Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
5819 résultats
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/03/2022, 20NT02677, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer le taux d'invalidité résultant des infirmités de service dont il est atteint et de mettre à la charge de l'Etat (ministère de la défense) les dépens. Par un jugement n° 1904169 du 30 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 août 2020, 15 avril 2021 et 4 mai 2021, M. B..., représenté par la SCP d'avocats Rouaud et associés, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juin 2020 ; 2°) d'ordonner l'expertise sollicitée ; 3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que : - les expertises réalisées les 28 mars 2017 et 15 mai 2017 n'ont porté que sur les douleurs ressenties au niveau de l'épaule droite sans tenir compte des cervicalgies apparues à la suite de l'accident du 14 avril 2015 ; l'IRM pratiquée le 10 octobre 2017 confirme le lien entre ces douleurs cervicales et l'accident du 14 juillet 2015, lequel a été signalé à ses supérieurs hiérarchiques ; - sa demande de pension militaire d'invalidité incluait ses douleurs cervicales dès lors qu'elle concernait les conséquences de l'accident du 14 avril 2015 ; - ses fonctions de secrétaire médical impliquant de nombreuses heures passées devant un ordinateur ont généré des douleurs ; le lien entre l'existence d'un torticolis et de scapulalgies constatés le 10 décembre 1997 et l'accident n'a pas été constaté ; - son accident du sport survenu le 13 juin 2012 s'est produit dans le cadre de l'obligation incombant au militaire de conserver une " dynamique sportive " ; - le taux d'invalidité de 20 %, dont 10 % seulement imputable au service, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par des mémoires, enregistrés les 22 mars, 23 avril et 20 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance du 6 janvier 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a effectué son service militaire du 1er novembre 1996 au 31 octobre 1998 puis s'est engagé dans l'armée à compter du 4 janvier 1998. Il a d'abord exercé les fonctions de brancardier et d'aide secrétaire puis celles d'infirmier préleveur au centre de transfusion sanguine des armées. Le 14 avril 2015, il a été victime d'un traumatisme à l'épaule droite en déchargeant des chariots de matériel d'un camion. L'examen d'IRM réalisée le 30 avril 2015, a révélé une " tendinopathie fissuraire d'allure transfixiante du muscle supraépineux droit avec atteinte dégénérative de l'articulation acromio-claviculaire droite ". Alors qu'il avait repris ses fonctions à compter du 3 juillet 2015, l'intéressé a ressenti, le 14 juillet 2015, une vive douleur à l'épaule droite en allongeant sur un brancard une personne qui avait fait un malaise vagal. L'IRM pratiquée le 28 juillet 2015 a confirmé la " présence d'une fissuration intra-tendineuse au sein du tendon supraépineux [avec] arthrose acromio claviculaire associée à une petite réaction de bursite sous acromio-deltoïdienne ". M. B... a conservé des séquelles de ces deux accidents de service en dépit d'une opération par une acromioplastie de l'épaule droite sous arthroscopie associée à une résection du centimètre externe de la clavicule droite pratiquée le 21 janvier 2016. Le 11 avril 2016, il a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Au vu des expertises réalisées, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité au ministère de la défense a estimé que le taux global d'invalidité de M. B... était de 20 % dont 10 % imputable au service, l'intéressé ayant été victime en 2012 d'une luxation acromio-claviculaire à l'occasion d'une séance de squash constituant un état antérieur évalué lui-même à 10 %. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires afin que soit ordonnée une nouvelle expertise médicale judiciaire. Il relève appel du jugement du 30 juin 2020, par lequel le tribunal administratif d'Orléans, devenu compétent, a rejeté sa requête. Sur la demande d'expertise : 2. D'une part, l'utilité d'une mesure d'expertise qu'il est demandé au juge d'ordonner doit être appréciée au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. De même, le juge ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de pension militaire d'invalidité déposée par M. B... : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constaté qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas.". 4. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5. En premier lieu, M. B... évoque le torticolis et les scapulalgies dont il a souffert et qui, selon ses dires, ont été constatés le 10 décembre 1997. Le ministre soutient toutefois sans être contredit qu'aucun rapport circonstancié ou de commandement n'atteste d'un fait de service précis intervenu à cette date. M. B... ne justifie, ni avoir conservé des séquelles à la suite de ces affections, ni le lien direct et certain de celle-ci avec le service. Par suite, il n'est pas fondé à solliciter une expertise à raison de ces faits. 6. En deuxième lieu, M. B... évoque la luxation acromio-claviculaire de stade 2 à l'origine " d'un remaniement dégénératif acromio-claviculaire " dont il a été victime lors d'une séance de squash, le samedi 9 juin 2012. Selon le médecin chef du centre médical des armées de Tours, qui a examiné M. B... le 28 janvier 2021 dans le cadre d'une expertise diligentée par le ministère des armées, ce traumatisme a été décompensé en 2015. Selon cet expert, cette activité résulte d'une initiative personnelle de l'intéressé et non d'une activité militaire programmée et obligatoire. Si le requérant soutient que cet accident s'est produit dans le cadre de l'obligation incombant au militaire de conserver une " dynamique sportive ", cette circonstance ne suffit pas à établir un lien de causalité entre cette blessure et le service dès lors qu'à ce moment précis il n'était pas en fonction. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à solliciter une expertise à raison de cet accident. 7. En troisième lieu, M. B... sollicite la prise en compte des cervicalgies dont il souffre au titre des accidents de service qu'il a subis en 2015. L'IRM réalisée le 30 avril 2015 à la suite du premier accident a révélé une " fissure d'allure transfixiante de l'insertion antérieure du tendon du sus-épineux [et un] remaniement dégénératif acromio-claviculaire ". Le nouvel examen pratiqué le 28 juillet 2015 a confirmé la présence d'une " fissuration intra-tendineuse au sein du tendon supra épineux [avec] arthrose acromio-claviculaire associée à une petite réaction de bursite sous acromio-deltoïdienne ". Ni ces examens, ni les certificats médicaux produits par M. B..., ne font état d'une quelconque affection au niveau des cervicales. En revanche, dans un courrier du 12 juin 2015, le médecin en chef de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Percy indique que l'intéressé se plaint de douleurs et de fourmillements dans les doigts de la main droite " avec une irradiation au niveau cervical ". Par ailleurs, dans un courrier du 2 février 2018, le neurologue qui a examiné M. B..., indique que l'intéressé souffre d'un syndrome dyspostural cervico-scapulaire " secondaire à ses problèmes d'épaule ". Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a été hospitalisé à l'HIA Percy du 14 au 19 mai 2018 puis du 25 au 26 mai 2018 à raison de douleurs chroniques de l'épaule droite " associées à des cervicalgies faisant suite à un accident de service datant du 14 avril 2015 ". Une expertise médicale réalisée le 12 septembre 2018 confirme également la présence de cervicalgies en rapport avec une saillie discale postéro-latérale droite C6-C7 objectivée en octobre 2017. L'expert conclut " qu'il existe un lien entre la périarthrite scapulo-humérale droite post traumatique et les évènements déclarés les 14 avril et 14 juillet 2015 ". Enfin, lors de l'expertise diligentée par le ministère des armées le 28 janvier 2021, le médecin chef du centre médical des armées de Tours, dont la mission consistait notamment à décrire les blessures subies les 14 avril et 14 juillet 2015 et les troubles " en rapport direct avec celles-ci ", a précisé que les cervicalgies décrites par le patient " s'intégraient dans ce syndrome douloureux régional ". Compte tenu de ces certificats médicaux, et en dépit du fait que les cervicalgies n'ont pas été mentionnées lors des déclarations initiales de ces deux accidents et qu'elles constituent une pathologie distincte de celle de l'épaule, le requérant doit être regardé comme apportant suffisamment d'éléments de preuve laissant supposer un lien de causalité entre cette nouvelle infirmité et les accidents de 2015, lesquels en constitueraient le fait générateur commun. Par suite, le requérant justifie de l'utilité de l'expertise qu'il sollicite en vue de réévaluer le taux de la pension qu'il perçoit à raison des séquelles qu'il conserve de ces accidents de service. 8. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande présentée par M. B.... Il y a lieu en conséquence, d'annuler le jugement attaqué et de faire droit à la demande du requérant en assignant à l'expert la mission définie dans le dispositif du présent arrêt. Sur les dépens : 9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". 10. La présente instance n'ayant généré aucun dépens, la demande présentée à ce titre par le requérant ne peut qu'être rejetée. En revanche, les frais et honoraires de l'expert seront taxés et liquidés par une ordonnance distincte du président de la cour à l'issue des opérations d'expertise. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1904169 du tribunal administratif d'Orléans en date du 30 juin 2020 est annulé. Article 2 : Il sera procédé à une expertise médicale contradictoire entre les parties. Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 4 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. B..., se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ; - d'examiner l'intéressé, décrire son état de santé actuel ; - fixer le taux d'invalidité de M. B... imputable à l'affection dont il souffre au niveau de l'épaule droite en lien avec les accidents de service survenus les 14 avril et 14 juillet 2015 et la part de cette affection imputable à l'accident survenu le 9 juin 2012 ; - dire si les cervicalgies dont se plaint M. B... sont en lien direct et certain avec les accidents de service des 14 avril et 14 juillet 2015 et, dans ce cas, déterminer le taux d'invalidité en résultant pour l'intéressé ; - de façon générale, donner tous autres éléments d'information nécessaires. Article 5 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties. Article 6 : L'expert appréciera l'utilité, pour lui, de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport qui, s'il est rédigé, ne pourra avoir pour effet de conduire à dépasser le délai fixé à l'article 5 ci-dessus. Article 7 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 février 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2022. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20NT02677
