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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre bis (formation à 3), 09/11/2022, 20BX02610, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'avis de sommes à payer valant titre exécutoire du 17 mai 2018 émis par la direction départementale des finances publiques de la Vienne d'un montant de 9 780,69 euros. Par un jugement n° 1801527 du 10 juin 2020 le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'avis des sommes à payer émis le 17 mai 2018 et déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme de 9 780,69 euros. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20BX02610 les 11 août 2020 et 21 octobre 2021, le groupe hospitalier Nord Vienne, représenté par la SCP KPL avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1801527 du 10 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ; 2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le groupe hospitalier Nord Vienne soutient que : - le titre exécutoire émis le 17 mai 2018 et le bulletin de salaire du mois de mai 2018 ont permis à Mme A... de connaître les bases de liquidation de la créance dont le paiement était demandé ; - conformément à l'article L. 90 du code des pensions civiles et militaires, une personne placée en retraite pour invalidité imputable au service a droit au versement de sa pension de retraite à compter du jour où elle a cessé son activité, soit le jour de sa radiation des cadres ; dans ces conditions, un agent radié des cadres ne peut prétendre au versement d'un traitement et d'indemnités de fonction afférentes à l'absence de tout service fait et le directeur du groupe hospitalier était alors en situation de compétence liée pour poursuivre le remboursement des sommes indûment et illégalement versées, surtout si, corrélativement, l'agent a perçu une pension de retraite pour invalidité pour la même période ; la date d'admission provisoire à la retraite de Mme A... ayant été fixée au 6 octobre 2017, l'intéressée ne pouvait prétendre au versement d'un salaire à compter de cette date ; - le titre exécutoire émis le 17 mai 2018 ne constitue pas une décision valant retrait illégal d'une décision individuelle créatrice de droits qui serait contenue dans la lettre du 15 novembre 2017 qui informait Mme A... que son traitement lui serait maintenu jusqu'à l'avis de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales sur sa mise à la retraite. Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Gand, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du groupe hospitalier Nord Vienne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués par le groupe hospitalier Nord Vienne ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B... C..., - les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public, - les observations de Me Kolenc, pour le groupe hospitalier Nord Vienne. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a été recrutée à compter du 1er octobre 2001 en qualité d'ouvrier professionnel qualifié contractuel par le centre hospitalier Camille Guérin de Châtellerault (Vienne), devenu groupe hospitalier Nord Vienne, puis titularisée le 17 juillet 2007. Par décision du 18 juin 2012 de l'établissement de santé, la cervicalgie dont était atteinte Mme A... a été reconnue imputable au service à compter du 1er décembre 2011. Cette pathologie étant de plus en plus invalidante, le groupe hospitalier Nord Vienne a informé Mme A..., par courrier du 15 novembre 2017, de son placement d'office à la retraite pour invalidité à compter du 6 octobre 2017 et du maintien de son traitement dans l'attente de l'avis de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) sur sa mise à la retraite. Après que cette dernière a émis, le 18 avril 2018, un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité de Mme A..., l'établissement de santé, par un titre exécutoire émis le 17 mai 2018, a demandé à cette dernière la restitution de l'indu de rémunération perçu entre octobre 2017 et mai 2018 à hauteur de 9 780,69 euros. Le groupe hospitalier Nord Vienne relève appel du jugement n° 1801527 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire émis le 17 mai 2018 et déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme de 9 780,69 euros. Sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par le tribunal : 2. Pour annuler le titre exécutoire émis le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a retenu, en premier lieu, que ni ce titre ni aucun autre document ne permettaient à Mme A... de connaître la base de liquidation et les éléments de calcul sur lesquels le groupe hospitalier Nord Vienne s'était fondé pour mettre la somme en cause à sa charge. 3. Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les dispositions du titre Ier du présent décret sont applicables aux administrations publiques (...) mentionnées aux 1° à 5° suivants (...) : (...) 3° Les établissements publics de santé (...) ". Selon l'article 24 du même décret : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de liquidation ". Pour satisfaire à ces dispositions, un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. 4. Le titre exécutoire en litige du 17 mai 2018 comporte seulement, dans la rubrique " désignation ", la mention : " retraite au 06/1018-05/18 - UF 1010 Standard et accueil ". Ce titre n'explicite pas les modalités de calcul de la créance réclamée à Mme A... et ne comporte aucune référence précise à un document, indiquant les bases de liquidation et les éléments de calcul retenus, dont cette dernière aurait antérieurement reçu notification. Si le groupe hospitalier Nord Vienne soutient que, outre le titre exécutoire du 17 mai 2018, Mme A... a été destinataire de son bulletin de salaire du mois de mai 2018, lequel détaillerait les bases de la liquidation de la créance, il résulte toutefois de l'instruction que le titre ne comportait, en tout état de cause, aucune référence précise à ce bulletin de salaire. Ainsi, l'état exécutoire litigieux est irrégulier faute de préciser, directement ou par référence, les bases de liquidation et les éléments de calcul retenus, et c'est dès lors à bon droit que les premiers juges l'ont annulé pour ce motif. 5. Pour annuler le titre exécutoire en litige, le tribunal administratif de Poitiers a, en second lieu, estimé que le groupe hospitalier Nord Vienne ne pouvait procéder légalement au rappel de la somme en litige en raison des droits que Mme A... a acquis de la décision de l'établissement de maintenir sa rémunération dans l'attente de l'avis de la CNRACL. 6. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service (...) Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 7. Aux termes de l'article 2 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " (...) L'admission à la retraite est prononcée, après avis de la caisse nationale des retraites des collectivités locales, par l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination. ". Aux termes de l'article 30 du même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) ". L'article 31 du même décret prévoit que : " (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. (...) ". 8. Il résulte des dispositions précitées que le fonctionnaire qui bénéficie d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service consécutive à un accident reconnu imputable au service a droit au versement de l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. S'il se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions, il doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. Il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent. En l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement. 9. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'avis émis le 5 octobre 2017 par la commission de réforme, qui a estimé que Mme A... était inapte totalement et définitivement à toutes fonctions, ce qui justifiait sa mise à la retraite pour invalidité, le groupe hospitalier Nord Vienne a décidé, par un courrier du 15 novembre 2017, de placer cette dernière en retraite d'office pour invalidité à compter du 6 octobre 2017, sous réserve de l'avis favorable de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Par ce même courrier du 15 novembre 2017, l'établissement a décidé, en se référant aux dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, de maintenir la pleine rémunération de Mme A... pendant le temps de l'instruction de son dossier par la CNRACL. Ainsi, ce courrier du 15 novembre 2017 présentait, pour Mme A..., le caractère d'une décision créatrice de droits. 10. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'avis favorable de la CNRACL du 18 avril 2018 à la mise à la retraite pour invalidité de Mme A..., le directeur du groupe hospitalier a, par une décision du 19 avril 2018, prononcé cette mise à la retraite à compter du 6 octobre 2017. Contrairement à ce que soutient le groupe hospitalier, l'application rétroactive de la décision du 19 avril 2018 n'était pas nécessaire pour placer dans une situation régulière Mme A..., qui était en congé pour invalidité temporaire imputable au service entre octobre 2017 et avril 2018. Ainsi, en donnant à sa décision de mise à la retraite une portée rétroactive, le directeur du groupe hospitalier a commis une illégalité. Il s'ensuit que le groupe hospitalier n'est pas fondé à soutenir, pour justifier du bien-fondé du titre exécutoire, que Mme A... ne pouvait légalement cumuler, entre octobre 2017 et mai 2018, la rémunération dont elle a continué à bénéficier avec une pension de retraite. De plus, la rémunération versée à Mme A... pendant la période précitée ne présentait pas un caractère provisoire dès lors qu'elle résulte de l'application des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et restait en conséquence acquise à l'agent. 11. Enfin, l'avis conforme de la CNRACL prévu à l'article 31 précité du décret du 26 décembre 2003 a seulement pour objet de faire obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination puisse décider la mise à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire lorsque la demande présentée à ce titre n'est pas fondée ou que l'intéressé n'a pas droit à pension. En cas d'avis favorable de la CNRACL, cette autorité, à laquelle appartient le pouvoir de décision, n'est pas tenue de mettre l'agent à la retraite. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le groupe hospitalier Nord Vienne, l'avis favorable de la CNRACL du 18 avril 2018 ne l'a pas placé en situation de compétence liée pour prononcer la mise à la retraite de Mme A... à compter du 6 octobre 2017. 12. Il résulte de ce qui précède que le groupe hospitalier Nord Vienne ne pouvait procéder légalement, par le titre exécutoire du 17 mai 2018, au rappel de la somme litigieuse de 9 780,69 euros. 13. Il résulte de tout ce qui précède que le groupe hospitalier Nord Vienne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 17 mai 2018 et déchargé Mme A... de l'obligation de payer cette somme de 9 780,69 euros. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le groupe hospitalier Nord Vienne au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupe hospitalier Nord Vienne une somme de 1 500 euros à verser à Mme A..., en application de ces mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête du groupe hospitalier Nord Vienne est rejetée. Article 2 : Le groupe hospitalier Nord Vienne versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier Nord Vienne et à Mme D... A.... Délibéré après l'audience du 17 octobre 2022 à laquelle siégeaient : M. Frédéric Faïck, président, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, Mme Pauline Reynaud, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022. La rapporteure, Pauline C...Le président, Frédéric Faïck La greffière, Angélique Bonkoungou La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 20BX02610 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/11/2022, 20BX02878, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Saint-Denis d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90 ° et de l'antépulsion à 30° ". La procédure a été transmise au tribunal administratif de La Réunion. Par un jugement n° 1901754 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 22 juillet 2016 en tant qu'elle impute l'infirmité à une maladie contractée en temps de paix sans recherche de son origine et fixe le taux d'invalidité à 10 %, a jugé que l'infirmité dont se prévaut Mme C... trouve son origine dans une maladie en lien direct avec l'accident dont elle a été victime le 14 octobre 2009 et justifie d'un taux d'invalidité de 15 %, et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 28 août 2020 et un mémoire enregistré le 5 novembre 2020, la ministre des armées demande à la cour de réformer ce jugement et de juger que l'infirmité " tendinopathie séquellaire du supra-épineux épaule droite " relève d'une maladie contractée en temps de paix, dont le taux d'invalidité de 10 % est inférieur au minimum indemnisable. Elle soutient que : - la décision de rejet porte sur une " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90° et de l'antépulsion à 30° ", le premier expert a conclu en 2016 à une " raideur moyenne non compensée par l'omoplate " de 20 % avec une majoration de 10 % pour la douleur, et l'expert judiciaire a retenu en 2018 une " tendinopathie post-traumatique du sus-épineux épaule droite " au taux de 15 % ; en s'abstenant de préciser l'intitulé de l'infirmité dans le dispositif, le tribunal a statué d'une manière imprécise et méconnu son office de juge de plein contentieux ; - le tribunal a retenu que l'infirmité trouve son origine dans une maladie et que le taux d'invalidité est de 15 %, en contradiction avec les dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui imposent un taux minimum de 30 % pour ouvrir droit à pension lorsque les infirmités résultent de maladies ; - la douleur à l'épaule droite ressentie le 14 octobre 2009 n'a pas donné lieu à un arrêt de travail, l'examen clinique du 23 novembre 2009 était normal, et aucun suivi ni aucune restriction particulière en lien avec une gêne de l'épaule droite n'ont été portés au dossier jusqu'au départ en retraite de Mme C... en 2013 ; le diagnostic de tendinopathie séquellaire du sus-épineux a été confirmé par les deux expertises, et l'invalidité correspondante a été justement évaluée à 10 % par l'administration, ce qui est inférieur au minimum de 30 %, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de rechercher l'origine de l'infirmité ; le tribunal a opéré une confusion entre les notions de maladie et de blessure, ce qui l'a conduit à tort à accorder un droit à pension pour une maladie avec un taux d'invalidité de 15 % ; - les éléments du dossier médico-administratif ne permettent pas de retenir une blessure comme le revendique Mme C... ; - elle s'en remet à la sagesse de la cour sur la demande subsidiaire de Mme C... tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise. Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2020, Mme C..., représentée par la SELARL Ker Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, à titre principal de réformer le jugement en tant qu'il a retenu que l'infirmité trouve son origine dans une maladie et de juger que l'infirmité résulte de blessures et ouvre droit à une pension au taux de 30 %, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise. Elle fait valoir que : - l'accident du 14 octobre 2009 a bien été à l'origine d'une blessure dont elle conserve des séquelles ; le lien entre cet accident et la lésion de tendinopathie post-traumatique du sus-épineux de l'épaule droite a été reconnu par l'expert judiciaire ; le taux d'invalidité ouvrant droit à pension est ainsi de 10 % et non de 30 % comme l'a retenu le tribunal ; - en l'espèce, l'expert de l'administration a retenu un taux de 30 %, plus pertinent que le taux de 15 % fixé par l'expert judiciaire dès lors qu'elle est droitière et que l'infirmité la gêne dans la plupart des tâches quotidiennes ; - à titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à ses demandes, il conviendrait d'ordonner une nouvelle expertise. Par ordonnance du 15 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2021. Par lettre du 12 septembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de l'appel de la ministre des armées dès lors que le jugement, qui rejette la demande de pension de Mme C..., ne fait pas grief à l'Etat. Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées par le ministre des armées le 23 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. 1. Mme C..., aide-soignante au service de santé des armées sous contrats successifs, puis admise à l'état de sous-officier de carrière à compter du 31 décembre 1991 et radiée des cadres pour atteinte de la limite d'âge à compter du 19 février 2013 au grade d'aide-soignante de classe exceptionnelle, a déposé le 10 mai 2011 une demande de pension militaire d'invalidité pour une blessure à l'épaule droite, consécutive à un accident du travail du 14 octobre 2009 inscrit au registre des constatations et blessures. L'expert missionné par l'administration a retenu un taux d'invalidité imputable au service de 30 %, dont 20 % pour une raideur moyenne de l'épaule et 10 % de majoration pour la douleur. Par une décision du 22 juillet 2016, le ministre, suivant l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, a rejeté la demande de pension en retenant une infirmité de " périarthrite de l'épaule droite chez une droitière : limitation de l'abduction à 90° et de l'antépulsion à 30° " au taux de 10 %, inférieur au minimum indemnisable de 30 % pour une maladie contractée en temps de paix, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'en rechercher l'origine. 2. Mme C... a saisi le tribunal des pensions militaires de Saint-Denis, lequel a ordonné une expertise médicale par un jugement avant dire droit du 13 mars 2018. L'expert judiciaire a retenu un taux de 15 % pour une " tendinopathie post-traumatique du sus-épineux de l'épaule droite chez une droitière ", en lien avec l'accident du 14 octobre 2009. Par un jugement du 29 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion, auquel l'affaire avait été transférée en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée, a annulé la décision du ministre de la défense du 22 avril 2016 en tant qu'elle impute l'infirmité à une maladie contractée en temps de paix sans recherche de son origine et fixe le taux d'invalidité à 10 %, a substitué à ce fondement du refus celui tiré de ce que " l'infirmité dont se prévaut Mme C... trouve son origine dans une maladie en lien direct avec l'accident dont elle a été victime le 14 octobre 2009 et justifie d'un taux d'invalidité de 15 % ", et a rejeté le surplus de la demande. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Mme C... demande à la cour, à titre principal de réformer ce jugement et de juger que l'infirmité résulte de blessures et ouvre droit à une pension au taux de 30 %, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise. 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite (...) d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / (...). " 4. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, le tribunal n'a pas accordé un droit à pension pour une maladie avec un taux d'invalidité inférieur à 30 %, mais au contraire a rejeté la demande de pension de Mme C..., en substituant, comme base légale du refus, le 2° de l'article L. 4 au 3° du même article retenu par la décision initiale, l'ouverture du droit à pension étant conditionnée dans les deux cas par un taux d'invalidité de 30 % dont les premiers juges, comme l'administration, ont estimé qu'il n'était pas atteint. Par suite, et alors même qu'il a annulé partiellement la décision du 22 juillet 2016 dans son dispositif alors qu'il aurait dû se borner à rejeter la demande de Mme C..., le jugement ne fait pas grief à l'Etat, et l'appel de la ministre des armées est irrecevable. 5. L'irrecevabilité de l'appel principal du ministre des armées entraîne, par voie de conséquence, celle de l'appel incident de Mme C.... DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées et les conclusions d'appel de Mme C... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme A... D... épouse C.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX02878
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 25/10/2022, 21NT00908, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905780 du 15 février 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021, Mme B..., représentée par Me Ledoux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2021 ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le lien entre le décès et la maladie est certain même s'il n'est pas unique ; l'absence de lien exclusif ne peut justifier le refus de prise en charge ; - le lien entre la pathologie et le service est établi ; - son exposition à l'amiante dans le cadre professionnel est établi. Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2021 le ministre de la défense conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience et ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique Considérant ce qui suit : 1. M. B..., maitre principal dans la marine nationale radié des contrôles le 2 avril 1997, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif, concédée par arrêté ministériel du 15 mai 2017, à compter du 22 mars 2016, au taux global de 30 pour cent pour 1'infirmité " plaques pleurales bilatérales asbestosiques ". Il est décédé le 8 août 2017 à l'âge de 71 ans. Mme B... a sollicité le 26 août 2017 une pension de conjointe survivante. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par décision du 18 décembre 2017. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2017. 2. Aux termes de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le droit à pension est ouvert au conjoint ou partenaire survivant mentionnés à l'article L. 141-1 : / (...) / 3° Lorsque le décès du militaire résulte de maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit. ". Aux termes de l'article R. 153-2 du même code : " Les demandes de pension, formulées par les conjoints ou partenaires survivants ou les orphelins de militaires dont le décès n'est pas survenu lors de l'accomplissement du service, et dans les cas où l'invalide n'était pas titulaire d'une pension d'au moins 85 % permettant d'ouvrir droit à pension au taux normal, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné le militaire ou l'ancien militaire pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. Le rapport mentionné à l'alinéa précédent fait ressortir d'une façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service. Les postulants à pension doivent fournir tous documents utiles pour établir la filiation médicale entre l'affection, cause du décès, et les blessures ou maladies imputables au service dans les conditions définies aux articles L. 121-1 et L. 121-2. ". 3. Lorsque le demandeur d'une pension ne peut, comme en l'espèce, du fait que l'affection invoquée n'a pas été constatée par un document émanant de l'autorité militaire dans les délais prescrits rappelés au point précédent, bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il lui incombe d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Il peut, à cet égard, faire état de son exposition à un environnement ou à des substances toxiques, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. S'il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui a affecté le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 4. Il résulte de l'instruction, en particulier du certificat médical d'un pneumologue en 2015, que M. B... souffrait d'un carcinome broncho-pulmonaire micro cellulaire en rapport avec l'amiante. 5. Il résulte de l'instruction que, sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord et ces matériaux d'amiante ont tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. 6. M. B... a servi dans la marine nationale entre 1967 et 1986 dans la spécialité de missilier artilleur, sur des bâtiments effectuant des missions de longue durée comportant des équipements renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages, comme cela ressort de l'attestation en date du 25 octobre 2016 du directeur du personnel militaire de la marine. M. B... était d'ailleurs titulaire d'une pension d'invalidité pour l'infirmité " plaques pleurales bilatérales asbestosiques " en lien direct avec l'amiante inhalée, au taux de 30%, confirmant une exposition effective et intense à cette substance cancérogène. Enfin, Mme B... a produit une attestation du fonds d'intervention des victimes de l'amiante mentionnant le lien entre le cancer broncho-pulmonaire dont il était atteint et l'exposition de son mari à l'amiante. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu, d'une part, du lien, admis par la science, entre l'exposition à l'amiante et les cancers bronchiques, d'autre part, des éléments établissant que M. B... a été exposé pendant près de vingt ans à un environnement professionnel à forte présence d'amiante ainsi que des conditions dans lesquelles il exerçait ses fonctions, la preuve de l'imputabilité au service de sa pathologie doit être regardée comme établie sans que l'administration compte tenu du faisceau d'indices réunis puissent se borner à opposer l'absence de production du rapport médico-légal mentionné à l'article R. 153-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. En l'état du dossier, l'administration n'établit pas que d'autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie cause du décès. Ainsi, Mme B... pouvait bénéficier d'une pension au titre du décès de son mari dans les conditions prévues à l'article R. 153-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905780 du 15 février 2021 du tribunal administratif de Rennes et la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité sont annulés. Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Giraud, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. Le rapporteur, T. A... Le président, O. GASPON Le greffier, S. PIERODE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT00908
