Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
5916 résultats
Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 11/07/2008, 295816, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 14 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Kheira A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 9 mai 2006 de la cour régionale des pensions de Montpellier, en tant qu'il confirme le jugement du 25 juin 2003 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault rejetant sa demande de pension fondée sur l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en sa qualité d'ayant cause de son mari Safi B décédé en Algérie en 1962 ; 2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du chef de service des ressortissants à l'étranger de Château-Chinon du 9 juillet 2001 et d'enjoindre à l'Etat de lui accorder le bénéfice d'une pension de réversion ou, à défaut, d'enjoindre à l'Etat d'examiner à nouveau sa demande de pension, dans un délai de quinze jours, sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi nº 74-1044 du 9 décembre 1974 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur, -les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A, - les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, introduit dans ce code par la loi du 9 décembre 1974, et des articles L. 43 et L. 241 du même code que les ayants cause des membres des forces supplétives françaises ayant participé à la guerre d'Algérie entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 sont susceptibles d'avoir droit à pension, si la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le décès, postérieurement au 2 juillet 1962, d'un membre des forces supplétives françaises ayant participé à la guerre d'Algérie peut ouvrir au conjoint survivant droit à pension, s'il est établi que l'événement ou l'accident qui est à l'origine du décès a été éprouvé par le fait du service ; Considérant que, pour rejeter la demande de Mme A tendant au bénéfice d'une pension sur le fondement de l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en sa qualité d'ayant cause de son mari, ancien membre des forces supplétives françaises ayant participé à la guerre d'Algérie, décédé le 8 juillet 1962, la cour régionale des pensions de Montpellier s'est fondée sur ce que, à la date de son décès, M. B ne se trouvait plus sous le commandement militaire français ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que le lui demandait la requérante, si ce décès résultait d'un événement de guerre ou d'un accident éprouvé par le fait du service, la cour régionale des pensions n'a pas légalement justifié sa décision ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il porte sur la demande de pension fondée sur les dispositions de l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ; Considérant, d'une part, que les pensions servies en application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre citées plus haut constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les stipulations de l'article 14 de la même convention font obstacle à ce que les personnes pouvant prétendre à ces pensions soient traitées de manière discriminatoire ; que tel est le cas lorsqu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; Considérant que le deuxième alinéa de l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre subordonne le bénéfice des droits à pension qu'il ouvre aux membres des forces supplétives françaises ayant participé à la guerre d'Algérie ainsi qu'à leurs ayants cause à la condition, notamment, que les intéressés possèdent la nationalité française à la date de présentation de leur demande ; qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 9 décembre 1974, dont ces dispositions sont issues, qu'elles avaient notamment pour objet d'étendre aux membres des forces supplétives françaises ayant combattu aux côtés des militaires français au cours de la guerre d'Algérie le bénéfice des prestations que le Livre Ier de ce code reconnaît aux militaires ; que toutefois, eu égard à l'objet de ces pensions et alors même que la condition de nationalité n'est pas applicable aux ressortissants étrangers qui résident en France, la différence de traitement entre les personnes concernées, selon qu'elles ont ou non la nationalité française, ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec cet objectif et n'est donc pas justifiée ; qu'en raison de l'incompatibilité de cette condition avec les stipulations rappelées ci-dessus, la circonstance que Mme A n'avait pas la nationalité française à la date de sa demande ne saurait légalement justifier le refus de lui accorder une pension sur le fondement de l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Considérant, d'autre part, que Mme A soutient, sans être contredite, que son mari a été fait prisonnier avant le 2 juillet 1962 alors qu'il faisait partie des forces supplétives participant à la guerre d'Algérie ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de deux témoignages concordants, que ce dernier a été tué par des partisans du Front de libération nationale le 8 juillet suivant ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, ce décès doit être regardé comme survenu par le fait du service ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a rejeté sa demande de pension fondée sur l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que la décision du chef du service des ressortissants à l'étranger de Château-Chinon du 9 juillet 2001 rejetant la demande de pension présentée par l'intéressée, et d'enjoindre au ministre de la défense d'accorder à celle-ci le bénéfice de la pension sollicitée à compter de la date de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ; Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 500 euros demandée à ce titre ; D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 9 mai 2006, le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault du 25 juin 2003 et la décision du chef du service des ressortissants à l'étranger de Château-Chinon du 9 juillet 2001 sont annulés en tant qu'ils rejettent la demande de pension présentée par Mme A sur le fondement de l'article L. 243 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Article 2 : Il est enjoint à l'Etat, dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, d'accorder à Mme A le bénéfice d'une pension à compter de la date de sa demande. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A, la somme de 2 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A devant le Conseil d'Etat est rejeté. