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Conseil d'État, 7ème chambre, 04/10/2019, 426240, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de réversion de la pension d'ancien combattant de son mari décédé. Par un jugement n° 1601035 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et a enjoint à la ministre des armées de liquider et de verser à Mme A... la pension de retraite due. Par un pourvoi, enregistré le 13 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2009-1052 du 26 août 2009 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes, - les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Poitiers a regardé le courrier, adressé au ministre de la défense par le conseil de Mme A... le 27 novembre 2014, comme constituant une demande de réversion de la pension militaire de retraite dont aurait bénéficié le défunt mari de cette dernière. Pour prononcer l'annulation de la décision implicite de rejet né du silence gardé par l'administration sur cette demande, le tribunal a retenu, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, le ministre de la défense était réputé avoir acquiescé aux affirmations de Mme A..., selon lesquelles son mari percevait une pension militaire de retraite et était décédé sans que le mariage ait été dissous, et, d'autre part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 39 et L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite, Mme A... avait droit à la réversion sollicitée dès lors qu'elle satisfaisait aux conditions fixées par ces dispositions. 2. Toutefois, ainsi que la ministre des armées le fait valoir dans son pourvoi, il ne résulte ni de la demande qui avait été adressée à l'administration, ni de la requête devant le tribunal administratif, qui ne se référaient qu'aux dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que Mme A... avait sollicité le bénéfice de la réversion de la pension militaire de retraite qui aurait été concédée à son mari décédé sur le fondement du code des pensions civiles et militaires de retraite, ni même évoqué l'existence d'une telle pension. Aussi, en relevant que la ministre des armées avait acquiescé à des faits non mentionnés dans la requête et en lui enjoignant, après avoir annulé le refus qu'elle avait opposé à la demande dont l'administration avait été saisie, de procéder à la liquidation et au versement d'une pension de retraite qui n'avait pas été sollicitée, le tribunal administratif de Poitiers s'est mépris sur la portée des écritures de Mme A... et a entaché son jugement d'une erreur de droit. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 4. Il résulte tant de la demande adressée à l'administration que des termes de la requête présentée au tribunal administratif de Poitiers que Mme A... a sollicité le bénéfice de la réversion d'une pension de retraite de combattant en se prévalant de pièces attestant que son mari, désormais décédé, avait été militaire du rang entre la fin du mois d'octobre 1954 et la fin du mois de septembre 1962 et avait participé à des opérations à caractère militaire en Algérie. Toutefois, d'une part, ni ces écritures, ni les pièces produites ne font état d'une pension militaire de retraite dont son mari aurait bénéficié avant son décès sur le fondement des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite et dont la ministre des armées conteste l'existence. D'autre part, si Mme A... se prévaut, dans sa requête, des dispositions des articles L. 1 et L. 1 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicables, les dispositions de l'article L. 255 du même code prévoient que la pension du combattant n'est, en tout état de cause, pas réversible. Dans ces conditions, les éléments produits par Mme A... ne sont pas de nature à établir le bien fondé de la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Poitiers. Par suite, celle-ci ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Poitiers est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à Mme B... A....ECLI:FR:CECHS:2019:426240.20191004
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, , 23/09/2019, 19BX00589, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise médicale sur les préjudices subis du fait de son infirmité afin d'appuyer sa demande de pension d'orphelin majeur infirme. Par une ordonnance n° 1802359 du 10 janvier 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 février 2019 et régularisée le 2 juillet 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande au juge des référés de la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 10 janvier 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ; 2°) de désigner un expert afin de déterminer son taux d'invalidité et sa capacité à gagner sa vie, et permettre d'apprécier si elle remplit les conditions pour bénéficier d'une pension d'orphelin majeur infirme ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'elle est invalide à 90%, ne peut se déplacer seule ni faire usage de la parole, et que contrairement à ce qu'a retenu la décision du 31 juillet 2015 lui refusant le bénéfice d'une pension d'orphelin majeur infirme, elle n'est pas en capacité de travailler. Par une décision du 9 mai 2019, modifiée le 14 mai 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme D... l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : -le code des pensions civiles et militaires de retraite ; -le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné Mme E... C..., présidente de la deuxième chambre, en application du livre V du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... s'est vu refuser l'obtention d'une pension d'orphelin majeur infirme à la suite du décès en 2005 de son père, ancien combattant, par une décision du 31 juillet 2015, prise sur le fondement d'un avis de la commission consultative médicale en date du 18 mai 2015 concluant que si elle est atteinte d'une infirmité incurable apparue avant l'âge de 18 ans, celle-ci ne la met pas dans l'impossibilité de gagner sa vie dans un emploi adapté à son handicap. Cette décision a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 21 septembre 2017, et le pourvoi contre ce jugement a été rejeté par le Conseil d'Etat pour défaut d'avocat le 5 décembre 2018. 2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. 3. Pour rejeter la demande d'expertise, le premier juge a relevé que " la requérante se borne à indiquer qu'elle est atteinte d'un handicap moteur, ce qui n'a jamais été contesté. Dans ces conditions, elle n'accompagne cette demande d'expertise d'aucun élément médical ou factuel de nature à établir le caractère utile de l'expertise demandée ". Si Mme D... présente en appel un certificat médical établi au Maroc, où elle réside, à l'en-tête d'un centre hospitalier provincial Ouezzane, ce document ne comporte pas le nom du médecin qui l'aurait rédigé ni la date de son édiction, et n'est assorti d'aucune autre pièce de nature à expliciter le taux d'infirmité de 90 % qu'il évalue sans décrire son état. Dans ces conditions, et alors que les affirmations de l'intéressée selon lesquelles elle ne peut ni parler ni se déplacer seule ne sont pas corroborées, cette pièce ne suffit pas à démontrer l'utilité d'une mesure d'expertise dans les circonstances de l'espèce. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en tout état de cause être rejetées. ORDONNE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... D... et au ministre des armées. Fait à Bordeaux, le 23 septembre 2019. Le juge des référés, Catherine C... La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. N° 19BX00589 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 27/06/2019, 17VE00706, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise : - d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles en date du 18 janvier 2014 rejetant sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices découlant de sa maladie imputable au service ; - d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'éducation nationale sur sa demande ayant le même objet ; - de condamner l'État à lui verser la somme de 820 000 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts de droit à compter de sa demande préalable ; - de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1401183-1402767 du 11 janvier 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'État à verser à M. B...la somme de 5 000 euros tous intérêts confondus, a mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 28 février 2017, M. A...B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, avocats, demande à la Cour : 1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a condamné l'État à lui verser la somme de 5 000 euros seulement en réparation de ses préjudices ; 2° d'annuler la décision du recteur de l'académie de Versailles en date du 18 janvier 2014 et la décision implicite de rejet du ministre de l'éducation nationale et de condamner