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Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05/06/2012, 10PA01085, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 février 2010 et 3 août 2011, présentés pour M. Djelloul A, demeurant à ..., par Me Rodrigue-Moriconi ; M. A demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0909555/12-1 en date du 18 janvier 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 décembre 2008 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ; 3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer la carte du combattant sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros, à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ........................................................................................................................ Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; Vu la décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 : - le rapport de M. Dellevedove, rapporteur, - et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ; Considérant que M. A, ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance en date du 18 janvier 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 décembre 2008 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ; Sur les conclusions à fin d'annulation : Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. " ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : /Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date ,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. /Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. " ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229. " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises :1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; /Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; /Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; /2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; /4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;/ 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; /6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. (...) " ; que l'arrêté inter ministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment " 1. Les formations de harkis (...) " ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'" attestation de services militaires " établie par les services du ministère de la défense le 13 janvier 2006 et qu'il n'est pas contesté que M. A a servi notamment dans les forces supplétives françaises en qualité de harki du 16 avril au 31 décembre 1959, du 1er au 17 janvier 1961 et du 1er juillet au 30 septembre 1961 ; qu'il a donc été membre des forces supplétives françaises pendant une période d'au moins 4 mois et remplit ainsi, contrairement aux motifs de la décision contestée du 29 décembre 2008 du préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, la condition de services et de durée posée par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre lui ouvrant droit à la reconnaissance de la qualité de combattant ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par cette ordonnance, le vice président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 décembre 2008 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris lui a refusé la qualité de combattant au motif qu'il ne justifiait pas d'une " présence en Afrique du Nord pendant au minimum 120 jours " ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; Considérant que M. A doit être regardé comme demandant à la Cour, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de lui attribuer la carte du combattant; Considérant qu'il appartient au juge de l'exécution de statuer en tenant compte des éléments de droit et de fait existant à la date de sa décision ; Considérant que, par une décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les conditions de nationalité et de domiciliation imposées par le troisième alinéa de l'article 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; que ces dispositions législatives ont été abrogées à compter du 24 juillet 2010, date de la publication de la décision n° 2010-18 QPC au journal officiel de la République française ; qu'eu égard à la rédaction de l'article L. 253 bis en vigueur à la date du présent arrêt et compte tenu du motif qui a été retenu pour annuler la décision refusant à M. A la qualité de combattant, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la qualité de combattant soit reconnue à M. A et que la carte du combattant soit attribuée à ce dernier ; que, dès lors, il y a lieu de prescrire au préfet de délivrer à l'intéressé la carte du combattant dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 : Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rodrigue-Moriconi renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à ce titre ; D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Paris en date du 18 janvier 2010 et la décision du préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en date du 29 décembre 2008 sont annulées. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, de délivrer à M. A, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, la carte du combattant. Article 3 : L'Etat versera à Me Rodrigue-Moriconi la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. '' '' '' '' 2 N° 10PA01085
Cours administrative d'appel
Paris
Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05/06/2012, 10PA05440, Inédit au recueil Lebon
Vu, enregistrée le 17 novembre 2010, l'ordonnance n° 328132, en date du 5 novembre 2010, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a renvoyé le jugement de la requête de M. Boufedja A à la Cour administrative d'appel de Paris ; Vu la requête sommaire, enregistrée le 17 juin 2009 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'État, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 17 novembre 2010, 10 novembre 2011 et 4 janvier 2012 au greffe de la Cour, présentés pour M. Boufedja A, demeurant ..., par Me Taulet ; M. A demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 080192/12 en date du 20 avril 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ; 2°) d'enjoindre à l'État de lui délivrer la carte du combattant ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros, à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; ..................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; Vu la décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 : - le rapport de M. Dellevedove, rapporteur, - et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ; Considérant que M. A, ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance en date du 20 avril 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ; Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée : Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. " ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : /Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date ,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. /Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. " ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229. " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises :1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; /Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; /Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; /2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; /4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;/ 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; /6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. (...) " ; que l'arrêté inter ministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment " 1. Les formations de harkis (...) " ; Considérant que, par la décision susvisée en date du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les mots du troisième alinéa de l'article L. 253 bis, " possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domicilié en France à la même date ", au motif que le législateur ne pouvait établir, au regard de l'objet de la loi et pour l'attribution de la carte du combattant, une différence de traitement selon la nationalité ou le domicile entre les membres de forces supplétives et que l'exigence d'une telle condition de nationalité et de domiciliation est contraire au principe d'égalité ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'" extrait des services " établi par les services du ministère de la défense le 9 octobre 2003, et qu'il n'est pas contesté que l'intéressé, qui a servi en qualité de harki, soit au sein des forces supplétives françaises, du 1er octobre 1955 au 4 avril 1959, remplissait les conditions de services prévues par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et, en particulier, la condition de durée prévue au dernier alinéa de l'article L. 253 bis dudit code ; que, dès lors, M. A, qui invoque expressément le moyen tiré de la discrimination qui lui a été opposée en raison de sa nationalité et de son domicile, est fondé à soutenir que le ministre, pour ce motif, a entaché sa décision d'illégalité ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le ministre de la défense lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision par laquelle le ministre de la défense lui a refusé l'attribution de la carte du combattant, implique nécessairement la délivrance à M. A de la carte sollicitée ; qu'il y a lieu de prescrire la délivrance à l'intéressé de la carte du combattant dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 : Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Taulet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à ce titre ; D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Paris en date du 20 avril 2009 et la décision du ministre de la défense en date du 14 mai 2007 sont annulées. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de faire délivrer à M. A, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, la carte du combattant. Article 3 : L'Etat versera à Me Taulet la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. '' '' '' '' 2 N° 10PA05440
Cours administrative d'appel
Paris
Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05/06/2012, 10PA02575, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai 2010 et 29 avril 2011, présentés pour M. Mohammed A, demeurant ..., par Me Canavaggio ; M. A demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0920597/12 en date du 3 mai 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 novembre 2009 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui attribuer la carte du combattant ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ; 3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer la carte du combattant ; ..................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 : - le rapport de M. Dellevedove, rapporteur, - et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ; Considérant que M. A, ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance en date du 3 mai 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 novembre 2009 par laquelle le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ; Sur la légalité de la décision du préfet : Considérant, en premier lieu, que M. A n'a présenté devant le Tribunal administratif de Paris que des moyens de légalité interne à l'appui de son recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, le moyen de légalité externe soulevé devant la Cour et tiré de la motivation insuffisante de la décision contestée est nouveau en cause d'appel et ne peut qu'être écarté ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. " ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : /Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date ,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. /Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. " ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229. " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme combattants : (...) / C- Pour les opérations effectuées après le 2 septembre 1939 : / (...) I.- Militaires / Les militaires des armées de terre, de mer et de l'air : / 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, aux unités énumérées aux listes établies par le ministère de la défense nationale et, s'il y a lieu, par le ministre chargé de la France d'outre-mer (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : / 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; /Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; /Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; /2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; /4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;/ 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; /6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. (...) " ; Considérant que M. A soutenait en première instance avoir appartenu à une unité combattante de l'armée française pendant la seconde guerre mondiale et avoir droit à ce titre à la carte du combattant ; que, par la décision litigieuse, le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, a refusé de faire droit aux prétentions de l'intéressé au motif notamment qu'il n'a pas appartenu pendant 90 jours au moins à une unité figurant sur la liste des unités qui ont été reconnues unités combattantes, au sens des dispositions précitées ; que M. A ne saurait sérieusement contester le motif retenu par le préfet en se bornant à produire un extrait de livret individuel, dont le contenu ne permet pas d'affirmer qu'il serait effectivement le sien en ce qu'il comporte notamment une date de naissance différente de la sienne et dont le titulaire a reçu une seule affectation au 10ème bataillon du 67ème régiment d'artillerie algérienne à compter du 2 mars 1946, soit après la fin du second conflit mondial ; qu'à supposer que M. A ait entendu faire valoir qu'il aurait appartenu aux forces supplétives françaises, il ne fournit aucun commencement de preuve au soutien de ses allégations ; que, si M. A soulève le moyen tiré de la discrimination dont il aurait fait l'objet en raison de sa nationalité en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre réservant aux seuls membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française qui en remplissent les conditions le bénéfice de la carte du combattant, ce moyen est, en l'espèce, inopérant dans la mesure où il n'établit pas avoir appartenu aux forces supplétives françaises, ainsi qu'il a été dit, ni même ne soutient avoir pris part à des actions de feu ou de combat en Afrique du Nord au sens des dispositions du I de l'article R. 224-D de ce code ; qu'il ne se prévaut d'aucune autre condition de nature à lui ouvrir droit à la qualité de combattant ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête susvisée de M. A est rejetée. '' '' '' '' 2 N° 10PA02575
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 15/06/2012, 340979, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 11 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt n° 08/03832 du 29 avril 2010 par lequel la cour régionale des pensions d'Amiens a annulé le jugement du 8 juillet 2008 du tribunal départemental des pensions de la Somme lui accordant la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant-chef de l'armée de l'air, en fonction de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé devant la cour régionale des pensions d'Amiens et de condamner l'Etat au versement des arrérages correspondant à la différence entre le montant de sa pension revalorisée et l'indemnité déjà versée, ainsi que les intérêts capitalisés y afférents ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Ghestin, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; Vu la décision du 13 décembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Isabelle de Silva, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. A, - les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public, La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Ghestin, avocat de M. A ; Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées (...) par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet. Les décisions de rejet des demandes de pension sont prises dans la même forme " ; qu'en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, la décision prise sur ce fondement ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Toutes les contestations auxquelles donne lieu l'application du livre Ier (à l'exception des chapitres 1er et IV du titre VII) et du livre II du présent code sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions du domicile de l'intéressé et en appel par la cour régionale des pensions./ (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les juridictions des pensions sont compétentes pour juger la contestation formée contre une décision relative à une pension militaire d'invalidité ; Considérant que, par lettre en date du 6 mars 2007, M. A a demandé au ministre de la défense de recalculer la pension militaire d'invalidité qui lui avait été concédée à titre définitif par un arrêté du 19 avril 1983 en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale ; que, par une lettre du 27 avril 2007, le ministre lui a indiqué qu'il recherchait les moyens de donner une suite à sa demande et qu'il en serait tenu informé dès que possible ; qu'en l'absence de réponse, M. A a saisi le 27 juin 2007 le tribunal départemental des pensions compétent d'un recours contre le rejet qui avait été implicitement opposé à sa demande de revalorisation par le ministre ; Considérant que la lettre du 6 mars 2007 adressée par M. A au ministre de la défense et des anciens combattants doit être regardée comme un recours gracieux dirigé contre l'arrêté de concession de sa pension militaire d'invalidité en date du 19 avril 1983 ; que la décision implicite de rejet opposée à ce recours gracieux constitue une décision relative à une pension militaire d'invalidité dont la contestation relève de la compétence des juridictions des pensions ; qu'ainsi, en jugeant qu'il ne lui appartenait pas de se substituer au pouvoir règlementaire et de se prononcer sur le bien-fondé de la demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité présentée par M. A, la cour régionale des pensions d'Amiens a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de cet arrêt ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ; Considérant, en premier lieu, que, dans son mémoire en défense enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 décembre 2011, le ministre de la défense s'est expressément approprié les conclusions de l'appel présenté au nom de l'Etat à la cour régionale des pensions et l'a ainsi régularisé ; que, par suite, M. A n'est plus fondé à invoquer l'incompétence du signataire de ce recours ; Considérant, en second lieu, que, d'une part, en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, la décision lui accordant une pension militaire d'invalidité ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre du mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) " ; Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent au sien des personnels de la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que, passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander sa révision que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78 ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 19 avril 1983 portant concession à M. A d'une pension militaire d'invalidité lui a été régulièrement notifié le 1er juin 1983 ; que la lettre qu'il a adressée à l'administration le 6 mars 2007 en vue d'obtenir la revalorisation de sa pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent de la marine nationale ne pouvait être regardée comme une demande de révision relevant des dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, mais comme un recours gracieux contre l'arrêté du 19 avril 1983 ; que, par suite, la demande présentée devant le tribunal départemental des pensions, qui était dirigée contre l'arrêté de concession de sa pension, et qui a été enregistrée le 27 avril 2007, a été présentée au-delà du délai de six mois prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959, courant à compter de la notification de l'arrêté ; qu'elle était, par suite, tardive ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de la Somme a fait droit à cette demande de M. A ; que le ministre de la défense est ainsi fondé à demander l'annulation du jugement de ce tribunal du 8 juillet 2008 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'avocat de M. A sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions d'Amiens du 29 avril 2010 et le jugement du tribunal départemental des pensions de la Somme du 8 juillet 2008 sont annulés. Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal départemental des pensions de la Somme et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 29/05/2012, 09BX02653, Inédit au recueil Lebon