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Kheira A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 25/07/2008, 310065, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 octobre 2007 et 31 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat : 1°) de rectifier pour erreur matérielle l'ordonnance n° 304784 du 30 mai 2007 par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat n'a pas admis son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt du 13 février 2007 de la cour régionale des pensions de Montpellier réformant le jugement du 23 juin 2004 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault en ce qu'il a jugé que M. A était en droit de bénéficier des dispositions de l'article L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; 2°) d'annuler l'arrêt attaqué par la requête n° 304784 et de rejeter la requête d'appel du ministre de la défense ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Boré et Salve de Bruneton au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A, - les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;Considérant qu'aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : « Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification » ; Considérant que, par ordonnance en date du 30 mai 2007, le pourvoi de M. A tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 13 février 2007 n'a pas été admis, en l'absence notamment de tout exposé de moyens de droit dirigés contre l'arrêt attaqué ; Considérant que l'irrecevabilité pour défaut de motivation d'un pourvoi ne peut être opposée que si, dans l'hypothèse où le requérant a formé une demande d'aide juridictionnelle, la décision de rejet de cette demande est devenue définitive ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A a été rejetée comme devenue sans objet par une décision du 30 août 2007, notifiée à l'intéressé le 10 octobre 2007, soit postérieurement à la date à laquelle l'ordonnance rejetant son pourvoi a été prise ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce et eu égard aux demandes d'aide juridictionnelle présentées par M. A les 17 avril 2007 et 12 octobre 2007 et à la suite qui leur a été réservée, la fin de non-recevoir opposée par le ministre pour tardiveté doit être rejetée ; qu'ainsi, la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par M. A est recevable et qu'il y a lieu de statuer à nouveau sur son pourvoi ; Considérant, en premier lieu, qu'en application du b) de l'article L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les titulaires de la carte de combattant, pensionnés pour une infirmité entraînant à elle seule un degré d'invalidité d'au moins 85 % ou pour des infirmités multiples entraînant globalement un degré d'invalidité égal ou supérieur à 85 % et résultant de maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service, à charge pour les intéressées de rapporter la preuve que celle-ci a été contractée dans une unité combattante, bénéficient des majorations de pensions et des allocation spéciales prévues par les articles L. 17 et L. 38 du même code ; qu'il résulte de ces dispositions que ne peuvent ouvrir droit au bénéfice des avantages qu'elles instituent que les infirmités qui remplissent la double condition d'entraîner un taux d'invalidité d'au moins 85 % et d'avoir été contractées exclusivement par le fait ou à l'occasion du service ; qu'ainsi, en refusant à M. A le bénéfice des dispositions de cet article, après avoir relevé que la condition tenant à l'exclusivité de l'imputabilité au service de la maladie n'était pas remplie, la cour régionale des pensions de Montpellier n'a pas commis d'erreur de droit ; Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que la maladie de M. A était partiellement due à un état antérieur, tout en confirmant le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault jugeant que M. A souffrait d'un syndrome psycho-traumatique de guerre, maladie qui peut avoir pour origine une fragilité psychologique antérieure, la cour régionale des pensions de Montpellier n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ; qu'elle n'a pas davantage entaché son arrêt d'une contradiction dans le dispositif, dès lors qu'en réformant le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault en ce qu'il juge que M. A est en droit de bénéficier des dispositions de l'article L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, elle a implicitement, mais nécessairement, réformé la partie du jugement relative à l'absence d'un état antérieur de fragilité psychologique ; Considérant, enfin, que la cour régionale des pensions de Montpellier, en se fondant sur les arrêtés de concession de pension pour juger que la maladie de M. A était partiellement imputable à un état antérieur, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation et a suffisamment motivé son arrêt ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 13 février 2007 ; que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le recours en rectification d'erreur matérielle présenté par M. A est admis. Article 2 : L'ordonnance du 30 mai 2007 du président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat est déclarée nulle et non avenue. Article 3 : Le pourvoi de M. A est rejeté. Article 4 : Les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Robert A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 07/07/2008, 276273
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 19 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eric A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 16 novembre 2004 par lequel la cour régionale des pensions de Bordeaux a annulé le jugement du 23 mai 2003 par lequel le tribunal départemental des pensions de la Gironde lui avait accordé une pension d'invalidité au taux de 10 % ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959, notamment son article 11 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes, - les observations de Me Blanc, avocat de M. A, - les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction issue du décret du 30 octobre 1996 : « Les décisions du tribunal départemental des pensions sont susceptibles d'appel devant la cour régionale des pensions soit par l'intéressé, soit par l'Etat. L'appel présenté au nom de l'Etat est formé par le préfet de la région dans laquelle la cour régionale des pensions compétente a son siège ; toutefois, l'appel est formé par le ministre intéressé lorsque le litige soulève une question relative à l'état des personnes, à la nationalité ou à l'application des articles L. 78 ou L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ou lorsque la décision litigieuse a été prise par le ministre de la défense. / (...) Les