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/03/2022, 20NT02718, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 24 avril 2017 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour les cervicalgies et la discarthrose cervicale dont il souffre, au taux de 20 %, et pour les séquelles de la fracture du gros orteil droit qu'il conserve, au taux de 10 %. Par un jugement du 21 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans a prescrit avant dire droit une mesure d'instruction tendant à ce que la ministre des armées justifie de la compétence de l'auteur de la décision du 24 avril 2017. Par un jugement n° 1903894 du 30 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, M. C..., représenté par Me Derec, demande à la cour : 1°) d'annuler ces deux jugements du tribunal administratif d'Orléans des 21 janvier et 30 juin 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 24 avril 2017 ; 3°) le cas échéant, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ; 4°) de dire et juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au titre des cervicalgies et de la discarthrose cervicale dont il souffre, au taux de 20 %, et au titre des séquelles de la fracture du gros orteil droit qu'il conserve, au taux de 10 % ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens. Il soutient que : - le tribunal ne peut se fonder sur une décision du 23 juillet 2007 rejetant une précédente demande de pension militaire d'invalidité, qui n'a pas été opposée par l'administration, et qui n'a pas été versée aux débats, ni soumise au contradictoire et dont le contenu n'est pas précisé ; elle n'a pas pu prendre en compte l'évolution de ses infirmités de sorte que la décision de 2017 ne peut être regardée comme purement confirmative de celle de 2007 ; - la décision contestée a été prise par une autorité incompétente, la décision du 23 novembre 2016 étant trop générale ; - les cervicalgies dont il souffre ne résultent pas d'une maladie mais de l'accident survenu le 13 mai 2002 et sont imputables au service ; à tout le moins, elles ont été contractées à cette occasion ou constituent une maladie associée à des infirmités résultant de blessures au sens du 2° de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - étant stationné à Djibouti en opérations extérieures lors de la blessure initiale, et le taux d'invalidité résultant de cette maladie étant de 20 %, un droit à pension lui serait de toute façon ouvert au titre de l'exception prévue par le 3° de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - les séquelles qu'il conserve au niveau du gros orteil droit, résultent d'un accident et non d'une maladie ; le tribunal ne pouvait se fonder sur une expertise de 2005 pour retenir le taux de 8 % alors que deux autres expertises plus récentes ont été réalisées. Par des mémoires, enregistrés les 12 mars et 16 décembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... a servi dans la Légion étrangère de 2001 à 2004. Le 8 janvier 2015, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre, d'une part, des cervicalgies à caractère chronique, discarthrose cervicale étagée de C4 à C7 qu'il rattache à l'accident de service dont il a été victime le 13 mai 2002 à Djibouti et, d'autre part, des séquelles fonctionnelles qu'il conserve à la suite d'une fracture de la deuxième phalange du gros orteil droit survenue le 22 octobre 2003 en Côte d'Ivoire dans le cadre d'un entraînement sportif. Sa demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 24 avril 2017, aux motifs que la première infirmité entraînait un taux d'invalidité de 20 %, inférieur au minimum de 30 % ouvrant droit à pension pour les maladies contractées en temps de paix, et que la seconde infirmité entraînait un taux d'invalidité de 8 %, inférieur au seuil de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension au titre des accidents de service. M. C... relève appel du jugement du 21 janvier 2020, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a prescrit, avant dire droit, une mesure d'instruction tendant à ce que la ministre des armées justifie de la compétence de l'auteur de la décision du 24 avril 2017. Il conteste également le jugement rendu le 30 juin 2020, par lequel le même tribunal a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 avril 2017 : En ce qui concerne la compétence de l'auteur de la décision contestée : 2. L'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement prévoit que : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : / Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) ". La décision contestée a été signée, pour le ministre et par délégation, par l'administrateur civil hors classe, adjoint au sous-directeur des pensions. Ce dernier a, par une décision du 23 novembre 2016 de la directrice des ressources humaines du ministère de la défense qui a qualité de directrice d'administration centrale, reçu régulièrement subdélégation " dans la limite des attributions de la sous-direction ", ainsi que le prévoit l'article 3 du décret précité. Contrairement à ce que soutient le requérant, le signataire tenait de cette délégation, qui était suffisamment précise, compétence pour signer les décisions d'attribution ou de refus de pension militaire d'invalidité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait. En ce qui concerne le taux d'invalidité retenu au titre des deux infirmités : 3. Aux termes de l'article 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 5 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4, les pensionnés ou postulants à pension à raison d'infirmités résultant de blessures reçues ou de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service accompli : / (...) Soit (...) au cours d'opérations ouvrant droit au bénéfice de campagne double ou en captivité, ont droit à pension si l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 % (...) ". 4. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. S'agissant des cervicalgies : 5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 20 novembre 2018 par le médecin désigné avant dire droit par le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans, alors compétent, que M. C... a fait une chute dans les escaliers le 13 mai 2002 alors qu'il était en poste à Djibouti. Les radiographies ont révélé une entorse C6-C7 avec un doute sur une fracture C7, laquelle a été écartée par la suite. La décision contestée a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité présentée par l'intéressé au titre de cette infirmité au motif qu'elle entraînait un taux d'invalidité de 20 %, inférieur au taux minimum de 30 % requis pour les maladies contractées en temps de paix. Le requérant soutient que les cervicalgies dont il souffre ne résultent pas d'une maladie mais de l'accident survenu le 13 mai 2002 ou qu'elles constituent, à tout le moins, une maladie associée à des infirmités résultant de cette blessure. Le dernier expert commis par le tribunal a rappelé les différentes expertises réalisées au titre de cette infirmité. Aucune d'entre elles n'a évalué le taux d'infirmité dont M. C... reste atteint au-delà de 20 %. Le requérant se prévaut toutefois des conclusions de cet expert judiciaire, pour soutenir qu'il ne s'agit pas d'une maladie ouvrant droit à une pension militaire d'invalidité lorsque le taux d'invalidité est d'au moins 30 % mais d'un accident, dont le seuil minimal requis pour l'attribution d'une pension est de 10 %. Compte tenu du taux de 20 % admis par la ministre, il pourrait dès lors prétendre à une pension militaire d'invalidité. Si l'expert affirme que les circonstances précises de l'accident ont été constatées au moment des faits par les médecins militaires, il résulte de l'instruction que la présence d'un pincement discal en C5-C6 et C6-C7 apparue lors des radiographies réalisées le 12 janvier 2007 n'avait jusqu'alors pas été constatée par les différents examens pratiqués à la suite de l'accident. En outre, dès 2002 un médecin avait précisé que l'inversion de courbure en C6-C7 qu'il présentait était d'origine " constitutionnelle " et non pathologique. Par ailleurs, le pincement, ou tassement discal, constitue l'une des manifestations de la discopathie dégénérative et ne peut, sauf preuve contraire, être rattaché à un accident. Compte tenu de ces éléments, le requérant n'établit pas que les pathologies diagnostiquées en 2007 présenteraient un lien direct et certain avec l'accident qu'il a subi dans le cadre de ses fonctions le 13 mai 2002. D'ailleurs, ainsi que le souligne la ministre des armées, ces nouvelles pathologies ne figurent pas sur le registre des constatations du corps et n'ont fait l'objet d'aucun rapport circonstancié de la part du commandement. Dans ces conditions, c'est à juste titre que la demande de pension militaire d'invalidité sollicitée par M. C... à raison de cette pathologie a été rejetée. 6. A titre subsidiaire, le requérant fait valoir qu'il était en opération extérieure à Djibouti lors de sa blessure initiale et invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ces dispositions prévoient que : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-5, ont droit à pension, dès que l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 %, les militaires dont les infirmités résultent de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service lorsque celui-ci est accompli (...) 3° En opérations extérieures (...) ". Ces dispositions n'étaient toutefois pas applicables à la date à laquelle M. C... a présenté sa demande. En outre, l'intéressé n'établit pas qu'il entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 5 du même code alors en vigueur lorsqu'il était en mission de courte durée à Djibouti, entre le 19 janvier et le 26 mai 2002. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à contester la décision contestée en tant qu'elle concerne cette infirmité. S'agissant des séquelles de la fracture de l'orteil droit : 7. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'un match de football, organisé le 22 octobre 2003 dans le cadre de la séance de sport quotidienne, M. C..., qui était alors en mission en Côte d'Ivoire, a reçu un coup sur le pied droit. Le lendemain, son pied a enflé et une fracture de la deuxième phalange du gros orteil droit a été diagnostiquée. S'agissant des séquelles d'un accident, le taux d'invalidité ouvrant droit à pension est de 10 % en vertu des dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Dans son rapport du 20 novembre 2018, l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité rappelle qu'un premier médecin avait évalué le taux d'invalidité de cette infirmité à 10 %, alors même que lors du premier examen la fracture n'était pas encore consolidée, et qu'un second médecin a quant à lui retenu un taux de 5 %. Pour sa part, l'expert judiciaire fixe un taux d'invalidité de 8 %, tout en précisant que M. C... conserve des séquelles fonctionnelles " minimes " avec une raideur du gros orteil droit. Si le requérant conteste ce taux, il n'apporte aucun autre élément médical à l'appui de ces conclusions, alors que ce taux résulte de la dernière expertise réalisée par un expert judiciaire dont l'impartialité n'est pas sérieusement remise en cause. Par suite, M. C... n'est pas fondé à contester la décision contestée en tant qu'elle concerne cette infirmité. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2017. Pour les mêmes motifs, ses conclusions tendant à ce que la cour lui reconnaisse un droit à pension au titre des cervicalgies et de la discarthrose cervicale dont il souffre au taux de 20 % et au titre des séquelles qu'il conserve de la fracture du gros orteil droit au taux de 10 %, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 février 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2022. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20NT02718
