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CAA de DOUAI, 2ème chambre, 29/11/2022, 21DA02741, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 mai 2019 par laquelle le centre hospitalier d'Arras a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que la décision du 23 octobre 2019 portant rejet de son recours gracieux et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910810 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Jean-Eric Callon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du centre hospitalier d'Arras du 3 mai 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et la décision du 23 octobre 2019 portant rejet de son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière qui exige un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 % pour qu'une pathologie, qui n'est pas désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, soit reconnue imputable au service, ne s'applique pas en l'espèce dès lors que ce texte n'était pas entré en vigueur à la date à laquelle sa maladie a été diagnostiquée ; - la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le médecin qui l'a examinée à la demande du centre hospitalier a estimé que son arrêt de travail du 10 juin au 21 juillet 2018 devait être pris en charge dans le cadre de sa maladie professionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2022, le centre hospitalier d'Arras, représenté par Me Géraldine Pryfer, conclut au rejet de la requête de Mme A... et à la mise à sa charge de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n°2020-566 du 13 mai 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Géraldine Pryfer, représentant le centre hospitalier d'Arras. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A... a été recrutée par le centre hospitalier d'Arras en qualité d'auxiliaire de service temporaire par contrat en date du 18 juillet 1983. Elle a ensuite été titularisée en qualité d'agent des services hospitaliers le 1er novembre 1989 puis en qualité d'aide-soignante le 1er février 1997. Par un courrier en date du 8 février 2018, l'intéressée a demandé que la bursite de l'épaule gauche dont elle est atteinte soit reconnue imputable au service. La commission de réforme a émis le 8 mars 2019 un avis défavorable à cette demande. Prenant acte de cet avis, la directrice des ressources humaines du centre hospitalier d'Arras a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme A... au motif que celle-ci n'était pas inscrite dans le tableau n°57 des maladies professionnelles et qu'il n'était pas établi qu'elle était essentiellement et directement causée par le travail habituel de l'agent. Mme A... a formé, le 27 juin 2019, un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 23 octobre 2019. Mme A... relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Sur le bien-fondé du jugement : 2. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (....) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 régissant respectivement la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Le IV de l'article 10, pour la fonction publique hospitalière, dispose ainsi que : " A l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : a) Au deuxième alinéa du 2°, les mots : " ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions " sont remplacés par les mots : " à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service " ; b) Au 4°, le deuxième alinéa est supprimé ; c) Après le quatrième alinéa du 4°, est inséré un alinéa ainsi rédigé : " Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue durée ". 3. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020. 4. Il ressort des pièces du dossier que la bursite de l'épaule de l'épaule gauche dont souffre Mme A... a été diagnostiquée le 30 mai 2017. Par suite, l'intéressée doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans leur rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du rapport de l'expert rhumatologue en date du 5 novembre 2018, que Mme A... souffre d'une bursite de l'épaule gauche occasionnant des douleurs surtout en cas de mouvement d'abduction. Si l'expert a considéré à tort que l'arrêt de travail pour la période du 10 juin au 21 juillet 2018 devait être pris en compte dans le cadre du tableau 57A des maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale alors que la pathologie présentée par l'intéressée ne figure pas dans ce tableau, il a toutefois estimé que celle-ci présentait le caractère d'une maladie professionnelle dès lors que Mme A... effectuait dans le cadre de ses fonctions d'aide-soignante des mouvements répétés des épaules au-dessus de l'horizontale et qu'il n'existait aucun antécédent en rapport avec cette bursite. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite des préconisations du service de santé au travail en date du 7 février 2018, le comité de maintien de l'emploi s'est prononcé le 22 juin 2018 en faveur d'une adaptation du poste de Mme A... qui ne devait plus porter de charges lourdes, ce qui a entraîné son affectation sur un poste d'ambassadeur de convivialité au sein du service des urgences en juillet 2018. Enfin, la circonstance que le second expert a indiqué dans son rapport en date du 18 septembre 2020 que la pathologie présentée par Mme A... ne pouvait être d'origine professionnelle dès lors qu'elle présentait un taux d'incapacité permanente partielle inférieur à 25%, n'est pas de nature à démontrer que celle-ci ne serait pas en lien direct avec les fonctions d'aide-soignante alors qu'un tel taux n'était pas exigé par les dispositions précitées de l'article 41 de loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dès lors, eu égard à ce qui vient d'être dit, il y a lieu de considérer que la directrice du centre hospitalier d'Arras a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme A.... Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision du 3 mai 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que de la décision du 23 octobre 2019 rejetant son recours gracieux. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier d'Arras, Mme A... n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1910810 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : Les décisions de la directrice des ressources humaines du centre hospitalier d'Arras des 3 mai et 23 octobre 2019 sont annulées. Article 3 : Le centre hospitalier d'Arras versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier d'Arras tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Arras. Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°21DA02741
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 22/11/2022, 20MA04307, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 26 juin 2018 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a informé d'un trop-perçu de traitements, sur la période de janvier à juillet 2018, d'un montant de 7 055, 93 euros et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018. Par un jugement n° 1806655 du 21 septembre 2020, rectifié par ordonnance du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 et 27 novembre 2020, 30 décembre 2020, 29 janvier 2021 et les 6 septembre et 11 octobre 2022, M. C..., représenté en dernier lieu par la société d'avocats interbarreaux Sanguinède Di Frenna et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 26 juin 2018 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a informé d'un trop-perçu par lui, d'un montant de 7 055, 93 euros, et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la procédure suivie devant le tribunal est irrégulière, dès lors, d'une part, que le jugement a été rectifié par voie d'ordonnance, pour corriger une erreur qui n'est pas purement matérielle, une telle ordonnance étant entachée de fraude, d'autre part, que le tribunal s'est fondé sur les dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 qui n'étaient pas invoquées par l'administration et enfin, que par sa motivation, le jugement querellé prive le requérant d'un recours efficace contre la décision en litige, et ne répond pas à tous ses moyens ; - la décision litigieuse, qui ne s'analyse pas comme une simple mesure comptable, mais comme une décision de récupération de sommes indument versées et donc comme imposant une sujétion, doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et ne l'est pas en l'espèce ; - il avait droit, sur le fondement de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, au maintien de l'intégralité de son traitement pour la période du 31 octobre 2017, date de consolidation de sa maladie, au 1er juillet 2018, date de son admission à la retraite pour invalidité, dès lors que les arrêts de travail correspondants sont en lien direct et certain avec son accident de service du 18 décembre 2015, contrairement aux indications des décisions du 11 juin 2018, de sorte que la décision en litige méconnaît ces dispositions ; - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, son moyen tiré du défaut de prise en compte du report de ses droits à congé était suffisamment précis ; - ont été méconnus les principes de sécurité juridique, d'impartialité et de non-rétroactivité ; - en se fondant essentiellement sur la date de consolidation de l'état de santé du demandeur, le tribunal a rendu une décision discriminatoire, en méconnaissance des articles 1 et 7 de la déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - son recours se fonde également sur l'article 1er et le titre XI bis de la Constitution, les articles 1, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi sur son préambule, les articles 15, 16 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens et son préambule, les articles 2, 7, 8, 10 et 17 de la déclaration universelle des droits de l'homme et les articles 6, 13, 14 et 17 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que sur l'article 1er de son premier protocole additionnel. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., magistrat du siège exerçant les fonctions de vice-président du tribunal de grande instance de Marseille, a été victime le 17 décembre 2015 d'un accident qui a été reconnu imputable au service par une décision du 13 mai 2016. Par une décision du 14 juin 2018, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 octobre 2017, avec un taux d'incapacité partielle permanente de 35 %. Par arrêté du 31 décembre 2018, pris à sa demande, M. C... a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2018. Par une décision du 26 juin 2018, le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a informé d'un trop-perçu par lui, d'un montant de 7 055, 93 euros, pour la période de janvier à juillet 2018, et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018. Par un jugement du 21 septembre 2020, rectifié par ordonnance du 22 octobre 2020, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la nature de la décision en litige : 2. Une requête dirigée contre un titre exécutoire ou un ordre de reversement relève, par nature, du plein contentieux. Il en va de même pour la requête dirigée contre la lettre par laquelle l'administration informe un fonctionnaire qu'une somme indument payée fera l'objet d'une retenue sur son traitement. 3. Par la décision en litige, le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire ne s'est pas borné, au nom du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et du procureur général près cette cour, à opérer une retenue sur la rémunération devant être servie à M. C... pour le mois de juillet 2018, mais a décidé la récupération auprès de l'intéressé de la somme de 7 055, 93 euros au titre d'un trop-perçu et l'a informé qu'à ce titre, cette somme ferait l'objet d'une retenue sur son traitement. Ainsi cette décision n'est pas seulement une mesure comptable, susceptible de recours pour excès de pouvoir, mais un ordre de reversement, dont M. C... demande l'annulation par un recours qui a donc la nature d'un recours de pleine juridiction. Sur la légalité de la décision en litige : 4. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 3° ...imposent des sujétions ; ". L'article L. 211-5 du même code précise que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". 