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CAA de NANTES, 4ème chambre, 22/12/2015, 13NT01847, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes : 1°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 51 586 euros (41 450 euros au titre des bonifications capitalisées de sa pension de retraite à compter du 1er septembre 2008 ; 4 146 euros au titre du rappel sur pensions ; 900 euros au titre du préjudice moral ; 5 000 euros au titre des frais de défense), assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ; 2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité " des nouveaux textes " avec l'article 141 du traité sur l'Union européenne et de ses éventuelles directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale. Par un jugement n° 093737,1103693 du 26 avril 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 juin 2013, le 25 juin 2014 et le 15 juin 2015, M. et MmeB..., représentés par MeD..., demandent à la cour, dans le dernier état de ses conclusions : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2013 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 51 586 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; 3°) à titre subsidiaire, de procéder avant dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 4°) à titre plus subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une double question préjudicielle : - sur la question de savoir si le droit à un recours effectif devant un tribunal impartial protégé par l'article 47 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'UE, et les principes de défense des droits et réparation des articles 17 et 18 de la directive n°2006/54 s'opposent à ce que le Conseil d'Etat interprète, par un arrêt de principe, les jurisprudences Griesmar C-366/99 et Leone C-173/13 de la Cour de Justice dans une formation dont 7 à 11 membres sur 15 avaient participé aux avis consultatifs émis dans la " même " affaire ; - sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du 27 mars 2015, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par la CJUE le 17 juillet 2014 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -les nouvelles dispositions législatives et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen ; la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration, en méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes des article 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - dans son arrêt Quintanel du 27 mars 2015 le Conseil d'Etat, siégeant dans une formation qui méconnaît le droit à un procès équitable, a dénaturé la portée de l'arrêt Leone et procédé à un nouveau contournement du droit communautaire qui vide de sa substance le principe d'égalité. Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 mars 2014 et le 18 mai 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2015 et le 9 octobre 2015, le ministre de la Justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la responsabilité de l'Etat du fait d'un dysfonctionnement du service public de la justice n'est pas engagée, en l'absence de violation " manifeste " du droit communautaire ; - le dispositif législatif et réglementaire en litige ne méconnaît par l'article 141 CE, ainsi que l'a précisé le Conseil d'Etat dans l'arrêt Quintanel ; - aucune obligation de déport ne pesait sur les membres de la formation de jugement. Par mémoire distinct, enregistré le 1er décembre 2015, M. et Mme B...ont soulevé la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'indépendance et d'impartialité affirmés par les articles 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article L. 121-4 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ; - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n°14 sur la politique sociale ; - la directive n°79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Madelaine, - les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public. 1. Considérant que M.B..., fonctionnaire de France Telecom, a demandé le 21 décembre 2007 le bénéfice d'une pension de retraite à jouissance immédiate en application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite en tant que père de trois enfants ; que sa demande a été rejetée le 22 janvier 2008 par le service des pensions de retraites de La Poste et de France Telecom ; que M. B...a demandé à l'Etat réparation des préjudices subis du fait du refus opposé à sa demande de retraite anticipée et de la non attribution de la bonification pour enfant en se prévalant de la non conformité au droit communautaire des dispositions législatives et réglementaires afférentes au bénéfice de cet avantage ainsi que du fait qu'il a dû travailler et n'a pu bénéficier de sa pension de retraite pendant plusieurs mois ; que sa demande a été implicitement rejetée ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 26 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser la somme de 51 586 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis ; Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue ... par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° / Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3°/La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ; qu'aux termes de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations. " ; 3. Considérant que M. et Mme B...contestent la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 121-4 du code de justice administrative en ce qu'il ne préserve pas l'indépendance et l'impartialité du Conseil d'Etat en tant que juridiction suprême administrative, en l'absence de cloisonnement entre les conseillers d'Etat composant les sections consultatives et ceux qui exercent les fonctions de juges suprêmes administratifs au sein de la section du contentieux, en violation des article 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; 4. Considérant que l'article L. 121-4 du code de justice administrative, qui fixe les modalités de nomination des conseillers d'Etat en service extraordinaire et d'exercice de leurs fonctions, en prévoyant d'ailleurs qu'ils ne peuvent être affectés à la section du contentieux, n'est pas applicable au litige soumis par M. et Mme B...à la cour ; 5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, de façon certaine, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 121-4 du code de justice administrative porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ; Sur les conclusions indemnitaires : Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : 6. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 8. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 9. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. " ; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 10. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, dans ces conditions, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions du code des pensions civiles et militaires incriminées ne seraient pas compatibles avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et la directive n° 86/378 du Conseil du 25 juillet 1986 ; 11. Considérant que la circonstance alléguée que la modification du code des pensions civiles et militaires de retraite par la loi de réforme des retraites du 9 novembre 2010 constituerait une reconnaissance implicite par le législateur de la non-conformité du dispositif antérieur aux normes européennes et communautaires sus-rappelées, en particulier l'existence d'une discrimination indirecte envers les hommes, est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait de la loi antérieure, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, cette dernière ne méconnaît pas lesdites normes ; 12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; 13. Considérant que les pensions constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le bénéfice du départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et la bonification pour enfants ont pour objet de compenser les inconvénients en termes de carrière subis par les fonctionnaires du fait de l'interruption de leur service en raison de la naissance ou de l'éducation des enfants ; que les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui fixent la durée d'interruption du service à deux mois au moins et se réfère aux positions statutaires permettant une telle interruption, reposent sur des critères objectifs en rapport avec les objectifs légitimes de politique sociale poursuivis ; qu'ainsi, alors même que ce dispositif bénéficierait en fait principalement aux fonctionnaires de sexe féminin, il ne méconnaît pas les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 14. Considérant que si M. et Mme B...se prévalent à l'appui du moyen tiré de la violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de l'arrêt de la Cour de Cassation n°07-20668 du 19 février 2009, il ressort de cette décision qu'elle concerne l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur à l'époque du litige en cause et ne concerne pas les dispositions contestées du code des pensions civiles et militaires de retraite dans le cadre de la présente affaire ; qu'en outre, les intéressés ne peuvent se prévaloir utilement d'une délibération en date du 26 septembre 2005 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ; 15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle " ; 16. Considérant que l'adoption des dispositions législatives et réglementaires contestées n'a pas privé M. B...de son droit d'accéder à un tribunal pour y faire valoir ses droits ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à se prévaloir pour engager la responsabilité pour faute de l'Etat d'une violation des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 17. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté sa demande tendant au bénéfice du départ à la retraite anticipé en décembre 2007, soit bien après l'entrée en vigueur de la loi de 2004 ; que s'il soutient qu'il remplissait, avant l'entrée en vigueur de la loi, toutes les conditions au bénéfice du départ anticipé, les modalités de liquidation d'une pension sont celles en vigueur à la date de l'admission à la retraite ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les principes de confiance légitime ou de sécurité juridique, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure doit être écarté ; 18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de la violation par les lois ou règlements des règles issues des traités de l'Union européenne et des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 19. Considérant, d'une part, que M. et Mme B...soutiennent que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite incriminées en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 6 à 11, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les décisions juridictionnelles par lesquelles il a été statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 20. Considérant, d'autre part, que M. et Mme B...soutiennent que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 6 à 11 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire pour statuer sur les demandes des intéressés ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que les requérants invoquent, les juridictions saisies n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu leur droit à un procès équitable ; 21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la CJUE d'une nouvelle question préjudicielle, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant du non octroi d'une retraite anticipée avec bonification pour enfants de la pension de retraite ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB.... Article 2 : La requête de M. et Mme B...est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B..., au Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - Mme Loirat, président-assesseur, - M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller. Lu en audience publique, le 22 décembre 2015. Le rapporteur, B. MADELAINE Le président, L. LAINÉ Le greffier, M. A... La République mande et ordonne au Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. '' '' '' '' 2 N° 13NT01847