Vu l'arrêt n° 09BX02653, en date du 6 avril 2010, par lequel la présente cour, avant de statuer sur la demande de M. A tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 30 juin 2009 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité, d'autre part, à la liquidation de cette rente viagère, a invité le ministre de l'éducation nationale ainsi que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat à produire leurs observations en défense ; --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2012 : - le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ; - et les conclusions de Mme Marie-Pierre Dupuy, rapporteur public ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres (...) par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ; qu'aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. " ; qu'aux termes de l'article L. 55 dudit code : " La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. (...) " Considérant que M. A conteste la pension qui lui a été attribuée en soutenant que c'est à tort qu'elle a été déterminée sans tenir compte de l'imputabilité au service de son invalidité et qu'elle lui a été, par suite, concédée sans rente viagère d'invalidité ; qu'il se prévaut, en revendiquant l'imputabilité au service de son invalidité, d'une erreur affectant la pension dont il demande la révision ; qu'en principe, une erreur affectant le refus de reconnaître l'imputabilité totale ou partielle au service d'une invalidité présente le caractère d'une erreur de droit ; que M. A fait cependant valoir que, en l'espèce, la source de cette erreur est purement matérielle et que l'erreur commise dans la liquidation de sa pension revêt elle-même un caractère matériel ; qu'il soutient ainsi que c'est à la suite d'un avis en date du 19 février 2004 du comité médical départemental rédigé de manière erronée, sans que les mentions relatives à l'origine de son invalidité aient été correctement " renseignées ", alors que cet avis a été visé par l'arrêté du 29 mars 2004 l'admettant à la retraite, que sa pension lui a été concédée sans rente viagère d'invalidité ; que, toutefois, il ne ressort pas des termes de cet avis du 19 février 2004 que le comité médical départemental, qui a reconnu l'inaptitude absolue et définitive de M. A à l'exercice de ses fonctions, aurait admis l'imputabilité au service de son invalidité ; que la circonstance que le médecin spécialiste agréé avait auparavant évalué son invalidité au taux de 25% et avait indiqué qu'elle était partiellement imputable au service ne révèle pas davantage que le comité médical était lui-même d'avis d'imputer au service, fût-ce pour une part, l'invalidité qu'il a reconnue ; qu'il ne résulte donc pas de l'instruction que la liquidation de sa pension sans attribution d'une rente viagère d'invalidité aurait été faite en fonction d'un avis autre que celui donné ; que sont à cet égard sans incidence les visas de l'arrêté admettant l'intéressé à la retraite ; que, par suite, la contestation du requérant de son titre de pension, en tant que ce dernier ne lui attribue pas de rente viagère d'invalidité, ne procède pas d'une erreur matérielle, mais d'une erreur de droit, laquelle ne peut être rectifiée que dans le délai d'un an ; que ce délai court à partir de la date de la notification du titre de pension, sans qu'il soit besoin que cette notification s'accompagne d'un refus exprès de rente viagère d'invalidité ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que le titre de pension n° 4 139 133 en date du 14 juin 2004 accordant à M. A une pension de retraite sans rente viagère d'invalidité, sur le fondement des articles L. 4-2 et L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite qu'il vise, lui a été notifié le 30 juin 2004 ; qu'en appel, le requérant soutient qu'il avait dès le 20 juillet 2004 contesté son titre de pension et qu'il avait de nouveau contesté ce titre par un courrier du 27 octobre en demandant alors expressément le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, puis réitéré sa demande les 24 novembre 2005 et 22 février 2006 ; que, cependant, sa contestation du 20 juillet 2004 portait seulement sur la validation des services auxiliaires et le décompte des retenues pour pension civile ; qu'elle ne tendait pas à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ; que la mention finale de ce courrier selon laquelle " le titre de pension fait référence aux articles L. 4-2 et L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite et non à l'article L. 5 " du même code ne peut être vue comme une demande de rente viagère d'invalidité ; que n'en apportent pas la preuve contraire les réponses faites par l'administration à ce courrier non plus que les révisions opérées par la suite procédant de la modification de la durée des services effectués par l'intéressé ; que, s'agissant du courrier en date du 27 octobre 2004 invoqué par le requérant, l'administration conteste l'avoir reçu et aucune pièce portant cette date ne figure même au dossier, que ce soit en première instance ou en appel ; que le requérant ne saurait reprocher à l'administration de s'être abstenue d'accuser réception d'un courrier dont il n'établit pas l'envoi ; qu'en admettant même de tenir les contestations adressées par M. A en novembre 2005 et février 2006 pour des demandes en révision, elles ont été faites après l'expiration du délai d'un an fixé par les dispositions précitées de l'article L. 55 et ne peuvent être utilement invoquées par le requérant à l'appui de ses prétentions ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant au bénéfice d'une rente viagère d'invalidité ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ; DECIDE : Article 1er : La requête de M. Guy A est rejetée. '' '' '' '' 3 No 09BX02653
Cours administrative d'appel
Bordeaux
Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 21/05/2012, 326418, Inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance n° 09LY00059 du 12 mars 2009, enregistrée le 24 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; Vu le pourvoi, enregistré le 15 janvier 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE et tendant : 1°) à l'annulation du jugement n° 0506603-3 du 23 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Lyon, sur demande de Mme Josyane A, a annulé l'arrêté du 1er août 2005 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui concédant une pension civile d'invalidité en tant qu'il retient un taux d'invalidité global de 53,91 % et a enjoint au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de prendre un nouvel arrêté retenant un taux d'invalidité global de 69,12 % dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; 2°) au titre du règlement de l'affaire au fond, au rejet de la demande présentée par Mme A au tribunal administratif de Lyon ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; Vu le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 22 juillet 2005, Mme Josyane A, ancienne adjointe administrative au bureau du service national de Lyon, a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2005 et que, par arrêté du 1er août 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui a concédé une pension civile d'invalidité sur la base d'un taux d'invalidité de 53,91 % ; que, par jugement du 13 juin 2007, le tribunal administratif de Lyon a ordonné avant dire droit une expertise médicale en vue de déterminer le taux d'invalidité global de Mme A à la date de sa radiation des cadres ; que, par jugement du 23 octobre 2008, ce tribunal a annulé l'arrêté du 1er août 2005 en tant qu'il retenait un taux d'invalidité global de 53,91 % et a enjoint au ministre compétent de prendre un nouvel arrêté de concession de pension civile d'invalidité en retenant un taux de 69,12 % ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 octobre 2008 ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...). L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension " ; Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le docteur Cervantès, expert commis par le jugement avant dire droit du 13 juin 2007, ait pris en considération, pour la rédaction de son rapport, des expertises médicales réalisées les 8 février et 21 juin 2006 postérieurement à la radiation des cadres de l'intéressée, à la demande d'un organisme d'assurance, et appréciant l'invalidité de l'intéressée sans se référer au barème indicatif prévu par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'entache pas d'irrégularité l'expertise au vu de laquelle le tribunal administratif s'est prononcé, dès lors que les expertises mentionnées ont fait l'objet d'un débat contradictoire entre les parties ; Considérant, en deuxième lieu, que c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que le tribunal a estimé qu'il n'était pas établi ni même allégué que l'affection respiratoire, consistant en un asthme associé à une apnée du sommeil sévère, dont souffre la requérante aurait évolué entre la date de la décision attaquée et la date à laquelle l'intéressée a été examinée par le docteur Colas, auteur de l'expertise du 8 février 2006, sur laquelle se fonde le rapport d'expertise du docteur Cervantès pour conclure à un taux d'incapacité de 35 % au lieu d'un taux de 5 % tel que retenu par la commission de réforme ; qu'en en déduisant qu'il pouvait valablement retenir un taux d'incapacité de 35 % en raison de cette affection, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'examen médical sur lequel se fondait cette appréciation était postérieur de quelques mois à la date de radiation des cadres, le tribunal administratif de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ; Considérant, en troisième lieu, que, s'agissant de l'hypothyroïdie, prise en compte