5. La décision par laquelle l'autorité administrative procède à la récupération de sommes indûment versées à un fonctionnaire au titre de ses traitements est au nombre des décisions imposant une sujétion et doit, par suite, être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en résulte qu'une telle décision doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A ce titre, l'autorité administrative doit faire figurer dans la motivation de sa décision la nature de la prestation et le montant des sommes réclamées, ainsi que le motif et la période sur laquelle porte la récupération. En revanche, elle n'est pas tenue d'indiquer dans cette décision les éléments servant au calcul du montant de l'indu. 6. Si la décision litigieuse mentionne la nature de la créance détenue sur M. C..., son montant et la période au titre de laquelle elle est due, elle ne fait pas apparaître le motif pour lequel la récupération est ainsi décidée. Elle ne peut donc être regardée comme suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions législatives citées au point 4 et doit être annulée pour ce premier motif. 7. D'autre part, aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : 1° En activité... " et que selon l'article 68 : " les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après ". L'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, qui n'est pas contraire aux règles statutaires du corps judiciaire et qui s'applique aux magistrats judiciaires, dispose, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 8. Il résulte des dispositions précitées qu'un agent qui n'est plus apte à reprendre son service à la suite d'un accident de service et auquel aucune offre de poste adapté ou de reclassement n'a été faite a droit à être maintenu en congé de maladie avec le bénéfice de son plein traitement, sans autre limitation que celles tenant à sa mise à la retraite ou au rétablissement de son aptitude au service. 9. Il résulte de l'instruction que si, par une décision du 14 juin 2018, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. C... au 31 octobre 2017, avec un taux d'incapacité partielle permanente de 35 %, ce n'est que par des décisions du 11 juin 2018 que cette autorité a déterminé le nombre de jours de congés de maladie de l'intéressé donnant lieu à versement de demi-traitements, en considération desquelles a été prise la mesure en litige. Par suite, la circonstance, non contestée, que M. C... n'a pas remis en cause la légalité de cette décision du 14 juin 2018 demeure sans incidence sur la recevabilité de l'exception, qu'il doit être regardé comme ayant soulevée dès sa requête introductive de la présente instance, eu égard à l'argumentation qu'il y présente, et qu'il articule à l'encontre de ces mesures du 11 juin 2018. 10. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, à la suite de son accident de service survenu le 17 décembre 2015, M. C... n'a plus été en mesure de reprendre son service jusqu'à son admission à la retraite, prononcée à compter du 1er juillet 2018 par arrêté du 3 décembre 2018 pris sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il devait bénéficier de son plein traitement jusqu'au 1er juillet 2018. C'est donc en méconnaissance des dispositions législatives citées au point 7 que, pour décider par la décision en litige, de récupérer la somme de 7 055, 93 euros auprès de M. C..., le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire a considéré, sur la base des décisions du 11 juin 2018, que l'intéressé ne pouvait bénéficier de son plein traitement pour la période de janvier à juin 2018 inclus. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 2018. Ce jugement et cette décision doivent donc être annulés. Sur les frais liés au litige : 12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance au bénéfice de M. C..., la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1806655 du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2020, rectifié le 22 octobre 2020, et la décision du 26 juin 2018 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire a informé M. C... d'un trop-perçu de traitements, sur la période de janvier à juillet 2018, d'un montant de 7 055, 93 euros et de l'intervention consécutive d'une retenue sur son traitement du mois de juillet 2018, sont annulés. Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022. N° 20MA043072
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 15/11/2022, 20BX03075, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le président du conseil départemental de la Charente a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 18 décembre 2017. Par un jugement du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2020 et le 23 août 2021, Mme C..., représentée par Me Renner, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Poitiers ; 2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 du président du conseil départemental de la Charente ; 3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Charente de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 18 décembre 2017, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ; 4°) de mettre à la charge du département de la Charente une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont entaché leur décision d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont elle a été victime alors qu'elle revenait sur son lieu de travail après sa pause méridienne constitue un accident de trajet ; - la réalité de cet accident est établie par les pièces versées au dossier que le département de la Charente se borne à contester sans apporter aucune preuve. Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2020 et le 13 septembre 2021, le département de la Charente, représenté par Me Heymans, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 900 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B... A..., - les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique, - et les observations de Me Platel pour le Département de la Charente. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... C..., adjointe administrative principale de 2ème classe, exerce ses fonctions au sein du service " bâtiments " du département de la Charente à Angoulême. Le 18 décembre 2017, elle a été victime d'une chute à la suite de laquelle elle a été placée en congé de maladie. Par un arrêté du 19 juin 2018, le président du conseil départemental de la Charente a refusé de reconnaître l'imputabilité au service cet accident. Mme C... relève appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Dès lors, la situation de Mme C..., victime d'un accident survenu le 18 décembre 2017, est régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 introduit par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas encore entré en vigueur à la date de l'accident, faute de décret d'application. Le décret d'application du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale n'est entré en vigueur que le 13 avril 2019. 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". 4. Est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 décembre 2017, Mme C... a renseigné une déclaration d'accident de service en y indiquant qu'elle avait été victime d'une chute sur le trottoir de la rue d'Austerlitz entre 13 h 15 et 13 h 20, lors de sa pause méridienne, alors qu'elle se trouvait sur le parcours entre son domicile et son lieu de travail situé rue de l'Arsenal. Le 4 avril 2018, Mme C... a adressé à la commission de réforme, appelée à émettre un avis sur l'imputabilité au service de son accident, un courrier relatant pour la première fois que, le 18 décembre 2017, elle avait pris son repas au restaurant inter-administratif, où il est d'ailleurs établi par les pièces versées au dossier qu'elle a été servie à 12 h 26, et avait ensuite effectué des tâches de la vie courante. Le 3 mai suivant, Mme C... a déclaré avoir été victime de l'accident en cause sur le trajet depuis son domicile ainsi que depuis son lieu de prise habituelle des repas et s'être déplacée non seulement en bus et à pied mais également en voiture pour retourner à son domicile y récupérer des médicaments. En outre, tandis que dans la déclaration de service établie le 18 décembre 2017, Mme C... avait uniquement renseigné les coordonnées d'un témoin indirect qui l'avait aidée à reprendre ses esprits après la chute, elle s'est nouvellement prévalue le 5 février 2018 de l'existence d'un témoin direct, au surplus présenté comme une inconnue alors qu'elle faisait partie de ses " amis " sur le réseau social Facebook. Ces éléments ont d'ailleurs justifié le prononcé d'un blâme par un arrêté du 9 juillet 2018, contre lequel a été formé un recours en annulation rejeté par un jugement du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Poitiers, confirmé par un arrêt du 11 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux devenu définitif. Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges qui n'ont pas inexactement analysé les pièces du dossier, les différentes déclarations de Mme C... sont ainsi à tout le moins entachées d'omissions et de contradictions. Dans ces conditions, et alors même que la commission de réforme avait émis un avis favorable le 5 avril 2018, l'accident dont Mme C... a été victime le 18 décembre 2017 ne peut être regardé comme revêtant le caractère d'un accident de trajet. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2018 du président du conseil départemental de la Charente. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, faire droit aux conclusions présentées par le département de la Charente sur le fondement de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge Mme C... la somme de 900 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Mme C... versera au département de la Charente la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de la Charente. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Karine Butéri, présidente, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, M. Anthony Duplan, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022. L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau Caroline Gaillard La présidente-rapporteure, Karine A... La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Charente en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX03075
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/11/2022, 21NT00998, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes puis au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles d'hépatite virale " et " séquelles de mélanome stade III de la cuisse gauche, œdème chronique et cicatrice ", le cas échéant, après expertise médicale. Il a également demandé au tribunal de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour " diminution de l'ouverture palpébrale gauche " et " hypoacousie bilatérale : perte auditive moyenne oreille droite 33,75 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 30 décibels ". Par un jugement n° 1905817 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 avril et 10 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Fleck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 février 2021 en tant qu'il concerne ses problèmes hépatiques et son mélanome ; 2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre des séquelles d'hépatite virale et du mélanome, le cas échéant après expertise médicale. Il soutient que sa requête est recevable dès lors qu'il n'est pas en mesure d'apporter d'autres éléments ; S'agissant de l'hépatite virale : - il conserve des troubles et un nodule au niveau hépatique ; les conclusions de l'expert ne sont pas catégoriques de sorte qu'une nouvelle expertise médicale est nécessaire ; S'agissant du mélanome : - il conserve une cicatrice importante, des douleurs et des raideurs au niveau de la jambe qui l'empêchent de rester debout de façon prolongée ; - il a démontré l'imputabilité au service de cette pathologie liée à son exposition au soleil durant sa carrière en Afrique et au Moyen-Orient. Par des mémoires, enregistrés les 12 octobre 2021 et 2 mars 2022, la ministre des armées, conclut à l'irrecevabilité de la requête pour défaut de motivation et, à titre subsidiaire, à son rejet. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1948, s'est engagé dans l'armée de terre à compter du 1er octobre 1967. Il a poursuivi sa carrière militaire jusqu'en 1988. En 1981, une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % lui a été concédée au titre des séquelles qu'il a conservées d'une hépatite virale contractée au Tchad en 1970. Par ailleurs, en 2013, il a été opéré d'un mélanome à la cuisse gauche, qui a nécessité un curage ganglionnaire au mois de janvier 2014 et un traitement médicamenteux pendant deux ans. Le 7 septembre 2016, l'intéressé a sollicité le renouvellement de sa pension au titre de l'hépatite et l'attribution d'une nouvelle pension militaire d'invalidité au titre du mélanome. Par une décision du 26 septembre 2018, ses demandes ont été rejetées. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'il concerne ses problèmes hépatiques et son mélanome. Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre : 2. Si le requérant reprend pour une très large partie ses écritures et conclusions de première instance, il ne s'est pas borné, dans sa requête d'appel, à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance et, dans les circonstances particulières de l'espèce, en sollicitant de nouveau en appel une expertise médicale, il doit être regardé comme motivant de façon suffisante sa requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être rejetée. Sur les pathologies en litige : 3. M. A... soutient qu'il conserve des troubles et un nodule au niveau hépatique et que cette pathologie implique le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité. Il ressort de l'expertise médicale réalisée le 26 mars 2018, confirmée par le médecin chef chargé des pensions militaires d'invalidité le 23 mai 2018, que sa biologie hépatique est normale, que les sérologies anciennes vont dans le sens d'une guérison et que les anticorps anti-HBc n'évoquent pas un portage chronique mais plutôt une guérison ou une vaccination récente. Le premier expert indique cependant que les lésions rapportées sur l'imagerie hépatique ne lui paraissent " pas forcément avoir un lien évident avec l'hépatite virale " mais évoque cependant une possible relation avec le mélanome qu'il présente par ailleurs. Il précise que cette tumeur a été traitée notamment par interféron. L'expert militaire estime pour sa part que les troubles hépatiques de M. A... sont d'origine vasculaire et ne sont pas en relation avec le mélanome découvert en 2013. 4. S'agissant du mélanome, M. A..., qui ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité pour cette nouvelle pathologie, présente une cicatrice importante, des douleurs et des raideurs au niveau de la jambe qui l'empêchent de rester debout de façon prolongée. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été affecté durant ses années de service soit en Afrique, soit au Moyen-Orient, et qu'à l'époque il portait un short relativement court. Les experts reconnaissent que son mélanome se situe au-dessous de la ligne de short. Lors de l'examen du 26 mars 2018, l'expert a confirmé ces troubles impliquant notamment la nécessité pour l'intéressé de porter en permanence des contentions ainsi que l'accroissement d'un nodule hépatique. Il a estimé " probable " le lien entre cette pathologie et l'exposition prolongée au soleil en l'absence de protection de M. A... et évalué le taux de cette pathologie à 30 %. Le médecin chef chargé des pensions militaires d'invalidité évalue en revanche le taux d'invalidité de cette pathologie à moins de 10 % et écarte, ainsi qu'il a été dit, tout lien entre le nodule hépatique que présente M. A... et son mélanome. 5. Compte tenu du lien possible entre ces deux pathologies et des divergences de conclusions de ces deux experts, tant sur l'origine que sur le taux retenus, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'expertise et à solliciter la réalisation d'une nouvelle expertise médicale. Il y a lieu, dès lors, avant de statuer sur la requête visée ci-dessus, d'ordonner cette expertise dans les conditions mentionnées ci-dessous. DÉCIDE : Article 1er : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire entre les parties. Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 3 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. A..., en ce qui concerne les deux pathologies en litige, se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ; - d'examiner l'intéressé, décrire son état de santé actuel ; - déterminer l'origine des problèmes hépatiques actuels de l'intéressé et ses possibles relations tant avec l'hépatite virale contractée en 1970 qu'avec le mélanome qu'il a développé au niveau de la cuisse en 2013 ; - fixer le taux d'invalidité de M. A... imputable à chacune de ces deux infirmités ; - de façon générale, donner tous autres éléments d'information nécessaires. Article 4 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, dans le délai de deux mois suivant la prestation de serment, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties. Article 5 : L'expert appréciera l'utilité, pour lui, de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport qui, s'il est rédigé, ne pourra avoir pour effet de conduire à dépasser le délai fixé à l'article 4 ci-dessus. Article 6 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT00998
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/11/2022, 21NT01088, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du ministre de la défense du 24 mai 2017 refusant de lui attribuer une pension militaire d'invalidité et à ce qu'il lui soit accordé une pension militaire d'invalidité au taux de 35%. Par un jugement n° 1902700 du 19 février 2021 le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision et a accordé à M. C... une pension d'invalidité de victime civile de guerre au taux de 35% à compter du 17 mars 2015. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 avril 2021 et le 7 décembre 2021, le ministre des armées, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2021 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. C.... Il soutient que : - le tribunal n'a pas précisé, dans son dispositif, l'intitulé de l'infirmité reconnue au taux de 35% ; - la nature de l'infirmité n'est pas précisée ; - il n'a pas été tenu compte par le tribunal des données médicales à la date de la demande de pension ; - le taux de 35% retenu n'est pas justifié ; - le lien de causalité entre l'assassinat du père du requérant et son état psychologique n'est pas démontré. Par des mémoires en défense enregistrés le 27 septembre 2021 et le 22 novembre 2021 M. C... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, en son article 6 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... a sollicité, le 17 mars 2015, une pension militaire pour des troubles psychologiques survenus à la suite de l'assassinat de son père le 21 avril 1958 à ...(...). Le ministre de la défense a rejeté sa demande le 24 mai 2017. M. C... a été regardé par le tribunal administratif de Caen comme demandant l'annulation de cette décision et que lui soit concédée une pension de victime civile de guerre à un taux de 35 %. Le ministre des armées relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé sa décision du 24 mai 2017 et a accordé à M. C... une pension de victime civile de guerre d'invalidité au taux de 35 % à compter du 17 mars 2015. Sur les conclusions d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes ayant subi en ... entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre ..., bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 124-11 du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 113-6 relatif à la réparation des dommages physiques subis en relation avec la guerre ..., ouvrent droit à pension les infirmités ou le décès résultant : / 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre ; / 2° De maladies contractées du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". 3. D'une part, il résulte de l'instruction que M. C... souffre depuis au moins 1972 de troubles psychiques pour lesquels il a été hospitalisé en ... et pour lesquels il est suivi régulièrement en France, où il vit depuis 1987, comme cela est établi par les différents certificats médicaux produits. Le tribunal du contentieux de l'incapacité de Caen a, le 26 juin 2006, pour ces troubles de la personnalité avec forme de paranoïa, délires interprétatifs à teneur persécutive, troubles de l'adaptation et probables troubles post-traumatiques, fixé à 70 % le taux d'incapacité de M. C.... Le psychiatre expert qui l'a examiné le 13 janvier 2020 dans le cadre d'une expertise ordonnée par le tribunal des pensions a conclu, à l'issue d'un examen psychique de l'intéressé, que celui-ci souffrait d'une psychose paranoïaque consécutive au traumatisme vécu en 1958. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de police judiciaire établi le 1er juillet 1958 que, le 21 avril 1958, le père de M. Ouanouche, président de la délégation spéciale de D..., a été abattu de trois coups de feu, dans un champ jouxtant sa demeure, par des indépendantistes algériens venus le chercher de force chez lui, alors qu'il prenait son repas avec son épouse et ses enfants. Si le psychiatre expert qui a examiné M. C... le 13 décembre 2016 a dénié le caractère post-traumatique de ses symptômes et a retenu le concernant des troubles atypiques de l'humeur, il résulte des termes mêmes de cette expertise qu'elle est fondée de façon erronés sur le caractère hypothétique de l'assassinat du père de l'intéressé en 1958. Dans ces conditions, M. C... apporte la preuve d'un lien de causalité direct et déterminant entre l'assassinat de son père et son état psychique sans que le ministre puisse soutenir que la nature de l'infirmité serait imprécise ou qu'il aurait fallu tenir compte de l'état médical de M. C... au moment de sa demande de pension, lequel, eu demeurant, comme il a été dit, était déjà suffisamment établi et corrélé avec l'assassinat de son père. 4. D'autre part, si le ministre soutient que le taux de 35% retenu ne serait pas justifié et que ce taux a été fixé à 20 % par l'expertise réalisée le 13 décembre 2016, il résulte de l'instruction que le psychiatre expert qui a examiné M. C... le 13 janvier 2020 a fixé son taux d'invalidité à 35 % pour la pathologie psychiatrique de l'intéressé en indiquant notamment que " l'examen psychiatrique de M. C... objective ce jour une psychose paranoïaque consécutive au traumatisme vécu en 1958 " alors que, ainsi que dit précédemment, l'expertise du 13 décembre 2016 reposait sur des éléments de faits erronés, relatifs notamment à l'assassinat du père de M. C.... Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément contraire, le taux d'invalidité lié à aux troubles psychiques de M. C... imputables à l'assassinat de son père, sans que le ministre ne puisse sérieusement soutenir que cette qualification est imprécise compte tenu notamment de l'expertise médicale du 13 janvier 2020, doit être fixé à 35 %. 5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Caen a annulé sa décision du 24 mai 2017 et a accordé à M. C... une pension de victime civile de guerre d'invalidité au taux de 35% à compter du 17 mars 2015. Sur les frais liés au litige : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Giraud, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022. Le rapporteur, T. B... Le président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01088
