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Conseil d'État, 1ère SSJS, 30/12/2015, 368528, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis : - d'annuler la décision du 13 juillet 2010 par laquelle le recteur de l'académie de la Réunion a refusé de l'admettre à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 21 décembre 2010 ; - d'enjoindre au recteur de l'académie de la Réunion de faire droit à sa demande ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; - de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article L. 12 et du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par une ordonnance n° 1000831 du 28 février 2011, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Saint-Denis a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité. Par un jugement n° 1000831 du 28 février 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté la demande de M.A.... Procédure devant le Conseil d'Etat Par une ordonnance n° 13BX00994 du 22 avril 2013, enregistrée le 15 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 9 avril 2013 au greffe de cette cour, présenté par M.A.... Par ce pourvoi et par quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 10 septembre 2013, 12 septembre 2013, 1er août 2014 et 20 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 28 février 2013 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 12, L. 24, R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite au droit de l'Union européenne, et notamment aux articles 6 et 157 du traité sur l'Union européenne et aux articles 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ou de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur l'affaire C-173/13 pendante devant elle ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celle de 48 euros au titre de l'article R. 761-1 du même code. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2010-1130 du 9 novembre 2010 ; - l'arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yannick Faure, auditeur, - les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. A...;Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ". En vertu de l'article R. 37 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois, pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption, dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 10 juin 2010, M.A..., fonctionnaire ayant accompli quinze années de services effectifs et père de trois enfants, a saisi son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension, à compter du 21 décembre 2010, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Sa demande a été rejetée par une décision du recteur de l'académie de la Réunion du 13 juillet 2010, au motif qu'il ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions. M. A...se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et conteste, à l'occasion de ce pourvoi, l'ordonnance du 28 février 2011 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Saint-Denis a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article L. 12 et du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant le tribunal administratif : 3. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations ". 4. En premier lieu, la circonstance que le président du tribunal administratif de Saint-Denis a fait application de l'article R. 771-5 du code de justice administrative, en décidant qu'il n'y avait pas lieu de communiquer aux autres parties la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A..., n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard. Par suite, il ne peut utilement s'en prévaloir. 5. En deuxième lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif dans son jugement du 28 février 2013, les dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent un avantage distinct de celui sollicité, sur le fondement de l'article L. 24 du même code, par M.A.... Les dispositions de l'article L. 12 n'étaient donc pas applicables au litige. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune nouvelle circonstance de fait, à celui retenu par l'ordonnance attaquée, dont il justifie le refus de transmission de la question soulevée, s'agissant des dispositions critiquées de cet article. 6. En troisième lieu, tout d'abord, en vertu de la répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution, le droit à l'admission à la retraite et à la liquidation de leur pension ouvert par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite aux fonctionnaires parents de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, figure au nombre des garanties fondamentales relevant du domaine de la loi, de même que la soumission de ce droit à la condition que l'activité des intéressés ait été interrompue. En revanche, le législateur n'est, en tout état de cause, pas resté en deçà de sa compétence en renvoyant à un décret la détermination des cas d'interruption de l'activité. 7. Ensuite, en ouvrant le bénéfice de l'admission à la retraite et de la liquidation de la pension à l'ensemble des fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants, à la condition qu'ils aient interrompu leur activité, les dispositions contestées reconnaissent la même possibilité de choix aux femmes et aux hommes et ne sauraient ainsi être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité. 8. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 24, en tant qu'elles s'appliquent à des demandes postérieures à la publication de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 dont elles sont issues, ne portent pas atteinte à des situations légalement acquises et ne remettent pas en cause des effets pouvant légitimement être attendus de telles situations. Elles ne méconnaissent pas plus le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif. 9. Enfin, les dispositions de l'article L. 24, qui ne sont, en tout état de cause, pas inintelligibles, ne méconnaissent pas le droit de propriété. Si M. A...soutient également que les dispositions qu'il critique seraient manifestement inappropriées à la finalité poursuivie, il n'indique pas, ce faisant, quel serait le droit ou la liberté garantis par la Constitution auquel elles porteraient atteinte. 10. Par suite, en regardant la question dont il était saisi comme dépourvue de caractère sérieux, le magistrat délégué n'a pas inexactement qualifié la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. 11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le magistrat délégué a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée. Sur le pourvoi : 12. En premier lieu, aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). / 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. 13. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. 14. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et si la maternité est ainsi normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. En particulier, les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants et ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants, atteignant ainsi 23 % pour quatre enfants et plus. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. 15. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision litigieuse, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées ci-dessus, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale et est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 16. Il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Saint-Denis aurait commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré du caractère discriminatoire des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, ainsi que les moyens tirés de la contrariété de ces dispositions, d'une part, à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, d'autre part, en tout état de cause, aux articles 20, 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 17. Pour les mêmes motifs, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. 18. En deuxième lieu, aux termes du VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " La durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l'Etat et des militaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite est celle qui est en vigueur lorsqu'ils atteignent l'âge auquel ou l'année au cours de laquelle ils remplissent les conditions de liquidation d'une pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la présente loi (...) ". Ces dispositions se bornent à fixer les règles applicables pour déterminer le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein et sont sans incidence sur la détermination des conditions à remplir pour obtenir la jouissance anticipée de sa pension. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le droit de M. A... à la liquidation de sa pension de retraite devait être apprécié selon les règles en vigueur à la date du 21 décembre 2010 à compter de laquelle il demandait à bénéficier de sa pension. 19. En troisième lieu, les articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite pouvaient, sans revêtir de caractère rétroactif, faire référence, pour déterminer les conditions du droit à la jouissance de la pension, aux conditions dans lesquelles les fonctionnaires ont interrompu leur activité pour la naissance de leurs enfants, alors même que ces naissances peuvent être antérieures à la date de publication des dispositions dont ces articles sont issus. En examinant la légalité de la décision attaquée, qui rejetait la demande de M. A...tendant à bénéficier de sa pension de retraite à compter du 21 décembre 2010, au regard des dispositions de ces articles, issues respectivement de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005, le tribunal n'en a pas fait, contrairement à ce qui est soutenu, une application rétroactive. 