par l'expert judiciaire à hauteur de 5 %, le tribunal a jugé que le ministre de la défense ne saurait valablement s'opposer à la prise en compte de cette affection en se contentant de soutenir, sans plus de précisions, que cette hypothyroïdie était apparue en 1995 alors que la requérante se trouvait en disponibilité ; qu'il résulte, d'une part, des dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite que ne peuvent être prises en considération, pour le calcul de la pension qu'elles prévoient, les blessures ou maladies qui n'auraient pas été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle le fonctionnaire acquérait des droits à pension, et d'autre part, des dispositions de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qu'une période de disponibilité ne peut être regardée comme une telle période ; que, toutefois, dès lors que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'apportait aucun élément de nature à établir la date à laquelle l'affection était apparue et ne soutenait aucunement que l'affection en cause ne s'était pas aggravée entre la date à laquelle la disponibilité de Mme A avait pris fin, en 1997, et celle à laquelle elle avait été radiée des cadres, en 2005, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit ; Considérant, en dernier lieu, qu'en procédant de nouveau au calcul du taux global d'invalidité de Mme A à partir des taux retenus pour chaque affection par la commission de réforme départementale du Rhône, le MINISTRE DE LA DEFENSE ne critique pas utilement le jugement attaqué, qui retient un taux plus élevé au titre du handicap respiratoire de l'intéressée et prend en considération son hypothyroïdie, non retenue par la commission ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Mme A d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté. Article 2 : L'Etat versera à Mme A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE et à Mme Josyane A.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 14/05/2012, 313761, Inédit au recueil Lebon
Vu, 1° sous le n° 313761, le pourvoi, enregistré le 28 février 2008 au secrétariat du contentieux, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0503070 du 31 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de Mme Khadija A, d'une part, annulé la décision du 27 octobre 2005 du ministre de la défense refusant de lui concéder une pension militaire de réversion en sa qualité d'ayant cause de son défunt époux, d'autre part, renvoyé la requérante devant le ministre de la défense et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa pension ; Vu, 2° sous le n° 314452, le pourvoi, enregistré le 14 mars 2008 au secrétariat du contentieux, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0503070 du 31 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de Mme Khadija A, d'une part, annulé la décision du 27 octobre 2005 du ministre de la défense refusant de lui concéder une pension militaire de réversion en sa qualité d'ayant cause de son défunt époux, d'autre part, renvoyé la requérante devant le ministre de la défense et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa pension ; .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur, - les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme A, - les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ; - La parole ayant été donnée à la la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme A ;Considérant que les pourvois du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et du MINISTRE DE LA DEFENSE sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C, ressortissant marocain ayant servi dans l'armée française du 5 mai 1939 au 7 novembre 1957, a été admis par arrêté du 17 décembre 1958 au bénéfice d'une pension militaire de retraite proportionnelle, qui a été transformée en indemnité personnelle et viagère en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ; qu'il a épousé le 28 octobre 1987 Mme Khadidja A ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoient en cassation contre le jugement du 31 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de Mme A, annulé la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE du 27 octobre 2005 rejetant sa demande de réversion de la pension militaire de retraite du chef de son époux décédé le 6 mai 2001 avec paiement des arrérages dus ; Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution, à l'exception de celles de son paragraphe VII, les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, qui prévoyaient la revalorisation avec effet au 1er janvier 1999 de la valeur du point de certaines prestations de retraite servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France en fonction du rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence à la date de liquidation des droits et des parités de pouvoir d'achat de la France ; qu'il a jugé qu'" afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision " ; Considérant qu'à la suite de cette décision, l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France et abrogé plusieurs dispositions législatives, notamment celles de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 ; que, par ailleurs, son paragraphe VI prévoit que " le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances " ; qu'enfin, aux termes du XI du même article : " Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 " ; Considérant que, comme il a été dit, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur de prévoir une application aux instances en cours à la date de sa décision des dispositions qu'il adopterait en vue de remédier à l'inconstitutionnalité constatée ; que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 ne se borne pas à déterminer les règles de calcul des pensions servies aux personnes qu'il mentionne mais abroge aussi des dispositions qui définissent, notamment, les conditions dans lesquelles est ouvert le droit à une pension de réversion ; qu'ainsi, alors même qu'il mentionne seulement la " révision des pensions ", le paragraphe VI de l'article 211 précité doit être regardé comme s'appliquant aussi aux demandes de pension de réversion ; Considérant que, pour statuer sur la demande de Mme A, le tribunal administratif d'Amiens s'est exclusivement fondé sur les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 et sur celles de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la décision précitée du Conseil constitutionnel à la solution de l'instance ouverte par la demande de Mme A, en permettant au juge du fond de remettre en cause, dans les conditions et limites définies par le paragraphe VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les effets produits par les dispositions mentionnées ci-dessus, il incombe au juge de cassation d'annuler le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin pour lui d'examiner les moyens du pourvoi dont il est saisi ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ; Sur la période postérieure au 14 mars 2005 : Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 et celles de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002, qui définissaient, à la date de la décision attaquée, les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion était ouvert à la veuve d'un ayant droit étranger, ont été abrogées à compter du 1er janvier 2011, les premières par l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les secondes par la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 ; qu'en application du VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, dont la portée a été précisée ci-dessus, il y a lieu d'écarter ces dispositions législatives pour statuer sur le droit à pension de réversion de Mme A à compter de la date de réception de sa demande par l'administration, soit à compter du 14 mars 2005 ; Considérant, d'une part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 n'ayant substitué aucune disposition nouvelle à celles qui doivent ainsi être écartées pour définir les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion est ouvert à la veuve d'un ayant droit étranger, il y a lieu de faire application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives aux pensions des ayants cause applicables à la date du décès de l'ayant droit ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite, rendu applicable aux ayants cause des militaires par l'article L. 47 du même code : " Le droit à pension de réversion est subordonné à la condition : a) Si le fonctionnaire a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (1°), que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du fonctionnaire, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation ; (...) / Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de réversion est reconnu : (...) / 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années. " ; qu'il résulte de l'instruction que Mme A remplit les conditions ainsi prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite pour l'obtention d'une pension de réversion ; qu'elle est donc fondée à demander à bénéficier d'une telle pension à compter du 14 mars 2005 ; Considérant, d'autre part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 prévoit de nouvelles règles pour le calcul du montant des pensions des personnes qu'il mentionne ; qu'il résulte de son II et de son IV que les indices et la valeur du point d'indice servant au calcul des pensions servies aux conjoints survivants des titulaires d'une pension militaire de retraite sont égaux aux indices et à la valeur du point d'indice applicables aux prestations de même nature servies aux ressortissants français en application du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que ces règles sont applicables pour le calcul de la pension de Mme A ; Sur la période antérieure au 14 mars 2005 : Considérant que, dans l'exercice du contrôle de conformité des lois à la Constitution qui lui incombe selon la procédure définie à l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a le pouvoir d'abroger les dispositions législatives contraires à la Constitution ; que les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe le contrôle de la compatibilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, s'il