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 7ème chambre, 10/11/2022, 21LY01598, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité par octroi d'une majoration tierce personne et de l'indemniser des préjudices dont il se prévaut, non réparés par la pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1903223 du 9 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 19 mai 2021, M. A..., représenté par Me Le Bigot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision contestée ; 2°) de l'indemniser à hauteur de 10 000 euros des préjudices dont il se prévaut et non réparés par la pension militaire d'invalidité ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise avant dire droit. Il soutient que : - il peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 18 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors que son infirmité nécessite l'assistance d'une tierce personne six heures par semaine, son épouse lui servant de chauffeur et l'assistant pour ses soins et pour les actes de la vie quotidienne ; - la décision est entachée d'une erreur de droit faute pour le ministre d'avoir recherché s'il était dans l'une des situations lui permettant de bénéficier de la majoration tierce personne ; - il doit être indemnisé des souffrances endurées, de son préjudice esthétique, du surcoût induit par l'aménagement d'un véhicule adapté, de son préjudice d'agrément et de son préjudice sexuel. Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la demande indemnitaire que M. B... A... a présentée pour les préjudices non réparés par la pension militaire d'invalidité est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, rapporteur ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1 M. A..., né en 1956, engagé dans la gendarmerie nationale, a été victime le 14 juin 2001 d'un accident de service. Une première pension militaire d'invalidité au taux de 10 % lui a été accordée à compter du 2 novembre 2008, suivie d'une nouvelle pension au taux de 95 %, avec effet au 11 décembre 2012. Les 26 janvier et 30 mai 2017, il a demandé à la ministre des armées une majoration de sa pension pour recours à tierce personne et l'indemnisation de divers préjudices non réparés par cette pension. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 mars 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation du refus que lui a opposé la ministre des armées le 21 juin 2019. Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires devant la cour : 2. Le tribunal, après avoir vainement invité M. A... à chiffrer ses conclusions indemnitaires, sous 15 jours, par un courrier du 14 décembre 2020, reçu le lendemain, les a rejetées comme irrecevables. Par suite, et comme le soutient en défense la ministre, la demande indemnitaire de M. A..., chiffrée pour la première fois devant la cour, ne peut qu'être rejetée. Sur le fond du litige : 3. Aux termes des dispositions désormais codifiées à l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension ". Cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie. Elle impose toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé. 4. M. A... soutient que son infirmité nécessite l'assistance d'une tierce personne non médicale ou spécialisée sur la base de six heures hebdomadaires et qu'il peut se mouvoir à l'aide d'une prothèse qui continue à le faire souffrir, en dépit d'aménagements successifs, et qu'il a engagé des frais importants en vue d'aménager son véhicule et le rendre propre à sa conduite. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 15 juin 2018 que si M. A... nécessite l'aide d'une tierce personne pour se vêtir et se dévêtir, pour faire sa toilette et pour les déplacements extérieurs, ce dernier peut quitter son lit ou se coucher seul, satisfaire ses besoins naturels, boire et manger seul, se déplacer seul sur de courtes distances. Ainsi la fréquence et la périodicité de l'assistance dont l'intéressé a besoin, peuvent être subordonnées à un horaire préétabli et cette assistance n'est pas nécessaire pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée. Par suite, et comme s'en est assurée la ministre des armées, il n'apparaît pas se trouver dans une situation qui justifierait une majoration de sa pension militaire d'invalidité. Aucune violation des dispositions précitées de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne saurait donc être retenue. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022. La rapporteure, C. Djebiri Le président, V.-M. Picard La greffière, S. Lassalle La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N°21LY01598 2 ap
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/11/2022, 21NT01000, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes puis au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, d'annuler la décision du 23 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté ses demandes de pensions militaires d'invalidité au titre d'une " diminution de l'ouverture palpébrale gauche " et d'une " hypoacousie bilatérale : perte auditive moyenne oreille droite 33,75 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 30 décibels ". Par un jugement n° 1905621 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 avril 2021, M. A..., représenté par Me Fleck, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 février 2021 ; 2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de ces deux pathologies ; 3°) de faire droit à sa demande de constat d'aggravation de l'infirmité " défiguration liée à la diminution d'ouverture palpébrale gauche ". Il soutient que : - il souffre d'une aggravation de l'infirmité pensionnée ; - l'expert a constaté sa perte auditive ; il a besoin d'un haut-parleur pour le téléphone et subit une gêne dans sa vie quotidienne. Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2021, la ministre des armées, conclut à l'irrecevabilité de la requête pour défaut de motivation et à titre subsidiaire, à son rejet. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1948, s'est engagé dans l'armée de terre à compter du 1er octobre 1967. Il a poursuivi sa carrière militaire jusqu'en 1988. Au cours du mois de juin 1968, alors qu'il était en service, il a été blessé à l'arcade sourcilière gauche. Par un arrêté du 10 juin 2013, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au titre de l'infirmité " défiguration. Diminution de l'ouverture palpébrale gauche ", au taux de 10 %. Le 6 janvier 2016, M. A... a sollicité la revalorisation de cette pension et invoqué les pathologies suivantes : - " hypoacousie bilatérale ", " rétrécissement de la partie supérieure du champ visuel de l'œil gauche " ainsi que les " séquelles de traitement de décollement de rétine de l'œil gauche ". Il relève appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 2017 du ministre de la défense rejetant ses demandes. Sur les pathologies en litige : 2. M. A... indique qu'il souffre d'une aggravation de l'infirmité pensionnée. Il ressort toutefois du rapport d'expertise du 18 octobre 2016 que l'intéressé présente un discret ptosis de l'œil gauche très peu visible en raison d'un blépharochalasis bilatéral lié à l'âge et non à la blessure pensionnée. Par ailleurs, l'expert constate que son champ visuel montre un rétrécissement de la partie supérieure au-delà de 30° moins prononcé du côté gauche que du côté droit. Il en conclut qu'on ne peut imputer le décollement de rétine de l'œil gauche survenu en 2015 au traumatisme subi au cours de l'année 1968, compte tenu du délai qui s'est écoulé entre ces deux dates. L'expert écarte ainsi toute aggravation ou nouvelle infirmité ophtalmique pensionnable. En l'absence d'éléments médicaux de nature à infirmer cette analyse, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision contestée en ce qui concerne cette infirmité. 3. Le requérant soutient par ailleurs qu'il a besoin d'un haut-parleur pour entendre ses interlocuteurs au téléphone et qu'il subit une gêne dans sa vie quotidienne. Il ressort toutefois du rapport d'expertise en date du 8 septembre 2016 que ses tympans sont normaux et que son bilan audiométrique montre une surdité mixte bilatérale prédominant à droite avec une perte auditive moyenne de 33,75 décibels à droite et de 27,50 décibels à gauche, ce qui correspond à un taux d'invalidité de 2 %, inférieurs au taux de 10 % indemnisable. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée en ce qui concerne également cette infirmité. 4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°21NT01000
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de PARIS, 9ème chambre, 28/10/2022, 22PA00461, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Crédit municipal de Paris à lui verser la somme totale de 205 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des manquements de son employeur à son obligation de sécurité et de protection des agents. Par un jugement n° 2005901 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné le Crédit municipal de Paris à verser à Mme D... une somme de 20 000 euros au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février et 4 mai 2022, Mme C..., représentée par Me Cier, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer le jugement n° 2005901 du 30 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité, à la somme de 20 000 euros, l'indemnité due par le Crédit municipal de Paris au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents ; 2°) de rejeter le recours incident du Crédit municipal de Paris ; 3°) de porter le montant de la condamnation du Crédit municipal de Paris à la somme de 205 000 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis ; 4°) de mettre à la charge du Crédit municipal de Paris le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) de condamner le Crédit municipal de Paris aux entiers dépens. Elle soutient que : - la responsabilité pour faute du Crédit municipal de Paris est engagée à raison de la dégradation de ses conditions de travail et de l'insuffisance des mesures de protection mises en place pour prévenir les risques d'inhalation de substances chimiques auxquels elle a été soumise ; son employeur a méconnu l'obligation de sécurité définie à l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ainsi qu'aux articles 2 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 et L. 4121-1 du code du travail en l'exposant à des produits chimiques dans le cadre de ses missions d'analyse et de poinçonnage de bijoux et d'objets en métaux précieux ; les pathologies physiques et psychiques qu'elle a contractées sont en lien direct avec le service, ainsi que l'a estimé la commission de réforme départementale lors de sa séance du 4 mai 2017 ; - la responsabilité sans faute de l'établissement public est engagée ; - elle a subi divers chefs de préjudices en lien direct avec la faute commise par son employeur : elle est ainsi fondée à demander la somme de 15 000 euros au titre du pretium doloris et du préjudice d'anxiété ; son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ; elle a subi un préjudice de 75 000 euros en raison de la perte de rémunération subie durant sa période de disponibilité ; le préjudice résultant du manquement de son employeur à son obligation de protection et de sécurité doit être évalué à la somme de 35 000 euros ; le préjudice de carrière et d'absence d'avancement doit être évalué à la somme de 60 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, le Crédit municipal de Paris, représenté par la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy, demande à la Cour : 1°) de rejeter les demandes de Mme C... ; 2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 en tant qu'il le condamne à verser à Mme D... la somme de 20 000 euros au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents et, à titre subsidiaire, de ramener à la somme globale de 8 000 euros l'indemnité à laquelle il a été condamné et de réformer dans cette mesure le jugement ; 3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; il a pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à son obligation de sécurité et pour assurer la protection de la santé de la requérante en application des dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière ; - la requérante a commis une faute de nature à exonérer l'établissement public de toute responsabilité ; - la responsabilité sans faute de l'établissement public ne saurait être engagée dans la mesure où la pathologie de l'intéressée n'a pas été déclarée imputable au service et où, à supposer même que les pathologies présentent un lien direct avec l'exercice des fonctions, la requérante a adopté un comportement fautif ; - dans l'hypothèse où la responsabilité de l'établissement serait retenue, celui-ci doit en être exonéré partiellement au regard de la faute de la requérante qui a contribué à la survenance et l'aggravation de ses souffrances et de son préjudice moral ; il convient d'en limiter le montant à 8 000 euros ; - en tout état de cause, Mme D... n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur les préjudices subis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Coudray pour le Crédit municipal de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., agent de constatation à la direction générale des douanes et droits indirects, a été recrutée en 2005 par le Crédit municipal de Paris en qualité d'adjoint administratif, par la voie du détachement, puis intégrée en 2007 dans le corps des secrétaires administratifs des administrations parisiennes. Ses missions comprenaient notamment l'analyse et le poinçonnage de bijoux et objets en métaux précieux destinés à la vente par le Crédit municipal de Paris et pour le compte d'opérateurs extérieurs. Par un arrêté du 26 décembre 2016, le directeur général du Crédit municipal de Paris l'a placée en disponibilité pour convenances personnelles pour une durée d'un an, à compter du 1er février 2017. Le 4 mai 2017, la