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 08/11/2022, 19VE03972, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé la révision de sa pension en raison de l'aggravation de sa perte auditive. Par un jugement du 27 mars 2018, le tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté cette demande. Par un arrêt n° RG18/02426 du 25 janvier 2019, la cour régionale des pensions de Versailles a, sur appel de M. C..., infirmé ce jugement et ordonné une expertise médicale. Par une décision n° 429275 du 3 juillet 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le ministre des armées, a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions de Versailles du 25 janvier 2019 et a renvoyé l'affaire devant la cour régionale des pensions de Versailles. La cour régionale des pensions de Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Versailles, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par M. C... enregistrée à son greffe le 28 mai 2018. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 28 mai 2018, 26 juin 2018, 23 novembre 2018, 25 septembre 2019, 29 août 2022, et 10 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Puech, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2018 du tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine ; 2°) d'annuler la décision du 10 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé la révision de sa pension militaire d'invalidité pour hypoacousie ; 3°) de mettre à la charge de tout succombant le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - son hypoacousie n'est pas récente, plusieurs documents en font état depuis 1961 ; - le tribunal n'a pas tenu compte de l'audiogramme de l'hôpital Simone Veil indiquant un taux d'invalidité de 10 %, suffisant pour avoir droit à une pension d'invalidité ; - la commission consultative médicale a commis des erreurs ; - même si son hypoacousie pouvait être considérée comme une infirmité nouvelle, sa demande est recevable dès lors que son infirmité préexistante en est la cause directe et déterminante ; - le lien entre sa perte d'audition et les activités de service est établi ; - l'autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée dès lors qu'en matière médicale, les situations évoluent et les pathologies sont parfois décelables plusieurs années après le fait générateur, et que la cour régionale des pensions a jugé que l'aggravation de la perte auditive faisait obstacle à l'autorité de la chose jugée. Par des mémoires en défense enregistrés les 24 septembre 2018, 4 juin 2019, 3 octobre 2019 et 27 septembre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - M. C... a déjà demandé à plusieurs reprises la prise en compte de son hypoacousie dans la fixation de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie ; la cour régionale des pensions de Versailles a jugé le 1er décembre 2015, que cette affection n'avait pas pour cause le traumatisme sonore subi en 1961 ; le tribunal a donc jugé à bon droit que cette demande avait été jugée définitivement ; il n'est plus possible de remettre en cause ce qui a été jugé ; - l'aggravation récente de l'hypoacousie dont souffre le requérant ne peut être lié au traumatisme subi 50 ans auparavant ; M. C... bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... bénéficie depuis 1987 d'une pension militaire d'invalidité au taux de 25 % pour acouphènes à la suite d'un traumatisme sonore subi en 1961 pendant son service militaire en Algérie. En 1988, il a sollicité une révision de sa pension, que l'administration lui a refusée, mais par un arrêt du 3 mars 1994, la cour régionale des pensions de Versailles a fait droit à sa demande de révision de sa pension pour que soient pris en compte des vertiges de type rotatoire survenant par crise, liés à l'accident subi en 1961. En 1995 sa pension militaire d'invalidité a été fixée au taux global de 40 %, dont 25 % pour les acouphènes permanents et 15 % au titre des vertiges de type rotatoire survenant par crise. En 2011, M. C... a sollicité une nouvelle révision de sa pension pour hypoacousie, qui a été refusée. Par un arrêt du 1er décembre 2015, devenu définitif, la cour régionale des pensions de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine refusant sa demande d'annulation de la décision ministérielle refusant la révision de sa pension. En novembre 2014, M. C... a de nouveau sollicité une révision de sa pension pour hypoacousie, qui a été refusée par une décision du ministre de la défense du 10 avril 2017. Le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté par un jugement du 27 mars 2018 sa demande d'annulation de la décision ministérielle du 10 avril 2017. La cour régionale des pensions de Versailles, saisie par M. C... a annulé ce jugement et ordonné une expertise. Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le ministre des armées a annulé cet arrêté et renvoyé l'affaire à la cour. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Il résulte de ces dispositions qu'au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. 3. Pour rejeter le 10 avril 2017 la demande de révision de pension militaire d'invalidité présentée par M. C... le 28 novembre 2014, le ministre de la défense a considéré que l'infirmité invoquée de baisse d'audition bilatérale n'était pas imputable au service car postérieure. Si M. C... conteste le caractère récent de son hypoacousie et soutient qu'elle est directement imputable aux exercices d'entraînement intensif au tir effectués lors de son service militaire effectué en Algérie dans un régiment d'artillerie anti aérienne en 1960 et 1961, que son hypoacousie est mentionnée dans le bulletin de visite dès 1961 ainsi que dans des certificats médicaux de 1984, 1991, 1992 et 1993, qu'elle s'est aggravée, et que la commission consultative médicale s'est fondée sur des documents comportant des erreurs, il est toutefois constant que par un arrêt du 1er décembre 2015, la cour régionale des pensions de Versailles a jugé que l'hypoacousie invoquée par M. C... pour demander la révision de sa pension d'invalidité n'était pas liée au traumatisme sonore subi en 1961, et que cet arrêt est devenu définitif. Dès lors que la demande de M. C... porte sur la même affection, son hypoacousie, qu'il impute au traumatisme sonore subi en 1961, et sur le même fondement juridique, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 1er décembre 2015 de la cour régionale des pensions de Versailles fait obstacle à ce que la décision du ministre de la défense du 10 avril 2017 refusant la demande de révision de pension militaire d'invalidité soit annulée. 4. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être également rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, Mme Bonfils, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022. La rapporteure, A-C. B...Le président, S. BROTONSLa greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 19VE03972
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 08/11/2022, 19VE03977, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions des Hauts-de-Seine d'annuler la décision du ministre de la défense du 21 octobre 2016 lui refusant la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son hypoacousie. Par un jugement n° 17/00003 du 12 juillet 2019, le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande. La cour régionale des pensions de Versailles, saisie le 23 juillet 2019, a transmis Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Versailles, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête de M. A.... Procédure devant la cour : Par cette requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 6 mars 2021 et 6 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Rochefort, avocate, demande à la cour : 1°) avant dire droit, de désigner un expert, pour déterminer l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale et des acouphènes et de fixer en conséquence les taux d'invalidité selon le guide barème de PM ; 1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2019 ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la défense de 21 octobre 2016 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre une décision reconnaissant l'aggravation de son infirmité et révisant sa pension pour aggravation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement n'est pas motivé pour comprendre le taux de 45 % d'invalidité retenu pour l'hypoacousie ; - la décision du 21 octobre 2016 est entachée d'incompétence négative ; - l'aggravation est imputable à la seule hypoacousie déjà pensionnée ; - une aggravation même due au vieillissement peut justifier une révision de la pension d'invalidité ; - le taux initial d'invalidité pour l'hypoacousie est de 35 % et non de 45 % retenu à tort par le tribunal. Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mai et 8 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la requête est irrecevable car elle a été déposée plus de deux mois après la décision du bureau d'aide juridictionnelle ; - le taux d'aggravation de l'infirmité est de 5 % et donc inférieur au minimum de 10 points permettant la révision de la pension ; - le taux global d'invalidité de 45 % ne regroupe pas deux infirmités, hypoacousie et acouphènes mais est celui de l'hypoacousie bilatérale avec audioprothèse gauche ; une part documentaire de 10 % non indemnisable a été retenue. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique, - et les observations de Me Rochefort pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., engagé dans l'armée de terre en 1949, a été blessé en service en 1953 en Indochine, puis en 1957, et en 1972. En 1993, une pension militaire d'invalidité lui est attribuée, notamment pour hypoacousie. Le 31 octobre 2014, il en a demandé la révision pour aggravation de son hypoacousie. Par une décision du 21 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que l'aggravation est étrangère au service. Le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine, après avoir ordonné une expertise, a rejeté la demande présentée par M. A... au motif que l'aggravation de l'hypoacousie était inférieure au seuil de 10 points permettant la révision de la pension militaire d'invalidité. M. A... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". M. A... soutient que le jugement ne permet pas de comprendre comment les premiers juges ont abouti à un taux d'invalidité initial de 45 %, et s'ils ont additionné deux infirmités distinctes, l'hypoacousie et les acouphènes. Il ressort toutefois de l'examen du jugement attaqué que le moyen tiré du défaut de motivation du jugement manque en fait. Sur le bien-fondé du jugement : 3. En premier lieu, il ne ressort pas des termes de la décision du ministre de la défense du 21 octobre 2016 que ce dernier se serait senti lié par les différents avis médicaux rendus à la suite de la demande de révision de pension. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur à la date de la demande de révision de pension, devenu L. 154-1 : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée/Cette demande est recevable sans condition de délai./La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur./Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ". 5. Pour contester la décision attaquée, M. A... soutient que l'infirmité résultant de son hypoacousie, pensionnée au taux de 35 % s'est aggravée de plus de 10 %, pour atteindre 50 % selon l'expert judiciaire. 6. Il ressort des pièces du dossier et du " descriptif des infirmités ayant donné lieu à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité ", que si un taux de 35 % de degré d'invalidité est mentionné pour déterminer le taux de la pension qui sera concédée, il est toutefois détaillé, en face, dans le descriptif de cette infirmité, " une hypoacousie bilatérale avec audioprothèse gauche, (taux global de 45%, taux antérieur 10% documentaire) ", expliquant ainsi le taux de 35 % pouvant être pris en compte pour déterminer le taux de la pension militaire d'invalidité. Ainsi, le taux d'invalidité de M. A... entraîné par l'hypoacousie dont il souffrait était de 45 %, alors même que cette affection ne pouvait être prise en compte dans la détermination du taux de pension militaire d'invalidité qu'au taux de 35 %. Dans ces conditions, le taux d'invalidité de 50 % retenu par l'expert judiciaire pour l'hypoacousie, lequel ne déduit aucun taux antérieur, n'a augmenté que de 5 % par rapport au taux antérieur d'invalidité reconnu pour cette affection, soit une augmentation inférieure au taux de 10 % exigé par les dispositions rappelées ci-dessus. Par ailleurs M. A... ne peut se prévaloir d'un certificat médical relatif à sa perte d'audition au 11 mars 2021, soit postérieurement à sa demande de révision de pension présentée le 31 octobre 2014. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense ni d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal des pensions des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, Mme Bonfils, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022. La rapporteure, A-C. B...Le président, S. BROTONSLa greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N°19VE03977 2
