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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/03/2022, 19BX03404, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'annuler le titre exécutoire émis le 21 décembre 2016 par la même autorité pour le recouvrement de la somme de 3 419,54 euros. Par un jugement n° 1700362 du 20 juin 2019, le tribunal a annulé la décision du 12 décembre 2016 et le titre exécutoire du 21 décembre 2016. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 19 août 2019 et un mémoire enregistré le 18 octobre 2021, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal ; 2°) de mettre à la charge de M. G... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est sur la seule affirmation de M. G... quant à l'absence d'antécédent allergique que le docteur E... a conclu que la maladie du 19 février 2011 ne pouvait qu'être en rapport avec les conditions de travail ; cette conclusion est contredite par le certificat du 10 mars 2011 du docteur H... mentionnant l'existence d'antécédents pulmonaires ; le rapport du docteur A... B... du 20 décembre 2011 fait état d'antécédents asthmatiques qu'il n'impute pas aux conditions de travail, et attribue le malaise survenu sur le lieu de travail à un épuisement professionnel ; le docteur E... n'explique pas en quoi l'asthme dû à une allergie aux acariens, ou son aggravation, serait en lien avec l'exercice des fonctions et la manipulation de produits d'entretien, alors que cette pathologie a été mentionnée pour la première fois dans la déclaration d'accident du travail du 24 mai 2012 ; la gêne respiratoire mentionnée par le certificat du médecin traitant du 19 février 2011 n'est pas imputée à une crise d'asthme et peut s'expliquer par la crise d'hypertension artérielle ; il ressort du certificat du docteur D... du 27 mai 2011 que l'asthme a perduré alors que l'agent était en arrêt de travail ; ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. G... n'apporte pas la preuve d'un lien de causalité direct entre l'asthme et son activité professionnelle ; - aucun des éléments produits en première instance ne démontre que l'asthme de M. G... pourrait résulter d'une allergie aux produits d'entretien qu'il a utilisés, alors que l'agent ne s'est jamais plaint d'une quelconque allergie et que les tests n'ont révélé qu'une allergie aux acariens ; - les antécédents pulmonaires et la crise d'hypertension artérielle du 19 février 2011 peuvent expliquer à eux seuls l'apparition de l'asthme, sans que les produits d'entretien aient pu jouer un rôle dans l'apparition de cette maladie. Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2020, M. G..., représenté par la SCP Drouineau, Bacle, Le Lain, Barroux, Verger, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service de son affection, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de cet établissement le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il fait valoir que : - il utilisait dans le cadre de son travail des produits de nettoyage, composés notamment d'ammonium quaternaire et de chlorure de benzalkonium, dont la littérature médicale établit sans ambiguïté le lien avec des affections respiratoires de type asthme ; c'est à compter de sa mutation en 2011 qu'il a présenté des symptômes asthmatiques et une grande souffrance au travail, et son médecin traitant a noté une allergie importante aux produits d'entretien ; s'il souffrait initialement d'une allergie aux acariens, l'asthme s'est déclenché, et à tout le moins son état de santé s'est aggravé, du fait de son exposition aux produits d'entretien ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a annulé la décision du 12 décembre 2016 ; - le CHU n'ayant pris aucune décision de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, il est recevable à présenter pour la première fois en appel des conclusions à fin d'injonction. M. G... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Pielberg, représentant le centre hospitalier universitaire de Poitiers et de Me Perotin représentant M. G... . Considérant ce qui suit : 1. A l'issue d'un congé de longue maladie du 10 avril 2009 au 12 septembre 2010, M. G..., aide-soignant titulaire en fonctions au CHU de Poitiers depuis 1983, a été affecté à compter du 13 septembre 2010 à l'entretien des locaux du pavillon Beauchant de cet établissement. Le 19 février 2011, il a présenté un malaise avec hypertension artérielle sur son lieu de travail et a été placé en congé de maladie ordinaire, puis en congé de longue durée. Le 24 mai 2012, il a déclaré un accident du travail en indiquant que le malaise avec hypertension du 19 février 2011 avait été accompagné d'une crise d'asthme. Sa demande de reconnaissance de l'asthme comme maladie professionnelle, présentée par lettre du 19 février 2014, a été rejetée par une décision du 1er août 2014. Par une ordonnance du 12 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. G..., a suspendu l'exécution de cette décision, en retenant une situation d'urgence du fait de l'aggravation de la situation financière de l'intéressé dans un contexte de surendettement, aux motifs que les moyens tirés de l'absence de convocation régulière devant la commission de réforme et de l'erreur de fait étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision, et a enjoint au CHU de rétablir le plein traitement de son agent. Après une nouvelle saisine de la commission de réforme, le directeur général du CHU de Poitiers a retiré sa décision du 1er août 2014 et confirmé son refus de reconnaissance de l'asthme comme maladie professionnelle par une deuxième décision du 9 novembre 2015, puis a émis le 18 novembre 2015 un titre de recettes d'un montant de 3 419,54 euros pour le recouvrement des rappels de rémunération versés en exécution de l'ordonnance du juge des référés. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif que la seule circonstance que la première constatation médicale de l'affection était intervenue plus de sept jours après l'exposition de l'intéressé au risque professionnel ne suffisait pas à fonder légalement le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie. Le directeur général du CHU a pris une troisième décision de rejet le 12 décembre 2016 au motif de l'absence de preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la maladie et le service, et a émis le 21 décembre 2016 un nouveau titre de recettes de 3 419,54 euros. Le CHU de Poitiers relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. G..., a annulé cette décision et ce titre de recettes. Sur l'appel du CHU de Poitiers : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...). " 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Si le " malaise " avec hypertension artérielle survenu en service le 19 février 2011 n'a pas été décrit par l'arrêt de travail du 20 février 2011 comme s'étant accompagné d'une crise d'asthme, il ressort des pièces du dossier que M. G... a consulté dès le 23 février 2011 un pneumologue qui lui a prescrit une spécialité utilisée dans le traitement de l'asthme et a établi le 26 mai 2011 un certificat médical attestant qu'il était porteur d'une maladie asthmatique. Le 30 juin 2011, un allergologue a certifié que M. G... présentait un asthme allergique avec forte sensibilisation aux acariens, difficilement compatible avec les activités d'entretien l'exposant notamment à " l'empoussiérage ". Il ressort d'un certificat du médecin traitant qui suit l'intéressé depuis 2006 que l'allergie modérée aux acariens ne nécessitait pas de traitement avant le malaise survenu le 19 février 2011. La circonstance que le médecin de l'unité de consultation de pathologies professionnelles et environnementales qui a examiné M. G... le 20 décembre 2011 a conclu que ce malaise pourrait traduire " un épuisement professionnel associé à une plainte somatique, traduisant ainsi une reddition émotionnelle avec effondrement des défenses psychiques " ne met pas en cause le lien entre le travail et l'aggravation de l'allergie aux acariens dès lors que cet effondrement, dont le médecin a constaté qu'il avait pour origine l'affectation à une activité de nettoyage d'un agent se revendiquant aide-soignant par vocation, s'est accompagné de l'apparition d'un asthme médicalement constatée. La circonstance qu'en mai 2011, l'intéressé était toujours traité pour son asthme alors qu'il était en congé de longue durée depuis mars ne saurait remettre en cause l'imputabilité de son état de santé au service. Le lien direct entre les fonctions de nettoyage auxquelles M. G... était affecté depuis six mois et un asthme allergique sensibilisé aux acariens retenu à bon droit par le tribunal étant ainsi établi, le CHU de Poitiers ne peut utilement se prévaloir du fait qu'une allergie aux produits d'entretien utilisés dans le cadre du service n'a pas été caractérisée. 5. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Poitiers n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 12 décembre 2016, et par voie de conséquence le titre de recettes du 21 décembre 2016. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. G... : 6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " 7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le CHU de Poitiers est tenu de faire droit à la demande de M. G.... Par suite il y a lieu de lui enjoindre de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie asthmatique dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 8. Le CHU de Poitiers, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 9. M. G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 1 500 euros à verser à Me Drouineau. DÉCIDE : Article 1er : La requête du CHU de Poitiers est rejetée. Article 2 : Il est enjoint au CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie asthmatique de M. G... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Le CHU de Poitiers versera à Me Drouineau une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Poitiers et à M. C... G.... Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2022. La rapporteure, Anne F... La présidente, Catherine GiraultLe greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX03404