commission de réforme du département de Paris a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service des pathologies d'agueusie (perte de goût) et d'anosmie (perte de l'odorat) développées par l'intéressée, dues à son exposition répétée à des produits chimiques dans le cadre de ses fonctions. Par un courrier du 27 octobre 2017, elle a sollicité sa réintégration dans les effectifs du Crédit municipal de Paris. Toutefois, après qu'elle a refusé le poste de coordinatrice des prêts sur gages qui lui avait été proposé, elle a été placée en disponibilité d'office par un arrêté du directeur général du Crédit municipal de Paris du 14 mai 2018. Le 10 décembre 2018, elle a été admise, à sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite et a été radiée des cadres à compter du 1er avril 2019. Estimant que le Crédit municipal de Paris avait commis divers manquements à ses obligations de protection et de sécurité de ses agents, notamment en ne procédant pas à un aménagement suffisant de son poste de travail, elle a formé, le 28 novembre 2019, une demande indemnitaire préalable d'un montant de 170 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis qui a été implicitement rejetée. Mme C... relève régulièrement appel du jugement du 30 novembre 2021 visé ci-dessus, en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une indemnité de 20 000 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis et demande à la Cour de porter ce montant à 205 000 euros. Par la voie de l'appel incident, le Crédit municipal de Paris demande à titre principal l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Paris et, à titre subsidiaire, de ramener à la somme globale de 8 000 euros l'indemnité à laquelle il a été condamné. Sur la responsabilité du Crédit municipal de Paris : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 2. D'une part, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires visée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurés aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail, visé ci-dessus : " Dans les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes. ". Aux termes de l'article 2-1 de ce même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, rendu applicable aux agents publics relevant de la fonction publique territoriale par l'article 3 du décret du 10 juin 1985 susmentionné et l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 visée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 811-1 du code général de la fonction publique : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels (...) ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". 3. D'autre part, selon l'article L. 4121-2 du code du travail : " l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 114 -2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. ". L'article R. 4412-15 du code du travail précise que : " le risque que présente un agent chimique dangereux pour la santé et la sécurité des travailleurs doit être supprimé. Lorsque la suppression de ce risque est impossible, ce dernier est réduit au minimum par la substitution d'un agent chimique dangereux par un autre agent chimique ou par un procédé non dangereux ou moins dangereux ". Enfin l'article R. 4412-16 dudit code indique que : " lorsque la substitution d'un agent chimique dangereux n'est pas possible au regard de la nature de l'activité et de l'évaluation des risques, le risque est réduit au minimum par la mise en œuvre, par ordre de priorité, des mesures suivantes : 1° Conception des procédés de travail et contrôles techniques appropriés ; 2° Utilisation des équipements et des matériels adéquats de manière à éviter ou à réduire le plus possible la libération d'agents chimiques dangereux sur le lieu de travail ; 3° Application, à la source du risque, des mesures efficaces de protection collective, telles qu'une bonne ventilation et des mesures appropriées d'organisation du travail ; 4° Utilisation' si l'exposition ne peut être réduite par d'autres moyens, de moyens de protection individuelle, y compris d'équipements de protection individuelle. ". 4. Tout d'abord, il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 précité. A ce titre, il leur incombe notamment de veiller au respect des dispositions des articles L. 4121-1, R. 4412-15 et R. 4412-16 du code du travail mentionnés aux points 2 et 3. Dès lors, l'agent public qui fait valoir que l'exposition à des produits toxiques sur son lieu de travail serait à l'origine de ses problèmes de santé, mais dont l`affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle serait essentiellement et directement causée par son travail habituel, peut néanmoins rechercher la responsabilité de sa collectivité en excipant de la méconnaissance fautive par cette dernière de ses obligations. 5. En outre, si, en application de la législation du travail désormais codifiée à l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu'ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact' et d'arrêter, en l'état des connaissances scientifiques, au besoin à l'aide d'études ou d'enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers. L'employeur est donc tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail, dès lors que le risque est connu de lui. 6. En l'espèce, Mme C... fait valoir que, dans le cadre de son obligation de sécurité et de protection de ses agents, le Crédit municipal de Paris a tardé à mettre en œuvre les différentes préconisations d'aménagement de son poste de travail émises par le médecin de prévention dès 2005 ce qui a conduit à une détérioration de son état de santé et plus particulièrement à des pathologies d'agueusie et d'anosmie d'origine séquellaire en raison d'une inhalation chronique de vapeurs toxiques dans le cadre de son travail. Il résulte de l'instruction que, lors d'une première visite sur le lieu de travail de la requérante, le 25 novembre 2005, le médecin du travail a relevé, à cette occasion, que Mme C... utilisait régulièrement différents produits toxiques (acide chlorhydrique, acide nitrique, sulfate d'argent, iodate de potassium, perchlorure de fer et de l'eau de touche (mélange d'acide chlorhydrique et d'acide nitrique) dans un environnement bruyant et a notamment recommandé l'achat de lunettes de protection ainsi que l'installation d'un système de ventilation. Ces conditions de travail ont conduit le médecin à prescrire très régulièrement des bilans sanguins ainsi que des explorations fonctionnelles respiratoires. 7. Par ailleurs, face à la détérioration de l'état de santé de la requérante, le médecin du travail a demandé, lors des visites médicales des 24 janvier 2013 et 25 février 2014, que lui soient communiquées les fiches techniques des produits utilisés et qu'une étude du poste de Mme C... soit réalisée afin de contrôler les points suivants : ventilation, bruit et confinement. Lors de la visite de l'établissement, le 18 mars 2014, il est apparu que, dès le matin, une odeur nette de produits chimiques était présente, que le système d'aspiration des vapeurs chimiques émises lors des analyses était très bruyant et qu'il ne pouvait, en conséquence, être utilisé de manière continue, l'évacuation des vapeurs chimiques résiduelles devant être réalisée par l'ouverture de la fenêtre lorsque les conditions climatiques le permettaient. Au regard des conditions de travail de Mme C..., le médecin de prévention a estimé qu'il était nécessaire de déplacer la centrale d'aspiration dans un local attenant pour supprimer la nuisance sonore existante, de s'assurer de la maintenance périodique du système de ventilation en changeant régulièrement les filtres, d'installer également une ventilation mécanique de type VMC pour éliminer les vapeurs résiduelles ainsi qu'un point d'eau avec douchette et rince-œil pour assurer les premiers soins en cas de projections accidentelles sur la peau et les yeux des produits chimiques utilisés. 8. En l'absence de mesures prises pour mettre en œuvre les préconisations mentionnées au point précédent, Mme C..., qui a transmis à sa hiérarchie une déclaration de maladie professionnelle le 13 janvier 2015, lui a adressé divers courriels en date des 20 mai, 15 juin et 16 juin 2015 dans lesquels elle faisait part de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, ainsi que de son souhait de se consacrer uniquement aux ventes du Crédit municipal de Paris et non plus aux ventes d'opérateurs extérieurs. Cet état de fait est corroboré par le médecin de prévention qui constatant, lors d'une nouvelle visite du bureau de l'intéressée le 1er décembre 2015, que les travaux prescrits n'étaient toujours pas réalisés, a décidé de limiter à deux heures en fin de journée l'utilisation de produits chimiques, l'a exemptée de port de charges lourdes et de positions contraintes prolongées et a prescrit un bilan complémentaire. Cette préconisation a été renouvelée le 12 avril 2016. Une expertise médicale en date du 16 décembre 2016 a permis de confirmer que la requérante présentait une réelle perte de l'odorat et du goût ainsi que le caractère professionnel et irréversible des lésions des muqueuses constatées. L'expert a conclu à la pertinence du classement en maladie professionnelle de l'affection dont souffre Mme C... et considère que le début de la maladie remonte au début de l'exposition aux produits toxiques soit le 1er octobre 2005. A cette occasion, il a estimé qu'il convenait d'attribuer à la requérante une IPP de 40 % (10 % au titre de l'anosmie sévère, 5 % de la rhinite sévère, 5 % de l'agueusie, 10 % pour la fragilité broncho-pulmonaire et la dyspnée permanente associées et 10 % pour les troubles psychologiques secondaires. Ces conclusions médicales sont corroborées par le certificat médical du 4 décembre 2017 établi par le médecin responsable de l'unité odorat du service oto-rhinolaryngologie de l'hôpital Georges Pompidou qui relève que Mme C... présente des seuils olfactifs indétectables avec une absence de discrimination et une absence de reconnaissance et de perception des odeurs au test qualitatif. Il considère que cette anosmie est probablement séquellaire d'une inhalation chronique de vapeurs toxiques dans le cadre de son activité professionnelle. 9. Si le Crédit municipal de Paris fait valoir que les différentes préconisations du médecin du travail ont été appliquées, que l'efficacité du dispositif de ventilation n'a pas été remise en cause, et que Mme C... n'a jamais été reconnue inapte à son activité professionnelle, les diverses pièces produites dans le cadre de la présente instance ne permettent pas de s'assurer que les travaux d'aménagement du système de ventilation demandés dans le local où Mme C... exerçait son office (déplacement de l'équipement et installation d'une ventilation mécanique contrôlée) aient été réalisés avant le début de l'année 2017, seule l'installation d'une armoire de stockage pour les produits utilisés par la requérante ayant eu lieu dans le courant de l'été 2016 après une nouvelle visite du service de la médecine de prévention le 9 mai 2016. Une analyse similaire peut être faite s'agissant de l'achat d'une paire de lunettes de protection. 10. De même, si le Crédit municipal de Paris met en avant le comportement fautif de Mme C... qui n'aurait pas porté les équipements de sécurité mis à sa disposition en produisant notamment une attestation rédigée par la responsable des ressources humaines en date du 22 septembre 2021 qui précise qu'il a été rappelé à plusieurs reprises à l'intéressée qu'elle devait porter les équipements de protection mis à sa disposition mais que cette dernière aurait systématiquement répondu qu'elle était dans l'incapacité de réaliser correctement les missions qui lui étaient dévolues en les portant, aucune pièce du dossier ne permet de s'assurer que les phases d'information et de formation de la salariée au port des équipements de protection individuelle ont bien été mises en œuvre, la fiche de poste de l'intéressée ne mentionnant notamment pas le port obligatoire des lunettes de protection. De même, il ne résulte pas de l'instruction qu'un masque de protection ait été effectivement mis à sa disposition. 