20. En quatrième lieu, M. A...a présenté sa demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension le 10 juin 2010, soit plus de cinq ans après la publication du décret du 10 mai 2005 dont est issu l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par suite, et en tout état de cause, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il n'était pas fondé à se prévaloir du principe de sécurité juridique pour soutenir que les dispositions de cet article ne pouvaient lui être appliquées. 21. En cinquième lieu, M. A...ne conteste pas que, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'était pas applicable au litige. Par suite, les moyens qu'il soulève, tirés de la contrariété de cet article et de l'article R. 13 du même code, pris pour son application, à différents textes ou principes de niveau supérieur sont dépourvus de toute incidence sur le bien-fondé du jugement attaqué. 22. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. A... soutient pour le surplus que le tribunal a omis de se prononcer sur les moyens tirés de la violation des articles 6, 8, 13, 17 et 18 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 20, 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'illégalité des articles R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, de la méconnaissance du principe de sécurité juridique et de celle de la décision créatrice de droit de partir à la retraite anticipée dont il bénéficiait et qu'il a commis une erreur de droit en écartant ses moyens tirés du détournement de pouvoir commis par le législateur, de la contrariété de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 aux articles 6, 8, 13, 17 et 18 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance de l'article 8 de cette convention par la décision de lui opposer une condition d'interruption d'activité. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué. 23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de M. A...la contribution pour l'aide juridique mentionnée par l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la date d'introduction du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.ECLI:FR:CESJS:2015:368528.20151230
Conseil d'Etat
CAA de DOUAI, 3e chambre - formation à 3 (bis), 17/12/2015, 14DA00880, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La Commune de Châteauneuf-en-Thymerais a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure à lui verser, d'une part, la somme de 146 817,92 euros augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux traitements versés à M.F..., son agent, du 16 mars 2007 eu 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 31 décembre 2013, ainsi que le montant des traitements restant à verser à l'intéressé jusqu'à la date de sa mise à la retraite, son reclassement ou sa reprise d'activité, d'autre part, la somme de 8 240,41 euros augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux frais médicaux remboursés à M. F...du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 31 décembre 2013, ainsi que le montant des frais médicaux restant à exposer pour l'intéressé, enfin, la somme de 6 000 euros augmentée des intérêts au taux légal correspondant aux autres dépenses qu'elle a exposées, et de mettre à la charge du SETOM de l'Eure la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1200240 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme correspondant aux traitements versés à M. F...pour les périodes du 16 mars 2007 au 6 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 8 août 2009, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2011, et renvoyé la commune devant le SETOM de l'Eure pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement des sommes qui lui sont dues, d'autre part, mis à la charge du SETOM de l'Eure la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2014 et le 13 novembre 2015, la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, représentée par Me D...E..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 mars 2014, en tant qu'il limite aux périodes du 16 mars au 6 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 la condamnation du SETOM de l'Eure à lui rembourser les traitements versés à M. F...et qu'il rejette les conclusions de sa demande tendant au remboursement des frais et honoraires médicaux exposés pour l'intéressé ; 2°) de condamner le SETOM de l'Eure à lui verser, d'une part, la somme de 176 891,23 euros augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux traitements servis à M. F..., ainsi que les traitements restant à verser à l'intéressé, d'autre part, la somme de 11 035,89 euros, augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux frais et honoraires médicaux versés pour l'intéressé du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 31 octobre 2015, ainsi que les frais et honoraires médicaux restant à verser pour l'intéressé jusqu'à son placement en retraite pour invalidité, prévu au 1er février 2016 ; 3°) de mettre à la charge du SETOM de l'Eure une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il appartient au SETOM de l'Eure, qui employait M. F...le 13 mars 2002, date à laquelle il a été victime d'un accident de service, de prendre en charge les conséquences financières de toute nature résultant de la situation actuelle de l'intéressé et trouvant leur origine directe et exclusive dans cet accident ; - elle a ainsi droit au remboursement de l'ensemble des traitements qu'elle a servis à l'intéressé durant les arrêts de travail du 8 août 2009 au 31 décembre 2013, ainsi que de ceux qu'elle a et devra lui verser à compter de cette dernière date et jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité, à compter du 1er février 2016 ; - elle peut également prétendre au remboursement des frais et honoraires médicaux qu'elle a supportés du 16 mars 2007 au 31 décembre 2013, ainsi que de ceux qu'elle a et devra exposer à compter de cette dernière date et jusqu'à la mise à la retraite de l'intéressé ; - aucune inaction fautive ne peut lui être imputée. Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre et 26 novembre 2015, le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure, représenté par Me D...A..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il le condamne à prendre en charge les traitements versés à M. F...entre le 14 novembre 2008 et le 8 août 2009, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal administratif de Rouen a retenu à tort que les arrêts de travail de novembre 2008 au 8 août 2009 de M. F...étaient imputables à des rechutes résultant de l'accident de service survenu en 2002 ; - les demandes de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais afférentes aux périodes postérieures au 8 août 2009 ne pourront qu'être rejetées, faute de démonstration d'une imputabilité aux séquelles de l'accident de service des arrêts de travail correspondants ; - les moyens soulevés par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, qui n'a pris aucune mesure propre à trouver une issue aux arrêts de travail de l'intéressé ne sont pas fondés ; - cette dernière ne justifie pas, en tout état de cause, de ce que les frais et honoraires médicaux dont elle demande la prise en charge sont en lien direct avec l'accident de service. Vu les autres pièces du dossier ; Une note en délibéré présentée pour le SETOM de l'Eure a été enregistrée le 4 décembre 2015. Une note en délibéré présentée pour la commune de Châteauneuf-en-Thymerais a été enregistrée le 7 décembre 2015. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, - les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public, - et les observations de MeB..., représentant la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, et de MeC..., représentant le SETOM de l'Eure. 1. Considérant que M.F..., adjoint technique territorial titulaire, a été victime, le 13 mars 2002, d'un accident reconnu imputable au service, alors qu'il était employé par le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure ; que, l'intéressé, qui a été recruté par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loir) le 9 octobre 2006, a connu, du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis à compter du 14 novembre 2008, des nouvelles périodes d'arrêt de travail, dont la dernière a été reconduite ; que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, qui estime que les difficultés de santé ayant justifié ces arrêts de travail sont imputables à l'accident de service, relève appel du jugement du 25 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation du SETOM de l'Eure à lui rembourser les traitements qu'elle a versés, durant ces périodes d'arrêt de travail, à M. F...et qu'il a rejeté les conclusions de cette demande tendant au remboursement par le SETOM des dépenses de santé qu'elle a exposées dans l'intérêt de M.F... ; que le SETOM de l'Eure relève appel incident du même jugement, en tant qu'il l'a condamné à prendre en charge les traitements versés à M. F... entre le 14 novembre 2008 et le 8 août 2009 ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...) / La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci (...) " ; 3. Considérant qu'en application de ces dispositions, la collectivité au service de laquelle se trouvait l'agent lors de l'accident de service doit supporter les conséquences financières de la rechute consécutive à cet accident, alors même que cette rechute est survenue alors qu'il était au service d'une nouvelle collectivité ; que la collectivité qui employait l'agent à la date de l'accident doit ainsi prendre en charge non seulement les honoraires médicaux et les frais exposés par celui-ci qui sont directement entraînés par la rechute mais aussi le remboursement des traitements qui lui ont été versés par la collectivité qui l'emploie à raison de son placement en congé de longue maladie, dès lors que ce placement a pour seule cause la survenue de la rechute consécutive à l'accident de service ; que si la collectivité qui l'emploie est tenue de verser à son agent les traitements qui lui sont dus, elle est cependant fondée à demander à la collectivité qui