n'a pas fait droit à l'ensemble des conclusions du requérant en tirant les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative prononcée par le Conseil constitutionnel, d'examiner, dans l'hypothèse où un moyen en ce sens est soulevé devant lui, s'il doit, pour statuer sur les conclusions qu'il n'a pas déjà accueillies, écarter la disposition législative en cause du fait de son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou, le cas échéant, une règle du droit de l'Union européenne dont la méconnaissance n'aurait pas été préalablement sanctionnée ; Considérant qu'à cette fin, lorsqu'est en litige une décision refusant au requérant l'attribution d'un droit auquel il prétend et qu'est invoquée l'incompatibilité de la disposition sur le fondement de laquelle le refus lui a été opposé avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, il incombe au juge, en premier lieu, d'examiner si le requérant peut être regardé comme se prévalant d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel et, en second lieu, quand tel est le cas, si la disposition législative critiquée doit être écartée comme portant atteinte à ce bien de façon discriminatoire et, par suite, comme étant incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; En ce qui concerne le droit à pension de réversion de Mme A : Considérant qu'aux termes du I de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 : " A compter du 1er janvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France, seront remplacées, pendant la durée normale de leur jouissance personnelle, par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites allocations ou pensions, à la date de leur transformation " ; qu'aux termes du I de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 : " Les prestations servies en application des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. " ; qu'aux termes du VI du même article : " Les prestations servies en application des textes visés au I peuvent faire l'objet, à compter du 1er janvier 2002 et sur demande, d'une réversion. L'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de famille sont appréciées à la date d'effet des dispositions visées au I pour chaque Etat concerné " ; Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le droit à la réversion d'une pension militaire de retraite versée à un ressortissant marocain en application du I de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 s'apprécie au regard de la réglementation en vigueur le 1er janvier 1961 et non au regard de la réglementation applicable à la date du décès de l'ayant droit ; qu'à la date du 1er janvier 1961, l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite excluait du droit à pension de réversion les veuves dont le mariage avait été célébré postérieurement à la cessation d'activité du conjoint titulaire de la pension, sans tenir compte de la durée de ce mariage ; Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit, le mariage de Mme A avec M. C a été célébré postérieurement à la radiation des contrôles de l'armée active de son époux décédé ; que, par suite, Mme A ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur le 1er janvier 1961 pour bénéficier d'une pension militaire de réversion ; Considérant, toutefois, que Mme A soutient que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité en appliquant aux veuves de militaires étrangers les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur à la date d'indépendance de leur pays, quand les veuves de militaires français se voient appliquer les dispositions de ce code en vigueur à la date du décès du militaire ; Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; Considérant, d'une part, que le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que la pension servie à un ayant droit est, en principe, réversible, notamment au profit de sa veuve ; qu'ainsi qu'il a été dit, Mme A est, depuis le 6 mai 2001, veuve d'un militaire titulaire d'une pension concédée en application de ce code ; que, par suite, si la loi applicable exclut pour elle, sur le seul fondement d'un critère relatif à la nationalité du titulaire de la pension, le bénéfice d'une pension de réversion, Mme A, qui remplit la condition d'être veuve d'un titulaire d'une pension, peut se prévaloir d'un droit patrimonial, qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge d'écarter l'application des dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 pour la période antérieure au 14 mars 2005 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; Considérant, d'autre part, qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que les pensions de retraite constituent, pour les militaires et agents publics, des allocations pécuniaires destinées à leur assurer, ou à assurer à leurs ayants cause, des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité des fonctions précédemment exercées par ces militaires et agents ; que la différence de situation existant entre des ayants cause d'anciens militaires et agents publics de la France, selon que ceux-ci ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions de réversion, une différence de traitement ; que cette différence de traitement ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec l'objectif de la loi du 30 décembre 2002 ; que les dispositions du VI de l'article 68 de cette loi étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le MINISTRE DE LA DEFENSE devait examiner les droits à pension de Mme A au regard du droit applicable non le 1er janvier 1961, mais à la date du décès de M. C, soit le 6 mai 2001 ; qu'à cette date, ainsi qu'il été dit, Mme A remplissait les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires pour l'obtention d'une pension de veuve ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A a droit à une pension de réversion à compter du 6 mai 2001, date du décès de son mari ; En ce qui concerne le taux de la pension de réversion de Mme A : Considérant qu'aux termes du IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 : " Sous les réserves mentionnées au deuxième alinéa du présent IV (...), les dispositions des II et III sont applicables à compter du 1er janvier 1999. / Ce dispositif spécifique s'applique sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 " ; Considérant qu'il résulte des dispositions du second alinéa du IV précité que Mme A, qui n'a engagé aucun contentieux contestant le caractère discriminatoire des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 avant le 5 novembre 2003, date d'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2002, ne peut prétendre, conformément aux dispositions du premier alinéa du même IV, qu'à une pension calculée en application des dispositions des I et II de l'article 68, la valeur du point de base de sa prestation, telle qu'elle serait servie en France, étant affectée d'un coefficient proportionnel au rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence et des parités de pouvoir d'achat de la France ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du ministre du 27 octobre 2005 en tant qu'elle lui refuse l'attribution d'une pension de veuve à compter du 6 mai 2001 dans des conditions conformes aux motifs énoncés ci-dessus ; Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que la SCP de Chaisemartin, Courjon demande à ce titre, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 31 décembre 2007 du tribunal administratif d'Amiens est annulé. Article 2 : La décision du MINISTRE DE LA DEFENSE du 27 octobre 2005 est annulée. Article 3 : L'Etat versera à Mme A une pension de réversion du chef de son époux à compter du 6 mai 2001 dans les conditions fixées par la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme A, une somme de 3 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, au MINISTRE DE LA DEFENSE et à Mme Khadija A.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 14/05/2012, 343874, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi, enregistré le 19 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Pauline Marie A veuve B, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement n° 0607927 du 20 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en tant que celui-ci procède à la liquidation de sa pension de réversion sur la base du taux en vigueur le 2 janvier 1975 avec effet au 1er janvier 2002 et à ce qu'une pension de réversion " décristallisée " lui soit versée à compter du 30 janvier 1995, d'autre part, à ce qu'elle bénéficie de la majoration de 30 % pour enfants et, enfin, à ce qu'il soit enjoint au ministre de revaloriser la pension de retraite antérieurement concédée à son défunt époux, M. William C et à ce que les arrérages lui en soient versés, avec intérêts, à compter du 30 janvier 1995 ; 2°) de renvoyer le jugement de l'affaire devant le tribunal administratif de Nantes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Copper-Royer, son avocat, de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 62 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ; Vu le code civil ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ; Vu la loi n° 79-1102 du 21 décembre 1979 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, notamment son article 211 ; Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur, - les observations de Me Copper-Royer, avocat de Mme A, - les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à Me Copper-Royer, avocat de Mme A ;Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la pension de M. C : Considérant qu'aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison du caractère personnel d'une pension de retraite, celle-ci n'est due qu'au titulaire du droit à pension qui en fait la demande ; que ce droit ne constitue ainsi pas une créance qui pourrait être regardée comme un bien transmis aux héritiers lors du décès de ce bénéficiaire, hors le cas où ce dernier s'est prévalu de ce droit avant son décès, sans qu'un refus définitif ne lui ait été opposé ; que, par suite, le décès du titulaire du droit à pension a normalement pour effet l'extinction définitive de ce droit qui était ouvert à son bénéfice exclusif, ses héritiers ne pouvant se prévaloir de ce droit, sauf