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Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 04/03/2021, 433653
Vu la procédure suivante : M.D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 14 mars 2017 par laquelle la Caisse des dépôts et consignations lui a ordonné de restituer une somme de 44 026,66 euros correspondant à des arrérages de pension indûment versés entre le 20 novembre 2004 et le 30 novembre 2015, ainsi que la décision du 30 mai 2017 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1703207 du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 16 août et 18 novembre 2019, 21 février 2020 et 5 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande et de condamner la Caisse des dépôts et consignations à lui verser la somme de 44 026,66 euros ou, à tout le moins, à concurrence de 29 350 euros en réparation des préjudices matériels qu'il a subis et à lui verser une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ; 3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le décret n° 65-836 du 24 septembre 1965 ; - le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 ; - le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, depuis le 1er décembre 2002, M. B... a bénéficié d'une pension de réversion du chef de son épouse décédée, qui s'était vue concéder une pension en tant qu'ouvrière des établissements industriels de l'Etat. La Caisse des dépôts et consignations lui a adressé, le 20 octobre 2015, un formulaire de déclaration sur l'honneur destiné à mettre à jour sa situation familiale. M. B... a retourné ce formulaire, en novembre 2015, en indiquant qu'il s'était remarié le 20 novembre 2004. La Caisse, par un courrier du 26 novembre 2015, l'a informé de la suspension du paiement de sa pension de réversion à compter du 1er décembre 2015 et, par une décision du 3 février 2017, lui a demandé de restituer la somme de 44 026,66 euros correspondant aux arrérages de pension indûment versés pour la période du 20 novembre 2004 au 30 novembre 2015. Par deux décisions des 14 mars et 30 mai 2017, la Caisse a confirmé la décision du 3 février 2017. Par un jugement du 17 juin 2019, contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 14 mars et du 30 mai 2017 et à la décharge de la somme de 44 026,66 euros. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans un mémoire enregistré le 13 mai 2019 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, M. B..., d'une part, soutenait que le versement des sommes indues dont la restitution lui est réclamée résultait de la carence fautive de la Caisse des dépôts et consignations qui s'est abstenue, pendant plus de 13 ans, de lui demander des renseignements sur sa situation familiale et, d'autre part, présentait une demande indemnitaire en réparation du préjudice moral causé par cette carence fautive et par l'absence de diligence de la caisse. Le tribunal administratif de Bordeaux a omis de se prononcer sur ce qui était demandé et soutenu par ce mémoire. Il a, ainsi, insuffisamment motivé son jugement. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur la régularité des décisions contestées : 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat : " Ont droit au bénéfice des dispositions du présent décret : / 1° Les personnels ouvriers des établissements industriels de l'Etat figurant à l'annexe au présent décret ; / 2° Leurs conjoints survivants et leurs orphelins ". Selon le I de l'article 2 du même décret : " Le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat est chargé d'assurer le service des pensions concédées ou révisées au profit des bénéficiaires du présent décret. Il est géré par la Caisse des dépôts et consignations et fonctionne sous le régime de la répartition (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 32 de ce décret : " Le conjoint survivant ou divorcé qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire perd son droit à pension ". 5. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pension, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les décisions contestées ont été signées par M. C... A..., adjoint au responsable du département des retraites et de la solidarité de l'établissement de Bordeaux, qui a reçu délégation de signature à cet effet du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations par un arrêté du 18 novembre 2016 publié au Journal officiel de la République française du 23 novembre 2016. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées ne peut qu'être écarté. 7. En second lieu, il résulte de l'instruction que les décisions contestées comportent, ainsi que l'exige les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions attaquées ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé des décisions contestées : En ce qui concerne l'application de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale : 8. Aux termes de l'article R. 711-1 du code de la sécurité sociale : " Restent soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale, si leurs ressortissants jouissent déjà d'un régime spécial au titre de l'une ou de plusieurs des législations de sécurité sociale : / 1°) les administrations, services, offices, établissements publics de l'Etat, les établissements industriels de l'Etat et l'Imprimerie Nationale, pour les fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l'Etat (...) ". Il en résulte que les pensions des ouvriers de l'Etat et de leurs ayants-droit, qui bénéficient d'un régime spécial, ne sont pas régies par le code de la sécurité sociale. 9. Par suite, M. B... ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles " Toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ". En ce qui concerne l'application de l'article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite : 10. Si, en principe, le droit à pension de réversion est régi par les dispositions en vigueur à la date du décès de l'ayant cause, la restitution des sommes payées indûment au titre d'une pension est soumise, en l'absence de disposition contraire, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle l'autorité compétente décide de procéder à la répétition des sommes indûment versées. 11. Aux termes du dernier alinéa de l'article 35 du décret du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat : " La restitution des sommes payées indûment au titre des pensions (...), attribués en application des dispositions du présent décret, est réglée conformément aux dispositions de l'article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". Aux termes de l'article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Sauf le cas de fraude, omission, déclaration inexacte ou de mauvaise foi de la part du bénéficiaire, la restitution des sommes payées indûment au titre des pensions (...), attribués en application des dispositions du présent code, ne peut être exigée que pour celles de ces sommes correspondant aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle le trop-perçu a été constaté et aux trois années antérieures ". 12. L'épouse de M. B... était ouvrière d'un établissement industriel de l'Etat. Par suite, compte tenu, ainsi qu'il a été dit au point 10, de la date à laquelle la Caisse des dépôts et consignations a décidé de procéder à la répétition des sommes indûment versées, les dispositions relatives aux règles de prescription applicables à la pension de réversion perçue par M. B... sont celles du décret du 5 octobre 2004 qui renvoient au code des pensions civiles et militaires de retraite. 13. La perception par M. B..., du 20 novembre 2004 au 30 novembre 2015, de sa pension de réversion en dépit de son remariage découle de l'absence de déclaration à l'administration, par l'intéressé, de son changement de situation. Cette omission, alors même qu'elle ne révèle aucune intention frauduleuse ou mauvaise foi, fait obstacle à l'application de la prescription prévue par l'article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la Caisse des dépôts et consignations a commis une erreur de droit en retenant qu'il ne pouvait bénéficier de cette prescription. Par ailleurs, la Caisse de dépôts et consignation n'ayant pas fondé ses décisions sur les dispositions du décret du 24 septembre 1965, M. B... ne peut utilement soutenir qu'elle aurait commis une erreur de droit dans l'application de ce décret. En ce qui concerne l'application des règles de prescription du code civil : 14. M. B... soutient que la Caisse des dépôts et consignations aurait méconnu les règles de prescription, au motif que les sommes indûment perçues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile étaient prescrites par application de l'article 2277 du code civil et que, pour les sommes perçues postérieurement à cette date, l'article 2224 du code civil s'opposait à ce que les versements opérés plus de cinq ans avant le 3 février 2017 fassent l'objet d'une action en répétition. 15. Toutefois, d'une part, si, l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, instituait une prescription par cinq ans des actions relatives aux créances périodiques, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il s'agissait d'une action en paiement ou en restitution de ce paiement, cette prescription ne courait pas lorsque la créance, même périodique, dépendait d'éléments qui n'étaient pas connus du créancier et devaient résulter de déclarations que le débiteur était tenu de faire. 16. D'autre part, en vertu de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La prescription quinquennale ainsi prévue ne porte que sur le délai pour exercer l'action, non sur la détermination de la créance elle-même. Ainsi, dès lors que l'action est introduite dans le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la seule limite à l'exercice de ce droit résulte de l'article 2232 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, aux termes duquel " le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ". Cependant, en application des dispositions du II de son article 26, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée d'une prescription s'appliquent à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il en résulte que lorsque l'exercice d'une action n'était enserré, avant l'intervention de la loi du 17 juin 2008, que par la prescription trentenaire, cette prescription continue à s'appliquer. 