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CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05099, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " séquelles de traumatisme indirect du poignet droit. Lésion du ligament triangulaire et du ligament luno-triquétral. Douleurs avec raideur articulaire ". Par un jugement n° 17/00122 du 1er août 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a rejeté la demande de Mme B.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par Mme B..., enregistrée à son greffe le 30 septembre 2019. Par cette requête, Mme C... B..., représentée par Me D..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 1er août 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ; 3°) de reconnaître son droit à pension et de reconstituer sa carrière ; 4°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ; 6°) de condamner l'Etat à lui verser 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la décision du 4 mai 2017 est insuffisamment motivée à défaut pour les avis de la commission de réforme de Marseille du 27 avril 2017 et de la commission consultative médicale du 8 septembre 2016 auxquels elle fait référence d'y être annexés ; elle fait également valoir que l'infirmité dont elle souffre est imputable au service au titre de deux accidents du 11 mai 2012 et du 19 février 2013. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Un mémoire enregistré le 1er février 2021 pour Mme B... n'a pas été communiqué. Par ordonnance du 25 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mars 2021 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret du 29 mai 1919 modifié déterminant les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité en vue de la concession des pensions accordées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me D..., représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., née le 1er septembre 1986, s'est engagée dans la Marine Nationale le 21 septembre 2009. Elle relève appel du jugement du 1er août 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité, enregistrée le 21 octobre 2014, au titre de l'infirmité de " séquelles de traumatisme indirect du poignet droit. Lésion du ligament triangulaire et du ligament luno-triquétral. Douleurs avec raideur articulaire " et formulée en relation avec un accident de service survenu le 19 février 2013. S'agissant de la motivation de la décision du 24 mai 2017 : 2. Aux termes de l'article L. 25 du même code : " (...) Toute décision comportant rejet de pension doit être également motivée et faire ressortir qu'il n'est pas établi que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2, ou, lorsque l'intéressé a droit à la présomption, les faits, documents ou raisons d'ordre médical dont résulte la preuve contraire détruisant cette présomption. ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ". 3. La décision du 4 mai 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de Mme B... rappelle les textes dont elle fait application, notamment les articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que la procédure suivie au cours de l'instruction. Elle indique que l'infirmité invoquée évaluée globalement au taux de 20% résulte d'une part de maladie sans lien avec le service, et d'autre part, d'un accident du 19 février 2012 dont les séquelles entraînent un degré d'invalidité inférieur à 10%, taux minimum requis pour la prise en considération d'une infirmité. Ce faisant, cette décision indique dans son corps les motifs pour lesquels la demande de pension militaire d'invalidité de Mme B... est rejetée. Dans ces conditions, même si cette décision vise l'avis de la commission de réforme de Marseille du 27 avril 2017 et l'avis émis par la commission consultative médicale le 8 septembre 2016, qui ne liaient pas le ministre de la défense, sans que ces avis y soient annexés, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. Sur le droit à pension : 4. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension :1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10% (...). ". 5. Il résulte de l'instruction, que le docteur Rolland, médecin mandaté par l'administration, a évalué le 3 juillet 2015 l'invalidité du poignet droit de Mme B... à un taux global de 20% dont 10% lié à un état antérieur, soit un taux imputable au service de 10%, lié à un accident survenu en service le 19 février 2013. Cependant, le médecin-chef de l'administration a considéré que la part imputable au service s'élevait à un tiers de l'infirmité globale, soit 7%. En l'absence d'infirmité justifiant un taux égal ou supérieur à 10%, le ministre de la défense a rejeté la demande de pension présentée par Mme B... sans qu'il soit besoin de rechercher l'imputabilité de l'infirmité alléguée. 6. En premier lieu, Mme B... soutient que l'infirmité de son poignet droit est liée, outre à l'accident du 19 février 2013, à un accident survenu en service le vendredi 11 mai 2012 à bord du Charles de Gaulle, lors d'un exercice de sécurité en manipulant une manche à incendie en mer. Cet accident a été admis par le service dans un rapport circonstancié du 4 octobre 2019, soit plus de sept ans après, fondé sur différents témoignages très postérieurs au 11 mai 2012, imprécis et datés de 2018, alors que le journal de bord ne note ce jour-là aucun incident. Mme B... se prévaut aussi de certificats ou attestations médicales tous postérieurs à février 2013 et rapportant ses dires, en ce qui concerne ces faits de 2012. Cependant, si Mme B... a consulté les lundi 14 et jeudi 17 mai 2012 le médecin militaire pour son poignet, elle ne faisait alors état que d'une douleur spontanée apparue 48 heures avant sa première visite, le praticien relevant d'ailleurs une douleur scapulaire sans traumatisme ni oedème ou hématome. En outre, la requérante a indiqué dans un premier temps, en juin 2013, au docteur Levadoux, avant une opération délicate au niveau du ligament triangulaire du poignet droit, que des " fourmis étaient apparues dans son poignet " sur son lieu de travail alors qu'elle faisait du secrétariat, sans mentionner un épisode traumatique ou un phénomène déclenchant. Ainsi, Mme B... n'apporte pas la preuve, en l'absence de constat officiel contemporain, d'un fait de service datant du 11 mai 2012 et à l'origine de l'invalidité du poignet droit, et par suite, que cet évènement devrait être pris en compte dans la part imputable au service et donc réduire d'autant la part non imputable résultant d'un état antérieur. 7. En deuxième lieu, l'administration ne conteste pas que la lésion est survenue le 19 février 2013, alors que Mme B... s'est tordu le poignet droit en accomplissant un geste instinctif pour rattraper une chaise et donc à l'occasion d'un accident pouvant être regardé comme se rattachant à une blessure. Cependant, comme il vient d'être dit au point 6 précédent, l'intéressée présentait un état antérieur dont elle n'a cessé de se plaindre avant cette date, l'administration faisant valoir que cet accident n'a fait que décompenser une situation préexistante. Par la seule production des avis des docteurs de Brier, Curret et Leveque, postérieurs à la demande de pension, qui attestent des douleurs au poignet de l'intéressée et du retentissement émotionnel de l'infirmité sur son moral, la requérante n'apporte cependant aucun élément médical permettant d'établir que le ministre aurait commis une erreur d'appréciation en retenant un taux global de 20% au regard du guide barême (page 36) et un taux de 7% pour la part imputable à l'accident du 19 février 2013 de l'infirmité sollicitée. Par suite, en l'absence d'infirmité imputable justifiant un taux égal ou supérieur à 10%, c'est par une exacte application de l'article L. 4 du code précité que le tribunal a rejeté sa requête contre la décision ministérielle qui refuse sa demande de pension pour l'infirmité au poignet droit. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 1er août 2019 qui rejette sa contestation de la décision du 4 mai 2017 de la ministre des armées. Sur les conclusions en injonction : 9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de Mme B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021. N° 19MA05099 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 11/05/2021, 20DA00168, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par requêtes distinctes, Mme B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation, d'une part, de la décision du 21 septembre 2016 du ministre de la défense rejetant la demande de son époux, décédé le 30 septembre 2015, tendant à la concession d'une pension militaire d'invalidité pour un adénome pulmonaire polymétastasé qu'il estimait imputable au service et, d'autre part, de la décision du 4 mai 2016 de refus d'octroi d'une pension en sa qualité de conjointe survivante au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un jugement du 9 avril 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a ordonné la jonction de ces deux procédures et avant dire droit ordonné une expertise. Par un jugement RG n°16/11 du 28 octobre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fait droit aux demandes de Mme A... et a enjoint au ministre des armées de lui accorder une pension telle que définie à l'article L. 141-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 25 août 2020, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., né le 21 octobre 1945, engagé dans la marine nationale le 8 décembre 1963, a été radié des contrôles le 22 octobre 2001. Il a demandé le 9 avril 2015 la concession d'une pension militaire d'invalidité pour une pathologie qu'il estimait imputable au service. Par une décision du 21 septembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. L'intéressé est décédé le 30 septembre 2015 d'un cancer pulmonaire. Son épouse a demandé, le 23 octobre 2015, l'octroi d'une pension en sa qualité de conjointe survivante au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Sa demande a été rejetée par une décision du 4 mai 2016. La ministre des armées relève appel du jugement du 28 octobre 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fait droit aux demandes de Mme A... tendant à l'annulation de ces décisions et a enjoint à la ministre des armées d'accorder à l'intéressée une pension telle que définie à l'article L. 141-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre devenu l'article L. 141-6 du code du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les demandes de pension autres que les pensions de réversion, formulées par les conjoints survivants ou orphelins de militaires décédés dans leur foyer, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné l'ancien militaire ou marin pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. (...) / Si le décès survient dans le délai d'un an à dater du renvoi définitif du militaire ou marin dans ses foyers, il est réputé, sauf preuve contraire, provenir desdites blessures ou maladies. L'Etat pourra fournir la preuve contraire par tous moyens (...) ". 4. Il n'est pas contesté que la pathologie dont souffrait M. A... a été diagnostiquée en novembre 2014 soit après l'expiration du délai fixé par les dispositions précitées de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. En outre, le décès de M. A... n'est pas survenu dans le délai d'un an à dater du renvoi définitif de celui-ci dans ses foyers. Par suite, Mme A... ne pouvait prétendre au bénéfice de la présomption d'imputabilité au service de la pathologie de son mari au titre de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ni au titre de celle du paragraphe 4 de l'article L. 45 du même code. 5. Il résulte cependant des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre précités que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 6. Il ressort du rapport d'expertise du 27 mars 2019 du docteur Wemeau, spécialiste de médecine interne et qualifié en cancérologie, que M. A..., sous-officier ayant exercé trente-huit ans dans la marine, s'est vu diagnostiquer en novembre 2014 un adénocarcinome pulmonaire avec métastases pulmonaires et pleurales. L'expert a relevé que l'intéressé avait fait de longs séjours sur plusieurs bâtiments de la marine nationale et avait été amené à fréquenter tous les compartiments des bateaux ainsi qu'à séjourner durant des périodes de travaux et qu'il avait été exposé professionnellement au risque de contamination par des fibres d'amiante, ainsi que cela ressortait de l'attestation de la direction du personnel de la marine du 30 mars 2015 faisant état de cette exposition pour la période de 1969 à 1989 lors de son affectation sur huit navires. Si la ministre des armées soutient que l'emploi occupé par l'intéressé n'est pas pris en compte dans la liste limitative du tableau 30 bis des maladies professionnelles impliquant la manipulation d'équipements contenant des matériaux à base d'amiante et qu'il n'a pas été retrouvé de corps asbestosiques dans les divers prélèvements biologiques de M. A... de nature à révéler une exposition à l'amiante, il résulte cependant de l'instruction et, en particulier, des conclusions de l'expert prenant en compte l'ensemble des éléments médicaux relatifs à l'état de santé de l'intéressé, ainsi que des attestations de collègues de travail de M. A... des 15 septembre et 13 octobre 2017, très circonstanciées, que M. A..., qui exerçait le métier de fourrier relatif à la gestion de matériels, au stockage, à la distribution et à la récupération de matériels impliquant des déplacements dans la totalité des navires, a été exposé de manière certaine et prolongée à l'amiante pendant son activité professionnelle exercée sur des bâtiments de la marine nationale pendant vingt ans. 7. Par ailleurs, si M. A... présentait un tabagisme ancien depuis l'adolescence, arrêté en 1984 lors de la survenue d'un infarctus, il ressort clairement des conclusions du rapport d'expertise que la consommation tabagique antérieure et l'exposition à l'amiante ont " l'un et l'autre contribué à la survenue du cancer bronchique de M. A... ". Il résulte de ces éléments que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la pathologie dont a été atteint M. A... et son exposition à l'amiante dans le cadre du service est établie. La seule circonstance que cette pathologie pourrait avoir été également favorisée par le tabagisme ancien de l'intéressé n'est pas de nature à remettre en cause ce lien de causalité dès lors que, comme cela a été dit au point 6, M. A... a été exposé de manière certaine et prolongée à l'amiante de 1969 à 1989, soit pendant vingt ans. Par suite, c'est à tort que le ministre de la défense a, par sa décision du 21 septembre 2016, refusé de reconnaître imputable au service l'adénome pulmonaire polymétastasé dont a été atteint M. A... et d'accorder à son épouse une pension de réversion au titre de cette infirmité. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fait droit aux demandes de Mme A.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre des armées. 2 N°20DA00168
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05129, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 23 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " syndrome fémoro-patellaire du genou droit. Gêne fonctionnelle douloureuse " et pour prise en compte d'une infirmité nouvelle concernant le genou gauche. Par un jugement n° 17/00002 du 19 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a accordé l'aggravation pour l'infirmité " syndrome fémoro-patellaire du genou droit. Gêne fonctionnelle douloureuse " en portant le taux de 15% à 30% et a rejeté le surplus de la requête de M. C.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 28 novembre 2018. Par cette requête, et un mémoire enregistré le 17 décembre 2020, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la Cour : 1°) à titre principal, de réformer ce jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 19 novembre 2018 ; 2°) de lui concéder une pension militaire d'invalidité en raison de l'aggravation de l'infirmité de son genou gauche ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; 4°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que le tribunal a porté une appréciation manifestement erronée sur les éléments médicaux de son dossier notamment au regard des conclusions expertales du docteur Arrighi et de celles du docteur Miniconi. Par deux mémoires en défense enregistrés le 11 avril 2019 et le 25 janvier 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de M. C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 28 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 février 2021 à 12 heures. M. C... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 1er juin 1963, a été incorporé le 1er février 1989 et a été rayé des contrôles le 1er février 1990. En 1985, avant son entrée en service militaire, et à la suite d'un accident de sport, il a subi une opération le 14 décembre 1987 pour une réinsertion du ménisque postéro interne, une plastie du ligament latéral interne et une ligamentoplastie du ligament croisé antérieur droit. Le 14 juin 1989, il a été victime d'un accident lors d'une séance de sport reconnu imputable au service pour lequel il lui a été concédé le 11 août 1992 une pension définitive au titre de l'infirmité " syndrome fémoro-patellaire du genou droit ; Gêne fonctionnelle douloureuse " au taux de 15%, les séquelles étant évaluées à 25% dont 10% imputables à l'état antérieur au service. Par une demande enregistrée le 21 décembre 2015, M. C... a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité pensionnée et la prise en compte d'une infirmité nouvelle à savoir " gonalgies gauches. Gonarthrose débutante, hydarthrose, limitation de la flexion, dérobement ". Par une décision du 23 novembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Par un jugement du 4 juin 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse, avant dire droit, a ordonné une expertise médicale, confiée au docteur Filippi. M. C... fait appel du jugement du 19 novembre 2018, par lequel le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse lui a accordé l'aggravation de l'infirmité " syndrome fémoro-patellaire du genou droit. Gêne fonctionnelle douloureuse " en portant le taux initial de 15% à 30% (40% dont 10% antérieur), et a rejeté le surplus de sa requête, en tant que ce jugement rejette sa demande relative à l'infirmité nouvelle portant sur le genou gauche. Sur la révision de la pension : 2. D'une part, il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de