11. Ainsi, il apparaît qu'en dépit des préconisations régulières du médecin de prévention et des alertes régulières de Mme C... sur les conséquences néfastes de ses conditions de travail sur son état de santé, le Crédit municipal de Paris a tardé à mettre en œuvre les mesures nécessaires, a minima à compter du 1er décembre 2015, date des préconisations du médecin de prévention mentionnées au point 8 du présent arrêt, et jusqu'au début de l'année 2017, pour satisfaire à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne la responsabilité pour risque : 12. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et le I° de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 désormais abrogé, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 13. Par ailleurs, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 14. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale en date du 16 décembre 2016, mentionné au point 8 du présent arrêt, que Mme C... qui, dans le cadre de son activité professionnelle, a analysé, pendant plus de dix ans, des métaux aux moyens de substances chimiques, et réalisé leur poinçonnage, présente une réelle perte de goût et d'odorat liée à l'absence de réelles protections contre les gaz et aérosols lors de la manipulation de produits hautement toxiques. L'expert considère que la pathologie est irréversible et que le caractère professionnel de l'atteinte est certain, son origine pouvant être fixée au 1er octobre 2005, date de son affectation dans le poste en cause. Cet avis est corroboré par la commission de réforme du département de Paris qui a émis le 4 mai 2017 un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances particulières la détachant du service, ressortant de l'instruction, Mme C... est fondée à soutenir que sa pathologie présente un lien direct avec le service et caractérise dès lors une maladie professionnelle. Par suite, la requérante est fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que la responsabilité sans faute du Crédit municipal de Paris est engagée. Sur l'indemnisation des préjudices : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant de la perte de gains professionnels : 15. Mme C... sollicite le versement d'une indemnité de 75 000 euros en réparation des préjudices résultant de son placement en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er février 2017, puis en disponibilité d'office à compter du 14 mai 2018. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction que les aménagements rendant la poursuite de son activité à temps plein compatible avec son état de santé avaient été réalisés, cette mise en disponibilité pour convenances personnelles est la conséquence d'un choix personnel de la requérante. Une analyse similaire doit être faite pour le maintien en disponibilité, Mme C... ayant refusé le poste offert par son employeur à son retour de disponibilité alors que les fonctions proposées de " coordinatrice des prêts sur gages " correspondaient à son cadre d'emploi. Ce préjudice n'est donc pas indemnisable, tant au titre de la responsabilité pour faute qu'au titre de la responsabilité pour risque mentionnée, l'intéressée n'établissant pas l'existence d'un lien direct et certain entre les manquements commis par son employeur et les mesures précitées. S'agissant des incidences professionnelles : 16. Si Mme C... sollicite la réparation des préjudices résultant de l'absence d'avancement dans sa carrière et de sa mise en retraite de façon anticipée, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'elle ne démontre pas d'une part, une chance sérieuse d'obtenir une promotion et, d'autre part, avoir été contrainte de demander son placement en position de retraite pour carrière longue en raison des manquements de son employeur à ses obligations de protection. Ce préjudice n'est donc pas indemnisable, tant au titre de la responsabilité pour faute qu'au titre de la responsabilité pour risque mentionnée. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux : S'agissant des souffrances endurées : 17. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que Mme C... a été exposée pendant plusieurs années et a minima à compter du début de l'année 2013, sans réelle protection, à des acides forts qui ont altéré de manière irrémédiable son goût et son odorat. L'expert a estimé que l'intéressée était atteinte d'une incapacité permanente partielle de 40 % se décomposant à hauteur de 10 % au titre de l'anosmie sévère, de 5 % pour l'agueusie, de 5 % pour la rhinite sévère, de 10 % pour la fragilité broncho-pulmonaire et la dyspnée permanente associée et de 10 % pour les troubles psychologiques secondaires. 18. Par ailleurs, cette situation a généré un préjudice d'anxiété qui est né de la conscience prise par la requérante qu'elle courrait un risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition prolongée à des produits toxiques. 19. Au regard de ces éléments et nonobstant la circonstance qu'il ne résulte pas de l'instruction que le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme C... devrait s'aggraver, il n'en demeure pas moins qu'elle est soumise à une surveillance médicale régulière de son état de santé, qui a pu générer de l'inquiétude. Dans ces circonstances, il y a lieu de porter l'indemnité réparant ces chefs de préjudice à la somme globale de 20 000 euros. S'agissant du préjudice moral : 20. Il résulte de l'instruction que Mme C... a été exposée pendant au moins quatre ans à des produits toxiques qui ont altéré de manière irrémédiable sa santé en dépit des préconisations récurrentes du médecin de prévention et de ses alertes répétées auprès de sa hiérarchie. Au regard de la durée particulièrement longue d'exposition quotidienne au risque d'inhalation de produits toxiques pendant ses périodes d'activité, il sera fait une juste appréciation suffisante du préjudice moral subi par l'intéressée en fixant sa réparation à la somme de 10 000 euros. Sur le préjudice résultant du manquement à l'obligation de prévention des risques : 21. Si la requérante demande l'indemnisation du " préjudice résultant du manquement du Crédit municipal de Paris au titre de l'obligation de prévention des risques ", elle ne précise pas la consistance de ce chef de préjudice. En tout état de cause, il ne saurait constituer par lui-même un préjudice indemnisable distinct de celui réparé au titre du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence. Par suite, la demande d'indemnisation présentée à ce titre doit être rejetée. 22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris dans la mesure prévue aux points 19 et 20 du présent arrêt. Sur l'appel incident du Crédit municipal de Paris : 23. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le Crédit municipal de Paris n'est pas fondé à demander la réformation de l'article 1er du jugement attaqué. Sur les frais liés au litige : 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le Crédit municipal de Paris en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Crédit municipal de Paris une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme C..., en application de ces dispositions. En revanche, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des dépens auraient été exposés, les conclusions de la requérante au titre des dispositions de l'article R. 761-1 doivent être écartées. D E C I D E :Article 1er : La somme que le Crédit municipal de Paris a été condamnée à verser à Mme E... le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 est portée de 20 000 (vingt mille) euros à 30 000 (trente mille) euros.Article 2 : Le Crédit municipal de Paris versera à Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt.Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté. Article 5 : Les conclusions du Crédit municipal de Paris sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au directeur général du Crédit municipal de Paris.Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 octobre 2022. La rapporteure, S. A...Le président, S. CARRERELa greffière, C. DABERTLa République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA00461 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/11/2022, 19BX04064, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Pau d'annuler la décision du 27 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités et reconnaissance de nouvelles infirmités. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal des pensions de Pau a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2019 et le 8 juin 2021, M. B..., représenté par Me Tucoo-Chala, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Pau du 16 mai 2019 ; 2°) d'annuler la décision ministérielle du 27 avril 2017 ; 3°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale pour déterminer le taux des infirmités objet de la demande ; 4°) de reconnaître son droit à pension au taux de 10 % pour l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule gauche " ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que " les entiers dépens ". Il soutient que : - les certificats médicaux démontrent une aggravation de son infirmité " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " qui justifie une révision de sa pension, à tout le moins une expertise ; - c'est à tort que les premiers juges lui ont opposé le jugement du 15 novembre 2012 pour rejeter la demande relative à l'infirmité " perte de sélectivité due aux traumatismes sonores répétés " ; l'aggravation de cette infirmité n'a pas été expertisée le 24 août 2016 ; l'administration n'apporte pas la preuve d'une cause étrangère ou d'une affection distincte ; une expertise médicale s'impose sur cette infirmité, tout comme pour les infirmités " acouphènes " ; - l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule gauche, déformation visible de la clavicule " est imputable au service puisqu'elle est consécutive à un accident de la circulation intervenu le 11 septembre 1988 lors d'un trajet de retour à son domicile ; - l'infirmité " séquelles de fracture du gros orteil droit ; marche normale, hallus valgus constitutionnel opéré ", dont l'existence est avérée à la date de sa demande, nécessite une nouvelle expertise médicale ; - l'existence de l'infirmité " perte de sélectivité due aux traumatismes sonores répétés ; différence entre 4 000 et 1 000 décibels : oreille droite 30 décibels - oreille gauche 45 décibels inférieur à 50 décibels " est parfaitement établie et une nouvelle expertise médicale s'impose ; - l'existence de l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule droite " est démontrée par les pièces médicales et cette infirmité n'a pas été examinée par le médecin de l'administration ; une expertise médicale doit être ordonnée ; - s'agissant de l'infirmité " fractures bi-malléolaires du pied gauche ", l'administration ne saurait lui opposer le jugement du tribunal des pensions de Pau du 4 mai 1995 qui portait sur une autre infirmité ; une expertise médicale est nécessaire. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 décembre 2019 et 24 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - s'agissant des infirmités auditives, M. B... n'avait, dans sa demande, sollicité que la prise en compte de l'infirmité " perte de sélectivité ", ce qui explique que l'expert ne se soit prononcé que sur celle-ci ; en l'absence de demande préalable, les conclusions relatives aux infirmités hypoacousies et acouphènes sont irrecevables ; la demande relative à la perte de sélectivité qui, contrairement à ce que M. B... soutient, n'est pas une demande nouvelle, a déjà été rejetée par un jugement du 15 novembre 2012 revêtu de l'autorité de chose jugée ; au demeurant, la différence de décibels est inférieure à 50 ; - l'infirmité " fractures bi-malléolaires du pied gauche " est la même que celle dénommée " séquelles de fractures de la cheville gauche " qui a déjà été rejetée pour défaut d'imputabilité au service par jugement du 4 mai 1995 ; M. B... ne rapporte pas la preuve d'un fait nouveau précis de service qui en soit à l'origine ; - il n'est pas établi par les pièces médicales produites que l'infirmité relative aux rachialgies, pour laquelle M. B... bénéficie déjà d'une pension avec un taux de 40 %, se serait aggravée le 20 novembre 2016 par rapport à l'expertise qui en a été faite le 13 mai 2010 ; - l'accident de la circulation dont a été victime M. B... a eu lieu lors d'une permission et ses séquelles ne sont pas imputables au service ; l'infirmité " séquelles de fractures de la clavicule gauche " doit être rejetée pour ce motif ; - alors qu'il la rattache à un accident de la circulation survenu le 24 novembre 1977, l'intéressé n'a pas invoqué d'infirmité relative à des séquelles de fracture de la clavicule droite lors de l'expertise du 20 novembre 2016 ; aucun élément médical, contemporain à la demande, n'atteste de l'existence d'une gêne fonctionnelle, imputable au service, d'un taux indemnisable ; l'expertise, qui a bien porté sur une déformation visible des clavicules, tend à démontrer la modicité de cette infirmité ; - l'infirmité relative aux séquelles de fracture du gros orteil droit a été expertisée le 20 novembre 2016 et a conduit à retenir un taux de 5 %, inférieur au taux indemnisable ; - les certificats médicaux établis en 2019 et qui relatent des constatations médicales faites au jour de leur rédaction doivent être écartés dès lors qu'en vertu de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité, il convient de se placer à la date de la demande pour apprécier le taux d'invalidité. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 2019/004577 du 16 août 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D... A..., - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 25 juillet 1947, a été radié des cadres de l'armée de terre le 31 décembre 1992 au grade de capitaine. Une pension militaire d'invalidité lui a été concédée par arrêté du 4 février 2008, au taux de 70 % pour les trois infirmités suivantes : " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " (taux de 40 %), " hypoacousie de perception bilatérale, perte auditive oreilles droite et gauche : 52,5 décibels " (taux de 30 %) et " acouphènes " (taux de 10 %). Il a présenté, le 16 octobre 2014, une demande de révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités et prise en compte de nouvelles infirmités. Par une décision du 27 avril 2017, prise après expertises médicales réalisées les 24 août et 20 novembre 2016 et avis de la commission de réforme, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal des pensions de Pau a rejeté la demande de l'intéressé d'annuler cette décision. L'appel formé par M. B... à l'encontre de ce jugement a été transféré à la cour à la suite de la réforme, par la loi du 13 juillet 2018 susvisée, du contentieux des décisions individuelles relatives aux pensions militaires d'invalidité. Sur les infirmités déjà pensionnées : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (...) ". En ce qui concerne l'infirmité " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " : 3. Il résulte de l'instruction que M. B... qui bénéficie d'une pension, à un taux de 40 %, pour l'infirmité " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " résultant d'une blessure du 16 décembre 1980, a sollicité une première fois, le 22 octobre 2009, la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. Cette demande a été rejetée par décision ministérielle du 19 novembre 2010 au vu de l'avis du rhumatologue expert auprès de la commission de réforme, qui a conclu à une rachialgie diffuse et à une discopathie L5-S1 et a proposé le maintien du taux de 40 % après avoir noté " qu'il existe une discordance entre l'importance des symptômes rapportés (douleurs et enraidissement) et les lésions dégénératives discales qui sont modérées (pas d'atteinte radiologique spécifique à l'IRM permettant de confirmer une spondylarthrite évolutive, pas de signes neurologiques déficitaires) ". L'expertise du 20 novembre 2016 a également conclu au maintien du taux de 40 % après avoir pris connaissance des certificats médicaux des 20 août et 3 octobre 2014 faisant état d'une aggravation de la discarthrose C5-C6 avec uncarthrose étagée, sans précision sur les séquelles supplémentaires que celle-ci occasionnerait, et après avoir relevé que, par rapport à l'expertise de 2010, il n'existait pas de réelle modification de la symptomatologie. Si M. B... produit deux nouveaux certificats médicaux attestant notamment d'une " raideur rachidienne étendue à la fois cervico-dorso-lombaire en rapport avec une arthrose rachidienne ", le constat établi en 2019 par son généraliste n'est pas de nature à établir une aggravation de son infirmité à la date de sa demande, et le certificat du rhumatologue établi en 2014 est contredit par les conclusions de l'expertise du médecin militaire. Par suite, l'existence d'une aggravation de l'infirmité qui serait de nature à justifier la révision de la pension accordée à M. B... n'est pas établie. En ce qui concerne les infirmités " hypoacousie de perception bilatérale. Perte auditive oreilles droite et gauche : 52,5 décibels ", " acouphènes " et " perte de sélectivité due aux traumatismes sonores répétés " : 4. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 5. D'une part, M. B... demande la reconnaissance de l'aggravation des infirmités déjà pensionnées, ainsi que la prise en compte d'une nouvelle infirmité liée à une " perte de sélectivité ". La ministre des armées ne peut sérieusement soutenir que le contentieux ne serait pas lié s'agissant de la demande relative à une aggravation des infirmités déjà pensionnées, alors que la décision en litige, tout comme la commission de réforme, se sont prononcées sur ce point. Elle ne peut davantage se prévaloir de l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement du tribunal des pensions du 15 novembre 2012 statuant sur une précédente demande de révision de la pension, eu égard au changement de circonstances de fait allégué par M. B.... En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, l'infirmité relative à une perte de sélectivité, qui est une composante de l'hypoacousie, ne saurait donner lieu à un taux d'invalidité distinct des infirmités déjà pensionnées, mais seulement à une majoration éventuelle du taux d'invalidité accordé. 6. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. B... perçoit une pension au taux de 30 % pour une perte d'acuité auditive bilatérale de 52,50 décibels et une pension au taux de 10 % pour des acouphènes. L'expertise réalisée le 24 août 2016 ne permet pas de constater une aggravation de ces deux infirmités, pas plus d'ailleurs que les résultats du bilan auditif réalisé le 19 juin 2017 à la demande de M. B.... Par ailleurs, cette même expertise de 2016 a conclu à l'absence de perte de sélectivité en lien avec les traumatismes sonores éprouvés entre le 10 et le 13 février 1987 lors de tirs répétés au fusil et au mortier, puis le 4 décembre 1987 à la suite d'un saut en parachute à 6 000 mètres occasionnant un barotraumatisme bilatéral. L'expert a procédé à un bilan audio-tympanométrique qui révèle notamment une perte de 35-40 % de discrimination en audiométrie vocale, qu'il estime en cohérence avec l'hypoacousie pensionnée, et une absence de distorsion du son, et s'est prononcé au vu de plusieurs bilans audiométriques dont le dernier est daté du 6 octobre 2014. Il confirme ainsi la précédente expertise judiciaire du 19 avril 2012, la différence de perception des fréquences entre 4 000 et 1 000 hertz atteignant des valeurs inférieures au minimum de 50 décibels. Si les résultats des examens réalisés par M. B... en 2017 révèlent la présence d'une telle infirmité, il n'est pas établi que celle-ci aurait déjà été présente à la date de la demande, près de trois ans auparavant. Sur les nouvelles infirmités : En ce qui concerne l'infirmité " fractures bi-malléolaires du pied gauche " : 7. Il résulte de l'instruction que par jugement du 4 mai 1995, le tribunal des pensions de Pau a confirmé l'arrêté du 21 septembre 1993 par lequel le ministre de la défense a rejeté la demande de pension pour l'infirmité " séquelles de fractures de la cheville gauche - enraidissement sous astragalien " qui serait due à un accident survenu le 17 avril 1976, en raison d'un défaut d'imputabilité au service. Si M. B... soutient que cette infirmité est distincte de celle dont il fait état dans sa demande du 16 octobre 2014 et relative à des fractures bi-malléolaires du pied gauche, il n'apporte aucun élément pour démontrer que cette dernière serait différente de celle ayant déjà été rejetée par l'administration. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstance de fait ou de droit nouvelle justifiant qu'il soit procédé à un nouvel examen de la demande de l'intéressé, l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal des pensions de Pau fait obstacle, ainsi que le fait valoir la ministre, à la demande du requérant concernant cette infirmité. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule gauche, déformation visible de la clavicule " : 8. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un accident de la circulation dont est victime un militaire bénéficiant d'une permission régulière ne peut être regardé comme survenu à l'occasion du service que si cet accident a eu lieu, soit en début de permission pendant le trajet direct de son lieu de service vers le lieu où il a été autorisé à se rendre en permission, soit en fin de permission pendant le trajet inverse. Par suite, un accident de la circulation survenu sur le trajet de retour entre le lieu où un militaire a été autorisé à se rendre en permission et celui de son domicile ne saurait être imputé au service. 9. M. B... souffre des séquelles d'une fracture de la clavicule gauche, survenue lors d'un accident de la circulation le 11 septembre 1988. Il ressort de ses propres déclarations sur les circonstances de l'accident, telles que relatées dans un courrier du 29 septembre 1988, que cet accident est survenu au retour d'une permission, alors qu'il rejoignait son domicile. Par suite, cette infirmité ne résulte pas de blessures occasionnées lors d'un accident survenu sur le trajet direct reliant son lieu de service et le lieu de permission, et ne peut donc être reconnue imputable au service. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule droite " : 10. Lors de l'examen médical du 20 novembre 2016, l'expert, saisi notamment des pathologies relatives aux clavicules, n'a noté aucune doléance de M. B..., ni constaté de pathologie pour la clavicule droite, et a seulement relevé une " déformation visible des clavicules au niveau 1/3MY-1/3INT ". La circonstance que M. B... indique avoir eu un accident de la circulation le 24 novembre 1977 dans le cadre du service est sans incidence sur le fait qu'aucune gêne fonctionnelle n'a pu être établie. Par suite, la ministre des armées a pu rejeter la demande de révision en estimant que l'infirmité alléguée était inexistante. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture du gros orteil droit " : 11. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Aux termes de l'article L. 6 de ce code, alors en vigueur : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". En vertu de ces dernières dispositions, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. 12. L'expertise rendue le 20 novembre 2016 a conclu à un taux d'invalidité inférieur à 5 % pour l'infirmité relative aux séquelles de fracture du gros orteil droit, après que l'expert a relevé l'existence d'une fracture résultant d'un accident de service du 8 décembre 1975 et constaté, lors de l'examen clinique, une marche normale de l'intéressé et le port de semelles. Cette appréciation n'est pas remise en cause par les certificats médicaux produits par M. B... qui font état, en juin 2019, " de métatarsalgies statiques avec hallux-rigidus du côté droit et griffe d'orteil des 2e et 3e orteils " ou d'une pénibilité dans la station debout prolongée. Par suite, la ministre des armées n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de réviser la pension de M. B... au motif que l'invalidité occasionnée par cette infirmité ne dépassait pas, à la date de la demande de pension, le taux de 10 %. 13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 27 avril 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant, d'une part, au paiement des entiers dépens du procès, lequel au demeurant n'en comporte aucun, et, d'autre part, à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022. Le rapporteur, Olivier A... La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19BX04064