l'employait à la date de l'accident, par une action récursoire et non une action subrogatoire dès lors que la collectivité au service de laquelle se trouvait l'agent lors de son accident de service ne saurait être regardée comme le tiers ayant provoqué l'accident au sens des dispositions précitées du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, le remboursement des traitements qu'elle lui a versés consécutivement à sa rechute, ce jusqu'à la reprise de son service par l'agent ou jusqu'à sa mise à la retraite ; Sur la prise en charge des traitements versés à M.F... : 4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la commission départementale de réforme compétente pour connaître de la situation de M. F...a été consultée sur la question de l'imputabilité au service de la période d'arrêt de travail du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 ; que, s'il ressort du procès-verbal de la séance du 30 juin 2009, au cours de laquelle ce point a été examiné, que la commission ne s'est toutefois pas expressément prononcée sur celui-ci, cet avis mentionne cependant que la période d'arrêt de travail en cause se rapporte à des lombalgies et à une sciatique gauche ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction et notamment du rapport médical rédigé le 4 juillet 2007 par le docteur Dubost, médecin agréé, que M. F...ne présentait pas de lombalgies ni de sciatique connues avant l'accident de service dont il a été victime le 13 mars 2002, lequel lui a notamment occasionné un traumatisme lombaire ayant justifié une arthrodèse lombaire L5 S1 ; que ce rapport précise qu'à la date à laquelle M. F...a été examiné, il présentait une lombo-sciatique gauche, associée à une légère boiterie ; que ce praticien conclut, au terme de ce rapport, à l'imputabilité des troubles ainsi observés à l'accident de service ; qu'ainsi, la période d'arrêt de travail du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 doit être regardée comme justifiée par l'existence d'épisodes douloureux présentant un lien direct et certain avec cet accident de service ; qu'il suit de là que le SETOM de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a admis cette imputabilité et mis, en conséquence, à sa charge les traitements versés à l'intéressé par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais durant cette période ; 5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'examen des arrêts de travail, dont la copie est versée au dossier, délivrés à M. F...à compter du 8 août 2009, que ceux-ci mentionnent qu'ils sont justifiés par la constatation d'une récidive de lombosciatique gauche chronique, en lien avec une hernie discale L4-L5 opérée antérieurement ; que, dans ces conditions et compte tenu de ce que M. F..., qui a développé de tels symptômes après l'accident de service dont il a été victime et l'intervention chirurgicale que son état a ensuite rendu nécessaire, ne présentait, comme il a été dit au point 4, aucun antécédent de lombalgie et de sciatique avant cet accident, la période d'arrêt de travail postérieure au 8 août 2009 doit être regardée comme justifiée par l'existence d'épisodes douloureux présentant un lien direct et certain avec cet accident de service ; qu'est sans incidence sur cette imputabilité le fait que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais n'aurait accompli que récemment des démarches dans le but de trouver une issue à la situation d'arrêt de travail dans laquelle demeurait placé M.F..., ce dernier ayant seulement été reconnu inapte, aux termes de l'avis émis le 30 juin 2009 par la commission de réforme, à la conduite de véhicules et les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 prévoyant expressément que le fonctionnaire atteint d'une affection ayant pour origine un accident de service conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite ; qu'il suit de là que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais est fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a retenu à tort qu'il n'était pas établi que les arrêts de travail postérieurs au 8 août 2009 avaient pour origine une rechute consécutive à l'accident de service et à demander que les traitements qu'elle justifie avoir versés à M. F...durant la période d'arrêt de travail du 8 août 2009 au 17 décembre 2015, date de lecture du présent arrêt, soient mis à la charge du SETOM de l'Eure ; qu'elle ne saurait, en revanche, obtenir une quelconque somme au titre de la période postérieure à cette dernière date, faute de pouvoir justifier de versements effectifs à l'intéressé ; que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais a droit, à compter du 9 novembre 2011, date de réception de sa réclamation préalable, aux intérêts sur les traitements servis à son agent avant cette date et, pour la période postérieure à cette date, à ceux qui courent à compter de la date d'échéance de chaque paiement mensuel ; Sur la prise en charge des dépenses médicales : 6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que l'état de santé de M. F...a rendu nécessaire la prescription, durant les périodes du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 30 octobre 2015, de traitements médicamenteux et de séances de rééducation ; que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais justifie, notamment par une attestation de son comptable, dont les mentions correspondent à celles d'un certificat administratif détaillé émis par son ordonnateur, avoir payé, le 30 mars 2012, des frais médicaux dans l'intérêt de M.F..., représentant un montant total de 1 534,91 euros et qui, selon ce certificat administratif, correspondraient à seize feuilles de soins émises entre le 6 mai 2009 et le 2 décembre 2011 par le masseur-kinésithérapeute et par le médecin traitant qui suivent l'intéressé ; que, toutefois, cette attestation et ce certificat administratif, même rapprochés des feuilles de soins versées au dossier, lesquelles sont, pour la plupart, postérieures à la période visée par ces documents et font apparaître des montants différents, ne permettent pas d'établir que les dépenses médicales effectivement exposées par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais durant la période visée par ce certificat présenteraient un lien direct et certain avec les conséquences dommageables de l'accident de service dont a été victime M. F... ; qu'en revanche, la commune justifie, dans le dernier état de ses écritures, avoir exposé, à concurrence des sommes respectives de 1 646,86 euros et 1 148,43 euros, d'autres dépenses médicales dans l'intérêt de M. F...durant les périodes couvrant l'année 2014, puis du 1er janvier 2015 au 30 octobre 2015, ainsi qu'en attestent deux états récapitulatifs visés par son comptable et dont les mentions correspondent à celles portées sur les ordonnances médicales qui y sont jointes ; que, par suite, la commune de Châteauneuf-en-Thymerais est fondée à demander que la somme de 2 795,29 euros soit mise à la charge du SETOM de l'Eure au titre des frais médicaux exposés dans l'intérêt de M.F... ; que la commune a droit aux intérêts sur cette somme à compter de la date de chacun des paiements qu'elle a effectués ; qu'en revanche, elle ne saurait prétendre à l'indemnisation des frais futurs dont elle n'a pas encore supporté la charge ; 7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Châteauneuf-en-Thymerais est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que les traitements versés à M. F...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015 et les frais médicaux exposés dans l'intérêt de l'intéressé à concurrence de la somme de 2 795,29 euros soient mis à la charge du SETOM de l'Eure, d'autre part, que les conclusions d'appel incident que ce dernier présente doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par le SETOM de l'Eure et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : Le SETOM de l'Eure versera à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais les sommes correspondant aux traitements servis à M. F...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015. Ces sommes porteront intérêts au taux légal, à compter du 9 novembre 2011, sur les traitements servis à son agent avant cette date et, pour la période postérieure à cette date, à compter de la date d'échéance de chaque paiement mensuel. Article 2 : La commune de Châteauneuf-en-Thymerais est renvoyée devant le SETOM de l'Eure pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement des sommes qui lui sont dues en application de l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : Le SETOM de l'Eure versera à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme de 2 795,29 euros correspondant aux dépenses médicales exposées dans l'intérêt de M. F... durant la période couvrant l'année 2014 et celle s'étendant du 1er janvier au 30 octobre 2015. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des paiements qu'elle a effectués. Article 4 : Le jugement du jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Le SETOM de l'Eure versera à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le SETOM sont rejetés. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais et au syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure. Copie en sera adressée au préfet de l'Eure. Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2015 à laquelle siégeaient : - M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, - M. Olivier Nizet, président-assesseur, - M. Jean-François Papin, premier conseiller. Lu en audience publique le 17 décembre 2015. Le rapporteur, Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre, Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier, Signé : S. DUPUIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme Le greffier, Sylviane Dupuis '' '' '' '' 1 3 N°14DA00880 1 3 N°"Numéro"
