effectués durant cette période et qui indique avoir étudié le détail des soins afin de n'en retenir que les prestations en nature strictement liées aux préjudices en cause. Ces documents établissent suffisamment la nature et l'objet des prestations servies par la CNMSS et dont elle demande le remboursement. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis à la charge du centre hospitalier le remboursement des frais d'orthoprothèse, qui se montent, après application du taux de perte de chance, à la somme de 36 815,69 euros. 32. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que la CNMSS a supporté entre le 24 avril 2018 et la date du jugement attaqué, des frais à hauteur de 16 563 euros en lien avec la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier. Le tribunal administratif a pu ainsi mettre 75 % de cette dépense à la charge du centre hospitalier après application du taux de perte de chance. 33. Enfin, la CNMSS ne justifie pas davantage en appel avoir supporté des frais pharmaceutiques, des soins de kinésithérapie, des soins externes et infirmiers et autres frais divers pour un montant de 988,52 euros. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de condamner le centre hospitalier à rembourser cette somme à la CNMSS à hauteur de la perte de chance. Quant aux arrérages à échoir : 34. Aux termes de l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application de l'article L. 376-1 peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. (...) ". L'évaluation forfaitaire des pensions d'invalidité prévue par ces dispositions a été fixée par l'arrêté du 27 décembre 2011 susvisée. Les barèmes annexés à cet arrêté, modifiés par un arrêté du 19 décembre 2016, et proposés par le centre hospitalier, qui servent à la détermination de la valeur forfaitaire des pensions d'invalidité attribuées aux assurés sociaux en cas d'accident ou de blessures causés par un tiers ainsi qu'à la détermination du capital représentatif des rentes d'accident du travail, ont été établis à partir de la table de mortalité INSEE 2006-2008 et en se fondant sur un taux de 1,29 %. Les barèmes annexés à cet arrêté ne sont pas légalement contraignant pour déterminer la valeur actuelle des dépenses futures de santé si ces paramètres sont devenus obsolètes quant à l'espérance de vie et aux loyers de l'argent. Dans ces conditions, il y a lieu d'utiliser le barème publié par la Gazette du Palais, proposé par la CNMSS, dont la dernière actualisation date de 2020, et qui se fonde sur un taux d'intérêt sur la valeur moyenne du taux à échéance constante à 10 ans (TEC 10) et la prise en compte de l'inflation générale des prix, plus conforme aux données économiques actuelles, ainsi que sur les tables de la population générale " France entière " les plus récentes publiées par l'INSEE et qui concernent les années 2014-2016. 35. La CNMSS a demandé le remboursement, sous forme d'un capital représentatif, de la somme de 295 419 euros au titre des frais d'appareillage et soins médicaux auxquels elle sera à l'avenir exposée. Si le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord, le centre hospitalier public du Cotentin, a donné son accord sur ce principe. 36. Il résulte de l'instruction que l'expert a estimé que les frais futurs en lien avec l'amputation subie par M. F... nécessitent un changement tous les deux ans de la prothèse définitive et provisoire. Toutefois, et ainsi que le fait valoir sans être contesté le centre hospitalier, dans l'état des débours futurs établi le 30 mai 2018, la référence FI03XX001 portée dans le renouvellement de l'appareillage pour un montant annuel de 71,21 euros a été comptabilisée à tort à deux reprises. Il convient, dans ces conditions, de retirer une des deux sommes de 71,21 euros dans le total des débours présentés par la caisse. En revanche, alors que l'expert a également conclu à la nécessité pour le patient de consulter un médecin rééducateur deux fois par an, la seule circonstance qu'entre 2015 et 2018, période au cours de laquelle M. F... était régulièrement suivi notamment pour la mise en place de sa prothèse, l'intéressé n'a pas recouru à ces deux consultations annuelles, n'est pas de nature à établir qu'à l'avenir, il n'en bénéficiera pas. Dès lors, il y a lieu de maintenir, au titre des débours futurs, les soins médicaux à hauteur de 60 euros par an. Par suite, et au regard notamment de l'évaluation des débours futurs produite par la CNMSS, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination du capital, un montant annuel de ces dépenses de 7 644,50 euros, la caisse justifiant du détail de son estimation et les frais indiqués étant cohérents avec les besoins décrits par l'expert et avec la pathologie de M. F.... Au regard du coefficient tiré du barème de capitalisation de la Gazette du Palais pour 2020 applicable en l'espèce à un homme de 42 ans, soit 38,173, ce capital s'élève ainsi à la somme de 218 860,12 euros après application du taux de perte de chance. En ce qui concerne les droits de l'État (ministère des armées) : 37. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance susvisée n° 59-76 du 7 janvier 1959, l'État dispose de plein droit à l'encontre du tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie de l'un de ses agents, d'une action subrogatoire en remboursement " de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie ". L'article 2 de cette ordonnance ajoute que cette action subrogatoire est en principe exclusive de toute autre action de l'État contre le tiers responsable. Toutefois, par dérogation à ces dernières dispositions, l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ouvre à l'État, en sa qualité d'employeur, une action directe contre le responsable des dommages ou son assureur afin de poursuivre le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à l'agent pendant la période d'indisponibilité de celui-ci. 38. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 5, que les hospitalisations dans le service de médecine physique et de réadaptation (MPR) de Percy du 10 juin au 19 juillet 2014, du 7 au 27 septembre 2014 et du 11 au 31 janvier 2015 sont directement liées à l'aggravation de l'état de santé de M. F... conduisant à l'amputation de sa jambe gauche. La ministre a justifié avoir maintenu la solde et les indemnités du requérant au cours de ces trois périodes pour un montant total de 9 335,12 euros et avoir exposé les charges patronales afférentes pour un montant total de 8 538,41 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 75 %, il y a lieu de maintenir à 13 405 euros le montant du versement auquel a droit l'État et qui a été mis à la charge du centre hospitalier du Cotentin par les premiers juges. 39. Il résulte de tout ce qui précède que la somme totale due, après application du taux de perte de chance, par le centre hospitalier public du Cotentin à M. D... F... doit être ramenée à la somme de 165 678,29 euros et celles due à Mme G... F... et à chacun des enfants de M. F... portées respectivement à 6 000 euros et à 3 750 euros, ce qui représente, pour les quatre enfants, une somme globale de 15 000 euros. Le centre hospitalier public du Cotentin remboursera, en outre, à M. F... sur présentation de justificatifs, lorsque ces dépenses seront exposées et à hauteur du taux de perte de chance retenu de 75 %, les frais relatifs à l'adaptation du véhicule dans les conditions définies au point 18 du présent arrêt. Le montant total dû par le centre hospitalier en remboursement des débours exposés par la CNMSS est laissé à la somme, non contestée par la caisse, de 280 069,34 euros et celui dû à l'État à la somme de 13 405 euros. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Caen. Sur les frais liés au litige : 40. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier public du Cotentin la somme que M. et Mme F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 218 473,42 euros que le centre hospitalier public du Cotentin a été condamné à verser à M. D... F... est ramenée à 165 678,29. Le centre hospitalier public du Cotentin est également condamné à verser à M. F..., sur présentation de justificatifs, dans les conditions définies au point 18 du présent arrêt, 75 % du montant des dépenses engagées au titre des frais relatifs à l'adaptation du véhicule. Article 2 : La somme de 4 000 euros que le centre hospitalier public du Cotentin a été condamné à verser à Mme G... D... F... et la somme de 6 000 euros à verser à M. F... en sa qualité de représentant légal de ses quatre enfants mineurs sont portées, respectivement, à 6 000 euros et à 15 000 euros. Article 3 : Le jugement n°1701737 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier public du Cotentin, à M. et Mme D... et G... F..., à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et à la ministre des armées. Copie en sera transmise, pour son information, à la maison départementale des personnes handicapées de l'Indre-et-Loire. . Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Salvi, président, - M. L'hirondel, premier conseiller - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021. Le rapporteur, M. L'HIRONDELLe président, D. SALVI La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 3 N° 20NT02669