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/03/2022, 20NT01921, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 janvier 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes l'a admise à la retraite pour invalidité, en tant que cette décision ne prend effet qu'à compter du 1er septembre 2013. Par un jugement n° 1402032 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 17NT00259 du 1er octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé ce jugement du 22 novembre 2016 ainsi que la décision du 9 janvier 2014 du recteur et, d'autre part, enjoint au ministre de l'éducation nationale d'admettre Mme B... à la retraite pour invalidité à compter du 12 juillet 2001 et de procéder au rappel du reliquat de pension dû. Par une décision n° 425971 du 29 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour l'affaire qui porte désormais le n° 20NT01921. Procédure devant la cour : Avant cassation : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 janvier 2017 et 30 juillet 2018, Mme B..., représentée par Me Coudray, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 novembre 2016 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 9 janvier 2014 en tant que cette décision donne effet à ce placement à compter seulement du 1er septembre 2013 et, à titre subsidiaire, d'annuler totalement la décision en question ; 3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nantes de l'admettre à la retraite pour invalidité à compter du 12 juillet 2001, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de prononcer sa mise à la retraite à compter du 15 novembre 2008, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance. Elle soutient que : - la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - elle est entachée d'erreur de droit dès lors que la date de prise d'effet de sa mise à la retraite pour invalidité ne pouvait être fixée au 1er septembre 2013 ; elle devait nécessairement tenir compte des conséquences de l'annulation contentieuse du refus implicite du recteur de la placer à la retraite ; la date fixée ne pouvait donc être que soit la date à compter de laquelle son inaptitude à toutes fonctions a été reconnue par le comité médical départemental, c'est-à-dire au 11 juillet 2001, soit, à tout le moins, la date à laquelle elle a sollicité son placement à la retraite anticipée, c'est-à-dire le 15 novembre 2008 ; - la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; ainsi que l'a indiqué le comité médical départemental dans son avis du 6 mai 2013, elle est inapte à l'exercice de toutes fonctions depuis le 11 juillet 2001. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Après cassation : Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 et 22 février 2021, Madame B..., représentée par Me Coudray, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 novembre 2016 ; 2°) d'annuler la décision du recteur de l'académie de Nantes en date du 9 janvier 2014, uniquement en ce qu'elle admet Mme B... à la retraite pour invalidité sur sa demande seulement à compter du 1er septembre 2013, en raison de son incapacité définitive et absolue d'exercer ses fonctions et toutes fonctions, subsidiairement d'annuler cette même décision ; 3°) d'enjoindre au recteur de prononcer l'admission à la retraite de Mme B... à compter du 11 juillet 2001, subsidiairement à compter du 19 juin 2005, très subsidiairement à compter du 15 novembre 2008, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation des faits dès lors que Mme B... devait obtenir le bénéfice d'une mise à la retraite pour invalidité rétroactive qui prenne en compte la date effective de son inaptitude totale et définitive, subsidiairement la date d'épuisement de son droit à congés ou à tout le moins la date effective de sa demande ; - la décision du 9 janvier 2014 est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 1er septembre 2013 alors que Mme B... est inapte à toute fonction depuis le 11 juillet 2001. Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2022 le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens présentés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., professeure certifiée, a été placée en congé de maladie du 29 mai au 13 juin 1998 et du 20 janvier au 19 mars 1999, puis en congé de longue maladie du 19 mars au 10 octobre 1999 et du 10 janvier au 17 juin 2000, et enfin en congé de longue durée du 18 juin 2000 au 11 juillet 2001. Sur la demande de l'intéressée, l'administration a procédé à sa réintégration à compter du 12 juillet 2001 et l'a placée en disponibilité pour convenance personnelle, du 1er septembre 2001 au 31 août 2013. Le 15 novembre 2008, Mme B... a demandé au recteur de l'académie de Nantes son admission anticipée à la retraite pour invalidité. Cette demande a fait l'objet d'un refus implicite, décision qui a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juin 2012, qui a estimé qu'il ressortait des pièces du dossier que la requérante était bien atteinte d'une incapacité permanente d'assurer ses fonctions susceptibles de lui ouvrir droit à une mise à la retraite pour invalidité. Saisi du réexamen de la demande de la requérante en exécution de ce jugement, le recteur de l'académie de Nantes, après avis de la commission départementale de réforme du 3 octobre 2013, a, par une décision du 9 janvier 2014, admis à la retraite pour invalidité Mme B... à compter du 1er septembre 2013, soit à l'issue du dernier renouvellement de sa mise en disponibilité pour convenances personnelles. 2. Mme B... a alors, de nouveau, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision du 9 janvier 2014. Par un arrêt n°17NT00259 du 1er octobre 2018, la cour a annulé dernière décision en tant qu'elle a admis Mme B... à la retraite pour invalidité à compter seulement du 1er septembre 2013 et lui a enjoint de la placer à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 12 juillet 2001. Par une décision n° 425971 du 29 juin 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a annulé pour erreur de droit cet arrêt aux motifs que Mme B... n'avait sollicité son placement à la retraite pour invalidité qu'à compter du 15 novembre 2008, et a renvoyé à la cour l'affaire qui porte désormais le n° 20NT01921. Sur la légalité de la décision du 9 janvier 2014 : 3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable (...) il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...). ". 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... qui avait été placée en disponibilité pour rapprochement de conjoint à compter du 1er septembre 2001 a depuis, à plusieurs reprises - les 29 mai 2006, 9 juillet 2007 et 12 juin 2008 - sollicité sa réintégration afin de pouvoir être placée en congé de longue durée. Ses demandes ont été rejetées. L'inspection académique de la Sarthe a, notamment par un courrier du 29 avril 2008, informé cet agent que, lors de sa séance du 24 avril 2008, le comité médical départemental avait estimé " qu'elle n'était pas apte actuellement à l'exercice de sa fonction d'enseignante ni d'une quelconque activité professionnelle en adaptation de poste de travail, reclassement dans un autre emploi, réadaptation professionnelle ou réorientation professionnelle ". Par un courrier du 8 juillet 2008, l'administration lui a indiqué que " dans l'hypothèse où elle refuserait de prolonger sa disponibilité pour rapprochement de conjoint le 1er septembre 2009, tout en étant inapte temporairement à ses fonctions, elle serait considérée comme étant en abandon de poste et radiée des cadres ". C'est dans ces conditions que Mme B... a, le 15 novembre 2008, demandé au recteur de l'Académie de Nantes son admission anticipée à la retraite pour invalidité, démarche qui a conduit, après les différentes procédures contentieuses engagées par l'intéressée et qui ont été rappelées points 1 et 2, à l'édiction de la décision contestée du 9 janvier 2014. Cette décision est intervenue après consultation du comité médical de la Sarthe qui, le 25 avril 2013, a estimé que " Mme B... était définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et à toutes fonctions à compter du 11 juillet 2001 " et après un avis favorable du 3 octobre 2013 de la commission départementale de réforme de la Sarthe à la demande d'admission à la retraite pour invalidité en précisant " avec un taux d'IPP de 80% selon barème ". Il résulte de l'ensemble des éléments du dossier, et en particulier de ce qui vient d'être rappelé, que d'une part, la carrière de Mme B... ne pouvait, à peine d'illégalité, être gérée sur le fondement de prolongations de disponibilité pour convenances personnelles qui n'étaient pas demandées à titre principal et sans que soit prise en compte l'incapacité permanente de continuer ses fonctions reconnues par le tribunal dans son jugement du 15 juin 2012 ainsi qu'il a été rappelé au point 1. D'autre part, à la date de sa demande présentée le 15 novembre 2008, Mme B..., reconnue inapte à l'exercice de toutes fonctions à compter du 11 juillet 2001, ne pouvait se voir accorder le bénéfice d'un congé de longue durée mais remplissait les conditions pour que son admission à la retraite pour invalidité soit fixée à cette date. La circonstance que le comité médical départemental a reconnu l'inaptitude de l'intéressée à compter du 12 juillet 2001 demeure, à cet égard, sans incidence dès lors que cet agent ne pouvait pas être rétroactivement admise à la retraite à une date à laquelle elle n'avait jamais formulé une telle demande. 5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le recteur de l'Académie de Nantes ne pouvait, sans entacher sa décision d'illégalité, admettre, par l'arrêté contesté du 9 janvier 2014, Mme B... à la retraite sur sa demande pour invalidité qu'à compter du 1er septembre 2013. Cet arrêté doit, par suite, être annulé. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 janvier 2014 en tant qu'elle la plaçait à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2013. Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte : 7. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 4, il est enjoint au ministre de l'éducation nationale d'admettre, dans le délai d'un mois, Mme B... à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 15 novembre 2008. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard. Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : 8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) ". La présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions de Mme B..., tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser les dépens, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées. Sur les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative: 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1402032 du tribunal administratif de Nantes en date du 22 novembre 2016 ainsi que la décision du 9 janvier 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a placé Mme B... en retraite pour invalidité à compter seulement du 1er septembre 2013 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale d'admettre, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, Mme B... à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 15 novembre 2008. Cette injonction est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard. Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Nantes. Délibéré après l'audience du 4 février 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Brisson, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2022. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I.PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°20NT01921 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 08/02/2022, 20NT00438, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le maire de Notre-Dame-de-Cenilly a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre depuis le 12 décembre 2011. Par un jugement n° 1900008 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février 2020 et 3 juin 2020, Mme B..., représentée par Me Launay, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 19 novembre 2018 ; 3°) d'enjoindre au maire de Notre-Dame-de-Cenilly de reconnaître imputable au service la pathologie dont elle souffre depuis le 12 décembre 2011 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de soixante-quinze euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement du tribunal administratif de Caen est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation ; - l'arrêté du 19 novembre 2018 est intervenu en méconnaissance de l'article 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 dès lors que le médecin du service de médecine préventive n'a pu valablement établir un rapport la concernant sans l'examiner ou la convoquer, alors que la visite du 24 février 2011 est antérieure au premier arrêt de travail du 27 octobre 2011 et au constat de sa pathologie le 12 décembre 2011 ; - l'arrêté du 19 novembre 2018 est intervenu en méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière en l'absence de médecin spécialiste ayant siégé à la séance du 29 juin 2018 lors de l'examen de sa situation par la commission de réforme et alors que cette commission a retenu un avis contraire à celui émis par l'expert et était saisie de deux avis contradictoires ; cette irrégularité l'a privée d'une garantie ; - l'arrêté du 19 novembre 2018 est intervenu, en méconnaissance des articles 16 et 17 de l'arrêté du 4 août 2004, après un avis de la commission de réforme du 29 juin 2018 qui est insuffisamment motivé ; - l'arrêté du 19 novembre 2018 méconnaît l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dès lors que sa pathologie psychiatrique présente un lien direct avec le service ; la disparition du fait générateur, soit la présence d'un autre rédacteur et les tensions au sein de l'équipe municipale, postérieurement à la réalisation du dommage n'est pas de nature à exclure le lien de causalité ; aucune des pièces versées au débat n'évoque l'hypothèse d'une pathologie préexistante et les rapports médicaux mettent en évidence le lien direct avec les conditions de travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2020, la commune de Notre-Dame-de-Cenilly, représentée par Me Bourrel, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, - et les observations de Me Launay, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., recrutée en mars 2010 par la commune de Notre-Dame-de-Cenilly pour travailler au sein du secrétariat de la mairie, a été titularisée le 1er octobre 2011 en qualité d'adjoint administratif territorial de deuxième classe. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 12 décembre 2011 puis en congé de longue durée à compter de cette dernière date jusqu'au 11 juillet 2016, avant d'être admise en retraite pour invalidité. Elle a présenté le 23 juin 2016 une demande de reconnaissance d'imputabilité au service des congés liés à sa maladie du 12 décembre 2011 au 11 décembre 2016. Après l'annulation par le tribunal administratif de Caen, par des jugements des 27 décembre 2017 et 30 juillet 2018, des deux précédents arrêtés du maire des 30 septembre 2016 et 23 octobre 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie et consultation de la commission de réforme, qui a rendu un avis en sa séance du 29 juin 2018, le maire de Notre-Dame-de Cenilly a, par une décision du 19 décembre 2018, rejeté sa demande. Mme B... a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement du 5 décembre 2019 qui a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il en résulte qu'une maladie contractée par un fonctionnaire peut être regardée comme imputable au service sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un incident survenu dans le cadre du service, ni celle d'un dysfonctionnement grave ou d'un comportement fautif de l'administration. 4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des avis médicaux, d'une part, que la pathologie dépressive dont souffre Mme B... a débuté avec une asthénie et des troubles du sommeil, diagnostiqués le 27 octobre 2011, et s'est aggravée à compter du mois de décembre 2011, rendant nécessaire un traitement antidépresseur et anxiolytique. Cette pathologie est ainsi apparue et s'est développée dans le cadre d'un environnement de travail modifié depuis le 1er janvier 2011 en raison du recrutement d'un nouvel agent, rédacteur à temps partiel au sein de la commune où travaillait Mme B... et avec lequel elle indique avoir entretenu des relations difficiles. Mme B... a d'ailleurs produit, pour la première fois en appel, le récépissé d'un dépôt de plainte du 12 décembre 2011 pour " harcèlement moral et dégradation des conditions de travail " relative à la période du 1er juillet 2011 au 5 décembre 2012. D'autre part, alors que le rapport du médecin de prévention du 23 janvier 2018 rappelle que, lors de la visite du 24 février 2011, Mme B... évoquait un stress au travail et se sentait angoissée, l'expert psychiatre diligenté par la commission de réforme a, quant à lui, après avoir rappelé que " l'attitude conflictuelle de son collègue et le vécu d'harcèlement de la part de celui-ci a eu des conséquences sur l'état de santé psychologique de Mme B... ", expressément indiqué que " les conséquences psychiatriques sont en rapport direct, unique et certain avec la maladie imputable au service ". Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette appréciation. Enfin, si l'expertise du docteur C... réalisée en novembre 2016, à la demande du comité médical départemental de la Manche, concluait à l'absence de changement de l'état psychologique de Mme B... en dépit du départ des personnes initialement en cause (maire et collègues de travail) et de cinq ans d'arrêt de travail, les avis médicaux convergent toutefois sur le fait que Mme B... ne présentait aucun état psychiatrique antérieur et aucun ne relève que l'intéressée aurait présenté des signes de fragilité psychique. Aucun autre élément de nature à avoir une incidence sur le comportement ou l'état de santé de Mme B... n'est par ailleurs avancé par la commune. Il ne ressort pas plus des éléments du dossier qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la maladie du service. Dans ces conditions, la pathologie de la requérante doit être regardée comme imputable au service. 5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté du 19 novembre 2018 refusant de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre depuis le 12 décembre 2011 est entaché d'illégalité et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que le maire de Notre-Dame-de-Cenilly reconnaisse imputable au service la pathologie dont Mme B... souffre depuis le 12 décembre 2011 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu de de le lui enjoindre. Il n'y a, en revanche, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais liés à l'instance et de rejeter la demande présentée à ce titre par la commune de Notre-Dame-de-Cenilly. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1900008 du 5 décembre 2019 du tribunal administratif de Caen est annulé. Article 2 : L'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le maire de Notre-Dame-de-Cenilly a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont Mme B... souffre depuis le 12 décembre 2011 est annulé. Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly de reconnaître imputable au service la pathologie de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Notre-Dame-de-Cenilly versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... et les conclusions de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Notre-Dame-de Cenilly. Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 N° 20NT00438 2 1
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/03/2022, 19BX04042, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal a enjoint à la ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension de M. B... au taux de 30 % avec jouissance à compter du 20 juin 2017 pour l'infirmité " hypoacousie gauche - perte auditive moyenne de 50 décibels " et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 16 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 5 décembre 2019, la ministre des armées demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a retenu un droit à pension pour l'infirmité " hypoacousie gauche - perte auditive moyenne de 50 décibels " et de confirmer sa décision du 11 juillet 2018. Elle soutient que : - le tribunal, qui a jugé que M. B... ne pouvait solliciter une pension pour l'oreille droite non atteinte par le traumatisme du 4 mars 1985, s'est contredit dès lors qu'il a tenu compte des deux oreilles en accordant un droit à pension pour des séquelles de traumatisme sonore " à prédominance unilatérale gauche " ; - selon les connaissances médicales et la jurisprudence du Conseil d'Etat, une hypoacousie sono-traumatique ne s'aggrave pas par elle-même en l'absence d'exposition à d'autres traumatismes sonores ; le tableau n° 42 issu du décret n° 2003-924 du 25 septembre 2003 et annexé au code de la sécurité sociale, qui précise qu'aucune aggravation de la surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel, est visé par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre depuis la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; c'est ainsi à bon droit qu'elle a retenu que l'aggravation de la perte auditive était étrangère au traumatisme subi le 6 mars 1985 ; - la pathologie initiale d'hypoacousie gauche avec perte moyenne de 50 décibels correspond à un taux de 7 % et n'ouvre pas droit à pension ; elle ne s'est pas aggravée dès lors que M. B..., âgé de 65 ans lors de sa demande de révision de sa pension, n'a plus été exposé à des traumatismes liés au service depuis sa radiation des contrôles le 1er octobre 2000, soit 17 ans avant sa demande ; il n'existe aucune relation médicale directe et déterminante entre les problèmes auditifs actuels et ceux qui sont pensionnés. Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2019, M. B..., représenté par la SELARL Waterlot, Brunier, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il fait valoir que : - c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu un taux de 30 % pour les séquelles de traumatisme sonore médicalement constatées ; - la règle selon laquelle il n'y aurait pas d'aggravation sans exposition à un nouveau traumatisme sonore concerne les affections d'origine professionnelle au sens du code de la sécurité sociale et ne lui est pas opposable. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019, confirmée devant la cour le 17 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Waterlot représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé à l'Ecole du service de santé des armées le 3 septembre 1973 et rayé des contrôles le 1er octobre 2000 au grade de médecin en chef, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 10 % par arrêté du 4 octobre 2004, avec jouissance à compter du 27 juillet 1999, pour l'infirmité d'acouphènes gauches en lien avec un traumatisme sonore subi le 4 mars 1985. Le 20 juin 2017, il en a sollicité la révision pour une aggravation des acouphènes et une hypoacousie nécessitant un appareillage des deux oreilles. Par une décision du 11 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande aux motifs que les acouphènes gauches ne s'étaient pas aggravés, que le taux d'invalidité de 7 % de l'hypoacousie gauche avec perte auditive de 50 décibels imputable au service était inférieur au minimum indemnisable de 10 %, et que la nouvelle baisse auditive de l'oreille gauche avec perte de 66 décibels, postérieure à la radiation des contrôles, n'était pas imputable au service. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Bordeaux. La ministre des armées relève appel du jugement du 6 juin 2019 en tant que le tribunal, qui a rejeté le surplus de la demande, lui a enjoint de procéder à la liquidation des droits à pension de M. B... au taux de 30 % à la date du 20 juin 2017 pour l'infirmité " hypoacousie gauche - perte auditive moyenne de 50 décibels ". La procédure a été transmise à la cour administrative d'appel de Bordeaux en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée " Selon l'article L. 121-5 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Enfin, l'article L. 154-1 dispose : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 3. Le traumatisme sonore subi le 4 mars 1985, inscrit le 22 mars suivant au registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service, était en lien avec un tir après lequel M. B... s'était plaint d'un sifflement permanent de l'oreille gauche. Le 17 mars 2003, lors de l'expertise médicale judiciaire ordonnée dans le cadre du litige relatif au rejet par l'administration de la demande initiale de pension présentée le 27 juillet 1999, l'expert a constaté que M. B... présentait une perte auditive de 29 décibels à droite et de 47,5 décibels à gauche, ainsi que des acouphènes gauches, et a conclu à une surdité bilatérale plus marquée à gauche et sur les aigus. Il a estimé que l'ensemble était rattachable au traumatisme sonore du 4 mars 1985 dès lors que l'absence d'aggravation depuis un audiogramme réalisé le 20 mars 2000 permettait d'exclure une autre affection évolutive propre au patient, et a évalué la perte globale d'audition à 10 %. M. B... s'étant désisté de sa demande relative à l'hypoacousie, la pension a été concédée pour les seuls acouphènes par un jugement du tribunal des pensions de Bordeaux du 25 juin 2004, au taux de 10 % retenu par l'expert. Lors de l'expertise réalisée le 13 février 2018 pour l'instruction de la demande de révision de la pension, l'audiométrie a permis de constater une perte auditive de 41 décibels à droite et de 66 décibels à gauche, et l'expert a conclu que l'examen était évocateur de séquelles de traumatismes sonores à prédominance unilatérale gauche. Les expertises réalisées en 2003 et en 2018 concordent ainsi pour attribuer l'hypoacousie bilatérale au traumatisme sonore du 4 mars 1985, la perte auditive supplémentaire constatée en 2018 ne pouvant être due qu'au vieillissement, et non à une cause extérieure. La circonstance que le traumatisme a été inscrit au registre des constatations des blessures comme ayant affecté l'oreille gauche est sans incidence sur l'imputabilité au service de l'hypoacousie de l'oreille droite, reconnue comme telle par les experts et incluse dans la demande de révision enregistrée le 20 juin 2017. Le taux de 30 % retenu par l'expertise du 13 février 2018 correspond à l'hypoacousie à prédominance gauche, avec perte de 41 décibels à droite et de 66 décibels à gauche, imputable au traumatisme sonore du 4 mars 1985. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Bordeaux lui a enjoint de procéder à la liquidation des droits à pension de M. B... pour hypoacousie au taux de 30 % avec jouissance à compter du 20 juin 2017. 4. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Waterlot. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Me Waterlot une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... B.... Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2022. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLe greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04042
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 18/02/2022, 19MA04265, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre de perception émis le 30 septembre 2016 pour un montant total de 49 181 euros et la décision du 9 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son opposition à exécution formulée le 13 novembre 2016. Par un jugement n° 1701668 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2019 sous le n° 19MA04265, M. A..., représenté par Me Alinot, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 juillet 2019 ; 2°) d'annuler le titre de perception émis le 30 septembre 2016 et la décision du 9 mai 2017 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros, en application de l'article 8-1 du code de procédure administrative. Il soutient que : - la décision du 18 décembre 2013 par laquelle le ministre de la défense lui a octroyé la somme de 87 181 euros est définitive et revêtue de l'autorité de chose jugée ; - le jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er avril 2016 qui a condamné l'État à lui verser la somme de 38 000 euros qui est clair et sans équivoque ne saurait se substituer à la décision du 18 décembre 2013 du ministre de la défense qui n'a pas été annulée ; - le titre de perception contesté a été pris en violation de cette décision et de ce jugement ; - la motivation erronée du tribunal selon laquelle, lorsque la demande a une nature indemnitaire, le jugement du tribunal se substitue automatiquement à la décision de l'administration contestée ne résulte d'aucun texte de droit et est contraire aux principes de la procédure civile qui impose à toute juridiction de statuer sur l'ensemble des demandes sans pouvoir statuer ni ultra, ni infra petita ; - si un tel raisonnement est confirmé, le tribunal a statué ultra petita ; - en l'absence d'annulation expresse de la décision du 18 décembre 2013, celle-ci doit être considérée comme maintenue et le jugement du 1er avril 2016 vient s'y ajouter et non s'y substituer. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A.... Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., alors engagé volontaire dans l'armée de terre, a été mis à disposition des formations militaires de la sécurité civile pour la campagne estivale 2003 de lutte contre les incendies. Il a été victime, le 27 août 2003, d'un accident de service à l'occasion d'une intervention sur un feu dans la forêt de Tartagine en Haute-Corse ayant entraîné, pour lui, un taux global d'incapacité permanente partielle de 60 %. M. A... a bénéficié à ce titre, à compter du 2 octobre 2013, d'une pension militaire d'invalidité d'un montant capitalisé de 232 527,82 euros. Le 11 septembre 2013, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon afin d'obtenir une provision de 215 000 euros en réparation des préjudices causés par cet accident. Par une ordonnance du 30 octobre 2013, le juge des référés a condamné l'État à lui verser une provision de 80 000 euros au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux. Par une décision du 18 décembre 2013, le ministre de la défense lui a accordé une somme de 87 181 euros au titre de ces préjudices suite à son recours administratif préalable du 26 avril 2013. M. A... a demandé au tribunal de condamner l'État à lui verser les sommes de 951 200 euros et de 718 672,18 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux causés par l'accident de service précité. Par un jugement du 1er avril 2016, le tribunal a condamné l'État à lui verser une somme de 38 000 euros en réparation des préjudices non inclus dans le forfait de pension. Le 24 août 2016, le ministre de la défense a demandé à M. A... de rembourser la somme de 49 181 euros, correspondant à la différence entre les sommes versées par l'État (87 181 euros) et les sommes mises à sa charge par les deux jugements précités (38 000 euros). Un titre de perception a été émis le 30 septembre 2016 afin de recouvrer cette somme. M. A... a formé opposition à ce titre le 13 novembre 2016 qui a été rejetée par une décision du 9 mai 2017 du ministre de la défense. Il relève appel du jugement du 15 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 30 septembre 2016 et de la décision du 9 mai 2017. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Il ressort des pièces du dossier que par la décision du 18 décembre 2013, faisant suite au recours administratif préalable de M. A... du 26 avril 2013, le ministre de la défense lui a accordé la somme de 87 181 euros en réparation de des préjudices extra-patrimoniaux distincts de l'atteinte à l'intégrité physique qu'il a subie du fait de l'accident survenu le 27 août 2003 sur le fondement de la responsabilité sans faute. Par ailleurs, il ressort du jugement du 1er avril 2016 du tribunal administratif de Toulon, que M. A... a demandé au tribunal, d'une part, par un recours enregistré sous le n° 1302555 le 19 septembre 2013, la condamnation de l'État à lui verser la somme de 951 200 euros en réparation du préjudice subi lors de l'accident de service dont il a été victime le 27 août 2003, dont 640 000 euros au titre des postes de préjudices extra patrimoniaux et 311 200 euros au titre des postes de préjudices patrimoniaux et, d'autre part, par un second recours enregistré sous le n° 1400695 le 19 février 2014, la condamnation de l'État à lui verser la somme de 718 672,18 euros en réparation du préjudice subi lors de l'accident précité, dont 640 000 euros au titre des postes de préjudices extra patrimoniaux et 78 672,18 euros au titre des postes de préjudices patrimoniaux, correspondant à ses prétentions initiales, déduction faite de la pension militaire d'invalidité. Par ce jugement du 1er avril 2016, le tribunal a condamné l'État à lui verser la somme de 38 000 euros en réparation des préjudices subis et, à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions des demandes précitées. 3. M. A... ne peut utilement soutenir que la décision du 18 avril 2013 est devenue définitive et est revêtue de l'autorité de la chose jugée dès lors que ce principe ne s'applique qu'à une décision de justice. Cette décision qui faisait partiellement droit à la demande indemnitaire de M. A... ne présentait pas davantage de caractère définitif dès lors que le requérant l'a lui-même contestée devant le tribunal. La circonstance qu'elle ait été exécutée par le ministre de la défense est sans incidence. 