règles posées par les articles précédents pour la procédure à suivre devant le tribunal départemental sont (...) applicables devant la cour. (...) » ; que s'il résulte de la combinaison de cet article et des autres dispositions du décret du 20 février 1959 que l'administration est représentée devant la cour régionale des pensions, comme devant le tribunal départemental des pensions, par un commissaire du gouvernement désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, et que, notamment, c'est à lui que sont notifiés les jugements du tribunal et les arrêts de la cour, il ne s'en déduit pas que ce fonctionnaire a qualité, même sur instruction en ce sens, pour former appel au nom de l'Etat dans les cas où cette compétence a été expressément réservée au ministre ; que dans ces cas, seul le ministre ou une personne ayant régulièrement reçu de lui délégation à cet effet a compétence pour signer la requête par laquelle il est fait appel d'un jugement du tribunal des pensions ; Considérant qu'en l'espèce, la décision contestée par M. A a été prise par le ministre de la défense ; qu'il est constant que l'acte d'appel a été signé par le commissaire du gouvernement près la cour régionale des pensions de Bordeaux au nom du directeur interdépartemental d'Aquitaine des anciens combattants et victimes de guerre ; qu'il résulte de ce qui a été indiqué ci-dessus qu'en l'absence de régularisation par le ministre de la défense ou par un fonctionnaire agissant régulièrement en son nom, cet appel était irrecevable ; qu'il appartenait à la cour de relever d'office ce moyen qui ressortait des pièces du dossier ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Considérant, en premier lieu, que, dans son mémoire en défense enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 décembre 2007, le ministre de la défense s'est expressément approprié les conclusions de la requête d'appel présentée à la cour régionale des pensions et l'a ainsi régularisée ; que, par suite, M. A n'est plus fondé à invoquer l'incompétence du signataire de cette requête ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : « Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) » ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a été victime, à l'occasion du service, le 31 janvier 1999, d'une entorse aggravée à la cheville droite occasionnée par une glissade sur le sol gelé et que cette entorse a entraîné pour lui une infirmité correspondant à un taux d'invalidité de 10 % ; que, survenue dans de telles circonstances, cette infirmité ne peut être regardée comme résultant d'une blessure, laquelle suppose l'action violente d'un fait extérieur ; qu'ainsi, le degré d'invalidité étant en deçà du minimum de 30 % prévu par l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour les infirmités résultant de maladie, le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions a fait droit à la demande de M. A et lui a accordé une pension au taux de 10 % ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du tribunal départemental des pensions de la Gironde du 23 mai 2003 et de rejeter la demande soumise par M. A à ce tribunal ainsi que, par voie de conséquences, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Bordeaux du 16 novembre 2004 est annulé. Article 2 : Le jugement du tribunal départemental des pensions de la Gironde du 23 mai 2003 est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. A devant le tribunal départemental des pensions et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Eric A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 06/08/2008, 296581, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 18 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 novembre 2003 du ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche rejetant la demande de M. Jean-Pierre A tendant à obtenir la jouissance immédiate de sa pension de réversion ; 2°) de prononcer le sursis à exécution du jugement en cause ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bertrand du Marais, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, - les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'une pension de réversion à jouissance différée a été concédée, par arrêté du 16 février 1998, à M. A ; qu'il a demandé le 17 octobre 2003 au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de l'autorité duquel relevait son épouse à la date du décès, le bénéfice de la jouissance immédiate de cette pension ; que M. A a formé un recours contre la décision du ministre en date du 12 novembre 2003 rejetant cette demande ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 28 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit (...) ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a, le 17 octobre 2003, sollicité du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche le bénéfice de la jouissance immédiate de la pension de réversion qui lui avait été concédée le 16 février 1998 en faisant valoir que les dispositions législatives alors en vigueur, et aux termes desquelles la jouissance de cette pension était différée jusqu'au jour où lui-même atteindrait l'âge minimal d'entrée en jouissance des pensions fixé par l'article L. 24-I-1° du code des pensions civiles et militaires de retraite, avaient été modifiées par l'effet de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article L. 38 du même code, issues de la loi du 21 août 2003, qui permettent l'entrée en jouissance immédiate d'une pension de réversion pour les conjoints d'un fonctionnaire civil ; que l'attribution d'une telle pension aurait entraîné nécessairement la révision de celle qui lui avait été initialement concédée par arrêté du 16 février 1998 ; que lorsqu'il a présenté sa demande de révision, le 17 octobre 2003, M. A n'était plus dans le délai légal d'un an, prévu par l'article L. 55 précité, pour se prévaloir de l'erreur de droit qu'il invoque ; que, par suite, en estimant que M. A ne pouvait se voir opposer par l'administration la forclusion mentionnée à l'article L. 55 précité dès lors qu'il ne sollicitait pas la révision des bases de sa pension, mais la jouissance immédiate de cette dernière, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, par suite, être annulé ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant que, comme il a été dit, la demande de M. A tendant à la jouissance immédiate de sa pension de réversion constitue bien une opération de révision de ladite pension et que le délai prévu à l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, alors applicable, était expiré lorsque, le 17 octobre 2003, il a présenté sa demande ; que la circonstance que les dispositions législatives applicables à sa situation, au moment où lui a été concédée sa pension de réversion, aient été modifiées par la suite est sans incidence sur le point du départ et la durée du délai d'un an prévu par l'article L. 55 précité ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en date du 12 novembre 2003 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande ; Sur les conclusions tendant au sursis à exécution : Considérant que la présente décision annule le jugement attaqué ; que, par suite, les conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet ; Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 28 juin 2006 est annulé. Article 2 : Les conclusions de M. A devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, à M. Jean-Pierre A et au ministre de l'éducation nationale.