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 7ème chambre, 18/11/2021, 19LY03249, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon : - d'annuler les décisions du 23 mars 2015 par lesquelles le directeur du centre hospitalier Henri-Dunant de La Charité-sur-Loire l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 1er avril 2010 au 14 juillet 2012, puis en position de " service non fait " du 15 juillet 2012 au 31 janvier 2014 ; - d'annuler la décision du 4 mars 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Henri-Dunant l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2014 ; - d'annuler la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le centre hospitalier Henri-Dunant sur sa demande du 30 avril 2015 tendant, d'une part, au retrait de la décision du 4 mars 2015 par laquelle elle a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2014, de la décision du 23 mars 2015 par laquelle elle a été placée en disponibilité pour raisons de santé entre le 1er avril 2010 et le 14 juillet 2012 et de la décision du 23 mars 2015 par laquelle elle a été placée en position de " service non fait " pour la période du 15 juillet 2012 au 31 janvier 2014, et d'autre part, à ce que sa carrière soit reconstituée et à ce qu'elle soit placée au dernier échelon de son grade, au versement des rémunérations qui lui sont dues par voie de conséquence, à ce qu'une allocation temporaire d'invalidité lui soit accordée et au paiement des sommes correspondantes par voie de conséquence ; - de condamner le centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme de 300 000 euros en principal ; - d'enjoindre au centre hospitalier Henri Dunant de lui attribuer l'allocation temporaire d'invalidité et de reconstituer sa carrière ; - d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté sa demande de révision de pension de retraite. Par un jugement n° 1501274, 1502412, 1602264 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a : - annulé les décisions du 23 mars 2015 ; - annulé la décision du 4 mars 2015 ; - annulé la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur la demande de Mme C... du 30 avril 2015 en tant qu'elle rejette le recours de l'intéressée contre les décisions des 23 mars 2015 et 4 mars 2015 ; - condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C... une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 29 février 2012 et le 31 janvier 2014, sous déduction des rémunérations qui avaient pu lui être versées au titre de ces périodes, dans la limite d'une somme totale de 300 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015 et capitalisation de ces derniers ; - rejeté le surplus des demandes de Mme C.... Procédure devant la cour Par une requête sommaire, enregistrée le 19 août 2019, un mémoire complémentaire, enregistré le 18 mai 2020, et une production enregistrée le 10 juin 2020 après clôture de l'instruction et non communiquée, Mme C..., représentée par la SCP G. Thouvenin, O. Coudray et M. A..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit en intégralité à ses demandes ; 2°) d'annuler les décisions en cause en tant qu'elles portent refus de lui attribuer l'allocation temporaire d'invalidité, de reconstituer sa carrière et de réviser sa pension ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier Henri Dunant de reconstituer sa carrière ; 4°) de condamner le centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme portée à 300 000 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation de ces derniers ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Henri Dunant la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - les pathologies dont elle souffre sont directement imputables au service, circonstance qui lui ouvre droit à l'allocation temporaire d'invalidité et à une indemnité sur la base de son plein traitement ; - l'illégalité des décisions en cause dont l'effet a porté sur une longue période a entraîné pour elle des troubles dans ses conditions d'existence, un préjudice moral et un préjudice de carrière qui lui ouvrent droit à indemnisation ; elle établit la réalité de ces préjudices ; - sa situation conduisait à la placer à la retraite à une date à laquelle elle avait atteint le septième échelon de son grade, ce qui entraînait nécessairement la révision de sa pension concédée sur la base du sixième échelon. Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2020, le centre hospitalier Henri Dunant, représenté par Me Maury, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2020, la caisse des dépôts et consignations conclut, à titre principal, à l'incompétence de la cour pour connaître, par la voie de l'appel, du litige portant sur la décision du 31 mai 2016 de la CNRACL intervenue en matière de pension de retraite, à titre subsidiaire, au rejet de la requête de Mme C... en tant qu'elle est dirigée contre cette décision. Elle soutient que : - l'article R. 811-1-7 du code de justice administrative exclut d'autres voies de recours que la cassation devant le Conseil d'État contre les jugements des tribunaux administratifs intervenus en matière de pension de retraite des agents publics ; - en l'état des décisions prises par son ancien employeur, Mme C... bénéficie de l'intégralité de ses droits à pension. Par ordonnance du 3 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2020. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique hospitalière ; - l'arrêté du 31 décembre 2001 relatif à l'échelonnement indiciaire des personnels de rééducation de la fonction publique hospitalière ; - l'arrêt n° 414376 du 9 novembre 2018 du Conseil d'État ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Masseur kinésithérapeute depuis 1980 au centre hospitalier Henri Dunant de La Charité-sur-Loire, Mme B... C... a souffert depuis l'année 2003 de diverses pathologies, dont plusieurs avaient été reconnues imputables au service, et pour lesquelles lui ont été prescrits de nombreux arrêts de travail successifs. Le 25 mars 2010, la commission de réforme a rendu un avis défavorable à la prolongation de l'imputabilité au service des hernie, lombalgie et tendinopathie dont elle souffrait, au-delà du 15 juillet 2009. Par le même avis, faisant le constat d'une polypathologie invalidante évolutive, la commission a estimé l'intéressée inapte à ses fonctions, et a donné un avis favorable à son admission à la retraite pour invalidité. Par une décision du 27 septembre 2012, le directeur du centre hospitalier Henri Dunant a placé Mme C... en position de disponibilité d'office du 15 juillet 2009 au 31 mars 2010. La caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a finalement, après expertises de l'état de santé de Mme C..., émis le 5 février 2015 un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité de celle-ci avec prise d'effet au 1er février 2014. Par une décision du 4 mars 2015, le directeur du centre hospitalier a admis l'intéressée à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2014, date à laquelle Mme C... a atteint l'âge limite de son grade. Par deux décisions du 23 mars 2015, le même directeur l'a placée en position de disponibilité d'office pour raisons de santé du 1er avril 2010 au 14 juillet 2012 et en position de " service non fait " du 15 juillet 2012 au 31 janvier 2014. La caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a adressé le 20 avril 2015 son brevet de pension à Mme C.... Par une décision du 31 mai 2015, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a rejeté la demande du 21 avril 2015 de l'intéressée tendant à la révision des conditions de liquidation de sa pension. 2. Par un jugement n° 1501274, 1502412, 1602264 du 18 juin 2019, qui est suffisamment motivé notamment quant au motif de rejet de la demande d'indemnisation du préjudice moral, du préjudice de carrière et des troubles dans les conditions d'existence que les premiers juges, par une appréciation de fond, ont regardés comme non établis, le tribunal administratif de Dijon, statuant sur trois demandes de Mme C..., a, en premier lieu, annulé les décisions du 23 mars 2015, la décision du 4 mars 2015 et la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur la demande de Mme C... du 30 avril 2015 en tant qu'elle rejette le recours de l'intéressée contre les décisions des 23 mars 2015 et 4 mars 2015. En deuxième lieu, il a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C... une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 29 février 2012 et le 31 janvier 2014, sous déduction des rémunérations qui avaient pu lui être versées au titre de ces périodes, dans la limite d'une somme totale de 300 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015 et capitalisation de ces derniers. Enfin, il a en troisième lieu rejeté le surplus des demandes de Mme C... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 31 mai 2015, d'autre part, à l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité, à la reconstitution de sa carrière et à la condamnation du centre hospitalier Henri Dunant à l'indemniser d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence. Relevant appel de ce jugement dont elle demande l'annulation en tant qu'il n'a pas fait droit en intégralité à ses demandes, Mme C... demande à la cour d'annuler les décisions en cause en tant qu'elles portent refus de lui attribuer l'allocation temporaire d'invalidité, de reconstituer sa carrière et de réviser sa pension, d'enjoindre au centre hospitalier Henri Dunant de reconstituer sa carrière et de condamner le centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme portée à 300 000 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation de ces derniers. Sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 31 mai 2015 de la CNRACL : 3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa version en vigueur à la date d'enregistrement de la requête : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics (...) ". 4. Le recours juridictionnel exercé contre une décision par laquelle le directeur de la CNRACL rejette une demande de révision de pension, présentée au motif que cette dernière a été calculée sur des bases erronées, nonobstant la circonstance que ce recours soit assorti de conclusions aux fins d'injonction tendant au versement des arrérages dus en conséquence de la révision demandée, entre dans la catégorie des litiges relatifs aux pensions pour lesquels, en application des dispositions du 7° de l'article R. 811-1 précité du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. La jonction, prononcée par le tribunal administratif par le jugement attaqué, en raison de la connexité de la demande n° 1602264 de Mme C... avec ses autres demandes en première instance, ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions précitées au point 3, qui déterminent la compétence respective du juge de cassation et du juge d'appel pour connaître des recours contre ce jugement. Il suit de là que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019, présentées devant la cour administrative d'appel de Lyon, revêtent dans cette mesure le caractère d'un pourvoi en cassation. Il y a lieu dès lors, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de renvoyer ces conclusions au Conseil d'État. Sur le surplus des conclusions de la requête : En ce qui concerne l'étendue du litige : 5. A la suite d'un accident de service survenu le 31 octobre 2007, Mme C... a été placée à compter du 5 novembre 2007 en congé maladie en raison d'une affection regardée comme imputable au service. Par son avis du 25 mars 2010, la commission de réforme a estimé, d'une part, que l'intéressée était définitivement inapte au service et, d'autre part, qu'à compter du 15 juillet 2009, son état de santé n'était plus imputable à l'accident du 31 octobre 2007. Le 30 septembre 2010, la commission de réforme a confirmé le caractère définitif de l'incapacité, puis, au vu du rapport déposé par l'expert le 5 décembre 2012, a, par un avis du 11 avril 2013, confirmé que l'invalidité n'était pas imputable au service pour enfin, par un avis du 10 avril 2014, se prononcer notamment sur le taux d'invalidité. 6. Après l'annulation, par un jugement du 28 février 2012 du tribunal administratif de Dijon, d'une décision du 14 avril 2010 en raison d'un vice de procédure le directeur du centre hospitalier Henri Dunant, par une décision du 27 septembre 2012, devenue définitive, a placé à nouveau Mme C... en position de disponibilité d'office à compter du 15 juillet 2009 et l'a mise à la retraite d'office à compter du 1er avril 2010. 7. Par le jugement attaqué, dont le dispositif n'est pas contesté sur ce point, le tribunal administratif de Dijon a annulé, d'une part, la décision du 4 mars 2015, prise à la suite d'un avis rendu le 15 mai 2014 par la CNRACL, par laquelle le directeur du centre hospitalier a prononcé la mise à la retraite de Mme C... pour invalidité à compter du 1er février 2014 et, d'autre part, deux décisions du 23 mars 2015, par lesquelles il avait placé celle-ci en disponibilité d'office du 1er avril 2010 au 14 juillet 2012 et en " service non fait " du 14 juillet 2012 au 31 janvier 2014. 