4. Le tribunal a estimé à juste titre que lorsque le juge est saisi en premier ressort d'un contentieux indemnitaire, l'objet de la requête n'est pas l'annulation de la décision attaquée mais la condamnation du défendeur à indemniser le requérant. Ainsi, une telle demande conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame et se substitue nécessairement à l'appréciation qui en avait antérieurement été faite par l'administration, qu'elle refuse la somme demandée ou qu'elle accorde une indemnisation supérieure à celle finalement retenue par le juge. Par suite, le jugement du 1er avril 2016, par lequel le tribunal a condamné l'État à verser à M. A... une somme de 38 000 euros en réparation des préjudices subis, s'est nécessairement substitué à la décision du ministre du 18 décembre 2013, qui, prise en réponse à sa réclamation indemnitaire, liait ce contentieux et visait à l'indemnisation des mêmes préjudices que ceux dont se prévalait le requérant devant le tribunal dans ses deux demandes précitées. Par ailleurs, le tribunal pouvait condamner l'Etat au paiement d'une somme inférieure à celle à laquelle l'administration avait consenti de façon amiable, en vertu du principe d'ordre public selon lequel les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas. Il s'ensuit que la ministre des armées a pu légalement émettre le titre de perception contesté d'un montant de 49 181 euros, correspondant à la différence entre la somme de 87 181 euros versée par l'État et celle de 38 000 euros mise à sa charge par le jugement du 1er avril 2016, M. A..., ne pouvant faire l'objet d'une double indemnisation au titre des mêmes préjudices. 5. M. A... ne peut utilement soutenir que le raisonnement mentionné au point 4 conduirait à considérer que le jugement du 1er avril 2016 a statué infra petita dès lors que ce moyen revient à remettre en cause la régularité de ce jugement lequel n'est pas contesté dans la présente instance et est devenu définitif. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon, a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 30 septembre 2016 et de la décision du 9 mai 2017. Sur les frais liés au litige : 7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 février 2022, où siégeaient : - M. Pocheron, président de chambre, - Mme Ciréfice, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2022. 2 N° 19MA04265 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 9ème chambre, 17/02/2022, 436733, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, son titre de pension en tant qu'il fixe à 34,98 % son taux global d'invalidité et à 21 % le taux de la rente viagère d'invalidité dont elle bénéficie, d'autre part, la décision du 9 mai 2017 par laquelle le directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a refusé de réviser ces taux. Par un jugement n° 1704063 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé le titre de pension litigieux en tant qu'il fixait les taux critiqués et enjoint à la Caisse des dépôts et consignations, gérant la CNRACL, de fixer à 40 % le taux global d'invalidité de Mme D... et à 22 % le taux de sa rente viagère d'invalidité, puis rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2019, 16 mars 2020 et 15 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à sa névrose à composante dépressive ; 2°) de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de Mme D... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme D..., adjointe administrative de 2ème classe exerçant ses fonctions auprès de la commune de Lyon, a subi quatre accidents de service les 24 avril 1996, 21 avril 2008, 4 septembre 2009 et 24 janvier 2011. Le 24 mars 2015, la commission de réforme du département du Rhône a constaté l'inaptitude absolue et définitive de Mme D... à exercer toutes fonctions à raison de diverses infirmités imputables au service. Par un arrêté du 5 juillet 2016, Mme D... a été radiée des cadres et admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2016. Sa pension a été liquidée avec effet au 1er juillet 2016 par un titre de pension concédé par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et confirmé par une décision du 9 mai 2017 du directeur de cette caisse, qui a fixé à 34,98 % son taux global d'invalidité et à 21 % le taux de sa rente viagère d'invalidité. Par un jugement du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a partiellement annulé ce titre de pension et cette décision, a fixé les taux précités à 40% et 22% et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme D.... Celle-ci demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à ce que le taux pris en compte pour la rente viagère d'invalidité, à raison de son infirmité consistant en une névrose à composante dépressive, soit porté de 5 % à 20 %. 2. Aux termes de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...). " Aux termes de l'article 37 de ce décret, les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 " bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. Le bénéfice de cette rente viagère d'invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité (...) sont imputables à des blessures ou des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, ou résultant de l'une des autres circonstances énumérées à l'article 36 ci-dessus. " Enfin, aux termes de l'article 31 du même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. / (...) " 3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le rapport d'expertise établi par le docteur G... le 23 avril 2012, soit un peu plus d'un an après l'accident de service survenu le 24 janvier 2011, mentionne une absence d'antécédents psychiatriques. Dans son complément d'expertise, le docteur H... précise que, sur le plan psychiatrique, Mme D... n'avait jamais été prise en charge auparavant. Dans son avis médical du 12 novembre 2014, soumis à la commission de réforme, le docteur B... indique, d'une part, que la requérante a contracté en service une névrose à composante dépressive le 24 janvier 2011 et, d'autre part, que l'intégralité du taux de 20 % relatif à cette infirmité est imputable au service. Dans son procès-verbal du 24 mars 2015, la commission de réforme a confirmé l'entière imputabilité au service de cette infirmité et confirmé ce taux. Enfin, dans son avis médical du 4 mars 2014, le docteur A... fait état de l'apparition d'une névrose à composante dépressive à compter du 24 janvier 2011 au taux de 20 % imputable au service. Son rapport médical précise que la pathologie dont souffre Mme D... résulte de la décompensation d'une vulnérabilité psychologique suite à une relation conflictuelle avec un supérieur hiérarchique. 4. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que l'ensemble des avis rendus par les experts consultés, qui ont été soumis à la commission départementale de réforme, s'accordent sur le fait que la névrose à composante dépressive dont Mme D... est atteinte est intégralement imputable au service et entraine un taux d'invalidité de 20 %. Par suite, en se fondant, pour rejeter la demande de l'intéressée, sur la seule circonstance que le docteur A... s'est dédit dans un document intitulé complément d'expertise médical du 20 mai 2016, en indiquant que le taux de 20 % devrait être ramené à 5 % au motif que Mme D... n'apportait aucun élément de justification suffisant à l'appui de sa demande, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à 5 % le taux d'invalidité de l'infirmité mentionnée aux points précédents, dont il a déduit que le taux de sa rente viagère d'invalidité devait être fixé à 22 %. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 ci-dessus que Mme D... est fondée à soutenir que la sixième infirmité imputable au service dont elle est affectée entraine un taux d'invalidé de 20 %, de sorte que le taux de sa rente viagère d'invalidité doit être porté à 37 %. 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations, gérant la CNRACL, le versement à Mme D... d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il limite à 22 % le taux de la rente viagère d'invalidité dont bénéfice Mme D.... Article 2 : Le taux de la rente viagère d'invalidité accordée à Mme D... est porté à 37 %. Article 3 : La Caisse des dépôts et consignations versera à Mme D... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D... et à la Caisse des dépôts et consignations. Délibéré à l'issue de la séance du 3 février 2022 où siégeaient : M. Frédéric Aladjidi, président de chambre, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et M. Olivier Guiard, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 17 février 2022. Le président: Signé : M. Frédéric Aladjidi Le rapporteur Signé : M. Olivier Guiard La secrétaire: Signé : Mme E... F...ECLI:FR:CECHS:2022:436733.20220217
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 22/02/2022, 19MA04738, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui accorder une pension en qualité de victime civile. Par un jugement n° 17/00055 du 12 octobre 2017, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe le 30 novembre 2017. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal de grande instance de Marseille le 17 novembre 2017, transmise à la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence et enregistrée par elle le 30 novembre 2017, et un mémoire enregistré au greffe de la présente Cour le 4 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Beloucif, demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 12 octobre 2017. Il soutient que : - les séquelles dont il reste atteint qui portent sur des blessures aux deux yeux, à la main droite et à la jambe droite résultent de l'explosion d'un engin de guerre le 25 janvier 1972 ; - le principe d'égalité s'oppose à ce que les victimes civiles de nationalité tunisienne soient traitées différemment des victimes de nationalité française ; cette discrimination est contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prohibe toute discrimination en raison de la nationalité. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 16 septembre 2018, et un mémoire, enregistré le 27 janvier 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés. M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 mai 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Badie, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un courrier reçu par l'administration le 7 mars 2016, M. B..., ressortissant tunisien, a demandé au ministre de la défense de lui accorder une pension en qualité de victime civile du fait des séquelles de blessures causées par l'explosion, le 25 janvier 1972, d'un engin de guerre. Il fait appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui accorder une pension à ce titre. 2. Aux termes de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige, peuvent bénéficier de pensions de victimes civiles de la seconde guerre mondiale : " 1º Les Français ou ressortissants français qui, par suite d'un fait de guerre survenu sur le territoire français entre le 2 septembre 1939 et l'expiration d'un délai d'un an à compter du décret fixant la date légale de la cessation des hostilités, ont reçu une blessure, subi un accident ou contracté une maladie ayant entraîné une infirmité ; / 2º Les Français ou ressortissants français qui, par suite d'un fait de guerre survenu à l'étranger, dans la période susvisée, ont reçu une blessure, subi un accident ou contracté une maladie ayant entraîné une infirmité, dans le cas où ils ne seraient pas couverts par les accords de réciprocité. ". En outre, il résulte des dispositions de l'article L. 195 du même code, applicables, en vertu de l'article L. 198, aux victimes civiles de la seconde guerre mondiale, que sont réputées causées par des faits de guerre les blessures ou la mort provoquées, même après la fin des opérations militaires, par des explosions de projectiles pouvant se rattacher aux événements de la guerre. 