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 11/07/2008, 299844, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 18 décembre 2006 et le 20 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Régine A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 17 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande du ministre de la défense, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 octobre 2003 et a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2002 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'attribution du titre d'internée politique ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Philippe Mettoux, Conseiller d'Etat, - les observations Me Le Prado, avocat de Mme A, - les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de l'arrestation de ses parents, Mme A, alors âgée de 8 ans, a été placée, avec ses deux frères, par l'Union générale des israélites de France (UGIF), du 10 octobre au 15 novembre 1942, dans une maison d'enfants à Paris puis, jusqu'en novembre 1944, dans une famille d'accueil à Noisy-le-Grand ; Considérant que, par décision du 13 octobre 1999, le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants a rejeté la demande d'attribution du titre d'internée politique de Mme A au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions requises par l'article L. 289 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que, le 15 février 2002, Mme A a demandé un réexamen de sa situation, faisant référence à un jugement rendu le 16 octobre 2001, par le tribunal administratif de Paris en faveur de son frère, annulant la décision du ministre lui refusant le titre d'interné politique, au motif que le séjour dans la famille d'accueil à Noisy-le-Grand jusqu'en novembre 1944 l'avait exposée à un risque d'arrestation et de déportation et que, dans ces conditions, son hébergement devait être regardé comme un lieu d'internement ; que, par décision du 4 mars 2002, l'administration a rejeté cette nouvelle demande ; que, par jugement du 7 octobre 2003, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de refus d'attribution du titre d'interné politique ; que, sur appel du ministre de la défense, la cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt du 17 octobre 2006, a annulé ce jugement au motif qu'à supposer que le centre dans lequel la requérante avait été placée avant son envoi dans une famille d'accueil puisse être considéré comme un lieu d'internement, elle y avait séjourné moins de trois mois et que le fait qu'elle n'ait pu suivre une scolarité normale à Noisy-le-Grand et ne pouvait sortir du domicile de la famille d'accueil où elle avait été placée ne pouvait pas caractériser un internement ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 288 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : « Le titre d'interné politique est attribué à tout Français ou ressortissant français résidant en France ou dans un pays d'outre-mer, qui a été interné, à partir du 16 juin 1940, par l'ennemi ou l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ...», et qu'aux termes de l'article L. 289 du même code : « La qualité d'interné politique n'est accordée que sur justification d'un internement d'une durée d'au moins trois mois, postérieurement au 16 juin 1940... » ; Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que le placement de Mme GOLDFARD dans une famille d'accueil ne pouvait être regardé comme un « internement » au sens des dispositions précitées ; qu'en ne recherchant pas, au préalable, si la surveillance par les autorités d'occupation de l'institution qui l'avait placée dans cette famille ne permettait pas de regarder Mme A comme ayant fait l'objet d'un tel internement, la cour a commis une erreur de droit ; Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a été placée du 10 octobre 1942 au 15 novembre 1942 dans un centre de l'Union générale des israélites de France (UGIF) ; qu'elle a ensuite été placée par cette institution dans une famille résidant à Noisy-le-Grand jusqu'en novembre 1944 ; que l'UGIF, instituée par une loi du 29 novembre 1941 auprès du commissariat général aux questions juives, est restée pendant toute cette période sous le contrôle des autorités d'occupation ; qu'ainsi, le placement de Mme A demeurait lui-même sous la surveillance de ces autorités, lesquelles pouvaient à tout moment procéder à son arrestation ; que, compte tenu également de ses conditions matérielles de vie difficiles pendant cette période tenant notamment à ce qu'elle ne pouvait sortir librement du domicile de sa famille d'accueil et n'avait pas pu suivre une scolarité normale, le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 octobre 2003, le tribunal administratif a jugé que Mme A devait être regardée comme ayant fait l'objet d'un « internement » au sens des dispositions précitées des articles L. 288 et L. 289 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et a annulé pour ce motif la décision du 4 mars 2002 refusant de lui reconnaître le titre d'internée politique ; D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 17 octobre 2006 est annulé. Article 2 : Le recours du ministre de la défense contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 octobre 2003 est rejeté. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Régine A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 11/07/2008, 295677, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 5 décembre 2006, présentés pour M. Ahmed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 23 juin 2006 par lequel la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence, sur appel du ministre de la défense, a annulé le jugement du 8 septembre 2005 du tribunal départemental des pensions militaires de Nice allouant à M. A, à compter de sa demande du 10 décembre 2003, une pension d'invalidité de 95% pour amputation de la cuisse droite et un autre droit à pension de 10% en majoration pour les troubles névritiques liés à cette infirmité ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat, par application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; Vu le décret n° 69-402 du 25 avril 1969 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Joanna Hottiaux, chargée des fonctions de Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A, - les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ; Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 : « Sous réserve de la subrogation de l'Etat dans les droits des victimes ou de leurs ayants cause, les personnes de nationalité française à la date de promulgation de la présente loi, ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements survenus sur ce territoire, ont, ainsi que les ayants cause de nationalité française à la même date, droit à pension ; qu'en vertu de l'article 4 du décret du 25 avril 1969 les étrangers de nationalité algérienne sont exclus du bénéfice de ces dispositions ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie : Les ressortissants algériens résidant en France et notamment les travailleurs auront les mêmes droits que les nationaux français, à l'exception des droits politiques ; Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence ne pouvait, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, exclure M. A du bénéfice des dispositions de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963, sans rechercher si l'intéressé était résident en France ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Bouzidi, Bouhanna de la somme de 2 000 euros ; D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions militaires de Montpellier. Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SCP Bouzidi, Bouhanna au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société civile professionnelle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Ahmed A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 11/07/2008, 295999, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août 2006 et 29 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Aïcha A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 9 juin 2006 par lequel la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du tribunal départemental des pensions de Marseille du 12 mai 2005 rejetant sa demande tendant au bénéfice d'une pension de réversion au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1997 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Joanna Hottiaux, chargée des fonctions de Maître des Requêtes, - les observations de Me Carbonnier, avocat de Mme A, - les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 20 février 1959, applicable en vertu de l'article 11 du même décret à la procédure à suivre devant la cour régionale des pensions : (...) Le tribunal est saisi par l'envoi d'une lettre recommandée adressée au greffier. Dans les huit jours qui suivent, communication est faite à la demande du contestant au commissaire du gouvernement (...) afin que l'administration compétente produise, au plus tard dans les trois mois, le dossier devant le tribunal avec ses observations. Le demandeur est informé (...) des propositions de l'administration (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 13 de ce décret : Les fonctions de commissaire du gouvernement sont remplies par un fonctionnaire civil ou militaire en activité de service ou retraité, désigné (...) par le ministre des anciens combattants et victimes de guerre (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le commissaire du gouvernement représente le ministre devant la cour régionale des pensions, et a donc devant cette cour, la qualité de partie à l'instance ; que, sauf à méconnaître le principe du contradictoire, les mémoires écrits par lesquels le commissaire fait connaître, au cours de l'instruction, ses observations doivent, par suite, être communiqués à la partie adverse dans des conditions qui laissent à celle-ci le temps nécessaire pour y répondre ; Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier des juges du fond que les conclusions écrites déposées au cours de l'instruction par le commissaire du gouvernement aient été communiquées avant l'audience à Mme A ; que, dès lors, la procédure contradictoire a été méconnue ; qu'ainsi l'arrêt attaqué est entaché d'irrégularité et doit, dès lors, être annulé ; Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Carbonnier, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Carbonnier de la somme de 3 000 euros ; D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 9 juin 2006 de la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions militaires de Nîmes. Article 3 : L'Etat versera à Me Carbonnier la somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Carbonnier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Aïcha A et au ministre de la défense et à la cour régionale des pensions militaires de Nîmes.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 09/07/2008, 302150, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi, enregistré le 1er mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2006 par lequel la cour régionale des pensions de Saint-Denis de la Réunion, faisant droit à l'appel de M. B contre le jugement du 27 août 2004 du tribunal départemental des pensions militaires de Saint-Denis de la Réunion, a annulé ledit jugement et lui a accordé une majoration de sa pension militaire d'invalidité égale au quart de sa pension par suite de son obligation de recourir à l'aide constante d'une tierce personne, à compter du 5 octobre 2001, date de sa demande initiale ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 91-697 du 10 juillet 1991 ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 modifié ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes, - les observations de Me Jacoupy, avocat de M. B, - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels à la vie ont droit à l'hospitalisation s'ils la réclament (...). S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension (...) ; Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé ; qu'en jugeant que, dans les circonstances de l'espèce, certains handicaps de M. B justifiant l'aide permanente d'une tierce personne ne pouvaient être rattachés avec certitude à telle ou telle infirmité et que la nécessité de cette aide permanente pouvait être regardée comme résultant exclusivement des infirmités pensionnées, la cour régionale des pensions n'a pas méconnu les dispositions précitées ; que, par suite, le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit pour ce motif ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 : Considérant qu'en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que demande Me Jacoupy, avocat de M. B, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté. Article 2 : L'Etat versera à Me Jacoupy, avocat de M. B, la somme de 2 000 euros sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. Alain B.