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/03/2022, 20NT02192, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... Roquinarc'h Veuve C... et M. B... C..., ayants- droit de M. A... C..., décédé en cours d'instance, ont demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du 15 janvier 2016 par laquelle le ministre des armées a rejeté leur demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905526 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet 2020 et 8 mars 2021, Mme D... C... et M. B... C..., représentés par Me Quinquis, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2020 ; 2°) d'annuler cette décision du 15 janvier 2016 du ministre des armées ; 3°) de dire que la pension militaire d'invalidité à laquelle M. C... pouvait prétendre, du fait d'une infirmité imputable au service, doit être versée à ses ayants-droit au titre de l'action successorale à compter du 6 octobre 2014, date de sa demande, jusqu'au 12 juillet 2017, date du décès de l'intéressé ; 4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale permettant de dire, d'une part, s'il existe un lien de causalité entre la pathologie diagnostiquée et l'exposition à l'amiante de M. C... au sein de la marine nationale et, d'autre part, si cette pathologie est exclusivement liée à la consommation de tabac ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement aux ayants-droit de M. C... d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la pathologie dont M. C... était atteint doit être reconnu imputable au service en application des dispositions de l'article L. 2 du code des pensions en vigueur à la date de sa demande ; il a servi sur des navires renfermant des matériaux à base d'amiante notamment sous forme de calorifugeage et a été exposé au risque d'inhalation de poussières ; - si le lien avec le service doit être certain, il n'est pas nécessaire qu'il soit unique ; - sa demande de pension est justifiée. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 février et 19 mars 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D... C... et M. B... C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet ; - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 19 septembre 1956, a servi dans la marine nationale du 25 octobre 1973 au 1er mai 1991. Par une demande présentée le 6 octobre 2014, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour un " adénome carcinome broncho-pulmonaire primitif métastasique " qu'il rattache à l'exposition aux poussières d'amiante qu'il estime avoir subie durant son service embarqué au sein du ministère de la défense. Après expertise médicale et avis de la commission consultative médicale (CCM) du 3 décembre 2015 et de la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité (CRPMI) du 14 janvier 2016, le ministre de la défense a, par une décision du 15 janvier 2016, rejeté sa demande aux motifs que " l'infirmité invoquée résulte d'une affection d'origine étrangère au service dont l'évolution est indépendante de celui-ci et qui n'a pas été aggravée par celui-ci ". 2. M. C... qui avait saisi, le 12 juillet 2016, le tribunal militaire des pensions de Rennes de la légalité de la décision ministérielle du 15 janvier 2016 est décédé le 12 juillet 2017. Mme D... C..., son épouse, ainsi que son fils majeur, M. B... C..., ont repris l'instance. Par l'effet de la loi susvisée du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le litige a été transféré au tribunal administratif de Rennes qui a rejeté leurs demandes par un jugement du 22 juin 2020. Mme C... et M. B... C... relèvent appel de ce jugement. Sur la légalité de la décision ministérielle du 15 janvier 2016 : 3. Aux termes du 2° de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande présentée par M. A... C..., ouvrent droit à pension les infirmités résultant de " maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". L'article L. 3 de ce code alors en vigueur institue une présomption d'imputabilité, qui bénéficie à l'intéressé à condition que la maladie ait été constatée après le 90ème jour de service effectif et avant le 60ème jour suivant le retour du militaire dans ses foyers et que soit établie médicalement la filiation entre la maladie et l'infirmité invoquée. Aux termes du 2° de l'article L. 43, la veuve d'un militaire a droit à pension si la mort de ce dernier a été causée par des maladies contractées ou aggravées par le fait ou à l'occasion du service, dans les conditions définies aux articles L. 2 et L. 3. 4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut, comme en l'espèce du fait que l'affection invoquée n'a pas été constatée par un document émanant de l'autorité militaire dans les délais prescrits rappelés au point précédent, bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il lui incombe d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Il peut, à cet égard, faire état de son exposition à un environnement ou à des substances toxiques, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. S'il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui a affecté le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 5. Il résulte de l'instruction que, sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord. Ces matériaux d'amiante ont tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. En l'espèce, M. C... a indiqué dans sa demande de pension militaire d'invalidité avoir séjourné sur une couchette juste sous des tuyaux calorifugés et porté des vêtements comportant une feuille d'amiante. 6. Il est exact, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, que le directeur du personnel militaire de la marine, a, dans une attestation du 27 novembre 2014, indiqué que " M. C... a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans des formations renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages, et qu'il a donc été exposé aux risques présentés par l'inhalation de poussières d'amiante pendant une durée cumulée de dix ans et quatre mois ". 7. Cependant, il n'est pas contesté, d'une part, que l'intéressé a, pendant cette durée d'activité, servi uniquement dans la marine nationale dans la spécialité de bosco, en charge de la mise en œuvre et de l'entretien de la drome (embarcations rapides), des apparaux utiles pour la manœuvre (ancres, aussières, gréement et matériel de ravitaillement à la mer), ainsi que du matériel de survie (radeaux gonflables, brassières, bouées, marqueurs...) du bâtiment. Il a également eu la responsabilité de la voilerie, dénomination directement héritée de la marine à voile, c'est à dire du couchage des marins (matelas, draps, couverture...). Il n'a donc pas, au titre des fonctions qui lui étaient confiées, été amené à travailler directement sur des pièces en amiante ou recouvertes d'un calorifugeage et les requérants n'apportent pas plus en appel qu'en première instance d'élément permettant d'établir qu'il aurait été directement exposé aux poussières d'amiante dans les tâches qu'il a pu accomplir ou lors de travaux sur des équipements contenant de l'amiante au titre des missions qu'il aurait accomplies à titre complémentaire sur ces bâtiments. D'autre part, l'expert, pneumologue, sur la base de l'anamnèse et des déclarations de M. C... comme des signes cliniques constatés, a indiqué, sur le plan professionnel, l'existence " d'une exposition asbestosique certaine et prolongée au sein de la marine nationale, pendant environ 19 ans ", ce qui ne correspond pas cependant à la durée effective de service embarqué de l'intéressé d'environ dix ans établie par l'attestation précitée du directeur du personnel militaire de la marine. Il est constant, par ailleurs, que ce même expert n'a relevé aucune lésion asbestosique sur les bilans radiographiques et qu'aucune analyse cytologique ou biopsie n'a non plus permis de mettre en évidence la présence de corps asbestosiques dans l'organisme de M. C.... Enfin, l'expert a relevé l'existence d'un tabagisme actif chez M. C..., l'intéressé ayant été un fumeur important à hauteur d'un paquet de cigarettes par jour pendant 25 à 30 ans jusqu'en 2011 selon l'expert, ou en 2014 selon le compte-rendu d'hospitalisation d'août 2014 produit au dossier. Le certificat médical établi le 5 mai 2017 par un médecin pneumologue qui constate que M. C... est atteint d'un adénocarcinome primitif du poumon gauche de stade 4, certificat que les requérants invoquent et dont ils tirent la conséquence que seule l'exposition à l'amiante serait la cause de la pathologie de l'intéressé, ne permet pas de remettre en cause ces différents constats. Ce certificat est sommaire et comporte d'ailleurs la même erreur que le précédent sur la durée effective de service dans l'armée de M. C.... Dans ces conditions, la preuve d'une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte M. C... soit en rapport avec son activité professionnelle en qualité de marin n'est pas rapportée. 8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme C... et M. B... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2016 du ministre des armées rejetant la demande de M. A... C... tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, les sommes que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... et de M. B... C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... Roquinarc'h, veuve C..., et à M. B... C..., ayants-droit de M. A... C..., et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 février 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 20NT02192 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 03/03/2022, 21DA00904, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés des 6 novembre 2018 et 14 mai 2019 par lesquels le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a rejeté ses demandes tendant à la reconnaissance, comme accident de service, des faits survenus le 10 novembre 2011, d'annuler l'avis de la commission de réforme du 25 mars 2019 et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Amiens métropole de reconnaître comme imputable au service son congé de maladie du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012. Par un jugement n° 1900042 et 1902347 du 24 février 2021, le tribunal administratif d'Amiens a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2018 et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 26 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Enguéléguélé puis par Me Delavenne, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a rejeté sa demande tendant à ce que les faits survenus le 10 novembre 2011 soient reconnus comme un accident de service ; 3°) de reconnaître comme imputables au service ses difficultés ayant donné lieu au congé de maladie du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012 ; 4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Amiens