l'État à lui verser la somme de 820 000 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts de droit à compter de sa demande préalable ; 3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'administration n'avait commis aucune faute en le désavouant comme elle l'a fait le 11 février 2005 ; le courrier de l'inspectrice d'académie du Val-d'Oise en date du 11 février 2005 est la cause de sa dépression et de sa mise à la retraite pour invalidité ; - si les premiers juges ont par ailleurs considéré que l'administration avait commis une faute en refusant en 2008 de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, c'est à tort qu'ils ont estimé qu'il n'existait aucun lien entre cette faute et la pathologie qui a conduit à son placement en position de retraite pour invalidité ; - le jugement est entaché d'une contradiction de motifs entre le considérant 7 qui reconnaît l'existence de cette faute mais ne retient aucun lien de causalité et le considérant 11 qui indique qu'au regard des difficultés qu'il a rencontrées pour voir reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, il a subi un préjudice moral ; - en raison de son départ à la retraite pour invalidité, il a perdu une chance certaine de pouvoir exercer son activité professionnelle jusqu'à la limite d'âge, intervenant en 2020, soit 2 200 euros de pertes de revenus mensuelles, et également d'obtenir des avancements d'échelon ; il a ainsi subi un préjudice financier qui doit être évalué à la somme de 410 000 euros ; - il suit un traitement médicamenteux depuis 2005, qui correspond à une dépense annuelle de 100 euros, ainsi que des séances de psychothérapie, selon un forfait annuel de 50 euros par an ; ce préjudice sera, par suite, justement évalué à la somme de 1 200 euros ; - il a subi un préjudice moral important aggravé par le refus de l'administration de reconnaître le caractère imputable au service de sa pathologie ; ce préjudice doit être évalué à la somme de 410 000 euros. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Ablard, - et les conclusions de Mme Bonfils, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M.B..., né en 1958, a été nommé directeur de l'école Louis Pasteur à Deuil-la-Barre en septembre 1994. Au cours de l'année scolaire 2004-2005, un conflit l'a opposé à certains enseignants de cet établissement au sujet du non-respect par ces derniers des horaires et du projet d'école. S'estimant désavoué par sa hiérarchie dans ce conflit dont il l'avait informée, M. B... a subi une dépression nerveuse pour laquelle il a été placé en congé maladie le 25 mars 2005, puis en congé de longue durée le 25 mars 2006. Radié des cadres pour invalidité le 5 janvier 2006, il a été admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite à compter du 25 juin 2006. Au cours de l'année 2007, M. B...a demandé que sa pathologie soit reconnue comme imputable au service. L'inspectrice d'académie du Val d'Oise a rejeté cette demande par une décision du 30 juin 2008 qui a été annulée par la Cour par un arrêt du 18 avril 2013 jugeant que la pathologie de M. B...était imputable au service à hauteur de 50%. Le 6 décembre 2013, M. B...a adressé une demande indemnitaire préalable en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis auprès du recteur de l'académie de Versailles qui a rejeté sa demande par une décision du 18 janvier 2014. Il a également formé une demande indemnitaire préalable auprès du ministre de l'éducation nationale qui a été implicitement rejetée. M. B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler ces décisions et de condamner l'État à lui verser la somme de 820 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Il relève appel du jugement du 11 janvier 2017, en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a condamné l'État à lui verser la seule somme de 5 000 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. B...soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une contradiction de motifs, ce moyen, qui concerne le bien-fondé du jugement, n'est pas de nature à mettre en cause sa régularité. Ce moyen doit, dès lors, être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % ; b) Soit de l'une des maladies d'origine professionnelle énumérées dans les tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; c) Soit d'une maladie reconnue d'origine professionnelle dans les conditions prévues par les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le taux d'invalidité rémunérable est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. Le droit à cette rente est également ouvert au fonctionnaire retraité qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article L. 31. Dans ce cas, la jouissance de la rente prend effet à la date du dépôt de la demande de l'intéressé, sans pouvoir être antérieure à la date de publication de la loi n° 2000321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il en est également ainsi lorsque l'entrée en jouissance de la pension est différée en application de l'article L. 25 du présent code. Le montant de la rente d'invalidité est fixé à la fraction du traitement ou de la solde de base définis à l'article L. 15 égale au pourcentage d'invalidité. Si le montant de ce traitement ou de cette solde de base dépasse un montant correspondant à la valeur de l'indice majoré 681 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les conditions prévues à l'article L. 16, la fraction dépassant cette limite n'est comptée que pour le tiers. Toutefois, il n'est pas tenu compte de la fraction excédant dix fois ce montant brut. Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret. (...) ". 4. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées ci-dessus, qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne la responsabilité de l'administration : 5. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, un conflit a opposé M. B...à certains enseignants de l'école Louis Pasteur à Deuil-la-Barre, au cours de l'année scolaire 2004-2005, au sujet du non-respect par ces derniers des horaires et du projet d'école. M. B...en a informé l'inspectrice d'académie du Val-d'Oise par un courriel du 6 février 2005. Sans contester le bien-fondé des critiques exprimées par M. B... à l'encontre de ces enseignants, l'inspectrice d'académie lui a conseillé, dans une lettre du 11 février 2005, d'apporter " des modifications tangibles " à sa pratique professionnelle et de " reconquérir rapidement la sérénité professionnelle nécessaire à [son] travail de directeur d'école ". Elle l'a par ailleurs informé des plaintes qui lui étaient adressées par les enseignants concernés, en présentant les intéressés comme des " personnes plutôt tranquilles " se déclarant victimes d'un " climat pesant " et de " pratiques atypiques ", caractérisées notamment par une " autorité excessive " et un " souci excessif de respect des législations diverses ". L'inspectrice d'académie a enfin conseillé à M. B...de prendre contact avec les services chargés d'aider à l'exercice des métiers de l'enseignement. S'estimant désavoué par sa hiérarchie dans le conflit qui l'opposait à ces enseignants, M. B... a subi une dépression nerveuse pour laquelle il a été placé en congé maladie le 25 mars 2005. 6. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'inspection établi le 12 décembre 2000, que M. B...s'est très fortement investi dans ses fonctions de directeur d'école entre 1994 et 2005 et a fait l'objet d'appréciations élogieuses de la part de sa hiérarchie. Toutefois, ce même rapport indique que ses collègues ont " parfois pâti de son caractère perfectionniste et/ou de son engagement personnel très important " et que " son désir d'être suivi rapidement, en étant compris et approuvé, lui a parfois valu des désillusions et a parfois créé des réactions d'opposition ou d'inquiétudes vives ". L'administration a néanmoins constaté qu'" avec le recul, il avait appris à attendre, à accepter que tout ne soit pas parfait, et à prendre de la distance dans les relations professionnelles ", et l'a encouragé à " continuer à formaliser et temporiser lorsque l'implication affective des parties en présence est trop forte ". Dans ce contexte, et compte tenu du rôle d'un inspecteur d'académie, consistant notamment à conseiller et à évaluer les personnels d'encadrement des équipes pédagogiques, l'inspectrice a pu, sans commettre de faute, et dans les termes mentionnés au point 5, alerter le requérant sur la situation en lui proposant des solutions de nature à remédier aux difficultés constatées de part et d'autre. Ainsi, si M. B...fait valoir qu'il s'est senti totalement désavoué par sa hiérarchie à cette occasion, le courrier susmentionné de l'inspectrice d'académie du 11 février 2005 n'avait d'autre but que de l'aider à régler un conflit dont il n'était pas seul responsable, mais qui impliquait notamment de sa part, compte tenu de ses fonctions d'encadrement, davantage de recul et de pondération. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration a commis à son égard une faute de nature à engager sa responsabilité. 7. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, par un arrêt du 18 avril 2013, la Cour a reconnu l'imputabilité au service de l'affection psychique dont souffre M.B..., à hauteur de 50 % compte tenu de son état antérieur. Par suite, en rejetant la demande présentée en 2007 par M. B...tendant à ce que sa dépression soit reconnue comme imputable au service, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain. En ce qui concerne les préjudices : 8. En premier lieu, la faute commise par l'administration en rejetant la demande de M. B... tendant à ce que sa dépression soit reconnue comme imputable au service n'est pas la cause de sa pathologie, ni celle de son placement en position de retraite pour invalidité à compter du 25 juin 2006, placement qu'il avait au demeurant sollicité le 16 avril 2005. Dès lors que la maladie de M. B...n'est pas imputable à une faute de l'administration, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les conclusions de M. B...tendant à l'indemnisation de préjudices liés à des pertes de rémunération et à l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par sa maladie ne peuvent qu'être rejetées. 9. En deuxième lieu, pour demander la condamnation de l'administration à lui verser une indemnité au titre du coût du traitement médicamenteux qu'il suit depuis 2005 et des séances de psychothérapie suivies, M. B...n'apporte, devant le juge d'appel, aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges. Il y a donc lieu de rejeter ces conclusions par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif. 10. En dernier lieu, M. B...soutient qu'il a subi un préjudice moral pour lequel il demande la somme de 410 000 euros. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'intéressé tant du fait de sa pathologie, que du fait des difficultés qu'il a rencontrées pour voir reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, en l'évaluant, compte tenu de son état antérieur, à la somme de 5 000 euros, tous intérêts confondus. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'État à lui verser la seule somme de 5 000 euros. Sur les frais liés à l'instance : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête présentée par M. B...est rejetée. N° 17VE00706 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 25/06/2019, 17NC01643, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme G... A...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 26 juin 2015 par laquelle le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) a refusé de reconnaître comme imputables au service les évènements survenus au sein du service de neurologie au cours de l'année 2009, notamment l'accident du 3 juillet 2009, et, d'autre part, de condamner les HUS à lui verser la somme de 83 000 euros au titre de ses arriérés de traitement, ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la résistance abusive de l'administration. Par une ordonnance du 19 juillet 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de cette affaire au tribunal administratif de Nancy. Par un jugement n° 1602345 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté, comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, les conclusions de Mme A...E...tendant au versement d'indemnités journalières et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 juillet 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 30 mars 2019, Mme G... A...E..., représentée par MeB..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 mai 2017 ; 2°) de faire droit à ses conclusions d'annulation et de condamnation présentées devant les premiers juges ; 3°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les mentions erronées figurant dans le rapport des médecins du travail destiné à la commission de réforme l'ont privée d'une garantie ; - sa pathologie présente un lien direct avec l'accident survenu le 3 juillet 2009 lors de l'entretien avec la responsable du service ; - cette pathologie est donc imputable au service, quand bien même le lien de causalité ne serait pas exclusif ; - l'accident de service dont elle a été victime ouvre droit à l'indemnisation de ses souffrances physiques et morales, de son préjudice esthétique et de son préjudice d'agrément, même en l'absence de faute de l'administration ; - un tel accident ouvre droit à réparation de l'intégralité des préjudices subis dès lors que l'administration a exposé un agent à des matières dangereuses ou à des conditions de travail constitutives de harcèlement moral ; - elle a droit à l'intégralité de ses traitements. Par deux mémoires en défense enregistrés le 6 septembre 2017 et le 16 avril 2019, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), représentés par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les HUS soutiennent que : - la pathologie dont souffre la requérante est sans lien avec le service ; - les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité sans faute sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; - ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées en l'absence de lien entre la pathologie et le service ; - le harcèlement moral invoqué n'est pas établi ; - les moyens de la requérante présentés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 1er avril 2019, l'instruction a été close à la date du 16 avril 2019, à 16 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, - les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public, - et les observations de Me C...pour les HUS. Considérant ce qui suit : 1. Mme A...E..., infirmière diplômée d'Etat titulaire, a été recrutée par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) en septembre 2008, par voie de mutation, et a été affectée au sein du service de neurologie vasculaire de cet établissement. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 6 juillet 2009, après avoir eu un entretien avec l'infirmière, responsable du service, le 3 juillet 2009. Mme A...E...a demandé, le 20 novembre 2009, à être placée en congé de longue maladie puis a présenté, le 14 janvier 2010, une déclaration d'accident de travail se rapportant aux faits survenus lors de l'entretien du 3 juillet 2009, auxquels elle impute la survenance de sa pathologie. Par une décision du 26 juin 2015, le directeur général des HUS a refusé de reconnaitre l'imputabilité de cet accident au service. Mme A...E...a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation des HUS à lui verser la somme de 83 000 euros au titre de rappels de salaire, ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice résultant selon elle de la résistance abusive opposée par son employeur dans l'instruction de sa demande d'imputabilité. Par un jugement du 4 mai 2017 dont elle relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur la légalité de la décision du 26 juin 2015 : En ce qui concerne la légalité externe : 2. Aux termes de l'article 9 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Le médecin du travail attaché à l'établissement auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales prévue par le décret du 9 septembre 1965 susvisé est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 21, 23 et 32 ". 3. Il ressort des pièces du dossier que les médecins du travail ont transmis leur rapport écrit du 13 février 2015 à la commission de réforme avant que celle-ci ne se prononce sur la situation de Mme A...E.... Si la requérante soutient que les médecins du travail ont omis de mentionner, dans leur rapport, le certificat médical établi le 9 juin 2010 par un praticien du service des pathologies professionnelles du centre hospitalier universitaire de Lille, ce document a été directement transmis par son conseil, le 8 novembre 2012, à la commission de réforme. Dans ces conditions, l'omission reprochée aux médecins du travail n'a, en tout état de cause, privé la requérante d'aucune garantie et n'a eu aucune influence sur le sens de la décision contestée. En ce qui concerne la légalité interne : 4. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants / (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 5. Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'agent dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. 