17. Il résulte de l'instruction que ce n'est qu'en novembre 2015 que M. B... a informé la Caisse des dépôts et consignations qu'il était remarié depuis le 20 novembre 2004. Dès lors, l'action de la Caisse des dépôts et consignations en répétition des sommes indûment versées à M. B... du 20 novembre 2004 au 30 novembre 2015, engagée par la décision du 3 février 2017, dans le délai de cinq ans à compter de la date à laquelle elle avait été informée du changement de situation familiale de l'intéressé, n'était prescrite ni sur le fondement de l'ancien article 2277 du code civil, ni sur celui du nouvel article 2224 du même code. En outre, la circonstance que la Caisse des dépôts et consignations n'aurait pas été suffisamment diligente est en tout état de cause sans incidence sur la détermination du point de départ du délai de prescription. Par suite, le moyen soulevé par M. B..., tiré de ce que le point de départ de la prescription doit être regardé comme étant la date de son remariage et non celle à laquelle il en a informé la Caisse des dépôts et consignations, ne peut qu'être écarté. 18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions en litige ni la décharge de la somme de 44 026,66 euros que lui réclame la Caisse des dépôts et consignations. Sur la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations : 19. Il résulte toutefois de l'instruction que la perception, indue, par M. B... de sa pension de réversion après son remariage résulte pour partie de l'abstention de la Caisse des dépôts et consignations, pendant plus de dix années, de s'informer du changement de sa situation familiale et de l'insuffisance des informations qu'elle lui a transmises sur les conséquences d'un tel changement. Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu de la durée de cette carence, sur laquelle la Caisse des dépôts et consignations n'apporte pas de justification sérieuse, et de l'importance des sommes en cause, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le requérant en réduisant, eu égard aux circonstances de l'espèce, d'un tiers le montant de la somme dont il a été déclaré redevable par la Caisse des dépôts et consignations, en ramenant ainsi celle-ci à 29 350 euros. 20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 17 juin 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé. Article 2 : La somme que M. B... doit à la Caisse des dépôts et consignations au titre du trop-perçu de sa pension de réversion est ramenée de 44 026,66 à 29 350 euros. Article 3 : La Caisse des dépôts et consignations versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejeté. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... B... et à la Caisse des dépôts et consignations. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.ECLI:FR:CECHR:2021:433653.20210304
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/02/2021, 19BX00882, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le D... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à lui rembourser la somme de 109 000 euros qu'il a versée à M. I... en réparation des préjudices résultant d'une maladie professionnelle. Par un jugement n° 1800242 du 17 janvier 2019, le tribunal a condamné le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 80 500 euros. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 28 février 2019 et des mémoires enregistrés les 13 mars et 6 août 2020, le CHU de Bordeaux, représenté par la SELARL Ripert, demande à la cour, à titre principal d'annuler ce jugement et de rejeter la demande du FIVA, et à titre subsidiaire de réduire les demandes du FIVA à de plus justes proportions. Il soutient que : - sa requête est recevable dès lors qu'il a présenté des critiques du jugement dans le délai de recours ; En ce qui concerne la recevabilité de la demande relative à la seconde partie de l'indemnisation : - en l'absence de demande préalable, la demande relative à l'indemnité complémentaire de 53 500 euros correspondant à l'aggravation de l'état de santé de M. I... était irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; il appartenait au FIVA, après avoir été subrogé dans les droits de M. I..., de former une seconde demande préalable ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux ; - en l'absence de justification de la réception par la victime de l'indemnité en cause payée par virement du 7 septembre 2017, le FIVA n'était pas subrogé dans les droits de M. I... le 8 septembre 2017, date de sa demande préalable ; En ce qui concerne le montant de la première partie de l'indemnisation : - le préjudice moral et les souffrances endurées constituent un seul et même préjudice dont l'indemnisation doit être limitée à 20 000 euros ; - le préjudice d'agrément est inexistant dès lors que M. I... continue à pratiquer la pelote basque même s'il a abandonné la compétition ; - il s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne le préjudice esthétique ; En ce qui concerne le montant de la seconde partie de l'indemnisation : - c'est à bon droit que les premiers juges ont évalué le préjudice moral à 10 000 euros et n'ont pas retenu de préjudice d'agrément ; - les autres prétentions indemnitaires du FIVA devront être réduites à de plus justes proportions. Par des mémoires en défense enregistrés les 20 février et 25 mai 2020, le FIVA, représenté par la SELARL Dinety Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande à hauteur de 109 000 euros, et dans tous les cas de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête d'appel, qui reprend intégralement les écritures de première instance sans critiquer le jugement, est irrecevable ; - la demande du 8 septembre 2017 a lié le contentieux, et il n'était pas tenu de chiffrer ses prétentions à l'identique dans sa réclamation et devant le tribunal ; - dès lors que l'offre d'indemnisation complémentaire de 53 500 euros a été acceptée par M. I... le 10 juillet 2017, il était subrogé dans les droits de ce dernier dès cette date ; au demeurant, il a justifié du paiement de cette indemnité par les écritures de son agent comptable ; En ce qui concerne la première partie de l'indemnisation : - il y a lieu de la fixer à la somme de totale 55 500 euros évaluée par la cour d'appel de Bordeaux, qui a précisément motivé le montant retenu pour chaque préjudice ; En ce qui concerne la seconde partie de l'indemnisation : - le tribunal a justement évalué les préjudices physique et esthétique ; - c'est à tort que les premiers juges ont limité à 10 000 euros le préjudice moral lié à l'aggravation de l'état de santé de M. I..., qu'il convient d'évaluer à 24 500 euros ; - dès lors que l'aggravation de la maladie a empêché M. I... de pratiquer diverses activités sportives, notamment la pelote basque, le préjudice d'agrément existe et doit être évalué à 14 000 euros. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ; - le décret n° 2011-963 du 23 octobre 2001 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., - les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique, - et les observations de Me J..., représentant le FIVA. Considérant ce qui suit : 1. M. I..., technicien de la fonction publique hospitalière, a été exposé à l'amiante dans l'exercice de ses fonctions au CHU de Bordeaux de 1976 à 2012. Un adénocarcinome bronchique lobaire supérieur gauche lui a été diagnostiqué le 10 juin 2014. Par une décision du 13 février 2015, le directeur général du CHU de Bordeaux a reconnu le caractère professionnel de cette maladie avec un taux de séquelles de 40 % à compter de la consolidation alors fixée au 6 novembre 2014. M. I... n'ayant pas accepté l'offre d'indemnisation du D... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), il a saisi la cour d'appel de Bordeaux conformément aux dispositions de l'article 24 du décret du 23 octobre 2001 susvisé. Par un arrêt du 29 septembre 2016, cette cour a fixé l'indemnisation due par le FIVA à 13 700 euros au titre des souffrances physiques, 27 100 euros au titre du préjudice moral, 13 700 euros au titre du préjudice d'agrément et 1 000 euros au titre du préjudice esthétique, soit au total 55 500 euros. Par lettre du 8 septembre 2017 reçue le 14 septembre suivant, le FIVA, subrogé dans les droits de M. I..., a demandé au CHU de Bordeaux de lui rembourser cette somme. Par ailleurs, M. I... a accepté le 10 juillet 2017 une seconde offre d'indemnisation du FIVA relative à l'aggravation de son état de santé pour un montant total de 53 500 euros hors préjudice fonctionnel, incluant les sommes complémentaires de 24 500 euros au titre du préjudice moral, 14 000 euros au titre du " préjudice physique ", 14 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 1 000 euros au titre du préjudice esthétique. En l'absence de réponse à sa demande préalable du 8 septembre 2017, le FIVA a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation du CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme totale de 109 000 euros qu'il avait versée à M. I..., soit 55 500 euros au titre de la première indemnisation et 53 500 euros au titre de la seconde. Le CHU de Bordeaux relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal l'a condamné à verser au FIVA la somme de 80 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter du 14 septembre 2018. Par son appel incident, le FIVA demande à la cour de faire droit à l'intégralité de sa demande. Sur la fin de non-recevoir opposée par le FIVA à la requête d'appel : 2. La requête présentée par le CHU de Bordeaux dans le délai d'appel ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance, mais critique le jugement contesté en reprochant aux premiers juges, notamment, de ne pas avoir fait droit à sa fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux relativement à la seconde indemnisation d'un montant de 53 500 euros. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. " Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. 