métropole la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller, - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public, - et les observations de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., titulaire du grade d'assistante socio-éducative de la fonction publique territoriale, a occupé le poste de conseillère sociale au sein du pôle accueil du secteur Ouest d'Amiens avant d'être affectée, à compter du 5 avril 2012, en tant qu'assistante sociale au sein du service de santé au travail de la direction des ressources humaines de la communauté d'agglomération Amiens métropole. Par un courrier du 16 septembre 2014, elle a demandé à la communauté d'agglomération Amiens métropole de reconnaître les faits survenus le 10 novembre 2011 comme accident de service et l'imputabilité au service de son congé de maladie ordinaire du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012. Par une décision du 2 décembre 2014, le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a rejeté sa demande en raison de la tardiveté de la déclaration de l'accident de service et de l'impossibilité en résultant d'établir un lien avec le service. Cette décision a été annulée par un jugement n° 1500392 du 1er décembre 2017 du tribunal administratif d'Amiens devenu définitif. A la suite de ce jugement, la communauté d'agglomération Amiens métropole a saisi la commission de réforme qui a émis, le 26 septembre 2018, un avis défavorable aux demandes de Mme B.... Par un arrêté du 6 novembre 2018, le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a refusé de reconnaître comme accident de service les faits survenus le 10 novembre 2011 et déclaré non imputable au service le congé de maladie du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012 de l'intéressée. La communauté d'agglomération Amiens métropole a, par courrier du 18 mars 2019, informé Mme B... qu'elle avait saisi une seconde fois la commission de réforme qui a rendu, le 25 mars 2019, un nouvel avis défavorable à la demande de l'intéressée. Par un arrêté du 14 mai 2019, le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a de nouveau refusé de reconnaître comme accident de service les faits survenus le 10 novembre 2011 et l'imputabilité au service du congé de maladie ordinaire du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012 de l'intéressée. Mme B... relève appel du jugement du 24 février 2021 en tant que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ". 3. Il résulte des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 4. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas manifeste, au vu des éléments dont disposait la commission de réforme dans sa séance du 26 septembre 2018, et notamment de l'expertise psychiatrique du docteur C..., que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par Mme B..., à la suite de l'accident de service dont elle indique avoir fait l'objet le 10 novembre 2011, était nécessaire pour éclairer l'examen de son cas lors de l'avis que la commission de réforme a rendu ce jour. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 25 mars 2019, qui s'est à nouveau prononcée sur la situation de Mme B..., qu'elle était composée, outre de deux médecins généralistes, d'un médecin psychiatre. Enfin, l'absence d'enquête administrative réalisée par la communauté d'agglomération Amiens métropole est sans incidence sur la faculté pour la commission de réforme de se prononcer en toute connaissance de cause sur la situation de l'appelante. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en date du 14 mai 2019 est entaché d'un vice de procédure. Par suite, ce moyen doit être écarté. 5. En deuxième lieu, la circonstance que la communauté d'agglomération Amiens métropole n'a pas réalisé d'enquête administrative sur les circonstances de l'accident allégué ne suffit pas à faire considérer, compte-tenu des autres éléments du dossier, qu'elle ne se serait pas livrée à un examen particulier de la situation de Mme B.... Par suite, ce moyen doit être écarté. 6. En troisième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, et notamment du courrier accompagnant l'arrêté en litige, que la communauté d'agglomération Amiens métropole se serait sentie liée par l'avis rendu par la commission de réforme le 25 mars 2019 pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident que Mme B... soutient avoir subi. Par suite, ce moyen doit être écarté. 7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 8. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Cet article n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que l'article 57 de la loi du 26 janvier 1986 dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est demeuré applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Par suite et dès lors que les faits invoqués par Mme B... sont survenus le 10 novembre 2011, elle ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 9. En cinquième lieu, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 7, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 10. Il ressort des pièces du dossier que, le 10 novembre 2011, un entretien s'est déroulé dans le bureau du directeur du service " proximité " de la communauté d'agglomération Amiens métropole en présence de celui-ci, de la cheffe du pôle " accueil ", de son adjoint, de deux délégués syndicaux et de Mme B... pour évoquer les conditions de travail de cette dernière. Si elle soutient que sa supérieure hiérarchique, la cheffe du pôle " accueil ", a fait preuve, au cours de cet échange, de déni et de dédain à son encontre, elle ne l'établit pas ni, en tout état de cause, n'établit que le comportement et les propos en litige auraient excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dans ces conditions, et quand bien même Mme B... ne se sentait pas bien à l'issue de cet entretien, ainsi que cela ressort de l'attestation rédigée par l'un des délégués syndicaux présents, et qu'elle a ensuite été placée en arrêt de travail, les faits survenus le 10 novembre 2011 ne sauraient être regardés comme constitutifs d'un accident de service. Enfin, les faits de souffrance au travail qu'elle mentionne pour elle-même et pour d'autres collègues du pôle " accueil " du secteur Ouest d'Amiens ainsi que son changement d'affectation à compter du 5 avril 2012 sont sans incidence sur la qualification juridique des faits survenus au cours de l'entretien du 10 novembre 2011. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté du 14 mai 2019 en litige doit être écarté. 11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de ce qui a été dit précédemment, que le détournement de procédure et de pouvoir allégué serait établi. Par suite, ce moyen doit être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019. Sur les conclusions à fin d'injonction : 13. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction doivent être rejetées. Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Amiens métropole qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la communauté d'agglomération Amiens métropole au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Amiens métropole au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté d'agglomération Amiens métropole. 1 2 N°21DA00904 1 3 N°"Numéro"
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 8ème chambre, 21/03/2022, 20PA02141, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Papeete puis au Tribunal administratif de la Polynésie française devenu compétent d'annuler la décision de la ministre des armées du 19 mars 2019 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité notamment pour les infirmités " lombalgies chroniques (...) " et " séquelles d'hépatite C (...) ". Par jugement n° 1900410 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, M. C..., représenté par Me Mitaranga, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1900410 du 16 juin 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 19 mars 2019 en tant qu'a été rejetée sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " ; 3°) de lui attribuer un droit à pension militaire d'invalidité et, à titre d'allocation spéciale, une majoration égale au quart de la pension. Il soutient que la lombalgie dont il souffre est imputable au service entrainant un taux d'invalidité de 20 % et lui ouvrant droit à une pension militaire d'invalidité et à une majoration égale au quart de la pension à titre d'allocation spéciale. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. C... et à la confirmation du jugement n° 1900410 du 16 juin 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que M. C... n'est pas recevable à solliciter directement devant la Cour une demande de majoration de tierce personne, prévue par les dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors que ce dernier ne l'a pas formulée dans sa demande initiale de pension enregistrée le 4 juillet 2016. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 novembre 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le décret n° 93-126 du 28 janvier 1993 modifiant le décret n° 71-1129 du 3 décembre 1971 relatif au guide-barème des invalidités en matière de surdité pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 21 février 1954, a effectué son service militaire du 11 janvier 1973 au 11 janvier 1974 puis a souscrit un contrat de réengagement le 18 mars 1974. Il a été rayé des contrôles de l'armée le 30 juin 2002. Par une demande enregistrée le 4 juillet 2016, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité notamment pour les infirmités " lombalgies chroniques (...) " et " séquelles d'hépatite C (...) ". La ministre des armées a, par une décision du 19 mars 2019, rejeté sa demande. M. C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler cette décision. Par jugement n° 1900410 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " et demande à la Cour de lui attribuer un droit à pension militaire d'invalidité et, à titre d'allocation spéciale, une majoration égale au quart de la pension. Sur le droit à pension de M. C... : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 3. Il résulte de l'instruction et notamment du registre des constatations n°29 de l'année 2000 que le " dimanche 12 mars 2000, dans le cadre de la mission Polmar à l'île d'Yeu, [M.] C... a soulevé une poubelle pour la charger dans un camion et a ressenti une vive douleur au dos, dans la région lombaire " ce qui l'a conduit à consulter l'infirmerie du corps le 15 mars 2000. Les radiographies du rachis lombaire réalisées le 23 mars 2000 n'ont rien révélé d'anormal tandis que le scanner effectué le 25 novembre 2000 a montré la présence d'un canal lombaire à tendance étroit mais sans retentissement actuel, une arthrose articulaire étagée et des sacro-iliaques et l'absence de conflit disco-radiculaire. Il ressort de l'expertise diligentée par l'administration des armées le 15 octobre 2018, suite à la demande enregistrée le 4 juillet 2016 de bénéfice de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " que le docteur D... a relevé, après consultation des examens médicaux effectués en 2000 et 2016, une recrudescence chez M. C... des lombalgies avec sciatiques droites depuis fin 2015, que l'électromyogramme réalisé le 12 septembre 2018 s'est avéré normal et que l'IRM du 5 octobre 2018 " a confirmé un canal lombaire étroit ". Il a proposé de retenir pour l'ensemble de la pathologie un taux global d'invalidité de 20 %. Dans son avis du 4 janvier 2019, le docteur F... a, quant à elle, considéré qu'en " l'absence de description clinique d'impotence fonctionnelle " le taux d'invalidité pour cette infirmité était inférieur à 10 %. 