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 4ème chambre, 22/12/2015, 13NT01699, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes : 1°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 102 115 euros (54 915,84 euros au titre des bonifications capitalisées de sa pension de retraite à compter du 1er septembre 2008 ; 46 600 euros au titre du rappel sur pension augmentée des bonifications ; 6 000 euros au titre du préjudice moral ; 5 000 euros au titre des frais de défense), assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ; 2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité " des nouveaux textes " avec l'article 141 du traité sur l'Union européenne et de ses éventuelles directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale. Par un jugement n° 1000507 du 19 avril 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 juin 2013, le 26 décembre 2014 et le 15 juin 2015, M. et MmeB..., représentés par MeD..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs conclusions : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 avril 2013 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 102 115 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; 3°) à titre subsidiaire, de procéder avant dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ; 4°) à titre plus subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une double question préjudicielle : - sur la question de savoir si le droit à un recours effectif devant un tribunal impartial protégé par l'article 47 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'UE, et les principes de défense des droits et réparation des articles 17 et 18 de la directive n°2006/54 s'opposent à ce que le Conseil d'Etat interprète, par un arrêt de principe, les jurisprudences Griesmar C-366/99 et Leone C-173/13 de la Cour de Justice dans une formation dont 7 à 11 membres sur 15 avaient participé aux avis consultatifs émis dans la " même " affaire ; - sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du 27 mars 2015, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par la CJUE le 17 juillet 2014 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les nouvelles dispositions législatives et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen ; la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration, en méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes des article 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - dans son arrêt Quintanel du 27 mars 2015 le Conseil d'Etat, siégeant dans une formation qui méconnaît le droit à un procès équitable, a dénaturé la portée de l'arrêt Leone et procédé à un nouveau contournement du droit communautaire qui vide de sa substance le principe d'égalité. Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mars 2014 et le 8 juin 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que par un arrêt Quintanel du 27 mars 2015, le Conseil d'Etat a confirmé la conventionalité des dispositions mises en cause. Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 avril 2015 et le 9 octobre 2015, le ministre de la Justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la responsabilité de l'Etat du fait d'un dysfonctionnement du service public de la justice n'est pas engagée, en l'absence de violation " manifeste " du droit communautaire ; - le dispositif législatif et réglementaire en litige ne méconnaît par l'article 141 CE, ainsi que l'a précisé le Conseil d'Etat dans l'arrêt Quintanel ; - aucune obligation de déport ne pesait sur les membres de la formation de jugement. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n°14 sur la politique sociale ; - la directive n°79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; - le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Madelaine, - les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public. 1. Considérant que M.B..., fonctionnaire à la direction départementale de l'équipement du Morbihan, a présenté, le 18 janvier 2005, une demande en application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite tendant à son admission anticipée à la retraite en qualité de père de trois enfants à compter du 1er janvier 2007, demande qui a été rejetée par une décision implicite née le 18 mars 2005 ; que M. B...a demandé à l'Etat réparation des préjudices subis du fait du refus opposé à sa demande de retraite anticipée et de la non attribution de la bonification pour enfant en se prévalant de la non conformité au droit communautaire des dispositions législatives et réglementaires afférentes au bénéfice de cet avantage ainsi que du fait qu'il a dû travailler et n'a pu bénéficier de sa pension de retraite pendant plusieurs mois ; que sa demande a été implicitement rejetée ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser la somme de 102 115 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis ; Sur les conclusions indemnitaires : Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois : 2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 3. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. " ; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 5. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, dans ces conditions, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions du code des pensions civiles et militaires incriminées ne seraient pas compatibles avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et la directive n° 86/378 du Conseil du 25 juillet 1986 ; 6. Considérant que la circonstance alléguée que la modification du code des pensions civiles et militaires de retraite par la loi de réforme des retraites du 9 novembre 2010 constituerait une reconnaissance implicite par le législateur de la non-conformité du dispositif antérieur aux normes européennes et communautaires sus-rappelées, en particulier l'existence d'une discrimination indirecte envers les hommes, est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait de la loi antérieure, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, cette dernière ne méconnaît pas lesdites normes ; 7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; 8. Considérant que les pensions constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le bénéfice du départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et la bonification pour enfants ont pour objet de compenser les inconvénients en termes de carrière subis par les fonctionnaires du fait de l'interruption de leur service en raison de la naissance ou de l'éducation des enfants ; que les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui fixent la durée d'interruption du service à deux mois au moins et se réfère aux positions statutaires permettant une telle interruption, reposent sur des critères objectifs en rapport avec les objectifs légitimes de politique sociale poursuivis ; qu'ainsi, alors même que ce dispositif bénéficierait en fait principalement aux fonctionnaires de sexe féminin, il ne méconnaît pas les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 9. Considérant que si M. et Mme B...se prévalent à l'appui du moyen tiré de la violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de l'arrêt de la Cour de Cassation n°07-20668 du 19 février 2009, il ressort de cette décision qu'elle concerne l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur à l'époque du litige en cause et ne concerne pas les dispositions contestées du code des pensions civiles et militaires de retraite dans le cadre de la présente affaire ; qu'en outre, les intéressés ne peuvent se prévaloir utilement d'une délibération en date du 26 septembre 2005 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ; 10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle " ; 11. Considérant que l'adoption des dispositions législatives et réglementaires contestées n'a pas privé M. B...de son droit d'accéder à un tribunal pour y faire valoir ses droits ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à se prévaloir pour engager la responsabilité pour faute de l'Etat d'une violation des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a présenté sa demande tendant au bénéfice du départ à la retraite anticipé en janvier 2005 ; que s'il soutient qu'il remplissait, avant l'entrée en vigueur des textes critiqués, toutes les conditions au bénéfice du départ anticipé, les modalités de liquidation d'une pension sont celles en vigueur à la date de l'admission à la retraite ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les principes de confiance légitime ou de sécurité juridique, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure doit être écarté ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de la violation par les lois ou règlements des règles issues des traités de l'Union européenne et des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives : 14. Considérant, d'une part, que M. et Mme B...soutiennent que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite incriminées en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 2 à 7, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les décisions juridictionnelles par lesquelles il a été statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ; 15. Considérant, d'autre part, que M. et Mme B...soutiennent que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 2 à 7 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire pour statuer sur les demandes des intéressés ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que les requérants invoquent, les juridictions saisies n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu leur droit à une procès équitable ; 16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la CJUE d'une nouvelle question préjudicielle, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant du non octroi d'une retraite anticipée avec bonification pour enfants de sa pension de retraite ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B..., au Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics. Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - Mme Loirat, président-assesseur, - M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller. Lu en audience publique, le 22 décembre 2015. Le rapporteur, B. MADELAINE Le président, L. LAINÉ Le greffier, M. C... La République mande et ordonne au Garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. '' '' '' '' 2 N° 13NT01699