4. Ainsi qu'il a été exposé au point 1, la demande préalable du FIVA portait seulement sur la somme de 55 500 euros qu'il avait versée à M. I... au titre du préjudice évalué à la date de consolidation initialement fixée au 6 novembre 2014. La subrogation du FIVA dans les droits de la victime au titre de l'aggravation ultérieure de l'état de santé de cette dernière relève d'un litige distinct qui n'a donné lieu à aucun recours préalable, même au cours de l'instance. Par suite, le CHU de Bordeaux est fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre fin de non-recevoir, que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu la recevabilité de la seconde demande d'indemnisation. Par suite, la demande du FIVA relative à la somme de 53 000 euros doit être rejetée. Sur la demande du FIVA relative à la somme de 55 500 euros : 5. Aux termes de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée : " I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : / 1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ; / 2° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République française ; / (...) / II. - Il est créé, sous le nom de "D... d'indemnisation des victimes de l'amiante", un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis au I du présent article. / (...) / VI. - Le D... est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. / (...). " 6. Le CHU de Bordeaux a reconnu le caractère professionnel de la maladie occasionnée par l'amiante dont souffre M. I.... Le juge administratif, saisi de l'action du FIVA subrogé dans les droits de la victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, n'est pas lié par l'évaluation des préjudices retenue par la cour d'appel. Il lui appartient de procéder lui-même à cette évaluation au regard des éléments personnels circonstanciés présentés au dossier afin de fixer le montant des indemnités dues. 7. Il résulte de l'instruction que l'adénocarcinome diagnostiqué en juin 2014 a nécessité une lobectomie supérieure gauche réalisée le 10 juin 2014, quatre cures de chimiothérapie complétées par une irradiation adjuvante, un traitement bronchodilatateur, la pose d'une chambre implantable et de nombreux examens. En outre, cette pathologie est à l'origine de douleurs thoraciques et d'une gêne respiratoire pouvant être douloureuse. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation excessive des souffrances physiques en évaluant ce préjudice à 13 700 euros. 8. La connaissance par une personne ayant été exposée aux poussières d'amiante du risque qu'elle présente de développer un cancer susceptible de mettre en jeu son pronostic vital constitue un préjudice moral distinct des souffrances endurées. En l'espèce, ce risque s'est réalisé pour M. I..., qui a présenté un cancer à l'âge de 63 ans et demeurait, à la date de consolidation de son état de santé fixée au 6 novembre 2014 après la fin des traitements, dans l'incertitude d'une récidive de cette pathologie grave. La somme de 27 100 euros allouée à ce titre par le tribunal apparaît cependant excessive. Il y a lieu de la ramener à 20 000 euros. 9. Il résulte de l'instruction que M. I..., qui pratiquait la pelote basque en compétition, a ultérieurement poursuivi cette activité sportive avec des limitations importantes en raison de son essoufflement et de son état de fatigue. Si le préjudice d'agrément est ainsi caractérisé, son évaluation doit être ramenée de 13 700 euros à 3 000 euros. 10. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice esthétique, caractérisé par une chambre implantée temporaire pouvant être dissimulée sous les vêtements et une discrète cicatrice de lobectomie, en l'évaluant à 1 000 euros. 11. Il résulte de tout ce qui précède que l'évaluation des préjudices de M. I... à la date du 6 novembre 2014 doit être ramenée de 55 500 euros à 37 700 euros, que le CHU de Bordeaux est seulement fondé à demander que la somme de 80 500 euros qu'il a été condamné à verser au FIVA au titre de la pathologie initiale et de son aggravation ultérieure soit ramenée à 37 700 euros au titre de la pathologie initiale, et que l'appel incident du FIVA doit être rejeté. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 12. Le FIVA, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La somme que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser au FIVA est ramenée de 80 500 euros à 37 700 euros Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1800242 du 17 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Bordeaux et au D... d'indemnisation des victimes de l'amiante. Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient : Mme K... H..., présidente, Mme A... F..., présidente-assesseure, Mme E... G..., conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021. La rapporteure, Anne F... La présidente, Catherine H...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 6 N° 19BX00882
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/02/2021, 19NT03865, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans d'annuler la décision du 20 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/00005 du 8 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans a retenu le taux de 10 % pour les séquelles au genou imputables au service présentées par M. C... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 16 mai 2019 sous le n° 19/01224 au greffe de la cour régionale des pensions d'Orléans et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 novembre 2019, 13 décembre 2019 et 23 octobre 2020 sous le n°19NT03865 devant la présente cour, laquelle est devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans en tant qu'il a confirmé le taux d'invalidité de 10 % attribué à M. C... pour les séquelles qu'il présente au genou ; 2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans. Elle soutient que : - sa requête est recevable dès lors que le jugement avant-dire droit ne s'est prononcé que sur la demande d'expertise ; - le jugement du 8 mars 2019, qui ne se réfère à aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), est entaché d'un défaut de base légale et méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du CPMIVG dans la mesure où M. C... n'apporte pas la preuve que l'évènement du 11 avril 2011 serait à l'origine directe et certaine des séquelles qu'il présente au genou ; - la demande de M. C... est irrecevable compte tenu de son engagement à renoncer à tout contentieux dans le protocole d'accord transactionnel qu'il produit ; - M. C... n'a présenté aucune demande préalable de pensions concernant ses douleurs neuropathiques. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2020, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions relatives aux douleurs neuropathiques dont il souffre, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la ministre des armées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête de la ministre est irrecevable dès lors que le jugement du 16 février 2018 est devenu définitif ; - à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés ; - un taux complémentaire de 10 % lui sera alloué au titre des douleurs neuropathiques. La clôture de l'instruction est intervenue le 16 novembre 2020 à 16 heures en vertu d'une ordonnance du 30 octobre 2020. Le mémoire présenté le 29 novembre 2020, pour M. C..., n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., qui est né le 23 juillet 1990, s'est engagé dans l'armée française le 5 mai 2009. Par un arrêté du 3 novembre 2016, il a été rayé des contrôles. Le 6 mars 2012, il a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles dont il reste atteint au niveau du genou gauche. Par une décision du 20 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Le 6 avril 2017, M. C... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans, lequel, par un jugement avant-dire droit du 16 février 2018, a ordonné une expertise médicale. L'expert ayant déposé son rapport, par un jugement du 8 mars 2019 le tribunal a partiellement fait droit à la demande présentée par M. C... en reconnaissant l'imputabilité au service de sa blessure au genou et en évaluant le taux de la pension d'invalidité à laquelle il pouvait prétendre à 10 %. Il a rejeté le surplus des conclusions de l'intéressé. Le 13 mai 2019, la ministre des armées a relevé appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions d'Orléans, laquelle a transféré ce dossier à la présente cour en application des dispositions de l'article 51 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Cette instance, désormais enregistrée sous le n°19NT03865, est en état d'être jugée. Sur la fin de non-recevoir opposée par M. C... : 2. Si M. C... soutient que la requête de la ministre des armées est irrecevable au motif que le jugement du 16 février 2018 est devenu définitif, il est constant que ce jugement avant-dire droit n'avait pour objet que d'ordonner une expertise médicale sans se prononcer sur ses conclusions tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par suite, cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée. Sur les conclusions à fin d'allocation d'une pension militaire d'invalidité : 3. Aux termes de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, le demandeur d'une pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'origine ou l'aggravation de l'infirmité qu'il invoque et une blessure reçue, un accident ou une maladie contractée par le fait du service. Cette preuve ne saurait résulter ni de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service ni d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité, ni des conditions générales du service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 5. M. C... a indiqué de manière constante qu'il serait tombé sur le genou gauche au cours d'une épreuve physique qui se serait déroulée le 11 avril 2011 dans le cadre de la formation au certificat militaire élémentaire qu'il suivait. Si l'intéressé, qui n'entre pas dans le champ de la présomption d'imputabilité prévue à l'article 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, affirme, sans toutefois l'établir, avoir prévenu son chef de section le jour même, il est constant qu'il n'a consulté le médecin des armées dont il dépendait que le 31 mai suivant. La circonstance que l'intéressé voulait terminer son stage validant pour son cursus militaire sans attirer l'attention sur cette blessure, ne suffit pas à justifier ce délai de près de deux mois qui s'est écoulé entre le 11 avril 2011 et le 31 mai suivant. Les autres documents dont se prévaut M. C..., et notamment le rapport circonstancié établi par ce même médecin le 16 novembre 2011, se fondent uniquement sur ses propres déclarations quant aux circonstances de cet accident. Dans le cadre de son rapport établi le 10 avril 2018, l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans, a estimé que cet accident était imputable au service sans remettre en cause ni sa date, ni les circonstances dans lesquelles il serait survenu en se fondant uniquement sur un protocole d'accord transactionnel signé entre les parties le 9 mars 2015. Ce document produit pour la première fois en appel, se borne cependant à indiquer sans se référer à aucune pièce, médicale notamment, que M. C... a été victime d'un accident de service le 11 avril 2011 et que la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée à hauteur de 100 %. Il ne précise ni les circonstances de cet accident, ni les blessures subies par M. C.... Par suite, en l'absence de constat médical contemporain aux faits invoqués, ce seul document, établi plusieurs années après la date supposée de l'accident et dans le cadre d'un litige distinct de celui dont la cour est saisie, qui concerne l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et non l'indemnisation de préjudices, ne suffit pas à établir un lien direct et certain entre la tendinopathie rotulienne gauche distale dont souffre M. C... et le service. Il n'est d'ailleurs pas contesté que M. C... pratiquait de nombreuses activités sportives y compris en dehors de ses entraînements militaires et que sa blessure au genou pouvait en résulter. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à soutenir que l'intéressé n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'imputabilité au service des infirmités en litige. 6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, ni la recevabilité de la demande présentée en première instance par M. C..., que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans a fixé à 10 % le taux de la pension militaire d'invalidité à laquelle l'intéressé pouvait prétendre au titre des séquelles imputables au service qu'il conserve au genou gauche. Sur les conclusions d'appel incident présentées par M. C... : 7. Si M. C... sollicite le bénéficie d'un taux complémentaire de pension militaire d'invalidée au titre des douleurs neuropathiques qu'il aurait présentées à la suite de l'accident du 11 avril 2011, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait subi à cette date de telles souffrances. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans du 8 mars 2019 en tant qu'il a fixé à 10 % le taux de la pension militaire d'invalidité à laquelle M. C... pouvait prétendre au titre des séquelles imputables au service qu'il conserve au genou gauche est annulé. Article 2 : Les conclusions présentées en appel par M. C... sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... C.... Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021. Le rapporteur, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT03865
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 7ème chambre, 05/03/2021, 432425, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler l'allocation temporaire d'invalidité dont il a bénéficié entre le 29 décembre 1993 et le 28 décembre 1998, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre au même ministre de renouveler cette allocation en fixant son taux d'invalidité global à 45 % à compter du 29 décembre 1998 et à 84 % à compter du 9 février 2002. Par un jugement n° 1204064 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions attaquées, a fixé le taux global d'invalidité de M. B... à 40 % à la date du 29 décembre 1998 et à 83,20 % à la date du 25 janvier 2002, et a enjoint au ministre de l'intérieur de prendre une décision lui attribuant une allocation temporaire d'invalidité sur la base des taux précités. Par une décision nos 408481, 408510 du 6 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics et d'une demande d'exécution de M. B..., a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant ce même tribunal. Par un jugement no 1802340 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant le Conseil d'Etat Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 9 juillet, 9 octobre et 13 décembre 2019 et les 24 juin et 15 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) de récuser MM. Bertrand Dacosta, Olivier Henrard, Olivier Japiot et Grégory Rzepski pour connaître de son pourvoi ; 2°) d'annuler ce jugement ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui exerçait les fonctions de sous-brigadier de la police nationale, a été victime les 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 d'accidents reconnus imputables au service. Par un arrêté du 20 octobre 1997, le ministre chargé des finances lui a accordé une allocation temporaire d'invalidité au taux de 17 % pour la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998 en raison de ces deux accidents, en application des dispositions de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984. Le 19 octobre 1998, M. B... a été de nouveau victime d'une chute qui a également été reconnue imputable au service. Par un arrêté du 19 octobre 2000, le ministre chargé des finances a rejeté sa demande de renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 29 décembre 1998 au motif que son taux d'invalidité global était inférieur à 10 %. Cet arrêté a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 mars 2006 pour vice de procédure. Par une décision du 21 février 2007, le ministre de l'intérieur a de nouveau rejeté la demande de M. B... tendant au renouvellement de son allocation temporaire d'invalidité. Le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision par un jugement du 23 juin 2009, au motif d'une irrégularité de procédure. Après un nouvel examen de la situation de l'intéressé, le ministre de l'intérieur a, par une décision du 5 mars 2012, prise sur le fondement de l'avis de la commission de réforme du 24 mars 2011, refusé le renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 3 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat après cassation de son premier jugement, a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 5 mars 2012, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Sur la demande de récusation : 2. Les membres du Conseil d'Etat dont le requérant demande la récusation ne sont pas membres de la formation de jugement dans la présente instance. Les conclusions tendant à leur récusation sont par suite sans objet. Sur le pourvoi : 3. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de cette période, les droits du fonctionnaire font l'objet d'un nouvel examen dans les conditions fixées à l'article 3 ci-dessus et l'allocation est attribuée sans limitation de durée (...) sur la base du nouveau taux d'invalidité constaté ou, le cas échéant supprimée ". 4. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière d'allocation temporaire d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en écartant comme inopérants, par principe, l'ensemble des moyens de légalité externe soulevés par M. B... pour contester la décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler son allocation temporaire d'invalidité, le tribunal administratif de Strasbourg a entaché son jugement d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de ce jugement. 6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 7. Aux termes de l'article 3 du décret du 6 octobre 1960 : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre chargé du budget ". Aux termes du sixième alinéa de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le fonctionnaire (...) peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux ". 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. 9. Il résulte de l'instruction que la commission de réforme a relevé à tort, dans son avis, que M. B... n'avait pas produit d'observations écrites, alors que l'intéressé avait exercé ce droit prévu par les dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, citées au point 7. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que la décision du 5 mars 2012 du ministre de l'intérieur, prise sur le fondement de l'avis de la commission de réforme du 24 mars 2011, refusant de lui accorder le bénéfice du renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, et à en demander l'annulation, ainsi que celle de la décision implicite rejetant son recours gracieux à l'encontre de la première décision. En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction : 10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Il résulte des motifs énoncés aux points 8 et 9 que l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur n'implique pas nécessairement qu'il accorde à M. B... le bénéfice du renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité. L'exécution de la présente décision implique en revanche que la demande de renouvellement d'allocation temporaire d'invalidité de M. B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. En ce qui concerne les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à la récusation de membres du Conseil d'Etat dans la présente instance. Article 2 : Le jugement du 3 mai 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé. Article 3 : La décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a refusé de renouveler l'allocation temporaire d'invalidité dont M. B... a bénéficié entre le 29 décembre 1993 et le 28 décembre 1998, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision sont annulées. Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de renouvellement d'allocation temporaire d'invalidité de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Article 5 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre de l'intérieur.ECLI:FR:CECHS:2021:432425.20210305