pour obtenir le cas échéant une pension de réversion ; qu'il n'en va autrement que dans l'hypothèse où le titulaire du droit a réclamé de son vivant, en saisissant l'administration ou en engageant une action contentieuse, la concession de sa pension et qu'il n'a pas été statué définitivement sur sa demande ; que, dans cette hypothèse seulement, ses héritiers justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir en vue de la reconnaissance de cet avantage ; qu'il suit de là qu'en estimant que la pension militaire de retraite proportionnelle concédée à M. C ne constituait pas une créance pouvant être regardée comme un bien transmis à ses héritiers et en rejetant comme irrecevables, pour ce motif, les conclusions de Mme A, sa veuve, tendant à la révision de cette pension, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il statue sur le montant de la pension de M. C ; Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la pension de réversion de Mme A : Considérant que, lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions de l'article 62 de la Constitution, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ; Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution, à l'exception de celles de son paragraphe VII, les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, qui prévoyaient, d'une part, la revalorisation avec effet au 1er janvier 1999 de la valeur du point des indemnités personnelles et viagères servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France en fonction du rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence à la date de liquidation des droits et des parités de pouvoir d'achat de la France et, d'autre part, la possibilité pour les ayants droit des titulaires de ces prestations d'en demander la réversion ; qu'il a jugé qu'" afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision " ; Considérant qu'à la suite de cette décision l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France ; que son paragraphe VI prévoit que " le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances " ; qu'enfin, aux termes du XI du même article : " Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 " ; Considérant que, pour rejeter les conclusions de la demande de Mme A tendant à la réformation de l'arrêté du 11 septembre 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui concédant une pension de réversion à compter du 1er janvier 2002 en tant, d'une part, qu'il ne lui reconnaît pas de droit à pension à compter du 28 janvier 1995, date de décès de son époux et, d'autre part, en ce que le taux de la pension liquidée est inférieur au montant servi à un ressortissant français, le tribunal administratif de Nantes s'est exclusivement fondé sur les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la décision précitée du Conseil constitutionnel à la solution de l'instance ouverte par la demande de Mme A, en permettant au juge du fond de remettre en cause, dans les conditions et limites définies par le paragraphe VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les effets produits par les dispositions mentionnées ci-dessus, il incombe au juge de cassation d'annuler le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin pour lui d'examiner les moyens du pourvoi dont il est saisi ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant seulement qu'il statue sur la date d'effet et le taux de la pension de réversion qui lui est due ; qu'en revanche, la requérante, qui ne développe aucune argumentation contre ce même jugement en tant qu'il a statué sur la prise en compte de la majoration pour enfants dans le calcul de sa pension, n'est pas fondée à en demander l'annulation dans cette mesure ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative dans la mesure de la cassation prononcée ; Sur la période postérieure au 28 décembre 2006 : Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'il a été procédé à la révision de la pension de réversion de Mme A et aux rappels d'arrérages correspondants à compter du 29 décembre 2006, en application des dispositions de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 ; que Mme A a ainsi bénéficié, pour la période postérieure à cette date, du rétablissement du taux de droit commun, conformément à sa demande ; que, par suite, ses conclusions tendant à la revalorisation du montant de sa pension de retraite sont devenues sans objet dans cette mesure ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer ; Sur la période comprise entre le 20 février 2004 et le 28 décembre 2006 : Considérant que les dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 de finances pour 1960, qui remplacent à compter du 1er janvier 1961 les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France, pendant la durée normale de leur jouissance personnelle, par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur des allocations ou pensions concernées à la date de leur transformation, ainsi que celles de l'article 14 de la loi de finances rectificative pour 1979 du 21 décembre 1979 modifiée qui étendent le champ d'application de ces dispositions aux prestations reçues par les ressortissants sénégalais avec effet au 2 janvier 1975, d'une part, et les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 dont l'objet a été rappelé précédemment, d'autre part, qui définissaient, à la date de la décision attaquée, les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion était ouvert et liquidé à la veuve d'un ayant droit étranger, ont été abrogées à compter du 1er janvier 2011, les premières par l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010, les secondes par la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 ; qu'en application du VI de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010, dont la portée a été précisée ci-dessus, il y a lieu d'écarter ces dispositions législatives pour statuer sur le droit à pension de réversion de Mme A sur la période courant à compter de la date de réception de sa demande par l'administration, soit à compter du 20 février 2004 ; qu'il résulte par ailleurs du II et du IV de ce même article que les indices et la valeur du point d'indice servant au calcul des pensions servies aux conjoints survivants des titulaires d'une pension militaire de retraite sont désormais égaux aux indices et à la valeur du point d'indice applicables aux prestations de même nature servies aux ressortissants français en application du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que ces règles sont applicables pour le calcul de la pension de Mme A qui a, par suite, droit à ce que le taux de sa pension de réversion soit calculé pour la période comprise entre le 20 février 2004 et le 28 décembre 2006 dans les conditions qui viennent d'être rappelées ; Sur la période antérieure au 20 février 2004 : Considérant que si Mme A soutient qu'elle a droit à une pension de réversion à compter du 28 janvier 1995, date de décès de son époux, il résulte du I de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 que : " Les prestations servies en application des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. " ; que le II de ce même article prévoit que les prestations sont calculées en fonction des parités relatives de pouvoir d'achat entre la France et l'Etat de résidence lors de la liquidation initiale des droits à réversion ; qu'aux termes du VI du même article : " Les prestations servies en application des textes visés au I peuvent faire l'objet, à compter du 1er janvier 2002 et sur demande, d'une réversion. L'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de famille sont appréciées à la date d'effet des dispositions visées au I pour chaque Etat concerné " ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit à la réversion d'une pension militaire de retraite versée à un ressortissant sénégalais en application des dispositions combinées du I de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 et de l'article 14 de la loi du 21 décembre 1979 ne saurait être reconnu pour une période antérieure au 1er janvier 2002, alors même que le décès du titulaire du droit à pension serait intervenu avant cette date ; Considérant toutefois que Mme A soutient que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 citées ci-dessus sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles font obstacle à ce que les droits à réversion soient ouverts à une date antérieure au 1er janvier 2002 ; Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; Considérant, d'une part, que le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que la pension servie à un ayant droit est, en principe, réversible, notamment au profit de sa veuve ; qu'ainsi qu'il a été dit Mme A est, depuis le 28 janvier 1995, veuve d'un militaire titulaire d'une pension concédée en application de ce code ; que, par suite, si la loi applicable exclut pour elle, sur le seul fondement d'un critère relatif à la nationalité du titulaire de la pension, le bénéfice d'une pension de réversion à compter de cette date, Mme A, qui remplit la condition d'être veuve d'un titulaire d'une pension, peut se prévaloir d'un droit patrimonial, qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge d'écarter l'application des dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; Considérant, d'autre part, qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que les pensions de retraite constituent, pour les militaires et agents publics, des allocations pécuniaires destinées à leur assurer, ou à assurer à leurs ayants cause, des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité des fonctions précédemment exercées par ces militaires et agents ; que la différence de situation existant entre des ayants cause d'anciens militaires et agents publics de la France, selon que ceux-ci ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions de réversion, une différence de traitement ; que cette différence de traitement ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec l'objectif de la loi du 30 décembre 2002 ; que les dispositions du VI de l'article 68 de cette loi étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il y a lieu d'en écarter l'application au présent litige ; Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont se prévaut le ministre de la défense et des anciens combattants : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures " ; que Mme A ayant déposé sa demande de pension de réversion le 20 février 2004, les droits de celle-ci au rappel des arrérages de sa pension se limitent, en tout état de cause, à la période postérieure au 1er janvier 2000 ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A a droit à une pension de réversion liquidée selon les modalités prévues au I et au II de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 à compter du 1er janvier 2000 ; qu'en revanche, le surplus de sa demande ne peut qu'être rejeté ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre aux ministres chargés de la défense et du budget de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à une nouvelle liquidation de la pension de réversion de Mme A conformément aux motifs de la présente décision ; Sur les intérêts : Considérant que Mme A a demandé le versement des intérêts sur les rappels d'arrérages de la pension qui lui ont été illégalement refusés ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions, à compter de la réception, par l'administration, de sa première demande de concession de sa pension du 20 février 2004, pour les arrérages dus à cette date, puis au fur et à mesure de l'échéance des arrérages ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que Me Copper-Royer demande à ce titre, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 20 mai 2009 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il statue sur la date d'effet et le taux de la pension de réversion due à Mme A. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser le rappel d'arrérages de sa pension au titre de la période postérieure au 28 décembre 2006. Article 3 : L'Etat versera à Mme A une pension de réversion du chef de son époux décédé à compter du 1er janvier 2000 dans les conditions fixées par la présente décision. Article 4 : Les arrérages versés pour la période postérieure au 1er janvier 2000 porteront intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'administration, de la demande du 20 février 2004. Article 5 : L'arrêté du 11 septembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision. Article 6 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A ainsi que de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejeté. Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme Pauline Marie A veuve B, au ministre de la défense et des anciens combattants et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 21/05/2012, 338149, Inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance n° 09PA06298 du 19 mars 2010 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi par lequel Mme Fatima A veuve C et M. Abdelkader B, domiciliés ... demandent : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0201394 du 31 décembre 2008 du président de la cinquième section du tribunal administratif de Paris en tant que, après avoir annulé la décision implicite du Premier ministre en tant qu'elle rejetait leur demande de réversion de la pension de Mme A veuve C et mis à la charge de l'Etat le versement, pour la période postérieure au 1er janvier 1997, des arrérages correspondant à la différence entre le montant de sa pension de réversion revalorisée et ce qui lui avait déjà été versé, ainsi que les intérêts capitalisés y afférents, elle a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant, d'une part, à la revalorisation de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant de leur défunt époux et père M. Youssef C à compter du 3 juillet 1962 et au versement des arrérages correspondants, assortis des intérêts capitalisés, à M. Abdelkader B en sa qualité d'hériter et, d'autre part, à la revalorisation de la pension de Mme A veuve C à compter du 28 août 1991 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions de première instance ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au bénéfice de la SCP Barthélémy-Matuchansky-Vexliard désignée au titre de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 48-1450 du 20 septembre 1948 ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ; Vu la loi n° 62-873 du 31 juillet 1962 ; Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; Vu la loi n° 74-1129 du 30 décembre 1974 ; Vu la loi n° 79-1102 du 21 décembre 1979 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, notamment son article 211 ; Vu la décision n° 2010-1 QPC du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire, - les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de Mme A et de M. Abdelkader B, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de Mme A et de M. Abdelkader B ;Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. Youssef C, ressortissant algérien, rayé des contrôles de l'armée active en 1939 et dont la pension a été liquidée en 1948, est décédé le 28 août 1991 ; que par un courrier du 15 octobre 2001, Mme Fatima A, sa veuve, et M. Abdelkader B, représentant les héritiers de M. Youssef C, ont demandé au Premier ministre, d'une part, la revalorisation de la pension de réversion que détient Mme A du chef de son époux défunt au titre de sa pension militaire de retraite et de sa retraite du combattant, à un taux décristallisé, et le versement des arrérages correspondants et, d'autre part, la revalorisation de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant de M. Youssef C, à un taux décristallisé, et le versement des arrérages correspondants à ses héritiers ; que Mme Fatima A et M. Abdelkader B ont saisi le 16 avril 2002 le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre en tant qu'elle a refusé de faire droit à leurs prétentions et à enjoindre à l'Etat de procéder aux revalorisations demandées, et ont présenté un mémoire en réplique tendant en outre à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive ; que, par arrêté du 6 février 2006, l'administration a procédé à l'octroi d'une pension de réversion à un taux décristallisé au titre de la pension militaire de retraite de M. Youssef C et aux rappels d'arrérages correspondants à compter du 1er janvier 1997 ; que Mme Fatima A et M. Abdelkader B se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 31 décembre 2008 du président de la cinquième section du tribunal administratif de Paris en tant que, par cette ordonnance, le tribunal, après avoir annulé la décision implicite du Premier ministre en tant qu'elle rejetait leur demande de réversion de la pension de Mme Fatima A et mis à la charge de l'Etat, pour la période postérieure au 1er janvier 1997, le versement des arrérages correspondant à la différence entre le montant de sa pension de réversion revalorisée et ce qui lui a déjà été versé, ainsi que les intérêts capitalisés y afférents, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant d'une part au versement des rappels d'arrérages dus au titre de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant de M. Youssef C, d'autre part au versement à Mme A des rappels d'arrérages de sa pension pour la période antérieure au 1er janvier 1997 ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ; Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 742-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 28 juillet 2005, applicable à la date de l'ordonnance attaquée : " Dans le cas prévu au 6° des articles R. 122-12 et R. 222-1, l'ordonnance vise la décision ou l'avis par lequel ont été tranchées ou examinées les questions identiques à celles que la requête présente à juger " ; Considérant que l'ordonnance du 31 décembre 2008 du président de la cinquième section du tribunal administratif de Paris, rendue sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, ne comporte pas le visa de la décision ou de l'avis par lequel auraient été tranchées ou examinées les questions identiques à celles que la requête de Mme Fatima A et M. Abdelkader B présentait à juger ; que l'absence de cette mention, dans les visas comme dans les motifs de l'arrêt, est de nature à entacher d'irrégularité l'ordonnance attaquée ; que son article 4 doit, par suite, être annulé, en tant qu'il a rejeté les conclusions des requérants tendant d'une part au versement des rappels d'arrérages dus au titre de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant de M. Youssef C, d'autre part au versement à Mme A des rappels d'arrérages de sa pension pour la période antérieure au 1er janvier 1997 ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ; Sur les rappels d'arrérages de la pension de réversion de Mme A : Considérant qu'aux termes de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002, applicable à la demande de pension de M. Youssef C : " I. Les prestations servies en application des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959) (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. / (...) IV. Sous les réserves mentionnées au deuxième alinéa du présent IV et sans préjudice des prescriptions prévues aux articles L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 48-1450 du 20 septembre 1948 portant réforme du régime des pensions civiles et militaires et ouverture de crédits pour la mise en application de cette réforme, et L. 53 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite (partie Législative), les dispositions des II et III sont applicables à compter du 1er janvier 1999. / Ce dispositif spécifique s'applique sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 (...) " ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que les règles de prescription mentionnées au premier alinéa du IV s'appliquent aux contentieux présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la date de demande de pension de Mme A : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures " ; que les demandes tendant à la revalorisation des arrérages d'une pension cristallisée s'analysent comme des demandes de liquidation de pension au sens de ces dispositions ; qu'ainsi, compte tenu de la date de présentation de sa demande, soit le 15 octobre 2001, la date à partir de laquelle Mme A avait droit aux compléments d'arrérages de sa pension de réversion est