8. Par un arrêt n° 414376 du 9 novembre 2018, le Conseil d'État a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C..., d'une part, une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base d'un demi-traitement pour la période comprise entre le 15 juillet 2009 et le 1er mars 2011 et sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 1er mars 2011 et le 28 février 2012, sous déduction des rémunérations qui ont pu lui être versées au titre de ces périodes, et, d'autre part, une indemnité de 5 000 euros au titre des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence, le total des indemnités ne pouvant toutefois excéder 61 000 euros. Enfin, postérieurement à l'intervention de cet arrêt, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C..., une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 29 février 2012 et le 31 janvier 2014, sous déduction des rémunérations qui ont pu lui être versées au titre de ces périodes, dans la limite d'une somme totale de 300 000 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation. 9. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment des écritures contentieuses de la caisse des dépôts et consignations, que, si Mme C... a été, ainsi qu'il vient d'être dit, radiée des cadres, par la décision du 27 septembre 2012, à compter du 1er avril 2010, la liquidation de sa pension n'est intervenue qu'à compter du 1er février 2014, date correspondant à la limite d'âge retenue par la CNRACL dans son avis du 15 mai 2014, non contesté, qui lie d'ailleurs l'autorité investie du pouvoir de nomination, pour la mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité. 10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... a ainsi été indemnisée, après l'intervention des différentes décisions juridictionnelles précédemment énumérées et qui ne sont pas contestées dans cette mesure par la requérante, de ses pertes de revenus pour la période allant du 15 juillet 2009 au 28 février 2012, d'une part, pour la période allant du 29 février 2012 au 31 janvier 2014, d'autre part, et enfin de troubles dans ses conditions d'existence pour la période du 15 juillet 2009 au 31 janvier 2014. 11. Il suit de là qu'en demandant, à titre principal, d'une part l'annulation du jugement attaqué " en tant et en tant seulement qu'il n'a pas été intégralement fait droit à ses demandes ", d'autre part, qu'il soit fait " droit à ses conclusions de première instance et ce faisant (d')annuler les décisions (en cause) en tant que lui ont été refusées l'allocation temporaire d'invalidité, la reconstitution de sa carrière et la révision de sa pension ", Mme C... ne peut qu'être regardée comme dirigeant le surplus de ses conclusions en appel, après ce qui a été dit au point 4 s'agissant de la décision de la CNRACL du 31 mai 2016, contre la décision implicite, née du silence gardé par le centre hospitalier Henri Dunand, en tant qu'elle rejette sa demande du 30 avril 2015 tendant notamment à ce que sa carrière soit reconstituée et à ce qu'elle soit placée au dernier échelon de son grade, au versement des rémunérations qui lui sont dues par voie de conséquence, à ce qu'une allocation temporaire d'invalidité lui soit accordée et au paiement des sommes correspondantes par voie de conséquence, enfin tendant à l'indemnisation de préjudices matériels et moraux et de troubles dans les conditions d'existence, dans une limite globale, toutes indemnisations confondues, de 300 000 euros, et pour les périodes hors du champ des litiges sur lesquels il a été statué définitivement par les décisions juridictionnelles rappelées aux points 8 et 10 du présent arrêt. En ce qui concerne les droits de Mme C... à l'allocation temporaire d'invalidité : 12. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". L'article 80 de la même loi dispose que : " Les établissements mentionnés à l'article 2 ci-dessus sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 p. 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'État. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire. " 13. Si, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme C... a, à plusieurs reprises, été placée en congés pour maladie reconnue imputable au service, notamment à la suite d'un accident survenu le 31 octobre 2007 et en raison d'une hernie discale du rachis lombaire avec périarthrite scapulohumérale, par un avis du 25 mars 2010, la commission de réforme a estimé, d'une part, que l'intéressée était définitivement inapte au service et, d'autre part, qu'à compter du 15 juillet 2009, son état de santé n'était plus imputable à cet accident et à cette pathologie. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la réunion de la commission de réforme du 10 avril 2014, que celle-ci a retenu, aux fins de déterminer le taux d'incapacité permanente partielle dont était atteinte Mme C..., six pathologies en relevant qu'elles n'étaient pas imputables au service. Il ressort également des pièces du dossier que cette appréciation est conforme aux différentes expertises réalisées pendant la période allant de 2009 à 2014 à cette fin, successivement par les docteurs Piermont, Bruneau-Engalenc, de Boysson et Jacquemin. Par la production des certificats médicaux d'un médecin du travail et de son médecin traitant, portant sur une période allant du 27 mars 2008 au 5 novembre 2009, et en se bornant à affirmer qu'elle " remplit toutes les conditions " fixées par les dispositions précitées de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986, Mme C... ne conteste pas sérieusement les nombreuses pièces du dossier qui écartent l'imputabilité de l'incapacité permanente dont elle est atteinte à ses accidents de service antérieurs et à la maladie professionnelle dont elle a souffert. Par suite, elle ne justifie pas remplir les conditions ouvrant droit à l'allocation temporaire d'invalidité prévue par les dispositions précitées de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite rejetant sa demande du 30 avril 2015 en tant qu'elle sollicitait l'attribution de cette allocation et ses conclusions tendant à ce que le centre hospitalier Henri Dunant soit condamné à la lui servir. En ce qui concerne la demande de Mme C... tendant à ce que le centre hospitalier Henri Dunant procède à la reconstitution de sa carrière : 14. Ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 9 du présent arrêt, et comme l'a relevé le Conseil d'État au point 9 de son arrêt n° 414376 mentionné au point 8, Mme C... a été placée à la retraite d'office à compter du 1er avril 2010 par la décision du 27 septembre 2012. Cette décision, devenue définitive, a nécessairement emporté la radiation des cadres de l'intéressée à compter de la même date. Nonobstant la circonstance qu'elle tirait des dispositions de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 le droit de percevoir un demi-traitement jusqu'à l'intervention d'une décision la mettant à la retraite pour invalidité, sa radiation des cadres faisait en tout état de cause obstacle à toute poursuite de sa carrière dans son grade et, par suite, à tout avancement d'échelon postérieur à cette date. Il résulte de l'instruction, d'une part, que Mme C... a été promue, le 19 décembre 2003, au sixième échelon du grade de masseur-kinésithérapeute de classe supérieure, à compter du 16 mai 2003. Il n'est pas contesté qu'elle disposait le 14 juillet 2009 d'une ancienneté de six ans, un mois et vingt-neuf jours dans cet échelon. D'autre part, il résulte de l'instruction que la requérante a été placée en position de congé au titre d'une maladie professionnelle du 16 novembre 2008 au 14 juillet 2009. Il est constant que, par la décision du 27 septembre 2012, devenue définitive à la suite du jugement n° 1301967, non frappé d'appel, du 20 novembre 2014 du tribunal administratif de Dijon, le centre hospitalier Henri Dunant a notamment placé l'intéressée en position de disponibilité d'office du 15 juillet 2009 au 31 mars 2010. Il résulte des dispositions de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 que, durant cette dernière période, l'intéressée a cessé de bénéficier de droits à la retraite. Il est constant qu'à la date de sa radiation des cadres Mme C... était classée au sixième échelon de son grade de masseur-kinésithérapeute à l'indice 638, retenu pour base du calcul de sa pension. 15. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'il appartenait au centre hospitalier Henri Dunant de la faire progresser dans son grade et que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite rejetant sa demande du 30 avril 2015 en tant qu'elle sollicitait la reconstitution de sa carrière en la plaçant au septième échelon et ses conclusions en première instance tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier Henri Dunant de procéder à cette reconstitution. 16. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 13 et 15 du présent arrêt que Mme C... n'est pas fondée à demander que le centre hospitalier Henri Dunant soit condamné à lui verser des sommes en réparation du non-versement de l'allocation temporaire d'invalidité ou d'une perte de revenus résultant du calcul de l'indemnité que le centre hospitalier Henri Dunant a été condamné, par le jugement attaqué, à lui verser au titre de la période du 29 février 2012 au 31 janvier 2014. Les conclusions indemnitaires de Mme C... ne peuvent dès lors, dans cette mesure, qu'être rejetées. En ce qui concerne le surplus des conclusions indemnitaires de Mme C... : 17. Il suit, en premier lieu, de ce qui a été dit aux points 14 et 15 du présent arrêt que Mme C... n'établit pas avoir subi un préjudice de carrière en conséquence des décisions des 4 mars et 23 mars 2015 non plus que de sa mise à la retraite. 