6. Selon sa déclaration, présentée le 14 janvier 2010 plus de six mois après son arrêt de travail, Mme A...E...impute la décompensation anxio-dépressive justifiant son congé de maladie à l'entretien qu'elle eu le 3 juillet 2009 avec sa supérieure hiérarchique. Il ressort des pièces du dossier que la responsable du service a provoqué cet entretien afin d'obtenir de la requérante qu'elle s'explique sur son comportement particulièrement agressif à l'égard d'une infirmière stagiaire dont elle assurait l'encadrement. Il n'est pas établi, au vu notamment des propres déclarations de Mme A...E...jointes à sa déclaration d'accident, que sa responsable aurait tenu à son égard des propos vexatoires, humiliants ou dégradants au cours de l'entretien. Il ressort au contraire de l'attestation établie par sa supérieure hiérarchique, dont les termes sont corroborés par les témoignages de deux autres collègues, que la requérante faisait preuve d'agressivité à l'égard des personnels du service, refusait de remettre en cause sa pratique professionnelle et provoquait par là même des difficultés dans l'organisation du travail en équipe. Selon le rapport du médecin psychiatre du 12 février 2013, déposé devant la commission de réforme, Mme A...E...présente une " personnalité sensitive " dont la fragilité a entrainé une décompensation dépressive dans un contexte professionnel difficile, et qui ne permet pas de regarder l'entretien du 3 juillet 2009 comme un accident imputable au service. A cet égard, l'intéressée ne produit aucun certificat médical d'arrêt de travail établi dans les suites immédiates de cet entretien qui ferait état d'une dégradation de son état de santé en lien direct avec lui. Par ailleurs, si la requérante soutient n'avoir jamais présenté de pathologie psychiatrique avant 2009 et avoir toujours été bien notée dans son travail, il ressort encore des pièces du dossier qu'elle éprouvait de graves difficultés dans sa vie personnelle, à l'origine d'une souffrance morale qui n'a pas permis une bonne intégration dans son nouveau cadre professionnel. Les rapports et certificats médicaux produits à l'instance par Mme A...E..., notamment le rapport établi le 15 juillet 2010 par un médecin psychiatre de l'établissement public de santé Maison Blanche, indiquant l'absence d'antécédent psychiatrique et affirmant que sa pathologie est imputable à l'accident survenu le 3 juillet 2009, ne sont pas de nature à contredire les conclusions du médecin agréé désigné pour réaliser les opérations d'expertise devant la commission de réforme. Par suite, si la dépression de l'intéressée a pu être favorisée par certaines conditions de son activité professionnelle et s'est révélée à la suite de l'entretien du 3 juillet 2009, cette pathologie ne présente pas de lien avec un accident de service. Mme A... E...n'est donc pas fondée à soutenir que le directeur général des HUS ne pouvait légalement refuser de reconnaitre l'imputabilité au service du congé maladie consécutif à l'entretien litigieux. Sur les conclusions indemnitaires : 7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A...E..., qui n'établit pas que sa période d'arrêt de travail serait imputable au service, n'a pas droit au versement intégral de son traitement dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. Par ailleurs, si la requérante fait état de l'absence de position régulière entre le 6 octobre 2010, date à laquelle sa mise en disponibilité d'office a pris fin, et le 22 mai 2016, date de sa réintégration, il n'est pas contesté que l'intéressée n'a accompli aucun service pendant cette période. Il ne résulte pas de l'instruction que, eu égard à son état de santé, Mme A...E...aurait pu exercer ses fonctions pendant la période litigieuse et que son absence de service résulterait de la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation qui est la sienne de la placer dans une situation régulière et de l'affecter, dans un délai raisonnable, sur un emploi correspondant à des fonctions effectives. 8. En second lieu, Mme A...E...soutient que le fonctionnaire qui subit, du fait de son invalidité ou de sa maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux qui sont réparés par une rente d'invalidité ou une allocation temporaire d'invalidité ou qui subit des préjudices personnels, peut obtenir de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elle soutient encore qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage peut être engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 9. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la requérante n'est pas fondée à soutenir que sa maladie serait imputable à un accident de service. Elle n'est donc pas plus fondée à demander une indemnisation de ses préjudices au titre de l'obligation de la personne publique qui l'emploie de la garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions. 10. D'autre part, si Mme A...E...invoque un droit à la réparation intégrale de ses préjudices, elle n'apporte à l'instance aucun élément de nature à démontrer une faute de l'administration, notamment des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée par les HUS, que Mme A... -E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des HUS, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A...E...demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...E...la somme dont les HUS demandent le versement sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... E...est rejetée. Article 2 : Les conclusions des HUS présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...E...et aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. 2 N° 17NC01643
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 25/06/2019, 17LY02905, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) d'annuler la décision du 26 novembre 2014 par laquelle le maire de Grenoble a, d'une part, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre à l'épaule droite et, d'autre part, a limité à 8 % son taux d'incapacité permanente partielle pour une autre pathologie reconnue imputable au service ; 2°) d'enjoindre au maire de Grenoble, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de réexaminer sa situation et de fixer à 12 % le taux d'incapacité permanente partielle relative à celle des deux maladies d'ores et déjà reconnue imputable au service ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat ou de la commune de Grenoble une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1500426 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 27 juillet 2017 M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mai 2017 ; 2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2014 par laquelle le maire de Grenoble a, d'une part, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre à l'épaule droite et, d'autre part, a limité à 8 % son taux d'incapacité permanente partielle pour une autre pathologie reconnue imputable au service ; 3°) d'enjoindre, sous astreinte, à la ville de Grenoble de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée le 15 octobre 2013 au titre de l'épaule droite (MP 57A) et de fixer au taux de 12 % l'invalidité permanente partielle découlant de sa maladie professionnelle déclarée au titre de l'épaule gauche ; 4°) de mettre à la charge de la ville de Grenoble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant de l'affection à l'épaule droite : * la décision attaquée est insuffisamment motivée ; * son affection de l'épaule droite doit être reconnue comme imputable au service ; S'agissant de son affection à l'épaule gauche et du taux d'incapacité permanente partielle : - son affection justifie un taux d'incapacité permanente partielle de 12 % selon le décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris pour l'application de l'article L. 28 (3e alinéa) du code des pensions civiles et militaires de retraite, en ce qui concerne la " raideur articulaire " de l'épaule par référence au taux prévu au barème pour une " limitation modérée de tous les mouvements de l'épaule bien compensés par l'omoplate ". Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, la ville de Grenoble, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. C... la somme de 2 500 euros. Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : * la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; * la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; * le décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris en application de l'article 28 (3e alinéa) de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite ; * le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : * le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller, * les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public, * et les observations de Me E...substituant Me B...représentant M.C..., de Me H...substituant Me G...représentant la ville de Grenoble ; Considérant ce qui suit : 1. M. I... C..., né en 1960, est adjoint technique de deuxième classe employé par la ville de Grenoble au service de la propreté urbaine, où il exerce des fonctions de cantonnier. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 15 mai 2012, en raison de " douleurs chroniques des deux épaules (...) ". A la suite d'un examen médical réalisé le 21 mars 2013 par le DrD..., le maire de Grenoble a, par un arrêté du 5 juillet 2013, admis l'imputabilité au service de la tendinopathie aigüe dont souffre M. F...