4. M. C... soutient que la lombalgie dont il souffre est imputable au service entrainant un taux d'invalidité de 20 % et lui ouvrant droit à une pension militaire d'invalidité et à une majoration égale au quart de la pension à titre d'allocation spéciale. Il produit un certificat médical établi le 10 juin 2016 par le docteur A... qui mentionne qu'il souffre de lombalgie chronique depuis des années qui le handicape notamment après des trajets prolongés en voiture et de manière générale après les positions assises prolongées, que le bilan radiologique récent fait état d'une discopathie L5-S1 modérée mais que néanmoins sur le plan fonctionnel il reste gêné au quotidien. Le docteur E... atteste, quant à lui, dans le certificat médical du 4 novembre 2016 qu'il souffre de douleurs et d'irradiations liées à une lombalgie chronique invalidante, principalement en position debout et à la marche. 5. Toutefois, la circonstance que M. C... souffre depuis fin 2015, comme il l'a indiqué au docteur D..., d'une lombalgie chronique invalidante alors que le 12 mars 2000, il a ressenti lors de son activité en service une vive douleur au dos dans la région lombaire ne permet pas, à elle seule, de considérer que ce dernier apporte la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité dont il souffre et ce fait précis de service lequel n'a pas été suivi de retentissement médical comme l'ont montré les radiographies et le scanner réalisés au cours de l'année 2000. Il s'ensuit que la preuve, exigée par les articles L. 2, L. 3 et L. 4 précités du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, de l'imputabilité à un fait précis ou à des circonstances particulières de service de l'affection pour laquelle M. C... a formé une demande de pension n'est pas rapportée. 6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 19 mars 2019 en tant qu'a été rejetée sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " et à titre d'allocation spéciale au bénéfice de la majoration égale au quart de la pension. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées en défense, sa requête doit être rejetée, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient : - M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement, - Mme Collet, première conseillère, - Mme Larsonnier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022. La rapporteure, A. COLLETLe président, F. HO SI FAT La greffière, N. COUTY La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20PA02141
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/03/2022, 20NT02608, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, le contentieux des pensions militaires d'invalidité a été transféré au tribunal administratif. La requête de M. A... B... a été transférée et enregistrée au tribunal administratif de Rennes le 1er novembre 2019 sous le numéro 1905515. Par une saisine et des mémoires, enregistrés le 4 février 2016, le 19 juillet 2017, le 22 février 2018 et le 16 mars 2020, M. B..., a demandé à ce tribunal l'annulation de la décision du 21 août 2015 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905515 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 et 25 août 2020 au greffe de la cour, M. B..., représenté par Me Claise, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 21 août 2015 du ministre de la défense ; 3°) de dire que le tribunal administratif de Rennes est matériellement incompétent pour connaitre du litige, s'agissant d'une demande d'indemnisation des conséquences d'un accident de circulation, au profit du tribunal judiciaire de Rennes ; 4°) à défaut, d'ordonner une expertise médicale permettant de fixer le taux relatif à l'aggravation de son état de santé ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme totale de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif s'est déclaré compétent pour se prononcer sur le litige qui lui était soumis alors qu'il relève exclusivement du juge judiciaire ; - la ministre des armées était incompétente pour apprécier sa demande de complément de pension ; - se demande de complément de pension est justifiée. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la requête est irrecevable faute d'être motivée dans le délai de recours contentieux ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet ; - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., alors âgé de dix ans, a perdu totalement la vision de l'œil gauche à la suite d'une blessure causée par un véhicule militaire lors d'un accident de circulation survenu en Algérie le 19 juillet 1959. Par une décision du 17 août 1964, la somme de 48 250 francs lui a été accordée en réparation du préjudice subi du fait de cet accident puis, par une seconde décision du 7 décembre 1972, une indemnité complémentaire de 14 100 francs lui a été versée du fait de l'aggravation des blessures consécutives à l'accident en cause. Il est constant qu'à partir du mois de février 1975 et à plusieurs reprises depuis, M. B... s'est adressé au ministère des armées en invoquant une aggravation de son état de santé pour " obtenir une révision de sa pension ". Par une décision du 22 juin 2005, le bureau du contentieux indemnitaire de la direction des affaires juridiques du ministère de la défense a rejeté sa demande de révision aux motifs que le certificat médical du docteur S., que M. B... avait transmis le 30 mai 2005, ne permettait pas, en comparaison des expertises de 1972 et de 1975, de mettre en exergue une majoration de la perte totale de l'œil gauche. Par une lettre du 10 août 2005, M. B... a alors, sur la base d'une attestation médicale, indiqué au ministère qu'une intervention chirurgicale était nécessaire pour procéder à la réfection de la cavité oculaire et au remplacement de la prothèse oculaire. Après instruction, l'administration militaire a, par un courrier du 18 octobre 2005 demeuré sans réponse, indiqué à l'intéressé que les frais relatifs aux interventions en cause, seraient pris en charge et remboursés sur justificatifs. Par une demande enregistrée le 2 septembre 2013, versée aux débats, M. B... a informé la sous-direction des pensions du ministère qu'à la date du 12 août 2013, " la prothèse oculaire gauche était mal supportée associée à une sécheresse oculaire " et a sollicité, au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile pour les infirmités " énucléation œil gauche " et " acuité visuelle œil droit ". 2. Par une décision ministérielle du 21 août 2015, la demande de pension a été rejetée aux motifs qu'il n'est pas établi que " les infirmités énucléation œil gauche ; prothèse en place " et " acuité visuelle œil droit 10/10ème, cristallin clair et présence de corps flottants vitréens, nodule choroïdien temporal " soient la conséquence d'un " attentat ou d'un acte de violence en relation avec les événements " qui se sont déroulés en Algérie , conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963. 3. M. B... a alors saisi, le 28 janvier 2016, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2015 et au versement d'une pension d'invalidité en qualité de victime civile. Le tribunal administratif de Rennes, auquel le litige a été transféré par application des dispositions de la loi susvisée du 13 juillet 2018, a rejeté les demandes de M. B.... Ce dernier relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. Si M. B... soutient de nouveau en appel que son recours doit être regardé comme un recours devant le juge judiciaire auquel il convient de transmettre le dossier, il résulte de l'instruction que l'intéressé, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, a présenté le 2 septembre 2013 une demande tendant au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité et qu'il conteste la décision de refus du 21 août 2015 qui lui a été adressée en réponse à sa demande. Il résulte des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre que les contestations relatives aux décisions prises en application de ce code relevaient de la compétence du tribunal des pensions et que ce contentieux, par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, a été transféré au tribunal administratif. Il s'ensuit que le tribunal administratif de Rennes, territorialement compétent, était bien le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'annulation de la décision de rejet de la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B.... Le jugement attaqué n'est, par suite, entaché d'aucune irrégularité et les conclusions tendant à ce que le dossier soit transmis au juge judiciaire, que M. B... réitère en appel, ne peuvent donc qu'être rejetées. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article 13 de la loi 31 juillet 1963, alors en vigueur : " Les personnes de nationalité française à la date de promulgation de la présente loi ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause, droit à pension. ". 6. Il résulte de l'instruction que M. B..., alors enfant, a été victime d'un accident de la circulation involontairement provoqué par le conducteur d'un véhicule militaire en mission de déplacement. Un tel accident ne peut, ainsi que l'ont justement apprécié les premiers juges, être regardé comme un acte de violence lié à une action offensive ou défensive des forces armées au sens de la loi du 31 juillet 1963. La circonstance que l'intéressé a pu bénéficier d'une réparation des conséquences de cet accident par l'Etat demeure à cet égard sans incidence. Dès lors, le ministre de la défense a pu, à bon droit, par la décision contestée du 21 août 2015 rejeter la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B.... 7. M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 21 août 2015 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 février 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 20NT02608 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 11/03/2022, 20MA01762, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 4 décembre 2017, Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 25 juillet 2017 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a rejeté sa demande d'allocation viagère et la décision du 19 novembre 2017 de rejet de son recours gracieux du 8 août 2017, ainsi que d'enjoindre à l'ONACVG de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1704485 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 7 mai 2020, Mme B..., représentée par Me Bourguiba, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 avril 2020 ; 2°) d'enjoindre à l'ONACVG de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à venir ; 3°) de mettre à la charge de l'ONACVG la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les décisions attaquées méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en ce qu'elle n'a disposé que d'un délai de 9 mois pour présenter sa demande d'allocation viagère alors que les personnes dont le conjoint, également ancien membre des forces supplétives est décédé après la promulgation de la loi, bénéficient d'un délai d'un an pour présenter leur demande ; - l'ONACVG a manqué à son obligation d'information des bénéficiaires potentiels de l'allocation viagère en violation des dispositions des articles L. 611-3, L. 611-5 et D. 432 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2020, l'ONACVG conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ; - le décret n° 2016-1903 du 28 décembre 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Prieto, - et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... B..., née le 1er janvier 1942, est veuve de M. A... B..., décédé le 20 avril 2015, qui a servi en tant que supplétif de l'armée française durant le conflit algérien de 1956 à 1962. Elle a sollicité le 31 janvier 2017, en sa qualité de veuve, l'attribution de l'allocation viagère instituée par l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 en faveur des conjoints et ex-conjoints, survivants de harkis ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France. Par une décision du 25 juillet 2017, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a rejeté sa demande au motif qu'elle a été présentée postérieurement au délai prévu par ladite loi. Par courrier du 8 août 2017, Mme B... a formé un recours gracieux, que cette autorité administrative a expressément rejeté par décision du 19 novembre 2017. 