Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de LYON, 7ème chambre, 31/03/2022, 21LY00564, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... C..., en sa qualité d'ayant-droit de son époux décédé, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 avril 2019, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... C... et de lui reconnaître un droit à pension pour une infirmité nouvelle. Par un jugement n° 2000012 du 7 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 22 février 2021, Mme C..., représentée par Me Bouhalassa, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 octobre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 2 avril 2019 et de faire droit à sa demande de pension ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par son conseil à la part participative de l'État à l'aide juridictionnelle. Elle soutient que : - si, du fait de la lenteur de l'instruction de sa demande l'expertise médicale n'a pu être réalisée avant le décès de M. C..., l'ensemble des documents médicaux produits au dossier établissent l'aggravation de l'infirmité pensionnée résultant des séquelles de fracture par balle du fémur gauche ; - l'existence et l'imputabilité au service de l'infirmité nouvelle résultant de corps métalliques étrangers, provenant de projectiles, dans le thorax sont établies par les pièces du dossier. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - l'expertise médicale a été empêchée par les aléas de santé de M. C... et non par des lenteurs dans l'instruction de sa demande ; - Mme C... n'établit pas, comme il lui incombe, le lien entre les infirmités de M. C... et le service, non plus que la réalité du fait générateur de la nouvelle infirmité. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2020. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 Alors qu'il était incorporé dans le contingent du service national en Algérie, M. C... a été blessé par balle en opération le 1958. Par un arrêté du 24 octobre 2011, lui a été concédée au titre des séquelles de fracture par balle du fémur gauche et d'un état de stress post-traumatique, deux infirmités résultant de cet événement, une pension militaire d'invalidité au taux global de 70 %. M. C... a sollicité, le 27 juin 2016, la révision de cette pension pour l'aggravation de la première de ces infirmités et l'attribution d'une pension au titre d'une infirmité nouvelle. Par une décision du 2 avril 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. Mme C..., en sa qualité d'ayant-droit de son époux décédé le, durant l'instruction de cette dernière, fait appel du jugement du 7 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté son recours contre ce rejet. 2 Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 6 de ce même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...). " 3 Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de M. C... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...). " Aux termes de l'article L. 3 du même code, alors applicable : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (..). " 4 Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5 Si Mme C... fait valoir que le décès de son époux, intervenu durant l'instruction de sa demande, a fait inopportunément obstacle à l'expertise médicale, reportée à plusieurs reprises en raison de l'état de santé de l'intéressé, et aussi regrettable que soit cette circonstance, il ne saurait être tiré de cette dernière un renversement de la charge de la preuve des faits à l'origine de l'infirmité invoquée et de l'aggravation de l'infirmité pensionnée qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, pèse sur l'intéressé. 6 En premier lieu, s'agissant de la demande de pension militaire d'invalidité pour une infirmité nouvelle, M. C... a fait valoir qu'avec le temps il subissait des séquelles douloureuses et invalidantes d'un corps étranger métallique en projection sur la base droite (du thorax). Toutefois, d'une part, ainsi que le retient la décision en litige dans ses motifs, cette infirmité n'a pas été constatée dans les délais fixés par les dispositions précitées de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. D'autre part, si les certificats médicaux produits au dossier établissent la présence d'un corps étranger métallique dans le thorax de l'intéressé en le qualifiant tantôt " d'éclat de grenade ", tantôt de " balle ", aucun des éléments du dossier ne révèle le constat d'une autre blessure reçue par M. C... le 27 septembre 1958 que celle au fémur gauche. La première mention de ce corps étranger n'apparaît que dans l'expertise médicale effectuée le 26 octobre 1982. Dans ces conditions, et aussi forte que soit la probabilité que M. C... ait pu être atteint par un second projectile dans les circonstances de l'embuscade dans laquelle a été prise son unité et décrites par un rapport du 1er juin 1978, Mme C... n'apporte pas la preuve qui lui incombe du lien entre ce fait de service et l'infirmité au titre de laquelle est demandée la pension. 7 En second lieu, s'agissant de la demande de révision de la pension pour aggravation de l'infirmité n° 1, nonobstant la circonstance que l'expertise n'a pu avoir lieu, d'une part, l'ensemble des éléments médicaux produits par l'intéressé sont antérieurs à la date de l'arrêté du 24 octobre 2011 ayant fixé le taux initial de l'invalidité et, par suite, ne peuvent utilement venir à l'appui de la démonstration d'une aggravation à la date de la demande de révision du 27 juin 2016 en l'absence d'éléments comparatifs postérieurs à octobre 2011. D'autre part, aucun des éléments du dossier n'établit les affirmations de la requérante quant à l'aggravation de l'infirmité résultant des séquelles de la fracture par balle du fémur gauche de M. C.... 8 Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022. Le président, rapporteur, D. Josserand-Jaillet Le président assesseur, Ph. Seillet La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 21LY00564 2 al
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 7ème chambre, 31/03/2022, 21LY01234, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 mai 2019, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité, subsidiairement d'ordonner une expertise médicale. Par un jugement n° 1907339 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. A..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 21 mai 2019, subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer ses préjudices et le lien de causalité entre ceux-ci et son état de santé ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par son conseil à la part participative de l'État à l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - il remplit les conditions posées par l'article L. 124-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en ce qu'il a été victime, par les conditions de vie de sa famille sous l'occupation dans sa prime enfance, de faits de guerre ; - ces faits, qui l'ont conduit à subir des privations dans un contexte anxiogène d'exactions, sont à l'origine de ses infirmités ; - il en justifie par les témoignages produits ; - il justifie de pathologies neurologiques et cardio-respiratoires graves constituant une infirmité ; - une expertise à fin de déterminer l'étendue de cette dernière et le lien avec les faits qu'il invoque se justifie. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - le lien entre l'infirmité alléguée et le service, qu'il appartient à M. A... d'établir, n'est pas admis par l'administration ; - M. A... n'établit pas le lien entre ses infirmités et les faits qu'il allègue, non plus que la réalité de ces derniers. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2021. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 M. B... A... est né en janvier 1944 dans une ferme située au voisinage immédiat d'un cantonnement de l'armée d'occupation. Attribuant des pathologies dont il souffre de longue date aux privations et aux exactions anxiogènes qui ont marqué ces circonstances de sa prime enfance, il a sollicité le 26 février 2019 l'attribution d'une pension militaire d'invalidité au titre de victime de faits de guerre. Par une décision du 21 mai 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. A... fait appel du jugement du 28 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté son recours contre ce refus. 2 Aux termes de l'article L. 113-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Bénéficient des dispositions du présent livre, sous réserve qu'ils ne relèvent pas des dispositions relatives aux militaires et aux catégories assimilées :/1° Les Français ou ressortissants de territoires sous protectorat ou sous tutelle de la France, victimes d'un fait de guerre survenu sur le territoire français entre le 2 septembre 1939 et le 1er juin 1947 (...) ". Aux termes de l'article L. 124-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 113-1, sont réputés causés par des faits de guerre : / 1° Les blessures, mortelles ou non, reçues au cours des opérations militaires conduites par les armées alliées ou ennemies et qui ont été occasionnées par un fait précis dû à la proximité de l'ennemi ; / 2° Celles résultant d'actes de violence commis par l'ennemi ; / 3° Celles reçues au cours d'exécution de travaux imposés par l'ennemi, en captivité ou en pays envahi ; / 4° Les infirmités ou le décès résultant des maladies contractées pendant l'une des périodes mentionnées à l'article L. 113-1 qui ont pour cause : a) Des actes de violence commis par l'ennemi ou des contraintes arbitraires imposées par lui (...) ". Enfin, l'article L. 124-20 de ce code dispose que " Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits prévus aux sections 1 et 2 du présent chapitre. " 3 A l'appui de sa demande, M. A... fait valoir que les troupes ennemies stationnées à proximité de la ferme où il est né durant l'occupation s'étaient livrées à des exactions et des prédations envers sa famille, lesquelles ont marqué sa prime enfance par des privations et un climat anxiogène. Toutefois, à supposer que ces faits, qui ne peuvent être regardés comme établis par les témoignages familiaux contemporains et rédigés en termes généraux produits à l'instance, soient avérés, les documents médicaux dont fait état M. A..., et qui se bornent à relater les éléments décrits par l'intéressé, ne sont pas de nature à établir un lien de causalité avec les pathologies neurologiques et cardio-vasculaires dont il souffre depuis l'âge respectivement de quarante-cinq et de vingt-cinq ans. La circonstance qu'il a été hospitalisé à l'âge de dix-neuf ans en 1963 lors des opérations de recensement en vue du service national, sans au demeurant que soit précisée l'origine de cette hospitalisation, n'est pas plus de nature à établir que les pathologies au titre desquelles il a sollicité une pension militaire d'invalidité trouvent leur origine dans les circonstances de guerre qui ont gouverné sa prime enfance. 4 Il résulte de ce qui précède que M. A..., sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'expertise, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022. Le président, rapporteur, D. Josserand-Jaillet Le président assesseur, Ph. Seillet La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 21LY01234 2 al