à l'épaule gauche. 2. Après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme, elle même éclairée par les résultats d'un nouvel examen de M. C... par le DrD..., le maire de Grenoble a, par décision du 26 novembre 2014, d'une part, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la scapulalgie de l'épaule droite dont souffre M. F...et, d'autre part, fixé à 8 % le taux de l'incapacité permanente partielle résultant de la tendinopathie affectant son épaule gauche. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mai 2017 qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 26 novembre 2014. Sur la légalité de la décision du maire de Grenoble du 26 novembre 2014 : En ce qui concerne l'affection dont souffre M. C... à l'épaule droite : 3. En mentionnant les motifs, qu'il s'est ainsi appropriés, par lesquels la commission de réforme a émis un avis défavorable à la reconnaissance de la pathologie dont souffre M. C... à l'épaule droite comme maladie professionnelle inscrite au tableau 57 A, le maire de Grenoble a exposé de façon suffisamment précise les éléments de fait et de droit sur lesquels il s'est fondé pour refuser d'admettre l'imputabilité au service de la scapulalgie de l'épaule droite de M.F.... 4. Aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service, (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé, si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) ". 5. Aucune disposition ne rend applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau. Il appartient donc au fonctionnaire qui entend voir reconnaître le caractère professionnel d'une pathologie dont il souffre d'apporter des éléments de nature à justifier l'existence d'un lien direct entre cette pathologie et son travail habituel. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre de scapulalgie à l'épaule droite depuis le mois de mai 2011. Un bilan échographique de cette épaule pratiqué le 25 mai 2011, a mis en évidence une légère hypertrophie hétérogène du supra épineux "compatible avec une tendinopathie". Un examen par imagerie par résonnance magnétique (IRM) pratiqué le 9 mai 2012 a permis de constater une trophicité musculaire normale, de retrouver une arthrose acromio claviculaire, mais n'a pas révélé de tendinopathie. Au regard de ses éléments le DrD..., après avoir examiné M. C... le 21 mars 2013, a conclu que l'affection de l'épaule droite ne relevait pas d'une pathologie reconnue comme maladie professionnelle. 7. En appel, M. C... produit un " avis médical consultatif " daté du 20 juin 2017, rédigé à la demande de son conseil et sur pièces par le docteur A...selon lequel l'IRM du mois de mai 2012 a été réalisée dans des conditions techniques incomplètes, qui ont conduit à écarter, à tort, une tendinopathie de l'épaule droite. 8. En supposant même que l'examen par IRM du 9 mai 2012 ait été incomplet, une telle circonstance ne permet pas de déduire l'existence d'une tendinopathie à cette date. En effet, le DrD..., appelé à se prononcer à nouveau sur le cas de M. C... a considéré, dans son rapport du 13 mars 2014 établi au vu d'un nouvel examen par IRM de l'épaule droite effectué le 11 octobre 2013, que la tendinopathie objectivée par ce dernier examen, qui résulte d'un conflit d'origine dégénérative, était une pathologie d'allure récente. M. C..., qui n'a pas repris ses fonctions depuis le mois de mai 2012, ne produit par ailleurs aucun élément médical permettant d'établir un lien certain, même sans caractère exclusif, entre l'affection de son épaule droite et ses conditions habituelles de travail. 9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le refus par le maire de Grenoble de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie affectant son épaule droite est entaché d'illégalité. En ce qui concerne le taux d'incapacité permanente partielle relatif à l'affection de l'épaule gauche : 10. Il ressort des pièces du dossier que l'affection reconnue imputable au service dont M. C... souffre à l'épaule gauche est une tendinopathie aigüe. Ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal administratif de Grenoble, le décret n° 68-756 du 13 août 1968 précise que le taux d'invalidité pour ce type d'affection doit être évalué entre 0 et 7 %. 11. M. C... soutient que le taux qui lui a été attribué doit être porté à 12 % en se référant à un autre chapitre de ce même décret concernant l'appareil locomoteur et, plus particulièrement, à celles de ses dispositions qui concernent les raideurs articulaires conduisant à une limitation modérée de tous les mouvements. Toutefois, et dès lors qu'il n'est pas établi qu'il présente de tels symptômes, M. F...ne peut se prévaloir des dispositions réglementaires qu'il invoque pour soutenir qu'en limitant à 8 % le taux qu'il lui a attribué à raison de la tendinopathie aigüe de son épaule droite, le maire de Grenoble a entaché sa décision attaquée d'excès de pouvoir. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à titre que, par son jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Les conclusions à fin d'annulation de M. C... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces dispositions faisant obstacle à ce que le juge administratif fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. 14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandé par ville de Grenoble au titre de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de ville de Grenoble tendant l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I...C...et à la ville de Grenoble. Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient : M. Jean-François Alfonsi, président de chambre, Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure, M. Pierre Thierry, premier conseiller. Lu en audience publique, le 25 juin 2019. No 17LY02905 2 sh
Cours administrative d'appel
Lyon
Conseil d'État, Section, 01/07/2019, 413995, Publié au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 13 mars 2015 du directeur du service des retraites de l'Etat en tant qu'elle rejette implicitement sa demande de remboursement des sommes retenues sur sa pension au titre d'un trop-perçu entre les mois de janvier 2002 et de janvier 2015, d'autre part les décisions par lesquelles le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de la défense ont rejeté ses demandes indemnitaires préalables, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17 304,50 euros, à parfaire, en réparation de son préjudice, avec intérêt au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable. Par un jugement n° 1503230 du 23 août 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 16 804,50 euros, portant intérêt à compter du 16 avril 2015, puis rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par un pourvoi, enregistré le 4 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. A...; 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B...A..., qui perçoit une pension militaire d'invalidité depuis l'année 1975, a été informé le 28 juillet 1997 par l'administration de l'existence d'un trop perçu au titre de sa pension militaire d'invalidité. Un ordre de recettes indiquant que cette somme serait recouvrée pour un montant de 29 822 francs, soit 4 546 euros, au moyen de retenues égales au cinquième des arrérages de sa pension à compter du mois d'août 1997, dans la limite du montant du débet, lui a été adressé. Le 12 février 2015, M. A...a demandé à l'administration de suspendre le prélèvement annuel de 1 298,85 euros, soit 8 520,60 francs, dont il faisait l'objet à cette date. Par une décision du 10 mars 2015, le directeur des services de retraite de l'Etat a levé la suspension des arrérages de sa pension pour ce montant à compter du 1er février 2015. Par un courrier du 14 avril 2015, M. A... a adressé à l'administration une demande tendant au remboursement, pour la période de janvier 2002 à janvier 2015, de la somme annuelle de 1 298,85 euros, qu'il estimait avoir été indument prélevée sur sa pension. Par un jugement du 23 août 2017, contre lequel le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à lui verser la somme de 16 804,50 euros, en écartant l'exception de prescription quadriennale soulevée par le ministre de l'économie, des finances et des comptes publics, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. 2. Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics doit être regardé comme tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions indemnitaires de M.A.... Sur l'application des règles de prescription : 3. Le premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose que : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". 4. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée. Lorsque le préjudice allégué résulte non des règles relatives à la rémunération ou de leur application mais d'une décision individuelle explicite illégale, le fait générateur de la créance doit alors être rattaché, sous les mêmes réserves, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été valablement notifiée. 