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 22/12/2015, 14MA02014, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé sa mise à la retraite d'office. Par un jugement nos 1007803 et 1101413 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions, a enjoint à La Poste de réintégrer M. A... à la date de sa mise à la retraite, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et de le placer dans une situation régulière et, enfin, mis à la charge de La Poste les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 650 euros. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mai 2014 et 3 février 2015, La Poste, représenté par MeC..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mars 2014 ; 2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. A... ; 3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé et s'est fondé sur la méconnaissance d'un texte que le requérant n'avait pas invoqué ; - l'obligation de reclassement ne peut être méconnue dès lors que l'état de santé de M. A... le rendait inapte à tout emploi ; - de plus, la recherche de reclassement a été effectuée ainsi que l'attestent les réponses négatives des entités de La Poste ; - l'expert judiciaire admet l'impossibilité d'une reprise au sein de La Poste ; - en outre, une recherche de reclassement hors de La Poste a bien été effectuée ainsi que l'attestent les dossiers de candidatures à un détachement remis à M. A... et renseignés par celui-ci. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2014, M. A... conclut au rejet de la requête, à la condamnation de La Poste à lui verser 50 000 euros au titre du préjudice moral subi et demande à la cour de mettre à la charge de La Poste les sommes de 2 500 euros et 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il soutient que : - il n'a jamais été informé d'une possibilité de reclassement ; - sa mise à la retraite d'office est injustifiée. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions indemnitaires de M. A... sont irrecevables en tant que nouvelles en appel, en tant que présentées en dehors du délai d'appel et sans lien avec les conclusions de la requête d'appel de La Poste, et en tant que non dispensées de l'obligation de représentation par un avocat. Par ordonnance du 15 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2015. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Renouf, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C...représentant M. A.... 1. Considérant que La Poste fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. B... A..., d'une part, annulé les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé sa mise à la retraite d'office, d'autre part, enjoint à La Poste de réintégrer M. A... à la date de sa mise à la retraite, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et de le placer dans une situation régulière ; Sur la régularité du jugement : 2. Considérant que si La Poste soutient que le tribunal a retenu la méconnaissance de l'article 3 du décret du 30 novembre 1984 susvisé alors que M. A... n'aurait invoqué que la violation des dispositions de l'article 2 de ce même décret, il ressort des écritures de première instance que M. A... s'est prévalu du non-respect par La Poste de l'obligation de tenter de le reclasser préalablement à la décision de le mettre d'office à la retraite sans se limiter à la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret susvisé ; qu'il ressort de la lecture du jugement attaqué que l'erreur de droit retenue par le tribunal est constituée par le non-respect de l'obligation de reclassement ; qu'ainsi, La Poste n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait soulevé d'office le moyen sur lequel reposent les annulations qu'il a prononcées ; Sur le bien-fondé du jugement : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office [...] " ; qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 novembre 1984 : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. / Les dispositions statuaires qui subordonnent ce détachement à l'appartenance à certains corps ou à certaines administrations, de même que celles qui fixent des limites d'âge supérieures en matière de détachement, ne peuvent être opposées à l'intéressé. / Le fonctionnaire détaché dans un corps hiérarchiquement inférieur, qui ne peut être classé à un échelon d'un grade de ce corps doté d'un indice égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il détient dans son corps d'origine, est classé à l'échelon terminal du grade le plus élevé du corps d'accueil et conserve à titre personnel l'indice détenu dans son corps d'origine. (...) " ; 4. Considérant, d'une part, que si La Poste invoque devant la cour l'inaptitude totale de M. A... à l'exercice de toutes fonctions, ladite inaptitude ne ressort aucunement des pièces du dossier alors qu'au demeurant, La Poste se prévaut des démarches qu'elle a entreprises pour procéder au reclassement de l'intéressé et que l'expert désigné par le tribunal a reconnu le 21 février 2011 l'aptitude de M. A... à travailler ; 5. Considérant, d'autre part, que, pour soutenir qu'elle n'était pas tenue de rechercher des emplois dans d'autres corps de La Poste ou des entités du groupe auquel elle appartient, La Poste se prévaut de ce que les avis médicaux excluaient une reprise d'activité au sein de La Poste et du fait que l'intéressé excluait lui-même de travailler à l'avenir à La Poste ; que cependant, d'une part, l'avis du médecin de prévention du 13 avril 2010 dont disposait La Poste aux dates où se posait la question du reclassement de l'intéressé se bornait à exclure une reprise de fonction sur le site "Marseille Provence CTC" où M. A... avait travaillé avant d'être en arrêt de maladie et attestait ainsi qu'une reprise de fonction dans tout autre site de La Poste était médicalement possible ; que si le rapport d'expertise établi le 15 février 2011 fait état de la possibilité de reprendre une activité dans une autre administration que "l'administration postale", il n'en résulte aucunement que M. A... aurait été inapte à reprendre une activité professionnelle dans l'une ou l'autre des entités habilitées à employer des fonctionnaires au sein des 250 sociétés des quatre autres branches du groupe La Poste, à savoir La Banque postale, La Poste Mobile, Docapost et Médiapost ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a demandé à bénéficier d'un reclassement dans le cadre des dispositions précitées et qu'il appartenait dès lors à son employeur de lui proposer un emploi approprié, quitte à tirer les conséquences d'un éventuel refus par l'agent des postes proposés ; qu'au surplus, d'une part, il n'est pas contesté que M. A... a lui-même demandé un emploi dans un service courrier de La Poste de Marseille et ne saurait ainsi et en tout état de cause être regardé comme ayant exclu par principe de reprendre ses fonctions dans une entité liée à La Poste alors que, d'autre part, La Poste se prévalait en première instance et continue de se prévaloir des démarches qu'elle a entreprises auprès de près de 30 directions opérationnelles territoriales du courrier ; 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à chercher à reclasser M. A... d'une part dans une des directions opérationnelles territoriales du courrier, recherche dont il n'est au demeurant pas démontré qu'elle a été entreprise dans des conditions permettant aux destinataires de déterminer le type d'emploi susceptible d'être adapté à l'état de santé de l'intéressé, d'autre part, auprès de personnes publiques sans lien avec La Poste, sans rechercher si un reclassement était possible dans une des autres entités du groupe La Poste autorisée à employer des fonctionnaires, telle que notamment la Banque Postale, La Poste n'a pas satisfait à l'obligation de rechercher un reclassement imposée par l'article 63 précité de la loi du 11 janvier 1984 ; 7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé la mise à la retraite d'office, de M. A... ; Sur l'appel incident de M. A... : 8. Considérant que les conclusions indemnitaires de M. A... sont irrecevables notamment en ce qu'elles sont nouvelles en appel ; qu'ainsi, elles ne peuvent qu'être rejetées ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Considérant enfin que M. A... n'étant pas partie perdante, les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; 10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; DECIDE : Article 1er : La requête de La Poste est rejetée. Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015, à laquelle siégeaient : - M. Gonzales, président de chambre, - M. Renouf, président assesseur, - Mme D..., première conseillère. Lu en audience publique, le 22 décembre 2015. '' '' '' '' N° 14MA020146