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 24/03/2022, 19BX04063, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Pau d'annuler la décision du 9 août 2017 du ministre des armées portant refus de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au taux du grade de gendarme sur la base de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale. Par un jugement n° 2019/2 du 14 février 2019, le tribunal des pensions de Pau a annulé la décision du ministre des armées du 9 août 2017, a revalorisé la pension militaire d'invalidité de M. B... en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale à compter du 7 janvier 2017, et a condamné l'Etat à verser à M. B... les arrérages de la pension due depuis le 1er janvier 2014. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 25 avril 2019, la ministre des armées a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Pau : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions de Pau. Elle soutient que : - la demande de revalorisation présentée le 7 janvier 2017 par M. B... constitue un recours gracieux contre l'arrêté de concession du 3 août 1982, notifié le 3 septembre 1982, date à laquelle la mention des voies et délais de recours n'était pas obligatoire ; cet arrêté, faute d'avoir été contesté dans le délai de six mois qui était imparti, a acquis un caractère définitif ; le recours contentieux de M. B... était donc tardif ; - le recours contentieux de M. B... a été enregistré au-delà d'un délai raisonnable et était, pour ce motif, irrecevable. Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête de la ministre des armées, enregistrée sous le n° 19BX04063. Par des mémoires, enregistrés les 29 juin 2020 et 25 juin 2021, la ministre des armées conclut aux mêmes fins que sa requête. Elle soutient en outre que : - seul l'intéressé est en possession du certificat original d'inscription de la pension au grand livre de la dette publique mentionnant les voies et délais de recours ; - le certificat d'inscription mentionnant clairement le taux d'invalidité mais aussi l'indice s'y rapportant, M. B... ne peut affirmer ne pas avoir eu connaissance de cet indice ; le titre de concession du 3 août 1982 a rendu le barème indiciaire définitif ; - la primauté des stipulations de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne fait pas échec aux règles de recours contentieux fixées par le droit interne ; le délai de recours de 6 mois est compatible avec le principe de non-discrimination prévu à l'article 14 de la convention ; - le principe général d'égalité devant la loi n'interdit pas à l'administration de traiter différemment ses agents qui, appartenant à des corps distincts, sont placés dans des situations différentes ; - la pension militaire d'invalidité de M. B... ayant été concédée antérieurement au décret n°2010-473 du 10 mai 2010, il ne peut bénéficier des dispositions de ce décret ; - en vertu de l'article L. 151-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le titulaire d'une pension revalorisée ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février et 13 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Garreta, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de revaloriser sa pension militaire d'invalidité à compter du 16 avril 2016 sur la base de l'indice 301,6 au lieu de l'indice 289, et de condamner l'Etat à lui verser les arrérages de la pension due depuis le 16 avril 2013. Il soutient que : - sa demande de première instance était recevable ; son recours a pour objet, non pas seulement l'arrêté de concession du 15 octobre 1985, mais surtout la discrimination dont il est victime à raison de la différence de traitement entre les pensionnés instaurée par le décret du 5 septembre 1956 ; - si l'administration produit en appel l'accusé de réception du 3 septembre 1982, cet arrêté ne mentionne pas les voies et délais de recours ; en toute hypothèse, l'arrêté en litige est celui du 15 octobre 1985 lui attribuant un taux de 60 % ; aucun délai n'a donc pu courir, faute de preuve de la date de notification de l'arrêté en litige, et alors que la signature de la déclaration préalable de mise en paiement ne saurait être confondue avec une notification ; - l'arrêté du 15 octobre 1985, édicté postérieurement au 4 juin 1984, devait comporter la mention des voies et délais de recours ; - la demande initiale de revalorisation avec effet rétroactif est datée du 16 avril 2016 ; il n'est pas forclos pour contester la décision de rejet du 9 août 2017 ; - il subit un préjudice continu et permanent qu'il est recevable à faire constater à tout moment ; - le décret du 5 septembre 1956 est contraire au principe général d'égalité devant la loi ; en vertu de ce principe, il est fondé à solliciter la revalorisation de sa pension ; la différence de traitement induite par l'article 5 du décret du 5 septembre 1956 est constitutive d'une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le décret n°2010-473 du 10 mai 2010, qui ne dispose que pour l'avenir, ne corrige pas la discrimination dont il est victime depuis l'origine de son droit à pension ; il est recevable à faire constater à tout moment le préjudice continu dont il est victime ; - il n'a pas été informé de ce que sa pension était calculée en fonction d'un indice plus faible que celui afférent au grade équivalent des personnels de la marine nationale ; le délai de recours n'a ainsi pas commencé à courir à compter de la notification de son titre de pension ; - la nécessité de respecter l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales justifie la recevabilité de son action, qui a pour objet de mettre fin à la discrimination dont il est l'objet ; le principe de sécurité juridique ne saurait primer sur le principe de non-discrimination. Par une ordonnance du 25 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2021. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956; - le décret n° 59-327 du 20 février 1959; - le décret n°65-29 du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, - et les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., gendarme du 1er juillet 1965 au 12 mars 1972, date à laquelle il a été rayé des cadres, s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité au taux de 60 % à titre temporaire par un arrêté du 3 août 1982, puis à titre définitif par un arrêté du 15 octobre 1985. Par une décision du 9 août 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au taux du grade de gendarme en fonction de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale. La ministre relève appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le tribunal des pensions de Pau a annulé cette décision, a revalorisé la pension militaire d'invalidité de M. B... en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale à compter du 7 janvier 2017, et a condamné l'Etat à verser à M. B... les arrérages de la pension due depuis le 1er janvier 2014. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande à la cour de revaloriser sa pension militaire d'invalidité à compter du 16 avril 2016 et de condamner l'Etat à lui verser les arrérages de la pension due depuis le 16 avril 2013. 2. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet (...). / Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l'économie et des finances. La concession ne devient définitive qu'après intervention dudit arrêté. (...) / Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière (...), pour lesquels la pension est liquidée (...) par le ministre d'Etat chargé de la défense nationale (...), la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par arrêté signé du ministre de l'économie et des finances ". En vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction alors en vigueur, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal des pensions, les décisions prises en vertu du premier ou du dernier alinéa de l'article L. 24 ainsi que la décision prise en vertu du deuxième alinéa du même article, sauf si celle-ci a simplement confirmé la décision primitive prise en vertu du premier alinéa. Ces dispositions, qui instaurent au demeurant un délai de recours contentieux supérieur à celui de droit commun, ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, aux termes de l'article L. 78 du même code : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) ". 3. Par ailleurs, le décret du 5 septembre 1956 relatif à la détermination des indices des pensions et accessoires de pensions alloués aux invalides au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre a fixé les indices de la pension d'invalidité afférents aux grades des sous-officiers de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la gendarmerie à un niveau inférieur aux indices attachés aux grades équivalents dans la marine nationale. 