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27/06/2008, 281074, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et les mémoires enregistrés les 1er juin, 3 et 14 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Rahma A, veuve B, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) de réviser ou, à titre subsidiaire, de rectifier pour erreur matérielle sa décision en date du 17 novembre 2004 refusant, au titre de la procédure prévue à l'article L. 822-1 du code de justice administrative, l'admission de sa requête, enregistrée au greffe du Conseil d'Etat sous le n° 265393, et tendant à l'annulation de l'arrêt du 16 décembre 2003 de la cour régionale des pensions de Bordeaux rejetant son appel dirigé contre le jugement du tribunal départemental des pensions de la Gironde du 6 octobre 2000 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 1er août 1995 lui refusant une pension de réversion ; 2°) d'annuler l'arrêt du 16 décembre 2003 de la cour régionale des pensions de Bordeaux ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat désigné au titre de la loi du 10 juillet 1991, de la somme de 2 300 euros ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi de finances n° 59-1454 du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960, notamment son article 71-I ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 modifié ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de Mme A, - les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que le courrier par lequel Mme A annonçait son intention de se pourvoir en cassation contre l'arrêt du 16 décembre 2003 de la cour régionale des pensions de Bordeaux, qui aurait dû être regardé comme comportant une demande d'assistance juridique, a cependant été directement transmis au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat qui l'a enregistré, le 10 mars 2004, sous le n° 265393 et que, se fondant sur ce que le pourvoi, qui ne contenait l'exposé d'aucun moyen, était irrecevable, le Conseil d'Etat statuant au contentieux en a, par sa décision du 17 novembre 2004, refusé l'admission ; qu'à la suite d'un nouveau courrier, enregistré antérieurement à cette décision de non-admission, par lequel Mme A réitérait sa demande initiale, l'aide juridictionnelle lui a, alors, été accordée le 1er mars 2005 et le mémoire produit par l'avocat désigné en application de cette décision a été enregistré le 1er juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 281074 ; que, dans l'état de ses écritures résultant de ses mémoires en date des 3 et 14 octobre 2005, Mme A demande, d'une part, la révision ou, à titre subsidiaire, la rectification pour erreur matérielle de la décision du Conseil d'Etat du 17 novembre 2004 et, d'autre part, l'annulation de l'arrêt du 16 décembre 2003 de la cour régionale des pensions de Bordeaux ; Sur les conclusions dirigées contre la décision du Conseil d'Etat du 17 novembre 2004 : Considérant qu'aux termes de l'article R. 822-3 du code de justice administrative : La décision juridictionnelle de refus d'admission est notifiée au requérant ou à son mandataire. Elle n'est susceptible que du recours en rectification d'erreur matérielle et du recours en révision (...) ; qu'aux termes de l'article R. 834-1 de ce code : Le recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat ne peut être présenté que (...), 3°) Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision. ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 833-1 du même code : Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. / Ce recours (...) doit être introduit dans un délai de deux mois qui court du jour de la notification ou de la signification de la décision dont la rectification est demandée (...) ; Sur les conclusions à fin de révision : Considérant que la circonstance que le Conseil d'Etat ait statué le 17 novembre 2004 avant que le bureau de l'aide juridictionnelle ne se prononce sur la demande d'assistance juridique formée antérieurement à cette décision par l'intéressée n'étant pas au nombre des trois cas énumérés par les dispositions précitées de l'article R. 834-1 du code de justice administrative, les conclusions de la requête tendant à la révision de la décision du Conseil d'Etat du 17 novembre 2004 sont, en tout état de cause et sans qu'il soit besoin de statuer sur la tardiveté opposée par le ministre de la défense, irrecevables ; Sur les conclusions à fin de rectification d'erreur matérielle : Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre : Considérant qu'aux termes de l'article 39 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction issue de l'article 11 du décret du 14 juin 2001 : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle (...) / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; que l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 en vertu duquel l'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance, a été rendu applicable par l'article L. 104-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre aux demandes formées sur le fondement de code ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le délai de deux mois, augmenté des délais de distance, courant à compter de la date de la notification de l'arrêt de la cour régionale des pensions de Bordeaux en date du 16 décembre 2003, Mme A a présenté, le 10 mars 2004 , une demande d'aide juridictionnelle qui, par application des dispositions précitées, a interrompu le délai de recours contentieux ; que, la demande formée le 31 octobre 2004 devant être regardée comme la simple réitération de sa demande initiale, un nouveau délai de deux mois, augmenté des délais de distance, a couru à compter du jour de la réception, par l'intéressée, de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat en date du 1er mars 2005 lui accordant l'assistance juridique demandée ; que, dans les circonstances ainsi analysées de l'espèce, le mémoire produit par l'avocat désigné en application de la décision du bureau d'aide juridictionnelle et enregistré le 1er juin 2005 n'est pas tardif et les conclusions à fin de rectification pour erreur matérielle présentées par l'avocat de Mme