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 04/03/2021, 434588, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... C..., veuve D..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 17 juillet 2014 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension de réversion présentée le 26 mai 2011. Par un jugement n° 1701813 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 11 septembre et 19 décembre 2019 et les 11 février et 21 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Krivine, Viaud son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 57-777 du 11 juillet 1957 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ; - l'arrêté du 30 décembre 2010 portant application du décret du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Viaud, Krivine, avocat de Mme C... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... D..., ressortissant algérien, a été rayé des contrôles de l'armée active française le 19 février 1938, qu'il a obtenu une pension militaire de retraite et qu'il est décédé le 25 juin 1980. Mme C..., qui fait valoir s'être mariée avec lui en 1957 et avoir eu huit enfants nés de cette union, a demandé au ministre de la défense, le 26 mai 2011, de lui accorder une pension de réversion. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 17 juillet 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension. Sur la recevabilité du mémoire en défense de la ministre des armées : 2. La circonstance que la ministre des armées a produit un mémoire la veille de la clôture de l'instruction décidée par la présidente de la 7ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat n'est pas de nature à rendre irrecevable ce mémoire. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'écarter celui-ci des débats. Sur le pourvoi : 3. D'une part, aux termes de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicable aux demandes de pension de réversion : " I. - (...) les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. (...) / V. - Les demandes de pensions présentées en application du présent article sont instruites dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et par le code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) / VIII. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment (...) les modalités de présentation et d'instruction des demandes mentionnées aux III, IV et V./ (...) / XI. - Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 ". Aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2010, pris pour l'application des dispositions de cet article 211 : " Un arrêté conjoint des ministres chargés de la défense, des affaires étrangères, des anciens combattants et du budget énumère les pièces justificatives à produire à l'appui de toute demande visée à l'article 1er ". L'annexe 3 de l'arrêté du 30 décembre 2010 pris pour l'application de ce décret cite, parmi les pièces exigées pour une demande de pension d'un ayant cause, " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ". 4. D'autre part, l'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 5. Enfin, aux termes de l'article L. 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version applicable au 25 juin 1980, date du décès de M. D... et, par suite, date d'ouverture des droits à pension de réversion de la requérante : " Le droit à pension est acquis : / 1° Aux officiers et aux militaires non officiers qui ont accompli quinze ans de services civils et militaires effectifs / (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même code, dans sa version applicable à la même date : " Sont applicables aux ayants cause des militaires dont les droits se trouvent régis par le présent code les dispositions du chapitre Ier du présent titre, à l'exception de celles visées au premier alinéa, a et b, de l'article L. 39, qui sont remplacées par les dispositions suivantes : / Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : / a) Que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du mari, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation, lorsque le mari a obtenu ou pouvait obtenir la pension prévue à l'article L. 6 (1°) ; / b) Que le mariage ait été contracté avant l'événement qui a amené la radiation des cadres ou la mort du mari lorsque celui-ci a obtenu ou pouvait obtenir la pension prévue à l'article L. 6 (2°, 3° et 4°)/ (...) ". Aux termes de l'article L. 39 du même code, dans sa version applicable à la même date : " Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : / a) (...) / Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de veuve est reconnu : / - 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; / 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années ". Il résulte de ces dernières dispositions, compte tenu du renvoi de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite aux dispositions de l'article L. 39, dans leur rédaction applicable au litige, que la veuve d'un militaire bénéficie d'un droit à pension de réversion lorsque le mariage, même postérieur à la cessation d'activité du militaire, a duré au moins quatre ans, ou lorsqu'un ou plusieurs enfants sont nés de ce mariage. 6. Pour rejeter la demande de Mme C... au motif que son mariage ne satisfaisait pas à la condition de durée minimale requise par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur les dispositions de la loi du 11 juillet 1957 relative à la preuve du mariage contracté en Algérie suivant les règles du droit musulman, en particulier celles de son article 6, qui prévoyaient qu'un mariage non inscrit sur les registres d'état-civil pouvait, du vivant des époux et à leur demande, être inscrit sur ces registres, le mariage n'étant alors réputé exister qu'à dater de cette inscription, et celles de son article 7 permettant aux époux, ou à l'un d'entre eux en cas de décès ou de dissolution du mariage, de requérir du tribunal civil qu'il ordonne l'inscription du mariage sur les registres d'état-civil, le mariage prenant alors effet à dater du jour reconnu par le jugement comme étant celui de la célébration de l'union. Le tribunal administratif, après avoir retenu que le mariage n'avait été transcrit sur les registres d'état-civil que le 17 avril 2006, en a déduit que la requérante n'établissait pas que son mariage avait duré au moins quatre ans avant le décès, en 1980, de son époux. 7. Toutefois, contrairement à des dispositions antérieurement applicables, ni les dispositions de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, ni celles auxquelles cet article renvoie, ni celles des textes pris pour son application, applicables en l'espèce, ne renvoient, pour déterminer les conditions dans lesquelles peut être rapportée la preuve de la date d'un mariage célébré en Algérie, à la loi du 11 juillet 1957. Il suit de là que, dès lors que l'annexe 3 de l'arrêté du 30 décembre 2010, pris pour l'application de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010, exige comme seule pièce justificative pour établir la réalité du mariage du demandeur de la pension de réversion avec son ayant cause " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ", un tel document fait foi en toutes ses mentions, notamment la date de la célébration, dans les conditions fixées par l'article 47 du code civil. Par suite, en se fondant sur les dispositions de la loi du 11 juillet 1957, le tribunal a commis une erreur de droit. Mme C... est, dès lors, fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à cet avocat.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 18 juillet 2019 du tribunal administratif de Poitiers est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme C..., une somme de 2 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C..., veuve D..., à la ministre des armées et au ministre de l'action et des comptes publics.ECLI:FR:CECHR:2021:434588.20210304
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/02/2021, 19NT03866, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans d'annuler la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/00006 du 8 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans a retenu le taux de 10 % pour la paralysie faciale dont M. B... souffre et qui est imputable au service. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 13 mai 2019 sous le n° 19/01719 au greffe de la cour régionale des pensions d'Orléans, puis sous le n° 19NT03866 devant la présente cour, laquelle est devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans. Elle soutient que : - le jugement du 8 mars 2019, qui ne se réfère à aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), est entaché d'un défaut de base légale et méconnaît les dispositions de l'article L. 711-6 du code de justice administrative ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en accordant un droit à pension au taux de 10 % pour une maladie constatée hors période de guerre ; M. B... ne peut bénéficier de la présomption prévue au 2° de l'article 3 du CPMIVG dès lors que sa maladie a été constatée le 23 décembre 2014. En dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 8 octobre 2020, M. B... n'a pas produit de mémoire en défense. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et notamment son article 51 ; - le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... qui est né le 21 février 1982, est entré dans l'armée de l'air le 13 juin 2001. Il a bénéficié de plusieurs contrats avant d'être admis dans le corps des militaires des techniciens de l'air. Il est arrivé au Burkina-Faso, le 25 novembre 2014, dans le cadre de l'opération extérieure Sabre et Barkhane. Le 17 avril 2015, il a sollicité une pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles de paralysie faciale a frigore de l'hémiface gauche, douleur oculaire, insuffisance d'occlusion palpébrale, gêne au courant d'air et poussières ". Par une décision du 17 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que l'infirmité dont souffre l'intéressé est évaluée à un taux de 10 %, inférieur à celui de 30 % requis pour l'ouverture du droit à pension en cas de maladie associée à des infirmités résultant de blessures[GO1]. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans, qui par un jugement avant-dire droit du 21 juillet 2017, a ordonné une expertise afin de déterminer l'origine de son infirmité. La ministre des armées relève appel du jugement du 8 mars 2019, par lequel ce tribunal a jugé que M. B... avait contracté une maladie alors qu'il était en service au Mali, qu'il avait souffert d'une paralysie faciale justifiant un taux d'invalidité de 10 % et que cette paralysie faciale était imputable au service. 2. Aux termes de l'article L.4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 3 du même code :" Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers (...) ". 3. Dans son avis émis le 30 juin 2016, la commission consultative médicale a estimé que la paralysie faciale dont a été victime M. B... à compter du 23 décembre 2014, en l'absence de facteur traumatique déclenchant, constituait une maladie " hors guerre " dont le taux d'invalidité devait être évalué à 10 %. La commission de réforme des pensions militaires d'invalidité, lors de sa séance du 13 octobre 2016, a confirmé cette analyse. Dans son rapport d'expertise du 30 juin 2018, le professeur Bernard, a également constaté que l'intéressé, sans antécédent médical notable, avait présenté une paralysie faciale causée par une piqûre d'insecte ou d'araignée, à l'origine d'une invalidité permanente partielle de 10 % compte tenu de son déficit de l'occlusion palpébrale gauche et de la contractilité de sa pommette gauche. Aucun autre document médical n'infirme ce taux de 10 % unanimement retenu. Par suite, et ainsi que l'a indiqué le ministre de la défense dans sa décision du 17 octobre 2016, ce taux est inférieur à celui de 30 % prévu au 2° de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et ne permet pas à M. B... de percevoir une pension militaire d'invalidité. En outre, l'intéressé, qui a présenté cette pathologie un peu moins d'un mois après le début de sa mission au Burkina-Faso, ne peut bénéficier de la présomption prévue au 2° de l'article 3 du même code. 4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans a alloué à M. B... une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans en date du 8 mars 2019 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour les séquelles qu'il conserve à la suite d'une paralysie faciale gauche, ainsi que ses conclusions tendant à l'octroi d'une telle pension, sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... B.... Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021. Le rapporteur, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. [GO1]L.4, 2°, verbatim Je pensais qu'il entrait dans le 3° en l'absence de blessure ' Ok pour maladie suite blessures 2° 2 N° 19NT03866