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 9ème SSJS, 16/12/2015, 372051, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis d'annuler la décision du 4 février 2011 par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion a refusé de l'admettre à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 30 juin 2011 en sa qualité de père de trois enfants. Par un jugement n° 1100332 du 2 mai 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 13BX02051 du 2 septembre 2013, enregistrée le 10 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M.A.... Par un pourvoi, enregistré le 22 juillet 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et par trois nouveaux mémoires enregistrés le 2 décembre 2013 et les 7 février et 6 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement n° 1100332 du 2 mai 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union européenne des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 2°) réglant l'affaire au fond de faire droit à sa demande, d'ordonner le réexamen de la demande par l'Etat dans un délai de quinze jours suivant la lecture de la décision pour un premier versement de pension fixée le cas échéant rétroactivement à une date comprise en le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2014 et d'ordonner la liquidation de sa pension avec les bonifications pour enfants de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite selon le droit applicable au jour de la demande, mais sur les bases des droits acquis en cours de procédure s'agissant du traitement de base servant d'assiette à la pension et des trimestres de cotisations acquis à la date effective de radiation des cadres ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - l'arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. A...;Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ". En vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. 2. Aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...) 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. 3. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. L'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". L'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Comme il a été dit ci-dessus, les articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires ont pour objet de compenser les inconvénients, en termes de carrière, qui sont subis par les fonctionnaires du fait de l'interruption de leur service en raison de la naissance ou de l'éducation des enfants. Ces textes, qui fixent la durée d'interruption du service à deux mois au moins, se réfèrent aux positions statutaires permettant une telle interruption et reposent sur des critères objectifs, en rapport avec leurs buts. Ainsi, alors même qu'ils bénéficieraient principalement aux fonctionnaires de sexe féminin, ils n'ont pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, en écartant les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 14 de cette convention et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, le tribunal administratif de Saint-Denis n'a pas commis d'erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu pour le Conseil d'Etat de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union européenne des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en litige, le pourvoi de M. A...doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre des finances et des comptes publics.ECLI:FR:CESJS:2015:372051.20151216
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 1ère SSJS, 30/12/2015, 376550, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union européenne des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté sa demande du 16 novembre 2010 tendant à son admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 18 novembre 2010 en sa qualité de père de six enfants et d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa demande et de le faire bénéficier d'une pension de retraite majorée de la bonification pour enfants sur le fondement du b de l'article L. 12 du même code. Par un jugement n° 1102511 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 mars, 20 juin et 6 octobre 2014, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2014 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - l'arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yannick Faure, auditeur, - les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. A...B...;Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable, en vertu des dispositions transitoires de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, à la date du 18 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ". En vertu de l'article R. 37 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois, pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption, dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 16 novembre 2010, M.B..., ancien fonctionnaire ayant accompli quinze années de services effectifs et père de six enfants, a saisi son administration d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension, à compter du 18 novembre 2010, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. M. B...se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé. 3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement du tribunal administratif de Marseille serait insuffisamment motivé, faute de répondre à l'ensemble des moyens opérants soulevés devant lui, n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). / 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. 5. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. 6. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et si la maternité est ainsi normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. En particulier, les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants et ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants, atteignant ainsi 23 % pour quatre enfants et plus. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. 7. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision litigieuse, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées ci-dessus, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale et est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 8. Il suit de là que le tribunal administratif de Marseille, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et n'avait pas à rechercher l'intention du législateur, n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré du caractère discriminatoire des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en méconnaissance de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 9. Pour les mêmes motifs, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. 10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 11. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics. ECLI:FR:CESJS:2015:376550.20151230
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème / 2ème SSR, 16/12/2015, 387815
Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 9 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision implicite du 26 novembre 2014 par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans un délai de trois mois ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Charline Nicolas, auditeur, - les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. B...;1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, issu de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et qu'il ait accompli quinze années de services effectifs. (...) Sont assimilés à l'enfant mentionné au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article. Les conditions d'ouverture du droit liées à l'enfant doivent être remplies à la date de la demande de pension " ; qu'aux termes de l'article R. 37 du même code, tel que modifié par le décret du 30 décembre 2010 portant application aux fonctionnaires, aux militaires et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat des articles 44 et 52 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, applicable au litige : " I. - L'interruption d'activité prévue au premier alinéa du 3° du I et au premier alinéa du 1 bis du II de l'article L. 24 doit avoir eu une durée continue au moins égale à deux mois et être intervenue alors que le fonctionnaire ou le militaire était affilié à un régime de retraite obligatoire. La réduction d'activité prévue au même article doit avoir eu une durée continue au moins égale à celle mentionnée au II bis du présent article. / Cette interruption ou réduction d'activité doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour du trente-sixième mois suivant la naissance ou l'adoption. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, pour les enfants énumérés aux troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas du II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article, l'interruption ou la réduction d'activité doit intervenir soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 512-3 et R. 512-2 à R. 512-3 du code de la sécurité sociale. (...) " ; 2. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; 3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate, tel que défini à l'article L. 24 du même code, est conditionné à une interruption ou une réduction d'activité du parent fonctionnaire durant les trois ans suivant la naissance de l'enfant handicapé ; que la différence de traitement qui résulte de ces dispositions réglementaires entre les parents d'un enfant handicapé qui ont réduit ou interrompu leur activité avant que leur enfant ait atteint l'âge de trois ans et ceux qui ont réduit ou interrompu leur activité après que leur enfant a atteint cet âge alors qu'il est encore à leur charge, ne se ne se justifie ni par un motif d'intérêt général, ni par une différence de situation au regard des préjudices de carrière liées à la charge supplémentaire qu'impose l'éducation d'un enfant handicapé, que la mesure vise à compenser ; qu'il suit de là que les dispositions réglementaires contestées méconnaissent le principe d'égalité en excluant du bénéfice du départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate les parents d'enfants handicapés ayant interrompu ou réduit leur activité après que leur enfant handicapé a atteint trois ans et alors qu'il est encore à leur charge ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision implicite du 26 novembre 2014 par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que cette annulation implique nécessairement l'abrogation des dispositions réglementaires dont l'illégalité a été constatée ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette mesure dans un délai de six mois à compter de la présente décision ; 5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;D E C I D E : -------------- Article 1er : La décision implicite du Premier ministre du 26 septembre 2014 est annulée. Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre d'abroger le deuxième alinéa du I de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans un délai de six mois à compter de la présente décision. Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.ECLI:FR:CESSR:2015:387815.20151216