pension, que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 22 juin 2016, que s'agissant des gonalgies à gauche, le docteur Arrighi, expert mandaté par l'administration, note qu'il existe une relation directe et certaine entre le traumatisme initial et les lésions actuelles. Il propose un taux d'invalidité de 10%. Cette analyse a été confirmée par l'avis du 21 juillet 2016 du médecin chargé des pensions militaire d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commissions de réforme sur le droit à pension d'invalidité, lequel fait état d'une hyper sollicitation en relation avec l'infirmité du genou droit. Cependant, le 21 octobre 2016, la commission consultative médicale a rendu un avis selon lequel, si l'aggravation de l'infirmité droite est justifiée, il reste que l'origine de la pathologie du genou gauche est en lien avec l'âge de M. C... et avec une anomalie constitutionnelle de type genu varum qui se traduit par des manifestations arthrosiques. Il s'en déduit que la gonalgie gauche n'est pas imputable au service par défaut de preuve et de présomption ce qui a conduit le ministre de la défense, par la décision du 23 novembre 2016, à retenir que, pour la gonarthrose gauche débutante, la preuve d'imputabilité au service n'était pas établie, ce que conteste M. C.... 5. L'expert Filippi désigné par jugement avant dire droit du 4 juin 2018 du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse qui s'estimait insuffisamment informé par les contradictions médicales, a rendu l'avis du 18 juillet 2018 selon lequel l'examen clinique du genou gauche et les radiographies sont normales et qu'il n'existe ni hydarthrose ni amyotrophie ni limitation des amplitudes articulaires. Il conclut que n'est établi aucun lien de causalité indirect entre l'état du genou gauche et l'accident de service de 1989. Ces conclusions très claires et fondées sur une radio contemporaine de l'expertise, ne sont pas sérieusement remises en cause par le certificat versé au dossier par M. C..., du docteur Miniconi, qui fait d'ailleurs état comme l'indiquait le président de la commission consultative médicale, d'une anomalie de type genu varum dont l'origine est discutée. Dans ces conditions, le caractère certain et déterminant de la relation de causalité entre l'accident de service et l'infirmité nouvelle du genou gauche ne peut être regardé comme établi et cette infirmité ne saurait donc ouvrir droit à pension. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté sa demande de pension pour l'infirmité nouvelle du genou gauche. 6. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 19 novembre 2018 qui rejette sa requête contre la décision du ministre de la défense du 23 novembre 2016. 7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la requête d'appel de M. C... doit être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux dépens de l'instance, lesquels d'ailleurs ont été mis à la charge de l'Etat par les premiers juges. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. B..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021. N° 19MA05129 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 9ème chambre, 26/05/2021, 434439, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Madame C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 16 mars 2018 par laquelle la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a retenu un taux d'invalidité en lien avec le service de 8 % et d'autre part, d'enjoindre à la caisse de lui accorder une rente d'invalidité en retenant un taux d'invalidité imputable au service de 10 %. Par un jugement n° 1803132 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 9 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de renvoyer l'affaire au tribunal ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... .................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Luc Prévoteau, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de Mme A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., aide-soignante au sein de Hôpitaux Drôme-Nord, a été victime d'un accident de service au genou le 28 février 2008. Elle a ensuite subi un nouvel accident de service en février 2012 à l'origine d'un nouvel épisode douloureux au genou droit. Par une décision du 30 décembre 2013, le centre hospitalier Drôme-Nord a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 8 %. Par un jugement du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de Mme B..., annulé cette décision et enjoint au directeur des hôpitaux Drôme-Nord de réexaminer sa situation. Le 3 octobre 2017, la commission de réforme du département de la Drôme, saisie par le directeur des hôpitaux Drôme-Nord en exécution du jugement du 14 mars 2017, a estimé de nouveau à 8% le taux d'invalidité imputable au service. Par une décision du 26 octobre 2017, la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a attribué une rente à Mme B..., radiée des cadres pour invalidité le 1er septembre 2017, au taux de 8%, sur la base de l'avis de la commission de réforme du 3 octobre 2017. Par courrier du 16 mars 2018, la CNRACL a rejeté la demande de Mme B... tendant à la révision de ce taux. Mme B... demande l'annulation du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 mars 2018 et à ce que la CNRACL soit enjointe à lui accorder une pension d'invalidité au taux de 10 %. 2. En premier lieu, il ressort de la demande présentée au tribunal que Mme B... se bornait, pour contester la régularité de la procédure, à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, selon lequel le fonctionnaire doit être informé de la date de la séance au cours de laquelle son dossier sera examiné par la commission de réforme et de la possibilité qui lui est offerte de demander la communication de son dossier et d'être entendu par la commission ou de faire entendre le médecin ou une personne de son choix. Par suite, les moyens tirés de ce que le tribunal aurait, d'une part, omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que la requérante n'aurait pas été informée de sa faculté d'être assistée ou d'être représentée par un avocat, et d'autre part, méconnu la portée de ses écritures en affirmant qu'elle ne précisait pas la nature des irrégularités reprochées à l'avis de la commission de réforme du 3 octobre 2017, ne peuvent qu'être écartés. 3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement définitif du 14 mars 2017, annulé la décision du 30 décembre 2013 du centre hospitalier Drôme-Nord fixant le taux d'incapacité permanente partielle de Mme B... à 8 % et enjoint à son directeur de réexaminer la situation de celle-ci au motif qu' " il ne ressort[ait] pas des pièces du dossier que les séquelles de Mme B... auraient évolué favorablement à la suite du nouvel accident de service dont elle a[vait] été victime le 23 février 2012 ; qu'il suit de là qu'en réduisant à 8 % son taux d'IPP, le directeur des Hôpitaux Drôme Nord a entaché sa décision d'erreur d'appréciation ". Ce jugement, qui a annulé une décision de l'autorité hiérarchique de Mme B... durant sa période d'activité, était sans incidence sur la détermination du taux de la rente d'invalidité servie par la CNRACL à Mme B... après sa radiation des cadres, nonobstant la circonstance que la caisse ait décidé, pour apprécier le taux d'invalidité de l'intéressée, de se fonder sur l'avis du 3 octobre 2017 de la commission de réforme réunie à la demande du directeur des hôpitaux de Drôme-Nord, dans le cadre du réexamen de la situation de Mme B..., en exécution du jugement du 14 mars 2017, et retenu le même taux de 8 % pour le versement de la pension d'invalidité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, qui implique une identité de cause, d'objet et de parties, ne peut qu'être écarté. 4. En dernier lieu, le tribunal n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en affirmant que l'insuffisance du taux de 8% ne résultait pas de l'instruction. 5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Son pourvoi doit par suite être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... et à la Caisse des dépôts et consignations. ECLI:FR:CECHS:2021:434439.20210526