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 1ère SSJS, 30/12/2015, 368528, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis : - d'annuler la décision du 13 juillet 2010 par laquelle le recteur de l'académie de la Réunion a refusé de l'admettre à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 21 décembre 2010 ; - d'enjoindre au recteur de l'académie de la Réunion de faire droit à sa demande ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; - de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article L. 12 et du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par une ordonnance n° 1000831 du 28 février 2011, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Saint-Denis a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité. Par un jugement n° 1000831 du 28 février 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté la demande de M.A.... Procédure devant le Conseil d'Etat Par une ordonnance n° 13BX00994 du 22 avril 2013, enregistrée le 15 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 9 avril 2013 au greffe de cette cour, présenté par M.A.... Par ce pourvoi et par quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 10 septembre 2013, 12 septembre 2013, 1er août 2014 et 20 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 28 février 2013 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 12, L. 24, R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite au droit de l'Union européenne, et notamment aux articles 6 et 157 du traité sur l'Union européenne et aux articles 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ou de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur l'affaire C-173/13 pendante devant elle ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celle de 48 euros au titre de l'article R. 761-1 du même code. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2010-1130 du 9 novembre 2010 ; - l'arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yannick Faure, auditeur, - les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. A...;Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ". En vertu de l'article R. 37 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois, pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption, dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 10 juin 2010, M.A..., fonctionnaire ayant accompli quinze années de services effectifs et père de trois enfants, a saisi son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension, à compter du 21 décembre 2010, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Sa demande a été rejetée par une décision du recteur de l'académie de la Réunion du 13 juillet 2010, au motif qu'il ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions. M. A...se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et conteste, à l'occasion de ce pourvoi, l'ordonnance du 28 février 2011 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Saint-Denis a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article L. 12 et du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant le tribunal administratif : 3. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations ". 4. En premier lieu, la circonstance que le président du tribunal administratif de Saint-Denis a fait application de l'article R. 771-5 du code de justice administrative, en décidant qu'il n'y avait pas lieu de communiquer aux autres parties la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A..., n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard. Par suite, il ne peut utilement s'en prévaloir. 5. En deuxième lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif dans son jugement du 28 février 2013, les dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent un avantage distinct de celui sollicité, sur le fondement de l'article L. 24 du même code, par M.A.... Les dispositions de l'article L. 12 n'étaient donc pas applicables au litige. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune nouvelle circonstance de fait, à celui retenu par l'ordonnance attaquée, dont il justifie le refus de transmission de la question soulevée, s'agissant des dispositions critiquées de cet article. 6. En troisième lieu, tout d'abord, en vertu de la répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution, le droit à l'admission à la retraite et à la liquidation de leur pension ouvert par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite aux fonctionnaires parents de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, figure au nombre des garanties fondamentales relevant du domaine de la loi, de même que la soumission de ce droit à la condition que l'activité des intéressés ait été interrompue. En revanche, le législateur n'est, en tout état de cause, pas resté en deçà de sa compétence en renvoyant à un décret la détermination des cas d'interruption de l'activité. 7. Ensuite, en ouvrant le bénéfice de l'admission à la retraite et de la liquidation de la pension à l'ensemble des fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants, à la condition qu'ils aient interrompu leur activité, les dispositions contestées reconnaissent la même possibilité de choix aux femmes et aux hommes et ne sauraient ainsi être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité. 8. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 24, en tant qu'elles s'appliquent à des demandes postérieures à la publication de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 dont elles sont issues, ne portent pas atteinte à des situations légalement acquises et ne remettent pas en cause des effets pouvant légitimement être attendus de telles situations. Elles ne méconnaissent pas plus le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif. 9. Enfin, les dispositions de l'article L. 24, qui ne sont, en tout état de cause, pas inintelligibles, ne méconnaissent pas le droit de propriété. Si M. A...soutient également que les dispositions qu'il critique seraient manifestement inappropriées à la finalité poursuivie, il n'indique pas, ce faisant, quel serait le droit ou la liberté garantis par la Constitution auquel elles porteraient atteinte. 10. Par suite, en regardant la question dont il était saisi comme dépourvue de caractère sérieux, le magistrat délégué n'a pas inexactement qualifié la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. 11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le magistrat délégué a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée. Sur le pourvoi : 12. En premier lieu, aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). / 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. 13. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. 14. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et si la maternité est ainsi normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. En particulier, les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants et ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants, atteignant ainsi 23 % pour quatre enfants et plus. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. 15. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision litigieuse, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées ci-dessus, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale et est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 16. Il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Saint-Denis aurait commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré du caractère discriminatoire des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, ainsi que les moyens tirés de la contrariété de ces dispositions, d'une part, à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, d'autre part, en tout état de cause, aux articles 20, 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 17. Pour les mêmes motifs, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. 18. En deuxième lieu, aux termes du VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " La durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l'Etat et des militaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite est celle qui est en vigueur lorsqu'ils atteignent l'âge auquel ou l'année au cours de laquelle ils remplissent les conditions de liquidation d'une pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la présente loi (...) ". Ces dispositions se bornent à fixer les règles applicables pour déterminer le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein et sont sans incidence sur la détermination des conditions à remplir pour obtenir la jouissance anticipée de sa pension. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le droit de M. A... à la liquidation de sa pension de retraite devait être apprécié selon les règles en vigueur à la date du 21 décembre 2010 à compter de laquelle il demandait à bénéficier de sa pension. 19. En troisième lieu, les articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite pouvaient, sans revêtir de caractère rétroactif, faire référence, pour déterminer les conditions du droit à la jouissance de la pension, aux conditions dans lesquelles les fonctionnaires ont interrompu leur activité pour la naissance de leurs enfants, alors même que ces naissances peuvent être antérieures à la date de publication des dispositions dont ces articles sont issus. En examinant la légalité de la décision attaquée, qui rejetait la demande de M. A...tendant à bénéficier de sa pension de retraite à compter du 21 décembre 2010, au regard des dispositions de ces articles, issues respectivement de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005, le tribunal n'en a pas fait, contrairement à ce qui est soutenu, une application rétroactive. 20. En quatrième lieu, M. A...a présenté sa demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension le 10 juin 2010, soit plus de cinq ans après la publication du décret du 10 mai 2005 dont est issu l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par suite, et en tout état de cause, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il n'était pas fondé à se prévaloir du principe de sécurité juridique pour soutenir que les dispositions de cet article ne pouvaient lui être appliquées. 21. En cinquième lieu, M. A...ne conteste pas que, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'était pas applicable au litige. Par suite, les moyens qu'il soulève, tirés de la contrariété de cet article et de l'article R. 13 du même code, pris pour son application, à différents textes ou principes de niveau supérieur sont dépourvus de toute incidence sur le bien-fondé du jugement attaqué. 22. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. A... soutient pour le surplus que le tribunal a omis de se prononcer sur les moyens tirés de la violation des articles 6, 8, 13, 17 et 18 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 20, 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'illégalité des articles R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, de la méconnaissance du principe de sécurité juridique et de celle de la décision créatrice de droit de partir à la retraite anticipée dont il bénéficiait et qu'il a commis une erreur de droit en écartant ses moyens tirés du détournement de pouvoir commis par le législateur, de la contrariété de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 aux articles 6, 8, 13, 17 et 18 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance de l'article 8 de cette convention par la décision de lui opposer une condition d'interruption d'activité. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué. 23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de M. A...la contribution pour l'aide juridique mentionnée par l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la date d'introduction du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.ECLI:FR:CESJS:2015:368528.20151230