5. Lorsqu'un litige oppose un ancien agent public à l'administration sur une erreur ne tenant ni à la liquidation ni à la révision de sa pension, mais au versement de celle-ci, les règles de prescriptions applicables sont fixées par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 et non par les dispositions particulières du code des pensions civiles et militaires de retraite ou du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les échéances de cette pension. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative aux arrérages de pension court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 de la loi de 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle les arrérages correspondants auraient dû être versés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date, l'étendue de cette créance puisse être mesurée. 6. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que le litige portait sur des sommes dues au requérant du fait du retard mis par l'administration à interrompre un prélèvement opéré sur sa pension, le délai de prescription courait, sous réserve des cas prévus à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle les arrérages correspondants auraient dû être versés, à la condition qu'à cette date, l'étendue de la créance pût être mesurée. En conséquence, en écartant l'exception de prescription quadriennale opposée par l'administration à la demande de M. A...au seul motif que le délai de prescription de la créance dont se prévalait l'intéressé courait, en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle était intervenu l'acte ayant régularisé sa situation, le tribunal administratif de Nantes a entaché son jugement d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a accueilli les conclusions indemnitaires de M.A.... 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur le règlement au fond : 8. M. A...demande le versement d'une somme de 15 804,50 euros, correspondant au montant des sommes indûment prélevées sur les arrérages de sa pension militaire d'invalidité, assortie d'une indemnité de 1 500 euros au titre de son préjudice moral. En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale : 9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, le délai de prescription de la créance d'un ancien agent public relative à une erreur dans le versement de la pension à laquelle il a droit court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle les arrérages correspondants auraient dû être versés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date, l'étendue de cette créance puisse être mesurée. 10. Il résulte de l'instruction que le montant total à recouvrer sur la pension de M. A...à la suite d'un trop-perçu lui a été notifié dans l'ordre de recettes émis par la trésorerie générale de la Seine-Maritime en juillet 1997 et qu'il lui a été indiqué que la récupération serait opérée par un prélèvement représentant 20 pour cent des arrérages de sa pension. Dès lors, les circonstances de l'espèce ne faisaient pas obstacle à ce que les modalités d'extinction de la dette de M. A...correspondant au trop-perçu sur sa pension militaire d'invalidité pussent être connues et mesurées au cours de chaque année où les arrérages auraient dû être versés. 11. M. A...ne peut, compte tenu des circonstances relevées au point précédent, être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de la créance résultant pour lui de la poursuite de ces retenues au-delà de l'année 2002. Il ne peut donc être soutenu que M. A... se trouvait dans l'un des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 susceptibles de faire obstacle à ce que le délai de prescription puisse courir. 12. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que les créances correspondant aux années 2002 à 2010 étaient prescrites lorsque M. A...a demandé, le 12 février 2015, que ce prélèvement soit suspendu, et que celui-ci ne pouvait se prévaloir d'une créance qu'en ce qui concerne la période du 1er janvier 2011 au 31 janvier 2015. En ce qui concerne les sommes demandées par M. A...: 13. Il résulte de l'instruction que le montant de la somme due à M. A...au titre des retenues indues sur les arrérages de sa pension s'élève à 5 304,25 euros, correspondant à la part non prescrite de ces prélèvements. 14. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le préjudice moral invoqué par M. A... n'est pas établi. 15. M. A...est, par suite, fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une somme globale de 5 304,25 euros. En ce qui concerne les intérêts : 16. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter de la réception par la partie débitrice de la réclamation de la somme principale ou, le cas échéant, faute de demande préalable indemnitaire, de l'enregistrement de cette demande au tribunal. Dans la présente espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les administrations concernées aient reçu la demande présentée le 14 avril 2015 par M. A...avant l'enregistrement de sa requête au tribunal administratif de Nantes le 16 avril 2015. Il y a donc lieu de faire courir les intérêts à compter du 16 avril 2015. Sur les frais du litige : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 1er du jugement du 23 août 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A...une somme de 5 304,25 euros. Cette somme portera intérêt à compter du 16 avril 2015. Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A...est rejeté, ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. B...A.... Copie en sera adressée à la ministre des armées.ECLI:FR:CESEC:2019:413995.20190701
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème chambre, 15/07/2019, 427935, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2015 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, l'a titularisé dans le corps des surveillants pénitentiaires en tant que cet arrêté limite sa reprise d'ancienneté à trois mois et neuf jours, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1600954 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 18NC01165 du 13 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 13 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - l'ordonnance n° 2019-2 du 4 janvier 2019 ; - le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B...;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a été recruté en qualité de militaire du 29 août 2000 au 29 août 2010, date à laquelle il a été radié des cadres. Du 9 janvier 2012 au 22 septembre 2013, M. B...a exercé les fonctions d'adjoint de sécurité au sein de la police nationale. Après avoir été nommé le 22 septembre 2013 dans un emploi réservé aux anciens militaires en tant qu'élève à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire, il a été nommé surveillant pénitentiaire stagiaire le 2 juin 2014. Par un arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 10 décembre 2015, M. B...a été titularisé à compter du 2 septembre 2015 au deuxième échelon du grade de surveillant pénitentiaire, avec une ancienneté de trois mois et neuf jours. Par un courrier du 22 janvier 2016, M. B...a contesté cet arrêté devant la directrice de l'administration pénitentiaire en demandant que la durée de ses services accomplis en qualité de militaire sous contrat entre 2000 et 2010 soit reprise en totalité pour le calcul de son ancienneté dans le corps des surveillants pénitentiaires. Par un jugement du 13 février 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2015 en tant qu'il limite sa reprise d'ancienneté à trois mois et neuf jours, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement. Par ailleurs, à l'appui de ce pourvoi, M. B...soutient, par un mémoire distinct, que les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense, telles qu'elles sont interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 3. Aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la défense, le statut des militaires " (...) offre à ceux qui quittent l'état militaire les moyens d'un retour à une activité professionnelle dans la vie civile (...) ". 4. Aux termes de l'article L. 4139-3 du même code de la défense, dans sa rédaction applicable au litige, sur lequel la cour administrative d'appel s'est fondée pour rejeter l'appel de M. B...: " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre./ En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B ". Ces dispositions fixent les modalités selon lesquelles la carrière antérieure du militaire qui devient fonctionnaire en étant recruté sur un emploi réservé est prise en considération pour déterminer l'ancienneté dont il bénéficie dans le corps qu'il rejoint lors de sa titularisation. Cette reprise d'ancienneté permet de déterminer, au regard des dispositions statutaires propres à chaque corps, l'échelon auquel il doit être reclassé et, par suite, l'indice qui en résulte. Ces dispositions ne prévoient pas que le reclassement dans la fonction publique d'un ancien militaire, recruté au titre de la législation sur les emplois réservés, tienne compte de l'indice détenu par l'intéressé lorsqu'il était militaire. 5. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un ou l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 6. Les militaires en activité qui accèdent à un emploi réservé ne sont pas dans la même situation que les anciens militaires qui accèdent à ces mêmes postes, compte tenu de l'objectif fixé à l'article L. 4111-1 du code de la défense de favoriser le retour des militaires à une activité professionnelle dans la vie civile. Il est par conséquent loisible au législateur de prévoir des règles de reprise d'ancienneté uniquement pour les militaires en position d'activité lors de leur intégration dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil. Par suite, alors même que l'ordonnance du 4 janvier 2019 portant simplification des dispositifs de reconversion des militaires et des anciens militaires dans la fonction publique civile a supprimé ces règles spécifiques aux militaires en activité, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu le principe d'égalité en prévoyant des règles de reclassement différentes pour les militaires en activité et pour les anciens militaires ne présente pas un caractère sérieux. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée par M.B..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux et qu'il n'y pas lieu, par suite, de la transmettre au Conseil constitutionnel. Sur les autres moyens du pourvoi : 8. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 9. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. B...soutient, en outre, que la cour administrative d'appel de Nancy a : - commis une erreur de droit en considérant que l'administration était fondée à lui refuser, lors de sa titularisation comme surveillant pénitentiaire, la reprise de son ancienneté au titre des services qu'il a accomplis en tant que militaire ; - commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que son ancienneté dans son nouveau poste de surveillant pénitentiaire était limitée à 3 mois et 9 jours, alors d'une part qu'il bénéficiait d'une ancienneté de 20 mois en tant qu'adjoint de sécurité et, d'autre part, que le décret du 24 avril 2006 prévoyait une reprise d'ancienneté à hauteur des trois-quarts de la durée des services antérieurs effectués par les agents de droit public non contractuels qui accèdent à un emploi de surveillant pénitentiaire. 10. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B.... Article 2 : Le pourvoi de M. B...n'est pas admis. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B.... Copie en sera adressée au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice, à la ministre des armées et au Conseil constitutionnel. ECLI:FR:CECHS:2019:427935.20190715
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème chambre, 17/07/2019, 421912, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A...B..., veuve de M.C..., a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le bénéfice d'une pension de réversion. Par une ordonnance n° 1801066 du 23 avril 2018, la présidente de la 5ème section de ce tribunal a rejeté cette demande comme irrecevable. Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin 2018 et 3 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au fond, d'attribuer l'affaire au tribunal des pensions de Paris ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 56-897 du 8 septembre 1956 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de Mme B...; Considérant ce qui suit : 1. Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le bénéfice d'une pension de réversion. Elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 23 avril 2018 par laquelle la présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté cette demande comme irrecevable. Sur la recevabilité du pourvoi : 2. Mme B...étant représentée, depuis le 1er avril 2019, par la SCP Monod, Colin, Stoclet, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'action et des comptes publics, tirée de ce que le pourvoi a été présenté en méconnaissance des dispositions de l'article R. 432-1 du code de justice administrative, ne peut, en tout état de cause, qu'être écartée. Sur le bien fondé du pourvoi : 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Paris que, par sa demande, enregistrée le 23 janvier 2018, Mme B...sollicitait le bénéfice d'une pension de réversion en qualité de veuve de M.C..., décédé le 25 avril 2014, ancien combattant de la seconde guerre mondiale et titulaire à ce titre d'une pension militaire d'invalidité qui lui avait été concédée le 8 décembre 1984. Elle devait, dès lors, nécessairement être regardée comme demandant le bénéfice d'une pension de réversion en application des dispositions de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, aux termes duquel : " Le droit à pension est ouvert au conjoint ou partenaire survivant mentionnés à l'article L. 141-1 : / 1° Lorsque le militaire est décédé en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension (...) ". 4. En application de l'article R. 731-1 du même code, les règles de recevabilité des demandes de pensions militaires d'invalidité sont déterminées par les dispositions de ce code, par celles du code de procédure civile auxquelles elles renvoient expressément et, dans le silence de ce code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives. En l'absence de toute disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ou de toute règle générale de procédure applicable aux juridictions administratives prévoyant que les parties non représentées par un avocat qui ont leur résidence en dehors du territoire français doivent y élire domicile, aucune fin de non-recevoir ne peut être opposée à un demandeur d'une pension de réversion formée en application de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, tirée de l'absence d'élection de domicile en France. Par suite, la présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d'une erreur de droit en rejetant la demande de Mme B...comme irrecevable au motif qu'elle n'avait pas élu domicile dans le ressort de ce tribunal en application des dispositions de l'article R. 431-8 du code de justice administrative. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Aux termes de l'article L. 711-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les contestations individuelles auxquelles donne lieu l'application des dispositions du livre Ier et des titres Ier, II et III du livre II sont jugées en premier ressort par le tribunal des pensions et en appel par la cour régionale des pensions. / (...) Les juridictions des pensions constituent des juridictions administratives. ". Aux termes de l'article R. 711-2 du même code : " Le tribunal des pensions de Paris et la cour régionale des pensions de Paris sont chargés de statuer sur les contestations mentionnées à l'article L. 711-1 soulevées par les personnes résidant à l'étranger. / Par exception aux dispositions de l'alinéa précédent, les contestations sont portées : / (...) 2° Devant le tribunal des pensions et la cour régionale des pensions de Montpellier, pour les ressortissants résidant dans le ressort de l'ancienne cour d'appel d'Oran (...) ". 8. Si, en vertu des dispositions combinées de l'article 51 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et de l'article 6 du décret du 28 décembre 2018, pris pour son application, ces contestations, à compter du 1er novembre 2019, relèveront respectivement, en premier ressort et en appel, des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, auxquels seront transférées en l'état les procédures en cours, il résulte des dispositions citées au point précédent qu'une demande de pension d'un conjoint survivant d'un titulaire de pension militaire d'invalidité relève, jusqu'au 1er novembre 2019, de la compétence des juridictions des pensions. 9. En vertu de l'article 2 du décret du 8 septembre 1956 fixant les modalités d'application de la loi n° 55-1083 du 7 août 1955 portant création des cours d'appel d'Oran et de Constantine, la wilaya de Tiaret, où réside MmeB..., est située dans le ressort de la cour d'appel d'Oran. Il y a lieu, dès lors, d'attribuer le jugement de l'affaire au tribunal des pensions de Montpellier. 10. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à celle-ci. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 23 avril 2018 de la présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris est annulée. Article 2 : Le jugement de la demande de Mme B...est attribué au tribunal des pensions de Montpellier. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Monod, Colin, Stoclet une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à la ministre des armées, au ministre de l'action et des comptes publics et au président du tribunal des pensions de Montpellier. ECLI:FR:CECHS:2019:421912.20190717