4. Le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de la pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à la personne du pensionné, notamment quant au grade qu'il détenait ou au statut générateur de droit auquel il pouvait légalement prétendre, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité sur le fondement de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. La demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, doit ainsi être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959. Ce délai de recours contentieux court à compter du jour où la décision primitive, prise en application du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a été notifiée au pensionné dans les formes prévues à l'article L. 25 du même code ou, à défaut, à compter du jour où l'arrêté par lequel cette pension a été concédée à titre définitif, en application du deuxième alinéa du même article L. 24, a été régulièrement notifié à l'intéressé. 5. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " La notification des décisions prises en vertu de l'article L. 24, premier alinéa, du présent code, doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification et que les décisions confirmatives à intervenir n'ouvrent pas de nouveau délai de recours ". Aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, issu de l'article 9 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 : " Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". En vertu de l'article 16 du décret du 28 novembre 1983, ces dispositions ont pris effet six mois après la publication dudit décret. 6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par les dispositions applicables, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. Ce principe ne méconnaît pas, par lui-même, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 7. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 3 août 1982, notifié à M. B... le 3 septembre 1982 selon l'accusé de réception postal produit devant la cour, M. B... s'est vu concéder à titre temporaire, pour la période allant du 14 septembre 1982 au 13 septembre 1985, une pension militaire d'invalidité au taux de 60 %, liquidée sur la base de l'indice 289. Cette décision fait clairement apparaître l'indice sur la base duquel la pension est liquidée, lequel n'a pas été modifié par l'arrêté du 15 octobre 1985 portant concession définitive de cette pension, et aucune obligation n'existait à la charge de l'administration d'indiquer spontanément le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien militaire de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice correspondant au grade équivalent au sein des personnels de la marine nationale. S'il n'est pas justifié de la notification régulière à M. B... de l'arrêté du 15 octobre 1985 portant concession définitive de sa pension, ce dernier a nécessairement eu connaissance de la liquidation de sa pension définitive sur les mêmes bases que celle concédée à titre temporaire par le fait des versements, dont il ne remet pas en cause l'existence. Par suite, et alors même que la différence de traitement alléguée est contraire au principe d'égalité et au principe de non-discrimination prévu à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la requête de M. B... enregistrée le 19 octobre 2017 devant le tribunal des pensions de Pau, soit plus de 30 ans après la concession définitive de sa pension, en vue d'obtenir un nouveau calcul de cette pension en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale, a été présentée au-delà du délai raisonnable durant lequel un tel recours pouvait être exercé. Ce recours était ainsi irrecevable, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées tirée du caractère prétendument confirmatif de l'arrêté du 15 octobre 1985 portant concession définitive de la pension octroyée à M. B.... 8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Pau a fait droit à la demande de M. B... de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. L'appel incident de ce dernier relatif au point de départ de cette revalorisation ne peut ainsi qu'être rejeté. 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2019/2 du 14 février 2019 du tribunal des pensions de Pau est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions de Pau et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve Dupuy La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04063
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 24/03/2022, 19BX04043, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux de réformer la décision du 7 mars 2016 par laquelle le ministre de la défense lui a attribué une pension militaire d'invalidité temporaire, avec jouissance du 19 décembre 2014 au 18 décembre 2017, pour l'infirmité d'état de stress post-traumatique, en tant qu'elle a limité le taux d'invalidité à 30 %. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal a porté le taux de cette pension temporaire à 60 %. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 juin 2019 et un mémoire enregistré le 22 octobre 2020, la ministre des armées demande à la cour de réformer ce jugement et de confirmer la décision du 7 mars 2016. Elle soutient que : - suite à la demande de révision de la pension pour aggravation présentée le 24 juin 2016, une pension au taux de 60 %, temporaire à compter du 24 juin 2016 et définitive à compter du 19 décembre 2017, a été concédée à M. C... par arrêté du 26 août 2019 ; son appel porte sur le jugement qui a retenu un taux d'invalidité de 60 % à compter du 19 décembre 2014, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et en portant une appréciation erronée sur les éléments médicaux du dossier ; - les pièces médicales afférentes à la demande initiale du 19 décembre 2014 correspondent à un taux d'invalidité de 30 % ; pour retenir un taux de 60 %, le tribunal s'est fondé sur une expertise qui se réfère à une observation médicale du 3 juin 2016, relative à l'aggravation des troubles postérieurement à la demande ; le taux d'invalidité, qui a été porté à 60 % à compter du 24 juin 2016, était de 30 % à compter du 19 décembre 2014 ; - l'expert qui a examiné M. C... le 21 novembre 2015 dans le cadre de l'instruction de la demande de pension a retenu un état d'hyper-vigilance, un comportement phobique, des contacts avec quelques camarades, des troubles du sommeil et du caractère et une certaine exaltation qui l'a conduit à l'interroger quant à un surdosage de Seroplex ; le taux de 30 % qu'il a proposé correspond à un état de stress post-traumatique dont l'intensité des troubles permet à l'intéressé de s'inscrire dans des pratiques personnelles pour lutter contre sa pathologie ; ce taux a été confirmé par les avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et de la commission consultative médicale. Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2020, M. C..., représenté par la SELARL MDMH, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de confirmer le taux d'invalidité de 60 % ainsi que le caractère définitif de son droit à pension, et de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il fait valoir que : - alors que le fait générateur de l'état de stress post-traumatique remonte aux années 1993, 1994 et 1995, son état s'est aggravé en 2014, nécessitant une hospitalisation de deux mois à compter du 13 mai 2014, et il a été reconnu inapte au service et placé en congé de maladie à partir du 1er août, puis en congé de longue maladie imputable au service ; son état clinique a été médicalement constaté le 19 décembre 2014 ; le rapport d'expertise du 26 novembre 2015 était lacunaire, et le tribunal en a ordonné une nouvelle avec mission pour l'expert de se placer à la date de la demande ; - il n'a pas présenté de demande d'aggravation, mais une demande de renouvellement de sa pension à l'issue de la première période triennale expirant le 18 décembre 2017, et conteste le taux de 30 % de la pension temporaire initiale ; - c'est à bon droit que le tribunal a retenu un taux de 60 %, comme l'a fait l'expert, qui n'a pas tenu compte d'éléments postérieurs à la demande de pension. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020. Par lettre du 22 mars 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur la période du 24 juin 2016 au 18 décembre 2017, compte tenu de l'arrêté du 26 août 2019 qui a concédé la pension au taux de 60 % à compter du 24 juin 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Mougin, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., caporal-chef de l'armée de terre, a présenté le 19 décembre 2014 une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité d'état de stress post-traumatique. Par une décision du 7 mars 2016, le ministre de la défense lui a attribué une première pension temporaire, avec jouissance du 19 décembre 2014 au 18 décembre 2017, pour l'infirmité " Etat de stress post-traumatique. Troubles du sommeil et des conduites, reviviscences fréquentes, nécessité d'une thérapie et d'un traitement ", en lien avec une blessure hors guerre en ex-Yougoslavie. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Bordeaux en tant que le taux retenu de 30 % lui semblait insuffisant. Par un jugement du 16 mai 2019 dont la ministre des armées relève appel, le tribunal, après avoir ordonné une expertise, a porté le taux de la pension temporaire à 60 %. Sur l'étendue du litige : 2. Il ressort des pièces produites en appel que par un arrêté du 26 août 2019 postérieur au jugement attaqué, la ministre des armées a porté le taux de la pension temporaire d'invalidité de M. C... à 60 % à compter du 24 juin 2016 pour l'infirmité aggravée " Etat de stress post-traumatique associant un syndrome de reviviscence traumatique intense, troubles du caractère avec irritabilité constante et colère, troubles phobiques avec accès d'angoisse plusieurs fois par semaine, hypervigilance permanente sur fond dépressif nécessitant une prise en charge thérapeutique ", et a concédé cette pension au taux de 60 % à titre définitif à compter du 19 décembre 2017. Par suite, l'étendue du présent litige est limitée au taux de la pension temporaire entre le 19 décembre 2014 et le 23 juin 2016, et les conclusions de M. C... tendant à ce que la cour confirme le caractère définitif du droit à pension sont sans objet. Sur l'appel de la ministre des armées : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". Il résulte de ces dispositions que l'évaluation de l'invalidité au titre de laquelle la pension est sollicitée doit être faite à la date de demande de la pension. 