Conseil d'Etat
CAA de DOUAI, 3e chambre - formation à 3 (bis), 17/12/2015, 14DA00880, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La Commune de Châteauneuf-en-Thymerais a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure à lui verser, d'une part, la somme de 146 817,92 euros augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux traitements versés à M.F..., son agent, du 16 mars 2007 eu 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 31 décembre 2013, ainsi que le montant des traitements restant à verser à l'intéressé jusqu'à la date de sa mise à la retraite, son reclassement ou sa reprise d'activité, d'autre part, la somme de 8 240,41 euros augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux frais médicaux remboursés à M. F...du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 31 décembre 2013, ainsi que le montant des frais médicaux restant à exposer pour l'intéressé, enfin, la somme de 6 000 euros augmentée des intérêts au taux légal correspondant aux autres dépenses qu'elle a exposées, et de mettre à la charge du SETOM de l'Eure la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1200240 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme correspondant aux traitements versés à M. F...pour les périodes du 16 mars 2007 au 6 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 8 août 2009, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2011, et renvoyé la commune devant le SETOM de l'Eure pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement des sommes qui lui sont dues, d'autre part, mis à la charge du SETOM de l'Eure la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2014 et le 13 novembre 2015, la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, représentée par Me D...E..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 mars 2014, en tant qu'il limite aux périodes du 16 mars au 6 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 la condamnation du SETOM de l'Eure à lui rembourser les traitements versés à M. F...et qu'il rejette les conclusions de sa demande tendant au remboursement des frais et honoraires médicaux exposés pour l'intéressé ; 2°) de condamner le SETOM de l'Eure à lui verser, d'une part, la somme de 176 891,23 euros augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux traitements servis à M. F..., ainsi que les traitements restant à verser à l'intéressé, d'autre part, la somme de 11 035,89 euros, augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux frais et honoraires médicaux versés pour l'intéressé du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 31 octobre 2015, ainsi que les frais et honoraires médicaux restant à verser pour l'intéressé jusqu'à son placement en retraite pour invalidité, prévu au 1er février 2016 ; 3°) de mettre à la charge du SETOM de l'Eure une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il appartient au SETOM de l'Eure, qui employait M. F...le 13 mars 2002, date à laquelle il a été victime d'un accident de service, de prendre en charge les conséquences financières de toute nature résultant de la situation actuelle de l'intéressé et trouvant leur origine directe et exclusive dans cet accident ; - elle a ainsi droit au remboursement de l'ensemble des traitements qu'elle a servis à l'intéressé durant les arrêts de travail du 8 août 2009 au 31 décembre 2013, ainsi que de ceux qu'elle a et devra lui verser à compter de cette dernière date et jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité, à compter du 1er février 2016 ; - elle peut également prétendre au remboursement des frais et honoraires médicaux qu'elle a supportés du 16 mars 2007 au 31 décembre 2013, ainsi que de ceux qu'elle a et devra exposer à compter de cette dernière date et jusqu'à la mise à la retraite de l'intéressé ; - aucune inaction fautive ne peut lui être imputée. Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre et 26 novembre 2015, le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure, représenté par Me D...A..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il le condamne à prendre en charge les traitements versés à M. F...entre le 14 novembre 2008 et le 8 août 2009, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal administratif de Rouen a retenu à tort que les arrêts de travail de novembre 2008 au 8 août 2009 de M. F...étaient imputables à des rechutes résultant de l'accident de service survenu en 2002 ; - les demandes de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais afférentes aux périodes postérieures au 8 août 2009 ne pourront qu'être rejetées, faute de démonstration d'une imputabilité aux séquelles de l'accident de service des arrêts de travail correspondants ; - les moyens soulevés par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, qui n'a pris aucune mesure propre à trouver une issue aux arrêts de travail de l'intéressé ne sont pas fondés ; - cette dernière ne justifie pas, en tout état de cause, de ce que les frais et honoraires médicaux dont elle demande la prise en charge sont en lien direct avec l'accident de service. Vu les autres pièces du dossier ; Une note en délibéré présentée pour le SETOM de l'Eure a été enregistrée le 4 décembre 2015. Une note en délibéré présentée pour la commune de Châteauneuf-en-Thymerais a été enregistrée le 7 décembre 2015. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public, - et les observations de MeB..., représentant la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, et de MeC..., représentant le SETOM de l'Eure. 1. Considérant que M.F..., adjoint technique territorial titulaire, a été victime, le 13 mars 2002, d'un accident reconnu imputable au service, alors qu'il était employé par le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure ; que, l'intéressé, qui a été recruté par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loir) le 9 octobre 2006, a connu, du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis à compter du 14 novembre 2008, des nouvelles périodes d'arrêt de travail, dont la dernière a été reconduite ; que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, qui estime que les difficultés de santé ayant justifié ces arrêts de travail sont imputables à l'accident de service, relève appel du jugement du 25 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation du SETOM de l'Eure à lui rembourser les traitements qu'elle a versés, durant ces périodes d'arrêt de travail, à M. F...et qu'il a rejeté les conclusions de cette demande tendant au remboursement par le SETOM des dépenses de santé qu'elle a exposées dans l'intérêt de M.F... ; que le SETOM de l'Eure relève appel incident du même jugement, en tant qu'il l'a condamné à prendre en charge les traitements versés à M. F... entre le 14 novembre 2008 et le 8 août 2009 ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...) / La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci (...) " ; 3. Considérant qu'en application de ces dispositions, la collectivité au service de laquelle se trouvait l'agent lors de l'accident de service doit supporter les conséquences financières de la rechute consécutive à cet accident, alors même que cette rechute est survenue alors qu'il était au service d'une nouvelle collectivité ; que la collectivité qui employait l'agent à la date de l'accident doit ainsi prendre en charge non seulement les honoraires médicaux et les frais exposés par celui-ci qui sont directement entraînés par la rechute mais aussi le remboursement des traitements qui lui ont été versés par la collectivité qui l'emploie à raison de son placement en congé de longue maladie, dès lors que ce placement a pour seule cause la survenue de la rechute consécutive à l'accident de service ; que si la collectivité qui l'emploie est tenue de verser à son agent les traitements qui lui sont dus, elle est cependant fondée à demander à la collectivité qui l'employait à la date de l'accident, par une action récursoire et non une action subrogatoire dès lors que la collectivité au service de laquelle se trouvait l'agent lors de son accident de service ne saurait être regardée comme le tiers ayant provoqué l'accident au sens des dispositions précitées du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, le remboursement des traitements qu'elle lui a versés consécutivement à sa rechute, ce jusqu'à la reprise de son service par l'agent ou jusqu'à sa mise à la retraite ; Sur la prise en charge des traitements versés à M.F... : 4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la commission départementale de réforme compétente pour connaître de la situation de M. F...a été consultée sur la question de l'imputabilité au service de la période d'arrêt de travail du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 ; que, s'il ressort du procès-verbal de la séance du 30 juin 2009, au cours de laquelle ce point a été examiné, que la commission ne s'est toutefois pas expressément prononcée sur celui-ci, cet avis mentionne cependant que la période d'arrêt de travail en cause se rapporte à des lombalgies et à une sciatique gauche ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction et notamment du rapport médical rédigé le 4 juillet 2007 par le docteur Dubost, médecin agréé, que M. F...ne présentait pas de lombalgies ni de sciatique connues avant l'accident de service dont il a été victime le 13 mars 2002, lequel lui a notamment occasionné un traumatisme lombaire ayant justifié une arthrodèse lombaire L5 S1 ; que ce rapport précise qu'à la date à laquelle M. F...a été examiné, il présentait une lombo-sciatique gauche, associée à une légère boiterie ; que ce praticien conclut, au terme de ce rapport, à l'imputabilité des troubles ainsi observés à l'accident de service ; qu'ainsi, la période d'arrêt de travail du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 doit être regardée comme justifiée par l'existence d'épisodes douloureux présentant un lien direct et certain avec cet accident de service ; qu'il suit de là que le SETOM de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a admis cette imputabilité et mis, en conséquence, à sa charge les traitements versés à l'intéressé par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais durant cette période ; 5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'examen des arrêts de travail, dont la copie est versée au dossier, délivrés à M. F...