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 23/04/2021, 19MA00787, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 282 618,75 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime, ainsi que d'enjoindre à la ministre des armées de procéder au versement de cette somme sous astreinte de 60 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1602303 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 13 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2016, sous déduction du montant de l'indemnité versée à titre de provision en exécution de l'ordonnance du juge des référés en date du 16 juin 2016 du même tribunal, a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2019 et le 1er août 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 décembre 2018 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 265 268,75 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de procéder au versement de cette somme à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 60 euros par jour de retard. 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a déduit de la somme qu'il a condamné l'Etat à lui verser celle allouée à titre de provision par le juge des référés ; - le tribunal administratif n'a pas condamné l'Etat à réparer l'intégralité de son préjudice qui doit prendre en compte l'incidence professionnelle de la faute commise par l'Etat à hauteur de 200 000 euros, le déficit fonctionnel temporaire évalué à 6 478,75 euros, le déficit fonctionnel permanent évalué à 28 050 euros, le préjudice résultant des souffrances physiques évalué à 10 600 euros, le préjudice d'agrément évalué à 10 000 euros, le préjudice esthétique temporaire évalué à 7 500 euros, le préjudice esthétique permanent évalué à 10 000 euros, le préjudice moral évalué à 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., second maître de la marine nationale, spécialiste d'atelier naval, embarqué à bord du navire militaire le " Jules Verne ", a été blessé à la jambe droite après avoir percuté le 13 août 2005 un élément métallique. A la suite de cet accident, l'état clinique de sa jambe droite a évolué défavorablement avec l'absence de cicatrisation et l'apparition d'un oedème majeur. En août 2007, il a été victime d'une phlébite profonde. Depuis son accident, l'intéressé présente des séquelles cutanées accompagnées d'ulcérations récidivantes et des douleurs au mollet droit. M. D... a obtenu le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % par jugement du 12 février 2015 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille. Il a également présenté le 6 janvier 2016 une demande d'indemnisation des préjudices subis, qui a été rejetée implicitement d'abord par la ministre des armées, puis par la commission de recours des militaires. Tenant compte de la pension d'invalidité servie à l'intéressé, le tribunal administratif de Toulon, saisi par M. D..., a, par un jugement du 20 décembre 2018, condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 13 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant pour lui de cet accident sous déduction du montant de l'indemnité versée à titre de provision en exécution d'une ordonnance du juge des référés du 16 juin 2016 du même tribunal et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. D... relève appel de ce jugement et demande que le montant de l'indemnité soit porté à la somme de 265 268,75 euros. Sur la responsabilité de l'Etat : 2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pension ainsi que des prestations de la sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 3. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 5. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 16 octobre 2015 du docteur Ripert, que M. D... a été soigné de manière inadéquate à compter du 18 août 2005 par le médecin de bord jusqu'au 28 septembre 2005, date à laquelle le service de dermatologie de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne lui a prescrit un traitement adapté à son état. Ainsi que cela ressort de ce rapport, le retard important à la mise en place de soins adaptés à l'état antérieur de l'intéressé (thrombophilie et insuffisance veineuse chronique) est responsable d'une longue évolution clinique et des séquelles dont est atteint le requérant, consistant notamment en un ulcère variqueux accompagné d'une thrombose veineuse. Ce retard, au demeurant non contesté par la ministre des armées, est constitutif d'une faute de l'Etat dans le fonctionnement du service de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. D.... Sur l'indemnisation des préjudices : 6. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. 7. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. En outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans une faute de l'Etat, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. En ce qui concerne les préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à M. D... n'a pas pour objet de réparer : 8. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise ordonné par le tribunal administratif, que le requérant a subi un préjudice esthétique permanent évalué à 3 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert, en lien avec une dermite ocre, des cicatrices et des ulcérations récidivantes associées à l'obligation du port de contention veineuse multicouche. Le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à l'intéressé une somme de 4 000 euros à ce titre. Si M. D... sollicite une réparation au titre de son préjudice esthétique temporaire, un tel préjudice n'a pas été retenu par l'expert. Les conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice doivent dès lors être rejetées. 9. En deuxième lieu, M. D... a enduré des souffrances physiques évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 1 à 7, en lien avec la durée des soins cutanés et les manifestations douloureuses. En outre, il a subi un préjudice moral. Il y a lieu d'allouer à M. D..., comme l'ont fait les premiers juges, une somme globale de 8 000 euros à ce titre. 10. En troisième lieu, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il ressort du rapport d'expertise précité que l'état antérieur de M. D..., qui nécessitait la prise d'un traitement anticoagulant, n'était pas compatible avec la pratique de sports tels que le rugby. Au demeurant, le requérant ne conteste pas cette appréciation portée par les premiers juges. Il n'y pas lieu, par suite, de retenir un préjudice d'agrément en raison de l'impossibilité alléguée de se livrer à cette activité sportive. En revanche, le port de la contention de la jambe droite rend difficile la fréquentation d'une plage l'été. Le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice d'agrément en résultant en l'évaluant à la somme de 1 000 euros. 11. Il résulte de ce qui précède que le montant des préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à M. D... n'a pas pour objet de réparer doit être évalué à la somme de 13 000 euros. En ce qui concerne les préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à M. D... a pour objet de réparer : 12. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 16 octobre 2015, qu'en raison des séquelles dont il reste atteint, M. D... a dû cesser d'exercer son métier de spécialiste d'atelier naval et n'est plus apte au service à la mer ou outre-mer, ne pouvant plus désormais qu'exercer des activités administratives. En revanche, ces séquelles n'ont pas fait obstacle à sa promotion, ainsi qu'en atteste sa promotion au grade de maître le 1er août 2014. Par ailleurs, si l'intéressé n'a pu obtenir le brevet supérieur de sa spécialité, cette circonstance ne trouve pas son origine dans l'accident de service dont il a été victime. Toutefois, en estimant, au vu de ces circonstances, que la privation de l'exercice de ses fonctions antérieures lui ouvrait le droit à réparation au titre de l'incidence professionnelle de la faute commise par l'Etat et lui en allouant, à ce titre, une indemnité de 10 000 euros, les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. Compte tenu de l'âge de l'intéressé et de la nature ainsi que de l'ampleur de son incapacité, il y a lieu de l'évaluer à 30 000 euros. 13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. D... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire de 25 % pendant 2 ans, 10 mois et 15 jours. En allouant à ce titre une somme de 3 450 euros à M. D..., les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice. 14. En troisième lieu, M. D..., âgé de 33 ans à la date de la consolidation de son état de santé le 28 juin 2008, subit un déficit fonctionnel permanent au taux de 15 %, en lien avec la faute commise par l'Etat. Il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une indemnité de 22 000 euros à ce titre. 15. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que M. D... s'est vu attribuer une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % dont le montant annuel est de 2 004,48 euros. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de convertir ce montant annuel en un capital et pour procéder à cette conversion de retenir, comme le demande la ministre des armées, le barème de capitalisation des rentes viagères, millésime 2016, établi selon les tables de mortalité de l'INSEE de la population générale 2006-2008 et publié à la Gazette du Palais. Sur la base de ces éléments rapportés à une victime de sexe masculin âgée de 33 ans à la date de consolidation à laquelle, en l'état du dossier, il y a lieu de se placer, le coefficient de capitalisation s'élève à 35,232. Il en résulte que le montant capitalisé de la pension militaire d'invalidité de M. D... s'élève à 70 621,84 euros. Si celui-ci peut prétendre à une indemnisation à hauteur de 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 3 450 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, et de 22 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, le total de ces sommes est inférieur au montant du capital représentatif de la pension militaire d'invalidité versée. Dans ces circonstances, les préjudices nés d'une incidence professionnelle et du déficit fonctionnel temporaire et permanent ne sauraient donner lieu à une indemnisation complémentaire. 16. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif a limité à 13 000 euros le montant de la réparation de ses préjudices. 17. Lorsque le juge du fond est saisi d'une demande de fixation définitive du montant de sa dette par une personne à qui le juge des référés a alloué une provision, il est tenu de fixer ce montant sous déduction de la provision accordée. Il résulte de l'instruction que le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a, par une ordonnance en date du 16 juin 2016, alloué à M. D... la somme de 17 350 euros à titre de provision. Il incombe aux différentes autorités administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences respectives, les mesures qu'implique l'exécution des décisions de justice et en l'espèce il n'est ni soutenu ni même allégué que l'Etat n'aurait pas versé à M. D... la provision allouée par le juge des référés en exécution de l'ordonnance du 16 juin 2016. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la somme qui lui a été allouée à titre de provision par le juge des référés ne pouvait pas être imputée sur la somme susmentionnée de 13 000 euros correspondant au montant de ses préjudices indemnisables. 18. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, où siégeaient : - M. Pocheron, président de chambre, - M. A..., président assesseur, - M. Coutier, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021. 2 N° 19MA00787 nl