2. Mme B... relève appel du jugement du 15 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 juillet 2017 et du 19 novembre 2017. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article 133 de la loi de finances du 29 décembre 2015 pour l'année 2016, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " I. - Une allocation viagère d'un montant annuel de 3 415 euros, (...), est instituée au profit des conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France. / Le bénéfice de cette allocation est ouvert dès lors : (...) 3° (Que l'ex-conjoint) présente sa demande dans un délai d'un an à compter du décès de l'ancien membre des formations supplétives. II. Les demandes d'attribution de l'allocation prévue au I présentées par les conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives décédés avant la date d'entrée en vigueur du présent article sont recevables, dans le respect des conditions mentionnées aux 1° et 2° du I, jusqu'au 31 décembre 2016 (...) ". 4. En premier lieu, Mme B... invoque une rupture d'égalité en soutenant que l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 n'est entré en vigueur qu'à la suite de la publication du décret du 24 février 2016, de sorte qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un délai d'un an pour déposer sa demande, à la différence d'un conjoint d'un membre des formations supplétives décédé après l'entrée en vigueur de l'article 133. Toutefois, ce faisant, la requérante met nécessairement en cause la constitutionnalité des dispositions de l'article 133 en ce qu'elles prévoient que les demandes d'attribution de l'allocation viagère présentées par les conjoints d'anciens membres des formations supplétives décédés avant la date d'entrée en vigueur de la loi ne sont recevables que si elles sont présentées au plus tard le 31 décembre 2016. Ce moyen qui n'est pas présentée sous la forme d'une question prioritaire de constitutionnalité est, comme tel, irrecevable. Au demeurant, l'entrée en vigueur de l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 n'étant pas subordonnée à l'adoption d'un décret d'application, Mme B... a effectivement bénéficié d'un délai d'un an pour déposer sa demande. 5. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " L'Office a pour mission d'assurer à ses ressortissants la protection et l'aide matérielle qui leur sont dus au titre de la reconnaissance de la Nation. A ce titre, il est chargé : 1° de prendre ou de proposer en faveur de ses ressortissants toutes mesures jugées nécessaires ou opportunes (...) ". Aux termes de l'article L. 611-5 de ce code : " L'Office est également chargé : (...) 3° de suivre, de coordonner et de faciliter l'application des dispositions législatives et réglementaires qui concernent les rapatriés, notamment celles destinées à faciliter leur réinstallation, ainsi que celles fixées par la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (...) ". 6. Mme B... fait valoir que l'ONACVG a manqué à sa mission d'information des bénéficiaires potentiels de cette allocation, l'empêchant ainsi d'en bénéficier. Aucun texte n'impose toutefois une obligation d'information individuelle. En outre, le dispositif législatif instaurant l'allocation viagère en cause a fait l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2015, formalité suffisante pour le rendre opposable aux administrés. Dès lors, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour soutenir que le délai prévu par l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 ne lui était pas opposable. Au surplus, l'article D. 432 de ce même code également invoqué par la requérante a été abrogé par l'article 4 du décret du 28 décembre 2016 relatif à la partie réglementaire du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de Mme B... aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 10. Ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B..., au titre des frais qu'elle a exposés à ce titre et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'ONACVG qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Délibéré après l'audience du 25 février 2022, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente de la Cour, - M. Pocheron, président, - M. Prieto, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2022. N° 20MA01762 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 08/03/2022, 18VE02449, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté de titularisation dans le corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire du 21 juillet 2015 du ministre de la justice en ce qu'il ne prend pas en compte son ancienneté antérieure, ainsi que la décision du 13 août 2015 du ministre de la justice confirmant le refus de reprise d'ancienneté. Par un jugement n° 1509291 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 18 juillet 2018, M. A..., représenté par Me Taoufik, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2018 ; 2°) d'annuler l'arrêté de titularisation du 21 juillet 2015 en ce qu'il retient une ancienneté d'un an de stage et une bonification pour services militaires d'un an, ainsi que la décision du 13 août 2015 de la ministre de la justice rejetant sa demande de prise en compte de son ancienneté antérieure dans l'armée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne tire pas les conséquences de l'application du décret du 27 décembre 2013 alors qu'il a été recruté au titre des emplois réservés ; - les deux décisions attaquées sont insuffisamment motivées ; - elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, un ministère ne pouvant avoir une interprétation différente d'un autre ministère sur la règlementation applicable aux recrutement sur des emplois réservés ; cela contrevient au principe de confiance légitime ; - il a renoncé à l'indemnité de départ volontaire pour candidater aux emplois réservés ; - le décret de 2013 ne distingue pas selon la qualité de militaire en service actif ou non. ..................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ; - le décret n° 2013-1256 du 27 décembre 2013 modifiant le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ; - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a intégré l'armée de l'air en juillet 1993. En juin 1995, il a interrompu son service et a, pendant un an et trois mois, occupé le poste de maitre-chien dans des sociétés privées. En février 2002, il a réintégré le service actif de l'armée de terre pendant huit années. Le 1er décembre 2010, il a été radié des cadres de l'armée après avoir comptabilisé une ancienneté, en qualité de militaire, de onze ans, neuf mois et vingt-six jours et atteint l'échelon 6, à l'indice 326. Il a ensuite été nommé élève surveillant à l'école nationale d'administration pénitentiaire au titre des emplois réservés, à compter du 23 septembre 2013, puis surveillant stagiaire à compter du 2 juin 2014. Il a été titularisé au 2ème échelon du grade de surveillant pénitentiaire, avec un indice brut 317 et un indice majoré 313, à compter du 4 juin 2015 par arrêté du 21 juillet 2015 notifié le 26 août 2015, avec une ancienneté d'un an de stage et une bonification d'un an pour service militaire. Il a demandé au tribunal administratif d'annuler cet arrêté en tant qu'il ne reprend pas son ancienneté de service au sein de l'armée, ainsi que d'annuler la décision de la garde des Sceaux, ministre de la justice du 13 août 2015 rejetant son recours hiérarchique. Par le jugement dont il relève appel, le tribunal administratif de Cergy- Pontoise a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Si M. A... soutient que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences de l'application du décret du 27 décembre 2013 à sa situation, cette question relève du bien-fondé du jugement. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif. Sur le bien-fondé : 3. En premier lieu, l'arrêté du 21 juillet 2015 portant titularisation de M. A... en tant que surveillant pénitentiaire ne relève d'aucune catégorie de décision devant être motivée. En revanche la décision de la ministre de la justice du 13 août 2015 rejetant la demande de reprise d'ancienneté des services accomplis en qualité de militaire constitue une décision défavorable devant être motivée. Il ressort de l'examen de cette décision qu'elle cite l'article 10 du décret du 14 avril 2006 portant statut du corps des surveillants pénitentiaires prévoyant une reprise d'ancienneté, et explique que seuls les surveillants ayant à la date de leur nomination la qualité de militaire, ce qui n'est pas le cas de M. A..., radié des cadres en 2010, peuvent prétendre au bénéfice de ces dispositions. Elle est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit, par suite, être écarté. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense dans sa rédaction alors applicable : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B ". Aux termes de l'article 10 du décret du 14 avril 2006, dans sa rédaction alors applicable : " V. - Les surveillants qui avaient, à la date de leur nomination en tant qu'élève, la qualité de militaire sont classés en application des dispositions des articles L. 4139-1 et L. 4139-3 du code de la défense et des textes réglementaires pris pour leur application.". 5. Il résulte des dispositions précitées que le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté dans les conditions fixées par les articles L. 4139-1 à L. 4319-3 du code de la défense et des textes réglementaires pris pour leur application n'est réservé qu'au seul militaire qui, lors de sa nomination en qualité d'élève surveillant pénitentiaire ou de son intégration dans le corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, a conservé sa qualité de militaire. Or, M. A... qui a été radié des cadres de l'armée au 1er décembre 2010, n'avait plus la qualité de militaire à la date à laquelle il a été nommé élève surveillant pénitentiaire au 23 septembre 2013 et ne pouvait, par suite, bénéficier d'aucune reprise de ses services effectifs en qualité de militaire, alors même qu'il pensait pouvoir en bénéficier dès lors qu'il a été recruté au titre des emplois réservés. La circonstance qu'il ait renoncé à l'indemnité de départ des personnels non officier pour pouvoir bénéficier des emplois réservés est sans incidence sur l'application de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. 6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. D E C I D E: Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. 2 N° 18VE02449