à compter du 8 août 2009, que ceux-ci mentionnent qu'ils sont justifiés par la constatation d'une récidive de lombosciatique gauche chronique, en lien avec une hernie discale L4-L5 opérée antérieurement ; que, dans ces conditions et compte tenu de ce que M. F..., qui a développé de tels symptômes après l'accident de service dont il a été victime et l'intervention chirurgicale que son état a ensuite rendu nécessaire, ne présentait, comme il a été dit au point 4, aucun antécédent de lombalgie et de sciatique avant cet accident, la période d'arrêt de travail postérieure au 8 août 2009 doit être regardée comme justifiée par l'existence d'épisodes douloureux présentant un lien direct et certain avec cet accident de service ; qu'est sans incidence sur cette imputabilité le fait que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais n'aurait accompli que récemment des démarches dans le but de trouver une issue à la situation d'arrêt de travail dans laquelle demeurait placé M.F..., ce dernier ayant seulement été reconnu inapte, aux termes de l'avis émis le 30 juin 2009 par la commission de réforme, à la conduite de véhicules et les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 prévoyant expressément que le fonctionnaire atteint d'une affection ayant pour origine un accident de service conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite ; qu'il suit de là que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais est fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a retenu à tort qu'il n'était pas établi que les arrêts de travail postérieurs au 8 août 2009 avaient pour origine une rechute consécutive à l'accident de service et à demander que les traitements qu'elle justifie avoir versés à M. F...durant la période d'arrêt de travail du 8 août 2009 au 17 décembre 2015, date de lecture du présent arrêt, soient mis à la charge du SETOM de l'Eure ; qu'elle ne saurait, en revanche, obtenir une quelconque somme au titre de la période postérieure à cette dernière date, faute de pouvoir justifier de versements effectifs à l'intéressé ; que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais a droit, à compter du 9 novembre 2011, date de réception de sa réclamation préalable, aux intérêts sur les traitements servis à son agent avant cette date et, pour la période postérieure à cette date, à ceux qui courent à compter de la date d'échéance de chaque paiement mensuel ; Sur la prise en charge des dépenses médicales : 6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que l'état de santé de M. F...a rendu nécessaire la prescription, durant les périodes du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 30 octobre 2015, de traitements médicamenteux et de séances de rééducation ; que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais justifie, notamment par une attestation de son comptable, dont les mentions correspondent à celles d'un certificat administratif détaillé émis par son ordonnateur, avoir payé, le 30 mars 2012, des frais médicaux dans l'intérêt de M.F..., représentant un montant total de 1 534,91 euros et qui, selon ce certificat administratif, correspondraient à seize feuilles de soins émises entre le 6 mai 2009 et le 2 décembre 2011 par le masseur-kinésithérapeute et par le médecin traitant qui suivent l'intéressé ; que, toutefois, cette attestation et ce certificat administratif, même rapprochés des feuilles de soins versées au dossier, lesquelles sont, pour la plupart, postérieures à la période visée par ces documents et font apparaître des montants différents, ne permettent pas d'établir que les dépenses médicales effectivement exposées par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais durant la période visée par ce certificat présenteraient un lien direct et certain avec les conséquences dommageables de l'accident de service dont a été victime M. F... ; qu'en revanche, la commune justifie, dans le dernier état de ses écritures, avoir exposé, à concurrence des sommes respectives de 1 646,86 euros et 1 148,43 euros, d'autres dépenses médicales dans l'intérêt de M. F...durant les périodes couvrant l'année 2014, puis du 1er janvier 2015 au 30 octobre 2015, ainsi qu'en attestent deux états récapitulatifs visés par son comptable et dont les mentions correspondent à celles portées sur les ordonnances médicales qui y sont jointes ; que, par suite, la commune de Châteauneuf-en-Thymerais est fondée à demander que la somme de 2 795,29 euros soit mise à la charge du SETOM de l'Eure au titre des frais médicaux exposés dans l'intérêt de M.F... ; que la commune a droit aux intérêts sur cette somme à compter de la date de chacun des paiements qu'elle a effectués ; qu'en revanche, elle ne saurait prétendre à l'indemnisation des frais futurs dont elle n'a pas encore supporté la charge ; 7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que les traitements versés à M. F...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015 et les frais médicaux exposés dans l'intérêt de l'intéressé à concurrence de la somme de 2 795,29 euros soient mis à la charge du SETOM de l'Eure, d'autre part, que les conclusions d'appel incident que ce dernier présente doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par le SETOM de l'Eure et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : Le SETOM de l'Eure versera à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais les sommes correspondant aux traitements servis à M. F...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015. Ces sommes porteront intérêts au taux légal, à compter du 9 novembre 2011, sur les traitements servis à son agent avant cette date et, pour la période postérieure à cette date, à compter de la date d'échéance de chaque paiement mensuel. Article 2 : La commune de Châteauneuf-en-Thymerais est renvoyée devant le SETOM de l'Eure pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement des sommes qui lui sont dues en application de l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : Le SETOM de l'Eure versera à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme de 2 795,29 euros correspondant aux dépenses médicales exposées dans l'intérêt de M. F... durant la période couvrant l'année 2014 et celle s'étendant du 1er janvier au 30 octobre 2015. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des paiements qu'elle a effectués. Article 4 : Le jugement du jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Le SETOM de l'Eure versera à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le SETOM sont rejetés. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais et au syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure. Copie en sera adressée au préfet de l'Eure. Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2015 à laquelle siégeaient : - M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, - M. Olivier Nizet, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Lu en audience publique le 17 décembre 2015. Le rapporteur, Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre, Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier, Signé : S. DUPUIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme Le greffier, Sylviane Dupuis '' '' '' '' 1 3 N°14DA00880 1 3 N°"Numéro"
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 22/12/2015, 14MA02014, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé sa mise à la retraite d'office. Par un jugement nos 1007803 et 1101413 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions, a enjoint à La Poste de réintégrer M. A... à la date de sa mise à la retraite, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et de le placer dans une situation régulière et, enfin, mis à la charge de La Poste les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 650 euros. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mai 2014 et 3 février 2015, La Poste, représenté par MeC..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mars 2014 ; 2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. A... ; 3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé et s'est fondé sur la méconnaissance d'un texte que le requérant n'avait pas invoqué ; - l'obligation de reclassement ne peut être méconnue dès lors que l'état de santé de M. A... le rendait inapte à tout emploi ; - de plus, la recherche de reclassement a été effectuée ainsi que l'attestent les réponses négatives des entités de La Poste ; - l'expert judiciaire admet l'impossibilité d'une reprise au sein de La Poste ; - en outre, une recherche de reclassement hors de La Poste a bien été effectuée ainsi que l'attestent les dossiers de candidatures à un détachement remis à M. A... et renseignés par celui-ci. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2014, M. A... conclut au rejet de la requête, à la condamnation de La Poste à lui verser 50 000 euros au titre du préjudice moral subi et demande à la cour de mettre à la charge de La Poste les sommes de 2 500 euros et 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il soutient que : - il n'a jamais été informé d'une possibilité de reclassement ; - sa mise à la retraite d'office est injustifiée. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions indemnitaires de M. A... sont irrecevables en tant que nouvelles en appel, en tant que présentées en dehors du délai d'appel et sans lien avec les conclusions de la requête d'appel de La Poste, et en tant que non dispensées de l'obligation de représentation par un avocat. Par ordonnance du 15 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2015. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Renouf, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C...représentant M. A.... 1. Considérant que La Poste fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. B... A..., d'une part, annulé les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé sa mise à la retraite d'office, d'autre part, enjoint à La Poste de réintégrer M. A... à la date de sa mise à la retraite, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et de le placer dans une situation régulière ; Sur la régularité du jugement : 2. Considérant que si La Poste soutient que le tribunal a retenu la méconnaissance de l'article 3 du décret du 30 novembre 1984 susvisé alors que M. A... n'aurait invoqué que la violation des dispositions de l'article 2 de ce même décret, il ressort des écritures de première instance que M. A... s'est prévalu du non-respect par La Poste de l'obligation de tenter de le reclasser préalablement à la décision de le mettre d'office à la retraite sans se limiter à la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret susvisé ; qu'il ressort de la lecture du jugement attaqué que l'erreur de droit retenue par le tribunal est constituée par le non-respect de l'obligation de reclassement ; qu'ainsi, La Poste n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait soulevé d'office le moyen sur lequel reposent les annulations qu'il a prononcées ; Sur le bien-fondé du jugement : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office [...] " ; qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 novembre 1984 : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. / Les dispositions statuaires qui subordonnent ce détachement à l'appartenance à certains corps ou à certaines administrations, de même que celles qui fixent des limites d'âge supérieures en matière de détachement, ne peuvent être opposées à l'intéressé. / Le fonctionnaire détaché dans un corps hiérarchiquement inférieur, qui ne peut être classé à un échelon d'un grade de ce corps doté d'un indice égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il détient dans son corps d'origine, est classé à l'échelon terminal du grade le plus élevé du corps d'accueil et conserve à titre personnel l'indice détenu dans son corps d'origine. (...) " ; 4. Considérant, d'une part, que si La Poste invoque devant la cour l'inaptitude totale de M. A... à l'exercice de toutes fonctions, ladite inaptitude ne ressort aucunement des pièces du dossier alors qu'au demeurant, La Poste se prévaut des démarches qu'elle a entreprises pour procéder au reclassement de l'intéressé et que l'expert désigné par le tribunal a reconnu le 21 février 2011 l'aptitude de M. A... à travailler ; 5. Considérant, d'autre part, que, pour soutenir qu'elle n'était pas tenue de rechercher des emplois dans d'autres corps de La Poste ou des entités du groupe auquel elle appartient, La Poste se prévaut de ce que les avis médicaux excluaient une reprise d'activité au sein de La Poste et du fait que l'intéressé excluait lui-même de travailler à l'avenir à La Poste ; que cependant, d'une part, l'avis du médecin de prévention du 13 avril 2010 dont disposait La Poste aux dates où se posait la question du reclassement de l'intéressé se bornait à exclure une reprise de fonction sur le site "Marseille Provence CTC" où M. A... avait travaillé avant d'être en arrêt de maladie et attestait ainsi qu'une reprise de fonction dans tout autre site de La Poste était médicalement possible ; que si le rapport d'expertise établi le 15 février 2011 fait état de la possibilité de reprendre une activité dans une autre administration que "l'administration postale", il n'en résulte aucunement que M. A... aurait été inapte à reprendre une activité professionnelle dans l'une ou l'autre des entités habilitées à employer des fonctionnaires au sein des 250 sociétés des quatre autres branches du groupe La Poste, à savoir La Banque postale, La Poste Mobile, Docapost et Médiapost ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a demandé à bénéficier d'un reclassement dans le cadre des dispositions précitées et qu'il appartenait dès lors à son employeur de lui proposer un emploi approprié, quitte à tirer les conséquences d'un éventuel refus par l'agent des postes proposés ; qu'au surplus, d'une part, il n'est pas contesté que M. A... a lui-même demandé un emploi dans un service courrier de La Poste de Marseille et ne saurait ainsi et en tout état de cause être regardé comme ayant exclu par principe de reprendre ses fonctions dans une entité liée à La Poste alors que, d'autre part, La Poste se prévalait en première instance et continue de se prévaloir des démarches qu'elle a entreprises auprès de près de 30 directions opérationnelles territoriales du courrier ; 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à chercher à reclasser M. A... d'une part dans une des directions opérationnelles territoriales du courrier, recherche dont il n'est au demeurant pas démontré qu'elle a été entreprise dans des conditions permettant aux destinataires de déterminer le type d'emploi susceptible d'être adapté à l'état de santé de l'intéressé, d'autre part, auprès de personnes publiques sans lien avec La Poste, sans rechercher si un reclassement était possible dans une des autres entités du groupe La Poste autorisée à employer des fonctionnaires, telle que notamment la Banque Postale, La Poste n'a pas satisfait à l'obligation de rechercher un reclassement imposée par l'article 63 précité de la loi du 11 janvier 1984 ; 7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé la mise à la retraite d'office, de M. A... ; Sur l'appel incident de M. A... : 8. Considérant que les conclusions indemnitaires de M. A... sont irrecevables notamment en ce qu'elles sont nouvelles en appel ; qu'ainsi, elles ne peuvent qu'être rejetées ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Considérant enfin que M. A... n'étant pas partie perdante, les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; 10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; DECIDE : Article 1er : La requête de La Poste est rejetée. Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président assesseur, - Mme D..., première conseillère. Lu en audience publique, le 22 décembre 2015. '' '' '' '' N° 14MA020146
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 1ère SSJS, 30/12/2015, 376550, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union européenne des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté sa demande du 16 novembre 2010 tendant à son admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 18 novembre 2010 en sa qualité de père de six enfants et d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa demande et de le faire bénéficier d'une pension de retraite majorée de la bonification pour enfants sur le fondement du b de l'article L. 12 du même code. Par un jugement n° 1102511 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 mars, 20 juin et 6 octobre 2014, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2014 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - l'arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yannick Faure, auditeur, - les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. A...B...;Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable, en vertu des dispositions transitoires de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, à la date du 18 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ". En vertu de l'article R. 37 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois, pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption, dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 16 novembre 2010, M.B..., ancien fonctionnaire ayant accompli quinze années de services effectifs et père de six enfants, a saisi son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension, à compter du 18 novembre 2010, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. M. B...se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé. 3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement du tribunal administratif de Marseille serait insuffisamment motivé, faute de répondre à l'ensemble des moyens opérants soulevés devant lui, n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). / 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. 5. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. 6. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et si la maternité est ainsi normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. En particulier, les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants et ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants, atteignant ainsi 23 % pour quatre enfants et plus. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. 7. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision litigieuse, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées ci-dessus, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale et est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 8. Il suit de là que le tribunal administratif de Marseille, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et n'avait pas à rechercher l'intention du législateur, n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré du caractère discriminatoire des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en méconnaissance de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 9. Pour les mêmes motifs, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. 10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 11. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics. ECLI:FR:CESJS:2015:376550.20151230
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème SSJS, 16/12/2015, 372051, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis d'annuler la décision du 4 février 2011 par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion a refusé de l'admettre à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 30 juin 2011 en sa qualité de père de trois enfants. Par un jugement n° 1100332 du 2 mai 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 13BX02051 du 2 septembre 2013, enregistrée le 10 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M.A.... Par un pourvoi, enregistré le 22 juillet 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et par trois nouveaux mémoires enregistrés le 2 décembre 2013 et les 7 février et 6 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement n° 1100332 du 2 mai 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union européenne des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 2°) réglant l'affaire au fond de faire droit à sa demande, d'ordonner le réexamen de la demande par l'Etat dans un délai de quinze jours suivant la lecture de la décision pour un premier versement de pension fixée le cas échéant rétroactivement à une date comprise en le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2014 et d'ordonner la liquidation de sa pension avec les bonifications pour enfants de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite selon le droit applicable au jour de la demande, mais sur les bases des droits acquis en cours de procédure s'agissant du traitement de base servant d'assiette à la pension et des trimestres de cotisations acquis à la date effective de radiation des cadres ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - l'arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. A...;Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ". En vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. 2. Aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...) 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. 3. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. L'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". L'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Comme il a été dit ci-dessus, les articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires ont pour objet de compenser les inconvénients, en termes de carrière, qui sont subis par les fonctionnaires du fait de l'interruption de leur service en raison de la naissance ou de l'éducation des enfants. Ces textes, qui fixent la durée d'interruption du service à deux mois au moins, se réfèrent aux positions statutaires permettant une telle interruption et reposent sur des critères objectifs, en rapport avec leurs buts. Ainsi, alors même qu'ils bénéficieraient principalement aux fonctionnaires de sexe féminin, ils n'ont pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, en écartant les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 14 de cette convention et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, le tribunal administratif de Saint-Denis n'a pas commis d'erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu pour le Conseil d'Etat de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union européenne des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en litige, le pourvoi de M. A...doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre des finances et des comptes publics.ECLI:FR:CESJS:2015:372051.20151216
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème / 2ème SSR, 16/12/2015, 387815
Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 9 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision implicite du 26 novembre 2014 par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans un délai de trois mois ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Charline Nicolas, auditeur, - les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. B...;1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, issu de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et qu'il ait accompli quinze années de services effectifs. (...) Sont assimilés à l'enfant mentionné au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article. Les conditions d'ouverture du droit liées à l'enfant doivent être remplies à la date de la demande de pension " ; qu'aux termes de l'article R. 37 du même code, tel que modifié par le décret du 30 décembre 2010 portant application aux fonctionnaires, aux militaires et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat des articles 44 et 52 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, applicable au litige : " I. - L'interruption d'activité prévue au premier alinéa du 3° du I et au premier alinéa du 1 bis du II de l'article L. 24 doit avoir eu une durée continue au moins égale à deux mois et être intervenue alors que le fonctionnaire ou le militaire était affilié à un régime de retraite obligatoire. La réduction d'activité prévue au même article doit avoir eu une durée continue au moins égale à celle mentionnée au II bis du présent article. / Cette interruption ou réduction d'activité doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour du trente-sixième mois suivant la naissance ou l'adoption. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, pour les enfants énumérés aux troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas du II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article, l'interruption ou la réduction d'activité doit intervenir soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 512-3 et R. 512-2 à R. 512-3 du code de la sécurité sociale. (...) " ; 2. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; 3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate, tel que défini à l'article L. 24 du même code, est conditionné à une interruption ou une réduction d'activité du parent fonctionnaire durant les trois ans suivant la naissance de l'enfant handicapé ; que la différence de traitement qui résulte de ces dispositions réglementaires entre les parents d'un enfant handicapé qui ont réduit ou interrompu leur activité avant que leur enfant ait atteint l'âge de trois ans et ceux qui ont réduit ou interrompu leur activité après que leur enfant a atteint cet âge alors qu'il est encore à leur charge, ne se ne se justifie ni par un motif d'intérêt général, ni par une différence de situation au regard des préjudices de carrière liées à la charge supplémentaire qu'impose l'éducation d'un enfant handicapé, que la mesure vise à compenser ; qu'il suit de là que les dispositions réglementaires contestées méconnaissent le principe d'égalité en excluant du bénéfice du départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate les parents d'enfants handicapés ayant interrompu ou réduit leur activité après que leur enfant handicapé a atteint trois ans et alors qu'il est encore à leur charge ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision implicite du 26 novembre 2014 par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que cette annulation implique nécessairement l'abrogation des dispositions réglementaires dont l'illégalité a été constatée ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette mesure dans un délai de six mois à compter de la présente décision ; 5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;D E C I D E : -------------- Article 1er : La décision implicite du Premier ministre du 26 septembre 2014 est annulée. Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans un délai de six mois à compter de la présente décision. Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.ECLI:FR:CESSR:2015:387815.20151216
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 10ème - 9ème SSR, 30/12/2015, 373400, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et cinq autres mémoires, enregistrés le 21 novembre 2013, les 21 février, 4 août, 26 novembre et 2 décembre 2014 et les 19 mai et 14 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-834 du 17 septembre 2013 instituant des mesures en faveur des membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 28 mai 2009 du président de la Mission interministérielle aux rapatriés ; 3°) d'annuler pour excès de pouvoir les instructions adressées à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et aux préfets concernant l'examen des demandes de droit à l'allocation de reconnaissance après l'intervention de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code du travail ; - la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ; - le décret n° 2002-1479 du 20 décembre 2002 ; - la décision n° 373400 du 6 mars 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ; Sur les conclusions relatives au décret du 17 septembre 2013 : 1. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; 2. Considérant que le décret attaqué crée plusieurs aides à la formation professionnelle, en en réservant le bénéfice aux enfants des membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ; que la différence de traitement ainsi prévue en faveur de ces derniers ne peut être regardée comme en rapport direct avec l'objet d'une réglementation destinée à compenser des difficultés particulières d'accès au marché du travail ; que cette dérogation au principe d'égalité n'est par ailleurs justifiée par aucune raison d'intérêt général ; que, dès lors, ainsi que le soutient l'association requérante, le décret attaqué méconnaît le principe d'égalité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête sur ce point, ses articles 1er et 2 doivent être annulés ; 3. Considérant, en revanche, que les articles 3, 4 et 5 du décret attaqué ont pour seul objet d'instituer des concours financiers en faveur des associations de membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et d'en fixer les critères d'attribution ; qu'ils ne portent atteinte, par eux-mêmes, ni à la liberté d'association ni à la liberté d'expression ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Comité Harkis et Vérité est seulement fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du décret qu'il attaque ; Sur les conclusions relatives à la circulaire du 28 mai 2009 du président de la Mission interministérielle aux rapatriés : 5. Considérant que le Comité Harkis et Vérité soutient notamment que la circulaire du 28 mai 2009 du président de la Mission interministérielle aux rapatriés relative aux modalités d'application de la décision n° 282390 du 6 avril 2007 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions du décret du 17 mai 2005 prises pour application des articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés, précise illégalement que l'attribution de l'allocation de reconnaissance est subordonnée à l'appartenance au statut civil de droit local ; que, par sa décision du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, qui n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité, a jugé que les dispositions attaquées de cette circulaire, qui rappellent les dispositions de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 abrogées par la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, sont devenues caduques à la suite de cette abrogation ; qu'ainsi, les conclusions du Comité Harkis et Vérité tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette circulaire sont irrecevables ; Sur les conclusions relatives aux instructions adressées à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et aux préfets pour l'examen des demandes de droit à l'allocation de reconnaissance après la décision n° 2010-93 QPC du Conseil constitutionnel : 6. Considérant que, malgré l'invitation à régulariser sa requête, qui lui a été adressée le 14 janvier 2014 par le secrétariat de la 10ème sous-section du contentieux, le Comité Harkis et Vérité n'a pas produit les décisions attaquées ; qu'il n'a pas assorti ses conclusions des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande à ce titre le Comité Harkis et Vérité ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Les articles 1er et 2 du décret n° 2013-834 du 17 septembre 2013 sont annulés. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3: La présente décision sera notifiée au Comité Harkis et Vérité, au Premier ministre, au ministre de la défense et au président de la Mission interministérielle aux rapatriés.ECLI:FR:XX:2015:373400.20151230
Conseil d'Etat
CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 03/12/2015, 14NC02248, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 11 mai 2012 par laquelle La Poste a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son congé de longue maladie, ainsi que la décision du 6 juillet 2012 le plaçant en disponibilité d'office pour une durée de trois mois à compter du 10 juillet 2012 dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité. Par un jugement n° 1201471 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 décembre 2014, et deux mémoires en réplique enregistrés les 29 septembre 2015 et 19 octobre 2015, M. B... C..., représenté par la société d'avocats J.-P. Crouzier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 novembre 2014 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 11 mai et 6 juillet 2012 ; 3°) d'enjoindre à La Poste de procéder à sa réintégration à compter du 10 juillet 2012 et à la régularisation de sa situation financière à compter de cette même date ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer une éventuelle imputabilité de ses troubles au service et d'évaluer sa capacité à réintégrer ledit service à l'issue de son congé de longue durée ; 5°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision le plaçant en disponibilité d'office est à l'origine d'un préjudice financier ; - le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté dès lors qu'il n'a pas été convoqué à la séance de la commission de réforme, que l'ensemble des pièces médicales de son dossier ne lui a pas été communiqué avant la tenue de cette commission, que les médecins composant celle-ci ne l'ont pas examiné et que la personne mentionnée comme représentant du personnel dans le procès-verbal de la commission n'appartient pas au personnel de La Poste ; - la décision refusant de reconnaitre l'imputabilité de ses troubles au service est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - son état de santé est compatible avec une réintégration. L'instruction a été close au 27 mai 2015 par une ordonnance en date du 5 mai 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2015, La Poste, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La Poste fait valoir que : - le requérant, qui sollicite l'imputabilité de son congé de longue durée au service, n'a pas l'intention de réintégrer le service ; - le caractère contradictoire de la procédure a été respecté avant que la commission de réforme ne formule son avis ; - les troubles dont souffre le requérant résultent de son histoire personnelle et ne présentent pas de lien direct et exclusif avec le service. L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 26 mai 2015, prise en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - l'arrêté du 9 janvier 1992 portant création d'un comité médical et d'une commission de réforme auprès de La Poste et de France Télécom ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, - les conclusions de M. Collier, rapporteur public, - et les observations de MeD..., pour M.C..., et de MeA..., pour La Poste. 