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05136, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 29 mars 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour traumatismes des deux épaules. Par un jugement n° 16/00030 du 15 janvier 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté la demande de M. D.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. D..., enregistrée à son greffe le 12 mars 2018. Par cette requête, M. B... D..., représenté par Me C..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 15 janvier 2018 ; 2°) d'annuler la décision du 29 mars 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ; 3°) de reconnaître son droit à pension au titre de son infirmité ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale. Il soutient que les traumatismes des deux épaules dont il souffre sont imputables au service en raison de deux accidents du 17 mars 2010 et du 3 janvier 2011, et dont le taux d'invalidité pour l'épaule gauche est de 20% et de 25% pour l'épaule droite. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, notamment son article 8 ; - le décret du 29 mai 1919 modifié déterminant les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité en vue de la concession des pensions accordées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né le 20 janvier 1970, a, le 30 janvier 2012, demandé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de deux infirmités, " séquelles de traumatisme de l'épaule droite : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes, radiographies : calcification du sus-épineux ", et " séquelles de traumatisme de l'épaule gauche avec périarthrite calcifiante opérée : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes ". Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 29 mars 2016. M. D... fait appel du jugement du 15 janvier 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté sa demande dirigée contre cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, devenu l'article L. 121-1 au même code : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 2 du code précité que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, l'intéressé doit rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité direct, certain et déterminant entre l'affection qu'il invoque et un ou des faits précis ou circonstances particulières de service. Cette preuve ne saurait résulter ni de vraisemblances ou d'hypothèses médicales, ni d'une concomitance avec le service. 3. Pour rejeter la demande de pension militaire d'invalidité de M. D..., la décision ministérielle du 29 mars 2016 retient que la preuve de l'imputabilité au service des accidents du 17 mars 2010 et du 3 janvier 2011 n'est pas établie, en l'absence de fait de service régulièrement constaté, alors que les taux des infirmités invoquées, tels qu'ils résultent de l'expertise du docteur Arrighi du 21 octobre 2015, s'élèvent pour l'infirmité de l'épaule gauche à 20% et pour celle de l'épaule droite à 25%, et ne sont pas sérieusement contestés. 4. D'une part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réorganisation des administrations militaires et de la création des GSBdD au 1er janvier 2011, les déclarations d'accidents et le traitement des dossiers de M. D... étaient compliqués, puisqu'il a relevé lors de son affectation en Corse, de son bataillon, puis du 2ème Régiment étranger de parachutistes puis du GSBdD. Ainsi, le médecin chef Brethenoux atteste le 5 décembre 2011 qu'il n'est pas en possession du registre des consultations de M. D.... En outre, la ministre fait valoir que l'accident du 17 mars 2010 allégué par le caporal-chef D... n'est pas mentionné sur le registre des consultations médicales alors qu'il a consulté à cette date au titre de la visite annuelle systématique des personnels. Il est cependant constant que dès lors que cette visite s'est déroulée le matin à jeun, il ne pouvait être fait mention d'un accident du même jour sur ledit registre, lequel a été complété a posteriori de la mention " accident constaté dans dossier médical ". En outre, il n'est pas contesté par l'administration qu'à la suite d'une consultation du 26 avril 2010, M. D... a été arrêté jusqu'au 9 mai 2010 par le docteur Jacquemin, médecin adjoint de la région de gendarmerie de Corse. Par ailleurs, le caporal-chef Luporsi, témoin de l'accident, atteste de la matérialité des faits qui se sont passés lors d'un déménagement par les caporaux chefs D..., Laffont et lui-même, de même que le major Sisti, responsable du déménagement, témoigne le 15 juillet 2016 de l'accident en indiquant que M. D... " ne pensait sur l'instant qu'à une simple tendinite ". Le rapport du capitaine Borde du 8 décembre 2011, établi sur la foi du témoignage du caporal-chef Luporsi, régularisant la prise en compte de l'accident du 17 mars 2010, est contresigné par le médecin en chef Brethenoux, responsable de l'antenne médicale d'Ajaccio. En 2012, le colonel Plessy, signe l'extrait du registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service, qui fait mention du traumatisme des deux épaules de M. D... établi sur la base du rapport circonstancié du capitaine Borde du 8 décembre 2011 et du certificat médical de constatations rédigé le 17 mars 2010 par le docteur Jacquemin. Enfin, de manière constante, les comptes rendus de consultation dans divers services médicaux tels celui du docteur Malissard (27 septembre 2011), du docteur Trappier (8 février 2012) ou du docteur Luciani (18 juin 2014) font expressément référence à l'accident de service du 17 mars 2010. Dans ces conditions, compte-tenu de ces nombreuses pièces du dossier concordantes, M. D... doit être regardé comme apportant la preuve de l'imputabilité au service de l'accident du 17 mars 2010 survenu alors qu'il procédait au déménagement d'armoires fortes dont l'une d'elles en glissant des escaliers est venue freiner sa course sur ses deux épaules. 5. D'autre part, il résulte également de l'instruction, qu'un certificat du 7 avril 2011 établi par le médecin militaire adjoint de la région de gendarmerie de Corse indique, au vu du livret médical, que l'intéressé présente " depuis un an des douleurs des deux épaules suite à un déménagement du troisième étage de la citadelle. A ce jour, son état de santé nécessite encore des soins. En conséquence, estimons que l'intéressé peut bénéficier de l'établissement d'un rapport circonstancié avant inscription au registre des constatations. ". Les rapports circonstanciés du capitaine Borde du 14 octobre 2011, du colonel Boneton du 8 février 2012 et le registre des constatations du 10 janvier 2012 établissent que l'intéressé a consulté à l'infirmerie le 3 janvier 2011, date des travaux d'espaces verts qu'il a effectués, et qu'il a déclaré des douleurs aux deux épaules. M. D... a été opéré de l'épaule gauche le 31 octobre 2011. Ainsi, même si le livret médical de M. D... mentionne à la date du 3 janvier 2011 une consultation auprès du docteur Caubet, médecin adjoint de la région de gendarmerie de Corse, qui décrit des douleurs des deux épaules évoluant depuis avril 2010, et une rechute suite au port de plusieurs extincteurs et même si ce médecin indique également que l'intéressé n'a pas consulté immédiatement, M. D... doit être regardé comme apportant la preuve de l'imputabilité au service de l'accident du 3 janvier 2011, survenu alors qu'il effectuait un entretien d'espaces verts sur un massif en pierres et qu'il a ressenti de vives douleurs aux épaules. Au demeurant, dès lors que M. D... établit que le fait de service du 17 mars 2010 qui porte sur ses deux épaules est à l'origine de ses infirmités, ce seul évènement, avec lequel l'accident du 3 janvier 2011 est en cohérence suffit à lui ouvrir droit à la concession d'une pension militaire d'invalidité. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par le requérant, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que la ministre des armées a refusé de lui accorder une concession de pension militaire d'invalidité au titre des traumatismes de ses deux épaules avec un taux d'invalidité de 20% pour l'épaule gauche et de 25% pour l'épaule droite. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Haute-Corse a rejeté sa demande. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 16/00030 du 15 janvier 2018 du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse est annulé. Article 2 : La décision du 29 mars 2016 du ministre de la défense qui refuse d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. D... au titre de deux infirmités, " séquelles de traumatisme de l'épaule droite : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes, radiographies : calcification du sus-épineux ", et " séquelles de traumatisme de l'épaule gauche avec périarthrite calcifiante opérée : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes ", est annulée. Article 3 : M. D... a droit, à compter du 30 janvier 2012, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'épaule droite : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes, radiographies : calcification du sus-épineux " au taux de 25%, et au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'épaule gauche avec périarthrite calcifiante opérée : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes " au taux de 20%. Article 4 : Le surplus de la requête de M. D... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021. N° 19MA05136 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05140, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 28 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " psycho-syndrome post-traumatique ". Par un jugement n° 17/00003 du 19 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté la requête de M. C.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 4 décembre 2018. Par cette requête, et un mémoire enregistré le 18 décembre 2020, M. D... C..., représenté par Me Eon, demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 19 novembre 2018 ; 2°) de lui concéder une pension militaire d'invalidité en raison de l'aggravation de l'infirmité " psycho-syndrome post-traumatique " au taux de 100% ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; 4°) et de mettre les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que les trois experts désignés par l'administration ont reconnu l'aggravation de son infirmité de " psycho-syndrome post-traumatique " ; le tribunal a porté une appréciation manifestement erronée sur les éléments médicaux de son dossier notamment au regard des conclusions expertales du docteur Casta le Bigot. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 avril 2019 et le 12 février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de M. C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 16 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2021 à 12 heures. M. C... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Ury, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 25 août 1936, a été militaire de carrière du 1er novembre 1956 au 9 septembre 1986, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. A la suite de l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires de Bastia du 21 janvier 2003, il s'est vu concéder une pension militaire définitive à compter du 25 avril 2005 au taux de 100% assortie de l'allocation grand invalide (4/7) au titre des quatre infirmités qui sont les suivantes : psycho-syndrome post-traumatique au taux d'invalidité de 80%, séquelles de fracture de la jambe droite avec troubles trophiques au taux d'invalidité de 55%, troubles névritiques au taux d'invalidité de 10%, et troubles statiques vertébraux lombaires douloureux, inflexion lombaire droite avec bascule du bassin au taux d'invalidité de 50%+10. Il fait appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté sa requête contre la décision du 28 novembre 2016 du ministre de la défense qui a refusé faire droit à sa demande de révision de sa pension enregistrée le 14 avril 2015, pour aggravation de son syndrome post-traumatique à hauteur de 100%. Sur la révision de la pension : 2. Premièrement, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. C..., devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Et en vertu des dispositions de l'article L. 6 du même code l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision, soit, en l'espèce, entre le 25 avril 2005 et le 14 avril 2015. 3. Deuxièmement, aux termes de l'article L. 9 de ce même code : " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. / Pour l'application du présent article, un décret (...), détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. / (...) ". L'article L. 10 précise que " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". 4. Troisièmement, aux termes du guide barème annexé au décret du 10 janvier 1992 précité : Chapitre III Indemnisation : " L'attribution des pourcentages d'invalidité en matière de troubles psychiques présente d'importantes difficultés de mesure. En général, il est possible de quantifier (par des échelles à intervalles ou ordinales relativement rigoureuses) un degré d'invalidité dans le domaine somatobiologique proprement dit où l'expert s'appuie sur la notion d'intégrité physique (anatomique, physiologique et fonctionnelle). (...). En matière de troubles psychiques, ces pourcentages seront utilisés comme un code. Les éléments de celui-ci constituent une échelle nominale, dont les différents termes reçoivent à la fois une définition précise et explicite, s'appuyant sur des critères simples et généraux définissant le niveau d'altération du fonctionnement existentiel. Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : - absence de troubles décelables : 0 p. 100; - troubles légers : 20 p. 100; - troubles modérés : 40 p. 100; - troubles intenses : 60 p. 100; - troubles très intenses : 80 p. 100; - déstructuration psychique totale avec perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société : 100 p. 100 ". 5. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des certificats médicaux du 10 mars 2015 du docteur Casanova, psychiatre, et du 31 mars 2015 du docteur Ducommun, psychiatre, que la psycho-névrose de guerre de M. C... connait une détérioration progressive liée notamment à une grande souffrance morale. D'autre part, le rapport du 17 décembre 2015 du docteur Raptelet, expert mandaté par l'administration, et non du docteur Costa Le Bigot comme indiqué par erreur dans les écritures du requérant et dans le jugement attaqué, mentionne qu'il existe une perte de toute capacité existentielle propre de l'intéressé nécessitant un soutien familial permanent, notamment en raison de ce que son " humeur est affaissée avec rumination morbide et tendance au repli et à la fuite des contacts sociaux, se réfugiant dans sa chambre, luttant pour dormir le plus tard possible pour ne pas être assailli par les images qui ressurgissent ". Cet expert indique qu'il existe à la date de la demande d'aggravation du 14 avril 2015, une aggravation de l'invalidité de 20%, soit un passage du taux de 80% à un taux de 100%. Par ailleurs, il est constant que M. C... suit un traitement médicamenteux sévère. 6. D'autre part, il résulte des termes du guide barème cité au point 4 que le taux d'invalidité de 100% accordé en cas de destruction psychique totale correspond à la perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société. 7. En l'espèce, il est constant que M. C... ne fait l'objet d'aucune mesure de sauvegarde par voie judiciaire, qu'il s'est déplacé pour l'expertise et qu'il a répondu à l'expert. Ainsi, comme l'indique le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité à la sous-direction des pensions, le taux de 100% proposé par l'expert ne peut pas correspondre à l'état de l'intéressé. Au surplus, aucun élément probant ne permet de contredire la thèse de l'administration selon laquelle l'examen clinique, les traitements dispensés et les séquelles ne sont pas de nature à établir une nette différence, supérieure à 10% avec l'appréciation portée lors des précédentes expertises et qui avait abouti à un taux de 80%, taux correspondant déjà à des troubles très sévères. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a retenu que l'infirmité de psycho-syndrome post-traumatique au taux d'invalidité de 80% ne s'était pas aggravée à hauteur de 20%. 8. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée par le requérant, qu'il n'est pas établi que l'infirmité pensionnée aurait connu une aggravation de nature à ouvrir droit, à son profit à une révision de sa pension d'invalidité au taux de 100%. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 19 novembre 2018 qui rejette sa requête contre la décision du ministre de la défense du 28 novembre 2016. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021. N° 19MA05140 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05134, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des trois infirmités " séquelles de pleurésies séro-fibrineuse avec insuffisance respiratoire et distension emphysémateuse gauche, fibrose du poumon droit (65%) ", " retentissement cardiaque, en relation certaine, directe et déterminante avec l'infirmité n°1 (20%) ", et " laryngite catarrhale chronique, en relation certaine, directe et déterminante avec l'infirmité n°1 (10%)". Par un jugement n° 17/00014 du 4 juin 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté la requête la requête de M. B.