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 2ème chambre, 26/06/2019, 416864, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B...A...a demandé au tribunal des pensions de Nanterre, d'une part, d'annuler l'arrêté ministériel du 15 février 2016 fixant à 35 % le taux global de sa pension militaire d'invalidité et, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de calculer à nouveau sa pension en prenant en compte le taux d'invalidité de 20 %, définitivement acquis pour l'infirmité principale de séquelles de contusion du globe oculaire gauche. Par un jugement n° 16/00009 du 24 janvier 2017, le tribunal des pensions a fait droit à sa demande. Par un arrêt n° 17/01714 du 24 octobre 2017, la cour régionale des pensions de Versailles a rejeté l'appel formé par la ministre des armées contre ce jugement. Par un pourvoi, enregistré le 27 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice, - les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public, La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de M. A...; 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... bénéficiait depuis le 17 avril 1992 d'une pension militaire d'invalidité pour séquelles de contusion du globe oculaire gauche concédée au taux de 19,5 %, arrondi à 20 %. Par arrêté du 12 novembre 2013, M. A...s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité mixte au titre de séquelles de contusion du globe oculaire gauche, acouphènes bilatéraux et hypoacousie bilatérale à un taux de 35 %. M. A...a demandé au tribunal des pensions de Nanterre d'annuler l'arrêté ministériel du 15 février 2016 par lequel la ministre des armées, saisie d'une demande de révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités auditives, a reconduit et consolidé à titre définitif cette pension aux taux précédemment établis. Le tribunal a fait droit à cette demande et enjoint à la ministre des armées de calculer de nouveau la pension servie à M. A...en tenant compte du taux définitif de 20 % pour l'infirmité de séquelles de contusion du globe oculaire gauche. La ministre des armées se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour régionale des pensions de Versailles qui a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". 3. Aux termes de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Il résulte des dispositions de l'article L. 9 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du litige et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, que " (...) Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". 4. Quand le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité simple sollicite sa révision du fait de l'apparition de nouvelles infirmités ou de l'aggravation de ses infirmités n'entrainant pas une invalidité absolue, le calcul de sa pension révisée doit s'effectuer sur la base du degré réel d'invalidité correspondant à l'infirmité principale déjà pensionnée et du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités supplémentaires avec une exactitude arithmétique, sans qu'il soit possible d'arrondir à l'unité supérieure les chiffres fractionnaires intermédiaires. La règle de l'arrondi énoncée à l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne s'applique, le cas échéant, qu'une fois obtenu le degré global d'invalidité pour déterminer le taux de pension correspondant. 5. Pour confirmer le jugement par lequel le tribunal des pensions de Nanterre a annulé l'arrêté ministériel du 15 février 2016 et enjoint au ministre des armées de calculer à nouveau la pension concédée à M.A..., la cour régionale des pensions de Versailles a jugé que le chiffre à prendre en compte pour l'infirmité de séquelles de contusion du globe oculaire gauche était le taux définitif de pension de 20 %, concédé le 17 avril 1992 après application de l'arrondi prévu à l'article L. 9 et par application des dispositions citées ci-dessus du troisième alinéa de l'article 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de prendre en compte le degré réel d'invalidité correspondant à l'infirmité, la cour régionale des pensions de Versailles a commis une erreur de droit. Par suite, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M.A..., qui ne bénéficie pas d'un droit acquis au maintien du taux de 20 % concédé après application de l'arrondi prévu aux dispositions de l'article L. 9 pour le calcul de la pension dont il sollicitait la révision, n'est pas fondé à soutenir que la ministre des armées aurait dû prendre en compte ce taux pour l'infirmité principale de séquelles de contusion du globe oculaire gauche. 8. Ainsi, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Nanterre a annulé l'arrêté ministériel du 13 janvier 2015 et lui a enjoint de calculer à nouveau la pension de M.A.... 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 24 octobre 2017 de la cour régionale des pensions de Versailles et le jugement du 24 janvier 2017 du tribunal des pensions de Nanterre sont annulés. Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal des pensions de Nanterre est rejetée. Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. B... A....ECLI:FR:CECHS:2019:416864.20190626
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/06/2019, 422920
Vu la procédure suivante : M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 643 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime. Par un jugement n° 1502165/5-1 du 11 février 2016, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 24 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014 et de la capitalisation des intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de M.B.... Par un arrêt n° 16PA01283 du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la ministre des armées ainsi que l'appel incident de M.B.... Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 août 2018 et 18 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.B.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B...;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces soumises au juge du fond que M.B..., caporal au sein du régiment d'infanterie de chars de marine de Poitiers, affecté sur la base opérationnelle avancée de Zouar au Tchad, a été blessé par des éclats de balles à la tête, le 7 avril 2012, à l'âge de 26 ans, à la suite d'une erreur de manipulation de son arme par un autre militaire qui a été reconnu coupable des chefs de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, d'usage illicite de stupéfiants et de violation de consignes par militaire, par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Paris du 1er avril 2014. M. B...a obtenu le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 40 %, à compter du 18 juillet 2012. Il a également présenté une demande d'indemnisation des préjudices subis, qui a été rejetée par le ministre de la défense. Par un jugement du 11 février 2016, le tribunal administratif de Paris, saisi par M.B..., a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 24 500 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant pour lui de cet accident. Par un arrêt du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la ministre des armées contre ce jugement, ainsi que l'appel incident formé par M. B...tendant à ce que le montant de l'indemnité soit porté à la somme de 789 724 euros. La ministre des armées se pourvoit en cassation contre cet arrêt. 2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 3. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour retenir l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour administrative d'appel de Paris s'est bornée à relever que l'accident dont a été victime M. B...trouvait sa cause dans la faute commise par un autre militaire, qui a procédé au nettoyage de son arme sans respecter les consignes de sécurité applicables, et que cette faute, commise sur les lieux et durant le temps du service, avec une arme de service, présentait malgré sa gravité un lien avec le service suffisant à engager la responsabilité de l'Etat. En déduisant de la seule circonstance que la faute personnelle commise par cet autre militaire avait un lien avec le service que cette faute était de nature à engager la responsabilité de l'Etat, sans rechercher si l'accident de service dont a été victime M. B... était imputable à une faute commise par l'administration dans l'organisation ou le fonctionnement du service, la cour a commis une erreur de droit. 6. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 5 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris. Article 3 : Les conclusions formées par M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. A... B....ECLI:FR:CECHR:2019:422920.20190628
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