1. Considérant que M.C..., agent technique et de gestion de La Poste né le 7 juin 1955, a été placé en congé de longue durée du 10 juillet 2007 au 9 juillet 2012 ; que sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité de ce congé au service a été rejetée par une décision de La Poste du 11 mai 2012 ; que, par une seconde décision du 6 juillet 2012, l'administration a placé M. C...en disponibilité d'office pour une durée de trois mois à compter du 10 juillet 2012, dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité ; que M. C...relève appel du jugement du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ; Sur la décision refusant de reconnaitre l'imputabilité du congé de longue durée au service : En ce qui concerne la légalité externe : 2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Par décision du ministre compétent, un comité médical et une commission de réforme peuvent être institués auprès d'un établissement public si l'importance des effectifs le justifie " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 9 janvier 1992 portant création d'un comité médical et d'une commission de réforme auprès de La Poste et de France Télécom : " Il est institué auprès de (...) La Poste (...) une commission de réforme dont le fonctionnement et les attributions sont identiques à ceux de la commission de réforme ministérielle prévue par l'article 10 du décret du 14 mars 1986 susvisé. / Cette commission est composée comme suit : 1° Le président du conseil d'administration de l'exploitant public, ou son représentant, président ; 2° Un représentant de l'exploitant public désigné par le président ; 3° Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, désignés par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire ; 4° Les membres du comité médical prévu à l'article 1er du présent arrêté " ; que l'article 1er de l'arrêté du 9 janvier 1992 renvoie à l'article 5 du décret du 14 mars 1986 en application duquel le comité médical comporte " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée " ; 3. Considérant qu'il ne résulte ni des dispositions précitées, ni d'aucun autre texte que la commission de réforme, consultée le 20 avril 2012 sur l'imputabilité au service du congé de longue durée de M.C..., devait comporter, parmi ses membres, un médecin l'ayant examiné alors, au demeurant, que l'intéressé a fait l'objet d'un examen par un médecin expert agréé, dont les conclusions ont été soumises à ladite commission avant qu'elle ne rende son avis ; qu'en outre, la personne désignée dans le procès-verbal de la commission de réforme comme représentant du personnel est mentionnée, avec la qualité de suppléant, dans la décision du 16 novembre 2011 récapitulant la composition des commissions consultatives paritaires locales, produite en appel par La Poste ; que, dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément apporté par M. C..., celui-ci n'établit pas que le représentant du personnel mentionné dans ce procès-verbal n'aurait pas présenté les qualités requises par le 3° de l'article 2 précité de l'arrêté du 9 janvier 1992 pour siéger au sein de la commission ; 4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 19 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. / L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs. / Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. / L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande (...) " ; 5. Considérant que, par un courrier daté du 6 avril 2012 reçu le lendemain par M. C..., celui-ci a été informé de la réunion de la commission de réforme le 20 avril 2012, afin de se prononcer sur sa demande d'imputabilité de sa pathologie au service ; que l'administration, qui n'était pas tenue de procéder de sa propre initiative à la communication des pièces médicales de son dossier, l'a informé de la possibilité d'en consulter la partie administrative, ainsi que les conclusions des rapports établis par les médecins agréés, lesquelles constituent la partie médicale de son dossier ; que, dans le même courrier du 6 avril 2012, l'administration précisait au requérant la possibilité pour lui de présenter, le cas échéant, des observations écrites et des certificats médicaux ; que, dans ces conditions, M.C..., qui se borne à soutenir qu'il n'a pas été convoqué à la séance de la commission et que les éléments médicaux de son dossier ne lui ont pas été transmis, a été mis en mesure de faire valoir ses droits ; En ce qui concerne la légalité interne : 6. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans (...) " ; que le droit, prévu par ces dispositions, de bénéficier d'un congé de longue durée à plein traitement pendant cinq ans et à demi-traitement pendant trois ans est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ; 7. Considérant que les documents produits à l'instance par M.C..., notamment les courriers qui lui ont été adressés en sa seule qualité de client de La Poste, ne sont pas de nature à établir les faits de harcèlement moral dont il s'estime victime de la part de son employeur, et pour lesquels il a porté plainte le 20 juin 2007 ; que si l'intéressé a été hospitalisé du 25 août au 1er septembre 2010 après avoir attenté à ses jours, il ressort des pièces du dossier que, placé en congé de longue durée à compter du 10 juillet 2007, il se trouvait alors éloigné du service depuis plus de trois ans ; que, selon le certificat médical établi le 3 septembre 2010 par les praticiens du centre psychothérapique de Nancy, la perspective de séparation d'avec son épouse a constitué l'un des " facteurs précipitants " de sa tentative de suicide ; que si les praticiens, s'en tenant aux déclarations du patient, mettent également en cause un courrier de La Poste refusant de reconnaitre sa maladie comme imputable au service, il ressort de ce courrier adressé le 16 août 2010 au conseil du requérant que l'administration se bornait à lui indiquer la procédure à suivre en vue de présenter une demande d'imputabilité au service ; qu'en outre, il ressort encore du certificat médical du 3 septembre 2010 que M. C...avait déjà tenté de se suicider en 1988 à l'occasion d'une précédente séparation ; que, dans ces conditions, le congé de longue durée du requérant ne peut être regardé comme présentant un lien direct avec le service ; que, dès lors, le bénéfice des dispositions précitées du deuxième alinéa du 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 pouvait lui être légalement refusé ; qu'il suit de là que, par les moyens qu'il invoque, M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 11 mai 2012 ; Sur la décision de mise en disponibilité d'office : 8. Considérant qu'en application de l'article 51 de la loi susvisée du 11 janvier 1984, " (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 " de la même loi ; qu'aux termes de l'article 47 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé (...) de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi (...), soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) " ; qu'aux termes de l'article 48 du même décret : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. / Elle est accordée pour une durée maximale d'un an et peut être renouvelée à deux reprises pour une durée égale (...) " ; 9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que La Poste a placé M. C...en disponibilité d'office en se fondant sur le procès-verbal du comité médical du 6 juillet 2012 ; que s'il ressort de ce document, produit en appel, qu' " à l'issue de la dernière période de congé de longue maladie, l'inaptitude du fonctionnaire à l'exercice de ses fonctions est définitive ", La Poste ne produit à l'instance aucun élément, notamment de nature médicale, propre à justifier des raisons pour lesquelles M.C... ne pouvait reprendre son activité ; qu'en revanche, ce dernier produit à l'instance un certificat médical établi le 23 mai 2012 par son médecin traitant indiquant que " son état de santé lui permet de reprendre son activité professionnelle " ; que, dans un second certificat du 2 juillet 2012, le même médecin précise que l'intéressé " ne bénéficie d'aucune prise en charge psychiatrique " ; que, dans ces conditions, en l'absence d'élément médical produit par l'administration susceptible de contredire les deux certificats précités, il n'est pas établi que M. C... ne pouvait, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service ; que, par suite, il est fondé à soutenir que la décision du 6 juillet 2012 le plaçant en disponibilité jusqu'à sa mise à la retraite est entachée d'illégalité ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2012 le plaçant en disponibilité ; Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Considérant que, lorsqu'un agent public irrégulièrement évincé a été admis à la retraite, l'obligation de reconstitution juridique de sa carrière qui découle de l'annulation par le juge administratif de la décision évinçant cet agent prend nécessairement fin à compter de la date de son départ en retraite ; que de même, l'admission à la retraite, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, fait obstacle à ce que l'exécution de la décision juridictionnelle implique la réintégration effective de l'intéressé dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; 12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté par M. C... que celui-ci a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 2013 ; qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, cette circonstance fait obstacle à la réintégration effective du requérant dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'ainsi, il y a seulement lieu d'enjoindre à l'administration de procéder, dans un délai de trois mois, à la reconstitution juridique de la carrière de M. C..., incluant notamment la reconstitution de ses droits sociaux et de ses droits à pension, pour la période du 10 juillet 2012 au 1er mai 2013 ; Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que La Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros à verser à M.C... sur le fondement des mêmes dispositions ; D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1201471 du 27 novembre 2014 du tribunal administratif de Nancy, en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2012 plaçant M. C... en disponibilité, et cette décision sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à La Poste de procéder, dans un délai de trois mois, à la reconstitution juridique de la carrière de M. C..., incluant notamment la reconstitution de ses droits sociaux et de ses droits à pension, pour la période du 10 juillet 2012 au 1er mai 2013. Article 3 : La Poste versera à M. C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à La Poste. '' '' '' '' 2 N° 14NC02248
Cours administrative d'appel
Nancy