4. D'autre part, L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose que " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. (...) Pour l'application du présent article, un décret (...) détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. (...) ". L'article L. 10 précise que " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". Selon le guide barème applicable aux pensions militaires d'invalidité : " L'attribution des pourcentages d'invalidité en matière de troubles psychiques présente d'importantes difficultés de mesure. En général, il est possible de quantifier (par des échelles à intervalles ou ordinales relativement rigoureuses) un degré d'invalidité dans le domaine somatobiologique proprement dit où l'expert s'appuie sur la notion d'intégrité physique (anatomique, physiologique et fonctionnelle). (...). En matière de troubles psychiques, ces pourcentages seront utilisés comme un code. Les éléments de celui-ci constituent une échelle nominale, dont les différents termes reçoivent à la fois une définition précise et explicite, s'appuyant sur des critères simples et généraux définissant le niveau d'altération du fonctionnement existentiel. Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : / - absence de troubles décelables : 0 p. 100 ; / - troubles légers : 20 p. 100 ; / - troubles modérés : 40 p. 100 ; / - troubles intenses : 60 p. 100 ; / - troubles très intenses : 80 p. 100 ; / - déstructuration psychique totale avec perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société : 100 p. 100. " 5. L'expert qui a reçu M. C... les 3 et 17 novembre 2015 dans le cadre de l'instruction de la demande présentée le 19 décembre 2014 a constaté un état d'hypervigilance, un comportement phobique avec agoraphobie et évitement de la télévision, des contacts avec quelques camarades dont un a les mêmes symptômes, quelques troubles du sommeil avec des difficultés d'endormissement ainsi que des cauchemars ayant trait aux périodes traumatisantes et une hypersudation, un surinvestissement dans le sport, et des troubles du caractère avec irritabilité. S'il n'a pas relevé d'éléments dépressifs particuliers, il a souligné que M. C... était régulièrement suivi par un psychiatre et prenait un traitement antidépresseur dont la posologie avait été récemment augmentée, et s'est interrogé sur un éventuel surdosage au constat d'une certaine exaltation. M. C... se trouvant alors en congé de maladie depuis le 1er août 2014, ce premier expert a conclu à l'existence d'un état de stress post-traumatique justifiant la mise en congé de longue maladie et a fixé le taux d'invalidité à 30 %, à réévaluer ultérieurement. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, le second expert, missionné par le tribunal des pensions de Bordeaux afin d'évaluer l'infirmité à la date du 19 décembre 2014, s'est bien placé à cette date. Il n'a fait brièvement référence au certificat du psychiatre traitant du 3 juin 2016 que pour souligner la continuité des troubles imputables au fait générateur du 3 janvier 1994 à Sarajevo, lorsque M. C... s'est vu mourir gazé " comme dans les tranchées en 1914 ", dans un contexte de guerre où le risque de mort était présent inéluctablement et où il a été confronté à des spectacles horrifiques. Ce second expert, qui a retranscrit et analysé son entretien avec l'intéressé, a indiqué que l'apparence euphorique relevée par son confrère ne correspondait qu'à une attitude de prestance comme le démontre l'examen clinique, et que les symptômes post-traumatiques étaient restés identiques depuis 1996. Il a retenu à la date du 19 décembre 2014 de très importants symptômes post-traumatiques séquellaires en précisant notamment les caractéristiques de l'hypervigilance, du syndrome de répétition (caractérisé non seulement par les cauchemars, mais aussi par des céphalées, des oppressions et une perte des valeurs existentielles) et de l'évitement avec conduite de dérivation. Cette dernière, qui ne se limitait pas à un surinvestissement dans le sport, incluait un éthylisme chronique très marqué pour lequel M. C... avait été hospitalisé à sa demande du 13 mai au 16 juillet 2014. Ces symptômes, sous-évalués en 2015, ont été à juste titre qualifiés d'intenses et cotés à 60 % comme le recommande le guide-barème. 6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à contester le droit de M. C... à une pension militaire d'invalidité au taux de 60 % entre le 19 décembre 2014 et le 23 juin 2016, et que son appel doit être rejeté. Sur les frais exposés à l'occasion du litige : 7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Me Moumni. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le taux de la pension entre le 24 juin 2016 et le 18 décembre 2017 ni sur les conclusions de M.C... tendant à la confirmation du caractère définitif de la pension. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées est rejeté. Article 3 : L'Etat versera à Me Moumni une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... C.... Une copie en sera adressée pour information au docteur D..., expert. Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04043
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 24/03/2022, 19BX04026, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux d'annuler la décision du 27 juin 2018 de la ministre des armées portant refus de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au taux du grade de major de l'armée de l'air sur la base de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale et de lui accorder cette revalorisation. Par un jugement n° 19/40 du 11 juillet 2019, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté la requête. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 juillet et 21 septembre 2019, M. B..., représenté par Me Balestro, a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Bordeaux : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de lui accorder une revalorisation indiciaire de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - sa demande de première instance était recevable ; il n'a jamais été informé par l'administration de l'existence d'un décalage entre l'indice de sa pension et l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale ; il a sollicité une revalorisation de sa pension dès qu'il en a eu connaissance et n'a ainsi pas agi tardivement ; - l'administration ne saurait opposer une règle de recevabilité édictée par un décret du 20 février 1959, antérieur à la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en 1974, et qui a pour effet de le priver de son droit à faire constater par voie judiciaire une discrimination ; ce décret est contraire au principe de non-discrimination de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le décret du 5 septembre 1956, qui institue une discrimination injustifiée, est contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il subit un préjudice financier à raison de cette discrimination. Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête de M. B..., enregistrée sous le n° 19BX04026. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - M. B... n'a pas exercé de recours contre l'arrêté de concession du 14 janvier 2008, notifié par courrier recommandé le 2 février 2008 ; en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959, il disposait d'un délai de six mois à compter de cette notification pour exercer un recours contentieux ; - seul l'intéressé est en possession du certificat original d'inscription de la pension au grand livre de la dette publique mentionnant les voies et délais de recours ; - le recours contentieux de M. B... a été enregistré au-delà du délai raisonnable issu de la jurisprudence dite Czabaj ; - la primauté des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne fait pas échec aux règles de recours contentieux fixées par le droit interne ; une règle de forclusion n'est pas incompatible avec le principe de non-discrimination prévu à l'article 14 de la convention ; - la pension militaire d'invalidité de M. B... ayant été concédée antérieurement au décret n°2010-473 du 10 mai 2010, il ne peut bénéficier des dispositions de ce décret ; - en tout état de cause, en vertu de l'article L. 151-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le titulaire d'une pension revalorisée ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. Par une ordonnance du 26 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2021. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2019, confirmée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux le 19 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ; - le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Balestro, représentant M. A... B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui s'est engagé dans l'armée de l'air en 1975 et a été radié des contrôles le 8 décembre 2007, s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %. Par un arrêté du 14 janvier 2008, la liquidation de cette pension a été révisée par référence au grade de major à compter du 8 décembre 2007. En 2017, il a sollicité la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée au taux du grade de major de l'armée de l'air, en fonction de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale. Par une décision du 27 juin 2018, la ministre des armées a rejeté cette demande comme tardive. M. B... relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la revalorisation de sa pension. 2. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet (...). / Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l'économie et des finances. La concession ne devient définitive qu'après intervention dudit arrêté. (...) / Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière (...), pour lesquels la pension est liquidée (...) par le ministre d'Etat chargé de la défense nationale (...), la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par arrêté signé du ministre de l'économie et des finances ". En vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction alors en vigueur, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal des pensions, les décisions prises en vertu du premier ou du dernier alinéa de l'article L. 24 ainsi que la décision prise en vertu du deuxième alinéa du même article, sauf si celle-ci a simplement confirmé la décision primitive prise en vertu du premier alinéa. Ces dispositions, qui instaurent au demeurant un délai de recours contentieux supérieur à celui de droit commun, ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, aux termes de l'article L. 78 du même code : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) ". 3. Par ailleurs, le décret du 5 septembre 1956 relatif à la détermination des indices des pensions et accessoires de pensions alloués aux invalides au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre a fixé les indices de la pension d'invalidité afférents aux grades des sous-officiers de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la gendarmerie à un niveau inférieur aux indices attachés aux grades équivalents dans la marine nationale. 4. Le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de la pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à la personne du pensionné, notamment quant au grade qu'il détenait ou au statut générateur de droit auquel il pouvait légalement prétendre, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité sur le fondement de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. La demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, doit ainsi être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959. Ce délai de recours contentieux court à compter du jour où la décision primitive, prise en application du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a été notifiée au pensionné dans les formes prévues à l'article L. 25 du même code ou, à défaut, à compter du jour où l'arrêté par lequel cette pension a été concédée à titre définitif, en application du deuxième alinéa du même article L. 24, a été régulièrement notifié à l'intéressé. 5. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 14 janvier 2008 portant liquidation de la pension de M. B... au grade de major de l'armée de l'air à compter du 8 décembre 2007 a été notifié à l'intéressé le 2 février suivant selon l'accusé de réception postal produit au dossier. Cet arrêté ne comporte pas la mention des voies et délais de recours. 6. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par les dispositions applicables, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. Ce principe ne méconnaît pas, par lui-même, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 7. Ainsi qu'il a été dit, l'arrêté du 14 janvier 2008 a été notifié à M. B... le 3 février 2008. Cette décision fait clairement apparaître l'indice sur la base duquel la pension est désormais liquidée, et aucune obligation n'existait à la charge de l'administration d'indiquer spontanément le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice correspondant au grade équivalent au sein des personnels de la marine nationale. Par suite, et alors même que cette différence de traitement est contraire au principe d'égalité et au principe de non-discrimination prévu à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le recours de M. B... enregistré le 3 août 2018 devant le tribunal des pensions de Bordeaux, soit plus de 10 ans après l'arrêté en cause, en vue d'obtenir un nouveau calcul de cette pension en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale, a été présenté au-delà du délai raisonnable durant lequel ce recours pouvait être exercé. 8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions a rejeté sa demande comme irrecevable. 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve Dupuy La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04026
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 24/03/2022, 21DA01318, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel la commune de Bruay-sur-l'Escaut a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1908382 du 21 avril 2021 le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel la commune de Bruay-sur-l'Escaut a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., rejeté le surplus des conclusions de la requête et rejeté les conclusions présentées par la commune de Bruay-sur-L'Escaut au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : I. Par une requête enregistrée le 15 juin 2021 sous le n° 21DA01318 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 janvier 2022, la commune de Bruay-sur-l'Escaut, représentée par Me Grand d'Esnon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en se fondant sur la date du 19 mars 2019 pour apprécier la légalité de la décision attaquée du 15 juillet 2019, soit environ quatre mois après, les juges ont commis une erreur de droit ; - les premiers juges ont rajouté une condition à la disposition appliquée en retenant le motif tiré de ce que la commune n'avait pas prouvé que la requérante était l'unique responsable des difficultés relationnelles à l'origine de sa maladie ; ils ont ainsi méconnu l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - les premiers juges ont inversé la charge de la preuve car il incombe à l'agent de prouver la responsabilité de l'administration ; - l'attitude de Mme B... est l'unique cause de ses difficultés relationnelles ayant conduit à sa dépression ; - la pathologie dont souffre Mme B... n'est pas imputable au service. Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Fréger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 17 janvier 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2022 à 12 heures. Mme A... B..., représentée par Me Fréger, a produit un mémoire le 1er février 2022, après clôture de l'instruction. II. Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022 sous le n° 22DA00107, la commune de Bruay-sur-l'Escaut, représentée par Me Grand d'Esnon, demande à la cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lille ; 2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est recevable ; - les moyens qu'elle expose dans la requête d'appel sont sérieux. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public, - et les observations de Me Durrleman, représentant la commune de Bruay-sur-l'Escaut, et de Me Freger, représentant Mme A... B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., agent administratif principal de 2ème classe, est employée par la commune de Bruay-sur-l'Escaut. Elle a été placée en congé maladie à compter du 24 octobre 2017 pour un syndrome anxio-dépressif. Par un arrêté du 15 juillet 2019, la commune de Bruay-sur-l'Escaut a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par jugement du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a notamment annulé l'arrêté précité. La commune de Bruay-sur-l'Escaut relève appel de ce jugement. Sur la jonction : 2. Les requêtes n° 21DA01318 et n° 22DA00107 visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt. Sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B... : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. L'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. La maladie de Mme B... a été diagnostiquée le 24 octobre 2017 soit antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article 21 bis. Aussi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il y a lieu d'appliquer les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 mentionnée ci-dessus dans sa rédaction alors applicable. 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Le 26 juillet 2016, le médecin de prévention a constaté des conditions de travail difficiles. Le médecin traitant et son remplaçant ont également constaté un état d'angoisse et une anxiété réactionnelle avec début d'état dépressif, sans antécédent dépressif. Le médecin psychiatre ayant procédé le 25 mars 2019 a une expertise, a conclu que " la pathologie présentée par Mme B... nécessite la poursuite du congé actuel et relève de la maladie professionnelle ". La commission de réforme, des agents de la fonction publique territoriale du centre de gestion du Nord a émis le 24 mai 2019 un avis favorable sur la nature professionnelle de la pathologie. Ces avis médicaux étayent l'existence d'un lien direct et certain entre l'activité professionnelle de l'intéressée et le syndrome anxio-dépressif dont elle est atteinte. 7. Toutefois, la commune de Bruay-sur-l'Escaut soutient que Mme B... est par son fait personnel, à l'origine de sa pathologie dépressive et que son comportement a été la cause déterminante de la dégradation des conditions d'exercice professionnel. Elle produit à cet effet plusieurs attestations, soit de supérieurs hiérarchiques de l'intéressée, soit de collègues. Mme B... produit nombre d'attestations contraires en retour. Il en ressort que des évènements professionnels tels que sa mutation pour 50 % de son temps de travail et la baisse de certaines de ses primes, sans que son comportement en soit directement la cause, ont néanmoins été ressentis par Mme B... comme de la défiance à son encontre et se sont traduits chez elle par une pathologie dépressive générant de la rancœur. Ces évènements professionnels constituent bien la cause déterminante de la pathologie de Mme B... et non son propre comportement. Dans ces conditions, l'arrêt de travail et les soins portés à Mme B... à compter du 24 octobre 2017 doivent être regardés comme présentant un lien direct et certain avec le service. Dès lors, la commune de Bruay-sur-l'Escaut n'est pas fondée à soutenir qu'en présence d'un fait personnel de l'agent, elle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bruay-sur-l'Escaut n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en litige. Sur la demande de sursis à exécution du jugement : 9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 22DA00107 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer. Sur les frais liés aux litiges : 10. Les conclusions présentées par la commune de Bruay-sur-l'Escaut sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux dossiers, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bruay-sur-l'Escaut le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme B... dans le dossier n° 21DA01318 et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA00107 tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 21 avril 2021 n° 1908382. Article 2 : La requête n° 21DA01318 de la commune de Bruay-sur-l'Escaut est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête n° 22DA01318 sont rejetées. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Bruay-sur-l'Escaut sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête n° 22DA00107 sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Bruay-sur-l'Escaut. Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - M. Denis Perrin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022. Le président-rapporteur, Signé : M. C...La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Chloé Huls-Carlier 2 N°s21DA01318, 22DA00107