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe le 17 juillet 2018. Par cette requête, et un mémoire enregistré le 7 juin 2019, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Bastia du 4 juin 2018 ; 2°) d'ordonner une expertise. Il soutient que sa requête est recevable, qu'il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un conseil en première instance alors qu'il avait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle, et que l'expertise réalisée par le docteur Colonna établit l'aggravation de son état de santé ; il y a lieu par suite pour la Cour d'ordonner une expertise médicale destinée à évaluer l'aggravation de son état de santé et à fixer le taux de son infirmité globale. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable, et à titre subsidiaire que les moyens de M. B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures. M. B... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bastia. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1266 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... né le 24 septembre 1946 a été incorporé le 4 novembre 1967 et rayé des contrôles le 11 octobre 1968. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée le 7 juin 2010 au taux global de 85% pour trois invalidités, à savoir une séquelle de pleurésie séro-fibrineuse avec insuffisance respiratoire et distension emphysémateuse gauche, fibrose du poumon droit (65%), un retentissement cardiaque (20% + 5) et une laryngite catarrhale chronique (10% + 10). Il fait appel du jugement du 4 juin 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté sa requête contre la décision du 26 janvier 2017 du ministre de la défense qui a refusé faire droit à sa demande de révision de sa pension du 24 juin 2013 pour aggravation de ses deux premières infirmités. Sur la régularité du jugement : 2. En vertu de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, l'instance est interrompue par une demande d'aide juridictionnelle régulièrement formée. En cas d'admission à l'aide juridictionnelle, l'instance ne recommence à courir que le jour où l'auxiliaire de justice est désigné. Il ressort de pièces du dossier que, par lettre enregistrée le 26 avril 2017 au greffe du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse, M. B... a contesté la décision de rejet du ministre de la défense du 26 janvier 2017. Le 22 février 2018, l'intéressé a déposé une demande d'aide juridictionnelle, qui a interrompu l'instance en cours. Sa demande d'aide juridictionnelle a été admise par une décision du 15 mars 2018, qui lui a été notifiée le 28 mars 2018. En conséquence, alors que sa requête a été appelée à l'audience le 19 mars 2018, M. B... a été irrégulièrement privé de l'assistance de l'avocat désigné par le bureau d'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, M. B... qui n'a pas bénéficié du soutien d'un conseil devant le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été irrégulièrement rendu et doit être annulé. 3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... dirigées contre la décision du 26 janvier 2017 du ministre de la défense qui a refusé faire droit à sa demande de révision de sa pension du 24 juin 2013 pour aggravation de ses deux premières infirmités. Sur la révision de la pension : 4. Premièrement, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de droit à pension ou d'aggravation d'une infirmité indemnisée, est examinée au regard des droits que l'intéressé tient à la date de sa demande d'indemnisation. 5. Deuxièmement, aux termes de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre: " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. / Pour l'application du présent article, un décret (...), détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. / (...) ". L'article L. 10 du même code précise que " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". 6. D'une part, il résulte de l'instruction que, s'agissant de la première infirmité, l'expertise du 24 février 2014 du docteur Quilichini, pneumo-phtisiologue mandaté par l'administration, indique que l'intéressé présente un état stationnaire et a maintenu le taux initial de 65%. S'agissant de l'affection cardiaque, le docteur Paravasini, cardiologue désigné par l'administration, certifie le 27 février 2014 qu'il n'a pas relevé d'aggravation de l'état du patient. D'autre part, pour contester ces avis médicaux, M. B... produit les résultats des examens pratiqués le 29 janvier 2019 par le docteur Colonna, pneumologue, qui indique une " insuffisance respiratoire mixte avec baisse des volumes et de la capacité pulmonaire totale (67%), baisse marquée de tous les débits et du VEMS (67%), aggravation progressive du déficit respiratoire depuis 2011 ". Ce faisant, le docteur Colonna, qui a examiné M. B... en 2019, soit 5 ans après la demande de pension du 24 juin 2013 de l'intéressé, et dont les conclusions médicales sont manifestement différentes des constatations opérées en 2014, n'a pas déterminé précisément la réalité et le contenu d'une éventuelle aggravation ainsi que le degré d'invalidité de l'infirmité en cause sur la santé de M. B... à la date de sa demande. Enfin, le certificat du docteur Suvigny, généraliste, en date du 27 juin 2013, qui se borne à faire état d'une nette détérioration de l'état de l'intéressé tant au niveau respiratoire que cardiaque, n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions des deux experts désignés par l'administration. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la décision attaquée a retenu que ses deux premières infirmités ne s'étaient pas aggravées à hauteur d'au moins 10% au moins du pourcentage antérieur, comme exigé par l'article L. 29 précité. 7. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée par le requérant et de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension. D É C I D E : Article 1er: Le jugement n° 17/00014 du 4 juin 2018 du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse est annulé. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B... et sa demande devant le tribunal sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021. N° 19MA05134 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05096, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 20 février 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de deux nouvelles infirmités. Par un jugement n° 17/00108 du 11 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a rejeté la demande de M. C.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 30 juillet 2019. Par cette requête, M. B... C..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 11 juillet 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 20 février 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de deux nouvelles infirmités ; 3°) d'ordonner une expertise médicale pour déterminer la situation exacte de son état de santé au regard du droit à pension militaire d'invalidité. Il soutient que l'expertise médicale du docteur Tallet est en contradiction avec celle du docteur Casabianca-Chickly. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret du 29 mai 1919 modifié déterminant les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité en vue de la concession des pensions accordées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 71-1129 du 3 décembre 1971 tendant à modifier le guide-barème des invalidités en matière de surdité pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 18 février 1976, a effectué son service militaire du 1er juin 1995 au 30 septembre 1996. Il s'est engagé le 16 décembre 1997 dans l'armée de l'air, a été placé en congé de longue maladie le 2 mai 2015 et a été rayé des contrôles de l'armée le 2 mai 2018 pour inaptitude physique au service, au grade de sergent. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité évaluée au taux de 50% pour trois infirmités, " séquelles de traumatisme de l'épaule gauche. Arthrose acromio-articulaire. Périarthrite scrapulo-humérale avec douleurs importantes et limitation de la mobilité " (20%), " séquelles de traumatisme du genou droit. Gonalgies mécaniques et posturales, raideur en flexion, tiroir et laxité interne, amyotrophie de la cuisse droite justifiant le retentissement fonctionnel " (15% + 5), et " séquelles de traumatisme du poignet droit chez un droitier avec douleur à la pression en regard de l'articulation du 3ème - 4ème rayon et à la flexion dorsale, déficit de 10° en flexion palmaire " (10% + 10). M. C... a notamment sollicité par demandes reçues le 23 mars 2015 la prise en compte de deux infirmités nouvelles, " séquelles de traumatisme du rachis cervical avec douleurs légères, extension - rotations - inclinaison douloureuse, flexion normale " et " séquelles de traumatisme du rachis dorso-lombaire avec douleurs entre les omoplates, lombalgies en barre avec radiculalgie, distance main-sol = 28 cm, Scöber = 10/18, rotations et inclinaisons latérales normales ". Il fait appel du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 11 juillet 2019 qui rejette sa demande contre la décision du 20 février 2017 du ministre de la défense qui fixe le taux de ses infirmités à hauteur de 50% et a rejeté sa demande au titre des deux nouvelles infirmités. Sur la révision de la pension : 2. Aux termes de l'article L. 29 des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Il résulte de l'instruction, que le docteur Casabianca-Chicly, médecin mandaté par l'administration, indique dans son rapport du 8 juillet 2016, d'une part, que l'infirmité " séquelles du traumatisme du rachis cervical " se caractérise par une raideur modérée et justifie un taux d'invalidité inférieur à 10%, tandis que l'infirmité " séquelles du traumatisme du rachis-dorsaux-lombaires " se traduit par des rotations et inclinaisons latérales normales, des rachialgies diffuses par contractures musculaires sans notion fracturale, une raideur très importante, et correspond à un taux d'invalidité de 10%. Le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a retenu le taux inférieur à 10% s'agissant de la première affection, mais a été en désaccord avec l'expert au motif que les rotations et inclinaisons latérales normales ne constituent pas une raideur importante. Le requérant se prévalait à l'appui de sa demande devant le tribunal d'un certificat du docteur Belzer, estimant le 5 septembre 2017 que la lombo-radiculalgie de M. C... ouvrait droit à indemnisation. Considérant que la fixation du taux des deux infirmités querellées était une question purement médicale et scientifique, par un jugement avant-dire droit du 12 avril 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a désigné le docteur Tallet pour effectuer une expertise médicale de l'état de santé de M. C.... 4. Il résulte des termes du rapport du 5 juillet 2018 du docteur Tallet, chirurgien orthopédique et traumatologique, que l'intéressé présente des séquelles d'un traumatisme du rachis cervical avec douleurs légères, extension-rotation-inclinaison douloureuse et des séquelles d'un traumatisme du rachis dorsolombaire avec douleurs entre les omoplates, lombalgies en barre sans radiculalgie, distance main-sol 30 cm, Schöber : 10 /18, que la gêne fonctionnelle liée à ces séquelles est qualifiée de minime, et que ces séquelles sont majorées par un contexte sinistrosique. Cet expert en tire la conclusion que l'ensemble des séquelles rachidiennes cervicales et dorsales de M. C... justifie, sur le plan orthopédique, et au regard du guide-barème des pensions militaires, un pourcentage d'invalidité inférieur à 10%. Ni le certificat du docteur Labrèze en date du 5 novembre 2018, ni celui du docteur Belzer, ne constituent des éléments probants permettant de remettre en cause l'appréciation par l'administration du taux des deux infirmités que M. C... demande de prendre en compte, fixé pour chacune d'elle en dessous du taux de 10% prévu par les dispositions précitées de l'article 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions militaires de Marseille a retenu que les deux infirmités nouvelles invoquées présentaient un taux inférieur à 10%. 5. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 11 juillet 2019 qui rejette sa requête contre la décision du 20 février 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de deux nouvelles infirmités. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021. N° 19MA05096 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 07/05/2021, 19PA04051, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de revalorisation du taux de sa pension militaire d'invalidité, s'agissant de l'infirmité "Sequelles de minime fracture tassement cunnéiforme de T 7 traitée orthopédiquement ". Par un jugement n° 17/00008 du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 27 décembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour: 1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) à titre principal d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 22 septembre 2016 , de condamner l'Etat à lui verser les arrérages de pension à compter du 2 avril 2014, les intérêts sur ses arrérages à compter du 3 avril 2017 et la capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2018 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale avant dire droit ; 4°) de metttre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier faute de motivation en droit ; - il est mal fondé car l'infirmité " Sequelles de minime fracture tassement cunnéiforme de T 7" justifiait une indemnisation de 10% au minimum selon le guide barême des pensions militaires d'invalidité. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... sont infondés. Par une décision du 31 décembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Baffray, rapporteur public, - et les observations de Me D... pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., militaire de carrière, major dans l'armée de l'air, a, par un arrêté du 10 septembre 2001, obtenu la concession à compter du 22 septembre 1998 d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %, pour des séquelles de luxation de l'épaule gauche, limitation douloureuse de l'abduction et de la rotation externes et séquelles de luxation récidivante de l'épaule gauche opérée. Le 2 avril 2014, il a sollicité la révision de cette pension, ou plus exactement l'octroi d'une pension pour des infirmités nouvelles consécutives à un accident de vélo survenu le 1er octobre 2013 lors d'activités sportives programmées et correspondant à une baisse de l'acuité auditive et à des séquelles d'un traumatisme crânien et d'une fracture tassement de la vertèbre T7. Sa demande a été rejetée par une décision du 22 septembre 2016 du ministre des armés estimant, conformément aux rapports médicaux et à l'avis de la commission de réforme, qu'aucune de ces nouvelles infirmités n'atteignait le seuil des 10 %. Il a alors saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris s'agissant uniquement de l'infirmité résultant de sa fracture vertébrale. Par un jugement du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Le jugement attaqué ne fait pas mention des textes qu'il applique, ni dans ses motifs, ni dans ses visas. M. A... est dès lors fondé à soutenir qu'il est entaché d'insuffisance de motivation, donc irrégulier, et doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A... présentée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Sur le taux d'invalidité : 4. Il résulte des dispositions de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre applicable au présent litige que le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5 et quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur du pourcentage attribué. Par ailleurs, l'article L. 29 du même code prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Enfin, en vertu de l'article L. 4 du même code une infirmité ou son aggravation, ne peut ouvrir droit à une pension ou à une révision de pension si le taux est inférieur au minimum requis de 10%. 5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale réalisée avant dire droit à la demande du tribunal par le docteur Carzon que la fracture de la 7e dorsale dont a été victime M. A... lors de sa chute de vélo le 1er octobre 2013, ne lui a laissé pour toute séquelles que des douleurs évaluées à 5%, ce que confirme l'expertise réalisée dans la cadre de l'instruction de sa demande de révision, et ne lui ouvre pas droit à l'octroi d'une pension au titre de cette blessure, en vertu des dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité alors en vigueur. M. A... critique le fait que cette évaluation a été faite au jour de l'expertise et non à la date de sa demande, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 6 de ce code, mais l'expertise relève aussi que M. A... a pu reprendre son activité professionnelle dès le mois de février 2014 et que la rééducation a cessé en avril 2014, soit au moment de sa demande, et ne note aucune évolution ensuite. En définitive, l'état de santé de M. A... à la date de l'expertise était le même qu'à la date de sa demande. Enfin, M. A... soutient que le guide barème des pensions militaires d'invalidité attribue automatiquement 10 % ou plus pour les " fractures et luxations latentes " de la colonne vertébrale " sans trouble aucun ou avec douleurs ". Toutefois, la fracture de la 7e dorsale dont il a été victime qui était consolidée à la date de sa demande, ne peut être qualifiée de " fracture latente ". Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant d'accéder à sa demande de révision de sa pension le ministre aurait entaché sa décision d' erreur d'appréciation. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de diligenter une nouvelle expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de la défense du 22 septembre 2016 et la condamnation de l'Etat à lui verser les arrérages de pension correspondants. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er: Le jugement n° 17/00008 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 16 avril 2021 à laquelle siégeaient : - Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. B..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2021. Le rapporteur, D. PAGES Le président, O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier, K. PETIT La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 19PA04051 2
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Paris