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 6ème chambre, 10/03/2022, 448876, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2017 par lequel la ministre des armées a rejeté sa demande d'allocation au titre de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité. Par un jugement n° 18/00090 du 30 août 2019, le tribunal des pensions a fait droit à sa demande et lui a octroyé le bénéfice de l'allocation pour tierce personne à compter du 11 octobre 2016. Par un arrêt n° 19MA04742 du 17 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la ministre contre ce jugement. Par un pourvoi enregistré le 18 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice, - les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ministre des armées a demandé à la cour administrative d'appel de Marseille l'annulation du jugement par lequel le tribunal des pensions de Marseille a annulé partiellement l'arrêté du 26 décembre 2017 évaluant la situation de M. B... et lui a octroyé le bénéfice de l'allocation pour tierce personne à compter du 11 octobre 2016. Par un arrêt du 17 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de la ministre. 2. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 133-1 de ce code : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire, ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation, s'ils la réclament. En ce cas, les frais de cette hospitalisation sont prélevés sur la pension qui leur est concédée. S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. Toutefois, à date du 1er janvier 1950, cette majoration est élevée au montant de la pension pour les invalides atteints d'infirmités multiples dont deux au moins leur auraient assuré, chacune prise isolément, le bénéfice de l'allocation visée au précédent alinéa. En aucun cas, il ne saurait être fait état de cette majoration pour augmenter les frais actuels d'hospitalisation qui sont à la charge des bénéficiaires de la mesure prise en leur faveur. " 3. D'une part, si ces dispositions ne peuvent être interprétées comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie courante, elle impose toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé. D'autre part, le bénéfice de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en faveur des invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels à la vie ne peut être accordé que si la nécessité de l'aide constante d'une tierce personne est la conséquence directe et exclusive d'affections imputables au service. 4. Il ressort de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'intéressé est dans l'incapacité d'accomplir seul certains des actes de la vie quotidienne à savoir la capacité de quitter seul son lit, de satisfaire seul à ses besoins naturels, de faire sa toilette, de se vêtir et de se dévêtir totalement, et d'utiliser un moyen de transport individuel et collectif, alors qu'il est également sujet à des crises d'hyperalgies morphiniques constituant un danger pour sa vie et impliquant une surveillance constante, et que les actes qui nécessitent l'assistance d'une tierce personne se répartissent tout au long de la journée et ne peuvent pas être toujours subordonnés à un horaire préétabli. Pour lui accorder le bénéfice de l'allocation pour tierce personne à compter du 11 octobre 2016, la cour a considéré que la plupart des impossibilités dont il est affecté et qui justifient l'aide d'une tierce personne est due aux infirmités résultant de l'accident de saut en parachute survenu le 10 octobre 2010 à l'origine des infirmités pensionnées. 5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport d'expertise du docteur E..., que seule une partie des difficultés rencontrées par l'intéressé pour accomplir les actes essentiels de la vie est due aux troubles pensionnés, à savoir la capacité de quitter seul son lit, de faire sa toilette, de se vêtir et de se dévêtir totalement, et d'utiliser un moyen de transport individuel et collectif, alors que l'autre partie, à savoir l'incapacité à satisfaire seul ses besoins naturels, résulte d'un syndrome " de la queue de cheval " reconnu non imputable au service par l'arrêté du 26 décembre 2017, non contesté sur ce point, et est donc sans rapport avec une infirmité pensionnée. Dès lors, en retenant le droit à la majoration pour tierce personne alors que l'incapacité à accomplir les actes essentiels de la vie due aux troubles pensionnés ne rend cette assistance indispensable ni pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ni pour faire face à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint ou à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé, la cour administrative d'appel de Marseille a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation de cet arrêt.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 3 février 2022 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure. Rendu le 10 mars 2022. Le président : Signé : M. Fabien Raynaud La rapporteure : Signé : Mme Pauline Hot La secrétaire : Signé : Mme C... D...ECLI:FR:CECHS:2022:448876.20220310
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 3ème chambre, 25/02/2022, 21NT00585, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes : 1°) d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle le directeur du groupe gériatrique Penthièvre, centre hospitalier de Penthièvre et du Poudouvre, lui a refusé le bénéfice de l'imputabilité au service de sa pathologie ; 2°) d'annuler la décision du 4 octobre 2017 du directeur du centre hospitalier (CH) du Penthièvre et du Poudouvre lui refusant le bénéfice d'un congé de longue durée imputable au service pour la période du 8 novembre 2014 au 7 mai 2017 ; 3°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2017 du directeur du CH du Penthièvre et du Poudouvre la plaçant en congé de longue durée pour la période du 8 mai 2017 au 7 mai 2018 inclus ; 4°) d'annuler la décision du 2 mars 2018 du directeur du CH du Penthièvre et du Poudouvre rejetant son recours contre la décision lui refusant le bénéfice d'un congé de longue durée imputable au service pour la période du 8 novembre 2014 au 7 mai 2018 inclus ; 5°) d'enjoindre, sous astreinte, au directeur du CH du Penthièvre et du Poudouvre de reconnaître le caractère imputable au service de la pathologie et des arrêts maladie y afférents depuis le 8 novembre 2014, et d'en tirer toutes les conséquences notamment sur le plan de la reconstitution de sa carrière et de son traitement. Par un jugement n° 1801996 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé les courriers des 31 mai 2016 et 4 octobre 2017 ainsi que l'arrêté du 4 octobre 2017 du directeur du CH de Penthièvre et du Poudouvre et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mars et 27 septembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Mlekuz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 janvier 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre du 2 mars 2018 ; 2°) d'annuler la décision du centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre du 2 mars 2018 ; 3°) d'enjoindre, sous astreinte, au directeur du CH du Penthièvre et du Poudouvre de reconnaître le caractère imputable au service de la pathologie et des arrêts de maladie y afférents depuis le 8 novembre 2014, et d'en tirer toutes les conséquences notamment sur le plan de la reconstitution de sa carrière et de son traitement ; 4°) de mettre à la charge du CH du Penthièvre et du Poudouvre la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la composition de la commission de réforme réunie le 13 février 2018 était irrégulière en ne s'adjoignant pas les services d'un médecin spécialiste en psychiatrie ; - elle a été placée en arrêt maladie à la suite de l'entretien du 7 novembre 2014, qui lui a causé un " traumatisme psychique professionnel responsable d'un syndrome dépressif réactionnel ", qui doit être considéré comme imputable au service ; en refusant de reconnaître ce caractère imputable, le directeur du centre hospitalier a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; - les moyens présentés par le CH du Penthièvre et du Poudouvre au titre de l'appel incident ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 août et 18 octobre (non communiqué) 2021, le centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre, représenté par Me Le Blanc, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé ses courriers des 31 mai 2016 et 4 octobre 2017 ainsi que l'arrêté du 4 octobre 2017 et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige et, en outre, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - aucun des moyens de la requête n'est fondé ; - c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son courrier du 31 mai 2016 dès lors que Mme B... avait bien été informée de la tenue de la commission de réforme du 10 mai 2016 alors que, à supposer même que cette information n'ait pas eu lieu, elle n'a été privée d'aucune garantie ; - c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son courrier du 4 octobre 2017 et l'arrêté du même jour portant décision de prolongation du congé longue durée de Mme B... dès lors que la commission de réforme n'avait pas à être saisie du cas de l'intéressée en l'absence d'imputabilité de la maladie au service. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. L'hirondel, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Mlekuz, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée, à compter de 2005, en qualité d'agent titulaire de la fonction publique hospitalière par la maison de retraite intercommunale de Trégueux, qui a ensuite fusionné avec le centre hospitalier (CH) de Penthièvre et du Poudouvre, pour occuper les fonctions d'infirmière de classe supérieure et a été affectée à l'équipe de soins de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) de la Méaugon. Le 29 avril 2015, elle a sollicité un congé de longue maladie puis, le 9 novembre 2015, elle a demandé que sa maladie soit reconnue imputable au service. Le directeur de l'établissement l'a alors invitée à régulariser sa demande. Par un arrêté du 21 septembre 2015, l'intéressée a été placée, à titre conservatoire, en position de congé longue maladie (CLM) à partir du 8 novembre 2014. Le 25 novembre 2015, Mme B... a régularisé sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le 21 mars 2016, l'établissement hospitalier a saisi la commission de réforme, qui, lors de sa séance du 26 avril 2016, a émis un avis défavorable sur la demande exprimée par l'intéressée. Le 5 avril 2016, Mme B..., informée de cet avis, a demandé son placement en congé de longue durée (CLD), et le 24 mai suivant, son renouvellement. Le 31 mai 2016, le directeur du CH de Penthièvre et du Poudouvre a précisé à Mme B... que l'instruction de sa demande de placement en CLD était en cours et que la commission de réforme hospitalière avait émis un avis défavorable sur l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un arrêté du 11 juillet 2016, le directeur de l'établissement a placé l'intéressée en CLD du 8 novembre 2014 au 7 mai 2017, annulant et remplaçant ainsi l'arrêté du 21 septembre 2015 précédent. Le 6 juin 2016, Mme B... a réitéré sa demande de reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service. Le directeur du CH de Penthièvre et du Poudouvre a saisi à cet effet la commission de réforme qui s'est prononcée défavorablement. Par un courrier du 23 février 2017, Mme B... a renouvelé sa demande de congé. Le 4 octobre 2017, le directeur du CH de Penthièvre et du Poudouvre a prolongé jusqu'au 7 mai 2018 son placement en CLD après l'avis du comité médical départemental. Le 27 octobre 2017, Mme B... a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a donné lieu à un rejet implicite. Le 2 mars 2018, le directeur du CH de Penthièvre et du Poudouvre a pris une décision la maintenant en CLD en réponse à son recours gracieux. Le 6 juillet 2020, la même autorité a prononcé la mise à la retraite de l'agent pour invalidité à compter du 14 février 2020. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions des 31 mai 2016 et 2 mars 2018, ainsi que l'arrêté du 4 octobre 2017 et la lettre de notification du même jour. Par un jugement du 7 janvier 2021, le tribunal administratif a annulé les courriers des 31 mai 2016 et 4 octobre 2017 ainsi que l'arrêté du 4 octobre 2017 et a rejeté le surplus de la demande. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2018. Par la voie de l'appel incident, le CH du Penthièvre et du Poudouvre demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a annulé les autres décisions. Sur l'appel principal de Mme B... : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 4 août 2004 : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ". 3. Il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 4. Il résulte des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la commission de réforme du 13 février 2018, que pour émettre un avis sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B..., la commission disposait, en plus du rapport établi par le médecin de prévention du 20 novembre 2015, de trois rapports d'expertise effectués par les docteurs Ferragu, Bourgeat, Chekirou, tous psychiatres, respectivement les 15 juillet 2015, 8 février 2016 et 6 juillet 2017. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des informations dont elle disposait sur l'état de santé de Mme B... et les circonstances de sa demande, la commission départementale de réforme qui s'est réunie le 13 février 2018 doit être regardée comme ayant été suffisamment informée, et a pu régulièrement émettre son avis sans s'adjoindre un médecin spécialiste et sans que la requérante puisse utilement faire valoir que deux psychiatres se sont prononcés en faveur de la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre. 5. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Par ailleurs, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 8. Mme B... allègue que sa pathologie s'inscrit dans le climat particulier dans lequel elle travaillait à la suite de la fusion de services et de plusieurs établissements, dans la mise en place de nouvelles procédures ainsi que dans un contexte de tensions et de fatigue accumulée. Selon elle, l'élément déclencheur de sa décompensation anxio-dépressive est constitué par l'entretien du 7 novembre 2014 qu'elle a eu avec le directeur des ressources humaines du CH de Penthièvre et du Poudouvre et l'infirmière responsable des soins. 9. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, notamment de sa fiche de notation pour l'année 2014, que la requérante a déclaré avoir passé une " bonne année dans l'ensemble " en dépit de quelques périodes difficiles dues à la charge de travail et à l'accompagnement des familles n'acceptant pas la dépendance de leur parent. Elle a également indiqué qu'il existait une " bonne entente dans l'équipe " même si elle aurait aimé que certains agents s'impliquent un peu plus dans leur travail. Par ailleurs, il ne ressort pas du compte-rendu d'entretien du 7 novembre 2014, dont les énonciations ne sont pas contestées, que lors de cet entretien, sollicité par l'intéressée afin d'avoir des explications sur sa note, ses interlocuteurs aient tenu des propos, comme le soutient la requérante, " particulièrement violents, imprévus et imprévisibles " ou aient adopté un comportement qui aurait excédé l'exercice normal de leur pouvoir hiérarchique. La circonstance que Mme B... ait ressenti une remise en cause de ses compétences professionnelles à l'écoute des quelques reproches qui lui ont été faits à cette occasion, ce qui n'était au demeurant pas le cas ainsi qu'il résulte du compte-rendu d'entretien, et aurait provoqué chez elle un syndrome anxio-dépressif, n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'elle aurait été victime d'un accident de service. Par suite, et alors même qu'elle n'avait pas d'antécédent à sa pathologie, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre est imputable au service. 10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante. Sur les conclusions incidentes du CH du Penthièvre et du Poudouvre : 11. Par la voie de l'appel incident, le CH du Penthièvre et du Poudouvre demande l'annulation de l'article 1er du dispositif du jugement qui annule ses décisions du 31 mai 2016 ainsi que son arrêté et la lettre de notification du 4 octobre 2017. En ce qui concerne la décision du 31 mai 2016 : 12. En premier lieu, si le CH du Penthièvre et du Poudouvre a soutenu, en première instance, que les conclusions de la demande de Mme B... tendant à la contestation de cette décision étaient irrecevables pour être dirigées contre une décision purement confirmative et en raison du caractère tardif du recours, il y a lieu d'écarter ces fins de non-recevoir par adoption des motifs retenus par le tribunal aux points 2 à 4 de son jugement. 13. En second lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. ". 14. Il ressort, d'une part, du courrier du 26 avril 2016 que Mme B... a été informée de ce que sa demande serait examinée par la commission de réforme le 10 mai 2016, et d'autre part, du compte-rendu de cette séance que l'intéressée est venu voir son dossier et a laissé un courrier pour la commission. Par suite, le CH du Penthièvre et du Poudouvre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler cette décision, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle était entachée d'un vice de procédure pour ne pas avoir informé la requérante au moins dix jours avant la séance de la commission qu'elle pouvait prendre connaissance de son dossier et présenter des observations, en méconnaissance des dispositions précitées. 15. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes pour contester cette décision. 16. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 6° refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Les décisions portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une pathologie sont au nombre des décisions devant être motivées en application de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'un tel congé constitue un droit pour les fonctionnaires qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. 17. Il ressort des énonciations tant de de la décision contestée que de celle du 13 mai 2016 qu'elle vient confirmer, que pour ne pas reconnaître la pathologie dont est affectée Mme B... comme imputable au service, ces décisions, qui, en outre, ne comportent pas les considération de droit en ne visant pas les textes applicables, se bornent à se référer à l'avis défavorable de la commission de réforme sans s'en approprier le contenu, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis lui aurait été simultanément notifié. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa demande, Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision du 10 avril 2020. 18. Il résulte de ce qui précède que le CH du Penthièvre et du Poudouvre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. En ce qui concerne le courrier du 4 octobre 2017 et l'arrêté du même jour : 19. En premier lieu, si le CH du Penthièvre et du Poudouvre a soutenu, en première instance, que les conclusions de la demande de Mme B... tendant à la contestation de la lettre de notification étaient irrecevables pour être dirigées contre un simple courrier informatif accompagnant l'arrêté du même jour et confirmatif d'un précédent refus implicite, matérialisé par l'arrêté du 11 juillet 2016 plaçant la requérante en congé longue durée, il y a lieu d'écarter ces fins de non-recevoir par adoption des motifs retenus par le tribunal au point 5 du jugement attaqué. 20. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 21. Il ressort des énonciations de la lettre de notification que l'arrêté qui lui est joint a pour objet de confirmer la position d'absence au titre d'un congé de longue durée pour la période du 8 novembre 2014 au 7 mai 2017 inclus, ainsi que la prolongation de ce dernier, compte tenu de l'avis défavorable émis par le comité médical départemental lors de sa séance du 13 septembre 2017, également joint au courrier. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, cette décision n'a pas seulement pour objet de statuer sur la prolongation du congé de longue durée de Mme B.... Dans ces conditions, en se fondant sur l'avis du comité médical départemental alors qu'il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à la seule commission de réforme de se prononcer sur l'imputabilité au service d'une pathologie, la décision contestée, qui doit être regardée comme refusant à Mme B... le bénéfice de l'imputabilité de sa pathologie au service, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Par suite, cette dernière est fondée, pour ce seul motif, à en demander l'annulation. 22. Il résulte de ce qui précède que le CH du Penthièvre et du Poudouvre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 4 octobre 2017 et la lettre de notification du même jour. Sur les frais liés au litige : 23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme B... la somme que le CH du Penthièvre et du Poudouvre demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme B... soit mise à la charge du CH du Penthièvre et du Poudouvre, qui n'est pas la partie perdante à l'instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions d'appel incident du CH du Penthièvre et du Poudouvre sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par le CH du Penthièvre et du Poudouvre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. L'hirondel, premier conseiller, - M. Franck, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2022. Le rapporteur M. L'hirondel La présidente C. Brisson Le greffier R. Mageau La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT00585
Cours administrative d'appel
Nantes