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/10/2022, 21TL03793, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 29 octobre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître en tant que maladie professionnelle la pathologie dont elle souffre à l'épaule droite, et d'enjoindre au département de l'Aude de lui délivrer une décision de reconnaissance de maladie professionnelle ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de son dossier. Par un jugement n° 1906605 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 octobre 2019 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule droite dont souffre Mme A... dans un délai de deux mois. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2021 sous le n° 21MA03793 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03793, et des mémoires enregistrés les 15 avril 2022 et 13 mai 2022, le département de l'Aude, représenté par Me Walgenwitz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2021 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il est nécessaire de joindre cette instance avec celle enregistrée sous le n° 20TL00529, dans un souci de bonne administration de la justice ; - le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation et de qualification juridique des faits ; - la présence d'un état antérieur caractérisé de Mme A... justifie la décision de refus d'imputabilité ; en écartant cet élément, le tribunal a fait une inexacte appréciation des faits ; - il est entaché d'incohérence quant à la portée et la pertinence de l'expertise judiciaire ; - il est entaché d'erreur de droit en ce que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient inapplicables ; seules les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 demeuraient applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - les moyens invoqués à titre subsidiaire par Mme A... ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 mars 2022, 21 avril 2022 et 2 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Passet, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du département de l'Aude le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les moyens soulevés par le département de l'Aude ne sont pas fondés : sa pathologie est désignée par le tableau n° 57A du code de la sécurité sociale ; elle a été directement causée par l'exercice de ses fonctions ; aucun état antérieur ne peut être retenu ; - à titre subsidiaire, sa demande présentée devant le tribunal administratif est fondée en ses autres moyens invoqués : la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait et révèle un défaut d'examen sérieux de sa demande ; le rapport du docteur ... en tant qu'il méconnaît le principe du contradictoire et présente des erreurs ne saurait être pris en considération ; elle doit bénéficier d'une présomption de la maladie professionnelle conformément à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; à défaut, elle remplit les conditions exigées par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour la reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie. Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Brunière, représentant le département de l'Aude, et de Me Passet, représentant Mme A.... Une note en délibéré présentée pour le département de l'Aude a été enregistrée le 14 octobre 2022. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., qui est agent de maîtrise au sein du département de l'Aude depuis 2013, exerçait ses fonctions au sein de la structure accueil enfance de Narbonne en y effectuant des tâches d'agent d'entretien ménager. Par courrier du 29 janvier 2015, Mme A... a effectué une demande de reclassement professionnel en raison de son état de santé. Le 8 juillet 2015, le comité médical départemental a émis un avis favorable à sa demande. En septembre 2015, Mme A... a été affectée sur un poste de loge aménagé au sein du collège des ... de la commune de Sigean. Le 6 avril 2017, Mme A... a sollicité à nouveau son reclassement en raison de son état de santé. Le 20 avril 2017, son médecin généraliste traitant a établi un arrêt de travail pour maladie professionnelle du 20 avril au 21 mai 2017. Le même jour, Mme A... a demandé la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de la pathologie affectant son épaule gauche. Le 5 décembre 2017, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie de la requérante comme maladie professionnelle. Par arrêté du 18 décembre 2017, le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître la pathologie de Mme A... comme étant imputable au service. Par courrier du 27 septembre 2017, elle a introduit une demande de reconnaissance du caractère imputable au service d'une pathologie de l'épaule droite. Le 2 juillet 2019, la commission de réforme a donné un avis favorable à la prise en charge de la pathologie de l'épaule droite de la requérante au titre de la maladie professionnelle. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le président du département de l'Aude a refusé de reconnaître la pathologie de Mme A... comme étant imputable au service. L'intéressée a été placée en congé de longue maladie du 20 avril 2017 au 19 janvier 2019 par arrêté du 3 décembre 2018, prolongé jusqu'au 19 juillet 2019 par arrêté du 22 février 2019. Par un jugement du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 octobre 2019 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule droite dont souffre Mme A.... Le département de l'Aude relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. (...) ". 3. Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 4. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / ...2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la pathologie de l'épaule droite dont est atteinte Mme A... a été diagnostiquée le 27 septembre 2017, date du certificat médical du médecin traitant de l'intéressée. A cette date, Mme A... a sollicité la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de cette affection, à l'exclusion de toute demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service instaurée par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dès lors, au regard de la date à laquelle sa pathologie a été diagnostiquée, sa demande devait être traitée en faisant application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issues de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 7. En deuxième lieu, il est constant que Mme A... souffre à l'épaule droite d'une " rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ", pathologie mentionnée dans le tableau n° 57 A des maladies professionnelles. Pour annuler l'arrêté contesté du 29 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., les premiers juges ont estimé que, si l'intéressée ne pouvait pas se prévaloir d'une présomption d'imputabilité en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, pour la reconnaissance en tant que maladie professionnelle de sa pathologie à l'épaule droite, au regard notamment des conclusions rendues le 19 avril 2019 par le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier, l'existence d'un lien direct entre la pathologie et l'exercice des fonctions confiées à Mme A... était cependant établie par les différents médicaux produits. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a exercé des fonctions d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013. Souffrant de douleurs lombaires importantes à compter de l'année 2014, elle a sollicité un reclassement professionnel en raison de lombalgies chroniques le 29 janvier 2015. Après avis favorable du comité médical le 8 juillet 2015, Mme A... a été affectée sur un poste d'agent d'accueil et d'entretien ménager au sein du collège des ... de Sigean en septembre 2015. Alors que le médecin du travail a émis les recommandations prohibant la manutention de charges de plus de 5 kilogrammes et limitant les tâches de ménage aux locaux administratifs et à une heure par jour au plus, Mme A... a continué d'effectuer des tâches d'entretien ménager dans une moindre mesure que dans son précédent poste dès lors que ses fonctions consistaient essentiellement en des tâches d'accueil des usagers du collège et d'accueil téléphonique, mais elle a toutefois continué d'effectuer des mouvements avec le membre supérieur surélevé. Selon l'étude de son poste de travail réalisée par l'ingénieur préventeur responsable du service santé et sécurité au travail le 5 mars 2019, Mme A... était ainsi chargée de tâches d'entretien ménager des locaux administratifs pendant une durée comprise entre trente minutes et une heure chaque matin, et de la fermeture des portes, des volets à commande électrique ainsi que des fenêtres coulissantes des bâtiments pendant une durée d'une heure chaque soir. De plus, elle était chargée de manière hebdomadaire de la fermeture des rideaux en fer des toilettes, nécessitant de se munir d'une perche de 1,4 mètre, de l'accrocher à la poignée du rideau située à environ 2,4 mètres du sol afin de descendre chaque rideau. Si le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier a estimé dans son rapport rendu le 6 février 2019 que les tâches confiées à Mme A... à compter de septembre 2015 comportaient des mouvements des épaules dans des gestes ne relevant pas de mouvements de travail de force, il ressort toutefois de l'étude de son poste de travail que l'intéressée a continué d'effectuer des mouvements mobilisant son membre supérieur élevé dans une moindre mesure à compter de septembre 2015, après avoir cependant exercé des fonctions d'agent polyvalent au sein de collèges à compter de janvier 2007, puis d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013 comportant des gestes avec des épaules surélevées. En outre, il n'est pas contesté que lors des permanences dont la fréquence n'est pas précisée, Mme A... effectuait huit heures de ménage quotidien, comportant en particulier le lavage des vitres, ainsi qu'il en est attesté par une collègue de travail ainsi que par le médecin de prévention dans un courrier du 19 octobre 2017. Ainsi, la pathologie contractée par Mme A... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, si le rapport du docteur ... conclut à l'absence de lien direct et certain entre l'activité professionnelle de Mme A... au poste adapté auquel elle était affectée depuis septembre 2015 et la pathologie de son épaule, cet expert se prononce principalement sur les conditions particulières posées par le tableau n° 57 A des maladies professionnelles entraînant, si elles sont remplies, une présomption d'imputabilité au service et notamment sur celle tenant aux travaux susceptibles de provoquer de telles maladies. Le département de l'Aude invoque ensuite l'état antérieur de Mme A.... Toutefois, la circonstance que Mme A... souffrait de lombalgies chroniques depuis 2014, la conduisant à solliciter davantage ses membres supérieurs, ainsi que l'a relevé le médecin expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, ne saurait être de nature à caractériser la préexistence d'un état antérieur excluant tout lien direct entre la pathologie et le service. En outre, alors que le rapport d'expertise établi par le docteur ..., rhumatologue, le 20 juillet 2018, relève l'absence d'état antérieur préexistant en rapport avec la pathologie en cause, aucun des autres rapports d'expertise produit ne fait état d'un état antérieur. Si les deux médecins experts désignés par le tribunal administratif de Montpellier pour le premier et par la cour administrative d'appel de Marseille pour le second dont le rapport a été remis le 21 avril 2022, évoquent une pathologie dégénérative des deux épaules comprenant un syndrome sous acromial et une perforation du sus-épineux, imputable aux lésions des épaules, il n'en résulte pas davantage que Mme A... présentait un état antérieur évolutif excluant sa prise en charge par le service. Enfin, la commission de réforme a émis un avis favorable à sa demande dans sa séance du 2 juillet 2019, se fondant sur les conclusions du docteur .... Dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le département de l'Aude, la pathologie contractée par Mme A... doit être regardée comme imputable au service dès lors qu'aucun fait personnel ou circonstance particulière ne conduisent à détacher sa survenance du service. 8. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Aude n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé sa décision du 29 octobre 2019. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de l'Aude demande sur ce fondement. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Aude le versement à Mme A... de la somme de 1 000 euros. D E C I D E : Article 1er : La requête du département de l'Aude est rejetée. Article 2 : Le département de l'Aude versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Aude et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL03793 2
Cours administrative d'appel
Toulouse