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 24/03/2022, 19BX04004, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux d'annuler la décision du 28 août 2015 du ministre de la défense portant refus de révision de sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle de traumatisme du grand trochanter droit. Par un jugement n° 19/14 du 21 mars 2019, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté la requête. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 mai, 5 et 14 novembre 2019, M. B..., représenté par Me Essombé, a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Bordeaux : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de lui reconnaître un droit à pension au taux de 20 % pour l'infirmité de traumatisme du grand trochanter droit ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise afin de se prononcer sur le lien entre cette infimité et les accidents des 19 mai 1988 et 15 février 1995. Il soutient que : - alors qu'il était en service, il a, en mai 1988, subi un accident de voiture et, en février 1995, été renversé par un cycliste au cours d'une intervention de gendarmerie ; lors de ces accidents de service, il a subi des traumatismes au niveau de la hanche droite ; alors que l'expert désigné par l'administration a retenu l'existence d'un lien de causalité entre la raideur de sa hanche droite et ces traumatismes et évalué l'invalidité résultant de cette infirmité à 20 %, sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité n'a pas été accueillie ; - cette infirmité est distincte de la coxarthrose droite au titre de laquelle sa demande de révision a déjà été rejetée ; il sollicite aujourd'hui une pension au titre des séquelles de la fracture chondrale détectée tardivement, à l'occasion de l'intervention du 9 septembre 2009 de pose d'une prothèse de la hanche droite ; il ne présentait aucune douleur au niveau de la hanche droite avant ses accidents ; lors de l'accident survenu en 1995, il a lourdement chuté sur sa hanche droite ; il a ressenti des douleurs à la hanche droite à la suite de cet accident, et suivi des soins en relation avec ces douleurs à partir de 1997 ; il n'est pas en mesure de produire une radiographie contemporaine des accidents, et un cliché radiographique n'aurait en tout état de cause pas permis de visualiser une fracture chondrale ; il produit des éléments médicaux qui retiennent l'existence d'un lien de causalité entre l'infirmité et les traumatismes subis lors des accidents ; - l'expert désigné par le tribunal des pensions, qui ne l'a pas examiné, ne s'est pas interrogé sur l'existence de problèmes de hanche avant les accidents de 1998 et 1995, les raisons de l'apparition de douleurs à la hanche droite après la chute survenue en 1995 et sur l'étiologie de ces douleurs ; il convient à tout le moins d'ordonner une nouvelle expertise. Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête de M. B..., enregistrée sous le n° 19BX04004. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - le requérant n'apporte pas d'élément nouveau en appel ; - M. B... ne présentait pas de séquelle au niveau de la hanche droite lors de son examen du 28 mars 1997 ; aucune anomalie n'a été détectée avant le diagnostic de coxarthrose droite posé en janvier 2009, cette pathologie s'étant développée, au vu de l'IRM de 2002, entre 2002 et 2009 ; la fracture chondrale est donc sans relation avec la contusion du grand trochanter survenue en 1995 ; l'expert désigné par le tribunal a précisé que cette fracture ne saurait être confondue avec une fracture du grand trochanter ou du col fémoral ; - les séquelles alléguées par le requérant, à savoir un blocage et une raideur de la hanche, ne peuvent médicalement relever de l'infirmité " traumatisme du grand trochanter droit " qui n'a pas entraîné de traumatisme osseux ; - le requérant a falsifié le certificat de visite du 18 juillet 1997 en y ajoutant des mentions ; - le certificat médical du 23 avril 2018 n'est pas probant ; - une nouvelle mesure d'expertise serait inutile. Par une ordonnance du 24 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 26 janvier 2021. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, - et les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant-chef de la gendarmerie, rayé des cadres le 29 octobre 1997, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux global de 45 % par arrêté du 8 avril 2013, pour les infirmités de séquelles d'entorse grave du poignet droit, syndrome de canal carpien droit et entorse cervicale bénigne aggravant une arthrose cervicale préexistante. Le 21 octobre 2013, il en a sollicité la révision pour l'infirmité nouvelle de traumatisme du grand trochanter droit qu'il attribuait à des accidents survenus en service les 19 mai 1988 et 15 février 1995. Par une décision du 28 août 2015, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que l'infirmité invoquée était inexistante. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Bordeaux, lequel, par un jugement avant dire droit du 11 janvier 2017, a ordonné une expertise médicale, puis, par un jugement du 21 mars 2019, a rejeté la demande en l'absence de causalité directe et certaine entre un fait de service et l'infirmité invoquée de traumatisme du grand trochanter. M. B... relève appel de ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service / (...). " Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". Il résulte de ces dispositions, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. Aux termes de l'article L.4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que M. B..., alors qu'il était en service, a subi un accident de véhicule le 19 mai 1988 et été renversé par un cycliste le 15 février 1995. Lors de ces accidents, l'intéressé a notamment présenté des contusions au niveau de la hanche droite. Il a été déclaré inapte au service en 1997 et rayé des cadres pour ce motif. Des examens radiologiques réalisés au début de l'année 2005 ont révélé qu'il présentait une coxarthrose droite. Par un jugement du 6 septembre 2013, devenu définitif, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette nouvelle infirmité au motif que son imputabilité au service n'était pas établie. Le requérant a de nouveau sollicité dès le 21 octobre 2013 la révision de sa pension pour l'infirmité nouvelle tenant cette fois, selon lui, aux séquelles d'un traumatisme du grand trochanter droit lors des accidents de service des 19 mai 1988 et 15 février 1995. Toutefois, si l'expert désigné par l'administration dans le cadre de cette nouvelle demande retient finalement, au regard de la période d'apparition des premières douleurs à la hanche droite, un lien entre la coxarthrose droite et le traumatisme à la hanche droite survenu lors de l'accident du 15 février 1995, il ne retient pas l'existence d'un traumatisme osseux ou cartilagineux lors de cet accident. Le requérant, qui allègue avoir subi une fracture du grand trochanter droit lors de cet accident, ne produit toutefois aucun élément médical de nature à établir qu'il aurait présenté une telle fracture, et l'expertise ordonnée avant-dire droit par le tribunal des pensions militaires de Bordeaux souligne que si l'intéressé avait subi une telle lésion traumatique, l'évolution clinique aurait été beaucoup plus rapide. M. B... fait aussi valoir que, lors d'une intervention chirurgicale de pose d'une prothèse de hanche réalisée en septembre 2009, le chirurgien a constaté visuellement la présence d'une fracture chondrale. Cependant, l'expertise ordonnée par le tribunal relève qu'une telle fracture du cartilage, localisée au niveau de la tête fémorale droite, ne saurait être confondue avec une fracture du grand trochanter droit. Les éléments médicaux versés par M. B..., relatifs à l'étiologie de sa coxarthrose droite, ne permettent pas davantage d'établir qu'il présenterait des séquelles d'une fracture osseuse ou cartigilineuse du grand trochanter droit. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'infirmité invoquée dans le cadre du présent litige soit en lien avec un fait de service. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté sa demande. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve Dupuy La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04004