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 09/03/2021, 18DA01285, Inédit au recueil Lebon
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, - et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêt du 26 mai 2020, la cour administrative d'appel, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... tendant à l'annulation du jugement n° 1504146 du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 13 février 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer a reconnu imputable au service l'accident survenu le 14 mai 2012 en fixant la date de la guérison au 19 novembre 2014 et refusé de reconnaître l'existence d'une incapacité permanente partielle, ensemble la décision du 12 mars 2015 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de fixer a minima l'incapacité permanente partielle dont elle souffre à 10 % et de prendre en charge les soins jusqu'à la date de la consolidation, a ordonné une expertise en vue d'apprécier s'il existe un lien de causalité entre l'accident de service survenu le 14 mai 2012 et les douleurs ressenties par Mme C... dans l'épaule, le bras et l'avant-bras gauche depuis cette date, si un état antérieur de Mme C... peut expliquer ces douleurs et, le cas échéant, de fixer la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente partielle dont demeure atteinte Mme C.... Le rapport de l'expert a été enregistré le 3 novembre 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. 4. Il ressort des pièces du dossier et, notamment du rapport d'expertise remis par le docteur Jarde le 3 novembre 2020 qui, bien que postérieur à la date de la décision attaquée, avait précisément pour objet de porter une appréciation sur le lien de causalité entre les douleurs ressenties par Mme C... à cette date et l'accident de service survenu le 14 mai 2012, d'une part, que ces douleurs sont en lien direct et certains avec cet accident et, d'autre part, que la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressée doit être fixée au 2 mars 2015. 5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision du 13 février 2015 en tant qu'elle refusait la prise en charge des honoraires médicaux et frais directement entraînés par l'accident de service au-delà du 19 novembre 2014. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 14 mai 2012 et décidant la prise en charge des honoraires médicaux et frais exposés par Mme C... jusqu'au 2 mars 2015. 7. En revanche, aucun texte ni aucun principe ne prévoit que l'autorité hiérarchique, lorsqu'elle adopte une décision reconnaissant l'imputabilité au service d'un accident, se prononce sur le taux d'incapacité permanente partielle dont demeure atteinte l'intéressée. Par suite, si, dans le cadre d'une demande que Mme C... se croirait fondée à formuler sur le fondement des dispositions du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, le directeur du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer ne pourrait retenir un taux d'incapacité permanente partielle inférieure à 25 %, conformément aux conclusions du rapport d'expertise, l'exécution du présent arrêt n'implique pas que, dans le cadre de la nouvelle décision relative à la seule reconnaissance d'imputabilité qu'il devra prendre, le directeur du centre hospitalier détermine le taux d'incapacité permanente partielle dont demeure atteinte Mme C.... Sur les frais d'expertise : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise fixés à la somme de 1 800 euros par l'ordonnance de taxation en date du 17 novembre 2020 du président de la cour, à la charge définitive du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 26 avril 2018 et la décision du directeur du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer du 13 février 2015, ensemble la décision du 12 mai 2015 rejetant le recours gracieux, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime Mme C... et décidant la prise en charge des honoraires médicaux et frais exposés par Mme C... jusqu'au 2 mars 2015. Article 3 : Les frais d'expertise d'un montant de 1 800 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer. Article 4 : Le centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté. Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer. Copie sera adressée pour information au docteur Olivier Jarde. 2 N°18DA01285
Cours administrative d'appel
Douai
Conseil d'État, 6ème chambre, 03/03/2021, 432081, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions d'Angers d'annuler l'arrêté de concession de pension militaire d'invalidité du 16 août 2016 rejetant sa demande tendant à la révision de sa pension afin que lui soit accordée une pension militaire d'invalidité d'un taux supérieur à 85 % à compter du 17 mai 2011. Par un jugement n° RG 16/00009 du 15 juin 2018, le tribunal des pensions a rejeté sa demande. Par un arrêt n° RG 18/00003 du 26 avril 2019, la cour régionale des pensions d'Angers a, sur appel de M. B..., réformé ce jugement et jugé que le taux de la pension d'invalidité de l'intéressé devait être calculé, à compter du 17 mai 2011, en tenant compte d'une hypoacousie bilatérale au taux de 100%. Par un pourvoi, enregistré le 1er juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il réforme le jugement du tribunal des pensions ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions de l'appel de M. B... tendant à la révision de sa pension pour aggravation de son hypoacousie bilatérale. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme A... D..., auditrice, - les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 16 août 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande, présentée par M. B... le 8 avril 2014, tendant à ce que sa pension militaire d'invalidité soit révisée afin qu'elle lui soit accordée à un taux supérieur à 85 % à compter du 17 mai 2011. Par un arrêt du 26 avril 2019 contre lequel la ministre des armées se pourvoit en cassation, la cour régionale des pensions d'Angers a réformé le jugement du tribunal des pensions d'Angers du 15 juin 2018 rejetant la demande formée par M. B... contre ce refus et jugé que le taux de la pension d'invalidité de l'intéressé devait être calculé, à compter du 17 mai 2011, en tenant compte d'une hypoacousie bilatérale au taux de 100%. 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme (...). / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 29 du même code, alors applicable : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée ". 3. Il résulte de ces dispositions que la révision d'une pension d'invalidité prend effet à compter de la date de dépôt de la demande présentée à cette fin. Par suite, en jugeant que le taux de la pension révisée à laquelle M. B... avait droit devrait être calculé à compter du 17 mai 2011, date de sa demande de pension initiale, et non à compter du 8 avril 2014, date de sa demande de révision, la cour régionale des pensions d'Angers a entaché son arrêt d'une erreur de droit. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la ministre des armées est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il réforme le jugement du tribunal des pensions. 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions d'Angers du 26 avril 2019 est annulé en tant qu'il réforme le jugement du tribunal des pensions d'Angers du 15 juin 2018. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes. Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. C... B.... ECLI:FR:CECHS:2021:432081.20210303
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 16/02/2021, 18MA02775, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Orange à lui verser la somme totale de 281 093,81 euros ou, subsidiairement, la somme totale de 262 221,33 euros. Par un jugement n° 1605569 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 14 juin 2018, Mme A..., représentée par Me C..., doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 avril 2018 ; 2°) de condamner la société Orange à lui verser la somme totale de 287 374,61 euros ou, subsidiairement, la somme totale de 268 502,13 euros, en réparation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis, ainsi qu'au titre de diverses primes et indemnités qu'elle estime lui être dues. 3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral ayant entraîné la reconnaissance d'une maladie professionnelle en août 2013 et sa mise à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 1er mai 2014 ; - sa mise à la retraite anticipée pour invalidité a été décidée sans qu'il soit procédé à son reclassement, en méconnaissance des dispositions de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 ; - elle est fondée à solliciter une indemnisation des préjudices financier et moral subis ; - elle est également fondée à solliciter le paiement de compléments de rémunération qui lui sont dues. Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2018, la société Orange, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; - subsidiairement, les préjudices allégués ne sont pas certains ; - Mme A... n'est pas fondée à solliciter le versement de primes et indemnités compte tenu des sommes qui lui ont été versées à ce titre depuis le mois d'avril 2012. Par une ordonnance du 5 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2019. Les mémoires présentés par Mme A... les 4 février et 3 juin 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'ont pas été communiqués. Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la responsabilité sans faute de la société Orange peut être engagée à l'égard de Mme A..., victime d'une maladie imputable au service, en réparation des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par cette maladie, ainsi que des préjudices personnels subis du fait de cette maladie. Des mémoires, enregistrés le 1er février 2021, ont été présentés, respectivement pour Mme A... et pour la société Orange, en réponse à ce moyen relevé d'office. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Roux, rapporteur public, - et les observations de Me D..., représentant la société Orange. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... relève appel du jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Orange, d'une part, à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de fautes commises par son employeur à la fin de sa carrière et, d'autre part, à lui verser différentes sommes qu'elle estime lui être dues. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". 3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. Une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, lequel se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement ainsi que d'un lien entre ces souffrances et ces agissements. 4. Mme A... soutient avoir été victime, à compter du mois d'octobre 2010, d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques et, en particulier, de la nouvelle responsable de la boutique Orange de La Valentine au sein de laquelle elle exerçait ses fonctions depuis de nombreuses années, ainsi que de la nouvelle cheffe du secteur dont relève cette boutique. L'intéressée fait état de la dégradation de ses conditions de travail à cette époque et évoque les pressions alors exercées sur les membres du personnel de la société Orange occupant, comme elle, des postes d'adjoint au responsable de boutique, lesquels ont été remplacés par les postes d'adjoint en charge de l'activité commerciale. Mme A... soutient avoir été contrainte de présenter sa candidature au nouveau poste d'adjoint en charge de l'activité commerciale et avoir fait l'objet, lors de son entretien de recrutement au mois d'avril 2011, de vifs reproches infondés relatifs notamment à sa manière de servir. Elle se prévaut également de la modification de l'intitulé de ses fonctions sur ses bulletins de paie ainsi que sur différents documents internes. L'intéressée, qui a été placée en arrêt de travail du 12 mai au 1er juin 2011 en raison d'un syndrome anxio-dépressif, fait en outre état d'une altercation houleuse avec sa responsable de boutique au cours du mois de septembre 2011 et précise que cet incident est à l'origine de son placement en congé de maladie à compter du 28 septembre 2011. Au vu notamment du rapport d'expertise établi le 13 mai 2013 par le docteur Torres dans le cadre de la demande de l'intéressée tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif, les éléments dont se prévaut ainsi Mme A... sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral. 5. Toutefois, ainsi que le relève la société Orange, les difficultés professionnelles alléguées s'inscrivent dans un contexte général de réorganisation de ses boutiques qui a pu favoriser un climat de tensions et provoquer le mécontentement de nombreux membres de son personnel. Il ne résulte pas de l'instruction que la nouvelle responsable de la boutique Orange de La Valentine, avec laquelle Mme A... indique d'ailleurs avoir eu des " divergences d'opinions ", ainsi que la nouvelle cheffe du secteur dont relève cette boutique, auraient effectivement exercé des pressions sur l'intéressée afin de lui nuire ou de la mettre à l'écart. Si l'intitulé du poste de " responsable d'une équipe commerciale " de Mme A... a été remplacé par celui de " conseiller commercial " sur ses bulletins de paie des mois d'avril et de mai 2011, cette circonstance ne saurait suffire à établir une situation de harcèlement moral, alors que cette indication erronée a été corrigée dès le mois de juin 2011 et qu'il n'est pas établi que cette modification d'intitulé se serait accompagnée d'une modification effective des fonctions alors exercées par l'intéressée. Par ailleurs, les circonstances alléguées qu'à son retour de congé de maladie au début du mois de juin 2011, Mme A... était désignée comme " vendeur ", et non plus comme " manager ", sur le planning interne de la boutique de La Valentine, qu'elle ne figurait plus sur les listes de diffusion et ne recevait ainsi plus d'informations relatives notamment au poste d'adjoint ainsi qu'aux directives concernant la gestion de la boutique et qu'elle était identifiée comme " vendeur leader " dans l'annuaire interne, alors qu'elle était jusqu'alors désignée en qualité d'adjointe au responsable de boutique, ne sont pas de nature à établir que Mme A... aurait fait l'objet, ainsi qu'elle le soutient, d'un changement d'affectation constituant une sanction déguisée et ne sauraient suffire à caractériser une situation de harcèlement. Ensuite, l'appelante ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des reproches formulés par sa hiérarchie lors de son entretien de recrutement sur le poste d'adjoint en charge de l'activité commerciale au mois d'avril 2011, ainsi que de l'altercation houleuse qu'elle aurait eu au mois de septembre 2011 avec sa responsable de boutique. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la candidature de Mme A... au poste d'adjoint en charge de l'activité commerciale n'aurait pas été retenue pour des motifs erronés et injustifiés. Il résulte également de l'instruction que la société Orange a diligenté une enquête interne pour harcèlement moral à la suite du dépôt de la demande de Mme A... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie dépressive et que cette enquête n'a pas mis en évidence un tel harcèlement. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, alors que la société Orange a reconnu l'imputabilité au service de la maladie de Mme A..., que la mise à la retraite pour invalidité de l'intéressée reposerait sur des considérations étrangères à son état de santé. Il résulte de ce qui précède que les agissements dont se prévaut Mme A... ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et ne présentent pas le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de la société Orange. 6. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que la société Orange aurait procédé au changement d'affectation de Mme A... au cours de l'année 2011. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à se prévaloir d'un changement d'affectation constitutif d'une sanction déguisée, ni à arguer de l'existence d'une faute de la société Orange résultant du non-respect de la procédure disciplinaire. 7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) ". L'article 1er du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 dispose que : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ". Selon l'article 2 du même décret, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ". 8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction. 9. Il résulte de l'instruction que, dans son avis émis le 25 juillet 2013, la commission de réforme a déclaré Mme A... inapte à l'exercice de toute fonction. Le rapport d'expertise établi le 13 mai 2013 par le docteur Torres précise d'ailleurs que l'intéressée " est d'accord à présent pour une invalidité, car elle se rend compte qu'elle n'est plus capable de travailler ". Dans ces conditions, et faute pour l'appelante de produire des éléments probants de nature à établir qu'elle aurait été apte à occuper un emploi aménagé, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la société Orange aurait commis une faute en s'abstenant de lui proposer un reclassement avant de procéder à sa mise à la retraite pour invalidité. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 10. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 11. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme A..., qui bénéficie d'une rente viagère d'invalidité, est en droit de prétendre, même en l'absence de faute commise par la société Orange, à la réparation des préjudices personnels subis, tels que les souffrances morales notamment, en lien direct et certain avec sa maladie professionnelle. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise établi le 13 mai 2013 par le docteur Torres, que Mme A... a souffert, du fait de sa maladie reconnue imputable au service, d'un syndrome anxio-dépressif. Il sera fait une juste appréciation des douleurs morales subies par l'intéressée en lui allouant une somme de 3 000 euros à ce titre. En ce qui concerne le surplus des conclusions indemnitaires : 12. En premier lieu, Mme A... sollicite, en se prévalant de la convention collective nationale des télécommunications, le versement d'une indemnité de licenciement ou, subsidiairement, d'une indemnité de départ en retraite. Toutefois, en sa qualité de fonctionnaire de la société Orange, l'intéressée, qui a été mise à la retraite pour invalidité et ne saurait être regardée comme ayant été licenciée, n'est pas fondée à réclamer le bénéfice de ces indemnités prévues par les articles 4-4-1-2 et 4-4-2 de cette convention, lesquels ne régissent pas sa situation. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre. 13. En second lieu, si Mme A... réclame le paiement de la somme totale de 16 668,80 euros, assortie des intérêts, au titre de diverses primes et indemnités qu'elle estime lui être dues, elle ne produit aucun élément probant de nature à justifier du bien-fondé de ses prétentions indemnitaires à ce titre. Dans ces conditions, et alors d'ailleurs que la société Orange relève, sans être contredite sur ce point, qu'une somme totale de 24 632,05 euros a été versée à l'intéressée au titre des différents compléments de rémunération en cause entre 2012 et 2014, cette dernière demande doit être rejetée. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler ce jugement, de condamner la société Orange à verser à l'intéressée une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice tenant aux souffrances morales endurées du fait de sa pathologie dépressive et de rejeter le surplus des conclusions indemnitaires de Mme A.... Sur les frais liés au litige : 15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 avril 2018 est annulé. Article 2 : La société Orange est condamnée à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros. Article 3 : La société Orange versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et à la société Orange. Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient : - Mme Simon, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - Mme E..., première conseillère, - M. B..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021. 5 N° 18MA02775