3. M. B..., né le 11 décembre 1961, fait valoir que l'invalidité dont il est atteint relève des séquelles de blessures causées par l'explosion, le 25 janvier 1972, au lieudit Baten Aggar Dhraa Agareb à la Nouvelle Matmata (Tunisie), d'un engin de guerre. Il résulte cependant des dispositions précitées du 2° de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que le législateur a entendu réserver le bénéfice du droit à pension qu'elles prévoient aux seuls français et ressortissants français victimes de faits de guerre survenus à l'étranger au cours de la seconde guerre mondiale. Or, le procès-verbal d'enquête qu'il produit, daté du 29 novembre 2016, indique qu'il est de nationalité tunisienne. Il ne soutient pas et il ne résulte pas de l'instruction qu'il était également de nationalité française à la date de son accident. Ainsi, les dispositions du 2° de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à ce qu'il puisse bénéficier d'une pension de victime civile. 4. En soutenant que le principe d'égalité s'oppose à ce que les victimes civiles de nationalité tunisienne soient traitées différemment des victimes de nationalité française, ainsi qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le requérant doit être regardé comme critiquant le motif du jugement attaqué qui a écarté le moyen soulevé devant lui tiré de que ces dispositions constituent une discrimination prohibée par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les pensions attribuées, en vertu de ces dispositions, aux Français ou ressortissants français victimes de faits de guerre survenus à l'étranger au cours de la seconde guerre mondiale, constituent une indemnisation, en vertu du principe de solidarité nationale, à l'égard des personnes qui, bien que n'ayant pas participé à la lutte contre l'ennemi, sont des victimes de la guerre. S'agissant de faits de guerre survenus à l'étranger, la différence de situation existant entre les victimes, selon qu'elles sont françaises ou ressortissants français ou bien ressortissantes d'Etats étrangers, justifie, eu égard à cet objectif de solidarité nationale, que le législateur ait entendu réserver le bénéfice de cette indemnisation aux seuls français et ressortissants français. Dès lors, la condition d'être français ou ressortissant français posée par ces dispositions ne saurait être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son 1er protocole additionnel. 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié a` M. A... B..., à Me Beloucif et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er février 2022, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022. N° 19MA04738 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 2ème chambre, 24/02/2022, 453606, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 23 avril 2012 par laquelle la société La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire. Par un jugement n° 1601273 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 18MA04962 du 13 avril 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant d'une part à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire et à sa réformation en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires, d'autre part à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice, enfin à ce qu'il soit enjoint à La Poste de lui allouer une allocation temporaire d'invalidité ou une rente viagère d'invalidité. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 6 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de condamner la société La Poste à lui verser la somme globale de 54 323,60 euros, outre les intérêts et les intérêts capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de la Poste la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat, - les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 2. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. B... soutient que la cour administrative d'appel de Marseille a : - insuffisamment motivé son arrêt en omettant de répondre à la question de savoir si la société La Poste avait commis une illégalité fautive en s'abstenant de reconnaître l'imputabilité au service de l'aggravation de la pathologie dont il était atteint ; - commis une erreur de droit en retenant que la préexistence d'une discopathie faisait obstacle à ce que l'aggravation de sa pathologie lombaire fût reconnue comme imputable au service ; - entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et commis une erreur de droit en considérant que la société La Poste n'avait pas commis d'illégalité fautive en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'aggravation de sa pathologie lombaire tout en relevant que l'abstention fautive de la société à mettre en œuvre les recommandations de la médecine de prévention étaient à l'origine de l'aggravation de ses douleurs lombaires au cours de sa carrière ; - inexactement qualifié les faits de l'espèce en écartant l'imputabilité au service de l'aggravation de sa pathologie lombaire ; - dénaturé les faits et pièces du dossier en limitant à la somme de 10 000 euros l'indemnité que la société était condamnée à lui verser en réparation des préjudices subis. 3. Eu égard aux moyens soulevés, il y a lieu d'admettre les conclusions du pourvoi qui sont dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice que le requérant a subi du fait de l'aggravation de sa pathologie lombaire. En revanche, s'agissant du surplus de ses conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué, aucun des moyens soulevés n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Les conclusions du pourvoi de M. B... qui sont dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'aggravation de sa pathologie lombaire sont admises. Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B... n'est pas admis. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la société La Poste.ECLI:FR:CECHS:2022:453606.20220224
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/02/2022, 19BX04095, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Vienne d'annuler la décision du 27 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " Lombosciatalgies chroniques bilatérales : arthrodèse L3-L5, dysesthésies et hypoesthésie du membre inférieure gauche, raideur lombaire. Achilléen gauche aboli, marche talons-pointes impossible. Lasègue bilatéral. ". Par un jugement n°18/04 du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a annulé la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2017 et reconnu à M. A... un droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 novembre 2018 et 23 avril 2019, la ministre des armées a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Poitiers : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions militaires de la Vienne. Elle soutient que : - selon l'expert qui a examiné M. A... le 16 octobre 2015, les lombalgies chroniques en rapport avec le spondylolisthésis sont stables, et les radiculalgies ayant nécessité une arthrodèse L3-L4-L5 fin 2013 sont étrangères à l'affection en cause ; le taux global d'invalidité de 40 % au titre des lombalgies chroniques est ainsi imputable, à hauteur de 10 %, à l'état antérieur, et à hauteur de 10 %, aux cruralgies, le solde de 20 % étant insuffisant pour ouvrir droit à pension pour une maladie ; les conclusions de cet expert ont été confirmées le 18 novembre 2015 par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, puis par la commission consultative médicale, qui précise que l'arthrodèse L3- L5 réalisée en 2013 est sans relation avec l'atteinte L5-Sl initiale ; le tribunal a remis en cause ces analyses médicales sans préciser sur quels éléments il fondait son appréciation, et alors qu'aucun élément du dossier ne permet de rattacher au service l'atteinte en L3-L5 ; le jugement du tribunal des pensions de Niort du 6 décembre 1994, qui a jugé que l'infirmité liée au spondylolisthésis était imputable à hauteur de 10 % à l'état antérieur, est revêtu de l'autorité de la chose jugée ; - le jugement n'est pas motivé, et le tribunal aurait à tout le moins dû prescrire une expertise médicale. Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2019, M. A..., représenté par Me Gaborit, a conclu au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée avant-dire droit une expertise médicale, et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - il ne souffrait d'aucun état antérieur patent avant l'accident de service survenu le 3 septembre 1982, qui a entraîné une décompensation à l'origine de ses lombalgies ; sa chute du 3 septembre 1982 a ainsi seulement révélé un état antérieur latent, qui était asymptomatique ; le jugement du tribunal des pensions militaires de Niort du 6 décembre 1994 s'est borné à maintenir la décision de rejet du 1er juin 1992, sans trancher la question de l'imputabilité à un état antérieur ; l'infirmité doit donc être prise en compte dans sa globalité ; - les arthrodèses réalisées en septembre 1990 puis en 1993 ont pour origine l'accident de service du 3 septembre 1982 ; ainsi, alors même que la question de l'état antérieur serait tranchée, il présente un taux d'invalidité imputable au service de 30 %, qui lui ouvre droit au bénéfice d'une pension ; - si la cour s'estime insuffisamment éclairée, il conviendra d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale permettant de déterminer l'origine de l'affection invoquée. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions militaires de Poitiers a ordonné une expertise médicale aux fins de déterminer si M. A... est atteint des affections ou maladies invoquées dans sa demande, si le taux d'invalidité qui leur est attribué atteint au moins 30 %, s'il existe un lien de cause à effet direct et certain entre ces affections ou maladies et le saut en parachute du 3 septembre 1982 en précisant, dans l'affirmative, le taux de l'incapacité fonctionnelle qui en résulte conformément aux dispositions du guide-barème. Le rapport d'expertise a été déposé le 2 décembre 2019. Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête de la ministre des armées, enregistrée sous le n° 19BX04095. Par des mémoires, enregistrés les 10 janvier et 20 novembre 2020 et 28 janvier 2021, la ministre des armées conclut aux mêmes fins que sa requête. Elle soutient en outre que : - la nature de maladie de l'infirmité en cause et l'existence d'une part antérieure de 10 % liée au spondylolisthésis ne peuvent plus être remis en cause, le jugement du tribunal des pensions militaires de Niort du 6 décembre 1994 étant devenu définitif ; ainsi, l'infirmité " lombosciatalgies chroniques bilatérales" entraîne une invalidité globale de 30 % dont 10 % imputables à l'état antérieur, de sorte que le taux minimum indemnisable en matière de maladie n'est pas atteint ; - les cruralgies, survenues sur une instabilité lombaire sus-jacente à L5 ayant nécessité une stabilisation chirurgicale par arthrodèse L3-L4-L5 fin 2013, sont étrangères à l'infirmité étudiée ; - si M. A... invoque un accident qui serait survenu le 3 septembre 1982, il n'existe aucun fait traumatique documenté en l'absence de rapport circonstancié et d'extrait du registre des constatations ; l'attestation de M. C..., établie près de dix ans après les faits, ne constate pas un fait précis de service à l'origine des douleurs ressenties par M. A..., tel qu'une blessure ; les conditions de port de charges lourdes et les microtraumatismes liés à la pratique du parachutisme, qui sont communes à tous les militaires servant dans cette spécialité, ne sauraient être regardées comme des circonstances particulières de service ou un fait précis de service pour l'application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; le tribunal a commis une erreur en retenant l'existence d'un accident de service. Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 décembre 2019 et 26 novembre 2020, M. A... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 4 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient en outre que : - la ministre des armées remet pour la première fois en cause la réalité de l'accident de service survenu le 3 septembre 1982 ; elle est la seule en mesure de produire son entier dossier médical ; l'accident du 3 septembre 1982 est documenté, notamment par l'attestation d'un témoin direct et par le compte rendu de la radiographie du 7 septembre 1982, et est décrit dans les expertises médicales ; - l'expertise ordonnée avant-dire droit confirme que l'infirmité liée au spondylolisthésis a été révélée lors du traumatisme du 3 septembre 1982, de sorte qu'elle doit être prise en compte dans sa globalité ; il est ainsi demandé à la cour de constater l'absence d'état antérieur ; - l'expertise médicale diligentée dans le cadre d'une instance distincte n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, étant rappelé que le jugement du tribunal des pensions militaires de Niort du 6 décembre 1994 n'a pas tranché, dans son dispositif, la question de l'imputabilité à un état antérieur ; - conformément aux conclusions de l'expertise ordonnée avant-dire droit, il convient de retenir un taux d'invalidité de 30 % imputable au service. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2019, confirmée devant la cour administrative d'appel le 17 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;- -le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, - et les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé le 27 juillet 1982, à l'âge de 18 ans, dans le 8ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine, et a été rayé des cadres le 5 novembre 1982 pour inaptitude aux troupes aéroportées. Il a sollicité le 19 juin 1991 l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de lombalgies chroniques consécutives à un spondylolisthésis en L5-S1. Cette demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 1er juin 1992 au motif que l'infirmité était antérieure à l'incorporation et que l'aggravation de cette infirmité à l'occasion du service n'atteignait pas le taux de 30 % indemnisable. Par un jugement du 6 décembre 1994, devenu définitif, le tribunal des pensions des Deux-Sèvres, après avoir ordonné avant-dire droit une expertise médicale, a estimé que si le taux d'invalidité global pouvait être évalué à 30 %, l'aggravation de l'infirmité en cours de service, en raison de l'entraînement militaire et de la pratique du parachutisme, devait être fixée à 20 %, en deçà du seuil de 30 % ouvrant droit au bénéfice d'une pension pour une maladie contractée en dehors d'une période de guerre. Le tribunal a par conséquent rejeté la demande de M. A.... Par une demande du 27 octobre 2014, M. A... a de nouveau sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Lombosciatalgies chroniques bilatérales: arthrodèse L3-L5, dysesthésies et hypoesthésie du membre inférieur gauche, raideur lombaire. Achilléen gauche aboli, marche talons-pointes impossible. Lasègue bilatéral ". Par une décision du 27 janvier 2017, le ministre de la défense a rejeté cette demande au motif que l'invalidité, évaluée globalement au taux de 40 %, résultait, à hauteur de 10 %, d'une infirmité antérieure au service et, à hauteur de 10 %, de " l'arthrodèse L3-L5 " postérieure au service, de sorte que les séquelles de la maladie contractée durant le service entraînaient un degré d'invalidité de 20 %, inférieur au minimum indemnisable de 30 %. Par un jugement n° 18/04 du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions de la Vienne, après avoir relevé que le jugement du 6 décembre 1994 du tribunal des pensions des Deux-Sèvres avait définitivement retenu l'existence d'un état antérieur s'agissant du spondylolisthésis, a estimé que l'infirmité liée à l'arthrodèse L3-L5 était la conséquence de la maladie initiale, de sorte que M. A..., dont le taux d'invalidité imputable au service était de 30 %, avait droit à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. La ministre des armées a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a ordonné avant-dire droit une expertise médicale, dont le rapport a été remis le 2 décembre 2019. 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de pension du 27 octobre 2014 : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme (...). / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 2 de ce code : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code " : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". 3. Il résulte de l'instruction, notamment des déclarations constantes de M. A... corroborées par le certificat médical du 3 septembre 1982 l'exemptant de marche, de sport et de port de charges ainsi que par l'attestation rédigée le 7 mai 1992 par son supérieur hiérarchique, que le 3 septembre 1982, au cours d'une marche programmée, M. A... a ressenti de vives douleurs lombaires à la suite immédiate d'un saut depuis une plateforme de camion alors qu'il portait son paquetage sur le dos. Une radiographie réalisée le 7 septembre suivant a révélé que l'intéressé présentait un spondylolisthésis L5/S1. Du fait des lombalgies chroniques liées à ce spondylolisthésis, M. A... a subi le 7 décembre 1990 une arthrodèse lombaire postéro-latérale L5/S1. Postérieurement à cette intervention, il a présenté une radiculalgie S1 droite et gauche pour laquelle a été pratiquée le 6 juin 1992 une laminectomie en L4/L5. M. A... a ensuite présenté des cruralgies, essentiellement gauches, en lien avec une instabilité lombaire sus-jacente à L5, et subi le 27 novembre 2013 une arthrodèse L3/L4/L5 avec dépose du matériel de l'arthrodèse du 7 décembre 1990. Il résulte des certificats médicaux versés au dossier qu'à la date du 27 octobre 2014 de sa nouvelle demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité, M. A... présentait une lombosciatalgie bilatérale chronique et des cruralgies majoritairement gauches, ces douleurs réduisant son périmètre de marche et rendant pénible la station debout prolongée. Le taux d'invalidité global résultant de ces affections a été évalué, sans contredit sur ce point, à 40 %. 4. Toutefois, et comme le fait valoir la ministre des armées en appel, il résulte tant de l'expertise médicale du 16 octobre 2015 diligentée par l'administration que de l'avis émis le 16 décembre 2015 par la commission consultative médicale que les cruralgies dont souffre M. A..., entraînant un taux d'invalidité de 10 %, ont pour origine, non pas la décompensation du spondylolisthésis en L5/S1 survenue durant son entraînement militaire en 1982, mais une instabilité lombaire sus-jacente à L5 dénuée de tout lien avec le service. M. A... n'apporte aucun élément de nature à contredire ces analyses médicales concordantes, alors en outre que le certificat médical établi le 15 septembre 2015 par son médecin généraliste mentionne également " une dégénérescence discale L4/L5 associée à un spondylolisthésis dégénératif ". Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'infirmité en rapport avec ces cruralgies, à l'origine d'un taux d'invalidité de 10 %, ne résulte pas du service. 5. Par ailleurs, il résulte des conclusions, concordantes sur ce point, de l'expertise médicale du 16 octobre 2015 et de l'expertise ordonnée avant-dire droit par la cour régionale des pensions de Poitiers, que le taux d'invalidité de M. A... à raison des troubles liés à son spondylolisthésis en L5/S1 peut être évalué à 30 %. Cependant, la demande de M. A... au titre de ses troubles a un objet et une cause juridique identiques aux prétentions de ce dernier que le jugement du tribunal des pensions des Deux-Sèvres du 6 décembre 1994 a rejetées en retenant, d'une part, que cette infirmité avait pour origine une maladie, d'autre part, que l'invalidité en résultant était imputable, à hauteur de 10 %, à un état antérieur. Ainsi que le soutient la ministre des armées, les motifs de ce jugement, qui sont le soutien nécessaire de son dispositif de rejet des prétentions de M. A..., sont revêtus de l'autorité de la chose jugée. Le moyen de M. A... tiré de ce que l'infirmité en cause aurait pour origine une blessure à l'occasion du service, de sorte que le taux d'invalidité minimum indemnisable serait de 10 % et non de 30 %, ne peut ainsi qu'être écarté. De même, si M. A... persiste à soutenir que sa pathologie ne constitue pas l'aggravation d'une infirmité étrangère au service en faisant valoir que l'expertise ordonnée avant-dire droit dans le cadre de la présente instance exclut toute infirmité antérieure à son incorporation, cette argumentation ne peut qu'être écartée compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée au motif susmentionné du jugement du 6 décembre 1994. 6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de la Vienne a annulé la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2017 et reconnu à M. A... un droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %. 7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit, taxés et liquidés à la somme de 1 154 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 20 janvier 2020, à la charge de l'Etat. 8. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 18/04 du 24 septembre 2018 du tribunal des pensions de la Vienne est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions de la Vienne et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 154 euros, sont mis à la charge de l'État. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve Dupuy La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04095