celle du 1er janvier 1997 ; que, par suite, ses conclusions tendant à la révision de sa pension pour la période antérieure au 1er janvier 1997 ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions de M. Abdelkader B tendant au versement de rappels d'arrérages au titre de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant de M. Youssef C : Considérant qu'aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison du caractère personnel d'une pension de retraite, celle-ci n'est due qu'au titulaire du droit à pension qui en fait la demande ; qu'il en va de même pour la retraite du combattant qui en constitue l'accessoire ; que ce droit ne constitue ainsi pas une créance qui pourrait être regardée comme un bien transmis aux héritiers lors du décès de ce bénéficiaire, hors le cas où ce dernier s'est prévalu de ce droit avant son décès, sans qu'un refus définitif ne lui ait été opposé ; que, par suite, si le décès du titulaire du droit à pension a normalement pour effet l'extinction définitive de ce droit qui était ouvert à son bénéfice exclusif, ses héritiers ne pouvant se prévaloir de ce droit, sauf pour obtenir le cas échéant une pension de réversion, il en va autrement dans l'hypothèse où le titulaire du droit a réclamé de son vivant, en saisissant l'administration ou en engageant une action contentieuse, la concession de sa pension, et qu'il n'a pas été statué définitivement sur sa demande ; que dans cette hypothèse, ses héritiers justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir en vue de la reconnaissance de cet avantage ; Considérant qu'il est constant que M. Youssef C n'a pas présenté avant son décès de demande tendant à la revalorisation de sa pension militaire de retraite et de sa retraite du combattant ; que, par suite, les conclusions de M. Abdelkader B, agissant en qualité d'héritier de son père et tendant à ce que lui soient versés les rappels d'arrérages au titre de cette pension, ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à enjoindre au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, et au ministre de la défense, de verser les arrérages correspondant à la revalorisation de la pension de réversion de Mme A au titre de la période précédant le 1er janvier 1997 ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 par la SCP Barthélémy-Matuchansky-Vexliard, avocat de Mme A et M. Abdelkader B ;D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 4 de l'ordonnance du président de la cinquième section du tribunal administratif de Paris du 31 décembre 2008 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A et de M. B tendant d'une part au versement des rappels d'arrérages dus au titre de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant de M. Youssef C, d'autre part au versement à Mme A des rappels d'arrérages de sa pension pour la période antérieure au 1er janvier 1997. Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A et de M. Abdelkader B présentée devant le tribunal administratif de Paris tendant d'une part au versement des rappels d'arrérages dus au titre de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant de M. Youssef C, et d'autre part au versement à Mme A des rappels d'arrérage de sa pension pour la période antérieure au 1er janvier 1997, sont rejetées. Article 3 : Les conclusions de l'avocat de Mme A et M. Abdelkader B tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Fatima A, à M. Abdelkader B, au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, chargé du budget et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16/05/2012, 348219, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Jean Ludovic A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande du 1er décembre 2010, réitérée le 14 février 2011, tendant à la modification des dispositions réglementaires en vigueur du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance pour permettre aux retraités de la marine marchande de bénéficier, pour le calcul de leur pension, de la bonification prévue par l'article L. 11 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, pour service militaire en Afrique du nord pendant la période de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ; 2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier ces dispositions dans un délai maximum de quatre mois, le cas échéant sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu le code des transports, notamment son article L. 5552-17 ; Vu le code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, notamment son article R. 6 ; Vu la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, Maître des Requêtes en service extraordinaire, - les observations de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. A, - les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. A ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 5552-17 du code des transports, qui a repris les dispositions de l'article L. 11 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance : " Par dérogation à l'article L. 5552-14 entrent en compte pour le double de leur durée : / 1° Les services militaires et les temps de navigation active et professionnelle accomplis en période de guerre ; / (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. " ; que l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance énumère la nature et la durée des services entrant en compte pour le double de leur durée dans le calcul des pensions de retraite des marins relevant de ce code ; que la loi du 18 octobre 1999 a substitué aux mots : " aux opérations effectuées en Afrique du Nord " les mots : " à la guerre d'Algérie et aux combats de Tunisie et du Maroc " aux articles L. 1er bis, L. 243, L. 253 bis et L. 401 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu'à l'article L. 321-9 du code de la mutualité ; Sur la fin de non-recevoir opposée par le Premier ministre et le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement : Considérant que le recours présenté par M. A tend à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande de modification de l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance en vue d'instituer en faveur des attributaires de ce régime une bonification consistant en un doublement de la durée effective accomplie au titre des services accomplis en temps de guerre en Algérie, en Tunisie ou au Maroc ; que celui-ci, en se prévalant de l'accomplissement de ses obligations militaires pendant la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc, ainsi que de la perception d'une pension au titre de ce code, justifie d'un intérêt suffisant à demander l'annulation de cette décision ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le Premier ministre et le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement doit être écartée ; Sur la légalité de la décision attaquée : Considérant que lorsque, sans pour autant rendre par elles-mêmes inapplicables des dispositions réglementaires incompatibles avec elle, une loi crée une situation juridique nouvelle, il appartient à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, afin d'assurer la pleine application de la loi, de tirer toutes les conséquences de cette situation nouvelle en apportant, dans un délai raisonnable, les modifications à la réglementation applicable qui sont rendues nécessaires par les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes et, en particulier, aux principes généraux du droit tels que le principe d'égalité ; Considérant que la loi du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression " aux opérations effectuées en Afrique du Nord ", de l'expression " à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc " a introduit dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre un article L. 1er bis selon lequel : " La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. / Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du présent code " ; qu'eu égard à son caractère général, cette disposition impose de faire bénéficier les anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc des avantages ouverts aux anciens combattants des conflits antérieurs, même si ceux-ci ne sont pas régis par le code des pensions militaires d'invalidité ; Considérant qu'il résulte de l'article L. 5552-17 du code des transports que les services militaires et les temps de navigation active et professionnelle accomplis " en période de guerre " par les attributaires de ce régime entrent en compte pour le double de leur durée ; que, dès lors, le pouvoir réglementaire était tenu en application de l'article 1er de la loi du 18 octobre 1999 d'aligner les avantages des anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc sur ceux prévus en faveur des anciens combattants des autres guerres ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. A est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande qu'il lui avait présentée en ce sens ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant que la présente décision d'annulation implique nécessairement que les ministres compétents prennent, en application de l'article L. 5552-17 du code des transports, les dispositions réglementaires définies ci-dessus ; qu'il y a lieu de leur enjoindre de prendre ces mesures dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision ; Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; D E C I D E : --------------- Article 1er : La décision implicite du Premier ministre rejetant la demande de M. A est annulée. Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre, en application de l'article L. 5552-17 du code des transports, les dispositions réglementaires permettant l'attribution du bénéfice pour le calcul de leur pension, de la bonification prévue par l'article L. 11 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance aux titulaires de pensions relevant de ce code ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc et accompli à ce titre des services militaires en période de guerre, en fonction de la nature et de la durée de ces services, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision. Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Ludovic A, au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Conseil d'Etat