18. En second lieu, par son arrêt n° 414376, le Conseil d'État, qui a relevé que la mise à la retraite pour invalidité de l'intéressée aurait dû intervenir au plus tard le 1er mars 2011, a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C... une somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence subis par celle-ci en conséquence des conditions dans lesquelles ont été gérées sa rémunération et la liquidation de sa pension, pour la période comprise entre le 15 juillet 2009 et le 28 février 2012. Il est constant, ainsi qu'il ressort notamment des écritures contentieuses de la caisse des dépôts et consignations en défense, que la liquidation de sa pension n'est intervenue qu'à compter du 1er février 2014, en conséquence de la décision, annulée par le jugement attaqué, du 4 mars 2015 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite à compter de cette même date. Ces circonstances très particulières à l'espèce révèlent, par elles-mêmes, la persistance des troubles dans les conditions d'existence de Mme C... au-delà du 28 février 2012 jusqu'à la mise en paiement effective de sa pension de retraite, en conséquence directe de la décision illégale du 4 mars 2015. Mme C... est, dans ces conditions, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont regardé comme non établis le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence dont elle demandait, en première instance, l'indemnisation et, par suite, à demander la réformation de ce jugement sur ce point. En ce qui concerne le montant des indemnités dues à Mme C... : 19. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par l'intéressée en mettant à ce titre à la charge du centre hospitalier le versement d'une indemnité de 5 000 euros à verser à Mme C.... 20. Les indemnités mises à la charge du centre hospitalier porteront intérêt au taux légal à compter du 30 avril 2015, date de réception par le centre hospitalier de la réclamation préalable présentée par Mme C.... La capitalisation des intérêts a été demandée le 31 août 2015. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. 21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence pour la période entre le 29 février 2012 et la mise en paiement de sa pension de retraite et à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point. Le surplus de ses conclusions en annulation et indemnitaires doivent dès lors être rejetées. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 22. Eu égard notamment à ce qui a été dit aux points 12 à 15, les motifs et le dispositif du présent arrêt n'impliquent aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions de Mme C... aux fins d'injonction doivent être rejetées. En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Henri Dunant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mme C... ou de la caisse des dépôts et consignations qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. DÉCIDE : Article 1er : Les conclusions de Mme C... dirigées contre le jugement n° 1501274, 1502412, 1602264 du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 en tant qu'il a statué sur la demande n° 1602264 de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2016 par laquelle la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension de retraite et à la condamnation de la caisse à lui verser les arrérages dus en conséquence de cette révision sont renvoyées au Conseil d'État. Article 2 : Le centre hospitalier Henri Dunant est condamné à verser à Mme C... une indemnité de 5 000 euros au titre des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral. Article 3 : La somme due par le centre hospitalier Henri Dunant au titre de ces indemnités portera intérêt au taux légal à compter du 30 avril 2015. Les intérêts échus le 31 août 2015 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 4 : Le jugement n° 151274, 1502412, 1602264 du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Le centre hospitalier Henri Dunant versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... ainsi que les conclusions présentées par le centre hospitalier Henri Dunant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C..., à la caisse des dépôts et consignations et au centre hospitalier Henri Dunant. Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021. N° 19LY03249 10
Cours administrative d'appel
Lyon