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 2ème chambre, 27/10/2022, 453606, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une décision du 24 février 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de M. A... B... contre l'arrêt n° 18MA04962 du 13 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant seulement que cet arrêt a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'aggravation de sa pathologie lombaire. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. B..., et à la SCP Foussard, Froger, avocat de La Poste ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B..., ancien fonctionnaire de La Poste mis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 12 mars 2011, tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2012 par laquelle La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire, rejeté comme non fondées ses conclusions indemnitaires fondées sur la faute tirée de l'illégalité de cette décision et condamné La Poste à lui verser 10 000 euros en réparation des préjudices distincts de ceux couverts par l'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité résultant de la faute commise par celle-ci en s'abstenant de mettre en œuvre les recommandations de la médecine de prévention. Par un arrêt du 21 mars 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires. Par une décision du 24 février 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par M. B... contre cet arrêt en tant seulement qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'aggravation de sa maladie. 2. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 3. Il ressort des écritures d'appel que M. B... soutenait que La Poste avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'aggravation de sa pathologie lombaire alors, d'une part, que les modalités d'exercice de son activité avaient contribué à cette aggravation et, d'autre part, que cette pathologie est au nombre de celles pour lesquelles il existe une présomption d'origine professionnelle. En se bornant, pour écarter la responsabilité de La Poste à ce titre, à relever que celle-ci avait pu refuser à bon droit de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, et que les dispositions dont se prévalait l'intéressé pour invoquer une présomption d'imputabilité n'étaient pas applicables à sa situation, sans se prononcer sur l'imputabilité au service de l'aggravation de cette pathologie, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation. 4. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de l'aggravation de sa maladie. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par La Poste au même titre. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 13 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis par M. B... du fait de l'aggravation de sa maladie. Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille. Article 3 : La Poste versera une somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de La Poste présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à La Poste.ECLI:FR:CECHS:2022:453606.20221027
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/10/2022, 20TL04286, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier : 1°) d'annuler la décision du 8 août 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître imputable au service son accident du 6 septembre 2016 et d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître cette imputabilité ou de réexaminer sa situation ; 2°) d'annuler la décision du 8 août 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître imputable au service son accident du 16 novembre 2016 et d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître cette imputabilité ou de réexaminer sa situation ; 3°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 par lequel la ministre des armées lui a accordé un congé de longue durée non imputable au service du 28 novembre 2016 au 27 novembre 2018 et d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder un congé imputable au service pour cette période ou de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 1804813,1804814,1804815 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2018 et les décisions du 8 août 2018, et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 dans un délai de deux mois, et a rejeté le surplus des demandes de M. A.... Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 19 novembre 2020 sous le n° 20MA04286 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL04286, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2020 ; 2°) de rejeter l'intégralité des demandes de M. A.... Elle soutient que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit en ce que le tribunal s'est fondé sur des dispositions inapplicables de la loi du 11 janvier 1984 et a fait une surprenante application de la jurisprudence du Conseil d'Etat n° 407795 du 13 mars 2019 ; - il est entaché de plusieurs erreurs de fait et d'appréciation dès lors que les évènements survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 ne présentent pas le caractère d'accidents de service : les entretiens entre M. A... et son supérieur hiérarchique ne se sont pas déroulés dans des conditions anormales et relevaient de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; M. A... ne peut se prévaloir d'aucune circonstance particulière tenant à ses conditions de travail qui pourrait être à l'origine d'une dépression imputable au service ; en toute hypothèse, l'état antérieur préexistant de l'intéressé doit être pris en considération. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, M. A..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, conclut au rejet du recours, demande de confirmer le jugement du 18 septembre 2020 et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Il fait valoir que les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés : il a contracté un syndrome anxiodépressif en raison de ses conditions de travail et notamment des relations extrêmement tendues avec ses supérieurs ; il a été victime d'un choc émotionnel en lien avec l'exercice de ses fonctions justifiant que l'imputabilité au service soit reconnue ; le rapport d'expertise est entaché d'erreur de droit en ce qu'il mentionne la nécessité d'un lien unique avec les évènements des 6 septembre et 16 novembre 2016 ; la commission de réforme a commis une erreur d'appréciation en ne tenant pas compte des circonstances d'épuisement professionnel qui l'ont conduit à décompenser en réaction aux propos agressifs et menaçants de son supérieur hiérarchique ; il a fait l'objet d'une rétrogradation en 2016 et a été victime de dévalorisation professionnelle pendant près de deux ans, de mépris de son handicap et de conditions de travail épuisantes et anxiogènes ; le refus de lui octroyer un congé de longue durée imputable au service, ou un congé pour invalidité imputable au service, est entaché d'erreur d'appréciation au regard des certificats et rapports médicaux concordants. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement du recours de la ministre des armées. Par ordonnance du 14 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit: 1. M. A..., qui a exercé des fonctions de militaire au sein de l'armée de terre à compter du 1er février 1986, a été victime d'un accident de saut en parachute le 28 juillet 1994. Il a été reclassé au centre d'information et de recrutement des forces armées de Montpellier du 1er juillet 2001 au 15 septembre 2009, date de sa mise à la retraite. Il a ensuite été recruté en qualité d'adjoint administratif au sein du même service, au titre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, afin d'y exercer les fonctions de secrétaire. Le 28 novembre 2016, M. A... a déclaré avoir été victime d'un premier accident de service pour des faits survenus le 6 septembre 2016, puis d'un second accident de service pour des faits survenus le 28 novembre 2016. Par deux décisions du 8 août 2018, la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ces deux accidents. Le 20 février 2017, l'intéressé a sollicité son placement en congé de longue maladie. Par un arrêté du 6 août 2018, M. A... a été placé en congé de longue maladie considéré comme un congé de longue durée pendant un an à compter du 28 novembre 2016, puis en congé de longue durée pendant une nouvelle période d'un an allant jusqu'au 27 novembre 2018. Par un jugement du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2018 et les décisions du 8 août 2018, et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les décisions de refus de reconnaissance des accidents de service : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans ses dispositions applicables au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 3. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion ou une affection physique ou psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 4. Pour annuler les décisions du 8 août 2018 par lesquelles la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents déclarés par M. A... et survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016, les premiers juges ont estimé qu'il n'existait pas de circonstance permettant de détacher du service la survenance de ces accidents. Il ressort des pièces du dossier que le 6 septembre 2016, une signature de contrat collective de quarante nouvelles recrues était organisée par le centre d'information et de recrutement des forces armées de Montpellier, en présence de leurs familles, à laquelle participait M. A... en sa qualité de .... En fin de matinée, l'intimé a été convoqué par son supérieur hiérarchique pour un entretien devant se tenir le jour même à 16 heures dans le bureau du commandant du service. Il lui a été reproché son manque de rigueur, occasionnant des pertes de temps à l'assemblée. Le lendemain, M. A... a envoyé un courriel au commandant lui indiquant avoir été surpris et choqué par l'agressivité de son supérieur hiérarchique envers sa personne, en lui demandant de prendre les mesures nécessaires afin que ce type de comportement ne puisse se répéter. Il ressort toutefois du rapport établi par le colonel ... le 3 octobre 2017, qui n'est contredit par aucune pièce du dossier, que si le supérieur de M. A... a haussé le ton face au déni de l'intéressé à l'encontre des reproches qui lui étaient formulés, il s'est borné à lui signifier son mécontentement en raison du non-respect des échéances qui lui étaient fixées et de son comportement personnel tendant à se désolidariser de l'équipe, contraignant ses collègues à compenser ses manquements. Le 19 octobre 2016, M. A... a été informé de ce qu'il allait être reçu par le colonel ... dans les prochaines semaines afin d'être éclairé sur l'exercice de ses fonctions, son supérieur et son chef de centre lui rendant compte de difficultés relationnelles et d'une implication insuffisante dans son poste, nuisant aux performances du centre d'information et de recrutement des forces armées. Il ressort du rapport établi par le délégué syndical qui a accompagné M. A... lors de l'entretien qui s'est tenu le 16 novembre 2016, que l'intéressé a été convoqué pour s'exprimer sur des difficultés relationnelles suite à des remontées du centre d'information et de recrutement des forces armées, lesquelles étaient nombreuses aux dires du colonel qui a essayé de le faire parler sur son ressenti personnel, essayant d'en arriver à un point précis des difficultés relationnelles. Au cours de cet entretien, M. A... a fait part de façon détaillée de sa manière de servir, et évoqué une souffrance au travail liée à son handicap, lequel ne lui semblait pas suffisamment pris en compte. Le délégué syndical relate que vers la fin de l'entretien, M. A... s'est figé sur sa chaise en fermant les yeux durant une dizaine de secondes, rompant tout contact, avant de sortir du bureau pour en revenir entre 5 et 10 minutes plus tard. Si M. A... a été placé en arrêt de travail du 8 au 30 septembre 2016, en raison d'une récidive de lombosciatalgie gauche, puis à compter du 28 novembre 2016 en raison d'un syndrome anxio-dépressif par épuisement professionnel, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique aient été tenus tant par son supérieur direct que par le colonel ... lors des entretiens des 6 septembre et 16 novembre 2016. En outre, le rapport d'expertise du 29 janvier 2018, suivi par la commission de réforme, conclut à l'absence d'accident de service, du fait que ces évènements " n'ont pas de lien direct unique et certain avec le syndrome anxio-dépressif de M. A... ". Par suite, les évènements survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 ne peuvent être regardés comme présentant le caractère d'accidents de service. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens d'appel invoqués, que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions du 8 août 2018, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions énoncées à l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif. 7. Aux termes de l'article 26 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors en vigueur et abrogé le 24 février 2019 par le décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat : " (...) les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. (...) ". 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 9. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commission de réforme aurait disposé du rapport écrit du médecin de prévention attaché au service auquel M. A... appartenait. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que l'avis de la commission de réforme du 20 février 2018 a été émis au terme d'une procédure irrégulière. L'absence de consultation régulière de la commission de réforme a privé M. A... d'une garantie. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que les décisions en litige ont été prises en méconnaissance de l'article 26 du décret du 14 mars 1986. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. A..., que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ses décisions du 8 août 2018. En ce qui concerne l'arrêté de placement en congé de longue durée : 11. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans ses dispositions applicables au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de (...) maladie mentale, (...), de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) ". 12. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 13. Pour annuler l'arrêté du 6 août 2018 par lequel la ministre des armées a accordé à M. A... un congé de longue durée non imputable au service d'une durée de deux ans à compter du 28 novembre 2016, les premiers juges ont estimé que la seule circonstance que le psychiatre agréé ait noté dans son rapport du 15 juin 2018 que l'intéressé a présenté en novembre 2016 une décompensation anxio-dépressive en relation avec des difficultés professionnelles et dans un contexte de personnalité fragile ne suffisait pas à détacher les arrêts maladie du service, alors que le précédent rapport d'expertise rendu le 29 janvier 2018 avait relevé l'absence d'état antérieur psychiatrique de l'intéressé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a été victime d'un accident de saut en parachute le 28 juillet 1994 dont il conserve d'importantes séquelles. Il a été reconnu travailleur handicapé à un taux compris entre 50 et 79%, est titulaire d'une carte d'invalidité et bénéficiaire d'une pension militaire d'invalidité au taux initial de 25% porté à 35% à compter du 14 mars 2014. M. A... a ainsi demandé à plusieurs reprises la révision de sa pension en raison de l'aggravation de son état. A compter de ses demandes présentées les 12 août 2012 et 11 mars 2014, il a fait état d'un impact psychologique important sur sa vie professionnelle et familiale au quotidien, avant de solliciter la prise en compte du syndrome dépressif dû à la douleur occasionnée par l'infirmité pensionnée. Sa demande a été rejetée par le tribunal des pensions militaires de Montpellier par jugement du 11 décembre 2018 confirmé par la cour régionale des pensions militaires par un arrêt du 7 mai 2019, au regard notamment de l'existence d'autres pathologies dont souffre M. A.... Toutefois, les deux médecins experts désignés ont estimé, dans leurs rapports rendus les 28 septembre 2016 et 21 août 2018, que M. A... souffre d'un " syndrome dépressif consécutif aux conséquences directes de la chute neurologique et articulaire ", que " des répercussions psychologiques au long terme se sont installées au fil des années, en l'absence de toute sinistrose " pour le premier, et d'une " dépression chronique et invalidante " pouvant " être attribuée au handicap physique consécutif à l'accident de 1994, non pas tant du fait de ses conséquences physiques mais surtout tenant au fait que cet accident a contribué à l'invalider progressivement sur le plan professionnel et qu'il en a ressenti un sentiment d'exclusion sociale avec dévalorisation et baisse massive de l'estime de soi, le maintenant dans une impasse existentielle et un vécu de grande précarité psychique ". Au regard des éléments qui viennent d'être exposés, alors même que M. A... n'est suivi régulièrement par un psychiatre que depuis novembre 2016, la ministre des armées est fondée à soutenir que l'existence d'un état antérieur dépourvu de lien avec le service qui l'emploie depuis sa mise à la retraite doit être retenue. De son côté, M. A... expose qu'il a contracté un syndrome anxio-dépressif en raison de ses conditions de travail et notamment des relations extrêmement tendues avec ses supérieurs, évoquant une rupture intervenue après sa rétrogradation et son placement sous l'autorité hiérarchique du ..., ainsi qu'il ressort de la comparaison entre ses fiches de notation au titre des années 2015 et 2016. Il ressort cependant des pièces du dossier, notamment du rapport du colonel ... du 3 octobre 2017, que si une réorganisation du service est intervenue dans le courant de l'année 2015 à la faveur de recrutements supplémentaires, le chef de centre a choisi de réorganiser la fonction ... dont il est résulté une meilleure répartition des tâches administratives des conseillers en recrutement, et un allègement sensible de la charge de travail de M. A..., non sérieusement contesté par celui-ci. Il ne ressort d'aucune pièce que cette réorganisation soit à l'origine d'une rétrogradation de l'intéressé au seul motif que la fonction ... ait été placée sous l'autorité d'un .... S'il est constant que la fiche de notation de M. A... comporte des critiques sur sa manière de servir au titre de l'année 2016, l'ayant conduit à la contester devant le tribunal administratif de Montpellier, il ne ressort cependant d'aucune pièce que l'intéressé aurait été victime d'un contexte de dévalorisation professionnelle pendant près de deux ans, de mépris de son handicap et de conditions de travail épuisantes et anxiogènes. Ainsi, au regard de l'état antérieur de santé de M. A..., qui a sollicité la révision de sa pension d'invalidité en mars 2014 en évoquant notamment l'existence d'un syndrome dépressif en lien avec un syndrome douloureux chronique, la maladie contractée par l'intéressé ne peut être regardée comme étant imputable au service. 14. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 6 août 2018, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'imputabilité au service de la maladie dont est atteint M. A.... 15. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif. 16. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 2. L'imputabilité au service de l'affection entraînant l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier susvisée ; (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; 2. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ; 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; toutefois, s'il n'existe pas de commission locale ou si celle-ci n'est pas départementale, les deux représentants du personnel sont désignés par les représentants élus de la commission administrative paritaire centrale, dans le premier cas et, dans le second cas, de la commission administrative paritaire interdépartementale dont relève le fonctionnaire ; 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. / Le secrétariat de la commission de réforme départementale est celui du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. ". Aux termes de l'article 32 du même décret : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le dossier est soumis à la commission de réforme. Ce dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. La demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de la maladie. / La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. (...) ". 17. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 18. Il n'est pas contesté que M. A... a sollicité, le 20 février 2017, l'octroi d'un congé de longue maladie imputable au service en raison de la pathologie dont il souffre. Se fondant sur l'avis émis par le comité médical départemental le 4 juillet 2018, l'arrêté du 6 août 2018 a attribué à l'intéressé un congé de longue maladie considéré comme un congé de longue durée pendant un an à compter du 28 novembre 2016, suivi d'un congé de longue durée pendant une nouvelle période d'un an allant jusqu'au 27 novembre 2018. En l'absence de mention le précisant, cet arrêté doit être regardé comme ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. A.... Il est constant que la commission de réforme n'a pas été saisie de la demande de M. A.... Si la ministre a fait valoir que cette instance s'était déjà prononcée le 20 février 2018 sur l'imputabilité au service des accidents dont l'intéressé a indiqué avoir été victime les 6 septembre et 16 novembre 2016, la demande présentée par M. A... le 20 février 2017 avait toutefois un objet distinct. De plus, ainsi qu'il a été exposé au point 9, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commission de réforme aurait disposé du rapport écrit du médecin de prévention attaché au service auquel M. A... appartenait. Par suite, celui-ci est fondé à soutenir que l'arrêté du 6 août 2018 a été pris en méconnaissance des articles 13 et 32 du décret du 14 mars 1986, en l'absence de saisine de la commission de réforme et de la rédaction d'un rapport écrit du médecin de prévention attaché au service auquel il appartenait qui a privé M. A... d'une garantie. 19. Il résulte de ce qui précède, que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2018. Sur les conclusions à fin d'injonction : 20. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 septembre et 26 novembre 2016 ainsi que de la maladie de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et non comme l'a fait le tribunal d'enjoindre à l'administration de reconnaître cette imputabilité. Sur les frais liés au litige : 21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Il est enjoint au ministre des armées de procéder au réexamen des demandes de reconnaissance de l'imputabilité des accidents survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 ainsi que de la maladie de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 septembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions du recours de la ministre des armées est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 20TL04286 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de LYON, 6ème chambre, 13/10/2022, 21LY02612, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 1 350 783,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2016 et de leur capitalisation. D... un jugement n° 1905619 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 779 729,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019 et de leur capitalisation. Procédure devant la Cour : I - D... une requête, enregistrée le 30 juillet 2021, sous le n° 21LY02612, et un mémoire complémentaire enregistré le 2 décembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté D... la SELARLU Olivier Saumon avocat, membre de l'AARPI Jasper avocats, demande à la cour d'annuler le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant seulement qu'il a fixé le montant de l'indemnisation qu'il a été condamné à verser à Mme A... B... épouse C... à un montant excessif. Il soutient que : * l'indemnité afférente aux frais d'assistance D... tierce personne doit être allouée sous forme d'une rente viagère, s'agissant des frais futurs ; elle doit être diminuée des aides et prestations servies à la victime, à laquelle il doit être enjoint de produire tous justificatifs ; * l'indemnité afférente aux frais de logement adapté et aux frais d'aides techniques doit être limitée aux seuls lit et barres d'appui ; * le capital d'invalidité totale définitive perçu en exécution d'un contrat d'assurance passé avec la compagnie AGPM Vie devra être déduit du montant global de la condamnation. D... un mémoire enregistré le 21 mars 2022, Mme A... B... épouse C..., représentée D... la SELARL GERBI avocat, a produit des pièces. Un mémoire complémentaire, produit pour l'ONIAM et enregistré le 29 juin 2022, n'a pas été communiqué. II - D... une requête, enregistrée le 29 juillet 2021, sous le n° 21LY02615, Mme A... B... épouse C..., représentée D... la SELARL GERBI avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a limité à 779 729,48 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser ; 2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 1 438 403,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2018, eux-mêmes capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : * c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas retenu l'existence d'un préjudice de perte de gains professionnels et d'un préjudice d'incidence professionnelle ; * elle justifie D... ailleurs de préjudices indemnisables sous la forme d'un déficit fonctionnel temporaire, de souffrances endurées, d'un préjudice esthétique temporaire, de frais divers, d'un déficit fonctionnel permanent, d'un préjudice esthétique permanent, d'une nécessité d'assistance D... une tierce personne et d'un préjudice sexuel, pour lesquels le tribunal a retenu des évaluations insuffisantes. D... un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté D... la SELARLU Olivier Saumon avocat, membre de l'AARPI Jasper avocats, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce que les sommes allouées à Mme C... D... le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, soient réduites. Il soutient que : * les sommes allouées au titre de l'assistance D... une tierce personne doivent être réduites à hauteur des aides perçues à ce titre, qui devront être établies, et devront être versées sous forme de rente pour les frais futurs ; * les frais de logement adapté et d'aides techniques ne sont justifiés que pour le lit médicalisé et les barres d'appui ; * la somme perçue de la compagnie AGPM Vie, au titre d'un capital invalidité totale définitive, doit être déduite des montants alloués ; * pour le surplus, les moyens soulevés D... la requérante sont infondés. Un mémoire complémentaire, produit pour l'ONIAM et enregistré le 29 juin 2022, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : * le code des assurances ; * le code civil ; * le code de la santé publique ; * le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : * le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur, * les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique, * et les observations de Me Hemour représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B... épouse C..., née le 11 juin 1959, s'est vue diagnostiquer deux anévrismes situés au niveau de la terminaison du tronc basilaire et du siphon carotidien gauche. Deux opérations chirurgicales ont été effectuées au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble, le 14 octobre 2014 et le 31 mars 2015, pour traiter ces anévrismes. Lors de la seconde intervention, un accident vasculaire cérébral ischémique lié à la dissection de la paroi interne de la carotide a provoqué une hémiplégie droite accompagnée d'autres séquelles neurologiques. Saisie le 31 janvier 2017, et après une expertise médicale rendue les 8 et 27 mars 2018, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) Rhône-Alpes a rendu le 17 mai 2018 un avis dans le sens d'une indemnisation D... l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale. D... ordonnance n° 1900783 du 29 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... une provision de 685 260 euros, ramenée à 550 260 euros D... ordonnance n° 19LY04601 du 13 février 2020 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon. D... le jugement contesté du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 779 729,48 euros, sous déduction de la provision accordée. D... une première requête, l'ONIAM, qui ne conteste pas le droit à indemnisation, demande la réformation du jugement en ce qui concerne la seule évaluation de certains chefs de préjudice et le montant total alloué. D... une seconde requête, Mme C... demande également la réformation du jugement en tant seulement que le tribunal a apprécié l'existence et l'étendue de certains chefs de préjudice. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et présentant des questions communes à juger, il y a lieu de les joindre pour y statuer D... un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le droit à indemnisation : 2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé D... décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé D... décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé D... ledit décret. ". Aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis (...) ". 3. Il découle de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue D... ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé D... son état de santé en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. 4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise produit devant la CRCI de Rhône-Alpes que l'accident vasculaire cérébral ischémique survenu au cours de l'opération de radiologie interventionnelle effectuée sur Mme C... au CHU de Grenoble, constitue une complication connue mais rare dans les opérations de traitement des anévrismes intracrâniens. Cet accident médical non fautif a notamment entraîné un déficit fonctionnel permanent chez la victime, évalué à 85 %. D... suite, les critères d'anormalité et de gravité étant remplis, et au demeurant non débattus en cause d'appel, Mme C... a droit, en application des dispositions précitées du code de la santé publique, à la réparation intégrale D... l'ONIAM des préjudices en résultant, au titre de la solidarité nationale. En ce qui concerne les préjudices : 5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi devant la CRCI, que Mme C... est atteinte de séquelles graves, correspondant à un déficit fonctionnel permanent évalué à 85 %, et qui prennent la forme d'une hémiplégie droite partielle, entraînant difficultés à la préhension et la mobilité, ainsi que d'atteintes cognitives. S'agissant des préjudices patrimoniaux : 6. S'agissant des frais divers, aucune des parties ne conteste l'indemnité fixée D... le tribunal administratif de Grenoble à la somme de 2 048,48 euros, correspondant au remboursement de frais, en l'espèce utiles, d'honoraires d'un médecin conseil lors de l'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes pour 1 000 euros, et d'honoraires versés à un ergothérapeute pour des montants de 345,68 euros et 702,80 euros en vue de l'établissement d'un rapport d'expertise. 7. S'agissant des frais de logement adapté et des aides techniques, Mme C... a demandé le remboursement de diverses aides techniques et de frais d'adaptation de son logement, rendus nécessaires D... son handicap, en se fondant en particulier sur le rapport d'expertise d'un ergothérapeute établi à sa demande le 12 juin 2017. Si l'ONIAM oppose le caractère non contradictoire de ce rapport d'expertise privé, ainsi que l'absence de justificatifs d'acquisition des dispositifs visés, ledit rapport, sérieusement circonstancié et qui a été soumis au débat contradictoire dans le cadre contentieux, peut néanmoins servir, au terme de l'instruction, d'élément d'appréciation du préjudice invoqué. L'acquisition du lit médicalisé, du matelas, des barres d'appui, de l'attelle, de l'écharpe, de la planche de bains et du mitigeur est ainsi établie D... ce rapport, lequel justifie en outre de l'utilité de l'achat et du renouvellement des autres dispositifs, non sérieusement contestée D... l'ONIAM, au regard de la nature et de l'importance du handicap subi D... Mme C.... La circonstance que Mme C... soit concomitamment indemnisée des frais d'assistance D... tierce personne, qui relèvent d'un autre chef de préjudice, ne remet pas en cause la réalité des besoins d'adapter son logement et de disposer de certaines aides techniques, ces dépenses constituant un chef de préjudice distinct et dont la matérialité et la justification sont en l'espèce suffisamment établies. La dotation annuelle de 709 euros demandée pour assurer l'acquisition et le renouvellement des divers dispositifs est suffisamment justifiée D... le rapport circonstancié précité, qui dresse la liste des dispositifs déjà acquis et définit très précisément les dispositifs dont l'acquisition serait en l'espèce utile et nécessaire. Du 20 juin 2017, date de consolidation retenue D... les experts devant la CRCI de Rhône-Alpes, au 12 octobre 2022, date du présent arrêt, Mme C... a droit à ce titre à une indemnité de 3 768,38 euros. A compter de la présente décision, un capital de 16 680,64 euros lui sera D... ailleurs octroyé en appliquant un taux de capitalisation de 23,527 correspondant à la table de capitalisation établie en 2022 D... l'ONIAM et à la situation d'une femme de 63 ans, âge de la victime à la date du présent arrêt. 8. S'agissant des frais d'assistance D... tierce personne, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, D... référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues D... l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié D... les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'est pas contesté que Mme C... a eu besoin d'une assistance D... tierce personne non spécialisée, la gravité des séquelles subies justifiant que cette aide soit évaluée à hauteur de trois heures D... jour, tant avant qu'après consolidation. Si l'ONIAM reproche aux premiers juges de s'être fondés sur une attestation sur l'honneur établie D... Mme C... selon laquelle elle ne percevrait pas la prestation compensatrice du handicap, celle-ci produit en cause d'appel une attestation en ce sens de la direction des personnes âgées, personnes handicapées (DPAPH). Si Mme C... demande l'application d'un taux horaire de 23 euros, sur un total annuel de 400 jours, elle n'apporte toutefois aucun justificatif d'un recours à une aide à domicile à ce tarif. Il découle du point précédent qu'il y a donc lieu de retenir un taux équivalent au salaire minimum de croissance augmenté des cotisations patronales dues D... l'employeur et majorées pour les dimanches et jours fériés et tenant compte des congés payés en se fondant sur une année de 412 jours. S'agissant des frais d'assistance D... tierce personne temporaire, soit du 3 mars 2016 au 20 juin 2017, en appliquant un taux horaire de 14 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant la somme de 22 471,50 euros. S'agissant du même chef de préjudice entre la date de consolidation et celle du présent arrêt, soit du 21 juin 2017 au 12 octobre 2022, en appliquant le même taux horaire de 14 euros, la victime devra se voir octroyer la somme de 91 924,54 euros. S'agissant, enfin, des frais futurs, en retenant un taux journalier porté à 15 euros, sur 412 jours et pour trois heures D... jour, eu égard à l'âge de la victime, et en l'absence d'aides ou de prestations versées à la victime, il y a lieu de condamner l'ONIAM à verser un capital de 436 190,58 euros, correspondant à l'application du taux précité de capitalisation de 23,527. 9. S'agissant de la perte de gains professionnels, Mme C... expose qu'elle exerçait l'activité d'agent de caisse. Elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement en mai 2016. Elle demande la réparation de la perte de revenus résultant de la différence entre ses anciens revenus salariaux et les revenus de remplacement qu'elle a perçus. Il résulte de ses déclarations de revenus et de ses avis d'imposition qu'elle a perçu 19 141 euros au titre des revenus 2011 déclarés en 2012, 17 014 euros pour ceux de 2012 déclarés en 2013, 16 337 euros pour ceux de 2013 déclarés en 2014 et 13 598 euros pour ceux de 2014 déclarés en 2015. Compte tenu de la dégradation régulière et continue de ses revenus salariaux, elle doit être regardée comme percevant, au moment de l'accident médical, un revenu mensuel de 1 133,17 euros, calculé au vu de ses derniers revenus annuels établis. Elle fait valoir qu'au titre des revenus de 2016 déclarés en 2017, elle a perçu 5 582 euros de salaires et 8 504 euros de pensions, retraites et rentes, soit un montant total de 14 086 euros, couvrant ainsi intégralement ses pertes de revenus. Au titre des revenus de 2017 déclarés en 2018, elle a perçu 56 euros de traitements et salaires et 11 363 euros de pensions, retraites et rentes, soit un montant total de 11 419 euros. Elle établit ainsi, au titre de cette année, une perte de revenus de 2 179 euros. Au titre des revenus de 2018 déclarés en 2019, elle a perçu 11 264 euros de pensions d'invalidité, soit une perte de revenus de 2 334 euros. Au titre des revenus de 2019 déclarés en 2020, elle a perçu la somme de 11 307 euros, soit une perte de revenus de 2 291 euros. Enfin, au titre des revenus de 2020, elle a perçu la somme de 11 386 euros, soit une perte de revenus de 2 212 euros. Elle justifie ainsi d'une perte de revenus totale de 9 016 euros, dont elle est fondée à demander réparation. 10. En revanche, pour le surplus, le tribunal a constaté qu'en dépit de mesures d'instruction spécialement diligentées, la requérante ne lui a pas produit les éléments demandés sur les sommes versées D... des tiers-payeurs, de telle sorte qu'il ne résultait pas de l'instruction que d'autres pertes de revenus soient restées à sa charge. Dans le cadre de la présente instance d'appel, D... courrier en date du 13 juin 2022, la requérante a été à nouveau invitée à indiquer à la cour ses revenus perçus en 2020, 2021 et 2022, en produisant en particulier ses avis d'imposition et déclarations de revenus, et en produisant également son titre de pension de retraite faisant apparaître son montant mensuel, et une attestation sur la perception de l'allocation adulte handicapé. D... courrier en date du 6 septembre 2022, le conseil de la requérante a indiqué qu'il relançait sa cliente pour obtenir les documents utiles demandés, mais ils n'ont pas été produits. Dans ces conditions, la requérante ne peut être regardée comme établissant avoir subi un autre préjudice de perte de revenus qui serait resté à sa charge. 11. S'agissant de l'incidence professionnelle, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le principe de l'indemnisation de ce chef de préjudice en estimant que la victime ne serait plus susceptible d'exercer une activité professionnelle. Toutefois, l'existence d'un préjudice d'incidence professionnelle n'est nullement conditionnée à un retour à l'emploi mais peut également découler du préjudice tenant à la renonciation à exercer une activité professionnelle du fait du handicap. Compte tenu, en l'espèce, de l'âge de la victime à la date de consolidation, proche de l'âge de la retraite, ainsi que du type de poste occupé, il sera procédé à une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 5 000 euros. S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 12. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes, que Mme C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 15 avril 2015 au 2 mars 2016, puis un tel préjudice partiel, à un taux de 85 %, du 3 mars 2016 au 20 juin 2017, date de consolidation. En accordant la somme de 11 600 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas procédé en l'espèce à une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. 13. S'agissant du déficit fonctionnel permanent, celui-ci a été estimé D... l'expert à un taux de 85 %. Contrairement à ce que soutient la requérante, en octroyant la somme de 232 700 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas inexactement évalué ce chef de préjudice. 14. S'agissant des souffrances endurées, les experts devant la CRCI les ont évaluées à 5,5 sur 7. Le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 17 800 euros. 15. S'agissant du préjudice esthétique, temporaire puis définitif, les experts devant la CRCI l'ont évalué à 4 sur 7, du fait notamment de l'utilisation d'une canne et d'un fauteuil roulant. Le tribunal administratif de Grenoble a pu valablement faire, en l'espèce, une juste appréciation de ces chefs de préjudice, en octroyant à la victime une somme globale de 7 200 euros. 16. S'agissant, enfin, du préjudice sexuel, en accordant la somme de 5 000 euros, le tribunal administratif a justement procédé à l'évaluation de ce chef de préjudice. En ce qui concerne la somme versée au titre d'un capital invalidité D... l'Association Générale de Prévoyance Militaire (AGPM) : 17. Aux termes de l'article L. 131-2 du code des assurances : " Dans l'assurance de personnes, l'assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre. / Toutefois, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elles sont indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d'attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, les prestations d'assurances des personnes revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire. 18. Il est constant qu'en exécution d'un contrat d'assurance intitulé " contrat de carrière " conclu D... Mme C... le 25 janvier 2016, la compagnie AGPM vie lui a versé la somme totale de 102 287 euros au titre d'un " capital invalidité totale et définitive ". Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la circonstance que le juge du référé provision a fixé le montant purement provisionnel alloué en tenant compte de ce que cette somme pouvait, le cas échéant, être déductible, question qu'il a réservée comme excédant son office, est sans portée utile sur l'évaluation du préjudice faite D... le juge du fond, auquel il appartient de déterminer le montant global définitivement alloué, les montants qui ont pu être déjà effectivement versés à titre provisionnel étant uniquement pris en compte pour déterminer les sommes demeurant le cas échéant à verser en exécution de la décision définitive. 19. Il résulte de l'article 3 du titre I du contrat d'assurance, que l'invalidité totale et définitive (ITD), au sens de ce contrat, vise l'" impossibilité dans laquelle se trouve définitivement l'assuré, du fait d'une maladie ou d'un accident, de se livrer à toute activité génératrice de rémunération ou de profit ". Il est également précisé que " lorsqu'une ITD D... accident est précédée de la reconnaissance d'une incapacité permanente partielle ou totale D... accident (IPPTA), les capitaux des garanties IPPTA sont inclus dans les capitaux ITD accident ". Le même article précise à cet égard que l'IPPTA vise à couvrir " les conséquences d'un accident corporel privant définitivement la personne de tout ou partie de ses capacités physiques ou intellectuelles ". L'article 5 du titre II du même contrat précise D... ailleurs que l'ITD est accordée en fonction d'une décision prise au vu d'un dossier médical, et que l'IPPTA est pour sa part accordée au vu d'un barème de taux d'incapacité qui est celui du droit commun. L'article 7 du même titre précise que les garanties ITD et IPPTA peuvent, comme en l'espèce, être accordées en fonction d'une situation pré-définie standard, correspondant en l'espèce à une situation d'épouse. L'article 10 prévoit que les sommes prévues D... le contrat sont, en cas de décès, versés aux bénéficiaires que l'assureur a désignés. Enfin, l'article 14 précise que les sommes versées sont celles définies D... le contrat. Aucune forme de subrogation n'est stipulée. Ces prestations, qui visent ainsi à couvrir de façon forfaitaire un sinistre, au sens du 1er alinéa de l'article L. 131-2 du code des assurances, et sans lien direct avec son indemnisation effective, doivent dès lors être regardées comme de nature forfaitaire et non indemnitaire. Elles ne peuvent donc être déduites des sommes susceptibles d'être allouées à Mme C.... 20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le montant total d'indemnisation auquel peut prétendre Mme C... s'élève à la somme de 861 400,12 euros. Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, date de réception de sa demande D... l'ONIAM. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 14 mai 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date. 21. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme C... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, D... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas porté la condamnation qu'il a prononcée au montant précité de 861 400,12 euros, outre intérêts et capitalisation. L'ONIAM n'est pour sa part pas fondé à soutenir que le tribunal aurait fait une évaluation excessive des préjudices. Sur les frais du litige : 22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros, à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est condamné à verser à Mme C... la somme de 861 400,12 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 14 mai 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date. Ces sommes seront versées sous réserve des montants qui ont été effectivement versés à titre provisionnel. Article 2 : Le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La somme de 1 500 euros, à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, à la caisse d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à Mme A... C.... Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient : * M. Pourny, président de chambre, * M. Stillmunkes, président assesseur, * Mme Bentéjac, première conseillère. Rendu public D... mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022. Le rapporteur, H. StillmunkesLe président, F. Pourny La greffière, F. Abdillah La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, Nos 21LY02612 - 21LY02615 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/10/2022, 20TL00529, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre à l'épaule gauche, et d'enjoindre au département de l'Aude de lui délivrer une décision de reconnaissance de maladie professionnelle ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de son dossier. Par un jugement n° 1800362 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 18 décembre 2017 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule gauche dont souffre Mme A... dans un délai de deux mois. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 février 2020 sous le n° 20MA00529 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL00529, et des mémoires enregistrés les 21 mars 2022, 15 avril 2022 et 13 mai 2022, le département de l'Aude, représenté par Me Walgenwitz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2019 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation et de qualification juridique des faits ; - la présence d'un état antérieur caractérisé de Mme A... justifie la décision de refus d'imputabilité ; en écartant cet élément, le tribunal a fait une inexacte appréciation des faits ; - il est entaché de contradiction quant à la portée et la pertinence de l'expertise judiciaire ; - il est entaché d'erreur de droit en ce que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient inapplicables ; seules les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 demeuraient applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - il est nécessaire de joindre cette instance avec celle enregistrée sous le n° 21TL03793, dans un souci de bonne administration de la justice ; - les moyens invoqués à titre subsidiaire par Mme A... ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 mars 2020 et le 31 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Passet, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du département de l'Aude le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les moyens soulevés par le département de l'Aude ne sont pas fondés : sa pathologie est désignée par le tableau n° 57A du code de la sécurité sociale ; elle a été directement causée par l'exercice de ses fonctions ; aucun état antérieur ne peut être retenu ; - à titre subsidiaire, sa demande présentée devant le tribunal administratif est fondée en ses autres moyens invoqués : la décision est entachée d'un vice de procédure en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme ; elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ; le rapport du docteur ... en tant qu'il méconnaît le principe du contradictoire et présente des erreurs ne saurait être pris en considération ; la commission de réforme a rendu un avis favorable concernant la déclaration de l'épaule droite ; elle doit bénéficier d'une présomption de la maladie professionnelle conformément à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Par une ordonnance en date du 1er mars 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transféré à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du département de l'Aude. Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Brunière, représentant le département de l'Aude, et de Me Passet, représentant Mme A.... Une note en délibéré présentée pour le département de l'Aude a été enregistrée le 14 octobre 2022. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., qui est agent de maîtrise au sein du département de l'Aude depuis 2013, exerçait ses fonctions au sein de la structure accueil enfance de Narbonne en y effectuant des tâches d'agent d'entretien ménager. Par courrier du 29 janvier 2015, Mme A... a effectué une demande de reclassement professionnel en raison de son état de santé. Le 8 juillet 2015, le comité médical départemental a émis un avis favorable à sa demande. En septembre 2015, Mme A... a été affectée sur un poste de loge aménagé au sein du collège des ... de la commune de Sigean. Le 6 avril 2017, Mme A... a sollicité à nouveau son reclassement en raison de son état de santé. Le 20 avril 2017, son médecin généraliste traitant a établi un arrêt de travail pour maladie professionnelle du 20 avril au 21 mai 2017. Le même jour, Mme A... a demandé la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de la pathologie affectant son épaule gauche. Le 5 décembre 2017, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie de la requérante comme maladie professionnelle. Par arrêté du 18 décembre 2017, le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître la pathologie de Mme A... comme étant imputable au service. L'intéressée a été placée en congé de longue maladie du 20 avril 2017 au 19 janvier 2019 par arrêté du 3 décembre 2018, prolongé jusqu'au 19 juillet 2019 par arrêté du 22 février 2019. Par un jugement du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 18 décembre 2017 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule gauche dont souffre Mme A.... Le département de l'Aude relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. (...) ". 3. Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 4. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / ...2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la pathologie de l'épaule gauche dont est atteinte Mme A... a été diagnostiquée le 20 avril 2017, date du certificat médical du médecin traitant de l'intéressée. A cette date, Mme A... a sollicité la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de cette affection, à l'exclusion de toute demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service instauré par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dès lors, au regard de la date à laquelle sa pathologie a été diagnostiquée, sa demande devait être traitée en faisant application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issues de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 7. En deuxième lieu, il est constant que Mme A... souffre à l'épaule gauche d'une " rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ", pathologie mentionnée dans le tableau n° 57 A des maladies professionnelles. Pour annuler l'arrêté contesté du 18 décembre 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., les premiers juges ont estimé que si l'intéressée ne pouvait pas se prévaloir d'une présomption d'imputabilité en application de l'article 21 bis précité pour la reconnaissance en tant que maladie professionnelle de sa pathologie à l'épaule gauche, au regard notamment des conclusions rendues le 19 avril 2019 par le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier, l'existence d'un lien direct entre la pathologie et l'exercice des fonctions confiées à Mme A... était cependant établie par les différents médicaux produits. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a exercé des fonctions d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013. Souffrant de douleurs lombaires importantes à compter de l'année 2014, elle a sollicité un reclassement professionnel en raison de lombalgies chroniques le 29 janvier 2015. Après avis favorable du comité médical le 8 juillet 2015, Mme A... a été affectée sur un poste d'agent d'accueil et d'entretien ménager au sein du collège des ... de Sigean en septembre 2015. Alors que le médecin du travail a émis les recommandations prohibant la manutention de charges de plus de 5 kilogrammes et limitant les tâches de ménage aux locaux administratifs et à une heure par jour au plus, Mme A... a continué d'effectuer des tâches d'entretien ménager dans une moindre mesure que dans son précédent poste dès lors que ses fonctions consistaient essentiellement en des tâches d'accueil des usagers du collège et d'accueil téléphonique, mais elle a toutefois continué d'effectuer des mouvements avec le membre supérieur surélevé. Selon l'étude de son poste de travail réalisée par l'ingénieur préventeur responsable du service santé et sécurité au travail le 5 mars 2019, Mme A... était ainsi chargée de tâches d'entretien ménager des locaux administratifs pendant une durée comprise entre trente minutes et une heure chaque matin, et de la fermeture des portes, des volets à commande électrique ainsi que des fenêtres coulissantes des bâtiments pendant une durée d'une heure chaque soir. De plus, elle était chargée de manière hebdomadaire de la fermeture des rideaux en fer des toilettes, nécessitant de se munir d'une perche de 1,4 mètre, de l'accrocher à la poignée du rideau située à environ 2,4 mètres du sol afin de descendre chaque rideau. Si le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier a estimé dans son rapport rendu le 6 février 2019 que les tâches confiées à Mme A... à compter de septembre 2015 comportaient des mouvements des épaules dans des gestes ne relevant pas de mouvements de travail de force, il ressort toutefois de l'étude de son poste de travail que l'intéressée a continué d'effectuer des mouvements mobilisant son membre supérieur élevé dans une moindre mesure à compter de septembre 2015, après avoir cependant exercé des fonctions d'agent polyvalent au sein de collèges à compter de janvier 2007, puis d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013 comportant des gestes avec des épaules surélevées. En outre, il n'est pas contesté que lors des permanences dont la fréquence n'est pas précisée, Mme A... effectuait huit heures de ménage quotidien, comportant en particulier le lavage des vitres, ainsi qu'il en est attesté par une collègue de travail ainsi que par le médecin de prévention dans un courrier du 19 octobre 2017. Ainsi, la pathologie contractée par Mme A... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, si le rapport du docteur ... conclut à l'absence de lien direct et certain entre l'activité professionnelle de Mme A... au poste adapté auquel elle était affectée depuis septembre 2015 et la pathologie de son épaule, cet expert se prononce principalement sur les conditions particulières posées par le tableau n° 57 A des maladies professionnelles entraînant, si elles sont remplies, une présomption d'imputabilité au service et notamment sur celle tenant aux travaux susceptibles de provoquer de telles maladies. Le département de l'Aude invoque ensuite l'état antérieur de Mme A.... Toutefois, la circonstance que Mme A... souffrait de lombalgies chroniques depuis 2014, la conduisant à solliciter davantage ses membres supérieurs, ainsi que l'a relevé le médecin expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, ne saurait être de nature à caractériser la préexistence d'un état antérieur excluant tout lien direct entre la pathologie et le service. En outre, alors que le rapport d'expertise établi par le docteur ..., rhumatologue, le 20 juillet 2018, relève l'absence d'état antérieur préexistant en rapport avec la pathologie en cause, aucun des autres rapports d'expertise produit ne fait état d'un état antérieur. Si les deux médecins experts désignés par le tribunal administratif de Montpellier pour le premier et par la cour administrative d'appel de Marseille pour le second dont le rapport a été remis le 21 avril 2022, évoquent une pathologie dégénérative des deux épaules comprenant un syndrome sous acromial et une perforation du sus-épineux, imputable aux lésions des épaules, il n'en résulte pas davantage que Mme A... présentait un état antérieur évolutif excluant sa prise en charge par le service. Par ailleurs, si la commission de réforme a émis un avis défavorable à sa demande dans sa séance du 7 décembre 2019, elle s'est ensuite prononcée de manière favorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle de la même pathologie dont est atteinte Mme A... à l'épaule droite le 2 juillet 2019, se fondant sur les conclusions du docteur .... Dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le département de l'Aude, la pathologie contractée par Mme A... doit être regardée comme imputable au service dès lors qu'aucun fait personnel ou circonstance particulière ne conduisent à détacher sa survenance du service. 8. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Aude n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé sa décision du 18 décembre 2017. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de l'Aude demande sur ce fondement. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Aude le versement à Mme A... de la somme de 1 000 euros. D E C I D E : Article 1er : La requête du département de l'Aude est rejetée. Article 2 : Le département de l'Aude versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Aude et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente-assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°20TL00529 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de LYON, 3ème chambre, 12/10/2022, 20LY02677, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ensemble la décision du 22 mars 2019 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1903596 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de ... a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 15 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 13 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Di Nicola (SELARL DNL Avocats), avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de ... du 16 juillet 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ensemble la décision de rejet implicitement née sur son recours gracieux en date du 17 janvier 2019 et la décision du 22 mars 2019 rejetant son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à la commune de ... de reconnaître sa pathologie comme étant imputable au service ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision refusant de reconnaître sa pathologie comme étant imputable au service a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, la commission de réforme, préalablement consultée, s'étant prononcée au vu de rapports médicaux irrégulièrement établis et d'un faux témoignage ; - elle procède d'une erreur d'appréciation, sa pathologie étant directement en lien avec ses conditions de travail. Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2020, la commune de ..., représentée par Me Verne (SELARL Itinéraires avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par ordonnance du 18 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 décembre 2021. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Di Nicola, avocate, représentant M. B..., et de Me Cwiklinski, avocate, représentant la commune de ... ; Une note en délibéré a été produite le 27 septembre 2022 pour la commune de ... et n'a pas été communiquée. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ingénieur en chef responsable ... de la commune de ..., a été placé en congé de longue durée, en raison d'un état dépressif, à compter du 13 janvier 2014. Il a alors sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Sa demande a été rejetée par une décision du maire de ... du 5 juin 2015, laquelle a été annulée par un jugement du tribunal administratif de ... du 30 mai 2018, relevant l'irrégularité de la composition de la commission de réforme préalablement consultée. Sur injonction du tribunal, le maire de ... a procédé à un nouvel examen de cette demande, qu'il a, à nouveau, rejetée par décision du 21 novembre 2018, confirmée par une décision du 22 mars 2019 rejetant le recours gracieux de l'intéressé. Le tribunal administratif de ... a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces dernières décisions par un jugement du 16 juillet 2020, dont M. B... relève appel. S'il sollicite en outre l'annulation d'une décision implicite de rejet qui serait initialement née sur son recours gracieux, il doit être regardé comme se bornant ainsi à demander l'annulation de celle du 22 mars 2019, qui s'y est, en tout état de cause, substituée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : 1. Donne son avis, dans les conditions fixées par le titre II du présent arrêté, sur la mise à la retraite pour invalidité des agents affiliés à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (...) ". L'article 16 de ce même arrêté prévoit que : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend : " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ". 3. D'une part, si, par un jugement du 30 mai 2018, le tribunal administratif de ... a annulé la décision du 5 juin 2015 par laquelle le maire de ... avait initialement rejeté la demande de M. B..., en retenant une composition irrégulière de la commission de réforme préalablement consultée, ce vice de procédure n'est pas de nature à entacher d'irrégularité les expertises médicales préalablement réalisées, alors même qu'elles l'auraient été à la demande de cette commission. 4. D'autre part, s'il est constant que l'autorité administrative a communiqué aux médecins agréés, chargés de réaliser des expertises médicales relatives à l'origine de la pathologie de M. B..., un rapport daté du 7 juillet 2014 présentant le contexte professionnel et sa position quant à la demande de celui-ci, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors que l'intéressé, qui a également été entendu par ces médecins, n'établit pas ne pas avoir pu obtenir communication de ce rapport avant la réunion de la commission de réforme, comme prévu par le courrier du 21 octobre 2014, qui, contrairement à ce qu'il prétend, ne lui oppose pas un refus à sa demande de communication, ni ne prétend n'avoir pu présenter ses observations sur ce rapport auprès de cette commission. 5. Enfin, si des attestations contradictoires ont été rédigées quant aux propos qui auraient été tenus par M. B... lors d'une réunion organisée le 1er octobre 2014, celui-ci n'établit pas pour autant le caractère mensonger de celle en date du 2 janvier 2015 produite par l'autorité administrative auprès de la commission de réforme. 6. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme doivent être écartés. 7. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 9. Il résulte des certificats médicaux versés au dossier que M. B..., qui n'avait pas connu d'antécédents psychiatriques jusqu'alors, a commencé à souffrir de difficultés psychiques à compter d'une réorganisation des services engagée par la commune de ... au cours du deuxième semestre 2012, dans un contexte marqué par le remplacement de ses deux supérieurs hiérarchiques, avec lesquels ses relations se sont alors rapidement dégradées. Il a ainsi subi une crise d'anxiété le 24 décembre 2013, suivie depuis d'une pathologie dépressive. 10. Si l'exercice de ses fonctions a ainsi pu être à l'origine de sa pathologie, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du rapport présenté au comité technique paritaire du 5 juillet 2013, que cette réorganisation, qui avait essentiellement pour but de déconcentrer la gestion des ressources humaines afin de recentrer l'échelon central sur des fonctions de pilotage et d'animation, ne visait pas exclusivement le service de prévention et d'ergonomie, dont M. B... était à l'origine et responsable depuis de nombreuses années. Si elle a eu d'importantes répercussions à son égard, en impliquant plus particulièrement le transfert de certains de ses agents et de ses missions relatives à la prévention des risques professionnels, ce service en a également reçu de nouvelles, s'inscrivant dans la logique de pilotage désormais dévolue aux services centraux, à travers une mission d'animation du futur réseau des conseillers et assistants de prévention, la mise en place d'un observatoire " santé-travail-absentéisme ", présentée comme une des priorités de la politique " Ressources Humaines " de la commune, et une mission d'accompagnement de cette réorganisation par l'adaptation de l'aménagement des espaces de travail. Ainsi, si le service qu'il dirigeait, de même que le poste qu'il occupait, ont évolué, M. B... ne peut en revanche soutenir que ceux-ci auraient, par-là même, perdu toute consistance, le privant de toute responsabilité managériale inhérente à son grade. Il résulte à l'inverse des certificats médicaux, en particulier de celui daté 18 juin 2014, dont il se prévaut, essentiellement établis à partir de propos qu'il a lui-même tenus, qu'il a rapidement exprimé une ferme opposition à cette réorganisation, perçue comme " une attaque ". Cette opposition s'est traduite par un comportement d'inaction, voire d'obstruction de sa part, ainsi qu'il résulte des reproches nombreux, précis et objectifs, formulés lors de son évaluation pour 2013, et repris dans le rapport du 7 juillet 2014, et sur lesquels M. B... n'apporte, dans la présente instance, aucune justification précise propre à les démentir. A cette occasion, ont également été critiquées ses pratiques managériales, dénoncées par plusieurs membres de son service et pour lesquelles une amélioration était déjà attendue, d'après ses trois précédentes évaluations. Dès lors, les pièces qu'il produit, en particulier celles relatives à une mésentente quant à la proposition d'inscrire un agent de son service à une formation de cadre, les témoignages d'une élue présidant le CHSCT portant notamment sur la rédaction d'un procès-verbal d'une séance de ce comité ou le témoignage d'un membre de son service, ne permettent d'établir, compte tenu de leur caractère isolé et ponctuel, la réalité ni d'une stratégie de contournement, ni de propos vexatoires et humiliants, dont il prétend avoir été victime de la part de ses nouveaux supérieurs, outrepassant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En outre, et eu égard aux critiques alors formulées à l'encontre de son comportement et de ses pratiques professionnelles, il n'établit pas davantage le caractère injustifié de la décision de ne pas le proposer à un avancement en 2014. Dans ces conditions, et nonobstant les conclusions divergentes auxquelles les différentes expertises médicales ont abouti en l'espèce, l'attitude de M. B... a été la cause déterminante de la dégradation de son contexte professionnel et, par suite, de son état de santé, et a été de nature à détacher sa pathologie du service. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte : 12. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 800 euros à la commune de ..., en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : M. B... versera à la commune de ... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de .... Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, où siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Sophie Corvellec, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022. La rapporteure, Sophie CorvellecLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY02677
Cours administrative d'appel
Lyon