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 10ème - 9ème SSR, 30/12/2015, 373400, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et cinq autres mémoires, enregistrés le 21 novembre 2013, les 21 février, 4 août, 26 novembre et 2 décembre 2014 et les 19 mai et 14 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-834 du 17 septembre 2013 instituant des mesures en faveur des membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 28 mai 2009 du président de la Mission interministérielle aux rapatriés ; 3°) d'annuler pour excès de pouvoir les instructions adressées à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et aux préfets concernant l'examen des demandes de droit à l'allocation de reconnaissance après l'intervention de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code du travail ; - la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ; - le décret n° 2002-1479 du 20 décembre 2002 ; - la décision n° 373400 du 6 mars 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ; Sur les conclusions relatives au décret du 17 septembre 2013 : 1. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; 2. Considérant que le décret attaqué crée plusieurs aides à la formation professionnelle, en en réservant le bénéfice aux enfants des membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ; que la différence de traitement ainsi prévue en faveur de ces derniers ne peut être regardée comme en rapport direct avec l'objet d'une réglementation destinée à compenser des difficultés particulières d'accès au marché du travail ; que cette dérogation au principe d'égalité n'est par ailleurs justifiée par aucune raison d'intérêt général ; que, dès lors, ainsi que le soutient l'association requérante, le décret attaqué méconnaît le principe d'égalité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête sur ce point, ses articles 1er et 2 doivent être annulés ; 3. Considérant, en revanche, que les articles 3, 4 et 5 du décret attaqué ont pour seul objet d'instituer des concours financiers en faveur des associations de membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et d'en fixer les critères d'attribution ; qu'ils ne portent atteinte, par eux-mêmes, ni à la liberté d'association ni à la liberté d'expression ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Comité Harkis et Vérité est seulement fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du décret qu'il attaque ; Sur les conclusions relatives à la circulaire du 28 mai 2009 du président de la Mission interministérielle aux rapatriés : 5. Considérant que le Comité Harkis et Vérité soutient notamment que la circulaire du 28 mai 2009 du président de la Mission interministérielle aux rapatriés relative aux modalités d'application de la décision n° 282390 du 6 avril 2007 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions du décret du 17 mai 2005 prises pour application des articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés, précise illégalement que l'attribution de l'allocation de reconnaissance est subordonnée à l'appartenance au statut civil de droit local ; que, par sa décision du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, qui n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité, a jugé que les dispositions attaquées de cette circulaire, qui rappellent les dispositions de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 abrogées par la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, sont devenues caduques à la suite de cette abrogation ; qu'ainsi, les conclusions du Comité Harkis et Vérité tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette circulaire sont irrecevables ; Sur les conclusions relatives aux instructions adressées à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et aux préfets pour l'examen des demandes de droit à l'allocation de reconnaissance après la décision n° 2010-93 QPC du Conseil constitutionnel : 6. Considérant que, malgré l'invitation à régulariser sa requête, qui lui a été adressée le 14 janvier 2014 par le secrétariat de la 10ème sous-section du contentieux, le Comité Harkis et Vérité n'a pas produit les décisions attaquées ; qu'il n'a pas assorti ses conclusions des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande à ce titre le Comité Harkis et Vérité ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Les articles 1er et 2 du décret n° 2013-834 du 17 septembre 2013 sont annulés. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3: La présente décision sera notifiée au Comité Harkis et Vérité, au Premier ministre, au ministre de la défense et au président de la Mission interministérielle aux rapatriés.ECLI:FR:XX:2015:373400.20151230
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 12LY02596, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme C...et Blandine A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon : - de condamner l'Etat à leur verser une indemnité totale de 86 595 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande, en réparation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat au titre de sa responsabilité du fait des lois pour violation du droit communautaire ou européen et pour violation manifeste de ce même droit pas les juridictions nationales ; - à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005 avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale ; - de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 0905603 du 17 juillet 2012, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 octobre 2012 et 5 mars 2013, M. et MmeA..., représentés par MeD..., demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 ; 2°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle sur la conformité des articles L. 24, L. 12, R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale ; 3°) de condamner l'Etat à leur verser une indemnité totale 86 595 euros en réparation des préjudices résultant pour eux de la discrimination indirecte créée par ces dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite telles que modifiées par les lois des 21 août 2003 et 30 décembre 2004 et leurs décrets d'application, qui engage la responsabilité de l'Etat du fait des lois et du fait des juridictions ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un arrêt avant-dire-droit du 3 avril 2013, la Cour a sursis à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A...jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se soit prononcée sur les questions suivantes : 1°) les dispositions combinées de l'article L. 24 et de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite telles que résultant de l'application de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 et le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 peuvent-elles être regardées comme opérant une discrimination indirecte entre hommes et femmes au sens de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ' 2°) les dispositions de l'article 15 du décret 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peuvent-elles être regardées comme opérant une discrimination indirecte entre hommes et femmes au sens de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ' 3°) en cas de réponse positive à l'une des deux premières questions, une telle discrimination indirecte est-elle justifiable par les stipulations du paragraphe 4 de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ' La CJUE a rendu sa décision sous le n° C-173/13 le 17 juillet 2014. Par des mémoires, enregistrés les 3 septembre 2014, 15 octobre 2014, 13 novembre 2014 et 18 février 2015, M. et Mme A...demandent, dans le dernier état de ces écritures : 1°) de condamner l'Etat et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à leur verser une indemnité provisionnelle de 105 000 euros ; 2°) de saisir la CJUE d'une nouvelle question préjudicielle portant sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner les mêmes à leur verser une indemnité totale de 197 615 euros en réparation de leurs préjudices ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la rédaction des articles L. 24 et R. 37 n'ouvre qu'un droit apparent de jouissance à la retraite pour les pères de trois enfants puisque le congé parental est un congé sans traitement et que celui-ci n'est instauré que depuis 1985 ; la faiblesse de la pension de retraite des femmes ne peut être compensée par un droit anticipé à la retraite ; la compensation tardive au moment de la retraite est prohibée par la jurisprudence européenne ; - la rétroactivité ne peut être opposée aux fonctionnaires justifiant avant 2005 de quinze années d'ancienneté et de trois enfants nés antérieurement à cette loi ; - le renvoi préjudiciel est nécessaire au regard de la convention européenne des droits de l'homme ; - l'arrêt A...de la CJUE doit s'appliquer aux demandes antérieures au décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; les articles L. 24, R. 37, L. 12 et R. 13 dans leur rédaction applicable au jour de sa demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, a entraîné une discrimination indirecte contraire au principe d'égalité de traitement ; le décret du 30 septembre 2010 est inopposable à la demande initiale, qui lui était antérieure ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et de 2004, voire de ceux de 2010 ; - sa responsabilité est également engagée pour violation caractérisée des articles 141/157 et 242/267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) par le Conseil d'Etat du fait de sa jurisprudence rendue entre 2004 et 2012 ; - un arrêt avant-dire droit est nécessaire pour chiffrer le préjudice subi ; - l'octroi du bénéfice systématique d'un départ anticipé et d'une bonification par enfant aux fonctionnaires féminins ne permet pas de compenser l'impact des naissances sur les retraites, mais au contraire contribue à l'aggraver. Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre 2014 et 2 avril 2015, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que le dispositif législatif et réglementaire contesté ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants et que, par suite, il ne peut être reproché à la juridiction administrative d'avoir méconnu le droit de l'Union européenne en ne faisant pas droit à l'argumentation fondée sur l'inconventionnalité du droit interne. Par un mémoire en défense, enregistrés le 19 décembre 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir : - que la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfants, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ; - que les dispositions relatives à la bonification pour enfants et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ; - que le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfants est erroné, que l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et que le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2014, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir : - que les conclusions en appel dirigées à son encontre sont nouvelles et donc irrecevables ; - que M. A...ne peut demander à bénéficier de la bonification pour enfants ou à être indemnisé à ce titre ; - qu'il ne peut prétendre avoir subi un préjudice qui lui serait imputable. Par un nouveau mémoire, enregistré le 23 avril 2015, M. et Mme A...expriment leur défiance à l'égard de l'arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour : - de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt A...n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner la société Orange ou le service des pensions de France Télécom et La Poste et/ou l'Etat à leur verser une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire, enregistré le 9 juillet 2015, le Collectif égalité retraite intervient volontairement au soutien des conclusions de M. et Mme A...et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Un nouveau mémoire, enregistré le 9 juin 2015, présenté par la garde de sceaux, ministre de la justice n'a pas donné lieu à communication en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par ordonnance du 19 juin 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2015. Un nouveau mémoire enregistré le 22 juin 2015, présenté par le ministre chargé des finances, un nouveau mémoire enregistré le 1er juillet 2015 présenté par la CNRACL ainsi que des pièces complémentaires enregistrées le 3 juillet 2015, produites pour M. et MmeA..., n'ont pas donné lieu à communication en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - les observations de MeD..., représentant M. et MmeA..., et de Me B..., représentant le Collectif égalité retraite. Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A...a été enregistrée le 22 septembre 2015. Une note en délibéré présentée pour le Collectif égalité retraite a été enregistrée le 23 septembre 2015. 1. Considérant que M.A..., ancien agent de la fonction publique hospitalière, a demandé, le 4 avril 2005, son admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension en qualité de père de trois enfants ; que cette demande a fait l'objet d'une décision de refus du 18 avril 2005 opposée par la Caisse des dépôts et consignations ; que, par jugement du 18 mai 2006, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ; que M. et Mme A...ont alors engagé une procédure tendant à l'indemnisation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 17 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire présentée sur ces fondements ; Sur l'intervention du Collectif égalité retraite : 2. Considérant qu'eu égard à son objet statutaire, l'association dénommée Collectif égalité retraite justifie d'un intérêt de nature à rendre recevable son intervention en appel au soutien de la requête présentée par M. et MmeA... ; que son intervention doit, par suite, être admise ; Sur la régularité du jugement : 3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 4. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par un magistrat statuant seul ; que la demande indemnitaire présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif n'a pas le caractère d'un litige en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et porte sur une somme supérieure à 10 000 euros ; qu'elle ne relève d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ; 5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. et MmeA... ; Sur les conclusions indemnitaires de M. et MmeA... : 6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (....) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 8. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 9. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. "; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur le renvoi préjudiciel ordonné dans la présente instance, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 10. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une nouvelle question préjudicielle, que la demande de M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ; 12. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme A... tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de la société La Poste et de la société France Télécom-Orange ou de leurs services de pension, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme A...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; que les conclusions que le Collectif égalité retraite présente au même titre doivent également, en tout état de cause, être rejetées ; DECIDE : Article 1er : L'intervention du Collectif égalité retraite est admise. Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon, le surplus des conclusions de leur requête et les conclusions du Collectif égalité retraite, sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et BlandineA..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics, au ministre de la décentralisation et de la fonction publique, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et au Collectif égalité retraite. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 12LY02596
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 13LY00560, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon : - à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 45 026 euros au titre de bonifications pour enfants sur pension de retraite capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 4 569 euros à titre de rappel sur pensions et/ou bonifications non-perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, somme à parfaire et à actualiser, une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocat et pour mémoire au titre de l'impact des bonifications sur la majoration pour enfants, soit une somme totale de 59 595 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite en méconnaissance des normes communautaires et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit communautaire ; - subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale. Par un jugement n° 0904561 du 17 juillet 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une ordonnance enregistrée au greffe de la Cour le 1er mars 2013, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête du 10 octobre 2012 présentée par M. et Mme B...et Françoise A.... Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2012, 23 octobre 2013 et 13 novembre 2014, M. et MmeA..., représentés par MeC..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler ce jugement n° 0904561 du 17 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ; 2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat et/ou la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), et/ou le groupe La Poste, et/ou France Télécom-Orange ou leurs services de pension, à leur verser une provision de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner les mêmes à leur verser une indemnité totale de 70 448,40 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande ; 4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le jugement aurait dû être rendu en formation collégiale dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux portant sur un montant supérieur à 10 000 euros et non d'un litige en matière de pensions ; - c'est à tort que le premier juge a considéré que le présent litige aurait le même objet qu'un précédent recours en annulation et révision, alors qu'il tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une décision éventuellement légale ; - la motivation du jugement est stéréotypée ; - le Tribunal ne pouvait s'abstenir de poser une question préjudicielle sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ; - les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 novembre 2014 et le 11 juin 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfants, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ; - les dispositions relatives à la bonification pour enfants et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ; - le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfants est erroné, l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite. Un nouveau mémoire, enregistré le 18 février 2015, présenté pour M. et Mme A..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que le dispositif législatif et réglementaire contesté ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants et que, par suite, il ne peut être reproché à la juridiction administrative d'avoir méconnu le droit de l'Union européenne en ne faisant pas droit à l'argumentation fondée sur l'inconventionnalité du droit interne. Par un nouveau mémoire, enregistré le 11 juin 2015, M. et Mme A...expriment leur défiance à l'égard de l'arrêté d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour : - de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner l'Etat et, le cas échéant, la société Orange ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL à leur payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi, sauf conclusions indemnitaires plus élevées auxquelles il est expressément renvoyé ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2015, la société Orange conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A.... Elle soutient que les demandes indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées dès lors que le Conseil d'Etat a estimé que les avantages du régime de bonifications pour enfants ne constituaient pas des discriminations indirectes prohibées par le droit de l'Union européenne ou par le droit du conseil de l'Europe. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - et les observations de MeC..., représentant M. et MmeA.... Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A...a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M. B...A..., ancien agent de France Télécom, a demandé le 5 janvier 2004 à son administration le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites, en qualité de père de trois enfants ; que cette demande a été rejetée par une décision du 13 janvier 2004 du service des pensions de La Poste et de France Télécom ; qu'à sa demande, il a été radié des cadres avec droit à pension le 1er janvier 2006 , sans le bénéfice d'une bonification pour enfants ; que M. A...a demandé au tribunal administratif de Lyon l'indemnisation de préjudices qu'il impute à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme B...et Françoise A...relèvent appel du jugement du 17 juillet 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par un magistrat statuant seul ; que la demande indemnitaire présentée par M. A...devant le tribunal administratif n'a pas le caractère d'un litige en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et porte sur une somme supérieure à 10 000 euros ; qu'elle ne relève d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ; 4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A... ; 5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (....) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. "; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 9. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ; 11. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme A... tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de la société Orange ou du service de pension de La Poste, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme A...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la société Orange présente au même titre ; DECIDE : Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...sont rejetés. Article 3 : Les conclusions de la société Orange tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et FrançoiseA..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics, au ministre de la décentralisation et de la fonction publique et à la société Orange. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 13LY00560
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 12LY02603, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon : - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 45 705 euros au titre des bonifications capitalisées à compter du 1er septembre 2008, une somme de 52 413 euros au titre du rappel sur pensions et/ou bonifications non-perçues à compter de sa radiation des cadres effective jusqu'au 1er septembre 2008, en deniers et quittance, somme à parfaire et à actualiser, une somme de 12 300 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 5 000 euros au titre des frais de défense engagés en vain dont ceux d'avocat et pour mémoire au titre de l'impact des bonifications sur la majoration pour enfants de l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraites, soit une somme totale de 115 419 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande, en réparation de l'entier préjudice résultant, d'une part, de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite en méconnaissance des normes communautaires et, d'autre part, de la violation manifeste par les juridictions administratives du droit communautaire ; - subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, et de ses éventuelles directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale. Par un jugement n° 0905601 du 17 juillet 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 octobre 2012, 13 novembre 2014 et 18 février 2015, M. et Mme B...et ChristineA..., représentés par MeC..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ; 2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat à leur verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ; 3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner l'Etat à leur verser une indemnité totale de 158 847,56 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande ; 4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ; 5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - c'est à tort que le premier juge a considéré que le présent litige aurait le même objet qu'un précédent recours en annulation et révision, alors qu'il tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une décision éventuellement légale ; - la motivation du jugement est stéréotypée ; - le Tribunal ne pouvait s'abstenir de poser une question préjudicielle sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ; - les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ; - l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ; - la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ; - elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 janvier 2013, le 6 novembre 2014 et le 19 mai 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir : - que la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfant, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ; - que les dispositions relatives à la bonification pour enfant et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ; - que le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfant est erroné, que le l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et que le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite. Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, la société France Télécom (centre de service ressources humaines spécialisé de Lannion) s'associe aux observations présentées par le ministre de l'économie et des finances. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - le dispositif législatif et réglementaire en litige ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants ; - à supposer que le dispositif législatif et réglementaire en litige soit regardé comme méconnaissant l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, la responsabilité de l'Etat ne peut être recherchée en ce qu'il n'y a eu aucune violation manifeste du droit de l'Union par le Conseil d'Etat ; - en tout état de cause, le préjudice est éventuel. Par un nouveau mémoire, enregistré le 3 juin 2015, M. et Mme A...expriment leur défiance à l'égard de l'arrêté d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour : - de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ; - à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; - à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ; - de condamner l'Etat et, le cas échéant, la société Orange ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL à leur payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi, sauf conclusions indemnitaires plus élevées auxquelles il est expressément renvoyé ; - de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité instituant la Communauté européenne ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; - la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Drouet ; - les conclusions de M. Clément, rapporteur public ; - et les observations de MeC..., représentant M. et MmeA.... Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A...a été enregistrée le 22 septembre 2015. 1. Considérant que M.A..., ancien agent de France Télécom, ayant accompli au moins quinze années de services effectifs et père de trois enfants, a demandé le 1er avril 2005 à son administration le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civils et militaires de retraites ; que sa demande a été rejetée par une décision du 28 avril 2005 du service des pensions de La Poste et de France Télécom ; que son recours contentieux dirigée contre de cette décision a été rejeté par un jugement du 7 septembre 2006 du tribunal administratif de Lyon ; que son pourvoi en cassation a fait l'objet d'une décision de non-admission du 28 novembre 2007 du Conseil d'Etat ; que M. A...a ensuite demandé au tribunal administratif de Lyon l'indemnisation de préjudices qu'il impute à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 17 juillet 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; 3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par un magistrat statuant seul ; que la demande indemnitaire présentée par M. A...devant le tribunal administratif n'a pas le caractère d'un litige en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et porte sur une somme supérieure à 10 000 euros ; qu'elle ne relève d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ; 4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M.A... ; 5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; 6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (....) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ; 7. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. "; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ; 9. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ; 11. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme A... tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de la société Orange ou du service de pension de La Poste, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ; 12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme A...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ; DECIDE : Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et ChristineA..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre ; M. Drouet, président-assesseur ; Mme Dèche, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 novembre 2015. '' '' '' '' 2 N° 12LY02603
Cours administrative d'appel
Lyon