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/02/2022, 19BX03946, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Toulouse d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " psycho-syndrome post-traumatique ". Par un jugement n°18/00006 du 2 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé la décision de la ministre des armées du 4 décembre 2017 et a enjoint à la ministre des armées de liquider la pension d'invalidité de M. B... au taux de 60 % à compter du 1er septembre 2016. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, la ministre des armées a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Toulouse : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a porté au taux de 60 % la pension militaire d'invalidité de M. B... initialement concédée au taux de 20 % ; 2°) de ramener le taux de cette pension à 30 %. Elle soutient qu'au regard des signes cliniques décrits par les experts, l'aggravation du syndrome de M. B... ne saurait excéder 10 %, et que le tribunal a fixé le taux d'invalidité résultant de l'aggravation de manière arbitraire, en débit des éléments médicaux versés au dossier. Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête de la ministre des armées, enregistrée sous le n° 19BX03946. Par des mémoires, enregistrés les 16 janvier, 2 juillet et 4 août 2020, la ministre des armées conclut aux mêmes fins que sa requête. Elle soutient en outre que : - il convient en l'espèce de déterminer si l'état de santé de M. B... justifie, à la date de sa demande, qu'une pension au taux de 60 % lui soit octroyée ; les avis médicaux convergent sur une évaluation de ce taux à 30 %, sans qualifier d'intenses les troubles présentés par M. B... ; - ni les compétences, ni l'impartialité du tribunal ne sont remises en cause ; il est seulement reproché au tribunal d'avoir procédé à une évaluation médicale sans se référer aux pièces médicales du dossier ; - le rapport établi le 5 juin 2020 par un psychiatre, produit par M. B..., a été établi pour les besoins de la cause et ne se prononce pas sur l'état de santé de M. B... à la date de sa demande de révision du 1er septembre 2016. Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 juin et 21 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Maumont, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État d'une somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'administration appelante accuse les premiers juges de subjectivité ; la composition du tribunal était pourtant conforme aux dispositions alors en vigueur, et le tribunal, dont le jugement est motivé, n'a pas failli à sa mission ; - l'expertise ordonnée par le tribunal constate une aggravation très importante de son syndrome, en soulignant qu'elle lui rend impossible toute vie normale et en qualifiant son syndrome post-traumatique de grave ; la description faite par l'expert n'est pas en cohérence avec le taux qu'il propose ; le tribunal a ainsi estimé à juste titre que l'infirmité présentait un caractère intense, justifiant un taux d'invalidité de 60 % selon le guide barème ; - il produit un rapport établi par un psychiatre qui confirme l'ampleur de l'aggravation de son syndrome post-traumatique en se plaçant dans le contexte de la demande ; selon ce rapport, il présente de nombreux symptômes qui le rendent inadaptable à la vie quotidienne ; il a perdu tout élan vital, ainsi que toute aptitude à participer à des opérations extérieures ; il a été contraint de modifier son suivi médical et de rompre le lien de confiance noué avec le psychiatre qui le suivait en raison de la peur générée par l'emprunt d'un moyen de transport ferroviaire ; sa compagne a attesté de la gravité de son syndrome, de son impact sur leur quotidien et de l'aggravation constatée depuis la fin de l'année 2015. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique, - et les observations de Me Maumont, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... s'est engagé dans l'armée de terre à partir du 1er février 2005 et détient le grade de sergent-chef depuis le 1er octobre 2016. Par un arrêté du 7 septembre 2009, il s'est vu octroyer une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % pour un psycho-syndrome post-traumatique consécutif à sa participation, le 18 août 2008, à l'opération militaire menée en riposte à l'embuscade d'Uzbin, en Afghanistan. Par une décision du 4 décembre 2017, la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension présentée le 1er septembre 2016 pour aggravation de son psycho-syndrome post-traumatique. Par un jugement du 2 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Toulouse, après avoir ordonné avant-dire droit une expertise médicale dont le rapport a été remis le 31 mars 2019, a estimé que le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité pensionnée était supérieur de 40 points par rapport au pourcentage antérieur. Le tribunal a en conséquence annulé la décision de refus de révision du 4 décembre 2017 et ordonné à la ministre des armées de liquider la pension d'invalidité de M. B... au taux de 60 % à compter du 1er septembre 2016. La ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a retenu un taux d'invalidité de 60 %, et demande à la cour de ramener ce taux à 30 %. 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme (...). / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Il résulte de ces dispositions que c'est à cette date qu'il faut se placer pour évaluer le taux des infirmités à raison desquelles la pension ou sa révision est demandée. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 29 du même code, alors applicable : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Aux termes de l'article L. 9 de ce même code : " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. (...) Pour l'application du présent article, un décret (...) détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. (...) ". L'article L. 10 précise que " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". Selon le guide barème annexé au décret du 10 janvier 1992 : " L'attribution des pourcentages d'invalidité en matière de troubles psychiques présente d'importantes difficultés de mesure. En général, il est possible de quantifier (par des échelles à intervalles ou ordinales relativement rigoureuses) un degré d'invalidité dans le domaine somatobiologique proprement dit où l'expert s'appuie sur la notion d'intégrité physique (anatomique, physiologique et fonctionnelle). (...). En matière de troubles psychiques, ces pourcentages seront utilisés comme un code. Les éléments de celui-ci constituent une échelle nominale, dont les différents termes reçoivent à la fois une définition précise et explicite, s'appuyant sur des critères simples et généraux définissant le niveau d'altération du fonctionnement existentiel. Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : absence de troubles décelables : 0 p. 100; troubles légers : 20 p. 100; troubles modérés : 40 p. 100; troubles intenses : 60 p. 100; troubles très intenses : 80 p. 100; déstructuration psychique totale avec perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société : 100 p. 100 ". 4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise psychiatrique diligentée par l'administration dans le cadre de la demande de M. B... de révision de sa pension pour aggravation, que le psycho-syndrome post-traumatique présenté par l'intéressé et initialement pensionné au taux de 20 % s'est aggravé à partir de l'année 2012, à la suite des attentats commis à Toulouse, et de nouveau depuis la fin de l'année 2015, à la suite de la vague d'attentats commis en région parisienne. Cette expertise, dont le rapport a été rédigé le 7 janvier 2017, décrit un sentiment d'impuissance et de culpabilité, une fascination de l'intéressé pour l'évènement traumatique à l'origine de son syndrome, des reviviscences dont la fréquence est estimée à une fois tous les 15 jours, des difficultés d'endormissement et des cauchemars environ une fois par mois, le développement d'une hypervigilance et d'une réactivité aux bruits et à certains détails, une irritabilité et une agressivité ainsi qu'un repli sur soi et des difficultés dans le contact générant des tensions au sein de son couple. L'expert précise que M. B... a repris un suivi thérapeutique à raison d'une consultation par mois et prend un traitement antidépresseur à raison d'un comprimé chaque soir, et estime que l'infirmité résultant du syndrome post-traumatique peut être évaluée, du fait de cette aggravation, au taux de 30 %, lequel correspond à des troubles légers à modérés suivant les orientations précitées du guide barème. 5. L'expertise ordonnée avant-dire droit par le tribunal des pensions militaires de Toulouse, dont le rapport a été remis le 31 mars 2019, décrit une symptomatologie nettement plus prononcée, qualifiant l'aggravation du syndrome post-traumatique dont M. B... est atteint de " dramatique " en raison de son " obsession " pour l'embuscade d'Uzbin, avec un effondrement de sa vie familiale, professionnelle et sociale, des cauchemars deux à trois fois par nuit, une angoisse et une réminiscence permanentes et des idées suicidaires. Cependant, cette expertise, établie le 31 mars 2019, relève que la symptomatologie de M. B... s'est progressivement aggravée depuis 2016 et en particulier depuis la naissance de son fils en 2017 puis au moment de la commémoration des dix ans de l'embuscade d'Uzbin en 2018, et décrit l'état de l'intéressé " à ce jour ", et non pas à la date du 1er septembre 2016 de sa demande de révision. Or, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension, laquelle lie le contentieux ultérieur. De même, si M. B... produit devant la cour un rapport établi par un psychiatre le 12 mars 2020 selon lequel le syndrome post-traumatique est désormais d'une " intensité sévère ", cette analyse médicale décrit l'état actuel de l'intéressé, auquel il appartient, s'il s'y croit fondé, de présenter à ce titre une nouvelle demande. 6. Dans ces conditions, compte tenu des éléments retenus par l'expertise psychiatrique du 7 janvier 2017, les troubles présentés par M. B... à la date du 1er septembre 2016 doivent être qualifiés entre modérés et intenses au sens des orientations précitées du guide barème. Le pourcentage d'invalidité en résultant doit en conséquence être fixé à 50 % à la date de la demande de révision de M. B.... Si ce supplément d'invalidité de 30 % ouvre droit à M. B... à une révision de sa pension pour aggravation, la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal lui a enjoint de liquider la pension d'invalidité de M. B... au taux de 60 % à compter du 1er septembre 2016, et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement. 7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Il est enjoint à la ministre des armées de liquider la pension d'invalidité de M. B... au taux de 50 % à compter du 1er septembre 2016. Article 2 : Le jugement n°19/00006 du 2 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve Dupuy La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX03946
Cours administrative d'appel
Bordeaux