A au vu des éléments communiqués dans le cadre de la procédure contradictoire doivent être regardées comme recevables ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit, dès lors, être rejetée ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du Conseil d'Etat rendue le 17 novembre 2004 sans qu'elle ait été rapprochée de la demande d'aide juridictionnelle formée par Mme A est entachée d'une erreur matérielle qui n'est pas imputable à la requérante et qui, par application des dispositions de l'article R. 833-1 du code de justice administrative précitées, doit être rectifiée ; Sur la requête enregistrée sous le n° 265393 : Considérant qu'à la suite du décès, intervenu le 11 mars 1995, de M. Ali C, ressortissant marocain et ancien soldat de l'armée française, titulaire d'une pension d'invalidité au taux de 20 % qui lui avait été concédée par un arrêté du 19 août 1971, Mme A, en qualité de veuve de ce dernier, a formé, le 11 avril 1995, une demande en vue de l'obtention d'une pension de réversion qui a été rejetée par le ministre de la défense le 1er août 1995 ; que la cour régionale des pensions de Bordeaux a, par un arrêt du 16 décembre 2003, confirmé le jugement du tribunal départemental des pensions de la Gironde du 6 octobre 2000 rejetant sa demande ; que Mme A se pourvoit en cassation contre cet arrêt ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu'aux termes de l'article 71-1 de la loi de finances du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 : A compter du 1er janvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la communauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, seront remplacées pendant la durée normale de leur jouissance personnelle, par les indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites pensions ou allocations à la date de leur transformation ; qu'aux termes de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 : ... I. Les prestations servies en application des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959)... sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants... VI. Les prestations servies en application des textes visés au I- peuvent faire l'objet, à compter du 1er janvier 2002 et, sur demande, d'une réversion. L'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de famille sont appréciées à la date d'effet des dispositions visées au I pour chaque Etat concerné ; Considérant que les dispositions de l'article 71 de la loi de finances pour 1960, applicables aux ressortissants marocains à compter du 1er janvier 1961, ne faisaient obstacle que jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2002, des dispositions précitées du paragraphe VI de l'article 68 de la loi de finances du 30 décembre 2002, à ce que l'indemnité dont M. C était allocataire, à titre personnel, jusqu'à la date de son décès, puisse donner lieu à une prestation de réversion au profit de ses ayants-cause ; que, par suite, à la date où elle a statué, la cour ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 71 de la loi de finances du 26 décembre 1959 pour écarter, en ce qui concerne la période postérieure au 1er janvier 2002, le droit à pension de réversion de Mme A, sans méconnaître le champ d'application de la loi ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler, pour ce motif soulevé d'office et dans cette mesure, l'arrêt de la cour régionale des pensions de Bordeaux du 16 décembre 2003 ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Considérant que le tribunal départemental des pensions de la Gironde ayant écarté la demande de Mme A pour les mêmes motifs que ceux retenus par la cour régionale, qui méconnaissent, comme il a été dit ci-dessus, le champ d'application de la loi, il y a lieu d'annuler dans la même mesure le jugement du 6 octobre 2000 et d'examiner, par l'effet dévolutif de l'appel, la demande présentée à ce tribunal par la requérante ; Considérant que, si la pension d'invalidité concédée à un ressortissant marocain et remplacée par une indemnité personnelle et viagère, en application des dispositions de l'article 71 de la loi de finances du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960, peut faire l'objet d'une réversion en vertu des dispositions précitées de l'article 68 de la loi de finances du 30 décembre 2002, à compter du 1er janvier 2002, il résulte, toutefois, des dispositions du VI du même article 68 que l'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de famille doivent être appréciées à la date d'effet des dispositions du I de cet article, soit, en l'espèce, le 1er janvier 1961 ; que Mme A, qui ne produit aucun justificatif permettant d'établir la date de son mariage avec M. C, ne démontre pas, dès lors, qu'elle peut bénéficier de l'application de ces dispositions ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander à bénéficier, à compter du 1er janvier 2002, de la réversion de la pension servie à M. C ; Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de Mme A, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; D E C I D E : -------------- Article 1er : La décision du Conseil d'Etat en date du 17 novembre 2004 est déclarée non avenue. Article 2 : Les productions enregistrées sous le n° 281074 seront rayées des registres du secrétariat du contentieux et seront versées au dossier de la requête enregistrée sous le n° 265393. Article 3 : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Bordeaux du 16 décembre 2003 et le jugement du 6 octobre 2000 du tribunal départemental des pensions de la Gironde sont annulés, en tant qu'ils ont refusé le droit à pension pour la période postérieure au 1er janvier 2002. Article 4 : La demande présentée par Mme A, veuve C, devant le tribunal départemental des pensions de la Gironde est rejetée. Article 5 : Les conclusions présentées par la SCP Delvolvé, Delvolvé en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Rahma A, veuve Ali C, et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 26/06/2008, 295337, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi, enregistré le 13 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Daniel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2006 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 5 octobre 2004 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en tant que gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, rejetant sa demande d'admission à la retraite à compter du 30 décembre 2005 avec jouissance immédiate de la pension et, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné à la Caisse des dépôts et consignations de poursuivre l'étude de la liquidation de sa