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 3ème chambre, 25/03/2022, 21NT00012, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 23 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et de condamner l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité qui ne lui ont pas été versées ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement n° 1905670 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2021, M. B... A..., représenté par Me Lemasson de Nercy, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 novembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 23 novembre 2016 du ministre de la défense ; 3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité qui ne lui ont pas été versées ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il a bien contesté le taux de pourcentage d'invalidité de 20 % retenu et son état actuel suppose l'établissement d'un droit à pension à 70 % ; - en application de l'ancien article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et ainsi qu'il résulte de son livret médical militaire, la bronchite qu'il a contractée en 1959 doit être imputée au service et ouvre droit à pension ; en conséquence, il est en droit de réclamer la condamnation de l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité non versées à tort ; - en raison de l'inaction de l'administration et des juridictions françaises qui n'ont pas reconnu ses droits, il a subi un préjudice moral qui devra être indemnisé à hauteur de 100 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la requête présentée par M. A... est irrecevable dès lors que l'imputabilité au service de l'infirmité bronchique dont est atteint le requérant a été définitivement rejetée par une décision de la haute juridiction du 19 janvier 2000 qui a acquis l'autorité de la chose jugée. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. L'hirondel, - et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., qui est né le 13 février 1939, a été incorporé, début mars 1959, au 25ème régiment d'artillerie de Thionville pour y effectuer son service militaire. Il a contracté une bronchite en avril 1959 qui a été soignée avant que l'intéressé ne soit réformé. Il a présenté une demande de pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles de sinusite maxillaire bilatérale avec dilatation des bronches " qui a été rejetée, en dernier lieu, par une décision du ministre de la défense du 23 novembre 2016. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 novembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 novembre 2016 ainsi qu'à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité qui ne lui ont pas été versées et la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. / (...). " Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une simple hypothèse médicale. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / (...) Il est concédé une pension : / (...) / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". 4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du livret médical de l'intéressé, que M. A... a été hospitalisé pour une " bronchite " qui s'est manifestée le 3 avril 1959, soit seulement quinze jours après son incorporation. En l'absence d'accomplissement d'un service pendant une durée de 90 jours, le requérant ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par ailleurs, il résulte du jugement du tribunal des pensions militaires de Quimper du 22 mai 2006, que les expertises médicales ordonnées par ce tribunal le 3 octobre 1988 et le 6 novembre 1995 ont conclu que les dilatations des bronches dont souffre l'intéressé sont innées ou acquises lors de pathologies de la petite enfance et ne sont en aucun cas imputables aux activités militaires. Au demeurant, M. A... avait lui-même indiqué aux experts avoir eu de fréquentes bronchites ainsi qu'un épisode d'infection respiratoire plus importante durant l'enfance et qu'il avait également mentionné sur le questionnaire qu'il avait rempli au Centre de sélection de Guingamp avoir souffert de bronchites, d'asthme et de pneumonie et qu'il ressentait encore les suites des bronchites. Selon le jugement de ce même tribunal du 24 janvier 2011, le certificat médical du 31 octobre 2008 que M. A... avait produit indique expressément que " l'interrogatoire rétrospectif plaide en faveur d'une dilatation des bronches acquises au cours de l'adolescence et révélée au cours du service militaire ". Dans ces conditions, la circonstance que le livret médical militaire mentionne l'apparition d'une bronchite au 3 avril 1959 alors que les examens médicaux initiaux réalisés en mars 1959 ne signalent aucune anomalie de l'appareil respiratoire ne saurait à elle seule établir l'imputabilité au service de l'affection dont souffre M. A.... 5. Au surplus, à supposer même que l'infirmité dont souffre M. A... puisse être imputée au service, il résulte de l'instruction que l'expert, spécialiste en pneumologie et allergogie respiratoire, a fixé, dans son rapport déposé le 21 décembre 1988, à 20 % le degré d'incapacité, par référence aux normes du guide barème après s'être appuyé tant sur des observations cliniques que sur les résultats d'examens radiographiques et une explorations fonctionnelle. Le taux d'invalidité a été ainsi fixé à 20 pour cent par l'arrêt devenu définitif de la cour régionale des pensions de Rennes du 4 octobre 1991. Le courrier et l'attestation d'un médecin du 26 novembre 1995, qui ne fait pas état de constatations personnelles issues d'un examen clinique de l'intéressé, n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert. Dans ces conditions, par application des dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. A... ne peut se voir davantage allouer, pour cet autre motif, une pension militaire d'invalidité. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 novembre 2016 rejetant sa demande de pension. Par voie de conséquence, en l'absence d'illégalité de cette décision, M. A... n'est également pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'État à lui verser la pension et à réparer le préjudice allégué. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. . DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient : - D. Salvi, président, - Mme Brisson, présidente-assesseure, - M. L'hirondel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe 25 mars 2022. Le rapporteur M. L'hirondel Le président D. Salvi Le greffier R. Mageau La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°21NT00012
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 24/03/2022, 19BX04049, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux de réformer l'arrêté du 7 août 2017 par lequel la ministre des armées lui a concédé une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 40 %, avec jouissance à compter du 14 octobre 2015, en tant que ce taux est inférieur à 60 %. Par un jugement du 21 mars 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 mai 2019, M. C..., représenté par Me Baudorre, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de réformer l'arrêté du 7 août 2017 en tant qu'il retient un taux d'invalidité de 40 %, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de statuer à nouveau sur son droit à pension dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il soutient que : - dès lors que la décision contestée était celle de 2017, c'est à tort que le tribunal lui a opposé l'expiration du délai de recours à l'encontre de la décision d'attribution initiale de la pension temporaire en 2013 ; - le tribunal n'a pas statué sur sa demande d'expertise ; - l'expert a retenu un taux de 60 % en lien avec le service, et la réfaction opérée par l'administration au motif que 20 % ne seraient pas imputables relève d'une erreur manifeste d'appréciation ; à titre subsidiaire il conviendrait d'appliquer, si une partie de l'infirmité devait être regardée comme aggravant un état antérieur non imputable, les dispositions de l'article L.121-7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - il a droit à une pension au taux de 60 % retenu par les deux expertises successives réalisées en 2013 et 2016 à la demande de l'administration ; - à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, il conviendrait d'ordonner une expertise. Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - la pension a été attribuée pour une première période triennale allant du 7 mai 2013 au 6 mai 2016 pour l'infirmité de syndrome anxio-dépressif au taux de 20 %, après déduction de 20 % non imputables au service ; la part non imputable de 20 % ayant acquis un caractère définitif faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande ; - eu égard à l'objet du litige, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise. M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2019 modifiée le 26 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Baudorre, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité temporaire avec jouissance du 7 mai 2013 au 6 mai 2016 concédée au taux de 20 % par arrêté du 9 décembre 2013 pour l'infirmité " Syndrome dépressif réactionnel. Reviviscence d'événements traumatiques, cauchemars, troubles dépressifs chroniques ", en a sollicité la révision pour aggravation le 14 octobre 2015. Par un arrêté du 7 août 2017, la ministre des armées lui a concédé une pension définitive au taux de 40 % à compter du 14 octobre 2015 pour l'infirmité aggravée par blessure " Etat de stress post-traumatique avec état anxio-dépressif chronique : reviviscences, cauchemars, ecmnésies ". M. C... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux de réformer cet arrêté en tant qu'il retient un taux d'invalidité de 40 % au lieu de celui de 60 % retenu par l'expert désigné par l'administration. Il relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. La procédure a été transmise à la cour administrative d'appel de Bordeaux en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. 2. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Aux termes de l'article L. 7 du même code : " Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable ". Aux termes de l'article L. 8 de ce code : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. / Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée (...) par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article L. 29 (...)". Selon l'article L. 29 : " (...) l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (...). " 3. Si M. C... n'a pas contesté la fiche descriptive des infirmités du 30 décembre 2013 portant décision d'attribution de la pension temporaire initiale, concédée au taux de 20 % en retenant une invalidité au taux de 40 % imputable au service à hauteur de 20 % seulement, en contradiction avec l'expertise réalisée le 24 août 2013 qui avait déjà retenu une imputabilité totale, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce qu'il conteste la décision, qui a un objet différent, statuant sur son droit à majoration de la pension après la prise en compte d'éléments d'aggravation objectivés par une nouvelle expertise. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 7 août 2017 comme portant sur une décision qui ne pouvait plus être contestée. Il y a lieu pour la cour d'annuler le jugement et de statuer par voie d'évocation sur la demande de M. C.... 4. L'expert qui a examiné M. C... le 6 octobre 2016 dans le cadre de l'instruction de sa demande a constaté un état de stress post-traumatique en lien exclusif avec les événements, homologués comme blessure de guerre le 3 décembre 2015, vécus le 5 novembre 2004 à Bouaké en Côte d'Ivoire. M. C..., alors aide-soignant au groupe médico-chirurgical de Bouaké équipé pour recevoir une dizaine de blessés, a été confronté, de 13 heures à 3 heures du matin, à un afflux massif de quarante-huit victimes d'un bombardement aérien des forces gouvernementales de Côte d'Ivoire, dont dix morts, présentant de terribles blessures telles que des pieds arrachés, des thorax ouverts, des fracas faciaux et des brûlures, dans une odeur de sang et de " viande grillée ". Parmi ces victimes se trouvaient dix camarades de son régiment. L'expert a retenu un taux de 60 % imputable au service pour des troubles à l'origine d'une " gêne intense ", dont la gravité n'est pas contestée par la ministre des armées, répartis entre 40 % pour l'état de stress post-traumatique et 20 % pour un état anxio-dépressif traité à l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué. L'expert a précisé que la personnalité antérieure de l'intéressé, issu d'une famille sans problèmes psychiatriques avec des liens " bons et forts ", n'était pas pathologique, et que ses séquelles n'étaient pas en relation avec le handicap de son fils atteint d'une pathologie génétique, né avant la blessure du 5 novembre 2004. Ainsi, M. C... est fondé à soutenir que l'abattement de 20 % auquel a procédé l'administration est fondé sur une interprétation manifestement erronée du dossier médical. 5. Il y a lieu d'enjoindre à la ministre des armées, comme le demande M. C..., de statuer à nouveau sur ses droits à pension, en tenant compte des motifs du présent arrêt, dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Bordeaux du 21 mars 2019 est annulé. Article 2 : Il est enjoint à la ministre des armées de réexaminer les droits à pension de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04049
Cours administrative d'appel
Bordeaux
Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 22/03/2022, 442509
Vu la procédure suivante : M. E... K... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 26 janvier 2015 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 11/00098 du 11 juin 2015, le tribunal des pensions militaires de Marseille a, d'une part, reconnu un droit à pension pour l'infirmité " trouble anxio-dépressif " au taux de 30 % à compter de la date de la demande fixée au 8 janvier 2002, et, d'autre part, ordonné avant-dire droit une expertise portant sur les infirmités " syndrome d'apnée du sommeil ", " hypertension artérielle " et " édenture ". Par un jugement enregistré sous le même numéro, en date du 9 mai 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a infirmé la décision ministérielle du 1er juillet 2008 rejetant la demande de pension formée par M. K... le 8 janvier 2002 et dit qu'à compter de cette date le requérant avait droit à une pension au titre des infirmités suivantes sur le fondement des deux derniers alinéas de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité : - le syndrome d'apnée du sommeil : 60 % ; - l'édenture : 15 % ; - l'hypertension artérielle avec retentissement cardiaque : 15 %. Par un arrêt n° 19MA05082 en date du 15 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie en appel par la ministre des armées, a annulé le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille en tant qu'il reconnaît à M. K... un droit à pension au titre des infirmités " syndrome d'apnée du sommeil ", " hypertension artérielle " et " édenture " et a rejeté les demandes présentées par M. K... devant le tribunal des pensions militaires de Marseille et ses conclusions d'appel incident. Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 août 2020 et 9 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le droit à pension pour hypertension artérielle avec retentissement cardiaque ; 2°) de rejeter les conclusions d'appel de la ministre des armées en tant qu'elles contestent le droit à pension pour hypertension artérielle avec retentissement cardiaque ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. E... K..., radié des cadres de la marine nationale en 2011, s'est vu reconnaitre par un jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 11 juin 2015 devenu définitif un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " trouble anxio-dépressif " au taux de 30 % à compter du 8 janvier 2002. Par un jugement du 9 mai 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a également reconnu à l'intéressé un droit à pension au titre des infirmités " syndrome d'apnée du sommeil ", " hypertension artérielle avec retentissement cardiaque " et " édenture ". M. K... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de la ministre des armées, a annulé ce jugement et rejeté ses demandes. Il demande l'annulation de cet arrêt en tant seulement que lui a été dénié le droit à pension pour l'infirmité " hypertension artérielle avec retentissement cardiaque ". 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors applicable : " Ouvrent droit à pension : (...) 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service. ". Selon l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, pour que, dans le cas d'infirmités multiples résultant exclusivement de maladie, l'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ouvre droit à pension, d'une part le taux d'aggravation doit atteindre à lui seul le minimum indemnisable de 10 % et, d'autre part, le degré d'invalidité total entrainé par ces infirmités multiples, qu'il s'agisse d'infirmités par le fait ou à l'occasion du service ou d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service, doit être supérieur ou égal à 40 %. 4. Pour écarter la demande de pension présentée par M. K... au titre de " l'hypertension artérielle avec retentissement cardiaque ", la cour administrative d'appel, après avoir souverainement estimé, au vu du rapport d'expertise, que le taux d'invalidité entraîné par cette affection, étrangère au service mais aggravée par le seul fait du service, était de 15 %, dont 10 % seulement du fait du service, en a déduit que, n'atteignant pas ainsi le degré d'invalidité de 30 % exigé par les dispositions citées ci-dessus, cette affection ne pouvait pas ouvrir droit à pension. 5. Ce faisant, en ne prenant pas en considération, pour apprécier le droit au bénéfice d'une pension au titre de l'aggravation de l'hypertension artérielle, l'existence de l'affection de " trouble anxio-dépressif " au titre de laquelle une pension d'invalidité a déjà été allouée à l'intéressé et en ne regardant pas ces deux affections comme des infirmités multiples au sens du 3° de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, M. K... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il ne lui a pas reconnu un droit à pension pour l'infirmité " hypertension artérielle avec retentissement cardiaque ". 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Selon l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 14 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité ". 8. Il résulte de l'instruction que M. K... s'est vu définitivement reconnaître un droit à pension pour troubles anxio-dépressifs à hauteur de 30 % et que l'hypertension artérielle dont souffre l'intéressé a été aggravée par le seul fait du service à hauteur de 10 %. L'infirmité pour troubles anxio-dépressifs entraînant une invalidité d'au moins 20 %, le degré d'invalidité de l'infirmité résultant de l'hypertension artérielle doit être augmenté de 5 %, soit un degré d'invalidité total pour cette deuxième infirmité de 15 % à appliquer proportionnellement à la validité restante s'élevant à 70 %. Ainsi, le degré d'invalidité résultant, de ces infirmités multiples étant égal à 40,5 %, M. K... peut prétendre, en application des dispositions du 3° de l'article L. 4, au bénéfice d'une pension pour l'ensemble de ces infirmités. Il est, par suite, fondé à demander l'attribution d'une pension au taux de 45 %, conformément aux dispositions de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui se substitue au taux de 30 %, à compter du 26 novembre 2008, date de réception de sa demande. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. K... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 15 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille en tant que celui-ci a reconnu un droit à pension à M. K... pour l'infirmité " hypertension artérielle avec retentissement cardiaque ". Article 2 : Il est attribué à M. K..., à compter du 26 novembre 2008, une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % pour les infirmités " troubles anxio-dépressifs " et " hypertension artérielle avec retentissement cardiaque ". Article 3 : Le jugement du 9 mai 2019 du tribunal des pensions militaires de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à M. K... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. E... K... et à la ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 21 février 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. H... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. B... G..., Mme A... J..., M. E... M..., M. F... L..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 22 mars 2022. La présidente : Signé : Mme Christine Maugüé Le rapporteur : Signé : M. Yves Doutriaux La secrétaire : Signé : Mme C... D...ECLI:FR:CECHR:2022:442509.20220322
Conseil d'Etat