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/02/2021, 19NT02469, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 74 173,20 euros, majorée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'accident de service dont il a été victime le 10 juillet 2013. Par un jugement n° 1605549 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 23 139 euros, majorée des intérêts à compter du 18 avril 2016 (article 1er) et a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise d'un montant de 3 480 euros (article 2) ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3). Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 juin 2019, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que la responsabilité sans faute de l'Etat était engagée du fait de l'accident dont a été victime M. A... dans le cadre de son activité de sapeur-pompier volontaire et que l'article 19 de la loi du 31 décembre 1991 permettait d'indemniser les préjudices non réparés par la pension militaire d'invalidité ; - les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ne sont pas réunies dès lors que l'Etat, qui n'est intervenu à aucun titre dans l'organisation de l'activité au cours de laquelle M. A... a été blessé, ne peut être tenu de supporter les risques inhérents aux fonctions de sapeur-pompier volontaire à l'occasion desquelles il a subi un dommage ; la requête est mal dirigée. Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête[MF1] et demande à la cour par la voie de l'appel incident : 1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2019 en ce qu'il rejette l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat ; 2°) de condamner l'Etat à réparer ses préjudices à hauteur de la somme totale de 50 559 euros, somme majorée des intérêts à compter du 18 avril 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a estimé qu'il était en droit de bénéficier d'une indemnisation complémentaire sur le fondement de la responsabilité pour risque au titre de l'accident de service ; s'il ne fait pas usage de son droit d'option, le militaire demeure sous la responsabilité de l'Etat qui l'emploie ; il revient à l'Etat d'indemniser le militaire qu'il a autorisé à s'engager dans les corps des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident de service ; - c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes n'a pas retenu la responsabilité pour faute dès lors que son action était bien dirigée contre l'Etat, à charge pour ce dernier d'exercer ensuite une action récursoire à l'encontre du SDIS[MF2] ; l'exercice au cours duquel il a été blessé était mal encadré au regard des normes de sécurité en vigueur et du risque ; - le tribunal administratif de Rennes n'a pas évalué ses préjudices à leur juste mesure dès lors que son préjudice de carrière doit être indemnisé à hauteur de la somme de 9 000 euros, le préjudice lié aux souffrances qu'il a endurées doit être indemnisé à hauteur de la somme de 16 500 euros, son préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de la somme de 12 000 euros et que les frais d'expertise et d'avocat s'élèvent à la somme de 7 440 euros. Par courrier du 27 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de M. A... relatives à l'engagement de la responsabilité de l'Etat pour faute. Des observations en réponse à ce moyen relevé d'office, enregistrées le 21 décembre 2020, ont été présentées par la ministre des armées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°91-1389 du 31 décembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public, - et les observations de Me B..., représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., sergent-chef engagé dans l'armée de terre depuis le 1er mars 2008 et en qualité de pompier volontaire dans le corps départemental des sapeurs-pompiers des Yvelines depuis le 1er juin 2012, s'est blessé le 10 juillet 2013 en effectuant un exercice lors d'un stage organisé dans le cadre de la formation de sapeur-pompier. A la suite de cet accident, il a été placé en congé de maladie imputable au service puis en congé de longue maladie jusqu'au 17 août 2015. Une pension militaire d'invalidité au taux de 20% lui a été concédée à ce titre. Après que les experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ont remis leur rapport, M. A... a sollicité, le 18 avril 2016, auprès du ministre de la défense, l'indemnisation des préjudices subis résultant de l'accident du 10 juillet 2013. En l'absence de réponse expresse, il a saisi le 25 juillet 2016 la commission de recours des militaires. Sa demande ayant été implicitement rejetée, il a sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 74 173,20 euros majorée des intérêts au taux légal. Par un jugement du 4 avril 2019, ce tribunal a condamné l'Etat à lui verser une somme de 23 139 euros, majorée des intérêts à compter du 18 avril 2016 (article 1er) et a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise d'un montant de 3 480 euros (article 2) ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3). La ministre des armées relève appel de ce jugement. M. A... sollicite, pour sa part, par la voie du recours incident, la réformation de son article 1er. Sur la responsabilité sans faute[GO3] : 2. Aux termes de l'article 1-5 de la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers : " Une protection sociale particulière est garantie au sapeur-pompier volontaire par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service : " Le sapeur-pompier volontaire victime d'un accident survenu ou atteint d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service a droit, dans les conditions prévues par la présente loi : 1° Sa vie durant, à la gratuité des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires ainsi que des frais de transport, d'hospitalisation et d'appareillage et, d'une façon générale, des frais de traitement, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation professionnelle directement entraînés par cet accident ou cette maladie ; 2° A une indemnité journalière compensant la perte de revenus qu'il subit pendant la période d'incapacité temporaire de travail ; 3° A une allocation ou une rente en cas d'invalidité permanente. En outre, il ouvre droit pour ses ayants cause aux prestations prévues par la présente loi (...) ". L'article 19 de la même loi dispose que : " Les sapeurs-pompiers volontaires qui sont fonctionnaires, titulaires ou stagiaires, ou militaires bénéficient, en cas d'accident survenu ou de maladie contractée dans leur service de sapeur-pompier, du régime d'indemnisation fixé par les dispositions statutaires qui les régissent./ Les intéressés peuvent toutefois demander, dans un délai déterminé à compter de la date de l'accident ou de la première constatation médicale de la maladie, le bénéfice du régime d'indemnisation institué par la présente loi s'ils y ont intérêt. /En cas de retard ou de défaillance dans la mise en oeuvre du régime d'indemnisation incombant à l'autorité d'emploi compétente en application du premier alinéa, le service départemental d'incendie et de secours procède au règlement immédiat des prestations afférentes au régime d'indemnisation institué par la présente loi et se fait rembourser ces prestations. ". 3. Les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991 déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle peuvent prétendre, au titre des préjudices liés aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par cet accident ou cette maladie. Le sapeur-pompier volontaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels peut obtenir de la personne publique auprès de laquelle il est engagé, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ou engager contre la personne publique une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 4. M. A..., sous-officier de l'armée de terre, s'est blessé le 10 juillet 2013 en effectuant un exercice lors d'un stage organisé dans le cadre de la formation de sapeur-pompier à laquelle il participait en raison de son engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire dans le corps départemental des sapeurs-pompiers des Yvelines depuis le 1er juin 2012. En application de ce qui a été dit au point 3, il avait la possibilité d'obtenir, sur le fondement de la responsabilité sans faute, la réparation des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux couverts par la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée et de ses préjudices personnels auprès de la personne publique auprès de laquelle il était engagé au moment de sa blessure, qui constitue le fait générateur du dommage réparé, à savoir le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Yvelines. La circonstance qu'il bénéficiait, en vertu de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1991, du régime d'indemnisation fixé par les dispositions statutaires qui régissent les militaires, n'était pas de nature à lui permettre de diriger son action indemnitaire contre une autre personne publique que le SDIS des Yvelines. Par suite, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a estimé que la responsabilité de l'Etat pouvait être engagée à ce titre. Il y lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande indemnitaire, mal dirigée, de M. A..., à qui il appartiendra, s'il s'y croit fondé, de présenter une demande auprès du SDIS des Yvelines. Sur la responsabilité pour faute[GO4] : 5. L'appel incident formé par M. A..., enregistré après l'expiration du délai d'appel, dirigé contre le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat, soulève un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal de la ministre des armées dès lors qu'il ne se rattache pas au même fait générateur que l'engagement de la responsabilité pour risque. Ces conclusions sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante. Par suite, les conclusions de M. A... présentées sur ce fondement doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La demande de M. A... et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... A.... Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président assesseur, - Mme D..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021 Le rapporteur, F. D...Le président, O. GASPON Le greffier, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. [MF1]P 33 du PDF (p 13 de la requête) [MF2]P 36 du PDF (p 16) : En revanche...le jugement du TA de Rennes sera infirmé. Mais l'argumentation est peu claire. [GO3]Je ne sais plus quel est le terme " labellisé ", risque ou sans faute ' [GO4]Ce n'est pas à traiter en premier (recevabilité appel) ' mais il est vrai que ce n'est pas le requête d'appel 1 N° 19NT02469 2 1
Cours administrative d'appel
Nantes