pension civile de retraite pour un effet au 30 décembre 2005 ; 2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 5 octobre 2004 ; 3°) d'enjoindre au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en tant que gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales de l'admettre à la retraite à compter du 30 décembre 2005 avec le bénéfice d'une pension à jouissance immédiate, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 paragraphe 1, et son premier protocole additionnel ; Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ; Vu le traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 portant loi de finances rectificative pour 2004, notamment son article 136 ; Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; Vu le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, - les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, agent titulaire de la fonction publique hospitalière, est père de trois enfants et a demandé, le 20 juillet 2004, son admission à la retraite avec la jouissance immédiate de sa pension de retraite à compter du 30 décembre 2005 ; qu'il a contesté devant le tribunal administratif de Besançon la décision du 5 octobre 2004 de la Caisse des dépôts et consignations rejetant cette demande ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 mai 2006 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ; Considérant qu'en vertu de l'article 40 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont applicables aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dans des conditions déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes du I de l'article 25 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : Les dispositions du I de l'article L. 24 et celles de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l'article 1er du présent décret. ; qu'aux termes du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue du I de l'article 136 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 : La liquidation de la pension intervient : (...) / 3º Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes du II de l'article 136 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 : Les dispositions du I sont applicables aux demandes présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée ; qu'aux termes de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue du décret du 10 mai 2005 : I. - L'interruption d'activité prévue au premier alinéa du 3° du I de l'article L. 24 doit avoir eu une durée continue au moins égale à deux mois et être intervenue alors que le fonctionnaire était affilié à un régime de retraite obligatoire. En cas de naissances ou d'adoptions simultanées, la durée d'interruption d'activité prise en compte au titre de l'ensemble des enfants en cause est également de deux mois. / Cette interruption d'activité doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption. /Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, pour les enfants énumérés aux troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas du II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article, l'interruption d'activité doit intervenir soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 5123 et R. 512-2 à R. 512-3 du code de la sécurité sociale. / II. - Sont prises en compte pour le calcul de la durée d'interruption d'activité les périodes correspondant à une suspension de l'exécution du contrat de travail ou à une interruption du service effectif, intervenues dans le cadre : a) Du congé pour maternité, (...) b) Du congé de paternité, (...) c) Du congé d'adoption, (...) d) Du congé parental, (...) e) Du congé de présence parentale, (...) f) D'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans (...) / III. - Les périodes visées au deuxième alinéa du 3° du I de l'article L. 24 sont les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation de l'intéressé et pendant lesquelles celui-ci n'exerçait aucune activité professionnelle. ; Considérant que les droits du fonctionnaire relatifs au point de départ de la jouissance de sa pension de retraite doivent être légalement appréciés à la date à compter de laquelle le fonctionnaire demande à bénéficier de cette pension ; qu'il en résulte que les droits à pension de M. A doivent s'apprécier au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables à la date du 30 décembre 2005 ; que cette date est postérieure à celle de l'entrée en vigueur des dispositions du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite précitées, intervenue le 12 mai 2005, date d'entrée en vigueur de leur décret d'application du 10 mai 2005 ; qu'il suit de là qu'en se plaçant à la date de la demande de M. A, le 20 juillet 2004, pour apprécier ses droits à la jouissance immédiate de sa pension de retraite et en se fondant sur les dispositions du II de l'article 136 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 pour juger que les dispositions du I de l'article 136 de la même loi lui étaient applicables, le tribunal administratif de Besançon a commis une erreur de droit ; qu'en conséquence, M. A est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les droits de M. A à la jouissance immédiate de sa pension de retraite doivent s'apprécier à la date à compter de laquelle il a demandé à bénéficier de sa pension, soit le 30 décembre 2005 ; qu'à cette date, les dispositions du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de l'article 136 de la loi du 30 décembre 2004 étaient applicables et ce sans effet rétroactif ; que par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions, de par leur effet rétroactif, méconnaîtraient les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué par M. A ; Considérant que M. A ne soutient pas avoir interrompu son activité dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite précitées ; que, dès lors, il n'est pas fondé à se plaindre de ce que la décision du 5 octobre 2004 lui a refusé le bénéfice d'une pension de retraite à jouissance immédiate à compter du 30 décembre 2005 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la Caisse des dépôts et consignations de l'admettre au bénéfice d'une telle pension à compter de cette date doivent être rejetées ; Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Caisse des dépôts et consignations, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme de 2 000 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 12 mai 2006 du tribunal administratif de Besançon est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel A, à la Caisse des dépôts et consignations et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Conseil d'Etat